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Si vous voulez savoir la vérité, écoutez les fous - Lev

 :: Londres :: Centre de Londres :: ─ Soho.
Jeu 25 Avr 2024 - 13:13

13 Avril 2017

Une fois de nouveau assis à son bureau, Oliver tapote du bout de l’ongle son clavier sans réussir à détacher le regard de l’écran. La barre de chargement d’une vidéo uploadée sur youtube avance lentement de la gauche à la droite de son écran et une petite fenêtre blanche, dans le coin inférieur, l’informe de la transmission d’autres documents depuis l’un de ses disques durs externes. Quelque part sur la droite, le tintement familier d’une notification lui rappelle qu’il a entraînement crossfit de prévu avec un ami d’ici 15 min. Habitude prise depuis longtemps : qu’importe l’âge, Oliver a toujours eu la tendance nette à ne connaître que deux modes de fonctionnement : l’incapacité à se détacher d’une tâche ou l’impossibilité de s’y atteler.
D’un geste distrait, il appuie sur le bouton de son téléphone qui affiche l’alerte sans que le journaliste n’y pose le regard.

Il n’y est pas.
Il est même parfaitement ailleurs : devant l’entrée du commissariat de police. 182 Bishopsgate. Une façade froide de larges pierres grises. Deux lanternes encadrant un blason. Et la masse froide du bâtiment, davantage semblable à un blockhaus qu’à un poste de police.
Quand ces mots “Je comprends, merci. Navré de ne pas avoir aidé davantage, Beau’ était un bon ami. ” sonnaient encore dans sa cage thoracique et qu’à s’éloigner de la structure de briques froides, le journaliste s’est retourné en entendant des pas sur l’asphalte.
Attends, Nox ! ” John. L’un des traînes bitumes qui aspirent au poste d’inspecteur sans véritable chance d’y accéder. Un flic avec qui il a sympathisé lors de sa dernière arrestation, pris sur les lieux d’un meurtre de Pleine Lune, à saisir quelques clichés. Libéré ensuite par un autre inspecteur - Niall - qui arpente les lieux et qui fut, avant récemment, un ami. “Tu n’as vraiment rien sur l’affaire ? Berry est sur les dents. Il te laissera pas filer si tu caches quoi que ce soit...”

Contre le clavier, l’ongle loupe un battement et reprend son tempo.

“Berry peut bien se casser les dents : si j’avais quelque chose, je vous l’aurais dit. Tu bosses avec Niall non ? Tu sais comment je fonctionne. ”

En arrière de ses lèvres closes, Oliver refait la conversation. Il remonte à l’appel du matin, qui lui a appris la mort d’un ami et collègue.
Puis va plus loin, jusqu’aux quelques rencontres hostiles avec l’inspecteur Berry, persuadé de sa culpabilité dans une affaire précédente.
Sa mémoire l’amène plus loin alors, sur la scène déroulée sur les docks, à distance de Londres. Là où un affrontement a éclaté et tué un homme, Storn, sous ses yeux. A l’instant où il a fuit les balles puis s’est caché pour appeler Niall, qui est arrivé sur place avec la cavalerie. Quand ils se sont salués, puis que Niall l’a interrogé avant de se retirer de l’enquête estimant ne pas être totalement objectif avec un ami sur le banc des accusés.
Plus loin encore, quand il organisait la rixe et calculait les meilleurs options pour se débarrasser de Storn.

Le regard sombre porté sur l’écran, Oliver ne pèse plus sa culpabilité. Il ne tempère plus ses inquiétudes. L’enquête sur Storn est bouclée. Classée sans suite. Mais Berry, chargé du dossier, n’a pas caché ses suspicions.

- Restez en ville, qu’il dit… Maugréé Oliver sans se départir de toute la tension immobile qui crispe son organisme. “J’t’en foutrais des ‘restez en ville’…” D’un geste mécanique, il attrape le mug de café froid qui traîne sur le bureau depuis des heures et après quelques gorgées, ferme la page youtube et ouvre ses propres dossiers.
Plusieurs fois, son téléphone sonne. Plusieurs fois, Oliver l’arrête, toute son attention tournée vers l’écran et les dossiers qu’il ouvre en boucle.

Sous ses yeux, défilent les dossiers échangés avec “Beau’”. Beaunard de son vrai prénom, Namibien ayant immigré à Londres - ou Londonien ayant vécu en Namibie, Oliver n’a jamais vraiment bien compris - et véritable crack en informatique. Tous deux se sont rencontrés via un autre petit génie du clavier, quelques années plus tôt. Quatre ans qu’ils bossaient ensembles. Quatre ans durant lesquels Oliver appelait Beaunard successivement Beau ou Bob selon qu’il soit sérieux ou ait envie de le charrier. Quatre ans durant lesquels Beau se moquait de l’incapacité chronique de l’anglais à prononcer correctement “Beaunard”, raison d’être de chacun de ces sobriquets.
Quatre ans de dossiers, d’enquêtes, de rires et d’heures concentrées.
Quatre ans de petites piques amicales pour désigner la relation établie entre leur ami commun, Kahill. Tout à la fois amicale, professionnelle et charnelle.

Quatre ans qui lui sautent à la gueule au moment où Kahill justement, l’appelle et qu’enfin, Oliver se décide à décrocher. Il en distingue chacune des minutes dans la voix tremblante de son collègue et ami, sans doute bien plus proche de Beau qu’il ne l’a jamais été lui-même. C’est qu’à leur manière, les cracks en informatique semblent tous se connaître plus ou moins. Tout comme sa propre présence dans les milieux conspi et liés au surnaturel n’est un secret pour personne. Mais si boulot et perso se sont toujours mêlés entre eux, aujourd’hui est un jour différent.
Aujourd’hui devrait être un jour différent.

- Hey. Tu sais sur quoi il bossait ?
- Plus ou moins. On n’a pas parlé depuis.. J’en sais rien. Trois semaines peut-être ? Il t’a pas semblé bizarre à toi ? Je sais pas, tendu… distant ?
- pas spécialement non… Il devait venir ici le mois prochain. Sa sœur se marie dans le Colorado, il avait prévu de venir me voir…
Dans une crispation de la mâchoire, Oliver ferme les paupières. Inspire. Bloque.
- Et toi ? Rien qui sorte de l’ordinaire ?
- A part toi qui sort d’une affaire judiciaire et Beaunard qui se fait tuer tu veux dire ? Il fait pas bon de vivre à Londres, c’est surtout ça que je retiens.. ! Ton inspecteur là, Berry, c’est encore lui sur le dossier ou c’est ton pote qui s’en charge ?
- Berry.
- Merde.
- Ouais.

Et puis, après un moment :

- Je sais qu’il bossait sur des bandes vidéos. Tu sais comme ce que tu m’as filé il y a quelques mois. Il m’a demandé conseils. Les doigts d’Oliver se crispent sur son mug lorsqu’il rouvre les paupières.
- Tu sais de quoi il s’agissait ?
- Aucune idée, on a parlé technique pure.
Un claquement de langue agacé.
- Tu… en sais plus sur sa mort ?

Ouais. Ton pote s’est fait lacérer de haut en bas, par, je cite, “un objet particulièrement tranchant ne laissant aucune trace caractéristique d’une lame ou d’un instrument mécanique. Entailles anormalement profondes”…

- Nan, j’en sais rien, désolé Kahill.
- C’était un mec bien ; “Bob”.
Le rire s’étrangle entre les deux hommes et pour la première fois, Oliver laisse un sourire triste tordre ses lèvres.
- Ouais. C’était un chouette gars.

***


17 Avril 2017

Dans la serrure, le penne roule dans un cliquetis familier. Lorsqu’Oliver abaisse la poignée, le tambourin sous ses côtes gagne encore en intensité. Pourtant le battant de la porte bascule sans mal et quelques pas le séparent de l’appartement vide. Il inspire, bloque, puis passe sous la croix de rubalise qui interdit l’accès.
En silence, le journaliste range la clef dans sa poche et referme en douceur derrière lui. L’immeuble est trop vieux pour présenter la moindre camera surveillance et il doute que la police en ait posé dans les lieux, pourtant Oliver ne se défait pas de sa capuche. Une arme bien mince pour une situation dans laquelle il dépasse - encore - bien des limites. Pourtant en entrant dans le salon si familier, il ne lui semble pas avoir cette stature de cambrioleur qu’on lui prêterait sûrement. Tout est à la fois ordinaire ici et parfaitement anormal. Les traces de verre sur la table basse, la télécommande abandonnée sur un coussin du canapé, les tableaux accrochés au mur. La photographie dont il est l’auteur, offerte “comme ça” quand il bossaient sur un sujet et que Beau a fini par se perdre dans la contemplation des photo encore en train de sécher. Posée près du tourne-disque.
Qui a encore un tourne-disque ?
Et puisque la pensée lui serre d’un rien le cœur, Oliver s’en détourne pour voir ce qui ne pas pas. Le pli sur le tapis, un cadre de travers, et puis les balises jaunes qu’il découvre ici et là en fouillant l’appartement.
Naturellement, Oliver a attendu le délai nécessaire. La Crim’ est passée, les hommes en blanc aussi. Tout est au labo. S’il y a quelque chose à trouver ici, ils l’ont fait.

Mais ils cherchaient un Homme. Pas un sorcier.
Seul bémol … quelles traces laisserait un sorcier ?

Si vous voulez savoir la vérité, écoutez les fous.
Proverbe Africain

Avec déception, Oliver découvre sans surprise qu’ordinateur portable et tours ont disparu du bureau. Ne reste que les trois écrans. Inutiles. Rien de plus dans les tiroirs ou le petit meuble sous la fenêtre.
Sans se laisser démonter, le journaliste abaisse en douceur les volets de la petite pièce sombre et glisse une maglite entre ses dents avant de l’allumer et de se pencher sur les énormes placards qui continuent le mur arrière du bureau. Un genou au sol, il défait les dossiers les plus près du sol, pousse les jeux vidéos, écarte les cartons et s’affaire à tester chaque latte.
Ça a été évoqué un jour.
C’est là, quelque part.
Il y a forcément quelque chose à trouver.
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Oliver 'Callum' Nox
Oliver 'Callum' Nox
Oliver 'Callum' Nox
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Oliver 'Callum' Nox
Jeu 2 Mai 2024 - 12:47
A côté de la souris, un bol avait été abandonné. Des nouilles instantanées s'y étaient suffisamment momifiées pour retenir à la verticale les deux baguettes plantées dedans. Le repas, préparé à la hâte et avec négligence, paraissait avoir été tout aussi rapidement délaissé, et les rondelles d'oignon nouveau déshydratées avaient eu le temps de se fossiliser sur un dépôt amidonné dont la texture et la vue laissaient entendre que le respect de l'équilibre alimentaire n'était pas la priorité de son producteur, et encore moins de son consommateur. En dehors de la fenêtre à peine ouverte qui faisait remonter les bruits quotidiens d'une capitale en expansion permanente, l'on pouvait entendre le bruit d'un ventilateur d'ordinateur qui, selon le vrombissement, était en train de largement dépasser ses compétences. La température du processeur affichait un quatre-vingt-dix degrés constants depuis quelques minutes maintenant et Lev avait cessé son activité pour laisser à l'unité centrale le temps de faire sa tâche sans interruptions ni surcharge. Recroquevillé sur son fauteuil dans une position improbable, le visage coincé dans un maillage de doigts, il regardait les logs défiler sur le terminal, espérant qu'aucune erreur ne survienne. L'ordinateur avait déjà crashé deux fois à cause d'un problème de port et Lev avait dû le coucher sur le côté pour que la carte graphique de deux kilos et demi cesse de tordre les interfaces de la carte mère. Faire du traitement vidéo était un processus souvent gourmand, mais son matériel commençait aussi à atteindre ses limites. Avec la crise des composants électroniques, il avait hésité à racheter quoi que ce soit, parce que les vendeurs avaient tendance à cannibaliser les cartes électroniques, ou à refiler du seconde-main juste pour maintenir la cadence, mais l'évidence s'imposait doucement : il avait besoin de racheter une tour.

NaBo n'avait pas eu le temps de beaucoup s'attarder dessus, probablement à cause du temps conséquent que demandaient certains filtrages. La vidéo originale, demeurée sur le serveur distant, était inexploitable, mais des métadonnées, générées lors de manipulations vidéo, pullulaient çà et là dans le dossier d'export, sans l'export en lui-même. Lev en avait conclu que NaBo avait utilisé le serveur distanciel pour faire les calculs, mais avait gardé le résultat de ses traitements localement sur son propre ordinateur. Technique louable, les serveurs étaient souvent plus performants que tout ce qu'on pouvait avoir en matériel personnel, mais dangereuse : ce qui n'était pas chez soi pouvait se retrouver chez les autres. Les yeux de Lev s'abaissèrent vers un dossier sur son bureau, d'où dépassaient des photos : NaBo avait manqué de prudence et en avait payé le prix.  

Lev avait tenté de reconstituer les résultats de NaBo ; ceux à cause desquels il avait été tué. Plutôt que d'éprouver les méandres du deuil, il avait monopolisé son attention avec du travail, cherchant ce qui avait pu provoquer des représailles aussi sanglantes et définitives. A force de vivre dans un monde dématérialisé, les informaticiens se faisaient rarement assassiner, pourtant. Mais au fond, il ne pouvait pas prétendre être surpris. Ca devait forcément arriver un jour à quelqu’un. Maintenant, toute la question était de savoir pourquoi. Qu’avait-il mis en lumière de si sensible qu’on ait déployé autant d’efforts pour le trouver, et encore plus pour le tuer. Lev dégagea une main et fit glisser légèrement les photos en dehors de la pochette jusqu’à faire apparaître un abdomen presque fendu en deux. C’était comme une dent chancelante qu’il ne pouvait pas s’empêcher de toucher. La violence du geste le surprenait à chaque fois, mais il ne pouvait s’empêcher de conclure que seule la magie était capable d’une barbarie aussi spectaculaire. Un véritable paradoxe ! S’abstraire des règles de la science et de la logique devait permettre des raccourcis faciles, au lieu de créer une bouillie pareille. Les naturalistes n’avaient peut-être pas tort : tout ce qui allait contre les sciences était fondamentalement abominable.  

Soudain, le monitoring de la carte graphique fit un bond, la mémoire vive se satura pendant quelques secondes et l’écran s’éteignit. Le ventilateur tourna énergiquement un instant, puis s’arrêta après quelques tours paresseux, et le silence ce fut. Lev n’avait même pas eu le temps de réagir ; ça n’aurait eu aucun intérêt de toute façon.  

« Merde… merde, merde, merde, MERDE ! » s’énerva-t-il finalement en crescendo, se retenant de taper des poings sur le bureau de frustration.

Il ferma les yeux et y enfonça deux doigts jusqu’à commencer à voir des tâches lumineuses sur le revers de ses paupières. Il venait de perde cinq heures. Il avait déjà appris sa mort avec deux heures de retard et ne pouvait pas se permettre d’en perdre davantage. Il ne se donna plus la peine de ramper à quatre pattes sous le bureau pour triturer des câbles et réarranger le système de refroidissement : il s’était déjà voilé la face les deux premières fois et n’était pas assez stupide pour perpétrer indéfiniment la folie. Les performances du matériel ne suffisaient pas. NaBo... quel pseudonyme de merde quand même ! Très français, aussi. Lev avait fini par lui soutirer un aveu : c’était une contraction en verlan de Beaunard ; quelque chose qu’il lui avait confié autour d’une pinte, ne commettant pas l’erreur de l’écrire par clavier interposé. Mais alors, quelle erreur avait-il bien pu faire pour finir éventré ? L’erreur de la vérité pouvait-on dire.  

Dépité, Lev se retourna pour contempler son salon à la recherche d'une soudaine illumination. Il ne s'était pas préparé à ce qui l'attendait, bien que, à l'évidence, il vivait même dedans, mais c'était toujours différent de s'y confronter à travers les verres grossissants de plusieurs jours de travail acharné. L'appartement était rempli de matériel informatique, de bouteilles vides et de plats instantanés ; ils colonisaient toutes les surfaces planes : le comptoir de la cuisine, le dessus du frigo. Ce bordel s'entassait par dizaines sous la table qui lui servait de bureau, ne laissant qu'un petit espace pour les pieds ; les objets s'alignaient le long du mur, sur plus de trois mètres et parfois sur quatre rangées. L'air était humide, imprégné d'une odeur de pourriture. Et puis, des moucherons, qui planaient au-dessus des bouteilles, formant des nuées sombres au plafond, au-dessus de l'évier. Il y avait des vêtements qui traînaient dans tous les coins, par terre, sur les chaises, le canapé, le lit. Une bouteille pleine de Dewar's trônait sur la cuisinière. Il fallait croire qu'à défaut d'éprouver du chagrin, ce-dernier avait décidé d'envahir son lieu de vie.  

Une heure plus tard, il regardait pensivement les deux banderoles jaunes qui barraient l'appartement de NaBo, comme une croix tombale supplémentaire sur sa vie. Rapidement, il s'était douché, avait changé de vêtements et était parti avec une sacoche, son portable soigneusement glissé dedans. Après avoir emprunté à l'abri d'une capuche sans marques distinctives un dédale de lignes de bus contraires, Lev avait fini par atterrir ici, à contrecœur. Il n'aimait pas venir chez les gens : ca présageait la nécessité de tisser des liens, souvent handicapants. Venir dans l'appartement de la victime d'un meurtre était encore moins envisageable, et pourtant définitivement nécessaire. Mais rester dans le couloir à contempler la porte n'était pas particulièrement prudent non plus. Dans un geste soigné par une habitude qu'il n'aurait pas souhaité avoir, il enfila une paire de gants en latex et trouva une quelconque carte de fidélité dans sa poche pour contraindre cette vieille serrure à s'ouvrir d'un mouvement de l'évier.

Une fois la porte doucement close, Lev jeta un regard oblique et très vague sur l'intérieur : tout était presque trop bien rangé, loin du bordel qui régnait dans sa propre porcherie, ce qui était déconcertant. Sans considération aucune pour les souvenirs et l'identité de NaBo qui imprégnaient ces murs, le russe cartographia méthodiquement les lieux. Il n'était pas venu pour s'adonner à quelques élans de nostalgie ou pour s'immiscer davantage encore dans une intimité qui ne lui avait jamais vraiment appartenu. L'ordinateur portable avait bien évidemment été récupéré par la police, mais quelque chose lui disait qu'ils ne trouveraient pas grand-chose dessus : le tueur n'était pas venu que pour se débarrasser d'un Icare trop proche du soleil, il avait dû aussi s'occuper de ses ailes. Non, ce qu'il était venu chercher en décidant d'ignorer risques et périls au profit d'un gain de temps potentiellement considérable, c'étaient les copies. Les disques durs scotchés à l'arrière des tableaux, les clés USB sous le parquet, ou dans les conduits d'aération de la cuisine. Enfin, ca, c'était le schéma classique... Ces documents volés, qu'il n'était pas parvenu à filtrer correctement, c'était la raison de la mort de NaBo.  

Prenant soin à le moins possible déranger la fragile organisation que laissait un homme mort derrière lui, Lev évinça d'abord les possibilités les plus évidentes, donnant des coups sur les carreaux du carrelage pour trouver celui qui était creux, ou sur les plaintes qui se détachaient si facilement du mur et révélaient parfois un enfoncement creusé à la cuillère. Mais à peine avait-il eu le temps de faire le tour de la cuisine que l'engrenage de la porte d'entrée se mit à jouer sa petite musique lancinante d'un mécanisme en train de se faire doucement violence. Avec effroi, Lev rejoignit en quelques enjambées la planque la moins originale et qui aura coûté la vie à tant de personnages de film d'horreur : sous le lit. Retirant son sac à dos, il s'y glissa sur le ventre et plaqua une main contre sa bouche pour étouffer sa respiration, emportée par une soudaine montée d'adrénaline. C'était ce qu'il craignait : que quelqu'un ait eu la même idée que lui, au même moment que lui. Peut-être même était-ce l'assassin qui était revenu sur ses pas, les trouvailles faites sur l'électronique volée n'ayant pas porté ses fruits ? A cette seule idée pourtant, Lev se calma étrangement et s'approcha du bord dans une tentative d'apercevoir le visage de l'intrus.  

Et puis bientôt, l'ennui tomba. Les bruits qu'il entendit étaient bien ceux d'une fouille, mais elle était délicate, même un peu lente et dénuée de violence, faite par quelqu'un qui, manifestement, portait un certain respect pour les lieux et instinctivement, la méfiance retomba et Lev finit par s'ennuyer. Néanmoins, le temps commençait à se faire long et il ne pouvait pas miser sur la chance de rester ici jusqu'au départ de l'inconnu. Après quelques hésitations, doucement, il roula sur le côté et s'extirpa des méandres poussiéreux pour se relever et, à pas de velours, rejoindre le bureau d'où provenaient les bruits. Ainsi, il aurait pu se glisser jusqu'à la sortie avec précautions et ne jamais laisser entendre avoir été un jour ici, mais en passant devant le bureau, il s'arrêta : l'homme était agenouillé, une capuche sur la tête, en train de sonder les lattes du parquet. Et Lev aurait pu s'en contenter, de ça. De ce dos inconnu, tout aussi noir que le sien, ignorant parfaitement sa présence... mais le reflet d'un miroir attira son attention, qui lui permit tant de voir le visage de l'étranger qu'à l'étranger de voir le sien s'il avait daigné lever les yeux.  

« Toi ! » S'exclama-t-il soudain.

Ce n'était pas très malin, ni particulièrement intelligent, et encore moins prudent, mais la concordance des évènements eut raison de son naturel tranquille et une sorte d'indignation mêlée à de la range monta en lui et noua ses sourcils à la racine de son nez dans une expression de mécontentement. Le voir lui, ici... les similitudes étaient trop saisissantes pour les ignorer et Lev eut une désagréable impression de déjà-vu. Ce visage, certains le connaissaient, d'autres moins, parfois seulement le nom, voir que le pseudonyme : Callum. Tour à tour journaliste de renom, puis évanoui mystérieusement dans la nature avant de réapparaître sous la plume d'une espèce de blogueur. Lev n'avait pas vraiment eu de preuves quant à la continuité de cette biographie, mais ils évoluaient dans un monde beaucoup trop petit pour s'ignorer. Callum, lui, ne le connaissait ni d'Eve, ni d'Adam, comme on disait, mais Lev n'avait jamais laissé derrière lui un style journalistique bien distinct et, au fond, reconnaissable... Ce n'était pas la première fois que l'ombre de Callum apparaissait dans une affaire de "moldu" tué par un "sorcier" et, quoi que leur univers fût exigu, les répétitions y devenaient rapidement suspectes et Callum avait toujours été là, au milieu des évènements, avec l'info "en trop". L'info qui laissait presque entendre qu'il était non seulement à l'épicentre des évènements, mais parfois même à leur origine. Un pompier incendiaire...  

« Callum... J'ai longtemps cru que tu te contentais de gribouiller les conclusions, lui dit-il d'une voix étrangement calme, mais dure, demeurant dans l'encadrement de la porte, pas que tu te pointais sur place pour fouiller les preuves et... pourquoi pas, les créer. Voir, les provoquer ? »
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Lev Pelevine
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Lev Pelevine
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