« Night of the hunter. » | Jane && Caitlyn

Jane sent glisser sur elle le regard amusé du garçon, elle sait que certaine chose ne lui échappe pas. Elle l’a compris.  La sorcière n’en rougit pas pour autant, se contente de lui adresser un regard à la fois amusé et plus appuyé pour lui faire comprendre qu’à ce petit jeu-là il ne gagnera pas. S’ils se sont déjà parlé au téléphone c’est la première fois qu’ils se rencontrent, si la timidité s’est imposée en premier lieu chez le jeune homme elle a rapidement laissé place à quelque chose de plus fluide entre eux. La Générale sait mettre les autres à l’aise, elle l’a toujours su, aussi alors qu’ils parlent de la situation de façon plutôt détendu quelque chose de simple s’installe. Il a la confiance de Benjamin mais pas seulement, il a également celle de Maxence, de Niall aussi, puis de Margo dans une moindre mesure.
S’il se moque ainsi c’est parce qu’il a ressenti le courant électrique qui passe parfois entre elle et l’homme assis face à elle. Voilà des mois désormais qu’ils se connaissent, qu’ils se sont apprivoisés, aujourd’hui Benjamin fait partie de son cercle même si sa place y est particulière. Amis, collègues, elle ne parvient pas vraiment à déterminer la limite et s’en tient à ça. Lui aussi.

La soirée se déroulait dans la bonne humeur malgré la gravité de la situation, une sorte de sas de décompression après avoir abordé les sujets qui fâchent, les impasses, la frustration qui les accompagnent. Prudence est mère de sûreté mais lorsque votre tête est mise à pris jusqu’à quel point pouvez vous rester sur la touche quand quelque chose vous touche au plus profond de vous même ? C’est son cas à elle, c’est le cas de l’ancien Gryffondor aussi. Si les autres passent encore entre les mailles du filet pour le moment ils se savent sur la sellette, il suffirait de si peu de choses.

Prêts à se quitter ils étaient loin d’imaginer la façon dont tournerait finalement cette soirée. Il aura suffit d’un appel pour tous les mettre en branle et la suite ne fut que chaos, précipitation, escalade d’une violence que Jane n’a pas eu sous les yeux mais devine dans chacun de ses battements de cœur. Parce qu’elle les a vu partir et disparaître dans les ombres la rage au ventre, parce qu’elle a su que ce soir le sang coulerait sur le pavé d’une façon ou d’une autre.

Voilà comment elle s’est retrouvée à faire la connaissance d’une autre Lycanthrope dont elle ignorait jusqu’ici l’identité. Une amie pour les uns, une alliée pour d’autres, une ancienne élève de Poudlard qui a vraisemblablement totalement embrassé cette partie d’elle et lui semble bien plus en phase que Gaby malgré le temps qui passe. Cette pensée n’a rien d’un jugement envers celle qu’elle considère comme une nièce aujourd’hui mais à voir Caitlyn évoluer avec autant d’aisance, en harmonie totale avec son double, elle se surprend à souhaiter cela pour celle qu’elle a décidé de faire disparaître des radars du Gouvernement il y a de ça plusieurs années maintenant.

Son secret bien gardé grâce à l’Occlumencie Jane avance de front avec la jeune femme sans se poser de question. La nuit les protège des yeux ennemis mais le camouflage reste de mise qu’il soit magique ou non. Visage à demi masqué par une épaisse écharpe, capuche de son manteau remontée jusqu’au milieu du front, ne transparaît que ses yeux sombres.
La sorcière s’en remet au sens de Caitlyn, la laisse les guider dans les dédales de la ville jusqu’à disparaître dans les endroits où nul ne vient s’égarer lorsque le jour est tombé. Une gare de fret dans laquelle dorment des trains désaffectés ou en attente de réparation, en stationnement pour la nuit peut être simplement. Elle ne s’attarde pas sur ces considérations alors que son pas léger passe d’une traverse à l’autre, baguette dans la main droite prête à réagir. Elles se sont séparées pour couvrir plus de terrain, bonne idée ou pas l’Anglaise avance le dos courbée et s’imprègne des sensations nocturnes. Ce faux silence, le moindre froissement qui fait sursauter, son cœur qui cogne dans ses tempes au rythme de l’adrénaline.
Une vibration dans la poche arrière de son jean attire son attention, pas qu’elle soit déçue lorsqu’elle comprend qu’il ne s’agit pas d’un signe de vie de Benjamin mais elle le sait, elle sera pleinement rassurée une fois seulement qu’elle l’aura à nouveau sous les yeux. Trois mots, factuels et pragmatiques. Si elle n’a pas entendu les éclats de voix c’est qu’elle se trouve trop loin alors Jane  utilise la Magie pour prendre de la hauteur et se propulse sur le toits d’un wagon. Un regard à droite puis à gauche, un autre droit devant, elle ne les aperçoit pas mais son instinct la pousse à se mouvoir en silence en atténuant le bruit de chacun de ses impacts.

C’est au troisième train qu’ils apparaissent devant son regard en contre bas, immédiatement elle s’accroupit, tentée d’intervenir pour désarmer l’homme que la jeune louve a coincé par une clé de bras. L’attaquer lui serait prendre le risque de la blesser elle. L’instant ne dure qu’une seconde, un clignement de paupières, un battement de cœur.

Chaos et précipitation, oui, pourtant tout s'enchaînait comme s'ils l'avaient entrainé. Comme un mécanisme bien huilé, une succession d'actions et de réactions fluide, chacun se préparant de son côté tout en sachant parfaitement où en étaient les autres, connaissant son rôle et le jouant à la lettre. Concentration était le maître mot, quand bien même l'improvisation était totale.

Ce soir plus que jamais, Caitlyn se sentait en phase avec cet alter ego qui était le sien depuis plus d'un an maintenant. Embrassait ses sens et ses instincts, s'y remettait pleinement, sans pour autant se départir de son jugement ni de ses réflexes d'humaine. Ni Louve ni elle n'étaient infaillibles, toutes deux vulnérables, mais il y avait quelque chose de rassurant à l'idée de savoir qu'elles pouvaient compter l'une sur l'autre.

Face à l'arme pointée sur elle, son coeur manqua un battement et elle bloqua. Ni la fuite ni l'attaque ne seraient plus rapides que les balles, elle le savait et lui aussi. Mais elle n'avait pas le loisir de réfléchir trop longtemps à la meilleure stratégie, alors elle fit ce qui lui passa par la tête - transplana juste à côté de lui, empoigna le bras dans lequel il tenait le flingue et le tordit de toutes ses forces.

Le coup de feu la fit sursauter et l'assourdit l'espace de plusieurs secondes, mais elle ne lâcha pas prise, resserrant au contraire son étreinte sur son avant-bras jusqu'à lui faire lâcher l'arme dans un feulement de douleur et de rage. D'un coup de pied, elle l'envoya plusieurs mètres plus loin, mais déjà, profitant de la voir quitter ses appuis, il la chargeait et la plaquait contre le wagon où la balle était venue se loger quelques instants plus tôt.

Le souffle coupé, un soupir s'échappa de ses lèvres entrouvertes et sa vue s'assombrit alors que la douleur à la fois sourde et aigue se propageait de sa cage thoracique à l'ensemble de son corps. Des fourmis jusqu'aux bouts des doigts, Caitlyn sentit ses forces la quitter, son adversaire se dégager et attrapper son bras à son tour, ses os craquer. Une nouvelle vague de douleur lui arracha cette fois un cri rauque.

"Tu veux vraiment jouer à ça ?"

Il se passe 1000 choses dans l’esprit de Jane alors qu’un coup de feu retenti. La déflagration résonne contre chaque train, chaque bâtiment, son regard se porte partout alentours comme si elle voulait s’assurer que le bruit n’attire personne. La confidentialité et le secret sont leurs plus grandes armes, elle pourrait sans problème effacer la mémoire d’un témoin gênant mais les réseaux sociaux, Internet dans sa globalité, deviennent un réel problème pour le monde sorcier.
Jusqu’où a-t-il été entendu ? Est-ce qu’il y a un système de video surveillance ? Un Gardien ? Un lien direct avec Scotland Yard ? Oui ça fuse dans son esprit mais sa concentration revient vite se focaliser sur Caitlyn.
Il suffit d’un regard pour comprendre la situation, la jeune femme n’est pas blessée et la balle semble être partie en direction d’un wagon à quelques mètres de là. Ce qu’il se passe ensuite va très vite, dans l’obscurité Jane peine à y voir clair – Elle n’a pas les sens de Twain.

L’arme qui tombe au sol, que la Louve dégage d’un coup de pied jusqu’à le rendre inatteignable pour son porteur. Ce dernier qui d’un violent mouvement arrière la propulse contre un wagon. Un craquement, un grondement rauque tinté de douleur « Tu veux vraiment jouer à ça ? » La voix de l’homme lui parvient, menace évidente, Jane n’hésite plus. D’un bond agile et dont l’atterrissage est atténué par un sortilège elle retouche terre. Immédiatement sa baguette se braque. En premier lieu vers l’arme gisant sur le sol « Evanesco. » Et celle-ci disparait comme si elle n’avait jamais existé. Ensuite vers l’homme qui menace Caitlyn « Everte Statum. » qu’elle regarde décoller du sol pour le rencontrer brutalement quelques mètres plus loin.
En quelques pas rapides elle rejoint Twain et analyse son bras sans pour autant se comporter comme si elle avait un être fragile face à elle car ce n’est pas le cas. Mais Lycan ou non la douleur est là, vive, quand bien même la Magie pourrait réparer cette blessure assez simplement et rapidement. Jane n’est pas Médicomage mais elle a par la force des choses acquis quelques réflexes de base, pour autant elle se dit qu’appeler Maxence serait sûrement une meilleure idée. Jusqu’à ce qu’elle se souvienne que la double nature de Caitlyn est un secret. Il ne poserait pas de question, c’est une évidence, mais sans qu’elle n’est eu le temps de pousser plus loin sa réflexion un faisceau de lumière apparait « Qu’est ce qui se passe ici ?! » Ce qu’elle redoutait. Un gardien de nuit sans doute et avant qu’elle n’ait eu le temps de dire ouf les aboiements énervés d’un molosse retentissent dans la nuit. Évidemment.

Si Jane ne l’entend pas Caitlyn et l’autre Lycan doivent percevoir le cliquetis d’une chaine. Une laisse qu’on détache. Un chien qu’on libère pour le laisser faire son travail de gardien.

Sortilèges utilisés:

”HRP”:

Un putain de chaos, voilà ce qui est en train de se dérouler. Rien ne se passe comme Jane aurait aimé voir les choses se dérouler, elle s’apprête à tout moment à voir débarquer un piège matérialisé en plusieurs silhouettes.
Il n’y a pourtant qu’une seule voix qui se manifeste et la Générale comprend rapidement qu’il ne s’agit pas d’un allier venu prêter main forte à celui vers qui Caitlyn se propulse de tout ce qu’elle a en elle malgré son bras cassé. Le chien, elle n’a qu’à peine le temps de le voir. Flèche bringée, le voilà déjà sur la jeune Lycan qui le repousse une première fois. L’animal revient à la charge, la sorcière doit choisir sa priorité : Aider Twain en neutralisant le chien, empêcher le gardien de trop en voir ou empêcher l’autre Lycan de disparaître. Certains verraient sans doute son choix comme une marque de faiblesse mais lorsque l’on connaît Jane ça n’a finalement rien d’étonnant.

Ainsi, les sortilèges fusent « Stupefix ! » Ferme, précis. Le chien se fige et retombe sur le sol la gueule encore grande ouverte, tous crocs exposés. Pas une seule fois elle n’a envisagé sort plus drastique, il n’est pas l’ennemi ici. Pas plus que l’homme qui s’avance en hurlant vers elles « Immobulus. » Jane se retourne juste à temps pour l’empêcher d’appeler des renforts, son téléphone portable quasiment à portée de main « Accio téléphone. » Objet qu’elle récupère d’un geste agile.
Il n’y a pas d’hésitation dans les réactions de l’Anglaise mais le juron qu’elle pousse ensuite sort du plus profond de son ventre « Merde ! » La frustration et la colère sont évidentes, l’autre Lycan a profité de cette arrivée impromptue pour prendre la tangente. Elles pourraient sans doute le pister mais laisser le témoin et son chien en l’état n’est pas envisageable et quand bien même elle ne doute pas de la capacité de résistance de Caitlyn elle n’ira sans doute pas bien loin avec un bras dans cet état.
Alors là encore, elle doit faire un choix. Choix aiguillé par le bruit d’une moto qui démarre non loin de là et qu’elle devine d’un modèle sportif à en juger par le bruit du moteur. Difficile de ne pas en déduire que tout ça n’est rien d’autre qu’un piège. Un regard vers Caitlyn, un autre vers le chien, elle retrouve finalement les yeux clairs de la jeune femme et d’un geste du menton l’invite à se rapprocher d’elle alors qu’elle contourne l’homme qui semble en état de choc. Rien d’étonnant suite à ce qu’il vient de voir.
Jane se glisse derrière lui et remet le téléphone dans la poche de la veste du Gardien, sa main se pose sur son épaule de façon avenante « Vous faites du bon travail. » Des paroles tout aussi douces que le ton qu’elle emploie, juste avant de pointer l’extrémité de sa baguette vers la tempe de l’homme et de lâcher dans un murmure un nouvelle enchaînement de sortilèges « Oubliettes. » Peu a peu elle voit les traits de son visage s’apaiser, d’un finite informulé elle lui rend sa mobilité et pointe cette fois sa baguette vers le chien « Enervatum. » Les mâchoires claquent dans le vide, Jane attrape le poignet valide de Caitlyn et les fait toutes deux disparaître dans un bruit sourd.

La planque où les deux femmes atterrissent est celle où Jane avait emmené Dagwood quelques mois plus tôt, une cabane délabrée au milieu des bois qu’aucun non magicien ne pourrait voir. Sa première intention n’est pas envers la jeune femme qui l’accompagne mais dans un message qu’elle envoie à Lana. Bref, il contient les coordonnées géographiques du lieu dont elles viennent et un codage militaire qu’elle a appris avec le temps pour expliquer une situation sans se perdre en nombre de mots.

Son portable glissé dans la poche arrière de son jean elle fait quelques pas vers la Lycan « Cette planque est la mienne, personne en dehors de Benjamin ne la connaît. » Et Rain, mais elle ne la mentionnera pas pour des raisons évidentes « Ton bras ? » D’un regard, elle lui demande silencieusement la manière dont elle veut gérer ça.

« Vous arriveriez à le resouder ? Sinon c'est pas grave, on peut essayer de faire une attelle. Il y a des potions pour les fractures à la boutique, on pourrait y passer avant de retrouver les autres... » Force de proposition mais Jane ne cherche pas à retenir le rictus qui lui fait plincer les lèvres. Tout va très vite dans son cerveau, elle analyse et prend des décisions à la vitesse d'un train lancé de toute sa puissance sur les rails « Vous avez des nouvelles ? » Dans la voix de la jeune louve l'inquiétude est palpable, ça n'est pas pour elle qu'elle tremble mais pour les autres, pour les siens. La Générale ressort son téléphone de sa poche arrière et vérifie l'écran à nouveau, juste à temps pour voir apparaître un message de celui pour qui elle tremblait jusqu'ici en silence et sans rien laisser paraître « Benjamin est à la planque. » C'est tout ce qu'elle sait, tout ce qu'elle dira.

Jettant un regard par la fenêtre plus par réflexe qu'autre chose elle range une nouvelle fois son mobile et fait quelques pas vers Caitlyn pour aviser l'état de sa blessure. Cet enfoiré ne l'a pas loupé, pas qu'elle ne se fasse pas confiance mais une telle fracture doit être vue par un professionnel pour être réduite correctement « Je ne prendrai pas le risque de ressouder ton bras, il te faut un véritable Médicomage. » Des mots qui sont fermes sans être tranchant, Cailtyn en fera ce qu'elle veut car loin d'elle l'idée de lui imposer quoi que ce soit à ce sujet. Laissant de côté son bras elle redresse le regard pour capter celui de la jeune femme et lui offre un mince sourire « Et je ne peux pas me permettre une virée sur le Chemin de Traverse. » Sait-elle seulement que la femme qu'elle a en face d'elle est probablement l'une des plus recherchée du Ministère ? Sans doute pas. Jane ne gonfle pas son palmarès loin de là mais elle sait pertinemment le sort qu'ils lui réseveront si elle tombe un jour entre leurs griffes « Tu ne peux pas être vue avec moi. » Pour des raisons évidentes, à commencer par ne pas griller sa couverture qu'elle parvient à maintenir avec brio au nez et à la barbe de ce Gouvernement pourri jusqu'à la moelle. L'aide que Cailtyn comme Takuma peuvent apporter en plein dans l'oeil du cyclone est essentielle, primordiale. Risquer de les exposer serait une immense connerie aux yeux de l'Anglaise.

Jane agite les doigts de sa main droite dans le vide le temps d'une nouvelle réflexion qu'elle ne tarde pas à exprimer « On doit se regrouper. » Pour faire le point, partager les infos tant qu'elles sont fraiches et s'assurer que tout le monde est encore en vie. Et libre. Par déduction elle comprend que Benjamin a mis les siens à l'abri et s'en est tiré mais manque encore un nom à l'appel.
Le ton est un peu sans appel, la Générale pose sa main sur l'épaule valide de la jeune femme et les fait toutes deux transplaner à  l'endroit où elle, Benjamin et Enzo se tenait lorsqu'ils ont eu l'appel de Cailtyn un peu plus tôt.
Benjamin se tient là, droit, imposant de sa stature et les traits fermés. A ses pieds un corps sans vie, Lycan ou non elle n'a aucun moyen de le savoir. Caitlyn le peut, la main toujours sur son épaule c'est pourtant sur Benjamin qu'elle pose l'entièreté de son attention. Une seconde, peut être deux, le temps d'imprimer qu'il est bel et bien là. Lorsqu'elle s'apprete à ouvrir la bouche un « ploc » familier retenti dans la pièce, suivi d'un bruit sourd.

Un autre corps inerte qui tombe sur le sol, déposé là par celui qu'elle sait être à l'origine de la Transformation de Gaby. Salement amoché, le visage plus fermé encore que celui de Benjamin, il a du sang partout sur ses vêtements et le regard d'un tueur. Jane calque ses réactions sur celle de l'ancien militaire, ne fait pas un pas en direction du jeune Lycan dont les lèvres semblent vouloir se desceller « Il a évoqué un truc que seul un allier ou un Inquisiteur peut savoir. » Sa voix est rauque, l'attitude autant que le ton d'une froideur à faire palir « J'en ai rien tiré de plus. » Il les regarde un a un, s'attarde un instant de plus sur Caitlyn avant de bouger de manière infime la tête de droite à gauche, puis de gauche à droite. L'instant d'après il a disparu, les laissant tous les trois avec deux cadavres et un miliard de questions.

« Enzo ! » Il ne l’entendra pas, il ne verra pas ce corps s’élancer vers lui pour ne rencontrer que du vide. Jane sent son ventre et son cœur se serrer lorsque Caitlyn se retourne vers eux, les larmes s’invitant sous ses paupières jusqu’à déborder sur ses joues. Ce geste plein de désespoir, celui d’ouvrir la porte pour ne faire face qu’à du vide à nouveau, il faudrait être dénué d’une grande dose de sensibilité pour ne pas sentir son corps tout entier se crisper.

Ils ne sont plus des enfants, pas alors que la guerre qui fait rage depuis des années maintenant en a fait les premières victimes, ceux en première ligne alors que l’ennemi gagnait du terrain dans l’ombre et prenait Poudlard pour une zone d’expérimentation. Quel avait seulement été leur but en prenant cette école par la force ? Elle n’a même pas envie de chercher une raison, aucune ne serait suffisamment valable et surtout entendable. Ce combat c’est tardivement qu’elle le rejoint mais des visages comme celui de Caitlyn elle commence à en avoir croisé depuis en plus. Des gamins projetés violemment dans la noirceur du monde, des adultes qu’on a privé brutalement d’une innocence qui leur revenait de droit. L’autre jour elle s’est fait cette réflexion : On les reconnaîtrait presque au premier regard, ils ont dans le fond des yeux quelque chose que d’autres n’ont pas. Une lueur, une étincelle ou bien l’obscurité, une froideur, une maturité qui ne devrait pas être si présente « Et les autres ? Jody ? » La Générale tourne le visage pour chercher celui de Benjamin toujours debout près d’elle, c’est comme si les deux corps sans vie au sol n’existait pas.
L’homme à la carrure imposante qu’elle considère aujourd’hui comme un ami rassure la jeune femme, puis explique qu’il doit rejoindre les siens non sans s’assurer que ça va aller pour elles deux. Jane le conforte dans son départ, d’un regard et d’une paume posé sur son avant bras lui indique silencieusement qu’elle comprend et qu’il peut y aller sans se retourner. La Garde prendra le relais de toute façon, il n’en fait pas partie.

Aussi les deux femmes se retrouvent-elles seules et Jane, par un sourire et un signe de la main, invite Caitlyn à la suivre. Qu’elles sortent de cette pièce où la mort règne, elles n’ont pour le moment plus rien à y faire. Méthodiquement la sorcière liste mentalement le nom des personnes qu’elle envisage de contacter mais se concentre physiquement sur la présence de celle avec qui elle a fait équipe ce soir. L’une comme l’autre aurait aimé ramener cet autre homme, le ramener vivant, mais les choses sont ainsi. Peut être que Lana aura plus de chance, peut être qu’une bonne nouvelle viendra toquer à la porte dans les minutes ou les heures qui suivent.
L’autre pièce dans laquelle elles entrent est simplement de l’autre côté du couloir, elle comprend une sorte de petit salon contenant un canapé, un fauteuil et une table basse. D’un moulinet du poignet elle fait rapidement chauffer de l’eau dans la bouilloire présente, attire deux tasses d’un accio informulé avant de reposer son attention sur la blessure de la jeune femme « Je sais que tu t’inquiètes mais dans l’immédiat il faut qu’on s’occupe de toi. » Encore une chose qu’elle commence à comprendre : Ça n’est pas une évidence pour eux. Ses doigts effleurent le bras sans jamais le toucher « Si tu es d’accord j’aimerai appeler un ami pour qu’il puisse regarder ton bras. » Maxence. Un homme de confiance qu’elle apprend à connaître au fil du temps qui passe. Sa douceur semble de mise, un réconfort apaisant qu’elle ne rejetterait pas non plus à vrai dire.
Elle sait que le secret est précieux mais nul besoin de lui avouer son secret, si la médecine l’exige alors dans ce cas elle est persuadée qu’il accepterait de voir sa mémoire effacée.

La Générale s’assoie sur le canapé et invite Caitlyn a en faire de même, leur servant à toutes les deux un thé fumant comme s’il pouvait réparer tous les maux. Elle sait bien que ça n’est pas le cas, néanmoins un peu de chaleur n’est jamais négligeable « Toi et moi on a vu son visage, tu as son odeur dans ta mémoire olfactive, on finira par le retrouver. » Le ton paraît neutre, intérieurement Jane est ferme sur cette affirmation. Ils finiront par comprendre ce qui se trame et d’après les dires de celui dont elle ne sait pas entièrement quoi penser les hypothèses deviennent moins nombreuses, plus ciblées. Un allier ? Pourquoi ferait-il ça ? Les Inquisiteurs semble une piste plus logique mais elle ne rejette aucune possibilité.

« Je suis désolée. On aurait dû s'y prendre autrement, trouver plus de renforts, pas se jeter comme ça dans la gueule du loup. » Elle pourrait sourire si la situation n’était pas aussi grave. C’est ce qu’ils ont fait, littéralement. Se jeter dans la gueule du loup et à quel prix ? Ils ont beau être l’ennemi ce sont deux êtres humains qui gisent sous un drap dans la pièce d’à côté. Si Jane ne regrette pas leur mort elle aurait préféré une autre finalité. Parce que chaque vie est précieuse, premièrement, mais surtout parce qu’ils auraient cruellement eu besoin d’information.
En cet instant elle ne remet pas en cause sa légitimité à prendre part à ce combat mais s’interroge sur sa place au sein de celui-ci. Elle n’est pas l’un des leurs, ne comprendra jamais vraiment ce qui se joue en eux dans une telle situation. Est-ce qu’elle aurait pu les empêcher de se lancer à la poursuite de ces autres Lycans ? En avait-elle seulement le droit ? Quel est le rôle de la Garde exactement dans cette lutte qu’ils mènent chaque jour ? Le silence accompagne son regard plongé dans le vide, ses deux mains enroulées autour de la tasse fumante contre laquelle ses paumes rosissent. De cette torpeur elle ne sort que pour vérifier l’écran de son téléphone en appuyant sur le bouton latéral. Une réponse de Lana lui indiquant qu’elle se rend sur les lieux, une autre de Benjamin qu’elle lira plus tard.

La Générale repose sa tasse un instant et pianote quelques mots à l’attention de Maxence, espérant qu’il pourra se déplacer pour aider Caitlyn même si elle n’en doute. Au fil du temps qui passe elle apprend à connaitre le fonctionnement du Médicomage, à connaitre l’homme tout simplement, elle sait que tout comme elle il ne dort que d’un œil tandis que l’autre scrute ce petit objet qui leur sert à communiquer bien plus rapidement qu’un outil magique « Heureusement que vous étiez là. » Jane hausse les sourcils comme si elle était surprise par les mots de la jeune femme, ça ne dure qu’une seconde à peine avant qu’elle se ressaisisse et affiche un nouveau sourire qui n’a pas la saveur des précédents.
Dans sa tête tout tourne déjà à plein régime, elle a besoin de se plancher sur la question plus en profondeur et appellera Naveen dès qu’elle en aura l’occasion. Pas qu’elle cherche à se débarrasser de Caitlyn mais il y a des choses qu’elle gèrera seule ou avec ses équipes, de la même exacte façon que les Lycans agissent ensemble et entre eux. Son regard se perd un instant sur le contenu de sa tasse de nouveau entre ses doigts. Il manque un nuage de lait, un léger coup de cuillère pour donner cette impression de tourbillon qu’elle aime observer comme pour s’hypnotiser parfois « On a tous merdé. » Le ton n’est pas froid, pas même acerbe, il est d’une neutralité exprimant un fait. C’est vrai, ils ont tous merdé et en tant que Générale elle se juge plus durement encore que les autres « Moi la première. » Elle aurait dû être capable de raisonner Benjamin et les siens mais encore une fois s’est posée cette question de ce qu’elle pouvait leur intimer ou non. Ils n’appartiennent pas à la Garde, n’obéissent pas à ses ordres. Elle aurait tout autant dû blinder bien plus leur sécurité lorsque toutes deux se sont aventurées dans les méandres d’un Londres désaffecté.

Résultat : Deux morts, trois blessés, un échappé et plus de questions que de réponses.
Un fiasco qu’elle va tout faire pour réparer.

« On va essayer de faire son portrait-robot, ça permettra t’élargir le périmètre de recherche. » On. Elle, son équipe, qu’ils soient de la Garde ou non mais disposant de capacités complémentaires avec celles des Loups. Elle ne cherche pas à se cacher, imaginant que Caitlyn doit sans doute commencer à avoir des soupçons voir totalement deviner qui elle est. Une Gardienne, depuis peu certes mais impliquée dans la Cause jusque dans le bout des ongles. Pas de crocs, pas griffes, pas de sens développés mais elle n’en est pas sans ressources pour autant. Comme tous ceux doués de Magie ou non ayant rejoint les rangs – de façon ferme ou en périphérie.

En attendant Maxence Jane prend le soin de donner son numéro de téléphone à la jeune femme de façon à pouvoir rester en contact avec elle. Lorsque le Médicomage arrive elle prend congé, met en branle les plans qui n’ont eu de cesse de tourner dans son esprit depuis qu’elles sont arrivées à la planque quelques temps plus tôt.

▬ FINI POUR MOI ▬