There's a dog outside. One that's barking - ( Général Blackblood vs Général Blacktorn)

Ses prunelles couleur givre parcourait les objets qui parsemaient les tablettes devant lui avec avidité. Ramassis de couleur, de matériaux et de textures stimulante qui le mettait presque mal à l’aise. Son diagnostic était tel qu’il avait toujours préféré les environnements épuré, absent de toute émotion. Tout le contraire de ce qu’il pouvait déduire des décorations éclectiques de ce bureau. Il laissa son index glisser contre le bois du meuble, jouant un instant avec la micro poussière qui s’était accroché à sa peau avant d’extirper un mouchoir de sa poche et de s’essuyer. Le ménage avait toujours laissé à désirer dans ces bureaux, ou ce n’était peut-être que lui qui se souciait de cette saleté invisible.

Blackblood se sentait jaloux. La pièce n’était pas tellement plus grande que son bureau à lui, mais sa forme était plus agréable à l’œil, donnant une impression de profondeur à l’aire de travail. Peu importe, l’atmosphère ne pouvait rivaliser avec son petit coin de QG. Dentelles, or et merisier, il en avait fait une extension de son manoir, s’était même permis d’y insérer une délassante pour les soirs ou rentrer au manoir n’était pas pratique.

Quand il glissa sa main contre le dossier du siège, il frissonna, se demandant ce qu’on ressentait lorsqu’on était plus apprécié que craint. Ressentait-il de la jalousie? Non, il se fichait qu’on l’aime, il préférait de loin qu’on tremble devant lui. Il était tout de même curieux, essayant de comprendre ce qui pouvait motiver un homme comme lui. Les autres, ceux qu’il dit aimer; évidemment. Prévisible et si, humain. Qu’avait-il au-delà, lorsqu’il n’était plus qu’un homme seul face à sa propre existence? Il aurait tant aimer pouvoir fouiller sa grosse tête dégarnie, découvrir à quoi il rêvait la nuit, ce qu’il pensait lorsqu’il glissait son regard sur une belle femme. Préférait-il l’été à l’hiver? Parfois, ce sont les petites choses qui vous en disent le plus sur quelqu’un. Blackblood aimait les détails, dessiner un contexte aux événements qu’il naviguait.

Oserait-il? Il poussa le fauteuil du bout des doigts, la laissant tournoyer jusqu’à s’offrir à lui. Pourquoi pas. Un léger sourire brisa la neutralité de son visage avant qu’il ne prenne place au bureau du sous directeur. Confortable, mais pas autant que la Victorienne du sien. Il usa de ses pieds pour pivoter, laissant son regard traîner sur la surface de bois, puis sur les papiers qui y était parsemé. Que pouvait bien faire la section relation avec ses moldus? Préparaient-ils une nouvelle trêve, ça serait dommage après avoir travaillé aussi fort pour mettre le chaos. Il resta quelques secondes adosser contre la chaise, se demandant si Jessen était réellement le genre d’idiot à laisser traîner des informations au grand jour. C’était sûrement des convocations ennuyeuses et des brochures ministériel qui n’avait pas encore été jeter à la corbeille.

Et pourtant, il ne pouvait résister à l’envie de s’infiltrer. D’une main molle, il s’étira pour repousser une enveloppe qui recouvrait un document. Quelques pages dont il éventrait les coins, laissant son regard glisser machinalement sur les mots. Un nom ici, une location là. Non, tout ça était beaucoup trop facile. Il se laissa retomber contre le dossier, glissant sa main à sa bouche, caressant sa moustache cirée tandis que ses yeux tombèrent sur les tiroirs du meuble. Impossible qu’ils ne soient pas verrouillés, mais dans le doute, il devait sûrement tenter le coup. Il étira d’abord son bras sur le support de la chaise, comme s’il tentait d’être discret même lorsqu’il était seul. Son ongle caressa le métal de la poignée qui cliqueta quand il retomba contre la surface, comme pour le tenter. Il prit une inspiration, presque exciter à l’idée de ce qu’il pourrait bien y trouver. Le grincement du bois quand il tira lui rappela que c’est là qu’il planquait son familier. Depuis combien de temps n’avait-il pas ouvert son tiroir? Il allait probablement devoir acheter un nouveau rat. Il se redressa légèrement, plongeant son regard dans le compartiment devant lui. De tout ce qu’il contenait, une chose attira son attention plus que tout autre.

C’était dans la couleur et le tissu, quelque chose de particulier qui lui serrait le cœur et qui l’enveloppait d’une chaleur bouillante. Il pouvait entendre l’air siffler à son oreille et sentir la pièce tanguer alors qu’il s’étirait toujours plus, prenant enfin le sous-vêtement entre ses mains pour l’examiner. Aucun doute, c’était bien elle. Il ne savait pas comment, ni pourquoi mais il en était convaincu. Peut-être avait-il toujours su, mais qu’il avait préféré se protéger dans une fausse ignorance. Il ferma les yeux, approchant le vêtement de son visage simultanément avant d’en capturer ce qui restait de parfum.

Puis, son cœur tomba dans ses talons lorsque la porte s’ouvrit, le laissant dans une anxiété telle qu’il referma le tiroir sans même y retourner l’article. Réalisant sa bêtise, il ne vit aucune autre solution que cacher l’indice dans la poche de son veston. Rapidement, il s’étira contre le siège, arborant un visage qui se voulait neutre, mais ses yeux ne mentaient pas. Impossible de cacher cette haine glaciale qui le traversait quand il posa son regard sur le sous directeur.

‘’ Jessen ‘’ Dit-il simplement en guise de salutation, la veine de son front particulièrement tranchante sur son front laiteux.
   

- Tu me remontes cette piste, et tu ne la lâches pas jusqu’à ce qu’elle soit aussi froide que ce type, c’est compris ?

Le soldat acquiesce puis fait demi-tour et passe la porte sans demander son reste. Il laisse ainsi trois hommes dans le cachot humide. Un corps, dont les contusions boursoufflées empêchent toute reconnaissance véritable. Jessen, une cuisse sur l’unique tabouret de la cellule, et Adrian, dos à la surface humide du mur, le regard porté vers lui. Seules les lueurs des torches percent jusqu’à eux et tracent quelques rainures mouvantes sur les traits de l’activiste. Il est l’un de ces hommes dont le statut n’a rien d’officiel au sein de ses rangs. L’un des plus efficaces pourtant.
Fidèle à ses habitudes, le corps plongé dans la pénombre, c’est un petit sourire qu’il offre au visage buté de celui que d’aucun nomme “son boss”.

- C’est peut-être à elle que tu devrais confier une telle traque ?

Elle. Un mot bien commun qui sonne tout sauf ordinaire quand il désigne une femme comme Azalea.

- C’est à toi que je le demande. Le ton aurait été tranchant chaque autre jour les séparant du départ d’Azalea loin de Londres. Pourtant il se veut neutre aujourd’hui. Un rapport, sans doute, avec l’apparition de l’ancienne raffleuse lors de la cérémonie visant à féliciter chacun des membres impliqués dans le massacre de la Garde.
Un détail qui n’échappe pas à l’américain. Adrian ne s’est jamais laissé duper. Pas que Jessen ai jamais cherché à véritablement dissimuler l’ambiguité de leurs relations. Un point de plus qui attise l’incompréhension chez la majorité des sangs purs. Tout à la fois inquiets de ce qu’il est, méprisants, soupçonneux et incapables de trancher sur ses véritables allégeances. Parfait. Qu’il reste l’amoureux des moldus et le Général intransigeant tout à la fois. Qu’on puisse le penser traître, faible ou taré dans une même pensée.

- Un retour dans deux jours, comme toujours..
- On ne change pas une équipe qui gagne, non ?

Un sourire ironique passe entre les deux hommes et s’évanouit dans la pénombre des geôles.

- Hey, Jey ?
Absorbé par l’analyse d’une des plaies suppurées du cadavre, Jessen relève à peine le regard.
- Hm ?
- Combien de temps mettra Blackblood avant de tenter de te tuer, tu penses ?
- Tout dépend de la qualité de ses nerfs… donc un temps limité je suppose. Pourquoi ?
- Parce qu’il fouille ton bureau en ce moment même.

Cette fois, Jessen redresse le regard d’un mouvement sec. Le sourire d’Adrian a à présent tout de l’indolence. Une émotion commune, qui pourtant, à l’instant, fait défaut au général. Rien qu’un instant seulement.. Avant qu’un souffle ne passe ses lèvres. Entre l’irritation et l’amusement.
- Il en aura mis du temps, avant de craquer..
Quant au sourire d’Adrian, il aurait bien en peine de le distinguer si l’homme n’avait pas accompagné son départ d’un simple “Amuses-toi bien” laconique.

Quelques minutes plus tard, Jessen passe la porte de son bureau. Derrière lui, une silhouette disparaît dans les couloirs sous le ministère…

Lui, s’arrête, naturellement et sans la moindre surprise, à voir le Général raffleur tranquillement posé dans son fauteuil. Quoi que de calme, Jessen n’en distingue qu’assez peu. Un mouvement vif amenant sa main droit dans la poche de sa veste, le claquement sec d’un tiroir qu’on referme…
Et la crispation d’un grondement dans sa cage thoracique.

Des sourires, pourtant, de part et d’autres, surmontés par deux regards glacials. L’un de givre, l’autre d’écorce, mais rien d’autre qu’une haine mutuelle. Une rage qui, chez Blackblood n’a rien de nouveau mais qui chez Jessen, est d’ordinaire mieux muselée. Qu’il ait fouillé les documents sur son bureau ? Prévisible. Rien sur son boulot au ministère, bien sûr. Rien de fiable non plus, dans son rôle de général. Rien donc sur les missions en cours, la guerre dans les Balkans ou les manœuvres politiques. Rien du moins qui ne soit pas détourné ou mensonger. Des pièges posés ici et là.
Sauf ça. Ce petit morceau de tissu laissé dans son tiroir par pure bêtise. Par croyance, surtout. Comme si cette bulle formée entourant Azalea ne pouvait être percée. Mais elle l’a été, le simple éclat un peu trop brillant dans le regard de Blackblood le lui susurre à l’oreille aussi sûrement qu’un moustique une nuit d’été.
Pas de runes pour l’en prémunir cette fois.

‘’ Jessen ‘’  
Un sourire. Non pas crispé. Il faudrait manquer de subtilité... Dégagé au contraire. Mordant. Joyeux presque. Loin d’être hypocrite pourtant, tant son regard tranche toute la violence d’un éclat métallique. De cet homme, il faudrait avoir peur. Des tas d’Hommes, il faudrait avoir peur. Mais rares sont ceux qui débarquent en toute impunité dans votre bureau pour s’y vautrer et fouiller vos affaires.
- Augustus. La porte claque, derrière lui. Que me vaut le déshonneur de ta visite ? Aussi froid que dégagé, le ton est posé entre eux tandis que Jessen rejoint son propre bureau sans chercher à le contourner pour extraire Augustus de sa place. A peine se contente-t-il de le toiser après un regard rapide sur les dossiers abandonnés entre eux.
   

La haine est une émotion complexe qui naît quand la colère n’est plus suffisante pour contenir tout ce qu’on ressent. Comme un gros chaudron remplit des pires ressentiments du monde qui tournoi dans votre estomac. Blackblood détestait beaucoup de gens, certains même, ils les exécraient. Jessen lui était le seul qu’il haïssait vraiment. À commencer par son crâne chauve et inconfortablement luisant sous la lumière, accentuant les courbes étranges qui formait sa grosse tête. Malgré la proportion de son visage, ses yeux globuleux lui filaient toujours la nausée, il détestait également la taille excessive de ses oreilles et celle de ses lèvres. Mais par dessus tout, c’était dans les yeux. Ce regard parfois passif, parfois assombrit, qui dissimulait beaucoup plus qu’il en montrait.

Oui, Blackblood avait détesté Blackthorn à l’instant où il avait posé les yeux sur lui pour la première fois. Certes, il y avait sûrement cet angle de jalousie qu’il soit né dans un corps qu’Auguste n’aurait jamais, qu’il semblait être apprécié malgré son manque de causticité et qu’il excellait là où Blackblood échouait, à savoir la politique.

Il n’est donc pas surprenant que dès que le général des raffleurs posa le regard sur son ennemi, il sourit comme un serpent, réaction aussi naturelle qu’hypocrite. Il se retint de grimacer en entendant son nom perdre de sa grâce à travers les lèvres de Jessen. Le brun se redressa dans son siège quand la porte se referma, heureux que son Némésis leur offre un peu d’intimité.

- Que me vaut le déshonneur de ta visite ?

Auguste piffa un soupir, levant les yeux au plafond tout en hochant la tête.

- Inutile d’être aussi désagréable, on joue tous pour le même camp après tout... L’émotion de son sourire était trahie par la veine de son front qui pulsait. Il n’avait pas été aveugle à son regard, se penchant davantage vers le bureau, y posant les coudes comme s’il présidait un entretien.

- T’en fait pas, je n’suis pas intéressé par tes petits dossiers de moldus, proclama-t-il hautainement en haussant légèrement les épaules. Les humains ne semblaient pas moins à cran, les sorciers pas plus protéger qu’autrefois. À quoi servait-il au juste? Relationner les deux mondes étaient une perte de temps à ses yeux, il n’aurait fallu que quelques mois et une résurgence agressive pour mettre les non-magiques à genoux. Pourquoi s’entêtaient-ils à préserver une paix qui n’avait jamais existé? Pourquoi le lion tenterait-il de s’accorder avec la gazelle? Ridicule, absurde... Grotesque même.

- MAGA! Clama-t-il tout haut pour son propre amusement, soulevant même un poing pour imiter un protestataire avant de laisser retomber durement son bras contre le meuble.

Rien ne l’amusait plus que voir le chaos qui surgissait aux quatre coins du monde et qui devait sûrement rendre son travail beaucoup plus difficile. Comment pouvait-il rassembler les deux mondes quand les moldus n’arrivait même pas à s’entendre entre eux ? Oui, les sorciers étaient supérieurs en tout point.
   

Beaucoup envisageaient sa présence comme utile, dérisoire, temporaire ou gênante. Beaucoup le voulaient mort, simplement. Blackblood appartenait à cette catégorie. Un de plus au pays de ceux dont il piétinait les plates-bandes de sa simple présence. Derrière les sourires de son égal, un regard froid, une veine battante, des crispations mal assumées et un égo mal calibré.
Un amusement sec, donc, sous les côtes de Jessen. De ces élans voraces qui se délectaient de cette rage maladive que d’autres nourrissaient à son encontre. La joie belliqueuse et profonde de Jessen trouvait pourtant certaines limites. Elle perdait prise à l’idée que son ennemi n’ait fouillé son bureau et que sa nervosité perçue soit véritable. Et due à ce qu’il ait pu y trouver. Un tissu de dentelle fine, peut être, de ceux qu’Azalea ne portait pas mais qu’elle avait su déposer là pour attiser une frustration ayant explosé bien des mois plus tôt amenant leurs chairs à se percuter pour ne plus se quitter véritablement.

Jessen le rejoint, souriant de le voir s’accouder à son bureau, parmi les dossiers qu’il avait sans doute consulté, agissant comme s’il était l’obscure Proviseur d’un établissement quelconque qui l’aurait convoqué, lui. Piètre et futile tentative de reprendre le contrôle, donc.
A quel point l’idée d’être supérieur pouvait-elle le faire bander ? A quel point désirait-il les regards sur lui et les autres à genoux ?

- Inutile d’être aussi désagréable, on joue tous pour le même camp après tout...

Jessen esquissa un sourire, notant à quel point la dissonance entre son regard et ses expression s’opposaient davantage à chaque seconde passée.

- C’est là un constat bien avisé de ta part Augustus… Sans jamais se départir de son sourire, Jessen laissa sa hanche s’appuyer au bord de son bureau tout en posant le regard sur les papiers qui y traînaient. Sans sembler le moins du monde troublé ou agacé du petit jeu de son vis à vis.

- T’en fait pas, je n’suis pas intéressé par tes petits dossiers de moldus, Donc il n’y avait effectivement pas touché. Rigoriste dans l’âme et d’une manière parfaitement ironique compte tenu de son statut d’homme entre les deux mondes, Jessen ne mélangeait jamais son travail du Ministère avec celui qui faisait de lui le Général des activistes. Pas de petits dossiers moldus ici, donc. Seulement des traités de guerre, des alliances politiques, des missions offensives et des complots d’état. Et rien, bien sûr, qu’Augustus n’aurait réellement pu consulter. Ainsi Jessen lui accorda une mimique à la condescendance évidente lorsque le Général des raffleurs cru bon de s’exclamer un slogan propre aux Amériques, datant d’élections de la fin du siècle dernier. Tout moqueur qu’il soit, sa verve et son aigreur ne trouvèrent alors chez Jessen qu’un mépris complaisant.

- Une chance pour toi, tu aurais sans doute été déçu… Quoi que tout ce qui le concerne ne doive n’évoquer pour Blackblood qu’un dédain tiraillé entre rage et nausée.

D’un rien, la hanche toujours contre le plateau de bois vernis de son bureau, Jessen pivota vers son contemporain. Un faux air d’intérêt sur les traits. Quoi que l’intérêt en lui-même ne soit pas feint. Il ne concernait simplement pas ce que ses mots évoquaient.

- Et qu’est-ce qui t’intéresse Augustus ? Je doute qu’il s’agisse de ma personne.. Un éclat, dans le coin de son regard d’ambre, vint choper celui de son ennemi. Combien de plans subsidiaires mettrait-il en place pour se débarrasser de lui ? Jusque là chacun de leurs conflits était interne, reportés sur d’autres, comme s’il suffisait de se batailler la survie de Johan Walters ou le poste de leader des Supérieurs pour apaiser le véritable affrontement qui ne tarderait pas à éclater entre eux. Mais peut être tout ça ne prenait pas véritablement naissance dans la filiation controversée de Jessen, leurs allégeances respectives ou l’obédience à la Cause. Peut être tout ça venait-il finalement d’un sujet un brin plus… charnel.


   

Au cours de l’histoire, beaucoup de guerres ont été justifiées par la religion, les ressources ou la colonisation. Il fut pourtant un temps ou deux hommes pouvaient honorablement se livrer une bataille sanglante qui tuait des centaines de jeunes gens simplement parce qu’il ne pouvait pas tolérer l’existence de l’autre. Que ce soit dû à un territoire, à une trésorerie, et bien plus souvent encore avouons le, une femme, toutes les raisons étaient bonnes pour se jurer une destruction des plus totale. Maître de maison, seigneurs et rois, que des titres pour justifier ce qui était simplement un duel à l’aube pour les paysans.

Une mathématique plutôt simple puisque les ressources ont toujours été maîtresses dans le monde civilisé. Oui, deux hommes qui se haïssent et qui en ont les moyens peuvent faire beaucoup de dégâts autour d’eux.  Surtout quand le gain de leur querelle ne comporte aucun prix, qu’il ne peut être acheté ou échanger, aussi viscérale que le besoin de se nourrir ou baiser, aussi réconfortant qu’une mère et aussi chaude qu’une garce.

- Une chance pour toi, tu aurais sans doute été déçu…

- Comme à chaque fois que j’te vois, mon cher Jessen, rétorqua Auguste en lui rendant un sourire aussi acide que le sien. Il devait vraiment commencer à porter des chemises à sa taille, il avait l’air ridicule dans sa chemise trop cintrée.

- Et qu’est-ce qui t’intéresse Augustus ? Je doute qu’il s’agisse de ma personne..

Il était vrai que si Blackblood aurait pu passer le reste de sa vie sans avoir à endurer sa tête de crapaud, ça l'aurait rendu heureux. Mais comme disent ces foutus moldus; Garde tes amis près, et tes ennemis encore plus. Pas question qu’il le laisse empoisonner le ministère sans rien faire, pas question qu’il trouve un moyen de faire dérailler l’inévitable encore une fois.

- Pourquoi te sous-estime tu ainsi ? Je suis sûre que ce que tu fais est très intéressant, Dit-il d’un ton plutôt lasse, il y avait pourtant une froideur dans son œil qui trahissait son avidité. Qui sait ce qu’il manigançait entre deux réunions, surtout maintenant qu’il avait réussi à soudoyer jusque dans ses rangs. La trahison à un goût amer, et quelque chose soufflait au général que bientôt son adversaire allait le savourer.

- En fait, j’étais à la recherche de quelqu’un d’autre et... Par Merlin, sa trace ma mené jusqu’ici! Son sourire aussi brillant que neige retomba après quelques secondes de gymnastique, laissant ses joues disparaître dans le plat de son visage. La colère s’électrifiait dans son corps, si bien qu’Auguste n’eut d’autre choix que de se lever sur ses jambes pour le dépenser. Ses mains, qui auraient sans doute semblée nerveuses pour un inconnu, s’activèrent sur le bouton de sa veste qu’il attacha pour détourner sa propre attention. Dans quel monde vivait-il? Il n’y avait plus rien de sacré pour personne!

- Je te connaissais beaucoup de défauts, mais je n’aurais jamais imaginé que tu manquais autant d’honneur. Oui, il l’avait traité de beaucoup de noms, lui avait même reprocher des qualités qui en faisaient un bon ennemi. Oui, Augustus s’était attendu à beaucoup de sa part, même d’asseoir ce cher Walts sur le trône, il avait su le respecter. S’il ne l’avait pas autant détesté, il l’aurait peut-être même applaudi. Quelque chose avait pourtant changé, quelque chose qui le poussait maintenant à venir tourner autour de sa proie de beaucoup trop près. Il risquait des mots, peut-être même des actions pour un gain qu’il ne comprenait pas tout à fait. Il n’avait pas besoin, il le ressentait. Ça prenait feu dans son ventre. S’il voulait jouer les Hector, alors il le traînerait derrière son carrosse comme le chien qu’il était. Il contourna le bureau, ses extrémités engourdient par le sang qui se propulsait vers le haut. Rien qu’un coup, une seule lèche dans son crâne dégarni pour la revoir, pour la trouver.

- Il y a des choses qui ne se font pas entre bons gentleman, cracha le brun avant de replacer une mèche comme si son corps ne pouvait s’empêcher de bouger. Il ne pouvait cacher la rougeur de ses oreilles ou le nerf qui étirait droitement sa colonne. Il aurait sûrement dû boire un coup avant de venir dans ce foutu bureau, sans doute qu’il n’aurait pas été aussi enflammé par le poison qui coulait dans son cœur.

- Je croyais que l’entente, c’était qu’on ne venait pas jouer dans les plates-bandes de l’autre... Bon ok, il avait été activement chopé dans son bureau à faire le fouineur, mais ce n’était que de la compétition saine et respectable. Il avait sûrement une fouine parmi les raffleurs, quelqu’un de bien plus compétent que l’homme qu’on avait mis en pièces le soir ou elle l’avait laisser. La vie pourrait devenir pénible pour tout le monde si on décidait de ne plus respecter les règles.
   

- Comme à chaque fois que j’te vois, mon cher Jessen Un rire sec vint soulever les épaules du Général Activiste qui devait en convenir ; la réplique était bien choisie. Il le laissait faire, l’observant posément, jouant en miroir de ces sourires crispés d’hypocrisie dont Augustus avait le secret. Il pourrait voir les rouages de son esprit s’activer en boucle sous sa caboche gominée. Pour autant, des deux, Jessen se savait être contraint à un désavantage notoire : il n’y avait là qu’une impression bien puérile. L’autre, en revanche, possédait dans sa manche cette véritable et dangereuse aptitude. Bien sûr, Walls tout autant que Walters avant lui, avait interdit l’usage de la force - y compris de la légilimencie - au sein du groupe. Seulement sous autorisation hiérarchique. La leur, donc, pour leurs Hommes. Et celle de leur leader, pour les Généraux. Une limite bien mince et facile à franchir.

- Pourquoi te sous-estime tu ainsi ? Je suis sûre que ce que tu fais est très intéressant..

La lassitude de Blackblood pourrait sonner juste s’il ne lui rendait pas son regard chargé de cet éclat avide. Ce relent carnassier qu’il pourrait prendre pour celui du prédateur qui analyse sa proie. Pour cela pourtant, il devrait y avoir du respect entre eux. Détail évaporé depuis que Jessen s’était arrêté sur la réaction épidermique de son contemporain dès son entrée dans le bureau. Sur le geste vif et le claquement sec évoquant très clairement le bruit d’un tiroir qu’on referme à la va-vite. Le respect envolé.
- En fait, j’étais à la recherche de quelqu’un d’autre et... Par Merlin, sa trace ma mené jusqu’ici!
Et la convoitise ; identifiée.
- Quel traqueur d’exception tu fais.. Un petit sourire passe en ombre sur ses lèvres, malgré l’agacement grandissant à présent qu’Azalea est clairement identifiée dans la discussion. Il l’imagine tout à fait entendre ces propos. Sa réaction. L’éclat métallique de son regard et les grondements dans sa gorge. Augustus agit de loin et semble s’enfermer dans des fantasmes qu’il est le seul à entretenir, voilà ce qui le marque lorsqu’il voit son collègue se lever d’un bond en crispant tant les joues que celles-ci impriment la marque de ses mâchoires. Sujet sensible, manifestement. Un sujet qui l’amène à lever les sourcils. Azalea a-t-elle seulement conscience de ce que son départ a provoqué ? Et cet homme prend-il la mesure du dédain qu’elle lui accorde du plat du pied ?
Dédain justifié, vu son aptitude à l’écarter d’emblée du sujet.

Adossé au dossier d’un des fauteuils “invités”, Jessen souligne du regard sa manière de remettre son bouton, tout à la fois semble-t-il obsédé par son apparence et tentant de dissimuler ses accès de colère mal contenus. Jouer serait tentant, mais est-il aussi bon legilimen qu’il le laisse entendre ? A cette question, Blackthorn a déjà tenté d’enquêter mais comme tout ce qui se rapporte à l’autre Général, bien rares sont les gens aptes à se montrer bavards. La majorités se pissent dans leur froc à l’idée de froisser un homme de ce rang. Ou de ce tempérament..
- Je te connaissais beaucoup de défauts, mais je n’aurais jamais imaginé que tu manquais autant d’honneur.
- Tient dont ? Au dessus de son sourire, ses yeux se plissent. Tu songeras à m’envoyer un recommandé de ces dits-défauts je ne voudrais pas manquer à mes obligations… De son regard effronté, Jessen plonge dans le sien, comme si ce dernier n’était pas une arme à lui tout seul et qu’il n’amenait pas l’immense majorité de ses concitoyens à baisser le regard dès lorsqu’il osait poser les yeux sur eux. Il pourrait y lire bien des choses s’il était doté des mêmes aptitudes, c’est certain. Et pourtant sans cela, Jessen y lit nombre de promesses de morts. Combien en rêve-t-il, à l’instant même ? Quelle luxure et quelle cruauté s’y percutent-elles en plans malsains et en avenirs incertains ?

- Il y a des choses qui ne se font pas entre bons gentleman

Il se tend davantage à chaque seconde, cet homme. Laisse déborder la rancœur de son esprit et le sang de ses intentions. Tout en crachant ses mots, Augustus replace une mèche de cheveux, sanguin jusqu’au bout des doigts et précieux au prolongement de ses ongles. Un contraste évident quand le nerveux se tient au devant de la face de marbre du Général Activiste, coutumier du calme olympien. D’autant plus, en vérité, face à un ennemi, un idiot ou un bureaucrate écervelé.

- Je croyais que l’entente, c’était qu’on ne venait pas jouer dans les plates-bandes de l’autre... Parle-t-il de femme ou de soldats ? La question demeure en suspens derrière ses règles dont il décide à priori seul. Ne pas jouer dans les plates-bandes de l’autre ? Comme en s’en prenant à ses troupes pour l’empêcher de mettre la main sur Johan ? Ou en lui envoyant l’un de ses clébards pour surveiller la mission réalisée en duo avec Carraway ?
La question dans ce type de conflit est souvent “qui a commencé ?” et pour être très honnête, Jessen n’en a pas la moindre idée. Peut-être s’en rend-il coupable. Peut-être pas. Ça lui importe assez peu, convenons-en. La vie pourrait devenir pénible pour tout le monde si on décidait de ne plus respecter les règles.
- Encore un courrier que je n’ai pas dû recevoir. As-tu pensé à pisser aux quatre coins de tes plates-bandes pour en marquer la délimitation ? Mettre des petites pancartes peut être…
   

- Quel traqueur d’exception tu fais..

Pour tout dire, il était effectivement excellent pour traquer la vermine. La différence était que le jour où elle lui avait tourné le dos pour l’abandonner, il ne l’avait jamais envisagé. Une réaction de femme ! Il s’était dit qu’elle reviendrait éventuellement, qu’il pourrait lui offrir un festin baigné dans le vin pour se racheter... Mais elle n’était jamais revenue. Pas vraiment.

Depuis combien de temps savait-il qu’elle avait rejoint les rangs de son ennemi juré ? Depuis qu’ils avaient commencé à être désinvoltes et avaient arrêté de jouer la discrétion. Le quitter pour son Némésis, c’était du Azaela tout cracher. Elle savait que rien ne pouvait l’étriper aussi passionnément qu’une action pareille. Il aurait dû la détester, et c’était parfois le cas, mais son habituelle mentalité qu’il fallait se venger goûtait amer dans sa bouche. Non, il ne voulait pas qu’elle disparaisse... Mais s’il ne pouvait pas la récupérer, il s’assurerait qu’elle, tout comme lui, paye le prix de leur affront.

Plus Jessen jouait les bonhommes, plus Auguste avait du mal à retenir ses mains de bouger. Comme il aurait aimé entourer sa gorge de ses mains et le voir se débattre pour qu’il épargne sa misérable vie. Certes, le général raffleur n’était pas très grand ou imposant devant l’activiste, mais c’était un avantage du don qu’il avait appris et cultiver.

Oui, il aurait adoré se glisser entre ses deux oreilles et y mettre le bordel. Lire ses secrets les mieux enfouit et ressentir ce qu’il y avait entre elle et lui. Il y avait pourtant des règles qui lui liaient les mains, une hiérarchie qui verrait d’un très mauvais œil qu’il tue un autre général sur le plancher d’un bureau ministériel. Il ne pouvait pourtant pas laisser ce crétin venir fourrer son nez dans ses affaires ou s’amuser avec ses jouets.

Les histoires de soldats étaient compliquées, les histoires de femmes encore plus ; mélanger les deux et vous avez une solution plutôt explosive. Car elle n’était pas qu’un simple mercenaire, ou une quelconque catin. Elle était la séductrice assoiffée de sang dont il avait rêvé depuis l’adolescence. Évidemment qu’il ne pourrait jamais accepter qu’un homme tel que lui ne serait jamais aimé d’une créature pareille... C’était plus facile de blâmer l’homme devant lui qui se fichait de son désespoir.

Qui avait commencé? Qui sait, cette rivalité avait vue le jour presque immédiatement après leur rencontre. Comme des aimants qui se repousse férocement par la simple force de la nature. Identiques ou opposés, les deux serait mentir. Blackblood gardait son perpétuel sourire, mais les mots de l’adversaire lui tordaient les boyaux. Non, personne ne lui parlait de la sorte, personne! Pas même un général trou-du-cul qui en a plus dans les bras que dans le crâne.

- Y’a que les sauvages dans ton genre qui croient qu’on peut régler ses problèmes à coup de pisse... Blackblood avait toujours su voiler ses insultes, mais les fossettes de ses joues et l’éclat de ses yeux vitreux le détaillait sans gêne. Tu devrais peut-être passer un peu plus de temps dans le monde civilisé.

Oui, civilisé, là où on se plante des dagues dans le dos, là où on achète les femmes et où l’on forme des enfants-soldats. Non, il n’avait pas de temps pour ses petites pancartes, pas le temps de jouer avec lui et sa débilité profonde. Il avait envie que le message soit clair, limpide, mais il ne devait pas non plus déclarer ouvertement quelque chose qui pourrait le mettre dans l’eau chaude. Qui sait quelles oreilles pouvaient être en train d’écouter la conversation ? Auguste n’avait confiance ni en lui, ni en son cher ministère.

- Ici, on fait les choses avec un peu plus de classe, termina-t-il en replaçant inutilement le col de sa chemise
   

Son sarcasme aurait pu n’être qu’une erreur. Quelques mots échappés à la volée, à peine rattrapés pour lui glisser hors de la langue et tomber en pierre dans la jarre d’huile brûlante qui les sépare. Le genre bouillant de haine qu’un simple remous pourrait faire exploser. Quitte à en gérer les éclaboussures.

Et voilà qu’elles apparaissent. Non comme des brûlures rouge vif mais au travers des crispations sur le visage de Blackblood. Le sourire disparaît. Ses mains ne cessent de bouger quitte à tripoter nerveusement tissus et boutons qui forment chez lui des armures de thule.

- Y’a que les sauvages dans ton genre qui croient qu’on peut régler ses problèmes à coup de pisse.. Il pourrait feuler, cet homme, que ça ne choquerait pas le général face à lui. Visage de biais, tranquille, Jessen l’observe prendre à la lettre une boutade qui l’enrage manifestement. Tu devrais peut-être passer un peu plus de temps dans le monde civilisé. Cette fois, le rire est franc et éclate entre les côtes du fils de traîtres. Passer plus de temps dans le monde civilisé ? Ce fameux monde sang purs dans lequel il n’est accepté que depuis que le fondateur des Supérieurs lui-même l’y a adoubé. Sans Anthony Walters, sans doute Jessen n’aurait jamais réussi à mettre un orteil dans ce monde d’apparats et de politique. Pour Walls c’est différent, rien ne permet de tendre vers leur alliance véritable. Ni même les liens qui les rapprochent depuis l’adolescence du Général.
Non, il n’est rien pour les sangs purs. Rien qu’un gosse de traître. Une fois, le père de Mily, sa cousine, avait tenté une percée. Cherchant à intégrer ce neveu assez prometteur pour attirer son attention.
Un échec cuisant. Le jeune Jessen avait bien compris être né poisseux des péchés de ses parents.

Un détail, en vérité, au cours de sa vie.

- Ici, on fait les choses avec un peu plus de classe Un sourire mordant se forme sur les lèvres du Général Activiste qui se penche doucement en avant face à ce petit bonhomme de rafleur si promptement attentif à son apparence.
- Et de quelle manière dis moi ? Quelles sont ces choses que tu fais avec un panache digne d’un pape Augustus ?  
   

Le calme olympien de Jessen lui retournait les tripes, il n’avait qu’une envie, écraser son poing sur son gros nez de bouffon. Oui, à une autre époque, les ratés comme lui, on leur faisait porter des costumes ridicules pour amuser la foule. Pas très loin du présent quand on considérait la grossièreté des coutures qui formait les costumes de l’homme. Personne n’était assez insouciant pour porter de la mauvaise facture, ceux qui s’en convainquaient avaient simplement d’autre dépense à faire.  

Avait-il déjà même porté une chemise de soie qu’il avait payée de son labeur? Probablement pas, les hommes aimer comme lui croule sous les cadeaux et les intentions. Tout ce qu’il avait gagné, il l’avait peut-être travaillé; mais au bout du compte ça ne valait pas le vase Ming de son salon. Il aurait pu chercher plus loin, avoir envie de connaître son ennemi pour mieux le détruire, mais tout ce qu’il savait déjà lui suffisait amplement. Il n’avait pas besoin de connaître le contenu de son cœur ou la solidité de sa moral, les hommes comme lui était facile à lire, à blesser. Tant de petites abeilles qui virevoltait autour de leur général, de petites choses si faciles à écraser du pied.

Le sourire d’Auguste revint, déjà parce que la papauté était un titre qu’on ne lui avait jamais accordé. Il trouvait que ça lui allait plutôt bien, après tout, il n’y avait pas plus pécheur que celui qui vit dans une église. Tant de murmures à propos d’enfants, de substances illicites, et même parfois de magie noire. Oui, Auguste aurait fait un excellent pape, mieux même, puisque lui aimait sa chair pubère.

- T’aimerais bien le savoir, Souffla Auguste en haussant les sourcils, souriant tout fièrement de l’enveloppe de sainteté dont il s’était enveloppé. Je n’ai pas le temps de jouer les éducateurs, c’est le genre de chose qu’on apprend d'un père...

Auguste lui n’avait rien appris de son père, il l’avait détesté et combattu dès le premier jour où il avait posé les yeux sur lui. Il ne pouvait pas comprendre ce que son fils ressentait, et lui ne pouvait pas exprimer à son père ce qui le dévorait tant. Les idées de mort et de chaire, la soif de sang et l’empathie complètement absente de son fonctionnement.  

- Ça doit être dur, quand c’est celui-là même qui fait que tu n'vaut pas mieux que les haillons que tu portes.

Blackblood se pencha à son tour légèrement, il n’avait jamais été aussi près de l’homme, il pouvait sentir son parfum bas de gamme lui remplir le nez. Il le détestait, non, il le haïssait.

- Qu’est-ce que ça fait, dit moi? De savoir qu'on ne t'accordera jamais plus de valeur que tous ces vieux cons... Tout ça parce que tu as été éjecté de l’utérus d’une catin...
   

- T’aimerais bien le savoir…Je n’ai pas le temps de jouer les éducateurs, c’est le genre de chose qu’on apprend d'un père...

Ah, la fameuse attaque sur le père. Combien de temps attendra sa mère avant de rejoindre la partie ? Combien d’insultes au fil des années, de brimades et de rejet ? Et d’incompréhension, de mise à distance et d’inquiétude anxieuse lorsqu’il se trouvait en dehors du carcan des sangs purs. Lorsqu’autour de lui, les sangs mêlés et autres jeunes d’extractions plus modestes se tournaient vers lui sans trop savoir comment se comporter. On sait ce qu’on dit, dans un monde et dans l’autre. Et lui n’a jamais réellement appartenu à l’un ou l’autre.
Son père, cet homme qui l’a fait entrer au Ministère sous ses ordres, dans la plus petite des sous-sections du département de détournement de l’artisanat moldu. Un enfer dont il avait mis un peu de temps à se sortir, bifurquant vers la gestion des créatures magiques dans le monde moldu. De là, loin de l’emprise de son père, Jessen avait réussi à prendre ses aises. Il s’était fait un réseau, avait appris à étendre sa toile, à tisser du lien, à se défaire des ombres étendues de la famille Blackthorn. Efficace, conciliant par instants, intransigeant à d’autres, il avait été rapidement accepté dans cet entre deux mondes. Un pied dans le monde sorcier, un pied dans le monde moldu. Tout à fait son profil. Loin des sangs purs que le sujet amène bien souvent aux bord de la nausée. De quoi avoir l’espace de s’implanter à sa manière. Et petit à petit, grimper les échelons… Jusqu’à s’estimer assez solide pour attaquer une autre montagne : celle de la Cause.
Un pas après l’autre.
Et bien des murmures dans son sillage.

- Ça doit être dur, quand c’est celui-là même qui fait tu ne vaux pas mieux que les haillons que tu portes.

Sa voix lui susurre chaque mot. L’alliage sonne choisi avec soin, modelé dans la haine, engagé dans le canon d’une envie profonde de faire mal. Et pour appuyer son propos, Augustus se penche en avant. Son œil brille. Ses lèvres suintent sa haine. Et pourtant tout en lui est fait de cette patine lustrée dont les nobles se plaisent à se recouvrir.

- Qu’est-ce que ça fait, dit moi? De savoir qu'on ne t'accordera jamais plus de valeur que tous ces vieux cons... Tout ça parce que tu as été éjecté de l’utérus d’une catin...

La réaction est immédiate : Jessen éclate d’un rire puissant et laisse son dos reculer dans l’expansion de son hilarité.

- C’est une idée qui te titille j’ai l’impression. Un sourire mordant se pose sur lui et l’éclat dans le regard du général se fait vorace. Le con de ma mère et les manquements de mon père.. Tant de sujets si profondément emprunts d’intérêt... Nulle haine pour suinter, juste de la moquerie rêche et frontale. Et qui sont “ces vieux cons” à qui tu t’empresses d’adresser les balles perdues qui me sont destinées ? Là encore, le sourire demeure sur ses lèvres. Carnassier.
   

Son rire lui scie les nerfs et Auguste se redresse pour le dévisager tandis qu’il s’esclaffe. Malgré tout, le général n’y croyait pas. Certaines choses dans le monde sont immuables, et le lien qu’on ressent avec l’un ou l’autre en faisait partie. Bien, mal, amour ou haine. Il n’y avait pas d’architecture précise, mais l’émotion remplissait toujours l’espace. Même lui, qui refusait même d’y penser ressentait quelque chose à l’égard de ses parents. De cette femme qui l’avait mis au monde, et de cet homme qu’il n’avait jamais réussi à satisfaire.

Était-ce donc là son secret? Est-ce que ses pathétiques géniteurs étaient fier de leur rejeton qui relevait un peu la moyenne? À peine, mais ça devait être suffisant pour les remplir de joie. C’était d’un ennui.

- C’est une idée qui te titille j’ai l’impression.

Oui, elle le travaillait. Il aurait aimé avoir le pouvoir de prendre la vie de cette garce sous ses yeux, d’en profiter un peu d’abord sous le regard aigri de son père. Est-ce qu’elle suce bien ta mère? Probablement, sinon elle ne serait pas une aussi bonne catin.

- Le con de ma mère et les manquements de mon père.. Tant de sujets si profondément emprunts d’intérêt...

Non, vraiment aucun. Qu’il soit né d’une chienne ou d’une pseudo-reine ne changerait rien. Blackblood avait toujours vu la faiblesse en plus, cette manière invitante qu’il avait pour le bien commun. Il se souciait de ceux qui n’en vallait pas la peine, n’était pas aussi sadique ou déjanté qu’il aurait pu l’être. Du gâchis, vraiment. Dans un autre univers, ils auraient sûrement été des partenaires parfait. As-tu déjà manié une épée?

- Et qui sont “ces vieux cons” à qui tu t’empresses d’adresser les balles perdues qui me sont destinées ?

C’est à Auguste de sourire à présent, le pensait-il aussi débile? Il allait devoir faire mieux que ça s’il voulait le prendre en flagrant délit. Il haussa simplement les épaules avant de claquer sa langue de serpent.

- Comme je le disais, nous ne sommes pas tous créer égaux. Ça vaut pour tout le monde.

Inutile d’exposer ce cher général recruteur à sa grosse tête, il trouverait sûrement le temps de lui taper la discute et expliquer ses agissements. Hey, pourquoi pas lui donner une promotion à ce foutu traître? Non, il irait voir Walls lui-même. Il fallait bien gagner quelques points à son égard pour prouver à tout le monde que sa nomination ne laissait pas un goût acide dans sa bouche.

- Ce qui est d’intérêt par contre, c’est que tu n’as aucun remords à la tâcher de ta médiocrité.

Voilà, le chat était sorti du sac. Blackblood se moquait bien de ses parents, du petit poste qu’il avait et qui serait la fin de sa piètre carrière. Il sentait son cœur débattre dans sa poitrine, oui plus il se laissait aller dans ses caprices et plus c’était difficile de se contenir dans les moments difficiles. Il avait tant envie de l’accrocher par les pieds et de lui arracher la chair pendant qu’il le supplie.

- À la rabaisser à ton piètre niveau... Tu n’est peut-être pas si différent de lui finalement.
   

Ce regard, Jessen le connaît par cœur. La première fois qu’il y a fait face lui est encore gravée sous la peau. Encore enfant, amené pour la première fois dans une réunion mondaine dont il ignorait tout. “Il y aura d’autres gamins tu verras”. C’est vrai, il y en avait. Mais ils n’étaient pas comme lui. Ils n’étaient pas du même monde que lui. Mais ça n’avait pas été le plus marquant. Non, ce qu’il avait noté, c’était la manière dont tous fixaient son père. Comme s’il avait une chiure de mouette à lui dégouliner jusqu’au coin des lèvres. De cette manière bien spéciale, avec un sourire en coin et des yeux lourds de mépris. Comme s’ils hésitaient sérieusement à prendre une photo pour en discuter ensuite entre eux mais sans jamais envisager de le lui signaler.
C’est un regard qui lui a ensuite été adressé à de nombreuses reprises. A un rythme d’autant plus soutenu même que ses choix le ramenaient systématiquement vers ce monde de cristal dont il n’a jamais connu grand chose. A son admission au département de détournement de l’artisanat moldu. A sa mutation vers la gestion des créatures magiques dans le monde moldu. Puis à chacune de ses interventions, inférant petit à petit dans les affaire politiques en usant d’une place chaque année meilleure dans un département dont tout sorcier de grand nom se moque éperdument.
Pourtant à présent, Jessen murmure à l’oreille de grands politiciens et reçois des informations de nombre de petites mains auxquelles personne ne prête attention.

Ce regard. Son père a le même à lui adresser. Mais cette idée échappe sans doute à Augustus.

- Comme je le disais, nous ne sommes pas tous créer égaux. Ça vaut pour tout le monde.

Un sourire finalement ! Le bougre se reprend ! Chose qui affirme d’autant plus l’amusement chez le Général Activiste. La haine et le mépris sont ses armes. Et ce, depuis des années. Il ne les distribue pas. Mais en use.

- Ce qui est d’intérêt par contre, c’est que tu n’as aucun remords à la tâcher de ta médiocrité.

Un frisson sous sa nuque. Et la conscience acérée d’un certain parfum répandu dans le bureau aux murs de pierre.
La.
Tout un monde dans un seul mot.

- À la rabaisser à ton piètre niveau... Tu n’est peut-être pas si différent de lui finalement.

Un souffle s’échappe et le sourire est plus rude.

- Tu fais toujours ça ? Parler sans assumer tes paroles ? Lorsque son corps bascule légèrement en avant, son sourire prends des airs de prédateurs. Son ton, pourtant, se réduit à un murmure. De quoi as-tu peur ? Qu’elle t’entende ? Et dans les yeux de son adversaire, Jessen put y voir mille sévices qu’un jour, sans doute, il lui destinerait.
   

Oui, Auguste en avait rencontré plusieurs des gamins comme lui. Depuis toujours, ils avaient ramper les murs des soirées mondaines à supplier pour un peu de reconnaissance. Ceux qu’on invite pour remplir les instants publics pour engrosser la foule, mais qui disparaissaient bien vite quand le gratin se retirait derrière les portes vernis. Oui, dans un monde comme celui-ci la réputation est plus importante que le reste. De grands hommes étaient tombés à coups de murmure, il suffisait de tourner le peuple contre quelqu’un pour que celui-ci devienne si petit qu’on peut l’écraser avec le pied. Dans son calme et sa résolution, Blackblood y lisait de la prétention faiblarde. Oui, papa l’avait sûrement bercé avec l’illusion que ce qui compte, c’est qui on est vraiment. Que l’opinion publique ne compte pas et qu’un jour, les hommes bons sont récompenser.

Même pour des sorciers entourer de magie, c’était risible, pathétique. Il avait bien réussi à gravir les échelons jusqu’ici, mais il était maintenant arrivé à la fin de son escalier. Et vous savez ce qu’on dit, quand on est au sommet, tout ce qui reste à faire c’est tomber. Augustus se ferait un plaisir d’être la main qui le pousserait à sa chute, qui dévoilerait au monde la faiblesse et le ridicule de cet homme qui n’avait rien dans le ventre. Un homme qu’on pouvait insulter à tout-va et qui se laissait faire. Il lui rendit son sourire, réalisant à quel point ce gros bourrin était complètement à côté de la plaque. Auguste glissa une main dans son veston, laissant le tissu s’enrouler entre ses doigts en haussant les sourcils.

- Peur qu’elle entende quoi? Qu’elle vaut mieux qu’un raté pacifiste dans ton genre? Je crois qu’elle est déjà au courant.

Oui, la Azaela qu’il avait connu n’aurait jamais tombé pour un imbécile comme lui. Impossible qu’il arrive à éveiller la bête en elle, qu’il s’excite en la voyant déchaîner tous ses talents contre une victime. Appréciait-il ne serait-ce qu’un peu toute la grandiose de cette arme, la beauté de son socle et le tranchant de sa lame? Augustus était dégoûté qu’une telle chose puisse arriver, si bien qu’il avait maintenant des soupçons sur son identité.

- C'est pourquoi je suis convaincu que c’est la raison pour laquelle elle t’a choisi.

Oui, ça ne pouvait pas être pour sa beauté si banale, pour son honneur taché de rouille ou pour le confort qu’il lui apportait. Il doutait qu’il puisse nourrir sa bête et la rendre heureuse, qu’il la comble avec ses missions et ses cadeaux.

- Elle sait se montrer particulièrement sadique et précise quand elle inflige sa douleur, elle savait exactement ou planter sa lame...

Ses épaules remontèrent, oui, il n’y avait aucun doute, elle s’amusait à le faire souffrir et lui ne pouvait s’empêcher de saigner. Il replaça son nœud de cravate, regardant le général adverse de haut en bas en souriant disproportionnellement

- Tu ne pensais quand même pas qu’elle t’avais choisi pour tes beaux yeux, si? Auguste laissa son visage tomber dans une fausse moue triste, posant une main contre son torse comme pour protéger son coeur.
   

- Peur qu’elle entende quoi? Qu’elle vaut mieux qu’un raté pacifiste dans ton genre? Je crois qu’elle est déjà au courant.

Comme ils semblent déstabilisés, ces gens, de ne savoir dans quelle case le mettre. Raté pacifiste ? Soit. D’autres s’inquiètent de son possible extrémisme sans faille quand d’un autre bord on le juge comme traître à la Cause. Et effectivement, ceux qui ne connaissent pas sa double casquette ne s’interroge même pas sur le sujet. Un type qui prend le café en plein Londres avec son pc, qui bosse avec les moldus, affronte ses nièces à Crash Bandicoot  et qui les côtoie plus que quiconque autre… comment pourrait-il être autre chose… qu’un raté pacifiste, donc. L’idée l’amuse, plus encore quand on prend en compte l’intégralité de son histoire.

- C'est pourquoi je suis convaincu que c’est la raison pour laquelle elle t’a choisi.

Un sourcil s’arque, interrogatif.

- Elle sait se montrer particulièrement sadique et précise quand elle inflige sa douleur, elle savait exactement ou planter sa lame...

Ma gorge tranchée. Tes crocs. Ta promesse.

Son histoire donc. Mais aussi la leur.
Le sourire qui se dessine sur les lèvres du Général n’est plus le même. Il y a un amusement rugueux dessus, mais quelque chose de doux en sous-texte. Quelque chose de l’ordre de l’acceptation sans doute.

Vous tendez le bâton pour vous faire battre Général...  

- Tu ne pensais quand même pas qu’elle t’avais choisi pour tes beaux yeux, si?  

Peut-être que je ne suis pas la plus folle de nous deux alors.
Sans doute pas non.

Le sourire s’étend. Et le général, dans un petit rire moqueur, bascule son dos en arrière sans jamais lâcher Augustus de son air rieur. Est-ce ça ? Est-il jaloux ? Se persuade-t-il qu’elle le choisi, lui, et se joue de Jessen ? Qu’il y a ne serait-ce qu’une réalité palpable à cette idée qu’elle puisse choisir qui que ce soit ?
Dont lui.
Ma gorge tranchée. Tes crocs. Ta promesse.

- C’est vrai qu’elle sait exactement où planter sa lame…

Et dans son regard, toute la moquerie du monde.