It's a new world - Enzo

Sortir du château. La dernière fois, ça n’avait pas été une franche réussite. Poudlard était devenu pour Sovahnn une véritable maison, avec ou sans les Supérieurs. Surtout sans, certes, mais c’était bien avec qu’elle avait réussi à se reconstruire. Elle avait affronté un monde qui lui était inconnu et qu’elle avait dû faire sien. Et elle s’en était sorti, à force de se battre. Et pourtant, une fois sortie de là, elle s’était retrouvée comme une véritable enfant, perdue devant l’inconnu. Elle n’avait eu qu’une envie, s’enfuir. Pourtant, c’était bien chez elle qu’elle était rentrée, chez sa mère, dans le cocon même de ses repères. Pourtant une fois là bas, elle s’était rendu compte que ses souvenirs étaient compromis et, son « chez elle », corrompu. Elle n’y était pas à sa place, car la personne qui avait franchis la porte la dernière fois n’était pas la même que celle qui y était revenue des années plus tard. D’ailleurs, sa famille non plus n’était plus la même. Son coma avait changé beaucoup de choses, et ces changements, elle n’était pas prête à les accepter.
Alors quand l’occasion était de nouveau venue de sortir d’ici, elle avait failli faire comme à chaque fois : se terrer au château. Non, elle n’était pas à l’aise à l’extérieur. Pas chez elle, pas là où elle avait grandit en tout cas. Son ancienne elle et l’actuelle s’y battaient furieusement et elle en sortait ébranlée. Sa famille recherchait l’enfant perdue, le temps de l’enfance anéantis. Mais elle ne pouvait leur offrir ça. Ça reviendrait à détruire tous les efforts qu’elle s’était acharnée à fournir pour se construire, ça reviendrait à briser tout ça, et elle ne se sentait pas assez solide actuellement pour ne pas s’y écrouler. Alors elle s’éloignait de ceux qu’elle avait pourtant voulu retrouver au plus fort de son âme. Comme s’ils n’étaient plus réellement ces gens-là. Comme si ça n’était finalement pas si important que ça.

Mais elle n’était pas forcée de se limiter à son quartier, lui avait rétorqué le baroudeur numéro 2 de l’équipe, avant même que la baroudeuse numéro 1 n’intervienne. Non, c’était vrai. Elle n’avait pas besoin de se cantonner à ça. Alors Takuma l’avait accompagnée. Il l’avait fait sortir de là. Il l’avait amenée à Londres. Un autre Londres. Une ville qu’elle ne connaissait finalement pas. L’autre côté du miroir. Les yeux grands ouverts, la jeune femme avait découvert des lieux qu’elle ne connaissait pas. Il lui avait fait découvrir une partie de la ville, lui en avait expliqué les grandes lignes. Et puis elle lui avait demandé de la laisser un peu seule. Elle qui avait recollé les morceaux sans arrêt accompagnée, observée, entourée avait ressenti le besoin d’être un peu seule. Un chocolat chaud à un café sorcier : incroyable comme cela pouvait sembler relever d’un univers complètement différent de celui dans lequel elle avait grandit. D’autant qu’elle était plutôt de la banlieue, voire de la campagne à la base.

Là, seule dans cette grande ville, la jeune femme avait de nouveau cette impression qui l’avait étreinte à son réveil. L’impression d’être de nouveau presque adulte. Presque forte.

Un « verre » d’une mixture étonnante appelée « jus de gimol » à la main – quoi qu’un gimol soit – la jeune femme avançait à présent dans un lieu qu’elle avait voulu découvrir depuis que Jordane en avait parlé. Le zoo. Bien sûr, c’était eux qui lui avaient financé sa petite escapade. Des économies restreintes qui ne dureraient pas bien longtemps, mais à l’heure actuelle, elle s’en foutait comme de son premier body.

Arrêtée face à une serrer où d’immenses espèces d’oiseaux volaient, faisant crépiter l’air autour d’eux, la jeune femme, les yeux brillants, savourait ces étranges découvertes qui n’en finissaient pas. Comment avait-elle pu vivre dans un monde sans en connaître moins d’un dixième ?

« NON ! Il en est strictement hors de question ! »
« Travis ... »
« Je ne laisserais pas notre fils seul, et encore moins à l'extérieur, avec ce ... »
« Je t'en prie, termine ta phrase. »

Le regard peu avenant, je ne bouge pas d'un millimètre, l'épaule appuyée contre l'une des immenses bibliothèques qui cachent tous les murs de ce bureau : Celui du Vieux aka mon Grand-Père maternel. Celui qui s'insurge, c'est mon cher oncle. Pourquoi est-ce qu'il le fait ? Parce que j'ai soumis l'idée d'emmener Victor, le plus jeune de ses deux fils, au zoo. Si je pouvais lui sauter à la gorge je le ferais, j'exècre ce type de toutes les cellules de mon être même si la plus part du temps j'ignore son existence. Amelya tente de garder son calme mais je vois bien qu'elle lute contre … de la colère ? Je le crois. Et elle n'est pas dirigée contre moi. Le patriarche, lui, essaie de faire l'arbitre. Vaste blague.

« Messieurs, s'il vous plait. »
« Victor serait tellement heureux. Tu le sais à quel point il adore les animaux. »
« On pourra très bien l'emmener nous-même ! »

Je pourrais presque lire dans la tête de ma tante en cet instant et à voir le regard fuyant de son mari, lui aussi. Oui, mais quand ? Voilà ce qu'elle pense. Il passe son temps enfermé dans son bureau.

« Travis, s'il vous plait calmez vous. Enzo ne ferait jamais aucun mal à Victor et vous le savez. »
« C'est pas le souvenir que j'en ai. Je vous rappelle que nous avons dû changer la porte de l'accès à leurs chambres il y a quelques mois de ça. »
« Travis ! »

Bras toujours croisés, stoïque, je serre les poings et les mâchoires. Touché. Je n'étais pas moi-même, je garde pourtant en tête ce vague souvenir, cet instant de flottement où j'ai voulu si fort leur faire payer le fait de me garder captif ici. Et je revois mes griffes lacérer la porte en question, le fauve prêt à tuer ces deux êtres innocents et endormis qui n'ont jamais eu conscience de ça. Je me sens suffisamment coupable comme ça, autant le dire, mais c'est le passé et je ne pourrais jamais rien y changer.

« T'as peur de quoi ? Que je le kidnappe ? »

Ironie de la chose, bonjour.

Le ton est acerbe, mauvais, presque amer alors que je le fusille du regard non sans un sourire sur le coin des lèvres. Cette attaque est pleine de sous-entendus que tout le monde dans cette pièce aura parfaitement compris. Les mots m'ont échappé, c'est plus fort que moi. J'ai beau avoir très largement gagné en maitrise, cet enfoiré sait toujours où me chatouiller pour me faire sortir des mes gonds. Mais pour l'heure je sais qu'il s'inquiète réellement pour son fils, comment est-ce que je pourrais l'en blâmer ? J'imagine que j'en ferais autant.

« Enzo, s'il te plait ... »

La voix suppliante, presque triste d'Amelya me ramène sur terre. Le regard que je lui adresse est beaucoup plus doux, à la fois une excuse silencieuse. Elle a raison, c'est stupide d'entrer dans le jeu de Travis.
S'en suis de longues négociations auxquelles je ne participe pas, me contentant de les laisser discuter et décider. Amelya fini par avoir le dernier mot, soutenue par son père, au grand damne de son mari à peine résigné qui m'adresse à nouveau un regard chargé d'amour …

« Gibson ne vous quitte pas d'une semelle. »

Je hoche la tête en signe d'acceptation. Si c'est ce qu'il faut pour que son gamin puisse prendre l'air, ça n'est pas très cher payé. Je peux comprendre.

« Et vous êtes rentrés à 17h. Passé ce délais je considère que vous avez eu tort de lui faire confiance et viendrais chercher le petit moi-même. »

Il va quitter la pièce, en colère, frustré, mais bien sûr il s'arrête à mon niveau. J'ai tellement envie de le démolir, ça me démange, me chatouille, pourtant je reste sage. Plus ou moins. Et par je ne sais quel miracle.

« Je te préviens, tu n'as pas intérêt à l'emmener chez les Moldus. »
« Faudrait pas qu'il puisse ouvrir son esprit et penser par lui-même. »

Je ne peux pas m'empêcher de sourire, rien que pour lire dans ces yeux toute la haine qu'il ressent à mon égard. Un seul pas de travers et j'ai l'excuse toute trouvée pour me le faire. Pourtant, pour Amelya, pour Victor, je sais que ça n'est pas de cette façon dont je devrais penser. Le plus important c'est que le petit va passer la journée avec moi, dehors, et que j'en suis très heureux. On ne choisi pas sa famille après tout, hum ?

« Je vais chercher Victor. »

Fin de la discussion. L'une des portes claques derrière Travis, l'autre reste ouverte alors que sa femme quitte la pièce à son tour. Je croise le regard du Vieux, aucune idée de ce qu'il pense de tout ça et … Je me rends compte que je n'en ai pas grand chose à faire.


« Oh Woooooaaaouh !!! »

Voilà. Voilà pourquoi ça en valait la peine. J'ai le gamin sur les épaules et depuis tout à l'heure il s'émerveille de chaque créature que l'ont voit. On a proposé à Simon de venir, son refus ne m'a pas étonné. Peu importe.
Le peu de pas qu'on a pu faire du côté Non-Magique m'a un peu refroidit quand j'ai réalisé le peu d'espace dont disposait les animaux, mais côté magique c'est autre chose. Des immensités imprenables, une réplique parfaite – je pense – de leur état naturel, et devant nos yeux un félin de taille assez conséquente.

« Qu'est ce que c'est comme créature ? »

Aucune idée. Alors je fais quelques pas pour regarder l'écriteau qui nous explique à quelle espèce appartient ce gros chat – sans offense – et quelles sont ses mœurs.

« Un Womatou, il vient d'Amérique du Nord. »
« Il est trop beau ! On dirait Groom. Mais en plus gros. »
« Moui … certes. »

Un rire amusé m'échappe, sachant que Groom n'est autre que son vieux chat tigré mais si ça peut lui faire plaisir … Ce gosse vient d'avoir huit ans et j'ai l'impression qu'il n'est jamais sorti de chez lui. Ça me ferait presque mal au cœur mais je réalise que c'est le cas de la plus part des personnes dont je partage le sang.

« T'en avais déjà vu ? »
« Non, jamais. »

Et j'en ai totalement oublié – ou presque – la présence du sbire de Travis qui nous suit tel un garde du corps. Il est discret, faut pas charrier, après tout c'est son métier. Victor lui parle parfois, pour ma part je ne fais pas tellement attention mais dans le fond je n'ai rien contre le type en lui-même.
Et puis il y a cette silhouette familière qui attire mon attention et fait s'étirer un sourire immédiat sur mon visage. Gibson ne comprend pas, se méfie, je lui fais signe de se détendre – en y mettant les formes, je vous voie venir – alors que je m'approche en silence vers Sovahnn qui, une boisson entre les mains, semble captivée parce qu'elle a sous les yeux. Victor continue de commenter tout ce qu'il voit, toujours perché là-haut sur mes épaules. Je m'arrête juste à côté de la petite blonde et ne dis rien, attendant de voir au bout de combien de temps elle va réagir et s'apercevoir de ma présence.

« Annnnnnh woooooooaouuuuh !!! »

Et une nouvelle exclamation de fascination du petit, une ! Encore plus bruyante que les précédentes j'ai bien l'impression. Si avec ça elle ne nous a pas cramé ...

Un zoo de centre ville, c’est toujours un lieu où les animaux n’ont pas réellement assez d’espace. Des efforts sont fait, c’est un fait, mais toujours est-il qu’il est difficile en centre urbain de trouver la place de fournir un confort minimum aux bêtes (humains et autres d’ailleurs). Alors quelle ne fut pas la surprise de la jeune femme lorsqu’elle pu entrer dans la partie magique de ce parc. Takuma lui avait expliqué ce qu’elle devait faire et, en effet, une fois sortie de la grotte aux chauves souris, Sovahnn s’était retrouvée face à des immensités qu’elle n’avait pas soupçonnées. Comment tout ça pouvait entrer dans cet espace ridicule ? Comment les moldus pouvaient-ils ne s’apercevoir de rien ? Tout ça, elle n’en avait aucune idée. Mais ça relevait de l’incroyable. Et découvrir du magistral à tous les coins de rues dans une ville qui ne semblait pas receler tant de secrets avait de quoi réveiller l’enfant émerveillée en elle. En effet, tous les sorciers ne sortaient pas dans le monde, et si impur que soit son sang, pour le coup, elle faisait partie de ces reclus qui avaient encore tout à découvrir.

Quoi de mieux pour cela que d’être ici d’ailleurs ? Jake l’y aurait probablement emmenée s’il n’était pas … comme il était devenu. Il lui aurait expliqué énormément de choses, de détails sur chacune des créatures qu’elle pouvait observer ici. Ça avait été son métier, sa passion depuis tout jeune. Ils en avaient beaucoup parlé. A vrai dire, ils avaient beaucoup parlé, ce qui était assez choquant quand on voyait l’être peu loquace qu’il était devenu. C’était fait, Maxence l’avait confié à un ami à lui, un médecin de Sainte Mangouste qui avait cessé d’y aller car l’hôpital également était devenu un lieu beaucoup trop dangereux, d’autant plus pour un « sang de bourbe » comme lui. Comme elle. Il ne serait probablement plus jamais celui qu’elle commençait seulement à connaître, à qui elle commençait à s’attacher. Elle n’en avait jamais parlé avec Aileen d’ailleurs. Pas de ses sentiments à elle du moins, car évidemment, le sujet douloureux de son frère était fréquent ces derniers temps. Quelque part, ça lui faisait d’ailleurs du bien de s’éloigner, de fuir ce sujet et ce, bien qu’il la rattrape manifestement jusqu’au zoo en une belle journée d’été.

Cette réalité était douloureuse pour elle, mais malgré ça, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir revivre ici, près de toutes ces merveilles qu’il lui restait à découvrir. Il lui semblait qu’il lui restait tout à construire et, à l’heure actuelle, c’était pour elle un réel moteur.

Complètement plongée dans ses pensées, la jeune femme se perdait dans la contemplation des volatiles islandais – d’après le panneau. Tant et si bien qu’elle s’était trouvée complètement déconnectée du reste du monde et, surtout, de ce qui pouvait bien se passer à côté d’elle. Certes, certains cris avaient tendance à la sortir de son hypnose, mais jusqu’ici, elle n’avait fait que survoler la surface du monde réel. Jusqu’ici. Jusqu’à ce qu’un enfant crie une nouvelle fois, bien plus fort cette fois-ci.

Sursautant, Sovahnn s’était retournée par réflexe vers l’enfant, cherchant la source de tant de… de « waw ». C’était elle la plus ébahie merde ! Surtout en cet instant à vrai dire. Sans aucune surprise, elle ne connaissait pas le petit. Sa monture en revanche, beaucoup plus.

Ses yeux s’arrondissant en soucoupes, elle lâcha un cri d’étonnement, tout de suite suivi d’un sourire ravi.

« Hey qu’est-ce que tu… j’savais pas que t’avais pour projet d’adopter… ?! »

T’aurais pu le dire franchement.

« Ils t’ont précisé à l’agence leurs âge, parce qu’autant le premier est mignon, le second par contre… j’sais pas s’il était à -50 ou quoi mais ils t’ont entubé, sache le ! »

=D

Oui parce que le grand dadet non loin d’Enzo et de son protégé, qui la fixait d’un air mauvais, elle n’avait pu que le remarquer.

« J’peux te sauter dans les bras ou tu risques de basculer en arrière ? »

Une belle commotion cérébrale pour un séjour raté au zoo, ça serait dommage pour cet enfant tout de même non ?

Sursaut de sa part, éclat de rire de la mienne. Victor ? Aucune idée. Perchée là-haut je ne le vois pas, forcément. Et puis la surprise dans le regard de la petite blonde, suivit d’un sourire.

« Hey qu’est-ce que tu… j’savais pas que t’avais pour projet d’adopter… ?! »
« Moi non plus. Mais les choses sont allées très vite … »

Entre Kezabel qui me file de triplés et maintenant Sovahnn avec Victor, désolé chéri mais visiblement on va avoir une grande et belle famille – Oui parce que j’envisage pas d’élever des enfants seul, évidemment, donc t’es obligé de participer. JE PLAISANTE. Respire. J’te ferais pas d’enfants dans le dos, promis. D’ailleurs … On en reparle de ton adoption d’Elijah ou … Parce qu’au final c’est toi qui m’a fait un enfant dans le dos ! Bref, pardon, c’est pas comme s’il lisait dans mes pensées à distance et on se recentre s’il vous plait.

« Ils t’ont précisé à l’agence leurs âge, parce qu’autant le premier est mignon, le second par contre… j’sais pas s’il était à -50 ou quoi mais ils t’ont entubé, sache le ! »

Le second ? Ça met quelques secondes avant d’atteindre le cerveau je dois bien l’admettre mais un léger coup d’œil vers la direction dans laquelle le regard de Sovahnn est braqué furtivement me rappelle qu’effectivement, j’en ai deux pour le prix d’un.

« Y avait une promo ouais, un acheté = un gratuit. J’me suis dit que ça pouvait servir. Pour faire le ménage, tondre la pelouse, sortir le chien, etc … »
« Quel chien ? »

Et merde. Note à moi-même : Faire gaffe aux conneries que je raconte en présence du p’tit. Des fois qu’il irait tout raconter à son cher Papa … En fait je vais pas du tout faire attention.

« J’peux te sauter dans les bras ou tu risques de basculer en arrière ? »
« Hum, attends. »

Sourire amusé sur le visage, je lève les bras et chope le gamin pour le faire passer tant bien que mal par-dessus ma tête et le reposer par terre. Il ne bronche pas, ce gosse a un tempérament absolument génial. Pas que je sois habitué aux enfants mais disons … que je préfère l’avoir lui avec moi que Amy par exemple, qui serait à mon avis beaucoup moins gérable. Et je suis con, j’aurais dû proposer à Clarisse de venir avec nous, avec sa petite sœur du coup. Ça aurait pu être carrément fun. D’autant que je pense que le courant serait super bien passé entre elle et Sovahnn. Mais encore une fois je m’égare, désolé.

« Si j’le ramène pas en entier à ses parents, ou même légèrement abimé, je risque de ne pas revoir le jour. Et je l’aime bien, le jour. »

On va miser sur le fait que mon visage est suffisamment haut par rapport aux oreilles de ce bonhomme et qu’il n’a donc pas entendu. De toute façon, son attention est totalement focalisée sur le Womatou. Et sur Sovahnn, aussi, que je prends dans mes bras l'espace d'un instant.

« J’te présente Victor, un de mes cousins. Le fils de la sœur de ma mère pour être tout à fait exact. »

Oui parce que la filiation c’est important. Et que j’adore digresser, on le sait. Tu veux mon groupe sanguin ? C’est L+ … Ok je sors.
Le p’tit collé contre ma jambe, ma main tranquillement posée sur sa tête dans un geste affectueux, c’est à lui que je m’adresse à présent.

« Victor, c’est Sovahnn. Une amie que j’ai rencontré à l’école. »

Et on passera sur les circonstances, pour cause de public non averti. De toute façon c’est clairement pas le plus important et ce qui détermine notre lien mais l’image m’amuse l’espace d’une seconde.

« Bonjour Savane. »

Et ça, ça m’amuse encore plus. Autant le dire j’étouffe un rire et me mords les lèvres pour ne pas qu’il s’exprime trop fort. Il a sorti ça avec tellement d’innocence, la guimauve en moi trouve ça adorable.

« Tu me diras, c’est de circonstances. »

Vu devant quel « enclos » on se trouve, tout ça … Ou pas, en fait, parce que ce gros chat ne vit absolument pas dans la savane mais tout le monde a compris l’idée. Et puis ils doivent bien avoir un peu de Savane dans le coin, pour d’autres créatures.

« Hey qu’est-ce que tu… j’savais pas que t’avais pour projet d’adopter… ?! »
« Moi non plus. Mais les choses sont allées très vite … »
« Ils t’ont précisé à l’agence leurs âge, parce qu’autant le premier est mignon, le second par contre… j’sais pas s’il était à -50 ou quoi mais ils t’ont entubé, sache le ! »
« Y avait une promo ouais, un acheté = un gratuit. J’me suis dit que ça pouvait servir. Pour faire le ménage, tondre la pelouse, sortir le chien, etc … »
« Quel chien ? »

Sovahnn cachait son sourire comme elle le pouvait en se mordant la lèvre. Lançant un regard entendu à Enzo, elle savait qu’ils se comprenaient. Toujours était-il qu’à travers toutes ces belles répliques, elle ne savait toujours pas qui était cet enfant. Et surtout, qui était le grand balèze qui les suivait comme leur ombre. Et avec tout ça, ils ne s’étaient surtout pas dit bonjour comme il se doit !

« J’peux te sauter dans les bras ou tu risques de basculer en arrière ? »
« Hum, attends. »

Retour au sol pour le gamin tandis qu’elle partait aux septiè…. Non, je ne vais pas dire ça. Dans les bras de son ami. Oui, voilà, c’est moins tendancieux. Bref : câlin !

« Si j’le ramène pas en entier à ses parents, ou même légèrement abimé, je risque de ne pas revoir le jour. Et je l’aime bien, le jour. »
« D’où l’utilité du gros malabar… »

Dont la présence n’est absolument pas oppressante. Non, pas du tout. Il la fixait d’ailleurs toujours avec un air sévère, auquel elle ne cessait de répondre par un grand sourire de circonstances. Oui, parce que quitte à avoir affaire à de la connerie, autant répondre de manière non violente. Il y a un enfant dans l’histoire. Eh puis, surtout, Enzo semblait accepter la situation, voire même l’avoir réclamée, et c’était lui que ça regardait.

« J’te présente Victor, un de mes cousins. Le fils de la sœur de ma mère pour être tout à fait exact. »

Le fils du cousin du frère de ma grand-mère. Ahem.
Adressant un grand sourire au petit tout en s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur, la jeune femme lui avait tendu la main, façon protocolaire, tout en mimant une personne très sérieuse et coincée. Un peu comme musclor là bas. Il dû comprendre l’allusion car il lui répondit avec un grand sourire (c’est beau le mimétisme) avant de lui serrer la main comme un faux grand.

« Victor, c’est Sovahnn. Une amie que j’ai rencontré à l’école. »

Une amie rencontrée à l’école. Tout à fait, on va dire ça comme ça. Ça fait beaucoup plus normal dit comme ça.

« Bonjour Savane. »

….

Tête qui part en avant et air désespéré. Savane….savane. Et l’autre qui se marre ! Enfin, il a raison en même temps.

« Tu me diras, c’est de circonstances. »
« Ouais vu comme ça ouais ! Tu sais que c’est un gâteau vachement bon le savane ?! Alors bon, j’accepte le compliment ! Je suis sucrée et moelleuse, je valide. »

Ahem. Quoi ?

« Bon, alors, super Zozo t’emmène au zoo ? »

Ouais bah il n’y a pas de raisons qu’il n’y ait que moi qui morfle hein !

« T’es dans le coin ? En fait je ‘sais jamais vraiment trop ce que tu fais pendant les vacances. A part te dorer la pilule dans ton pays ensoleillé natal. Et te frotter aux embrouilles familiales. »

C’est assez bien résumé. Pendant que toi tu fuis ta propre famille. Très responsable de ta part.

Takuma m’a emmené découvrir le…. monde. Disons. Et je l’ai quelque peu…. Honteusement planté. »

Et Takuma. T’es douée pour te faire la malle en fait.

« Ouais vu comme ça ouais ! Tu sais que c’est un gâteau vachement bon le savane ?! Alors bon, j’accepte le compliment ! Je suis sucrée et moelleuse, je valide. »

Ne pas rire. Est-ce que les parents vivent ce genre de quotidien en permanence ? A devoir se retenir de rire et garder un air sérieux alors qu’un paquet de trucs leur passent par la tête ? Enfin en attendant elle donnerait presque envie de le goûter ce fameux gâteau, dont je n’ai – bien évidemment – jamais entendu parler.

« Bon, alors, super Zozo t’emmène au zoo ? »
« Ouiii ! C’est trop bien. »

L’avantage des enfants c’est que tu le sais, rien n’est falsifié chez eux. Avec autant d’enthousiasme impossible de ne pas être certain qu’il trouve effectivement tout ça trop bien et sincèrement ça me fait super plaisir. J’adore ce môme, si je peux lui faire plaisir alors ça me rend heureux.

« Super Zozo ! »

Ai-je dit que j’adorais ce môme ? Il me regarde avec un grand sourire, toutes dents exposées, très fier de cette nouvelle trouvaille gentiment offerte par Mlle Savane ici présente. Alors je souris à Victor, l’air de rien, avant de jeter un regard de travers à Miss-Belle-Au-Bois-Qui-Dort.

« Merci. Vraiment. »

Super Zozo … Je sens que ce truc va me suivre, je sais pas, une intuition. Savane et Super Zozo se rencontrent au zoo … ça ferait un bon titre de livre ou un truc dans le genre ça, non ? Y a un truc à en tirer c’est sûr !

« T’es dans le coin ? En fait je ‘sais jamais vraiment trop ce que tu fais pendant les vacances. A part te dorer la pilule dans ton pays ensoleillé natal. Et te frotter aux embrouilles familiales. »

C’est … un bon résumé. Et ça me fait rire. C’est vrai que tout le monde ne se fait pas kidnapper par sa propre famille ou doit gérer le fait de ne pas vraiment rentrer dans la même case que les autres mais avec le recul, même si certaines choses se sont avérées être graves … Je laisse couler et je recolle les morceaux. Jusqu’à la prochaine crise, peut-être, mais pour l’instant le train avance sur des rails a peu près uniformes.

« Takuma m’a emmené découvrir le…. monde. Disons. Et je l’ai quelque peu…. Honteusement planté. »
« Ah bah bravo ! J’espère qu’il est pas entrain de te chercher partout dans le Londres le pauvre. »

La question me traverse l’esprit, bien sûr. Pourquoi est-ce qu’elle l’a planté ? Une envie subite de venir faire un tour au zoo ? Peut-être. Ou peut-être pas. Je garde naturellement un œil sur Victor qui a lâché la conversation pour regarder d’un peu plus près le gros chat derrière la vitre tout en interpelant notre chaperon à qui il pose semble-t-il un million de questions.

« Et oui, j’suis dans le coin. J’me balade entre ici et chez moi, où, pour information, c’est l’hiver donc on repassera pour le pays ensoleillé. »

Comme quoi les clichés ont la peau dure ! Et non, il ne fait pas toujours beau et chaud au pays des kangourous. Ceci dit …

« Quoi que … Y a pas vraiment différence avec l’été ici en fait … »

Ouais, j’aime bien les clichés et me moquer gentiment du Royaume-Unis et sa sempiternel grisaille.

« Mais pour répondre à ta non-question je passe beaucoup de temps dans l’eau, je bricole, je prends le temps de vivre, je traine un peu avec le frangin, je passe du temps avec ma Grand-Mère, avec Will, je revois ceux que j’ai pas eu l’occasion de voir pendant quelques temps pour cause de grosse baraque en pierre au milieu d’un parc et autre cours d’Histoire de la Magie, je passe voir la famille côté anglais aussi du coup - d'où la viré au zoo avec le p'tit aujourd'hui. Ce genre de trucs. »

Et c’est le pied, vraiment. J’avais besoin de ça.

« Et comme c’est plutôt tranquille en ce moment question embrouilles familiales j’en profite. »

Dis donc, c’est qu’on s’ennuierait presque ! Pas du tout. J'attends de voir comment ça va se passer demain entre Will et Derek et on en reparle ... Si d'ici là j'ai pas emplafonné Travis. On ne change pas une équipe qui gagne, j'y peux rien !

« T’en pense quoi alors, du monde ? »

Question à double sens, je crois, parce que même si on s’est un peu éloigné au fil du temps je pense que je fais encore partie des gens qui la connaissent bien. J’ai cru percevoir un truc, quelque chose dans son langage corporel, dans le son de sa voix quand elle a évoqué ce fameux monde mais peut-être que je me plante. J’ai pas la prétention de taper dans le mile à chaque fois.

« Merci. Vraiment. »

« Ah mais de rien mon chéri ! Ça me fait très sincèrement plaisir ! J’en ai encore plein en stock comme ça si tu veux. »

La belle friponne n’avait pu s’empêcher d’adresser un clin d’œil entendu au gamin qui n’en était que plus excité encore. Bon, disons que vu la situation familiale, elle éviterait quand même certaines allusions. La vérité sort de la bouche des enfants, mais toute vérité n’est pas bonne à dire et pas besoin de souffler sur certaines braises. Friponne mais pas couillonne ! Enfin pas trop quoi.
A priori certaines choses s’étaient apaisées pour Enzo et elle préférait vraiment la situation ainsi. S’il pouvait rester ainsi le plus longtemps possible, elle n’en serait que plus apaisée pour lui. Sérieusement ! Si on oublie monsieur malabar : ‘c’est pas beau ça ?! Enzo au zoo avec son cousin.

Second opus de Martine à la plage.

« Takuma m’a emmené découvrir le…. monde. Disons. Et je l’ai quelque peu…. Honteusement planté. »
« Ah bah bravo ! J’espère qu’il est pas entrain de te chercher partout dans le Londres le pauvre. »
« Ben s’il fait ça, autant qu’il se mette à chercher son argent qui se trouve actuellement dans ma poche ! »

Dit-elle avec son air d’innocence pure. Je te rappelle qu’il y a un enfant pas loin, madame la délinquante et que ça n’est pas un exemple des plus appréciable.

« Ouais bon, ok, c’est faux, c’est une crème et il me l’a filé. Parce que j’ai un scoop pour toi hein… mais j’étais déjà pas loin de la faillite en tant que moldu mais de l’autre côté du miroir… c’est la ruine. J’aurais même pas de quoi m’acheter un verre d’eau … ce qui est con, parce qu’il y a plein de trucs ici que j’ai envie de gouter ! »

Et ce que tu viens de dire est tendancieux.

« Et t’as pas le droit de réagir à la connerie que je viens de sortir car il y a des oreilles chastes juste là ! »

Parfait, sublime utilisation d’un enfant. Rien à redire.

« Et oui, j’suis dans le coin. J’me balade entre ici et chez moi, où, pour information, c’est l’hiver donc on repassera pour le pays ensoleillé. »
« Ah. »

Va falloir revoir ta géographie.

« Quoi que … Y a pas vraiment différence avec l’été ici en fait … »
« Ah ! »

Bah tu vois !

« Mais pour répondre à ta non-question je passe beaucoup de temps dans l’eau, je bricole, je prends le temps de vivre, je traine un peu avec le frangin, je passe du temps avec ma Grand-Mère, avec Will, je revois ceux que j’ai pas eu l’occasion de voir pendant quelques temps pour cause de grosse baraque en pierre au milieu d’un parc et autre cours d’Histoire de la Magie, je passe voir la famille côté anglais aussi du coup - d'où la viré au zoo avec le p'tit aujourd'hui. Ce genre de trucs. »

C’était peut-être bête mais elle ne put s’empêché de lui offrir un sourire tendre, touchée qu’il ait le droit à ce genre de moments. C’était rare dans sa vie, surtout considérant les complications familiales qu’il avait dû affronter ces derniers temps alors, oui, elle était sincèrement profondément heureuse pour lui. Se penchant vers son ami, elle lui déposa un petit baiser sur la joue en le serrant une seconde contre elle.
« Et comme c’est plutôt tranquille en ce moment question embrouilles familiales j’en profite. »
« Et tu fais bien ! »

Tu m’as manqué toi. J’sais pas si ça se voit.

« T’en pense quoi alors, du monde ? »

Un petit sourire étirant une nouvelle fois ses lèvres, la jeune femme se tourna une nouvelle fois vers l’enclos, des étoiles dans les yeux.

« J’crois que j’en ai encore beaucoup à découvrir. »

Détaillant la créature devant elle, la jeune femme ne put s’empêcher de penser une nouvelle fois à Jake, à tout ce qu’il lui avait expliqué quand il était encore lui-même et à tout ce qu’il avait dû subir avant de devenir…
Enfin bref.

« Nan mais sérieusement ! T’as vu cette crinière on dirait… du feu. DU FEUUUUUU !! »

Les yeux écarquillés vers le gamin, elle faisait la pitre avant de rire avec lui, probablement plus émerveillée par les trésors que le monde pouvait caché qu’un enfant curieux. C’était dire.

« J’en reviens pas de tout ce que j’ai dû louper en cinq ans. Et de tout ce que j’ai encore devant moi. Tout ce que les moldus ignorent… c’est dingue. »

Là bas, la créature s’ébrouait, semblant faire grésiller l’air tout autour d’elle.

Et encore, elle avait probablement vécu l’équivalent de dix vies, juste en se réveillant à Poudlard un beau jour de Novembre (ou un autre mois… sincèrement, je ne sais plus).

« J’envisage un tour du monde d’ici l’été prochain et des cours de plongée avant la fin d’Aout. Y’a pas un aquarium magique dans le coin d’ailleurs tient ?! »

C’est une idée ça, un aquarium magique….

« J’y suis pas retournée moi. Dans ma famille je veux dire. Il y a un côté absurde entre… leur monde. Leur vision de la vie. Et mon monde à moi. Ils ne savent rien de ce qu’il se passe tu te rends compte ? »

Inconsciemment, elle avait passé à son tour une main protectrice dans la chevelure du petit garçon qui s’était approché près d’elle auprès de la vitre, pour mieux voir les créatures.

J’enregistre, j’écoute, je ne fais pas vraiment de commentaire parce que ça me semble soit inutile, soit déplacé, ou parce que je ne veux pas la mettre mal à l’aise, mais j’en tiens compte. Les problèmes d’argent j’en suis loin pour environ deux ou trois vies, je ne sais pas ce que c’est, je n’ai jamais manqué de rien. Alors sans être un gros gourmand, je serais même du genre à m’excuser d’être riche surtout en sachant que je n’ai aucun mérite à ça puisque ça n’est pas le fruit de mon travail ou ce genre de trucs, non clairement je ne peux pas me mettre à la place de Sovahnn. Ça me rassure de voir qu’elle n’est pas livrée à elle-même, quoi qu’il en soit. Elle en plaisante mais j’imagine que ça n’a rien de confortable comme situation. Et je m’interroge, aussi. Pourquoi j’ai l’impression que sa famille n’est pas dans le décor ?

Mais parlons du monde, c’est bien le monde … C’est surtout que ça me permet aussi de tâter le terrain en douceur. Parce que oui, c’est en partie ce que je suis entrain de faire.

« J’crois que j’en ai encore beaucoup à découvrir. »

Elle observe la créature, moi c’est elle que j’observe tout en essayant de ne pas être trop envahissant. Je la trouve pensive, sans savoir ce qui se passe dans sa tête.

« Nan mais sérieusement ! T’as vu cette crinière on dirait… du feu. DU FEUUUUUU !! »

Victor éclate de rire, moi aussi à vrai dire, ayant toujours le réflexe de jeter un coup d’œil à Gibson qui cette fois, je le parierai, a esquissé un sourire. Difficile de faire autrement face à ce qui se passe, en toute honnêteté. Ou alors il faut ne pas avoir de cœur et je ne pense pas que ça soit son cas. Une intuition, comme ça. J’ai l’impression qu’il aime bien le p’tit.

« J’en reviens pas de tout ce que j’ai dû louper en cinq ans. Et de tout ce que j’ai encore devant moi. Tout ce que les moldus ignorent… c’est dingue. »
« Et de tout ce que certains Sorciers ignorent sur les Moldus aussi … »

Autodérision ? Un peu … Mais je regarde aussi le gamin, me disant qu’il en arrivera au même stade que moi un jour et devra prendre une décision, quitte à devoir se braquer avec son père. On n’en est pas là, pour le moment autant profiter de cette virée en dehors de chez lui, dans le monde réel, magique ou non.

« J’envisage un tour du monde d’ici l’été prochain et des cours de plongée avant la fin d’Aout. Y’a pas un aquarium magique dans le coin d’ailleurs tient ?! »

Tour du monde. Plongée. Aquarium. T’as décidé d’essayer d’me pécho ou quoi ? Je plaisante, ça va, mais tout ce qui se rapporte à l’eau, au voyage auquel je prends goûts, à la découverte du monde tout simplement, ça me fait crépiter le ventre et le cerveau qui s’imagine déjà tout un tas d’aventures. Maintenant que je suis dehors je me demande comment j’ai fait pour supporter de rester enfermé aussi longtemps à Poudlard, à voir chaque jour les mêmes murs, le même lac, les mêmes tableaux et autres armures. Je m’en contentais, aujourd’hui j’ai besoin de d’un horizon beaucoup plus large.

« J’y suis pas retournée moi. Dans ma famille je veux dire. Il y a un côté absurde entre… leur monde. Leur vision de la vie. Et mon monde à moi. Ils ne savent rien de ce qu’il se passe tu te rends compte ? »

Mon regard se pose sur elle, silencieux, sans que son geste envers Victor ne m’échappe et encore une fois j’ai le réflexe de jeter un œil sur Gibson. Je le sens se tendre un peu, d’un signe de tête de ma part on se comprend et il reste tranquille. Cette rencontre avec Sovahnn ça n’était pas prévu, je sais que Travis pèterait un câble s’il savait ce qui se passe ici mais intuitivement, encore une fois, je me dis que cet homme qui nous suit comme nos ombres ne dira rien. Le gosse est ravi, je passe un super moment et j’ai l’impression que la petite blonde aussi. C’est tout ce qui compte, parce qu’on est là pour ça.

« J’suis resté très vague sur ce qui s’est passé, en ce qui me concerne. J’comprends. »

Par pudeur, sans doute en partie, mais aussi pour ne pas affoler qui que ce soit. Et aussi par volonté de tourner la page autant que faire se peut. Je ne dis pas que ma façon de voir les choses, ma façon de faire, est la meilleure. C’est juste la mienne. On gère tous différemment, je ne jugerais pas Sova pour ses choix tout comme elle ne me jugera pas pour les miens. Mais parce que je n’ai pas envie de glisser sur cette pente, pas en présence du p’tit, je prends la décision de détourner la conversation …

« Qui a envie de manger une glace ? »

… et pour au moins l’un d’entre nous c’est un franc succès.

« Mooooooooooooiiiiii !!! »

Éclat de rire général, bien sûr, difficile de faire autrement devant cette bouille.

« Donc t’as pas le choix. »

C’est à Sova que je m’adresse, puis à Victor pour le prendre à partie et qu’il m’aide à faire pencher la balance si besoin. Oui, j’utilise ce gosse, parfaitement.

« N’est-ce pas qu’elle n’a pas le choix ? »
« Non t’as pas l’choix Savane ! On ne refuse pas une glace de Super Zozo. »

Joie. Savane et Super Zozo … ça fait pas nom de dessin animé ça ? Oui je connais les dessins animés ! Un peu. Enfin je sais que ça existe quoi … Hey j’ai un téléphone et une télé maintenant ! Très rarement allumée pour cette dernière certes mais quand même. J’aime bien regarder des films de temps en temps et qu’on me fasse ma culture cinématographique.

« Pour ce qui est de l’aquarium magique dans le coin aucune idée, on va se renseigner si tu veux et si ça se trouve ils ont une partie aquatique ici d’ailleurs. Mais une chose est sûre, si tu te mets à la plongée le passage par la case Australie est non négociable. »

On a quand même la grande barrière de corail s’il vous plait ! Et il n’aura suffi que de quelques pas pour arriver à un stand de glace – les sorciers sont autant branché marketing que les Moldus visiblement. Simple constat. Bref, c'est moi qui invite, c'est pas négociable. Et simplement parce que ça me fait plaisir, au cas où un doute planerait quelque part.

« T’en veux une à quoi p’tit monstre ? »
« Chocolat ! Euh non ! Fraise ! J’sais pas. »
« Chocolat fraise ? »
« Oui ! »

Je laisse Sovahnn me dire ce dont elle a envie – t’as pas le choix, on te l’a dit – et je demande même à Gibson s’il en veut une. En réalité, je le force lui aussi. Je sens que je vais réussir à me le mettre dans la poche et que ça me servira tôt ou tard. Et puis je fais ça parce que je suis un garçon sympa ! Ça sera framboise/fruit de la passion pour moi, au cas où ça intéresse quelqu’un. En attendant quelques minutes plus tard on a tous notre glace dans les mains et ça, c’est ce que je qualifierais de petit bonheur simple.
Victor est parti courir dans les pattes de notre chaperon, j’en profite pour parler un peu plus ouvertement avec mon amie.

« Du coup tu crèches où, si c’est pas indiscret ? »

Si je m’inquiète ? Non. Je sais qu’elle n’est pas à la rue, que jamais Takuma ou les autres ne la laisserait à la rue évidemment, mais la question mérite d’être posée. Tout comme tôt ou tard je lui laisserais entendre que si elle a besoin d’être dépanné, que ça soit financièrement, d’un point de vue logement, peu importe, elle peut compter sur moi. C’est important qu’elle le sache, qu’elle le comprenne.

« Ils te manquent ? Ta famille j’veux dire. »

C'est sans doute une question stupide, j'en sais trop rien, j'me sens simplement pas super à l'aise avec le sujet, sans trop savoir comment l'aborder.

Découvrir le monde. Oui, depuis qu’elle s’était aventurée loin de Poudlard et qu’elle découvrait des aspects de son propre monde qu’elle ignorait jusqu’ici, la jeune femme avait cette envie d’en découvrir plus. Etant là, face à des créatures qu’elle ne soupçonnait pas, Sovahnn avait envie de continuer les cours particuliers qu’Ismaelle lui dispensait. Il y avait tant de choses qui lui échappaient encore. Tant de choses qu’elle ne soupçonnait même pas.

« J’en reviens pas de tout ce que j’ai dû louper en cinq ans. Et de tout ce que j’ai encore devant moi. Tout ce que les moldus ignorent… c’est dingue. »
« Et de tout ce que certains Sorciers ignorent sur les Moldus aussi … »
« Aussi ! »

…
« Mais oui, promis je te ferais un savane un jour. J’suis sûre que ça te manque de…. Bref. »

Manger des savanes ? Nan, je ne vais pas terminer cette phrase. J’aurais pas dû la commencer en présence d’un enfant innocent… qui ne comprendrait probablement pas l’allusion, mais quand même ! Évitons à tout hasard.
Il avait probablement très bien compris ce qu’elle avait voulu dire de toute manière.

Elle passait un bon moment. Un moment improbable durant lequel elle se sentait libre, loin de toute barrière, et moins isolée qu’elle l’était à l’origine.

« J’suis resté très vague sur ce qui s’est passé, en ce qui me concerne. J’comprends. »

Comment annoncer tout ça de toute manière ? Elle se voyait mal expliquer les choses avec précision à sa famille. A vrai dire, elle ne se voyait pas leur dire quoi que ce soit. Tout semblait trop étrange là bas. Elle n’y était plus vraiment l’enfant qu’ils avaient perdu, sans être pour autant une presqu’adulte qui pouvait leur montrer ou leur exprimer qui elle était réellement. Il lui semblait être enfermé lorsqu’elle était à leur contact, sans vraiment comprendre ce qui clochait exactement.

« Qui a envie de manger une glace ? »
« Mooooooooooooiiiiii !!! »

Ouais, voilà, ça c’est une bonne idée ! Et manifestement le petit était tout à fait d’accord avec ça. A vrai dire, elle aussi.

« Donc t’as pas le choix. »

Grand sourire. Certes, mais elle aimait bien faire sa précieuse et les faire mariner.

« N’est-ce pas qu’elle n’a pas le choix ? »
« Non t’as pas l’choix Savane ! On ne refuse pas une glace de Super Zozo. »
« Ah les glaces de super-zozo…. »

Oui, j’en rajoute sur le surnom tout à fait.

« Eh bah c’est parti ! Tape-là mon pote ! »

Et il lui avait tapé dans la main, comme prévu, avant de partir comme une flèche vers le stand de glaces le plus proche. A vrai dire plus que proche. Il y avait de quoi manger et boire un peu partout ici, de quoi faire le plein d’argent facilement dépensé !

« Pour ce qui est de l’aquarium magique dans le coin aucune idée, on va se renseigner si tu veux et si ça se trouve ils ont une partie aquatique ici d’ailleurs. Mais une chose est sûre, si tu te mets à la plongée le passage par la case Australie est non négociable. »
« Ça m’va ! Question aquarium, c’est sûr que tu vois grand pour le coup. Pourquoi s’en contenter quand on peut avoir tout l’océan indien franchement ?! »

Ça serait dommage tout de même.

« Eh puis j’ai des cours de surf à reprendre, ‘faut que je me perfectionne ! »

Dans « se perfectionner », il fallait en réalité comprendre « tenir trois secondes sur une planche sans que tu me tiennes et m’apporte ton équilibre ». D’autan que la température y serait sans doute bien plus agréable.

« T’en veux une à quoi p’tit monstre ? »
« Chocolat ! Euh non ! Fraise ! J’sais pas. »
« Chocolat fraise ? »
« Oui ! »
« Bon compromis ! »

Il a le sens du marketing ce superZozo !
De son côté, Sovahnn était restée penchée sur la carte pendant un bon moment, s’éloignant naturellement de ces parfums déjà connus pour choisir des choses plus improbables : nectar de mandragore et nectar du niffleur en référence au nom de la boutique.

« Quoi ? Si c’est dégueu c’est dégueu hein, ça sera pas un drame ! »

S’il y a un bien moment optimal pour tester des choses improbables, c’était bien celui-ci non ?!
Ce fut donc absorbée par la découverte de ces parfums originaux que la jeune femme avait observé le petit partir courir un peu plus loin, un petit sourire amusé aux lèvres.

« Du coup tu crèches où, si c’est pas indiscret ? »
« Ah ben ça ! SI je savais ! »

Ça faisait partie des grandes inconnues du jour.

« Ce matin j’étais encore à Poudlard. Je suppose que Takuma est en train de gérer ça. Je crois qu’il n’a pas prévu de retourner à l’école en septembre donc … enfin on verra bien ce qu’il aura trouvé quoi ! J’ai toute confiance. »

Et assez intérêt.

« De toute façon, j’peux difficilement faire autrement, depuis que je suis là, j’me rappelle soudainement que… j’me sens un peu gamine perdue en pleine ville. »

Ne pas parler aux inconnus et trouver la police, c’est bien ça les recommandations ?
Toujours était-il qu’en effet, sur ce point aussi elle se rendait compte qu’elle avait beaucoup de choses à intégrer.

« Disons que le voyage autour du monde, c’est pas pour tout de suite. Faudra déjà que je trouve comment on réserve un billet d’avion ou de train. »

Oui parce que, non, elle n’avait pas prit les transports en commun et s’était contentée de marcher. L’administratif ? Il fallait encore apprendre.
Et sans parler du financement qui allait avec une vie d’adulte.

Ah oui… ou sinon tu apprends à transplaner choupette ! Non ? Bon bah non alors.

« Ils te manquent ? Ta famille j’veux dire. »

Un demi-sourire un peu triste était venu étirer ses lèvres alors qu’elle se tournait vers son ami.

« Les souvenirs que j’en ai, oui. Mais ceux qu’ils sont actuellement…. J’en sais rien, c’est vraiment bizarre, je m’y sens mal au possible. On n’a rien à se dire, ils sont mal à l’aise vis-à-vis de moi et moi avec. Bref c’est moyen. Mon frère aurait repris ses études par contre. Ils ont reçu une lettre. Bref, manifestement c’est pas trop ça l’ambiance dans la famille quoi. Et puis je n’ai rien à leur dire. La joie quoi. »

You-pi.

Y a les aventuriers de la glace, comme elle, et les classiques qui ne sortent pas des chemins battus, comme moi. Maintenant j’attends de voir si elle va tout recracher ou se forcer à manger jusqu’à la dernière cuillerée pour garder la face … Ceci dit ça peut tout à fait être bon, j’avais pas vraiment envisagé cette option.

Et donc, question habitat, on en est où ? J’avoue qu’après Caitlyn je commence à paniquer, à me dire que c’est … pas normal de se demander si ses amis ont un endroit où dormir ou pas.

« Ah ben ça ! SI je savais ! Ce matin j’étais encore à Poudlard. Je suppose que Takuma est en train de gérer ça. Je crois qu’il n’a pas prévu de retourner à l’école en septembre donc … enfin on verra bien ce qu’il aura trouvé quoi ! J’ai toute confiance. De toute façon, j’peux difficilement faire autrement, depuis que je suis là, j’me rappelle soudainement que… j’me sens un peu gamine perdue en pleine ville. »

Ça me fait sourire presque tendrement, dans le sens où il n’y a encore pas si longtemps j’étais moi-même complètement largué. On n’a pas du tout la même histoire mais le fait est que j’ai pas mal débarqué aussi, d’une certaine manière. Je ne connaissais pas le monde sans magie mais le monde magique … J’me laissais porter par mes parents, point barre. Et puis un jour ils sont morts, ce sont les grands-parents qui ont pris le relais, puis notre tante, puis Poudlard. Résultat jusqu’à l’année dernière j’avais pas vraiment connaissance de grand-chose et si je me débrouille pas mal aujourd’hui j’ai tâtonné au début. Je suis certain qu’elle apprendra vite elle aussi, ça se saurait si cette fille n’était pas du genre débrouillarde, mais c’est toujours rassurant de sentir qu’on n’est pas seul pour gérer tout ça.

Parce que dans le fond on est encore tous des gamins, malgré tout. Des gamins qui ont l'air d'oublier parfois la Magie, je m'en rends compte.

« Disons que le voyage autour du monde, c’est pas pour tout de suite. Faudra déjà que je trouve comment on réserve un billet d’avion ou de train. »

Rire de cette autodérision, se dire que ça n’est pas si grave, qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre et que les mains tendues sont présentes. Et puis la famille, cette question persistante, cette ombre au tableau, ce spectre dont on ne se défait jamais et qui apporter autant la joie que la tristesse. Parfois plus la tristesse que la joie, en atteste le sourire qui flotte sur ses lèvres.

« Les souvenirs que j’en ai, oui. Mais ceux qu’ils sont actuellement…. J’en sais rien, c’est vraiment bizarre, je m’y sens mal au possible. On n’a rien à se dire, ils sont mal à l’aise vis-à-vis de moi et moi avec. Bref c’est moyen. Mon frère aurait repris ses études par contre. Ils ont reçu une lettre. Bref, manifestement c’est pas trop ça l’ambiance dans la famille quoi. Et puis je n’ai rien à leur dire. La joie quoi. »

Encore une fois ça n’est pas la même histoire mais je comprends, un peu, transpose sur mon propre vécu. Il y a un peu plus de trois ans je vivais dans une bulle, sans avoir conscience de la noirceur du monde, des autres, sans me dire une seule seconde qu’un jour ils ne seraient plus là. Il n’aura suffi que d’une seconde pour tout faire basculer, exploser tous les repères. Alors oui, les souvenirs, le manque, je comprends. Le reste, c’est plus flou, mais je l’imprime. Y a pas grand-chose à en dire, le décor est complètement éclaté. Elle d’un côté, son frère de l’autre, les parents au milieu qui doivent se demander comment ils ont fait pour en arriver à voir s’éloigner leur deux enfants. J’imagine que dans cette histoire tout le monde en souffre et personne ne sait quoi faire pour que ça change. Parfois … Couper les ponts peut apparaitre comme la meilleure solution j’imagine. Et puis on grandi, on s’émancipe, c’est aussi le cour normal des choses d’une certaine façon. Si on m’avait laissé le choix je serais encore dans les jupes de ma mère et j’ai pas honte de le dire. Aujourd’hui je fais avec, ou plutôt sans, mais j’ai la chance d’avoir encore certains piliers. Enfin, surtout un, ma grand-mère, parce que je pense avoir définitivement arrêté d’idéaliser mes liens avec le mien, de frère. Les autres, j’en suis plus détaché, néanmoins « heureux » qu’ils soient dans le décor. Et je suis conscient que Sovahnn n’a pas cette chance mais peut-être que ça changera, évoluera. Sinon, les amis sont là et heureusement. Comme une deuxième famille.

Je laisse planer un silence malgré moi alors qu’on continue de marcher sans direction particulière. Instinctivement mon attention glisse régulièrement vers Victor, certains auraient des choses à dire là-dessus j’en suis certain … Et puis sans transition ou presque :

« Le mien de frangin m’a accueilli à la maison en me demandant si j’étais devenu séropositif parce que j’aurai, je cite et attention ça va être poétique : bouffé un pd contaminé. »

Pas mal cette glace sinon.

Oui, en effet, ça avait de quoi angoisser de se demander si ses proches auraient un toit sous lequel dormir dans les semaines à venir. Ceux qui avaient la famille derrière eux n’avaient pas ou peu ce problème, mais lorsqu’ils tentaient de se débrouiller seuls, volontairement ou non, il fallait avouer que ça n’était pas la même blague. Pour le coup, elle était sortie du système un bon moment et débarquait dans la réalité du monde adulte magique, dans lequel elle n’avait pour ainsi dire aucun parachute. A vrai dire, heureusement qu’elle avait des amis sur qui compter pour la dépanner. Eh puis… c’était Takuma qu’elle avait embarqué pour son expédition. Pas n’importe qui ! Le mec le plus débrouillard de la terre.
Il aura probablement braqué une banque d’ici ce soit au pire.

Comment ça non ?

Dans tous les cas, le gros avantage qu’ils avaient, c’était qu’ils avaient encore un peu de temps avant de démarrer leur vie de jeunes adultes et d’être boulés hors de Poudlard à devoir tout gérer par eux-mêmes du jour au lendemain. Hahahahaha ha ha… quoi ? J’ai dit quoi comme connerie ?

Non, en effet, la situation n’était pas optimale avec sa famille. Ils n’étaient pas à l’aise les uns avec les autres et n’arrivaient pas à dépasser ce cap. Peut-être devrait-elle prendre sur elle un jour afin d’y rester. La famille semblait avoir explosé dans tous les coins. Elle avait disparu, son père s’était fait viré et son frère n’avait pas tardé à prendre la tangente à son tour également.

Et mon chéri tu restes très muet quand je parle. Tu sais que je suis capable de parler longtemps si je veux ? Blablablablablabalalaalalalalaaaaa…. Bla.

« Le mien de frangin m’a accueilli à la maison en me demandant si j’étais devenu séropositif parce que j’aurai, je cite et attention ça va être poétique : bouffé un pd contaminé. »

AH !
….
QUOI ?!

« Hm HEIN ?! »

La jeune femme s’était étouffée avec sa glace aux saveurs étranges, déglutissant difficilement en essuyant ce qui lui avait coulé sur la main.
Les yeux écarquillés, elle s’était retournée vers son ami, les oreilles en sang. Déjà pour l’horreur des paroles prononcées. Eh puis merde, il fait beau, on passe un bon moment, il y a un gamin qui rit aux éclats pas loin, elle découvre un monde merveilleux, merde t’es pas dans le ton là ! Tu veux parler de la traite des noirs et du massacre des juifs peut-être ?
Oui, c’est égoïste et immature comme réflexe. M’enfin merde quoi. Non ? Non. Bon.

« Il t’a… il…. Oh putain. »

Tu l’as choquée. Avec quatre mots. Pas mal.

« ‘Vache c’est pas une glace qu’il me faut là mais de l’alcool fort… »

Si tu écarquille plus les yeux, tes sourcils vont décoller.

« Ton frère est un sale con, tu le sais ça ? Nan parce que je sais, tu veux recoller les morceaux, tout ça. Mais ça serait pas mal d’arrêter de les re-balancer au sol trois secondes après… »

Métaphore merdique.

« Mais il…. Il l’a pas digéré depuis le temps quand même nan ? J’sais pas j’avais l’impression qu’il avait fini par digérer Kyle de base, à force non ? »

Ça fait beaucoup de digestion. Digérer Kyle t’es sûre.

« Enfin digérer Kyle, nan, c’est chelou. C’est cette glace qui me fait dire des conneries. M’enfin t’as l’idée ! Il n’intègre toujours pas ? »

Ils sont lents dans la famille.

….

« Et ça sort d’un fond de vérité sa connerie d’idée reçue ? »

Oui parce que je dois poser la question, histoire de ne pas m’inquiéter pour toi quand même.

« D’ailleurs les sorciers peuvent pas éradiquer ça, la sclérose en plaque et Alzheimer sérieux ?! »

Pardon je dérive.

« Hm HEIN ?! »

Ou comment attenter à la vie d'une personne en une phrase. Je sais pas ce qui m'a pris de balancer ça, jusqu'ici c'était jamais sorti et j'avais pas l'intention que ça soit le cas mais les mots sont sortis spontanément, presque de manière détachée. J'voulais pas pourrir l'ambiance mais je vois bien à son regard qu'elle est profondément choquée. Et en colère. Réaction humainement normale, en fait, et si j'ai pas eu la même quand Derek m'a balancé cette horreur c'est simplement parce que le choc m'en a empêché.

« Il t’a… il…. Oh putain. ‘Vache c’est pas une glace qu’il me faut là mais de l’alcool fort… »

Sincèrement si je pouvais disparaître dans mon pot de glace là tout de suite je le ferais. J'suis pas du genre à me lamenter, enfin je pense pas, et puis c'était clairement pas le but, y avait pas de but de toute façon, mais ce truc m'est visiblement resté en travers de la gorge même si j'ai décidé de passer au dessus. Ou au travers, j'en sais trop rien. J'ai pas pardonné pour autant, surtout pas quand ça n'implique pas que moi, mais … Oui, j'ai effacé l'ardoise de mon frère. Encore une fois.

« Ton frère est un sale con, tu le sais ça ? Nan parce que je sais, tu veux recoller les morceaux, tout ça. Mais ça serait pas mal d’arrêter de les re-balancer au sol trois secondes après… »

Je rêve où je suis entrain de me faire remonter le bretelles par un lutin qui s'énerve ? Pas de malaise, je sais qu'il peut faire très mal le lutin … Et dans le fond, je sais aussi qu'elle a raison de se mettre dans cet état là. Je l'ai géré autrement, peut-être parce que je me suis dit que quitte à vivre sous le même toit quelques semaines autant que ça se passe bien, en tout cas pour le mieux, alors on fait abstraction mais Sovahnn n'a pas ces barrières là elle. Le sale con en question n'est pas son frère. Pas pour autant que je vais la contredire.

« Mais il…. Il l’a pas digéré depuis le temps quand même nan ? J’sais pas j’avais l’impression qu’il avait fini par digérer Kyle de base, à force non ? »

Esquisse de sourire amusé.
Admettez que l'image est assez comique.

« Enfin digérer Kyle, nan, c’est chelou. C’est cette glace qui me fait dire des conneries. M’enfin t’as l’idée ! Il n’intègre toujours pas ? Et ça sort d’un fond de vérité sa connerie d’idée reçue ? D’ailleurs les sorciers peuvent pas éradiquer ça, la sclérose en plaque et Alzheimer sérieux ?! »

J'avais oublié à quel point ce petit bout de bonne femme s'enflamme, révolutionne, s'exprime et s'insurge. Je souris avec affection en la regardant, amusé et à la fois touché par sa réaction.

« La question mérite d'être posée effectivement. J'veux dire pour les maladies. »

Y a sûrement des trucs à tirer des potions et tout le bordel mais j'ai comme l'impression que le monde magique garde précieusement pour lui tout ce qu'il sait. On pourrait trouver ça égoïste, criminel même, mais je crois que les dirigeants ont dû garder en tête une certaine époque de persécution que tout le reste de la planète a désormais oublié. Des sorciers sur des bûchers, ce genre de trucs …

« Mais en ce qui me concerne tout va bien. »

Pas de comportement à risque, avec qui que ce soit, donc sa connerie d'idée reçue n'a aucun fond de vérité.    

« Peut-être que s'il s'envoyait un peu plus en l'air sa vision des choses changerait. »

Et ça, c'était gratos, d'autant que je sais très bien que ça ne changerait rien du tout.

« Et non, tu ne te sacrifieras pas pour la cause ! »

Private joke, oui, même si je doute que là tout de suite elle trouve mon frangin toujours aussi sexy.

« Mon frère est homophobe, intolérant sur bien des choses et franchement pas ouvert d'esprit. Il le sera toujours, tout comme je serais toujours et je le sais, son exception. Même si je dois continuer à encaisser ses saloperies de temps en temps. »

Je ne suis pas blasé ou résigné, je connais mon frère c'est tout. Il ne changera pas, pas plus qu'il ne l'a déjà fait et malgré tout ce qu'il peut ne pas supporter chez moi, il ne me tourne pas le dos, ne me chasse pas de sa vie. On a eu des périodes et des moments très difficiles tous les deux, c'est peu de le dire, mais aujourd'hui et malgré les apparences, ça se passe bien. Autant qu'il est possible de faire considérant nos deux caractères extrêmement différents et nos deux façons de voir les choses, les gens, le monde ...

« J'ai le dos large et j'ai arrêté d'idéaliser ma relation avec lui, mais honnêtement ça se passe plutôt bien quand on est tous les deux et j'attends pas que les gens comprennent notre façon de fonctionner. J'comprends que ça passe pour du masochisme de ma part d'un point de vue extérieur. »

Pause.

« Sincèrement, je gère. T'inquiète pas. »

Sourire. Si j'ai balancé ce truc c'était pas pour me plaindre, c'est juste … sorti dans la conversation. Bien sûr que ça m'a fait mal sur le coup et bien sûr que ça n'est toujours pas super agréable à ressasser d'autant que ce qui me fait le plus chier c'est que ça ne me visait pas que moi mais on ne peut pas revenir en arrière. Ce qui est fait est fait, ce qui a été dit ne peut pas être effacé.

« J'prends ce qu'il a de bon à me donner, parce qu'il y en a, et je laisse le reste mais s'il faut lui remettre les idées en place c'est pas un problème. J'me laisse pas marcher sur les pieds pour autant et j'pense sincèrement qu'il a regretté - plus ou moins - ce qu'il m'a dit quand je lui ai mis le nez dans le fait qu'il n'avait pas à me parler ni me traiter comme il l'a fait. »

On parle de Derek, je ne m'attendais pas à des excuses mais son comportement a parlé pour lui. Maintenant c'est à moi de fixer les limites de ce que je suis capable de supporter ou non venant de lui. S'il se comporte mal avec les autres, là, ça sera différent. Ça l'a toujours été. J'ai peut-être l'air un peu passif vis à vis de cette relation, je ne le suis pas. Pas plus que je ne garde de la rancœur au fond de moi, pour lui, qui pourrait me faire bouillir de l'intérieur jusqu'à l'explosion.

« Je vois comment il traite les autres, je vois comment il me traite moi. Y a bien des choses qu'il ne tolère pas chez les autres et qu'il accepte malgré tout chez moi. Parfois c'est clair il s'enflamme un peu sur les mots mais au final … J'veux dire, il savait que j'arrivais, il m'attendait, il avait fait à manger pour nous deux et il était réellement content de me voir. »

Et ça, pour moi, ça prend le pas sur tout le reste. Ce sont peut-être des détails mais quand on connait Derek c'est déjà énorme. Encore une fois, je ne demande pas aux autres de comprendre.
Alors certes j'ai mis les pieds dans le plat direct en lui balançant tout ce que j'avais à lui dire parce qu'il m'a tendu une perche mais au moins c'est fait et on a réussi à passer au dessus de ça. Il m'accepte comme je suis, en contrepartie je dois l'accepter comme il est et respecter ses choix. Même s'ils ne me plaisent pas parce qu'ils me foutent la trouille, tout simplement. J'aime un homme – et ça n'est pas une question de choix, je tiens à le préciser – et je ne retournerais pas à Poudlard, je continuerais mes études potentiellement dans le monde non-magique à terme. Lui, il veut retourner dans la gueule du loup et se venger … Admettez qu'il y a un choix de parcours un peu moins dangereux et suicidaire que l'autre.
Faut croire que je ressens le besoin de redorer un peu le tableau de mon frère, parce que non tout n'est pas moche même si c'est souvent ce qu'il montre de lui. Personne ne le connait mieux que moi. Les personnes qui pouvaient prétendre le contraire ne sont malheureusement plus là aujourd'hui et à force de jouer les gros cons peu de gens tiennent compte de ce fait. C'est pas pour lui trouver des excuses, vraiment pas, juste pour dire qu'il en a bavé et que la vie de King Ryans c'est pas non plus un long fleuve tranquille. C'est pas une raison pour mal se comporter avec les autres, je le sais, mais … Bref, c'est mon frère, c'est tout. J'dis pas que je le défendrais crocs et griffes dehors pour tout, loin de là même, mais si je peux le protéger alors je le ferais.

« Est ce que t'envisages d'essayer de renouer avec le tien, de frère ? T'en as envie ? »

Je sais qu'elle a dit qu'elle se sentait à côté de la plaque par rapport à eux, qu'elle n'avait rien à leur dire, mais j'me dis que c'est peut-être différent avec son frère. Surtout si lui aussi a pris des distances.