Evil temptation

« Le zoo de Londres fut fondé en 1826 par Stamford Raffles, qui acquit des terres auprès de la couronne britannique. Il vit les plans de la structure avant de mourir d'apoplexie un peu plus tard la même année. Après son décès, le Marquis de Lansdowne prit la suite du projet et supervisa la construction des premières habitations pour animaux... »
Et bla-bla-bla. Pawel n’écoutait plus depuis longtemps, le son de la voix monotone du vieil homme l’ennuyait. Quel était l’intérêt de suivre cette espèce de formation sur l’histoire du zoo de Londres, alors que sa seule mission consistait à faire quelques rondes la nuit pour vérifier que tout se passe bien ? D’autant plus que le jeune vampire n’était là que pour quelques nuits de remplacement, comme il en avait l’habitude, il ne voyait réellement pas pourquoi il était obligé d’assister à ces quelques heures de formation. Certains trouveraient probablement tout cela intéressant, mais acquérir de la culture générale ne faisait pas parti de ses priorités. Pawel avait autre chose en tête. Faire son travail, prendre son fric, se nourrir éventuellement au passage. Même si les animaux n’étaient pas dotés du meilleur sang disponible pour un vampire, parfois cela pouvait simplement servir de dépannage.
Heureusement, la fin de la session « culture générale chiante » approchait, à présent le vieil homme laissa le polonais entre les mains de la personne qu’il allait remplacer, un homme de petite taille par rapport à lui, gringalet, qui n’avait pas l’air d’avoir inventé l’eau chaude. Il se présenta en tant que gardien attitré du zoo et s’appelait, comment avait-il dit déjà ? Peu importe, en tout cas il avait l’air fier de faire faire le tour de son précieux lieu de travail à Pawel, qui se fichait pas mal de tout ce qu’il pouvait bien lui raconter. Il semblait également fier de son job, alors qu’il ne s’agissait que de surveillance à la portée de n’importe qui. Le vampire ne chercha pas à cacher son désintérêt et son jemenfoutisme au dénommé, ah oui, on s’en fiche. La seule chose qu’il avait retenu de cette visite, c’était lorsque son guide lui avait parlé de l’une des chèvres malade, qu’apparemment le vétérinaire ignorait si elle allait passer la nuit. Le nouveau Garde de nuit avait retenu un sourire, pensant immédiatement qu’effectivement, cet animal ne passerait pas la nuit. Les animaux malades, autant les achever, et cela n’attirera aucun soupçon.

« Ah. C’est triste. »

Bien entendu, Pawel ne le pensait pas et ne cherchait même pas à le dissimuler, prenant un faux air désolé, alors qu’il attendait juste que l’autre parte pour aller dévorer la chèvre.

Lorsqu’enfin, la visite fut terminée, le gardien lui remît une lampe torche et les clés, puis lui souhaita une bonne nuit.

« Bon courage et prends bien soin des animaux ! »

Ah, quel benêt. Le vampire lui adressa un bref sourire hypocrite avec un léger hochement de tête. Puis, lorsque le gardien se retrouva suffisamment loin pour qu’il ne puisse pas l’entendre, il secoua la tête en soupirant.

« C’est ça. Casse-toi avant que j’te bouffe. »

Évidemment, il n’allait pas lui dire ça en face, Pawel savait se tenir un minimum. Maintenant, il prît donc son poste pour le reste de la soirée, et la nuit.
Lors de sa première ronde, il avait pris soin de repérer tous les emplacements des caméras de surveillance, ce qui pouvait faciliter certaines choses, et s’avérait très utile. Coup de chance, le secteur où vivait l’animal mourant n’était pas couvert par les caméras. Cependant, le jeune vampire n’était pas suffisamment affamé et incontrôlable pour attaquer cette nuit, au minimum il avait plutôt dans l’idée d’attendre la dernière nuit de mission, qui allait durer trois nuits. Et si d’ici là, il trouvait autre chose de mieux, et bien il laisserait cette « pauvre » bête mourir en paix.

~

Les heures passaient, les rondes effectuées en bonne et due forme, Pawel commençait sérieusement à s’ennuyer ici. Garder des animaux n’était pas des plus palpitants. Il préférait sans hésitation les gardes de boîtes de nuit. Les conversations qu’il pouvait avoir avec la viande saoule n’étaient pas plus intéressantes, mais au moins parfois il avait le droit de défoncer un mec qui essayait un peu trop lourdement d’entrer dans la boîte alors que l’accès lui avait été interdit. Là, personne avec qui parler, le polonais commençait à s’énerver, ce qui n’était pas bon signe.
Vers deux heures du matin, il décida d’aller faire une ronde imprévue afin de tenter de se calmer. Mais à peine avait-il mis le nez dehors qu’une odeur familière attira son attention. Un autre vampire ici ? Voilà qui pouvait être distrayant. Entre son ouïe et son odorat très développés, Pawel n’eut aucun mal à repérer où se trouvait l’autre vampire. D’ailleurs, celui-ci l’avait peut-être également repéré, d’où la raison de sa présence ici. Ou bien, il était venu se nourrir. Et bien finalement, ce n’était rien de tout ça. De derrière un arbre, le gardien de nuit l’alerçût, la ravissante créature qui s’était faufilée illégalement dans ce zoo. Qui lui tournait le dos et qui semblait avoir quelque chose dans sa main, mais Pawel se fichait bien de savoir quoi. Il sortît simplement de derrière son arbre et dirigea le faisceau de lumière de sa lampe torche dans la direction du vampire femelle, lui lançant dans le même temps :

« Hé, toi là-bas ! Bouge plus. »

Puis, en une fraction de seconde il se retrouva nez à nez avec elle. Mignonne de derrière, mais pas que. À croquer, au sens propre. Pawel la toisa de bas en haut, avant de lui adresser un large sourire, sans dissimuler ses canines saillantes et pointues, juste pour le plaisir car il se doutait bien qu’elle avait dû le reconnaître à l’odeur également. Ou, peut-être pas ? Enfin là maintenant, la vampirette était fixée.

« Ne fais pas un pas de plus, ce serait dommage d’alerter la sécurité. » D’un geste, il indiqua de l’index l’emplacement de l’une des nombreuses caméras de surveillance du domaine. Même si la vampirette était assez rapide pour s’enfuir sans que l’on voit son visage, si elle n’était pas au courant qu’elle était filmée alors elle pouvait rester ici un moment…

« Mais tu as de la chance, c’est moi, la sécurité… »

N’importe quel autre humain, sorcier, ou créature, qui se serait faufilé sur le domaine, Pawel l’aurait chassé à coup sûr. Mais il était bien plus conciliant envers ses congénères. Et il ne pouvait que remercier la jeune fille pour occuper un tant soit peu cette ennuyeuse nuit de garde.

« Si tu es venue pour manger, désolé, mais je ne peux pas te laisser faire. Pas cette nuit, du moins. »

Et puis, quel dommage de bouffer un animal si elle avait l’occasion d’avoir mieux…

Assise contre un arbre, l’air obnubilé par son carnet de croquis, la vampirette ne semblait pas avoir décelé la présence de Pawel près d’elle, ce qui l’avait énormément surpris. Il s’était imaginé qu’une femme comme Sarah l’aurait déjà attrapé à la gorge pour le virer sans ménagement de sa zone de chasse. N’ayant pas rencontré des masses d’autres vampires jusqu’à présent, soit il s’était fait une toute autre image des femelles, soit elle était tout simplement bien différente. Le fait qu’elle soit une très jeune mordue ne lui vint même pas à l’esprit au premier abord, car Pawel ne pouvait pas concevoir qu’elle soit toute seule, il n’avait senti aucune autre présence vampirique dans les parages.
Debout face à la blondinette, il ne se privait pas de la détailler de haut en bas, ignorant complètement sa tentative d’humour sur sa lampe torche. Et pour cause, Le brun réprima une réflexion graveleuse. En guise de réponse, il secoua légèrement la tête, lui interdisant de venir se nourrir au zoo ce soir. À priori ce n’était pas l’intention de la vampirette, qui avait eu l’air presque choquée par cette réflexion. Au début, il s’était dit qu’elle avait tenté une nouvelle pointe d’humour, mais la petite blonde avait l’air on ne peut plus sérieuse, un comportement qui déstabilisa encore d’avantage le jeune vampire, surtout quand elle enchaîna, lui interdisant de toucher à ses hyènes. « Ses » hyènes. Quel genre de bête ferait ça, se nourrir d’animaux de zoo…Mais vraiment, sur quelle espèce de femelle vampire était-il tombé ? Pawel ne put se retenir de rire, cette fois. Elle avait l’air à la fois choquée et mal à l’aise, comme si elle n’avait jamais rencontré l’un de ses congénères, et comme si elle avait honte de ce qu’elle était. Les doutes du jeune vampire se confirmaient. Alors, nouvellement mordue ou tout simplement humoriste à temps plein ? Dans les deux cas, c’était ridicule…

« Tes hyènes ? Je vois. Et tu vas faire quoi, si j’en bouffe une ? Sortir tes petits crocs ? »

Un rire, un ricanement sarcastique et moqueur, il la cherchait sans aucune crainte ni hésitation. À moins qu’elle ne cache vraiment bien son jeu, Pawel sentait qu’elle n’était pas à la hauteur face à lui. Heureusement pour elle, il n’avait pas dans l’idée de se mesurer à elle, malgré son côté bagarreur et provocateur, afin d’aller chercher le conflit à tous les coins de rue. Il était loin de vouloir attirer l’attention sur eux, mais pourquoi pas s’amuser un peu avec cette vampirette pour tester ce qu’elle avait dans le ventre.

« On se demande bien quel genre de « bête », oui… »

Sincèrement, le polonais espérait que la petite blonde ne fasse que de l’humour, mais elle donnait vraiment l’impression d’être sérieuse et décontenancée par ses paroles. Il allait bien voir par la suite ce qu’elle allait donner…Mais il fallait qu’il en parle à Sarah le plus vite possible, se demandant si cette vieille folle hystérique avait déjà croisé au cours de sa longue vie vampirique, des nanas comme la blondinette en face de lui. En tout cas, les quelques rares autres vampires qu’avait croisé Pawel n’étaient pas comme elle avait l’air d’être.
Il arrêta alors de se moquer d’elle et redevint un peu plus sérieux. Manière de parler, du moins.

« Mais tu as raison, rien ne vaut le sang humain. » À ces mots, le brun passa le bout de sa langue le long de ses canines saillantes. « Les animaux, c’est vraiment, mais vraiment, pour dépanner... »

Mais peut-être valait-il mieux pas parler trop de nourriture, ou sinon cela risquait de déclencher chez le jeune vampire une soudaine envie de chasse sanguinaire.
Il n’en était pas encore là non plus. La blondinette changea de sujet et lui demanda si il était du coin. Pawel secoua alors légèrement la tête en signe de négation.

« Pas du tout. J’habite à Barking depuis quelques années…C’est dans la banlieue est. »

Une volonté d’apprendre à le connaître ? Ou juste la curiosité de discuter avec l’un de ses congénères. Il n’avait que très rarement l’occasion de parler à d’autres vampires, et il avait de longues heures de garde de nuit à tuer. Alors pourquoi pas faire plus ample connaissance avec cette petite vampirette ? À force d’être face à elle, Pawel avait commencé à s’imprégner de son odeur. Elle puait encore l’humanité à plein nez. Dommage. Mais comme il n’avait rien d’autre de mieux à faire, discuter ne le dérangeait pas.

« Je travaille juste au zoo cette semaine. Toi, tu as l’air d’être une habituée des lieux… » Il marqua une pause, réalisant qu’il ne lui avait pas demandée en retour où est-ce qu’elle-même vivait, mais en réalité, cette information ne l’intéressait pas réellement pour le moment. « Pourtant, Camden Town qui n’est pas loin, est un bien meilleur terrain de chasse. »

Se délecter du sang drogué d’une bande de junkies et profiter d’un bref moment d’allégresse…Pourquoi traîner dans un zoo ? Simplement pour y faire croquis, en pleine nuit, la plupart dormaient, et les autres restaient tapis dans leurs tanières en sentant l’aura du prédateur sanguinaire autour d’eux…D’ailleurs, la blondinette était bien la seule ici à ne pas avoir déceler sa présence, et cette question le turlupinait. Il devait en avoir le cœur, du moins ce qu’il en restait, net…

« Pourquoi est-ce que tu traînes ici ? Je n’ai pas eu l’impression que tu avais senti ma présence autour de toi. Étonnant, pour une vampire… »

Allez jolie blondinette, crache tes secrets.

En même temps, il lui aurait été difficile de venir en journée, avait pensé le jeune vampire en quête d’amusement pour égayer cette longue nuit ennuyeuse. Il avait compris à présent pourquoi la blondinette n’avait pas cherché à le dégager de sa zone, puisqu’elle n’était tout simplement pas là pour chasser. De plus, elle n’avait pas l’air de vouloir rentrer dans son jeu et de répondre à ses provocations, ou alors elle ne tenait pas plus que ça à ces animaux et sa présence ici n’était qu’un prétexte. Pour ne pas admettre qu’elle était obligée de venir s’y nourrir, ou bien une toute autre raison que Pawel ne chercherait pas à connaître, pour le moment. La présence de cette vampirette égayait sa nuit, c’était tout ce qui importait. Il la trouvait distrayante, bien différente des autres femelles rencontrées jusqu’à présent. Au moins, ce genre de conversation vampirique changeait de celles que le brun pouvait avoir avec les humains, comme le gardien du zoo par exemple. La vie de vampire solitaire qu’il vivait depuis bientôt dix ans n’avait en rien arrangé sa sociabilité et sa méfiance, derrière ses faux airs de bad boy arrogant, Pawel n’était en réalité pas doué en communication lorsqu’il n’était pas en chasse. Généralement peu apprécié par ses pairs, il n’attendait pas grand chose de cette conversation avec la blondinette, alors il n’avait pas hésité à la provoquer de manière sarcastique. Le polonais au sang-pur était ainsi, toujours à chercher. Une manière pour le mâle prédateur de dominer ses pairs. Sarah avait eu beau le mettre en garde, plus d’une fois, il n’avait pas la maturité d’un vampire aguerri. Et quand était-il de la jolie blonde en face de lui, qu’il ne lâchait pas du regard.
Une dominatrice ? En tout cas, elle avait l’air bien sûre d’elle, à se vanter d’avoir fait de Westminster son terrain de chasse de prédilection. Intéressant. La demoiselle avait donc des goûts de luxe et peut-être des contacts hauts placés pour oser traquer ses proies non loin du Ministère. Et dire qu’au début Pawel l’avait prise pour une piètre femelle, incapable de détecter sa présence entre les arbustes de l’allée. Mais il sentait que la blondinette avait pris un peu plus d’assurance, pour oser le provoquer en retour. Insinuait-elle que les junkies de Camden ne représentaient aucun challenge ? Probablement. Le brun avait bien des raisons de ne pas prendre le risque de chasser à outrance dans le borough de Westminster. Toutefois, il aimait les défis, et il ne laisserait pas sa congénère inverser les rôles. Il avait assez de Sarah sur le dos.

« Je vois. La blondinette a des goûts de luxe. Je serais curieux de voir ça… » Souffla-t-il en se penchant légèrement vers elle, un air de défi dans le regard. Puisque tu es si maligne et puissante, prouve-le, avait-il pensé.

Pourtant, ce genre de phrase pouvait typiquement l’énerver. Mais le jeune vampire aussi l’avait cherchée. Et il fallait avouer que sa paire ne manquait pas de répartie. Sans doute grâce à l’assurance prise, elle lui avait soutiré un éclat de rire. Comment voyait-elle les vampires ? En bas de la chaîne alimentaire, vraiment ? Pourtant, dotés de capacités surhumaines, rares étaient leurs points faibles. Maintenant, la blondinette lui tournait autour tel un animal inspectant sa proie.

Tu n’veux pas me renifler le cul, tant que t’y es ?

Une pensée que Pawel s’était retenu d’exprimer pour ne pas passer pour un pervers. Mais vraiment, il l’avait trouvée un peu ridicule sur ce coup-là, et avait du mal à savoir si elle se payait sa tête ou si elle était sérieuse, Mademoiselle qui n’a pas peur de chasser à Westminster. Le polonais ne tarderait pas à avoir sa réponse, car après lui avoir montré son carnet de croquis, sa dernière réflexion l’avait fait tiquer. Autant, il avait pris la peine de jeter un œil aux dessins, sans trop de réaction car lui n’avait jamais eu de fibre artistique, autant il ne pouvait laisser passer la moquerie. Piqué au vif, Pawel fronça les sourcils. Il était sur le point de méchamment répliquer, mais il ne voulait pas faire fuir la blondinette avant de la connaître un peu plus, alors le poing légèrement serré, il ravala la frustration de ne pas vouloir lui rentrer dedans et se retint. Après avoir pris une brève inspiration, il lui répondit :

« C’est vrai, ça n’a rien de passionnant… » Le vampire laissa échapper un grognement et haussa les épaules. À son tour de contourner la demoiselle, la détaillant de haut en bas. Le regard déviant sur son petit derrière, elle avait incontestablement du potentiel physique.

« Mais l’éternité, c’est long. » Avoir un job normal lui avait permis de se fondre dans la masse et de ne pas prendre trop de risques pour se nourrir d’humains. Et puis cette mission au zoo n’était que temporaire.

« Si tu as de quoi voir venir, tant mieux pour toi. »

Légère frustration encore, dans le son de sa voix. Pawel alla s’adosser contre la barrière de l’enclos des amies hyènes de la blondinette. Ces dernières qui d’ailleurs avaient foutu le camp depuis un moment dans leur tanière. Pour qui se prenait-elle ? Faisait-elle partie de ces gosses de riches qui n’avaient pas besoin de travailler, ou avait-elle une famille qui acceptait sa vraie nature et l’aidait ?

« Travailler ne m’empêche pas de m’amuser. Je peux te le prouver… »

Une idée lui vint à l’esprit pour mettre à l’épreuve les capacités vampiriques de la jeune fille, juste comme ça, pour s’amuser comme Pawel le disait, un sourire narquois naquît au coin de ses lèvres.

Et elle, que faisait-elle de sa vie pour la gagner ? Pour ainsi critiquer les activités professionnelles de Pawel, la jeune sangsue devait faire partie de ces gosses de riches dont lui-même avait fait parti quelques années auparavant. Une réflexion balancée comme ça, sans penser qu’elle aurait un réel impact sur la susceptibilité exacerbée du vampire. Ce dernier l’avait certes mal pris, mais était parvenu à se contenir pour cette fois, ravalant la frustration de sa propre situation. Difficile de travailler dans un autre domaine, concernant Pawel. Mais si la vampirette ne voulait pas finir la nuque brisée dans la mare aux crocodiles, il valait mieux qu’elle s’abstienne de ce genre de réflexion désormais, le polonais ne serait pas toujours aussi conciliant. Il avait croisé suffisamment de vampires pour savoir qu’ils étaient aussi sans scrupule que lui.
Adossé contre l’enclos de ces animaux que la blondinette qualifiait comme « ses amies », Pawel ne la lâchait pas du regard, laissant ses pupilles perçantes détailler chaque détail, tel le prédateur observant sa proie. La jeune femme n’en était pas une, pourtant de nombreux points intriguaient le vampire, de ce premier abord. Tout portait à lui faire croire qu’elle était une jeune mordue, mais rien ne le lui prouvait. Car si c’était le cas, il trouvait cela étonnant qu’elle soit toute seule, sans Créateur, et surtout parce qu’elle se donnait des airs de vampire dominatrice. En tout cas, elle avait accepté son défi, donc peut-être n’était-elle pas aussi inexpérimentée que cela. Le sang-pur ne tarderait pas à savoir si elle bluffait, ou non.

Un bref regard dirigé vers le carnet de dessins que la blondinette venait de jeter dans la poubelle à côté de lui, et Pawel reporta son attention sur elle. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle avait fait ça, mais qu’importait. Il pencha légèrement la tête, sans perdre son sourire narquois. La jeune vampire avait accepté son défi, les pupilles légèrement maculées de sang, comme si l’adrénaline grimpait soudainement en elle. Pawel laissa échapper un léger grognement, il se mordilla la lèvre inférieure de ses crocs sortis. Excité par l’idée d’égayer davantage sa nuit, ses propres yeux virèrent légèrement au rouge sang, les veines visibles autour de ses globes oculaires. Pourtant, le vampire n’était pas passé à côté de la réflexion de la blondinette, ainsi donc son « papa chéri » ne connaissait pas encore sa condition, ce qui confortait désormais le polonais dans sa pensée. Soit son interlocutrice était une jeune mordue inexpérimentée qui n’osait pas l’avouer, et risquer de perdre la face devant l’imposante carrure qui s’offrait à elle, soit elle n’avait tout simplement pas vu son paternel depuis des années. Pawel penchait grandement pour la première solution, il avait hésité à rebondir sur ce sujet pour avoir le fin mot de l’histoire, mais l’appel du jeu était plus forte, alors il décida d’y revenir plus tard. Car avec cette mise à l’épreuve, il ne tarderait pas à avoir sa réponse.

Furtive, la blondinette était revenue à son niveau. Il en profita pour se redresser à son tour, et jeta un œil dans l’enclos des soit-disantes fidèles amies les hyènes, toujours aussi apeurées de la présence d’un tel prédateur près d’elles.

« C’est bon, j’ai compris, je n’y toucherais pas. »

Un léger rire s’échappa d’entre ses lèvres. Si tu savais à quel point je me fiche de tes animaux, pensa-t-il. Pawel se nourrissait d’eux qu’en dernier recours, c’était toujours mieux que rien, mais si la blondinette acceptait son défi ce soir, ils auraient mieux à se mettre sous la dent qu’un stupide animal insignifiant. Cela tombait donc plutôt bien que la vampirette lui demande ce que des êtres comme lui faisaient pour s’amuser. Encore une raison de penser qu’elle était nouvellement mordue. Mais le sorcier n’en tint pas rigueur, il avait bien plus excitant en tête. Maintenant il s’était rapproché de la jeune fille, face à elle, il l’a surplombait sans mal, puis il se pencha vers elle.

« On peut faire tout ce qu’on veut…Une nuit, je t’emmènerais « t’amuser » avec moi, si ça te tente… »

Et non, ce ne serait pas à Westminster. Mais la blondie ne serait probablement pas déçue, si elle acceptait. Peut-être n’avait-elle pas l’habitude de se lâcher complètement à sa condition vampirique ? Lentement, Pawel se redressa.

« Mais avant, montre-moi comment tu tues. »

Il tira de la poche de son jean, l’un de ces téléphones intelligents moldus qu’il avait volé à l’une de ses victimes. Il avait beau s’être nourri depuis pas longtemps, cette conversation et ce défi lancé à cette jolie vampire, lui avaient donné envie de sang. Juste pour le plaisir. Le rouge bouillonnant au creux de ses pupilles en témoignaient.

« Le gardien que je remplace m’a donné son numéro, et m’a dit de ne pas hésiter à l’appeler en cas de problème. » Comprenait-elle où Pawel voulait en venir, avec son sourire narquois et son air carnassier ?

« Il m’a aussi raconté toute sa vie. » L’avantage d’avoir un visage aux traits doux et sympathiques à regarder, le polonais savait se rendre avenant et accessible lorsqu’il le voulait. « Célibataire, pas d’enfants, studio minable à Camden…Il ne manquera à personne. »

Ici, entouré d’animaux carnivores, le meurtre de cet homme ne serait pas bien compliqué à dissimuler, faire passer cela pour un accident, qui pourrait si vite arriver. Ainsi Pawel donnait à la jolie blonde l’occasion de lui offrir un avant-goût de ses capacités vampiriques.

« Je suis gentleman, je te le laisse. J’me contenterais de l’animal blessé, plus tard… »

N’importe quel vampire normalement constitué ne pourrait résister à cet appel au meurtre et au sang que Pawel proposait à la blondinette. Ou peut-être pas Sarah, qui trouverait l’idée irréfléchie, mais la frénésie de jeunes vampires était difficilement contrôlable…Maintenant, la vie du gardien du zoo était entre les mains de la jeune fille.

« Alors, je l’appelle ? »

Elle seule déciderait de son sort.

Le vampire était loin de se douter tout ce qui trottait dans la tête de sa congénère en cet instant. Tandis qu’elle avait quasiment balancé un indice sur sa condition de jeune mordue, elle affichait pourtant une étonnante assurance. À son tour elle avança d’un pas et n’eut pas peur de soutenir le regard azur du polonais, pourtant convaincu d’être bien plus expérimenté qu’elle. Une lueur sanguinaire brillant dans ses jolies prunelles, la blondinette accepta le défi. Elle était prête à rentrer dans le jeu de son congénère. Rien dans ses paroles, expression du visage ou gestuelle, ne laissaient présager de la peur ou de l’hésitation. Malgré son jeune âge, la vampirette lui donnait l’impression de se contrôler et de vouloir tuer pour le plaisir, peut-être que finalement, elle n’était pas si inexpérimentée qu’elle n’en avait l’air.
Tous deux venaient de s’embarquer dans un jeu malsain, deux jeunes vampires désireux de prouver leur valeur à l’autre. La blonde, qui n’avait jamais rencontré d’autre congénère jusqu’à ce soir, ne voulait pas perdre la face et paraître trop humaine face au à Pawel. Quant à lui, son instinct de mâle dominant le poussait à jouer avec l’inexpérience de la petite blondinette, partager ce plaisir d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Rien de plus pour l’instant, qu’un jeu pour lui. Le brun n’avait même pas réfléchi à un plan quelconque, car en réalité il n’était même pas sûr que la vampirette accepte son défi, et avait pensé à lui laisser dévorer le gardien du zoo, une simple pensée sadique, tandis que cet humain innocent ne serait rien de plus qu’un dommage collatéral d’un jeu vampirique. Sans connaître ni le plan ni l’homme en question, la jeune femme songea rapidement à la meilleure façon de ne pas se montrer. Pawel ne perdit pas son sourire, au contraire même, il s’élargit d’avantage lorsque sa congénère proposa qu’il l’attire dans la grotte aux serpents, bien à l’abris des regards, tandis qu’elle se chargerait de le vider de son sang. Le vampire se mordilla la lèvre inférieure de ses crocs saillants, tout en regardant la jolie blonde s’éloigner pour aller se mettre en position. Apparemment, elle avait le don de réflexion et de stratégie plus rapides que le polonais, qui sur le moment était souvent trop impulsif et irréfléchi.

À son tour il lui tourna le dos, s’éloignant pour aller passer son appel. Le téléphone à la main, une ombre d’hésitation lui traversa soudain l’esprit. Non pas qu’il avait de l’empathie pour le gardien, cela ne risquait pas d’arriver. Mais Pawel se souvint des paroles de sa Créatrice, qui lui rappelait souvent de rester prudent. Lorsqu’il avait fait la proposition à sa jeune congénère, il n’avait pas réfléchi aux conséquences que leur acte pouvait avoir. Mais le jeune vampire se lassait parfois de toujours devoir faire attention. Pour une fois, il allait s’amuser, et en bonne compagnie qui plus est. Il haussa alors les épaules et appela le gardien du zoo. Malgré l’heure tardive, il décrocha, car il l’avait promis au polonais. Il lui avait fait confiance, à son visage angélique et à sa carrure d’agent de sécurité. Maintenant, il allait le regretter. La voix rauque, il demanda ce qu’il se passait. Bien sûr Pawel n’avait pas vraiment du talent de comédien, mais il parvint à adoucir la tonalité de sa voix et à prendre un air faussement apeuré.

« Venez vite, c’est urgent ! Je crois qu’il se passe quelque chose de pas net, dans la grotte des serpents… »

Dans moins de dix minutes, il serait sur place. Le brun raccrocha et esquissa un sourire à la fois sournois et carnassier. Cela ne faisait aucun doute que la vue du sang lui donnerait envie de croquer dedans également. Ou voir la jeune femme le faire seule lui suffirait, peut-être…
Il l’a rattrapa donc pour se glisser légèrement derrière elle, elle lui demanda alors ce que le gardien lui avait fait pour qu’il veuille le tuer, alors que c’était risqué. Et Spike…C’était quoi, ce surnom ? Pawel haussa un sourcil étonné.

« C’est quoi Spike, ça sort d’où ? » Probablement une référence qu’il n’avait pas. Il ne s’était pas posé la question jusqu’à maintenant car la réponse lui importait peu, mais elle était peut-être une moldue, après tout. « C’est stylé comme nom, mais moi, c’est Pawel. »

Effectivement, aucun des deux ne s’étaient présentés l’un à l’autre, pour dire à quel point les formalités humaines leur importaient peu. Et elle, d’ailleurs ? Quel petit nom pouvait-elle bien porter ? Pawel aurait aussi bien pu lui demander en retour comment elle s’appelait, mais c’était bien plus amusant de jouer au même petit jeu qu’elle. Pour le moment, il répondit à sa question précédente en haussant les épaules, détaché de la situation. Il avait été légèrement déçu lorsque la blondinette lui avait demandé pourquoi est-ce qu’il voulait s’en prendre à cet homme innocent. Le vampire avait pensé pendant quelques minutes que sa congénère n’était pas si jeune, mais il était à présent quasiment certain qu’elle était très jeune mordue, encore trop encombrée par son humanité, sûrement. Voilà pourquoi la voir tuer, serait une distraction encore plus amusante.

« Il ne m’a rien fait. Au contraire, j’ai gagné sa confiance. Maintenant, cet imbécile va se jeter tout seul dans ta gueule de vampire… » Pour ne pas dire « dans la gueule du loup », une expression qu’il valait mieux éviter pour un vampire, ne souhaitant pas être comparés à ces galeux de Lycanthropes.

« On a pas besoin de raison pour tuer. C’est simplement pour le plaisir, la satisfaction de sentir la vie quitter ta proie tandis que tu te délectes de son sang. » A nouveau, les pupilles de Pawel se tintèrent de rouge lorsqu’il prononça ces mots, sentant la soif et l’excitation grimper en lui. « Quant au risque…On s’en fiche, c’est l’adrénaline. »

Autrement dit, on agit et on avisera par la suite. Les deux sangsues arrivèrent au niveau de la grotte aux reptiles, du moins le polonais s’était laissé guidé par la jeune femme, qui semblait maîtriser les lieux à la perfection. Le brun s’arrêta alors, pour le moment il n’avait pas senti l’odeur du gardien s’approcher, mais cela ne saurait tarder.

« Il a dit qu’il serait bientôt là. Alors à toi de jouer, Gwendoline la Fantasque. »

Une référence à son propre monde d’origine qui l’amusa tout seul, car il avait sorti ça complètement au hasard. Mais il avait eu besoin d’un surnom afin de rivaliser avec celui que la jeune femme lui avait donné plus tôt…

Pawel n’avait décidément pas prévu que sa nuit de travail se terminerait ainsi, et dire qu’en arrivant en début de soirée il avait à peine voulu toucher à un simple animal blessé. Mais la présence de cette mignonne petite vampirette sûrement inexpérimentée lui avait mis bien des idées en tête pour égayer cette ennuyeuse nuit. Au moins, les entrées et sorties des nightclubs étaient bien plus amusantes et distrayantes. Jusqu’à présent, car la Gwendoline accepta de relever le défi de son aîné, voilà qui promettait d’être appétissant. Si il fallait passer par la case « références moldues », Pawel pouvait bien faire cet effort. Dommage, s’était-il dit, que la blondinette soit probablement une vampire sans pouvoirs magiques, cela signifiait qu’il ne pourrait pas partager un certain nombre de choses avec elle, ou au contraire cela pourrait être une occasion de plus pour se pavaner et l’impressionner. Mais ils n’en étaient pas là. Le polonais nota la référence Buffy contre les Vampires dans un coin de sa tête pour plus tard, même si il y avait de fortes chances qu’il l’ait oubliée, pourtant il passait son temps dans le monde non magique, alors avoir quelques références pop culture à sortir de temps pouvait favoriser son intégration.
En retour, la femelle ne semblait pas avoir compris d’où venait la Fantasque, mais le grand brun n’en était pas tout à fait sûr, peut-être qu’elle ne l’avait tout simplement pas bien pris, mais elle n’avait eu aucune réelle réaction. Et elle ne lui avait pas révélé son nom non plus. Un brin agaçant, mais tant pis, il continuerait de l’appeler Gwendoline. Après tout, elle le portait pas si mal. Alors qu’ils se trouvaient tous les deux dans le tunnel de la grotte aux reptiles, la blonde se préparait à attaquer, elle attrapa dans la poche de son manteau un élastique pour nouer ses cheveux. Un geste qui ne manqua pas de faire pouffer de rire le vampire. Alors elle avait peur de se salir, peut-être ? Lui trouvait les femelles bien plus bandantes les cheveux détachés, décoiffés et plein de sang de leurs victimes.

« Tu veux pas te faire les ongles, tant que t’y es ? »

Pawel se foutait d’elle, sans aucune retenue. Amusant, car lui n’avait pas besoin d’autant de préparation, mais après tout chaque vampire avait sa propre façon de chasser. Maintenant, la jeune femme somma à son congénère de se trouver une planque pour admirer le spectacle, le surnommant Voyeur. Il esquissa un nouveau sourire, effectivement ce qualificatif était plutôt bien choisi. Il s’imaginait bien s’adonner à ce genre de pratique. La vampirette se tourna et le polonais la regarda de s’éloigner, sans manquer de détailler au passage son mignon petit derrière qu’elle déhanchait dans sa démarche féminine. De nouveau, il pouffa de rire en secouant la tête légèrement, repensant à sa coquette manière de nouer ses longs cheveux, et au fait qu’elle n’avait pas voulu lui révéler son nom.

« Mais quelle pétasse. » se dit-il pour lui-même, tandis que la blonde avait disparu dans la pénombre.

Pawel ne la voyait plus mais sentait toujours sa présence. Ses sens aux aguets, il alla donc se cacher derrière l’aquarium des boas, tant bien que mal, car il n’était pas vraiment facile à dissimuler comme garçon. Mais il avait réussi à se faufiler le long de l’aquarium en direction de sa congénère. Tous deux tapis dans l’ombre, ils attendaient la venue du gardien, qui ne tarda pas à arriver. Le brun n’avait guère eu besoin de se concentrer bien longtemps pour l’entendre s’approcher, de son ouïe sur-développée. Il se mordillait la lèvre, les prunelles gorgées de sang et d’excitation à l’idée du spectacle qui allait s’offrir à lui…

« Y’a quelqu’un ? Pawel, vous êtes là ? »

Le gardien avait saisit sa lampe torche, et avait commençait à avancer dans le long tunnel de la grotte en éclairant chaque recoin, le vampire avait dû se recroqueviller pour ne pas être éclairé au passage du vieil homme, puis il avait relevé la tête pour voir où en était Gwendoline. Il avançait, et elle ne faisait rien. Hésitait-elle ? Pawel s’agaçait, il ne se passait toujours rien, si ça continuait il allait l’achever lui-même. Il n’était pas du genre patient. Pourquoi est-ce qu’elle hésitait ? Elle n’avait pas l’habitude de tuer par simple plaisir, évidemment. Encore un signe qui laissait penser au polonais qu’elle était toute jeune et inexpérimentée. Mais, elle n’avait pas eu le cran de l’assumer, alors maintenant elle ne pouvait plus reculer.

« Qu’est-ce que t’attends… » souffla-t-il, entre ses canines saillantes.

Il soupira, impatient, brûlant d’adrénaline d’entendre des cris de douleur, plaintifs, les grognements de la vampirette en action, le son de ses crocs qui se plantaient dans la peau humaine, l’odeur du sang frais qui dégoulinerait de la gorge…Mais rien de tout cela ne venait.

Pawel décida de donner un coup de pouce à sa congénère. Le gardien lui avait conseillé en début de nuit de toujours avoir un canif sur lui, que cela pouvait se révéler très utile dans certaines situations, et que lui ne s’en séparait jamais, il en avait toujours un dans la poche de sa veste. Alors, le vampire n’eut besoin que d’une fraction de seconde pour sortir de sa cachette, arriver dans le dos de leur cible, attraper le petit couteau dans la poche de sa veste, et lui entailla la joue d’un geste vif, avant de retourner se planquer aussi rapidement qu’il était sorti. Le gardien ne comprit évidemment pas ce qu’il venait de se passer, il avait dû juste sentir un coup de vent froid dans son dos, comme si un esprit était venu le hanter. Après avoir poussé un cri de douleur suite à l’entaille, il se passa la main sur la joue, le sang s’échappait à présent de la blessure. Cette odeur métallique ne manquerait pas de titiller les sens de la vampirette. La jeune mordue qu’elle était probablement ne pourrait plus résister bien longtemps. Pawel quant à lui, avait également bien du mal à se contenir. Si la blondinette ne se décidait pas très rapidement, lui ne pourrait résister, c’était certain…

Cette fois, plus de doute possible. De sa vue perçante, le vampire observa la bête en action, l’odeur du sang avait finalement réveillé la folie sanguinaire qui somnolait en la jeune femme, de là où il n’était il n’avait qu’à profiter du spectacle et se délecter des cris de douleur plaintifs qu’avaient poussé l’homme lorsque sa lourde carcasse brisa la vitre de l’enclos. Les muscles tendus et les pupilles dilatées de liquide rougeâtre, Pawel ne pensait qu’à une chose, sauter sur cet imbécile pour le vider de son sang. La blondinette avait dû ressentir cette immense tension chez le mâle, car elle lui fit bien comprendre que c’était sa proie à elle, et qu’elle ne partagerait pas. Peu de temps avant l’événement, le vampire avait promis de la laisser gérer et de ne pas intervenir, qu’il se contenterait de l’animal blessé. Une promesse en l’air, qu’il n’était plus sûr de pouvoir tenir maintenant que l’odeur métallique du sang envahissait ses narines, encore d’avantage lorsque son regard azur croisa celui de la mystérieuse Gwendoline, dans lequel il n’était pas difficile de déceler l’envie de meurtre qui l’animait. Les veines gonflées sous les yeux, les deux vampires étaient sur le point de se disputer une proie, la raison les quittait petit à petit, au point que Pawel ne s’attarda à peine sur la manière de la vampirette de tuer.
Jouer avec ses victimes comme elle le faisait, ce n’était pas dans ses habitudes à lui. Il empêchait la perte de tout contrôle, si bien qu’il n’avait pas pu analyser correctement tous les mouvements de sa congénère, telle une bête qui agissait par instinct et comme si rien ne se déroulait sous ses yeux. Le polonais écoutait même à peine ce qu’elle racontait, pourtant il lui avait semblé entendre qu’il n’avait aucune manière. Intéressant comme remarque alors qu’elle seule lui léchait goulûment la joue. Maintenant que la blonde s’était décidée à planter ses crocs dans la gorge du gardien lâchement attiré dans la grotte, la tension qui envahissait le corps du vampire se rapprochait du paroxysme, si bien qu’il finit par sortir de sa cachette, tous crocs dehors. Plusieurs grognements s’échappèrent d’entre ses lèvres, maintenant sa congénère le narguait sans ménagement. Sans aucun doute, la Gwendoline n’était plus la même que tout à l’heure. Elle avait pris confiance, et cet excès lui avait fait commettre ce meurtre de manière irréfléchie, la grotte aux reptiles ressemblait de plus en plus à une boucherie. L’homme n’était même pas mort, malgré la raison qui l’avait abandonné, Pawel sentait encore son souffle, léger et saccadé. Il allait mourir, de toute façon. Lui prendre un peu de son sang n’était pas tentant, mais à présent nécessaire.

Mais cela ne plairait certainement pas à la blondinette, qui, les cheveux décoiffés et les lèvres dégoulinantes de liquide rouge, attaqua soudainement son congénère. Une réflexion qui l’agaça et lui fit oublié sa soif durant un instant. Pourquoi jouait-elle sur ce terrain-là, maintenant ? Pawel grogna de nouveau, cette fois des grognements dirigés contre elle. En un éclair il se trouva face à elle, menaçant.

« Tu te fous de ma gueule…Et toi, alors ? »

Il l’aurait mordue pour lui apprendre à respecter ses aînés, si ce n’était pas aussi mortel. Mais il s’était toujours refusé à lever la main sur une femme, l’éducation traditionnelle qu’il avait reçu de son père en Pologne, le lui interdisait. Avec Sarah, c’était différent. Aînée d’une centaine d’années, elle n’avait aucun mal à prendre le dessus sur sa progéniture et à le contenir. Tandis qu’avec Gwendoline qui semblait inexpérimentée au premier abord, il ne voulait pas risquer de l’écraser de son aura de mâle dominant. Entre ça et l’odeur du sang qui lui rongeait les sens, Pawel avait de plus en plus de mal à garder le contrôle.

« Tu as relevé le défi, tu l’as tué de ton plein gré, je ne t’ai pas forcée. Je ne t’ai pas mentie, je ne t’ai pas volée ta proie, toi par contre tu ne veux pas me dire ton nom et tu te fais passer pour ce que tu n’es pas. Alors, qui d’entre nous n’est pas digne de confiance ? »

Énervé et tendu, Pawel se rapprocha encore d’avantage, accentuant la pression contre cette femelle vampire qui se montrait si soudainement agressive. Il ne valait mieux pas qu’elle joue à ce jeu avec lui, il était probablement plus agressif qu’elle.

« Et puis je m’en fous, c’est qu’un humain, toute façon j’ai pas confiance en eux, je les bouffe et je les tue, c’est tout. »

À présent, le vampire remît une distance raisonnable entre sa congénère et lui. Cette odeur de sang humain sur les lèvres de la jeune femme, le même qui s’écoulait de la blessure du corps gémissant du gardien, le polonais luttait pour ne pas s’en saisir. Les muscles crispés, il lâcha un dernier grognement, avant de disparaître soudainement. Aussi rapide qu’en éclair, il était allé s’abreuver de l’animal blessé dans l’enclos non loin de là. Il ne chercha pas à s’en cacher, perdre pied pour un vampire, face au sang humain, n’avait rien d’inhabituel à moins d’être aussi âgé et expérimenté que Sarah, par exemple. Quelques minutes plus tard, Pawel revint auprès de la jeune femme, haletant mais un tant soit peu calmé. Le sang qu’il venait d’ingurgiter était bien moins goûteux, une grimace de dégoût était apparue sur son visage, mais c’était le minimum qu’il lui fallait pour ne pas perdre le contrôle et tenir sa promesse. Bien sûr, cette manœuvre n’avait pas échappé à la vampirette. Lui qui avait voulu se faire passer par une bête expérimentée…Cela dit, elle n’était pas mieux à ce niveau-là. La pigmentation de ses pupilles reprit sa teinte bleue, les veines sous ses yeux se dégonflèrent.
Comme si de rien n’était, Pawel enchaîna directement, même si il se doutait bien que sa congénère ne manquerait pas de lui faire remarquer son manque de contrôle.

« Bon, et sinon, tu comptes faire quoi du corps ? »

Enfin, le petit coup de gueule du vampire impulsif avait fini par faire cracher le morceau à Gwendoline la fantasque, il pouvait désormais mettre un nom sur cette mignonne petite bouille de blonde. Il n’était pas bien difficile, pour personne, de jouer avec les nerfs de Pawel, heureusement la dénommée Hailey ne chercha pas à le contrarier d’avantage, elle défendît simplement le fait de ne pas lui avoir caché ce qu’elle était. Sans le vouloir, elle avait dévoilé un nouvel indice qui laissait penser à son aîné qu’elle était juste mordue. Car pour lui, un vampire n’était pas lui-même, il devenait au fil du temps une bête sanguinaire qui avait refoulé son humanité au plus profond de son être. Tel était le mode de pensée de Pawel, qui était l’exemple parfait d’un être qui avait radicalement changé depuis sa transformation, à cause des défauts exacerbés de son ancienne personnalité humaine. Bientôt, il en serait de même pour Hailey, ce n’était qu’une question de temps.
En attendant, le polonais n’avait pas répondu tout de suite, submergé par le besoin de se nourrir, déclenché par l’adrénaline du meurtre de la blondinette devant ses yeux, alors qu’il avait fait en sorte de ne pas en avoir besoin pendant plusieurs jours. Évidemment il n’avait pas prévu de croiser une vampirette, qu’il mettrait au défi avec un plaisir malsain. Une fois de retour de l’enclos des chèvres, comme si de rien n’était, il fallait maintenant qu’ils se débarrassent du corps, et le grand brun attendait de sa congénère qu’elle se débrouille toute seule pour faire disparaître le vieux gardien. Le zoo était rempli d’animaux carnivores, alors la manœuvre ne devrait pas leur poser trop de problèmes. Mais cette fainéante de vampirette demanda gentiment à Pawel de transporter le corps lui-même, puisque c’était son idée. Au passage, elle le complimenta sur ses « beaux muscles », deux réflexions qui sorties ainsi sonnaient faux, mais que le jeune vampire apprécia quand même, après tout qui n’aimait pas que l’on flatte un peu son ego…Et puis, Hailey avait raison, avec lui, l’affaire serait vite expédiée. Alors il dodelina légèrement de la tête, un sourire fier et charmeur au coin des lèvres.

« Comment refuser… »

T’inquiètes, tu me revaudras ça, avait-il songé, car il avait bien l’intention de lui faire avouer son inexpérience, même si elle s’était plutôt pas mal débrouillée lors de ce meurtre.

Pawel s’approcha alors du corps vidé de son sang, s’accroupît près de lui et pencha la tête légèrement sur le côté.

« Tu ne l’as pas loupé, le pauvre… »

En réalité il n’avait aucune once de regret ou de remord pour ce type, personne ne le regretterait de toute manière. Le vampire prit soin dans un premier temps d’enlever son long manteau noir pour ne pas risquer de le tâcher avec le sang de leur victime. Puis il souleva le poids mort comme un fétu de paille et le plaça sur son épaule, tel un vulgaire sac de pommes de terre. Hailey était déjà sortie de la grotte aux reptiles, Pawel en la voyant partir secoua de nouveau la tête. Bien sûr, il aurait dû se douter qu’elle ne l’aiderait pas et qu’il devrait se taper le sale boulot tout seul.

Le manteau sur une épaule et le gardien inerte sur l’autre, le brun suivit la jeune femme sans broncher jusqu’à la partie magique du zoo, devant une espèce de plan d’eau immense qui s’étendait devant leurs yeux. Bien sûr, le vieux moldu n’avait pas emmené Pawel dans cette partie du zoo, ainsi il comprît que sa congénère était une sorcière, comme lui. De quoi redorer son blason, un tant soit peu. Il l’observa appeler la créature aquatique, une dénommée Ingrid. Loin d’être un spécialiste de créatures magiques, le polonais se contenta d’acquiescer. Un crocodile quoi, ni plus ni moins. Il n’avait aucune fibre à ce niveau-là, contrairement à la blondinette qui semblait être comblée, et sous le charme de cette bestiole. Le vampire ne voulait pas lui casser son délire, alors il se força à détailler plus en détails la soit disante créature « magnifique », avant d’intervenir.

« Ah, ouais. Magnifique… »

Voilà qui sonnait faux. Mais au moins il avait fait l’effort de s’y intéresser. Un peu. Suite à ces mots, Pawel obéit à sa congénère et balança la carcasse inerte sans ménagement dans le plan d’eau, la créature aquatique n’en fît qu’une bouchée. Fin tragique pour ce brave homme qui n’avait rien demandé, dont l’erreur fatale avait été de vouloir trop bien faire son travail, et d’avoir fait confiance à un vilain vampire.

Ainsi fut fait, la pression était inlassablement retombée, et Hailey vint d’avantage casser l’ambiance avec son sermon. Le polonais leva les yeux au ciel et se tourna vers elle. Que cherchait-elle ? Lui faire remarquer son imprudence, ou être rassurée, peut-être ? Il éclata de rire.

« Laisse-moi te rappeler que je ne suis pas la bête sanguinaire qui a mis fin aux jours de cet homme… »

Sourire sarcastique aux lèvres, mais elle n’avait pas à s’inquiéter car il n’avait pas l’intention de la trahir, de toute façon. Et puis, il risquait autant qu’elle à avoir été complice de ce crime gratuit. Sûr de lui, il lui mit la main sur l’épaule, un geste qui se voulait rassurant et fraternel.

« T’en fais pas. Ils ne retrouveront jamais le corps, alors... Pas de preuves, pas de crime. »

La jeune femme prenait sans doute Pawel pour rien de plus qu’un connard arrogant, mais il n’avait tout de même pas que des défauts. Et quand il disait qu’il ne l’a trahirait pas, c’était sincère. Enfin, tout dépendait de ce qu’il se passerait par la suite. Ce meurtre avait été imprudent, sans aucun doute. Ils en payeraient les conséquences, mais pour le moment le vampire était trop sûr de lui pour y penser.
Tandis qu’il s’était de nouveau tourné vers le plan d’eau et qu’il regardait la belle Ingrid faire ses brillantes figures devant leurs yeux, le grand brun en profita pour vouloir soutirer à Hailey les réponses qu’il cherchait depuis le début de leur rencontre.

« Au fait, la force d’un vampire ne dépend pas de ses muscles, mais de son âge. » Et pour cause, Sarah qui était bien plus âgée lui mettait des branlées alors qu’elle était aussi petite et svelte que la blondinette à côté de lui. « Sur l’échelle de l’immortalité, je ne suis pas très vieux. Mais sûrement plus que toi…Non ? »

Jeune vampire ou non, en tout cas elle avait l’air d’avoir du répondant et de ne pas se laisser marcher dessus si facilement, sans doute loin de la petite blonde fragile dont elle avait l’air au premier abord. Peu de temps s’était écoulé depuis le premier regard, mais déjà Pawel sentait l’influence qu’il commençait à avoir sur Hailey, même si elle ne se l’avouerait probablement pas, et cette seule pensée le faisait se sentir puissant et supérieur. Il ne regrettait pas d’être tombée sur cette vampirette pour égayer sa nuit, aussi agaçante et peste était-elle. En effet, le grand brun ne s’était pas intéressé plus que ça à la créature qui avait englouti le gardien, car son attention était d’avantage portée vers la jeune femme, bien plus attirante encore avec un reste de sang au coin des lèvres. Même si elle l’accusait de ne pas prendre son travail d’agent de sécurité au sérieux pour lui avoir fait commettre un meurtre. Une réflexion qui fut loin de heurter la susceptibilité du vampire, car il était sûr de lui quant au fait que l’un ni l’autre ne risquait quoique ce soit dans cette affaire. Au contraire même, il laissa échapper un petit rire, à présent ses crocs étaient bien rangés. Face à la blondinette, la tête légèrement penchée sur le côté, il se jouait bien plus de la situation qu’il ne s’en inquiétait.

« Mais bien sûr que j’ai raison. Et t’aurais préféré que je te dégage d’ici à coups de pied au cul ? Ça peut s’arranger si tu insistes… »

Bien sûr, Pawel n’était pas sérieux sur ce point mais se plaisait à imaginer la scène malgré tout, même si il avait bien plus de respect pour la gente féminine qu’il ne s’en donnait l’air. Il avait été élevé ainsi et c’était l’une des seules valeurs d’humain qu’il n’avait pas perdu en devenant vampire. Hailey n’était pas une proie, en revanche, et sa jeunesse vampirique lui donnait envie de jouer avec elle, il ne comptait pas la lâcher, alors il était loin de penser à la dégager comme ça. Détendre l’atmosphère par des réflexions irritantes, le polonais n’était pas sûr que c’était ce dont la vampirette avait besoin pour être rassurée, mais tant pis.
Ainsi depuis le début il avait raison, Hailey était effectivement une jeune vampire. Plus que ça, même, six moi était fort peu, elle était carrément un bébé. Étonnant que son créateur la laisse vagabonder seule à cet âge, à moins qu’elle était parvenue à apprendre le contrôle très rapidement…Non, vraiment bizarre, Pawel lui-même avait encore du mal alors qu’il était plus vieux. Cela n’empêche pas la jeune femme de s’assurer d’être plus maligne que lui, ce fut à son tour de jouer les prétentieuses. C’était sûrement vrai, car même quand il était humain, Pawel n’avait jamais été reconnu pour ses compétences intellectuelles, loin de là. Voilà pourquoi cette réflexion non plus ne heurta pas la susceptibilité du vampire. Au contraire, cela sonnait au creux de sa tête comme une raison de plus pour ne pas lâcher la petite Gwendoline.

« Donc on se complète, quoi… »

Le mâle serait les muscles, la femelle, le cerveau. Le brun pouffa de rire à cette idée, même si ce n’était pas vraiment avantageux pour lui de passer pour l’abruti de service. Mais bon, il fallait bien faire plaisir à la femelle pour se rendre plus sympathique et accessible à ses yeux, tout en conservant son côté « bad boy » qui de toute façon était trop naturel pour être mis de côté.
Hailey renvoya ensuite la question à Pawel sur son âge vampirique, mais celui-ci ne répondit pas tout de suite, il se contenta de sourire, d’un air sarcastique. Il lui laisserait bien le deviner elle-même, tiens. Il était toujours focalisé sur l’âge de sa congénère. Plus il y pensait, plus il se disait que six mois était vraiment jeune pour être lâchée ainsi dans la nature. Surtout que la blondinette ne semblait pas connaître grand chose sur ses semblables, depuis le début elle posait des questions ou sortait des réflexions qui faisaient d’avantage penser à une humaine, qu’à un vampire. Le polonais ne prît pas de pincettes avec Hailey, il l’a devança et se plaça face à elle.
L’air plus sérieux que jusqu’à maintenant, il planta intensément son regard azur dans le sien.

« Mais il t’a rien appris, ton créateur ? Il, ou elle, est où, d’ailleurs ? »

Il ne pouvait croire que la jeune femme avait été obligée de se débrouiller seule, sinon l’étendue des dégâts aurait été considérable. Peut-être qu’elle l’avait été déjà, et que ce genre d’affaires était passée sous silence par le gouvernement, ou encore mis sur le dos des lycanthropes, les boucs émissaires du Ministère depuis des mois. Pawel ne suivait pas en détails les actualités côté sorcier, mais il était difficile de passé à côté.
Aussitot, il enchaîna :

« C’est pas prudent de sa part de te laisser traîner toute seule. À moins qu’il s’en tape de toi, et qu’il veuille te laisser crever. »

Le brun haussa les épaules. Sarah lui avait toujours rabâché que transformer un humain en vampire impliquait beaucoup de responsabilités, qu’il était primordial pour un jeune mordu d’être accompagné pendant plusieurs années, et que sans cela, beaucoup de jeunes vampires ne vivaient pas longtemps. C’était logique, à force de manquer de prudence, ils finissaient par se faire tuer.


« Sache juste que je suis assez expérimenté pour tout t’apprendre, et te guider dans cette nouvelle vie. » Un nouveau sourire apparut alors au coin de ses lèvres. Pawel avait décidé de saisir l’opportunité de modeler une créature à son image, se vantant d’être un vieux spécimen expérimenté, alors qu’il n’en était rien. Si Hailey acceptait, cela ne faisait aucun doute qu’il allait bien s’amuser avec elle…

L’expression crispée de la vampirette trahissait probablement le fait qu’elle n’avait pas connu son créateur, Pawel ne cherchait pourtant pas à lire en elle ou en qui que ce soit comme dans un livre ouvert, il n’était pas doué pour ça. Mais parfois, certains traits suffisaient à en dire long, même si il ne saurait jamais ce qu’il se passait réellement dans cette petite tête blonde, l’influence qu’il avait réussi à avoir sur elle, l’avait pour le moment satisfait. Maintenant, le grand brun avait voulu tester si il était capable de la faire aller encore plus loin, avec lui. Sans lui dire depuis combien de temps il était un vampire, il se présenta comme capable de lui apprendre bien des choses…Ou plus exactement, d’entraîner Hailey dans ses délires malsains. Sarah était bien trop sage pour prendre part à ce genre de desseins, la blondinette était une vampire encore plus jeune que lui, mignonne et influençable, aussi elle était la candidate partenaire idéale pour Pawel.
Il faisait le paon, bombait le torse, se la jouant mâle dominant comme il se plaisait à le faire avec les minettes faciles, la pauvre Hailey sans créateur avait bien besoin d’un précepteur si elle voulait survivre dans ce nouveau monde qu’était le leur. Pour une fois, le polonais n’exagérait pas, beaucoup de jeunes vampires non accompagnés peinaient à se contrôler et ça se terminait très souvent mal. Et encore, il trouvait que la jeune femme à côté de lui se débrouiller plutôt bien si elle avait déjà survécu une demi-année seule.

Mécanisme de défense ou non, elle prétendait se ficher de qui l’avait transformé. Pawel haussa un sourcil étonné, il n’était pas sûr d’y croire. Mais aucune importance, l’objectif était qu’Hailey accepte ses pseudo-leçons, et le stratagème du vampire eut l’air de fonctionner, puisqu’elle n’avait plus l’air si sûre de ses capacités à présent. Loin de lui l’envie de la rabaisser, mais il voulait juste lui faire croire qu’elle avait besoin de lui. Elle avait relevé la tête vers lui. Le sourire malfaisant du grand brun s’effaça au coin de ses lèvres, mais il le gardait pourtant bien intérieurement, satisfait de la situation. Difficile de résister à ce regard clair, cet adorable sourire féminin qui pourrait presque attendrir le sang-pur impitoyable et provocateur que Pawel était d’ordinaire. À cet instant, Hailey lui faisait penser à sa petite sœur, si douce et aussi mignonne que la vampirette.
Dans un geste presque rassurant et fraternel, il posa une main sur l’épaule de la jeune femme.

« Mais non tu ne vas pas crever… »

Pas tant que Pawel avait décidé de faire d’elle une créature qui lui ressemblait. Pour une fois qu’il avait trouvé une partenaire dont il pourrait tirer tout ce qu’il voulait, du moins c’était ce qu’elle lui laissait croire, personne ne s’approcherait d’elle. Un rapide regard vers l’horizon, l’aube était encore loin de se levée, mais le vampire jugea préférable de reprendre son travail, sans aucune idée de l’heure qu’il était réellement.

« Tu devrais partir, maintenant. Faut que je bosse. Et si jamais on te voit, j’peux dire tchao à mon fric. »

Et oui, c’était la seule chose qui lui avait traversé l’esprit. Par contre, le fait d’avoir assassiné le vrai gardien, ainsi qu’un animal, Pawel n’y pensait pas plus que ça. Tout ce qu’il se passait lors d’une attaque vampirique était si jouissant que le retour à la vie « normale » était ennuyeux et monotone. Il se glissa ensuite derrière la jeune femme, sans lâcher son épaule, mais cette fois il posa son autre main sur sa deuxième épaule. La surpassant évidemment d’une bonne tête et demi, il se pencha pour murmurer à l’oreille sensible de la vampirette :

« Et ne t’en fais pas, si tu veux me revoir, tu vas me revoir… »

Aussitôt ces derniers mots prononcés, le grand brun se retira et retrouva à présent un sourire moins narquois et plus détendu. Il était sûr de son coup, sûr que lui et cette femelle vampire trouveraient le moyen de se retrouver, plus tôt qu’elle ne le croyait. Mais pour le moment, Pawel devait terminer cette mission de gardiennage ennuyeuse.

« Bonne nuit, Gwendoline. »

La nuit en question était déjà bien avancée, mais pour eux, vampires, cela sonnait la fin de leur journée. Dès que les rayons du soleil pointeraient le bout de leur nez, les deux créatures noctambules seraient obligés de se cloîtrer pour ne pas finir brûlés, peu importait où la blondinette habitait en ce moment. Avant de s’en retourner vers ce qui lui servait de bureau de veille, le polonais lui adressa une dernière remarque :

« Au fait, à l’occasion tu devrais aller faire un petit tour dans les Balkans. Il y a des guerres là-bas en ce moment ! Et donc, buffets à volonté, source inépuisable de sang ! Que de corps agonisants qui ne demandent qu’à être achevés… »

Puis, il disparut furtivement derrière les broussailles.