Unhealthy obsession

Moore, Ryans. Deux noms qui lui sortaient difficilement du crâne, depuis quelques jours. Deux individus à cause de qui Pawel ne pouvait se reposer de manière bénéfique, ce qui avait un effet délétère sur son être, ainsi que la gestion difficile de tout ce qu’il s’était produit en peu de temps. Tout cela le poussait à chasser et tuer plus que d’habitude. L’idée de devoir déménager le rendait psychologiques malade, il voulait s’enlever tout cela de la tête. Un soir, en forêt, il avait cogné de son gros poing contre le tronc d’un chêne, maudissant cette vidéo téléphone prise par un moldu à son insu, quelques mois plus tôt. Sans ça, le Ministère n’aurait jamais connu son existence et il ne serait pas obligé de rendre le seul bien qui lui restait de l’héritage des Szlarski. Ainsi, il y avait un autre nom qui lui était venu à l’esprit tandis qu’il passait ses nerfs sur cet arbre, Hailey aussi allait sûrement être dans le collimateur du Ministère, si Armis n’était pas d’ors et déjà venu l’interroger. Après quelques minutes de réflexion, le polonais s’était mis en tête de retrouver la vampirette, qu’il n’avait pas cherché à revoir depuis leurs dernières frasques. La demoiselle n’avait de toute évidence guère apprécié le comportement de son aîné, qui lui-même lui en avait voulu de la manière dont elle l’avait traité. Méritait-elle vraiment d’être prévenue ? Ou la laisserait-elle se débrouiller avec Armis, ou d’autres ? Pawel ignorait pourquoi il se sentait comme obligé de partir à la recherche de la blondinette, non sans un soupire.
Certes elle s’était comportée comme une pétasse hautaine, mais elle faisait quand même partie de ses semblables, plus jeune que lui qui plus était, et en dehors de leurs désaccords, il devait bien reconnaître qu’il avait passé quelques bons moments. Le vampire brun s’était souvenu que sa congénère lui avait dit qu’elle passait beaucoup de temps au zoo, lors de leur première rencontre où il y avait travaillé. C’était complètement incertain et utopique de penser qu’il l’a retrouverait aussi facilement, mais le polonais n’avait pas d’autres options, il n’avait ni adresse ni téléphone moldu, et ne pouvait compter que sur ses sens primaires pour espérer la retrouver. Ainsi, il passa tout le week-end à se rendre au zoo de Londres tous les soirs, dans l’espoir de capter l’odeur particulièrement reconnaissable de la femelle.

Rien, en trois soirs. De quoi mettre la patience de Pawel, déjà fortement ébranlée, à rude épreuve. Quelle sale petite menteuse, elle qui disait y passer le plus clair de son temps, à faire des putains de croquis inutiles de ses amies les hyènes.
Les hyènes…Un sourire malfaisant apparut sur les lèvres du prédateur. Peut-être qu’un meurtre sur l’une des fidèles copines d’Hailey lui ferait pointer le bout de son mignon petit nez ? Même si il ne se souvenait pas des horaires de ronde du nouveau gardien de nuit, le jeune Szlarski avait su détecter sa présence. Tapi dans les buissons, il eut juste à attendre que l’autre homme termine son passage autour de l’enclos des sales bestioles qu’affectionnait la vampirette, se retenant au passage de ne pas le dévorer lui aussi, mais aggraver son cas n’était pas la meilleure idée du siècle. En revanche, il se jeta sur l’une des hyènes et la vida de son sang, avant de lui tordre son long cou, tout cela avait déclenché un mouvement de panique dans l’enclos, et toutes s’agitaient nerveusement et piaillant, à la présence du vampire. Il laissa le cadavre bien en évidence, et repartit se cacher. Il attendit une heure de plus, mais finit par capituler en soupirant, et rentra à Barking, bredouille.

Néanmoins, Pawel n’avait pas l’intention de s’arrêter là. Il retourna au zoo le lundi soir, toujours rien. Jusqu’à ce que ses efforts finirent par payer. Le mardi soir il y retourna, et capta enfin cette odeur si familière. Il poussa un long soupire de soulagement cette fois, et un grognement de satisfaction s’échappa d’entre ses lèvres. Il se précipita à l’enclos des hyènes en pensant y retrouver la blondinette, sans résultat. Pourtant, il sentait sa présence. L’odieuse petite peste se cachait, elle ne voulait donc pas le voir, car elle aussi avait sûrement détecté son odeur de mâle. Celui-ci vint s’adosser contre la clôture qui détournait l’enclos des hyènes, et lança :

« Je sais qu’t’es là, Gwendoline ! »

Pas de réponse, naturellement. Pawel grogna une nouvelle fois, agacé. Comme si lui-même était ravi d’être là. Il avait passé cinq jours à courir après cette garce, et maintenant qu’il l’avait trouvée, elle ne voulait pas se montrer.

« Montre-toi ! Faut qu’on parle ! »

Toujours pas de réponse. Son pied se mit à tapoter nerveusement contre le sol, et ses crocs légèrement sortis mordillait sa lèvre, impatiemment. Il insista encore :

« Non mais vraiment c’est important ! »

Encore rien. Décidément, Hailey se payait vraiment sa tête. Il passa une main dans ses cheveux et se retourna vers l’enclos des hyènes, tenant une nouvelle approche.

« Tant pis pour toi, puisque c’est comme ça, je vais bouffer une autre hyène. »

Les crocs maintenant toutes voiles dehors et les yeux teintés de pourpre, le prédateur se préparait à attaquer.

Sortira, sortira pas ? La femelle ne pouvait pas résister à la protection de ses précieuses hyènes, dont la fixation échappait encore au jeune vampire. Elle ne voulait vraiment pas le voir, leur dernière rencontre s’était certes mal terminée, mais Hailey ne pouvait pas l’ignorer éternellement. Quoique techniquement, si, mais Pawel doutait fort qu’elle ait pu croiser un autre vampire dans les parages, et ses humains réserves de sang dont elle était friande, ne seraient pas éternels. D’une manière ou d’une autre, il était déterminé à la faire venir, malgré leurs différends et le fait qu’ils ne s’entendraient probablement sûrement jamais vraiment, elle méritait quand même de savoir que le Ministère les recherchait. Il n’avait pas la prétention de vouloir la protéger, mais au moins lui donner les clés en main pour assurer ses arrières. À partir de maintenant, il ne valait mieux pas qu’ils s’amusent à trop se montrer.
Se préparant à attaquer une nouvelle fois une hyène, ce fut ce moment que la Gwendoline choisit pour enfin sortir de sa cachette. Lorsque sa silhouette apparut non loin de là, un sourire satisfait et prétentieux passa sur les lèvres du polonais. Il pouvait aisément sentir toute la colère et l’exaspération que la vampirette avait envers lui, visiblement la pilule n’était pas encore digérée, et le meurtre de son amie la hyène hideuse n’allait pas arranger les choses. Aucune importance pour lui, qui assumait pleinement son rang de prédateur, au sommet de la chaîne alimentaire. Mais qu’il en soit ainsi, il n’était pas là pour s’attirer d’avantage les foudres de la petite blonde, qu’il se surprit à trouver craquante, avec ses sourcils froncés et l’agacement qui ornait les traits de son visage pâle. Elle était déjà suffisamment en colère, Pawel ne répondit pas tout de suite, il fit exprès de faire durer le suspense, allait-il attaquer la hyène ou non ? Ce n’était pas son intention, il se fichait de ces bestioles. Il la laissa partir et avança lentement vers Hailey, l’air amusé et provocateur, malgré l’insistance du surnom débile qu’elle avait décidé de lui donner. Spike, cette référence à un truc moldu qu’il ne connaissait pas, ce qui l’avait énervé au début. Maintenant, il s’en fichait.

« C’est ta faute si je l’ai tuée, fallait te montrer avant…C’était pas si compliqué, non ? »

Il s’avança d’avantage, jusqu’à être suffisamment proche d’elle pour apercevoir malgré l’obscurité ambiante, les petites canines tranchantes de la demoiselle. Elle se croyait sûrement impressionnante et puissante avec ses petits crocs, mais face au vampire plus âgé et large d’épaules, elle ne pouvait pas grand chose.
Alors, autant se soumettre.

« Avoue, je t’ai manqué, hein la femelle ?

Il pouffa de rire, s’amusant de l’appeler ainsi, il s’était souvenu qu’elle détestait ça la dernière fois, naturellement il ne perdit pas une occasion de la voir s’agacer. Ce qui était quand même surprenant venant de lui, d’habitude il était le premier à s’énerver pour rien.
Pawel reprit alors un semblant de sérieux, puis s’éloigna légèrement de la vampirette, observant autour de lui. Tout cela lui rappelait de doucereux souvenirs, celui de leur première rencontre où il avait mis Hailey au défi de tuer le gardien du zoo, avant de le jeter en pâture à son monstre marin, côté magique. Depuis ce jour, il n’avait cessé de se persuader qu’elle serait une comparse éternelle idéale, jusqu’à ce qu’ils dérapent à Camden Town. Finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée que cela, d’autant plus que Sarah serait folle de rage en l’apprenant.

« Allez c’est bon, range tes petits crocs, de toute façon tu n’impressionnes personne. »

Il ne pouvait pas s’en empêcher, décidément. Mais il ne perdait pas non plus de vue ce pourquoi il était venu, et pourquoi il avait passé des jours à la chercher. Si ce n’était pas une preuve d’une certaine dévotion…mais jamais il ne lui avouerait.
Le polonais rangea lui aussi ses canines pour lui montrer que l’intention n’était pas belliqueuse, mais belle et bien sérieuse. Le ton avait changé, il n’était plus aussi sarcastique et provocant. Il ne plaisantait pas, et Hailey pouvait le sentir. Contrairement à ce qu’elle pouvait penser, il n’était pas venu ici pour la nuire.

« J’suis venu te prévenir. » Il soupira, il n’aimait pas vraiment cette situation. « Que le Ministère nous cherche et veut nous arrêter pour ce qu’on a fait à Camden la dernière fois. »

Il haussa les épaules. Repenser à Armis qui était venu jusqu’à son appartement pour l’interroger lui faisait encore des frissons dans le dos, tant le jeune Szlarski n’en avait pas mené large, pire encore, il avait parlé. Un peu.

« Apparemment le moldu qui nous a filmés a posté sur internet ou je sais pas quoi. »

La blondinette en saurait sûrement plus que lui, étant plus habituée aux trucs de moldus qu’il ne l’était. Et pour cause, Pawel commençait tout juste à savoir se servir de l’un de leurs téléphones intelligents bizarres.

« Bref. Voilà. Fais gaffe à ton p’tit cul, quoi. »

Et lui, au sien.

L’intention de Pawel n’était pas mauvaise, mais il commençait à penser qu’il avait tenté de la retrouver depuis des jours, pour rien. Hailey se montrait toujours aussi agaçante, et face à elle, il ne pouvait s’empêcher de la provoquer. L’heure n’était pourtant pas à la plaisanterie, elle devait prendre conscience de la gravité de la situation pour se mettre à l’abris et se préparer à se défendre. Le fils Moore n’était pas leur principal problème, bien qu’il ne le connaissait pas tant que cela, le polonais ignorait bien de quoi il était capable, mais il avait pu lire la peur dans ses yeux bleus lorsque ses crocs s’étaient enfoncés dans sa chaire. Si Armis, seul, n’avait aucune chance face à un vampire, qu’en était-il du reste du Ministère ? Heureusement, le zoo de Londres semblait être une planque sécurisante pour les deux jeunes vampires, parmi les animaux ils pouvaient espérer passer inaperçus. Mais la femelle, continuait d’être chiante avec ses trucs de moldus. Le grand brun soupira légèrement, les yeux levés vers le ciel. Il ignorait ce qu’était un post-it. Tout comme il ne savait toujours pas d’où venait le surnom de Spike, entre autre. Dommage qu’elle ne se comportait pas d’avantage comme une sorcière, elle pourrait être encore plus attirante, mais non, elle préférait rester dans sa médiocrité.

« J’suis pas un putain de moldu, j’te l’ai déjà dit… »

Néanmoins, il devait bien reconnaître qu’il n’aurait pas été obligé de renifler tous les recoins de Londres pour la retrouver, si il avait eu un téléphone portable moldu. Certains appareils se révélaient très utiles, dans certaines circonstances.

Certaines des remarques de la blondinette ne lui plaisaient pas, comme d’habitude elle ne pouvait s’empêcher de répondre, en face Pawel tentait de rester concentré sur la véritable raison de sa venue. Il aimait provoquer, mais la femelle avait du répondant. Suffisamment pour le faire sortir de ses gonds parfois, ce n’était pas difficile compte tenu de la susceptibilité du mâle, c’était comme si l’un et l’autre ne pouvaient s’empêcher de jouer à ce petit jeu du chat et de la souris. Finalement, peut-être aurait-il dû essayer de la retrouver avant ? Hailey n’avait plus l’air de lui en vouloir comme la dernière fois. Mais dans le doute, il préféra ne rien dire à ce sujet. Il ricana légèrement lorsqu’elle évoqua sa vie sociale par rapport à la sienne, là aussi il en doutait fortement. Et comme la raison de sa venue était grave et sérieuse, le vampire perdît presque l’envie de répondre aux provocations. Les poings un peu serrés, il ne souhaitait pas non plus perdre patience et s’énerver, mais entre ce qu’il aurait voulu faire et ce qu’il se passait réellement dans sa tête…Cette fois, ses dents mordirent sa lèvre inférieure. La petite garce insinuait que tout était la faute de Pawel, elle semblait avoir oublié ce qu’il se passait quand elle dépassait les bornes. Sauf que là ils n’étaient que tous les deux, ses hyènes chéries n’allaient certainement pas volé à son secours.
Le polonais ne bougeait toujours pas, mais il commençait à bouillir intérieurement. Comment osait-elle vouloir dire que c’était sa faute alors que c’était elle qui l’avait conduit dans ce repaire de mafieux. Un grognement s’échappa d’entre ses lèvres, Hailey non plus ne semblait pas apprécier que le Ministère les suive à la trace. Plus expérimenté, Pawel avait pu déceler une légère appréhension. Ce qui ne l’empêcha guère de lui répondre sèchement, en réalité il ne plaisantait plus du tout.

« Espèce de garce ! C’est toi qui m’as emmené dans ce repaire, tu savais que j’avais envie de sang et que j’y ferais un carnage… »

Et voilà. Le polonais brisa la distance raisonnable qui les séparait, il s’avança d’un air un peu menaçant, ses yeux tout comme ceux de la blonde avaient perdu leur teinte originale. Teintés de pourpre et les crocs sortis, il continua :

« Et maintenant tu veux me balancer alors que j’ai rien dit sur toi ! »

Presque pas. Il avait tenu bon face aux menaces répétées d’Armis. Manifestement, ce dernier n’avait pas compris comment obtenir des informations de la part du vampire. Un sourire passa tout de même furtivement sur ses lèvres.

« …Enfin, à part que je t’ai rencontrée dans un bar à putes. »

Ce qu’étrangement, l’enquêteur du Ministère n’avait pas voulu croire. Mais d’un autre côté, ni l’un ni l’autre n’avait envie d’étaler leur premier meurtre commis ensemble, ici, dans ce même zoo, afin de ne pas aggraver leur situation. Et comment décrire la nature de leur relation en dehors de ça ? Là encore, un mystère.
Après lui avoir mis un petit coup de pression en s’approchant d’elle, Pawel grogna légèrement avant de reculer d’un pas. Il n’avait pas l’intention de lui dire de quitter la ville, même si il savait qu’elle n’arriverait pas à le tuer. Lui, en revanche…

« J’ai pas à te dire quoi faire… »

La tension retomba. Ses yeux redevinrent bleus et son regard se planta dans celui de la blonde, il hésita un instant avant d’avouer, l’air sérieux :

« Tu fais ce que tu veux, mais moi je vais quitter Londres. Ça craint trop ici. »

Il savait que la vampirette n’apprécierait pas la remarque sur leur lieu de rencontre, pourtant cette fois Pawel n’avait décelé aucun agacement sur les traits de son visage. Lui en revanche, fronça les sourcils et grogna légèrement à sa réplique, mais il ne répondit pas, se contenant de la fixer. Si elle ne rentrait même plus dans le jeu puérile des provocations du polonais, il en déduit qu’elle devait vraiment être en rogne contre lui. Il était conscient de ce qu’elle pouvait lui reprocher, elle n’avait sans doute pas apprécié qu’il la fasse mettre à genoux, mais il avait tellement de mal à comprendre ce qu’il se tramait dans cette petite tête blonde, qu’elle pouvait tout aussi bien lui reprocher autre chose, qu’il ignorait même.
Aucune importance, puisque le grand vampire était sur le point de quitter Londres, fuir Barking après avoir dissimulé toute trace de son existence là-bas. Il s’apprêtait à rejoindre la Pologne pour une durée indéterminée, ce qui ne le réjouissait pas d’avantage. Bien sûr, Sarah était une présence réconfortante malgré leurs nombreuses disputes, elle avait la puissance nécessaire pour contenir les excès de colère de sa créature. Hailey en était aujourd’hui incapable. Et, soudainement, elle rejeta son aîné en arrière, la force qu’elle y mît fut telle que, pour la première fois face à elle, Pawel recula de quelques pas. Interloqué, il la fixait encore plus intensément, tenant de comprendre d’où pouvait provenir cette démonstration de puissance. Elle l’avait fait bouger, lui, le grand brun plus âgé qu’elle.

Il pensait comprendre le fondement de la colère de la blondinette, basée sur la fin de cette soirée de décembre, mais il ne comprenait pas qu’il puisse y avoir autre chose, une parole ou un sentiment non-dit, sauf qu’il ne savait pas lire entre les lignes si les pensées ne lui étaient pas clairement énoncées. L’héritier au sang-pur secoua alors légèrement la tête, et le sang bouillonnant dans ses veines ne fît qu’un tour. Hailey avait incontestablement autre chose qui pesait sur son cœur mort, mais il refusait de le voir, aveuglé par la colère qu’elle était capable de déclencher en lui à la moindre remarque de travers. Les grognements sourds s’échappèrent du fond de ses entrailles et les pupilles de ses yeux brillaient de sang presque noir. Il ne pouvait décemment pas se laisser traiter ainsi par un bébé vampire, il se faisait déjà laminé par une femelle, il n’en avait pas besoin d’une autre. Il se forçait à ne pas lui faire de mal, mais l’envie était bien là. Car de surcroît, elle insultait également Sarah, et il ne pouvait le permettre, même si elle était une absolue garce. Enfin, il lâcha sa colère :

« Putain ! Mais c’est toi qui nous a foutu dans la merde, pauvre conne ! Avec tes mafieux, là ! Tu t’es servie de moi pour régler des comptes avec ta famille ou je sais pas quoi ! »

À son tour, il poussa Hailey en arrière, sauf qu’il était bien plus fort et le choc la fît trébucher. Mais il ne s’arrêta pas là et continua d’avancer vers elle, les poings serrés et menaçant. Les mots continuaient de fuser.

« T’as voulu jouer les grandes vampires sûres d’elle, et voilà où on est maintenant. T’aurais dû m’écouter au lieu de vouloir en faire qu’à ta petite tête, on en serait pas là ! »

Une simple soirée à s’amuser et à dévorer des moldus dans la plus grande prudence, puis prendre soin d’effacer toutes leurs traces, voilà ce que Pawel avait réellement désiré, il ne demandait rien de plus. Et sa congénère avait voulu fanfaronner, l’avait drogué et entraîner dans ses plans douteux. Lui l’avait suivi sans réfléchir, il avait regretté de ne pas s’être d’avantage imposé.

« Si tu m’avais pas entraîné là-dedans, on aurait pas été filmé sur un téléphone ! »

Ou peut-être que ce serait arrivé, à un autre moment. Ou pas, personne ne pouvait le savoir. Il s’avança encore vers la vampirette, il avait envie de passer ses nerfs sur elle, mais il se refusait à le faire. Il lâcha un râle puissant, avant de cogner finalement l’arbre le plus à proximité de lui. Le choc provoqua une vibration qui fit fuir toute une famille d’oiseaux qui se cachait dans les feuillages. Avec leur chance, les deux vampires finiraient par alerter le nouveau gardien, mais pour le moment, ce n’était pas la préoccupation de Pawel, qui continuait de hurler sur sa jeune congénère.

« J’te déteste, vraiment tu me fous les glandes, toi aussi j’te signale qu’avant de te rencontrer, j’avais une vie tranquille et j’étais prudent ! T’as tout gâché. »

Un nouveau grognement s’échappa d’entre ses dents, les crocs sortis, il revint vers la blondinette et l’attrapa par le bras, qu’il serra fermement en la secouant.

« Et j’te déconseille de dire ça de ma Créatrice. Tu vaux rien par rapport à elle ! »

Famille, employés, quelle importance ? Les explications d’Hailey n’étaient pas à la hauteur de ce que son congénère attendait, lui qui peinait à contrôler sa colère en repensant à tout ce qu’ils auraient pu faire ensemble, mais que Mademoiselle en avait décidé autrement. Elle l’avait trahi, l’avait sorti de ses plans pour l’entraîner dans les siens, et voilà où ils en étaient rendus. Tout aurait pu être simple, mais non, le cerveau féminin était apparemment trop compliqué pour lui, lorsqu’il lui proposait quelque chose de sympathique, elle répliquait par des actes autrement plus compliqués. Et pourtant, Pawel était là. Il l’avait cherchée, malgré tout, le lien vampirique qui les unissait semblait être plus fort qu’il ne le pensait, même si il se refusait à y croire. Il devait quitter Londres plus tôt, il était resté, décidé à ne pas partir sans l’avoir retrouvée. La réaction de la blondinette était inévitable, quelques mois plus tôt il avait tenté une approche dominatrice, qui n’avait pas plu à la vampirette, alors qu’il voulait simplement lui faire peur sans arrière pensée. Bien qu’il n’aurait pas dit non si elle s’était laissée prendre au jeu. Les femmes d’aujourd’hui préféraient leur indépendance, mais le polonais préférait la domination. Il avait échoué et maintenant elle le détestait, pourquoi était-il toujours là, dans ce cas ? Il aurait dû se contenter de la mettre en garde, et partir. Mais non, la petite vampire le provoquait, il ne pouvait s’empêcher de répondre et fustiger son attitude de petite garce. Ce qui devait arriver arriva, il la rejeta furieusement en arrière, avant de laisser aller son poing contre le tronc d’arbre le plus proche de lui. La défigurer n’était pas ce qu’il cherchait.

La faire taire, déjà plus. Malgré la démonstration de force, elle continuait. Elle s’était relevée, comme la grande Vampire qu’elle pensait être, aussitôt Pawel l’avait coupée dans son élan et lui avait attrapé le bras pour la secouer, les crocs sortis et les yeux rougis par la colère et la frustration. Hailey se déjoua de son emprise et lui reprocha alors que c’était sa faute si ils avaient été filmés par un moldu. C’en était trop pour le grand brun, comment osait-elle ? L’envie de lui tordre le cou le taraudait, il préféra s’éloigner d’elle un instant, les poings serrés de rage, il amena l’un d’eux contre ses lèvres pour se mordre. Si il ne pouvait pas vraiment lui faire du mal à elle, il s’était toujours contenu lorsqu’il s’agissait d’une femme, la blonde ne lui rendant pas la tâche facile, il pouvait toujours s’en prendre à d’autres hyènes, qu’elle affectionnait tant. Vider de son sang cette fille sur la piste de danse n’avait jamais fait parti de ses projets. Il lâcha alors son poing et revint vers elle, ayant réussi à au moins contenir son envie de meurtre, même si la colère était toujours bien présente.

« N’importe quoi ! J’avais un autre plan ! Plus amusant et plus discret ! Mais t’as décidé de me droguer et de me faire péter les plombs ! Tout ça parce que Mademoiselle n’assume pas de devoir se nourrir humain, donc on devrait tous être pareils ! »

C’était donc bien sa faute, quoiqu’elle en dise. Il s’était senti trahi, mais il aurait pu lui pardonner si elle se rendait compte de son erreur et s’excusait. Au fond, c’était peut-être simplement ça que Pawel était venu chercher, rien d’autre que des excuses. Alors qu’en réalité, la raison de sa présence ici était bien plus profonde, il préférait fermer les yeux plutôt que de l’admettre. Il ne voulait pas que tout cela se termine, car lorsqu’il avait croisé Hailey ici la première fois, il s’était dit qu’elle ferait la parfaite compagnie d’une vie immortelle, mignonne et récemment mordue, potentiellement une fille perdue dans toutes ces émotions qui se mélangeaient, entre son vampire et son humanité, ses instincts qu’elle peinait à contrôler. L’aîné des deux avait échoué, il n’avait pas réussi à la contrôler, manquant de tact et d’esprit manipulateur.
Au lieu de ça, il avait réussi à se faire haïr. Face à lui, la vampirette lui crachait à la gueule, de partir et d’aller rejoindre Sarah, comme il l’avait mentionné plus tôt. Cette dernière était bien la seule à vouloir de sa présence, et au vu des réactions d’Hailey, ce serait sans regret qu’il quitterait cette ville peuplée de gens avec qui il ne pourrait jamais s’entendre. Armis le lui avait bien fait comprendre en débarquant chez lui, il n’avait aucune chance de retrouver sa place parmi les sangs-purs, la créature indésirable qu’il était. Et maintenant c’était au tour d’Hailey, qui reniait ses propres congénères. Quel gâchis, si les choses avaient été différentes entre eux, il aurait pu l’emmener avec lui pour la mettre à l’abris du Ministère pendant quelques temps, Sarah ne s’y serait probablement pas opposée. Seulement voilà, cette blondasse écervelée en avait décidé autrement.

Trahison et déception, c’était tout ce dont elle était capable.

« Je préfère bouffer des ivrognes plutôt que des bestioles ! Mais vas-y, continue, tu ne seras jamais une vampire solide et tu crèveras la gueule ouverte, comme tous ces nouveaux-nés qui n’écoutent pas leurs aînés ! »

Il n’en avait jamais connu cela dit, mais si elle n’écoutait rien, elle entendrait peut-être les menaces qui planaient au-dessus de son petit crâne, et aurait l’instinct de se mettre à l’abris. Il l’espérait pour elle, il ne souhaitait pas sa mort, mais le détachement lui semblait la meilleure option possible. Après tout, la Pologne était son pays d’origine et il ne s’y sentait pas mal. Et puisque la Gwendoline tenait vraiment à le voir partir, Pawel tourna alors les talons. Mais il ne fit que quelques pas avant de se retourner de nouveau vers elle, le ton toujours aussi énervé mais moins résonnant.

« Je voulais juste qu’on passe une bonne soirée et qu’on s’amuse, là où personne ne nous aurait retrouvés. » C’était effectivement son plan initial, avant qu’elle ne le drogue, l’emmener dans un endroit où ils auraient pu se nourrir à volonté, et pourquoi pas, plus par la suite. Mais ce genre de pensée ne parcourait maintenant plus son esprit. « T’en as décidé autrement. Vous, les femelles, vous pouvez pas vous empêcher de rendre les choses compliquées ! »

Sans joindre l’acte à la parole, il continua :

« Alors oui, j’vais me barrer. Là où je vais, y’aura des filles plus dociles et plus belles que toi. »

Ou au moins des personnes qui ne le prendraient pas juste pour un gros con sans cervelle. Il ne supportait pas d’être rejeté ainsi.

Encore une fois, la vampirette campait sur ses positons, et ce n’était pas de cette façon que les deux jeunes suceurs de sang allaient réussir à régler leurs différends. Cela lui faisait mal de l’admettre, mais Pawel avait échoué profondément dans sa manœuvre. Il n’avait pas été en mesure de se comporter comme un puissant vampire plus âgé, le Créateur parfait qui aurait pu prendre Hailey sous ses ailes. Son manque de contrôle sur ses émotions et la spontanéité de ses meurtres, l’avaient rendu vulnérable. La femelle n’était pas si blonde que ça, elle avait bien compris son petit manège, ce qui énervait d’avantage le grand brun, qui braillait et l’insultait de manière basse, sans aucune intention d’être autre chose que bête et méchant. Alors qu’il n’en pensait rien, toutes ces filles ne l’intéressaient pas, Sarah valait plus que toutes ces pimbêches trop faciles, et il y en avait qu’une autre que sa Créatrice avec qui il aurait souhaité passé sa vie vampirique.
Lorsqu’ils s’étaient rencontrés, le polonais avait vu en sa congénère la partenaire idéale d’immortalité, quand elle avait attaqué l’ancien gardien du zoo, il avait pensé qu’il pouvait la faire devenir comme lui, lui donner le goût du meurtre et du sang humain, et qu’après quelques séance d’entraînement, elle pourrait ôter la vie sans scrupule. Il s’était trompé, son instinct n’était pas le bon, Hailey détestait en réalité sa condition vampirique et ne supportait pas de devoir tuer ou blesser pour se nourrir, quitte à préférer les animaux. Leur sang avait un goût abominable, Pawel ne s’en contentait qu’en cas de dernier recours, et cela lui arrivait souvent pour combler le dernier petit creux. En général, le sang d’animal avait tendance à lui couper la soif. Il ne comprenait donc pas comment sa congénère blonde pouvait s’en contenter. Aimait-elle les humains à ce point ? Elle avait toujours dit qu’elle avait un petit ami, encore une fois le polonais ne comprenait pas pourquoi elle préférer s’entourer d’un mortel qui allait, au bout d’un moment, vieillir et sûrement fonder une famille, ainsi le voyait-il dans ce juste ordre des choses. La vampirette ne pourrait jamais passer sa vie auprès d’un humain, et refusait de regarder la réalité en face. Au lieu de cela, elle avait préféré tourner le dos à l’un de ses congénères, qui lui avait promis une immortalité amusante et riche en sang humain, régnant fièrement au sommet de la chaîne alimentaire.

Ironie du sort, une trahison que Pawel avait du mal à digérer. Privilégier la compagnie des humains à la sienne, quelle humiliation.

Et bien, tant pis pour elle. Il avait lâché son bras, et la laissait répliquer si cela l’amusait. Il n’en demeura pas plus énervé et déçu qu’avant, et la paire de grelots dans son caleçon n’y était pour rien, cette fois, c’était uniquement de la fierté mal placée. Bien qu’il aurait apprécié la soumettre un peu pour s’amuser, la ramener à sa juste place de femelle par rapport au grand mâle qu’il était, mais là encore elle n’avait pas eu l’air de rentrer dans le jeu. La blondinette s’en était offusquée, si elle était coincée de surcroît, le jeune Szlarski la quittait sans regret. Même si, toutes ces filles qu’il avait mentionnées un peu plus tôt, qu’Hailey avait qualifiées de putes, ne l’intéressaient pas, mis à part pour les vider de leur sang.

« Rien à foutre, tant que j’me vide les grelots, comme tu dis. »

Car c’était bien à cela que servait ce genre de fille, non ? Se soulager et se nourrir, le combo idéal dont rêvait chaque vampire normalement constitué. Pawel haussa donc les épaules, il en avait fini avec elle. Il s’apprêtait réellement à partir cette fois, mais il ne put faire un pas, soudain retentit une détonation sourde autour d’eux. La gêne auditive occasionnée força le vampire à se jeter au sol, dans un réflexe des plus primitifs. Les oiseaux dans les buissons s’affolaient, mais Pawel se releva aussitôt et distingua dans l’obscurité de la nuit, non loin d’eux, une silhouette humaine grâce à sa vue perçante. Dans sa main, l’homme avait une arme braquée dans leur direction, semblable à celle qu’il avait substituée aux mafieux, quelques mois plus tôt. Le polonais comprit donc ce qu’il venait de se passer, probablement le nouveau gardien du zoo qui avait tiré après avoir décelé leur présence.
Il transplana derrière l’homme et lui arracha l’arme des mains d’un geste rapide, il la jeta à plusieurs mètres plus loin.

« Mais qu’est-ce que tu fous, connard ?!? »

Dans le même labs de temps, Pawel le retourna vers lui, l’agrippa au col et lui envoya un puissant direct du droit en pleine face pour l’assommer. Le coup lui déplaça la mâchoire, ensuite il se débarrassa du nouveau gardien en l’envoyant valse à quelques mètres, lui aussi. Le vampire avait eu le réflexe de ne pas le tuer, cette fois, afin de ne pas s’attirer d’avantage d’ennuis. Maintenant que les deux créatures de la nuit avaient été vues, encore une fois, elles devaient se dépêcher de partir. Le brun réalisa alors, que la femelle ne l’avait pas suivi.

« …Hailey ? »

Alors, sa vitesse vampirique lui permit de retourner auprès d’elle, en une fraction de seconde. La petite blonde était à terre, se tenant le ventre en gémissant, l’air douloureuse. Pawel mentirait si il prétendait qu’aucune once d’inquiétude ne s’était emparée de lui, alors qu’il savait qu’elle ne risquait rien. Lui-même avait prouvé que les vampires ne craignaient pas les balles et ne pouvaient mourir à cause de ça. Il s’accroupit quand même aux côtés de la jeune femme, posant un genou à terre. La colère s’était dissipée, son regard et son timbre de voix s’étaient considérablement adoucis. En revanche, la douleur et la peur se lisaient dans les yeux d’Hailey. Mais, pourquoi ?

« On craint pas les balles, hein ! Fais pas cette tête, tu vas pas crever. »

Normalement.

Le regard du polonais dévia sur l’estomac de la vampirette, elle se tenait le ventre au niveau de la plaie qui semblait dégouliner de sang. Il ne comprenait pas, lui la dernière fois n’avait eu aucune blessure. Peut-être que cela dépendait de la carcasse que les balles transperçaient ? Pawel était plus fort, sa carrure plus épaisse et son corps plus résistant grâce au sang humain. Rien ne pouvait dire si Hailey était au maximum de ses capacités de régénération, à force de se remplir uniquement de sang animal. L’héritier Szlarski déglutit discrètement, pour la première fois, il s’inquiétait. Et c’était exactement la raison pour laquelle il n’était pas parti plus tôt, et pourquoi il avait passé autant de temps à essayer de la chercher à travers Londres. Un lien vampirique indéfectible, il ne pouvait plus le nier.

« Mais pourquoi elle sort pas ?!! »

La balle. Il se souvenait très bien, lorsqu’il s’était tiré dessus lui-même, il avait guéri instantanément. La main était moins fragile, et ne comprenait aucun organe, mais l’estomac…Pawel se frottait les cheveux, inconfortable, il ne savait pas quoi faire et cela commençait à l’énerver, mais cette fois la colère était dûe à une toute autre raison.

« Voilà ce qui arrive quand tu bouffes que des animaux, aussi ! »

Il mettait cette faiblesse sur le dos du sang d’animal, sans aucune certitude. Mais, cela le rassurait comme il le pouvait…

Le vampire soutenait maladroitement sa congénère, pliée en deux sous le coup de la douleur qui emplissait ses organes morts. L’odeur du sang qui s’en échappait à flot, vint titiller les sens de Pawel, qui s’efforça de rester concentré sur ce qu’il arrivait à Hailey, malgré une énième insulte. Lui n’admettait ni ne verbalisait l’inquiétude qu’il ressentait pour elle, et elle refusait de le supplier de l’aider, en réalité apeurée par ce qu’il se passait. Elle s’était finalement rendue à l’évidence, se nourrir d’animaux était peut-être noble, selon ses valeurs, mais cela n’apportait rien de consistant au métabolisme dont un vampire normalement constitué avait besoin, pour conserver sa puissance surhumaine. Le jour où la blondinette l’avait enfin compris était arrivé. Dommage qu’il fallut en passer par là, pourtant le polonais n’était pas que de mauvais conseils, concernant le vampirisme. Lui-même, avait été à bonne école. Il passa son imposant bras autour de la taille de la jeune fille pour la soutenir un peu plus, il n’eut même pas l’envie de la narguer lorsqu’elle avoua implicitement qu’il avait raison, il commençait à s’énerver, s’impatienter que cette balle ne sortait pas de l’abdomen d’Hailey. Fébrile, celle-ci sortir une sorte de couteau Suisse de sa veste, qu’elle tendit à son congénère. Son regard bleu azur interrogateur vint rencontrer celui de la blonde, et du tac au tac il répondit, impatient :

« Mais merde, fais-le toi-même ! »

Retirer lui-même la balle au couteau, et puis quoi encore ! Il en était hors de question en premier lieu, puis la Gwendoline n’eut guère besoin de plus que ces mots-là pour le faire changer d’avis.

« Les fem…?! Bordel, tu fais chier ! »

Si Pawel ne souhaitait pas retirer la balle, il supportait encore moins de se faire traiter de femelle apeurée. Il ne voulait pas faire plus de mal à la vampirette, et risquer de lui broyer un autre organe en elle, de sa puissante poigne. Elle ne lui laissait plus le choix, visiblement. Il ne pouvait décemment pas la laisser comme ça, et devait faire vite avant que le gardien ne revienne à lui et ne prévienne les autorités. Si cette fois, les vampires pouvaient éviter d’avoir d’avantage de problèmes, ce serait pas mal. Le mâle prit une forte inspiration et finalement, acquiesça.

« Bon…Allonge-toi. »

Il s’était un peu calmé. Lentement, il allongea Hailey sur le sol, l’accompagnant avec son bras avant de l’enlever d’autour d’elle. Puis, il vint se placer sur le côté, à genoux et tenant le couteau dans une main. Il poussa un soupire en regardant la plaie sanguinolente, il déglutit en s’imaginant récolter tout ce délicieux liquide chaud et féminin, il chassa vite cette pensée de son esprit. Son regard retrouva celui de la blondinette plaintive, comme si il cherchait une quelconque approbation dans ses grands yeux clairs. Il devait remonter son haut et ne souhaitait pas qu’elle le prenne, encore, pour un gros pervers. De toute façon, il n’avait pas le choix. Alors il saisit le vêtement et le remonta lentement le long de son ventre, s’arrêtant sous sa poitrine. Comme elle pouvait ainsi le constater, le polonais n’avait pas l’intention d’en « profiter ». En réalité, il n’était pas comme ça, même si il aimait prendre des grands airs de mâle dominant, à l’instar de leur dernière rencontre.
Le vampire se mit à appuyer de sa main libre, sur le ventre de sa congénère, pressant les contours de la plaie d’une ferme poigne. Il tenta de ne pas prêter attention aux cris de douleur d’Hailey, d’un geste vif, il plongea le couteau dans la plaie et fit remonter la balle. La manœuvre ne prit que quelques secondes, durant lesquelles le jeune Szlarski n’eut pas qu’une sueur froide. Satisfait, un léger sourire apparut sur ses lèvres, lorsqu’elle lui présenta la petite balle de plomb entre deux de ses doigts.

« Tout ça pour « ça ». Tu devrais guérir plus vite, maintenant. »

En effet, aussitôt la plaie commençait d’ors et déjà à se refermer. Lentement, mais sûrement. Pawel se redressa alors complètement, et tendit sa main à la blondinette pour l’aider à se relever. Il n’eut aucun mal à la hisser sur ses deux pieds. Lui au moins, n’avait rien perdu de sa puissance, n’ayant pas besoin que d’un seul corps vide de son sang, pour garder la forme.
Là encore, le polonais resta discret et ne verbalisa pas son véritable ressenti, mais il était rassuré de voir la jeune fille tenant sur ses jambes. Il lui rendit son couteau Suisse, et prit une légère inspiration. Son regard se fit alors plus dur, il fronça les sourcils en posant ses deux mains sur les épaules de la vampirette.

« Faut pas qu’on reste là. J’ai pas tué le gardien, il va revenir ou appeler les flics, j’en sais rien. »

Deux meurtres de gardiens à quelques mois d’intervalle était risqué. Pawel ne lâcha pas Hailey pour autant, au contraire, il accentuait sa prise.

« J’peux pas te laisser comme ça, que tu le veuilles ou non, faut que tu reprennes des forces. »

Son regard clair se durcit un peu d’avantage. Il ignorait ce que recherchait réellement sa congénère, qu’elle reste une gentille vampirette si elle le voulait vraiment, renoncer au sang humain était une énérésie pour le polonais, mais il ne lui collait pas au train toutes les nuits, donc si elle choisissait de ne pas appliquer les recommandations de son aîné, tant pis pour elle.
Mais ce soir, c’était différent. Tant qu’il serait là, il ne lui laissait plus le choix.

« Cette fois, c’est toi qui vas me suivre. Et ce n’est…pas…négociable. Compris ? »

Encore une fois, le vampire jouait les mâles dominants. Mais la différence avec la fois où il avait essayé de la faire mettre à genoux pour lui pomper le dard, était sur cette fois, il ne plaisantait vraiment pas. Et il était prêt à la tirer par les cheveux si il le fallait, pour la forcer à se nourrir de sang humain. Il relâcha alors légèrement sa prise.

« Je connais tous les repaires de junkies de Camden Town. On va s’en trouver un, et se vider quelques corps. J’te forcerais à les bouffer, si il le faut. »

Elle allait probablement encore le prendre pour un gros dégueulasse, un balourd qui n’avait pas de goût suffisamment raffiné, ou il ne savait quoi encore. Maintenant, elle pouvait bien dire ou penser ce qu’elle voulait, Pawel avait pris sa décision, et s’y tiendrais.

Contre toute attente, cette fois Pawel ne reçut aucune insulte, aucun regard de travers ou réflexion désagréable de la part de sa congénère. Juste un remerciement, un signe de reconnaissance et de gratitude auxquels le jeune vampire n’était pas habitué, ce qui eut l’effet de l’adoucir, presque. Son regard et les traits de son visage devinrent moins durs et moins prononcés, tandis qu’une ébauche de sourire naquit au coin de ses lèvres. Une victoire, sans aucun doute. Hailey se décidait enfin à écouter ses aînés au lieu d’essayer de jouer les « grandes » vampires. Certes il n’était probablement pas le Créateur qu’elle s’était imaginée, malgré ses défauts et ses manières peu délicates, il n’empêchait qu’il était présent, et qu’il se refusait à la laisser tomber, aussi énervante pouvait-elle être parfois. Ainsi vulnérable, avec sa balle dans l’estomac, la blondinette en était encore plus attirante. Le polonais avait assez de femme forte dans sa vie, les filles avaient besoin d’être protégées, non ? C’était ce que certaines cherchaient, en cet instant la vampirette en faisait partie.

Il ne lui restait plus qu’à honorer sa promesse, c’était à son tour d’entraîner Hailey dans son petit monde de prédateur nocturne. Il avait grand hâte de la voir planter ses petits crocs dans une jugulaire, comme la fois où elle avait mordu le précédent gardien. Pawel avait toujours cette image en tête, et s’en léchait les babines, il trépignait d’avance, envahi d’une soudaine sensation d’allégresse à l’idée de ce qui les attendait. D’un signe de tête, il acquiesça, agrippa le bras de la jeune fille et l’entraîna à l’orée de la forêt du zoo, usant de leur vitesse surhumaine. Nourri principalement au sang humain, le grand brun avait naturellement des capacités vampiriques supérieures à celles de la blonde. En un rien de temps, ils avaient atteint la sortie dont elle avait parlé, la course était préférable au transplanage compte tenu de ce que venait de vivre la vampirette, il ne valait mieux pas la brasser d’avantage, pas avant qu’elle n’ait dévoré une dizaine de corps sans défense.
Le quartier de Camden Town, situé non loin du zoo, était toujours un peu animé à cette heure-là de la nuit, deux jeunes gens à la peau livide n’attiraient guère des regards indiscrets sur eux. Les boutiques, les bars punk, les décorations farfelues et ubuesques qui ornaient certaines façades, ce n’était pas dans cette meilleure partie du quartier que Pawel voulait emmener Hailey, à travers le dédale de ruelles, il l’entraîna dans un coin reculé. Ces rues-là, désertées par les touristes et prises d’assaut par les junkies et les marginaux, respiraient l’alcool et l’urine. Probablement bien loin du genre d’endroit qu’aimait la princesse vampire. Le polonais, quant à lui, avait appris à l’apprécier. Ce quartier était une mine d’or, un véritable buffet gratuit sans trop de risques de se faire prendre. Le repère de drogués qu’il avait repéré quelques jours auparavant, semblait de nouveau plein ce soir, compte tenu de la musique et des éclairages qu’ils pouvaient entendre et voir des fenêtres. Sourire aux lèvres, le brun se tourna vers la jeune fille qui l’accompagnait.

« Je sais ce que tu penses. J’te dégoûte, parce que j’aime traîner dans ce genre de quartier. Mais j’te rassure, c’est pas pour les odeurs…Ici, pour nous vampires, c’est une mine d’or rouge. »

Le sang coulerait à flot, ce soir. Pawel s’en léchait les lèvres par avance, mais il gardait pour le moment ses crocs rétractés. Avant de laisser le temps à Hailey de changer d’avis, il lui prît la main et l’entraîna dans la maison, derrière la porte se trouvait un escalier étroit menant directement à l’étage. Le couloir n’était pas entretenu, sentait l’humidité, les murs et le parquet étaient à moitié moisis. Les deux vampires arrivèrent face à une porte, derrière elle résonnait les basses de la musique des junkies. Un autre sourire adressé à la blondinette, puis le polonais n’eut qu’à presser d’une main puissante la poignée, pour que le verrou ne cède, et que la porte ne s’ouvre l’air de rien. Sans perdre son sourire, il adressa un signe de main chaleureux à la troupe de jeunes, déjà complètement sous l’emprise de la drogue et de l’alcool. Se faisant passer pour un invité, Pawel annonça sur un ton taquin :

« Désolé les gars, j’suis en retard, mais j’ai ramené une copine ! »

Non, il ne connaissait personne, ni d’Ève ni d’Adan. Mais à ce genre de soirée, les invités ramenaient toujours un ami, ainsi qu’un ami d’un ami, etc. L’assurance du jeune Szlarski et le taux d’alcoolémie des futures victimes étaient tels, que personne ne se posa plus de questions que ça.  L’un d’eux, un verre d’un liquide non identifié dans la main, répondit même :

« Ouais, t’inquiètes ! Servez-vous à boire ! »

Pawel pouffa discrètement de rire et emmena Hailey au niveau du bar. Des verres et des bouteilles à moitié renversés jonchaient le bois du comptoir, quelques morceaux brisés juchaient le sol. Il ne savait pas vraiment ce qu’il était en train de leur servir, mais le vampire servit deux verres, il en tendit un à son invitée. Il regarda un peu autour de lui, avant de venir plus proche de la jeune fille, se penchant pour murmurer à son oreille :

« Décoince-toi un peu…C’est pas toi qui voulais que je t’emmène danser ? Bah là, y’a un peu d’ambiance, pour une fois. »

La musique un peu trop forte dissimulait d’avantage les paroles du polonais, de toute façon personne d’autre ne semblait en état de les écouter. Il prit alors une gorgée du liquide, puis grimaça.

« Dégueu. Tu sais c’que c’est ? »

Impossible de savoir tant le goût était méconnaissable. Probablement un mélange de plusieurs alcools premier prix. Pendant ce temps, un jeune couple complètement stone s’était emparé de la piste de danse. Ce n’était pas le genre de Pawel, mais la vampirette pouvait s’y mouvoir, si elle le souhaitait. Tant qu’elle se bougeait un peu, et faisait l’effort d’apprécier ce moment d’ivresse, avant la boucherie.

Pour la première fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés, aucune insulte ou remarque désagréable ne sortit de la petite bouche de la vampirette. Elle dévoilait finalement une autre facette de sa personnalité, autre que celle de la pétasse prétentieuse qui jouait constamment les grandes Vampires. Cette Hailey semblait plus douce et plus fragile, maintenant qu’elle avait pris conscience d’avoir besoin de sang humain pour réellement survivre et exploiter au maximum toutes ses capacités vampiriques. Cette part d’elle ne manqua pas d’attendrir légèrement la grande et large carrure de Pawel, il esquissa un sourire discret que la blondinette n’avait probablement pas remarqué, tandis qu’il la conduisait dans la chambre aux junkies. Transformée depuis quelques mois seulement, elle avait toujours son petit cœur d’humaine, quelque part au fond d’elle, dont les valeurs morales l’empêchaient de tuer quelqu’un. Ce sentiment, le polonais l’avait bien ressenti lorsqu’il avait faillit tuer une personne qui lui était chère, à l’époque. Mais, éduqué par Sarah et décomplexé du meurtre par cette dernière, il avait vite appris à ne plus culpabiliser. Peu à peu, l’humain avait laissé la place à une bête assoiffée de sang, à qui ôter une vie n’avait plus aucune importance. Pawel y avait pris goût, et se vantait même auprès des rares congénères qu’il croisait, du nombre de cadavres qu’il pouvait laisser derrière lui, chaque semaine. Son imposante carrure lui sommait de devoir se nourrir en quantité gargantuesque, Hailey pouvait déjà se réjouir de ne pas avoir besoin d’autant de sang, et donc, de devoir moins tuer que son homologue.
Le grand brun garda son sourire pour lui, lors de leur première rencontre il lui avait déjà dit qu’il ne fallait pas avoir de scrupule à tuer pour se nourrir. À présent il était plus détendu et se sentait plus disposé à lui apprendre des trucs de vampires. Dommage, c’était un peu tard maintenant, dès qu’ils auraient fini de se nourrir, Pawel avait la ferme attention de quitter Londres, même si il n’aimait pas vraiment l’idée de laisser Hailey. Mais c’était ainsi, elle lui avait bien fait comprendre, plus d’une fois, qu’elle n’avait pas besoin de lui. Elle avait quand même accepté de passer la soirée avec lui, alors autant en profiter.

Un verre d’un mélange d’alcools bizarres à la main, le polonais fixait, sournoisement, les jeunes gens sous l’emprise de multiples drogues, qui vivaient leur dernière soirée présentement. Peu importe si la vampirette n’avait pas envie de boire ou de danser, ils étaient juste là pour se nourrir, après tout. La jeune fille se rapprocha alors de son congénère et se suréleva sur la pointe de ses petits pieds pour approcher ses lèvres jusqu’à l’oreille du vampire. Celui-ci haussa un sourcil, sur le coup il ne comprit pas tout de suite :

« T’arrives pas à quoi ? »

Et puis, un éclair de lucidité passa dans ses yeux bleus, il fit ainsi le lien avec sa réflexion précédente, et le coup de l’adrénaline. Il ricana doucement, puis tourna la tête vers son visage, leurs lèvres se frôlant presque. Autant il l’avait trouvée attirante lorsqu’il l’avait vue les yeux rouges, les crocs sortis et la bouche pleine de sang, autant cette fois il la trouvait touchante, par sa franchise et l’aveu de sa faiblesse. Le sourire masculin s’étira.

« Ah ! »

Voilà l’occasion que Pawel avait tant attendue, et pourtant il n’était pas sûr de ce qu’il devait faire, maintenant. Il n’avait pas le droit à l’erreur, donc il décida de faire ce qu’il savait faire le mieux, foncer tête baissée sans trop réfléchir et voir ce qui allait se passer. Il fit mine de réfléchir, laissa courir son regard perçant autour d’eux, avant de repérer un petit quelque chose qui lui plaisait, et qui pourrait aider Hailey à se détendre.

« Cocaïne ! » Il avala son verre d’une traite, plutôt bien immunisé aux effets de l’alcool par rapport aux simples humains, il avait vu sur un meuble crasseux derrière des danseurs, de la poudre blanche laissée à l’abandon. Il tira la vampirette avec lui, et attrapa le petit bout de carton enroulé. « Prends un rail. Comme ça tu n’y penseras plus…»

Aussitôt, lui-même aspira une bonne traînée de cocaîne par l’une de ses narines, avant de passer le bout de carton à sa congénère. Il releva la tête pour bien inspirer, laissant la poudre blanche bien encrasser son organisme mort. Certes, l’effet n’était pas aussi fort que chez un humain, mais l’adrénaline et la sensation de liberté étaient bien présentes.
Soudainement, Pawel retira sa veste et son polo, torse nu il se glissa derrière l’une des jeunes femmes prises pour cible, et se déhancha bêtement contre son dos. Toute aussi droguée, la brunette rentra dans le jeu du polonais, qui n’avait pas réellement conscience qu’il dansait comme un pied. Mais il se sentait libre de pouvoir faire ce qu’il voulait, à tel point qu’il ne put retenir ses crocs sortir et ses yeux prendre une vive teinte rouge, tandis qu’il inspirait lentement l’odeur de l’humaine devant lui, en qui il pouvait voir le sang dans les veines et les artères, sous sa peau. Pawel se lécha la lèvre d’envie et appela Hailey :

« Allez, viens… »