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[Massacre Garde] Tale of the Shadow - Dorofei

 :: Londres :: QG et lieux associés :: Côté Garde :: QG : bateau amarré dans l'Est
Mer 24 Avr 2024 - 11:11
27 Mars 2017


Ma cage thoracique se lève et s’abaisse sans discontinuer. Le cœur pulse. Les veines implosent tant l’adrénaline me fige sur place.
Le réel en devient inerte. Liquide. Il se fige, se craquelle, perd en consistance. Le couloir s’estompe. Les corps avec lui. Le sang sur les murs. Tout semble loin.



- On se rejoint au QG.

Qui aurait cru qu’une phrase aussi banale puisse avoir de telles conséquences ?

Je me revois lui faire signe, entrer dans la chambre d’Adam et arrêter le petit sur place. Ma langue qui cogne sur le palais, lui fait signe de me montrer ses chaussettes. Pas les mêmes. Dorofei va râler… Alors je sais lui avoir fait un signe, à la De Niro dans “Mon beau père et moi”, avoir tendu la main pour l’inciter à frapper dedans. Puis les poings qui se cognent et un clin d’œil. Je me souviens aussi de l’avoir rattrapé pour le forcer à mettre un pull, avoir enfoncé ses boucles brunes sur son crâne et avoir rejoint Dorofei dans la cuisine.
Je me souviens de la question du petit qui nous a rejoint en trottinant sur le carrelage.  
- T’étais passée où diiiis ?! Une question à laquelle j’ai jamais répondu quand je l’ai vue dans le regard de Dorofei.
- J’ai rencontré une troupe d’artistes de cirque itinérante qui m’ont appris à faire voler dans les airs sur des trapèzes et des cordes. Ça m’a pris deux semaines pour comprendre que j’étais pas douée et laisser tomber.
Aucun rapport avec les hématomes qui m’ont barré le corps pendant trois semaines, bien sûr. Ni le besoin de m’en planquer comme un animal blessé. Pas envie d’être face à lui, de songer à notre affrontement passé, d’imposer ça à Adam ou de me sentir… appartenir à quelque chose. Encore moins après avoir passé une nuit chez Sovahnn, avoir senti les regards de la coloc sur moi, puis d’y être retourner ici et là … “juste comme ça”. Je me suis surtout planquée loin de tout le monde, dans l’une des caches d’Aldric. J’ai refermé tout ce que je suis à tout le monde, le temps de lécher mes plaies et d’accepter de les arborer lors d’une soirée avec Alec, Warren, puis Enzo. Quoi que la notion de soirée soit absurde dans ce cas précis.
Dorofei aurait été foutu de s’inquiéter, de vouloir comprendre d’où venaient les contusions. Et tout ça m’appartient. Si le passé appartient au passé, je n’accepte pas que le mien surgisse entre les différents pans de ma vie.

Pourtant il le fait. Il s’impose comme point de fuite. Refaire toute la journée, la semaine ou le mois s’il le faut. Simplement pour pas faire face au présent.

Me laisser dériver.





Mais les doigts de la peur me rattrapent et je force le vide dans mes poumons comme cette fois dans l’arène. Mon souffle, pulsatif, soudainement lent, devient ma seule ressource. Son rythme roule comme la houle dans le brouhaha qui pulse à mes tempes.
Devant moi, l’un des couloirs du bateau dans lequel se situe le QG. Sur les murs, des gerbes de sang. Sous mes pieds, le roulis doux des quais. Et à quelques mètres, le visage au regard vide d’un homme que j’ai suivi plusieurs fois en missions.

Puis une main m’attrape par le poignet et je crois que le craquement d’un homme qui m’emporte en transplanant siphonne le hurlement dans ma gorge. Il m’a chopée par les épaules, j’ai rien vu. Ça n’a duré qu’un instant. Le monde s’effondre, vrille, disparaît. Puis se refait ailleurs. Puzzle dont l’image globale m’échappe. J’ai sous les rétines le sous-sol de Lilian qui m’a enlevée comme ça il y a près d’un an. Les muscles en feu par anticipation des coups à venir et les doigts crispés sur ma baguette dont j’articule aucun sort. Pourquoi ? J’en sais rien.

Trois battements de paupières. Dorofei est devant moi, me retient par les épaules. Si ça avait été n’importe qui d’autre, je serai morte.
Comme eux.

Ma baguette tombe au sol et mes jambes me lâchent. Regard fixe, vaincue par la gravité, je chute et ne sens qu’à peine la douleur qui grille mes genoux lorsqu’ils frappent la surface. Asphalte ? Parquet ? Moquette ? J’en ai aucune idée. J’ai plus aucune idée de rien. Juste de ce regard mort qui demeure tatoué sur mes rétines.
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Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Dim 28 Avr 2024 - 13:37
L’odeur caractéristique de la ferraille lui parvint même avant de voir quelque chose, le moindre corps. La moindre trace de sang. Il avait pris sa baguette en main, se demandant si c’était arrivé avant la perte de son œil il aurait eu ce même odorat. Jetant un sort de protection puis de dissimilation, il avança doucement aux aguets du moindre bruit. Mais il n’y en avait aucun. On aurait pu entendre une mouche voler et ce n’était pas forcément des plus habituels. Même si le QG pouvait souvent ne pas être bruyant, il avait le plus souvent quelques éclats de vie ci et là, des voix qu’on entendait. Il ne lui aura fallu au final qu’une dizaine ou une vingtaine de pas pour arriver face au premier corps. Au sang répandu à terre, sur le mur. Quelques mètres plus loin un deuxième. Odeur du sang de plus en plus forte. Il s’accroupit auprès du macchabé et prit son pouls, même s’il se doutait de la réponse il voulait quand même vérifier mais aussi essayer de voir à quel point il était refroidi. Est-ce que ça venait de se passer dans les minutes précédentes ou dans les heures ?  

Ses pensées d’embrouillaient sur la conduite à tenir. En tant qu’Auror – ex-auror- il avait bien des idées sur les protocoles à tenir. Prévenir la hiérarchie ou qui de droit… mais il n’était pas certain non plus que ce soit ce qu’il faille faire à l’instant présent. L’ennemi pouvait être présent, tapi quelque part dans l’ombre et attendre les prochains pour les exterminer : un à un. Faire venir les têtes pensantes pouvait donc être dangereux. L’ennemi pouvait aussi avoir laisser quelque chose, un sort – voire de la technologie ?- qui pourrait aider à identifier les autres membres de la Garde, ceux encore vivants, car il avait continué à avancer et les corps continuer à s’empiler dans sa tête. Il essayait de perdre le compte. Il essayait de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Et si quelqu’un arrive et voit ce massacre ? Il fallait à tout prix, préserver au maximum les autres. Il en avait la nausée, le cœur retourné. Un champ de bataille – un vrai-, l’aurait moins retourné et pourtant, il y aurait certainement plus de morts. Ils seraient même certainement plus abimés… mais ici, c’était un massacre, la plupart ne semblaient pas avoir pu se défendre, du moins dans cette partie par là où ils avaient dû arriver. Il imaginait sans souci la scène qui avait dû durer quelques secondes à peine. Il y avait peut-être encore un espoir que d’autres entendant le brui aient pu se défendre. Survivre. Tuer leurs ennemis.  Pourtant plus il visitait le QG plus il devait se rendre à l’évidence, c’était toujours la même scène. Encore et toujours. Triste. Macabre. Des corps sans vie de camarades. Des jeunes, des plus vieux, certains qu’il connaissait, d’autres absolument pas. Et le sang, éparpillé partout. Sols. Murs. On aurait presque pu croire à certains endroits que quelqu’un avait jeté un seau de peintures. Plusieurs fois, il s’était baissé vers les morts, essayant de voir s’il n’y avait toujours pas de pouls sur ceux dont les blessures semblaient les plus superficielles.

Morts. Tous. Ennemi semblant être parti, mais peut-être qu’il reviendrait avec des renforts. Peut-être qu’il était malgré tout là et attendait le bon moment pour agir. Cooper ne craignait pas forcément pour lui, il était déjà dans les têtes connues des Supérieurs, son identité n’avait rien de secrète. Sa vie était déjà bien foutue, avait bien changé depuis qu’ils avaient découvert son appartenance à la Garde. Il s’empêchait de jurer depuis le début et pourtant dans sa tête une petite voix ne faisait que des « putain » et des  « merde »  en boucle.

Arrivé au mur des disparus, il ouvrit grand la bouche en voyant la décapitation ainsi que le nom inscrit.

Se concentrer, essayer d’y voir plus clair sur ce qui semblait le plus logique. Seulement rien ne l’était. Qui avait pu trahir ? Est-ce que faire venir d’autres personnes n’était pas encore plus dangereux ? et prévenir qui, surtout ? Les Généraux ? Suivant ce qu’avait fait les coupables, c’était peut-être leur mettre encore plus une épée de Damoclés au-dessus de la tête. Mais il ne pouvait pas non plus laisser ces corps pourrir, laisser les autres voir ce massacre.
Qui avait bien pu faire cela ? Les Supérieurs ? Si oui comment est-ce qu’ils avaient pu arriver jusqu’ici avec tous les systèmes mis en place ? Et si ce n’était pas eux, qui ça pouvait être ? Quelqu’un de la Garde pouvait probable. Il y avait tant de mécontentement ces derniers temps, peut-être que quelqu’un d’instable avait trahi, ou tuer de lui-même.
Les familles des disparues pouvaient aussi réclamer vendetta.
Ou d’autres ennemis qu’ils s’étaient fait au fil du temps, des non actions, ou des actions qui avaient fait beaucoup de morts.

Il essayait de raisonner, oui. Mais avait bien du mal. Trop de questions. Et il avait bien du mal à arrêter cette peur que Jordane pouvait être dans le lot – ou Logan-. Pourtant, il n’y avait pas leurs corps. Pourtant, il était certain d’être parti avant Brooks et qu’il n’y avait donc pas de raison d’être là. Pourtant Logan faisait parti des sorciers les plus puissants et n’était quasi jamais au QG. Aucune raison, et pourtant, cette peur absurde de les perdre était bien là.
De nouveau l’impression d’être sur son fil de funambule. Luttant pour ne pas chuter. Tout va bien. Ils sont sains et saufs. Non  tout n’allait pas bien. Rien n’allait même. Mais ils étaient en vie et c’était peut-être au final tout ce qui comptait à ses yeux.

Une inspiration et il se dirigeait de nouveau vers le début du QG, se décidant enfin à aller prévenir son général qu’il n’avait pas forcément vu dans les corps. Dans tous les cas, si leur ennemi était dans le coin, il valait mieux que l’annonce se fasse par quelqu’un de connu. Et s’il comptait se planter à l’entrée du QG pour sortir tous les membres qui viendraient. Les protéger comme il pouvait de ces images qui étaient implantées dans ses rétines.

Le tout avait duré au final que quelques minutes. Peut-être au final que quelqu’un était passé avant lui et avait déjà prévenu des généraux… peut-être même qu’ils étaient deux à vérifier chaque salle du QG mais qu’ils ne s’étaient pas croisés. Alors qu’il était revenu sur ses pas, un bruit suivi immédiatement d’une silhouette qu’il ne mit quelques instants à reconnaitre. Juste avant il s’était plaqué contre un mur pour surprendre l’ennemi, si ça en était un. Mais c’était Jordane. Jordane qui semblait totalement buguer. Elle en avait déjà vu trop, mais il pouvait encore lui épargner le pire. Les autres corps disséminés ça et là. Il s’était approché d’elle, par derrière avant de la saisir et de transplaner sans un mot dans une petite maison qui servait de squat non loin du bateau, il savait qu’il n’y avait jamais personne dans cette pièce. Ils seraient certainement en sécurité ici, et pouvaient quand même être non loin du lieu du massacre. Oui, il aurait certainement dû faire acte de présence, il le savait, mais il n’avait pas le temps, il avait agi au plus vite. Moins Jordane parlerait, moins elle resterait là, plus son identité pourrait être sauve si jamais les coupables étaient toujours dans le coin, ou avaient mis des systèmes de surveillance. Dès qu’ils furent arrivés il se place cette fois devant elle et la retenait toujours fermement par les épaules. Plus pour la soutenir qu’autre chose.
Ils étaient en vie. Ils avaient encore eu cette chance. De nouveau une pensée pour Logan.

La baguette de Jordane tomba au sol et ses jambes semblèrent défaillirent. L’instant d’après elle était à genou par terre et il ne tarda pas à se mettre dans la même position et la serrer contre lui, de la manière la plus réconfortante qu’il le pouvait. « N’y retourne pas Jo’, tant que u n’as pas de feu vert.» Voix blanche qui ne lui ressemblait pas. Il avait toujours du mal à vraiment réaliser ce qui s’était passé et de ce qui allait changer à présent. De ce que cela signifiait. Il avait toujours l’impression d’avoir les tripes à l’envers. «Je… Je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Il faudrait qu’on prévienne quelqu’un. Que je le fasse…. » Voix en suspens. Mais qui ?  Alors que cette personne risquait peut-être sa vie… si elle répondait à l’appel. Pas le choix, il fallait prévenir. Il inspira, et passa une main dans le dos de Jo pour la rassurer, même si cela ne servait à rien. Aucun mot ne serait utile. Il prit son portable et envoya sur la messagerie sécurisée un message à son général, expliquant brièvement ce qu’il avait pu voir et demandant quelle était la marche à suivre, ne sachant pas qui avait pu faire ça… et donc s’ils pouvaient toujours être dans le coin, à l’affut. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il aurait vite une réponse.
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Dorofei Cooper
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Dorofei Cooper
Lun 29 Avr 2024 - 10:17
Je bascule. Hors du temps, hors du réel, hors de moi. Hors de tout ce qui fait sens. Je traverse le sol, me dilue sous la main qui me retient, perd contenance. J’en perds jusqu’à mon nom, sans réussir à m’accrocher à quoi que ce soit qu’à ces images qui pulsent sans ménagement. Sans avoir de réelle portée non plus. Distillées sans constance, sans structure. Même les contours perdent en substance. Seuls restent le regard vide et le sang sur les murs. Les silhouettes disloquées. Les doigts retournés.
Je manque d’air. Je manque les bras de Dorofei qui glisse sans que je m’y rattrape. J’ai même l’impression de manquer le sol tant l’impact me surprend sans suffire à me ramener à la surface.
Ce n’est que lorsqu’on m’enlace que je réalise ne plus être seule. Chose absurde car l’instant précédent, la poigne m’étreignant aurait pu faire lâcher mon cœur tant celui ci a explosé dans ma poitrine. Pourtant l’évidence semble m’avoir échappé, comme une réalité pas assez solide pour être retenue et qui se serait écoulée entre mes doigts. Rien de moins fluide que de l’eau. Aussi éphémère qu’un gaz qui disparaît.

Absurde, donc.

« N’y retourne pas Jo’, tant que tu n’as pas de feu vert.»

Les mots vibrent, m’atteignent par saccade et je peine à seulement comprendre l’étreinte qui m’assaille et écrase ma poitrine. Pas physiquement.

«Je… Je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Il faudrait qu’on prévienne quelqu’un. Que je le fasse…. »  

Une voix de craie. Râpeuse. Friable. Si blanche qu’elle pourrait partir à l’eau si seulement l’un de nous en arrivait à envisager de pleurer. Mais il m’étreint et c’est tout ce qu’il fait.
Et pour une fois, je ne songe même pas à le repousser. Je demeure, dans les bras trop grands, dans cette faille gigantesque qui pourrait m’engloutir. Dans cette voix crayeuse qui, cette fois, me rassure par sa pâleur.

Puis il inspire et passe une main dans mon dos avant de dégainer son téléphone.
J’ai un temps de latence. Un temps infini lors duquel je n’ai rien d’autre qu’un bourdonnement dans la tête et l’impression de tout vivre au ralenti. Puis ma main fuse jusqu’à son bras, le loupe et envoie valser son téléphone avant qu’il ne dise quoi que ce soit.

- Pas de putain de noms.

T’as donné le mien.
T’as donné le mien.
Je te l’ai dit trois fois déjà, y compris aux Balkans : ne. Prononce. Pas. Mon nom. Qu’importe qu’il s’agisse d’un surnom, qu’importe qu’il n’y ait que deux lettres pour le porter.

Tout arrive en retard. La réalisation, la panique, le souffle qui s’affole brusquement et le cœur qui s’emballe. Le sifflement que j’entends, je mets un moment à comprendre qu’il vient de ma propre gorge, si serrée que respirer devient compliqué.

- On doit dégager d’ici.. Ma voix sonne paniquée, portée par un timbre trop haut et des inflexions tremblantes. S’ils ont pu entrer dans le QG, qui dit que cette planque est sécurisée ? Qui dit qu’où que ce soit est sécurisé ? Il y a peut être quelqu’un ici, quelqu’un qui t’aurai entendu m’appeler Jo. Il peut y avoir des micros, des leurres, des … j’en sais rien. Ça pulse à mon esprit déjà mêlé d’une autre pensée, encore plus violente qui me chope par les tripes et m’empêche de respirer convenablement : Kezabel.

Je me lève d’un bond et rien ne me tient. Alors mon corps bascule contre ce que je comprends à retard être un plan de travail. Le vertige frappe, le sol s’ouvre ; je me rattrape. Manque d’air.

Je dois partir d’ici.
Je dois partir d’ici.
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Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Jeu 2 Mai 2024 - 19:32
Rares étaient les fois où Jordane acceptait pour une fois de se laisser réconforter si on pouvait appeler ça comme ça. Ce n’était pas leur genre ni à l’un ni à l’autre sauf en des circonstances bien particulières et celles-là étaient plus qu’exceptionnelles. Ils devaient se sentir perdus aussi bien l’un que l’autre, mais d’un côté il était heureux d’avoir pu empêcher qu’elle voie un peu plus ce massacre. Des corps – macchabés-, elle avait déjà dû en apercevoir assez. Mais il ne savait pas quoi faire, quoi dire. Comment agir exactement. Il se passa une main dans les cheveux. Il parla… ou du moins essaya de sortir quelques mots cohérents avant de prendre son téléphone… et d’envoyer un message à son général pour savoir ce qu’ils devaient faire ou pas. Fuir. Rester-là. Continuer d’inspecter. Les solutions étaient multiples et quelque part, il avait envie d’y retourner pour empêcher trop de monde de voir ce qui était arrivé, mais c’était aussi synonyme de lâcher et laisser Brooks et il n’était pas encore certain d’en être vraiment capable. Elle était bien plus précieuse à ses yeux – elle et son bien-être- que tous les autres. Néanmoins, il savait que c’était aussi un devoir d’éloigner les gens des scènes de crime. Il était un soldat, il devait penser au bien commun.

Soudain la main de Jordane avait fusé jusqu’à son bras, envoyant en même temps valdinguer son téléphone. Il fronça les sourcils tandis qu’elle prenait enfin la parole.

- Pas de putain de noms.

Il grimaça légèrement dans une moue désolée. C’est vrai. Mais c’était instinctif. Stupide, il ne pouvait que le reconnaître. Il était trop tard pour revenir en arrière. Il ne pouvait pas lui dire que c’était viscéral, pas sûr qu’elle le comprenne alors il se tut.

- On doit dégager d’ici..

Elle paniquait. Pas sa voix habituelle. Il allait ouvrir la bouche pour tenter de la rassurer mais déjà elle s’était levée d’un bond. Elle se posa sur ce qui semblait être un plan de travail mais sembla prise d’un vertige. Il s’avança rapidement vers elle, mais elle se rattrapa avant qu’il ne l’air atteint.
Ok. Il inspira un bon coup pour chercher ce qu’il devait faire. Il récupéra dans un premier temps téléphone. Avant de regarder de nouveau Jordane hésitant sur la marche à suivre, elle n’était pas en capacité de réellement parler ou de réfléchir. Trop sous le choc, certainement. Mais est-ce qu’il prendrait la bonne décision ? Est-ce qu’il n’allait pas faire quelque chose qui aggraverait l’état de sa petite sœur de cœur. Une dernière hésitation, avant qu’il la reprenne par le bras, lui soufflant doucement Ok et transplana une première fois puis une deuxième pour plus de sécurité, les faisant atterrir au pied d’une petite plage près de Rochester situé à une cinquantaine de kilomètres de Londres – dans un endroit réservé aux sorciers-

« Voilà. On est loin de tout là. Respire un bon coup.» Il l’obligea à s’asseoir sur le sable froid « Tu as besoin de quelque chose ? Est-ce que tu as des questions ? J’ai fait un tour des lieux ….»

Autrement dit, je peux peut-être te donner des noms si tu le veux. Il ne lui semblait pas qu’il y ait quelqu’un de très proche de Jordane, mais il était très loin de connaître tout d’elle… tout comme il n’était pas certain de pouvoir nommer tous les corps. Il ne savait pas de quoi est-ce qu’elle avait besoin ou envie. Alors, il y allait à tâtons, pas certain que ses formulations de phrases soient les meilleures et les plus judicieuses. Certainement qu’il était un peu trop terre à terre.
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Dorofei Cooper
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Dorofei Cooper
Sam 11 Mai 2024 - 15:11
Il s’excuse d’un regard. D’une grimace. De tous ces petites mimiques qui pourraient le rendre mignon si j’avais pas envie de lui en coller une à lui décrocher quelques dents. Pas de noms. Surtout pas le mien. Je suis pas là. J’existe pas. Jordane n’a jamais foutu les pieds dans la Garde. Jordane ne fait pas face au massacre. Jordane ne peut être retrouvée si elle n’existe pas. Putain on croirait entendre Aldric. J’suis peut être aussi influençable que ça. J’suis peut être juste habituée à ça. A laisser un morceau de moi dans une bulle de vie. A espérer que jamais les parois ne se collent et ne fusionnent. Que ça ne me pète jamais à la gueule. Que ça n’existe jamais vraiment, puisque tout serait trop loin.
J’arrête pas de trembler. Je respire mal. J’ai la tête qui tourne. Il se passe pas ça. J’suis pas là. Il a pas prononcé mon nom. C’est pas la gueule de gens que je connais qui était là-bas.
Putain.
C’est pas possible.

Les pensées sont brouillées, elles se percutent les unes aux autres sans jamais vraiment discontinuer. Elles s’éclatent, comme les bulles dont je ne veux pas. M’éclaboussent. Il pourrait y avoir du monde ici. Chaque planque pourrait être corrompue. On pourrait nous avoir suivi. Nous écouter. Nous voir. Ils pourraient être partout. Ils me semblent dans chaque particule de l’air, à enfler dans mes poumons qui refusent de s’ouvrir assez pour laisser passer l’air. Ils me semblent lécher ma peau et s’insinuer jusque dans mes oreilles. Lécher mon tympan qui vibre et s’infiltrer dans ma gorge comme une langue géante qui obstruerait tout.
Ils pulsent et éclatent sous mes côtes en hurlant une seule et unique chose. Un nom.
Une asphyxie à sept lettres.

Ok. J’entends même pas. Ai envie de hurler quand il me prend le bras. Manque de tomber quand on se disloque pour apparaît ailleurs. Chute, vraiment, sous ses doigts. Et de nouveau quand on se forme ailleurs. Chute, surtout, dans le sable. Merde. Merde. Deuxième fois que je finis au sol et ça devrait être le seul trop qui compte : rester debout, pas faiblir, mettre un pied devant l’autre. Je le sais bordel. Ne pas lâcher la rampe au risque de me péter définitivement la gueule.
Mais c’est pas ça qui vient. Au contraire, l’autre pensée, lancinante, étouffante, me brûle la gorge et les poumons. Elle raye mes os et écrase mon crâne.

« Voilà. On est loin de tout là. Respire un bon coup.» D’un geste, il me force à me laisser retomber en arrière, dans le sable froid et ombragé du mois de mars. « Tu as besoin de quelque chose ? Est-ce que tu as des questions ? J’ai fait un tour des lieux ….»

Ouais. J’ai à l’arrière des rétines deux iris d’ambre. Dans la gorge un rire clair. J’ai sa chaleur sous chaque parcelle de mon épiderme et la sensation du sable espagnol jusque sous les doigts.
Sauf que ça, t’en sais rien. Personne n’en sait rien. Dorofei m’a jamais vue avec elle, il n’a aucune idée de ce qui nous liait. De la rupture. Du fait que j’vais crever, là, sur place, si elle est morte là-bas.

J’en oublie même qu’elle est en France, qu’on s’est quittées. Qu’il y a des kilomètres pour la mettre en sécurité. J’ai que son absence qui noue un hurlement rauque incapable de sortir. Et sa perte pour rendre fixes mes paupières.
J’ai la texture de la pierre du mur des éternel dans les larmes qui soudainement, surgissent hors de mes paupières et tombent entre mes cuisses. J’y ai les lettres qui forment le nom “Zachary” et l’impression que le sol m’avale.

Je devrais pas.

- Kezabel. J’l’ai fait quand même. Toutes les erreurs du mondes cristallisées en un nom. Toutes mes faiblesses dans le fracas d’un cœur qui bat. Kezabel. Je répète pourtant. Et tremble. Dis-moi qu’elle y était pas…

Toute la rocaille du marbre dans mes mots.
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Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Jeu 16 Mai 2024 - 21:41
Il y a beaucoup de situations où il pouvait se sentir démuni, dès qu’il fallait montrer des sentiments, de l’empathie ou ce genre de choses. Il n’était pas le plus doué là-dedans, un peu comme Jordane, ils n’avaient pas forcément toujours les réactions les plus appropriées. Alors ici, après ce drame, en la voyant dans cet état il savait encore moins comment agir pour le mieux. Perdu. Déboussolé.  Il avait du mal à remettre ses idées bien en place. Dans ses rétines toujours imprimées ces vives couleurs rouges, en de « beaux » dégradés muraux. La nausée n’était certainement pas loin, tout comme l’effondrement mais pour l’instant il fallait agir. Il n’avait pas le temps pour cela. Il verrait ça pour plus tard.

Jordane était toujours au sol, et il essaya de la rassurer comme il le pouvait avant de lui faire comprendre qu’elle serait mieux à terre à reprendre ses esprits, sa respiration que sur des jambes flageolantes à utiliser sa force et sa volonté pour rester debout. Ils n’étaient que tous les deux. Il ne laisserait personne approcher alors, si elle le souhaitait elle pouvait vraiment se laisser aller – même si elle ne le ferait certainement pas, la fuite était plus sa méthode-. Pourtant, elle était toujours là, face à lui. Pour combien de temps ? Et il avait posé une question. Une question qu’il pouvait très bien regretter amèrement, mais il devait lui poser malgré tout, par ce qu’elle avait le droit de savoir. D’avoir des noms s’il pouvait lui fournir. Elle devait avoir des amis là-bas et savoir qu’ils étaient toujours en vie – ou morts- était certainement nécessaire pour elle. Comme pour tout le monde.

Il y avoir d’abord eu le silence pesant de son amie, où seul le bruit des vagues discret non loin d’eux leur rappelait qu’ils n’étaient pas sourds, qu’il y avait juste une certaine tranquillité des lieux. Il l’observa elle et ses réactions – ou ses non-réactions-. Il n’était même pas certain qu’elle soit vraiment en état d’avoir compris sa question mais finalement ses lèvres finirent par s’ouvrir et des sons en étaient sortis. Clairs. Nets. Précis.

« Kezabel. Kezabel. Dis-moi qu’elle y était pas »

Il fronça les sourcils, légèrement. Pourquoi ce nom en particulier ? Il y en avait d’autres anciens de Poudlard à la Garde. Elle avait été précise. Et pourtant, il ne lui semblait pas qu’elles étaient si proches que cela. Le don de Jordane pour cacher cela… Ceci dit, peu de gens savaient réellement l’amitié qui le liait avec Logan… alors il pouvait la comprendre. Il ferma les yeux quelques courts instants pour être certain de ne pas dire de bêtise, même s’il aurait pu y répondre presque du tac au tac. Il était certain de ne pas avoir vu la silhouette/le corps d’Hasting… mais est-ce que son esprit n’avait pas éludé cette partie-là ? Il préférait donc se concentrer quelques instants pour ne pas lui faire de faux espoirs.

« Elle n’était pas là-bas, du moins pas dans les corps que j’ai vu voir.»

Il avait préféré nuancer les propos. Et au final, il avait aussi pu il y avoir des gens enlevés, d’autres morts qui n’étaient pas forcément au QG. Tant qu’ils ne sauraient pas ce qui s’était passé exactement et qu’ils n’auraient pas fait un recensement des troupes… c’était difficile à affirmer. Mais cela il préféra ne pas le dire et se contenta de le penser très fort. Il aurait certainement pu en profiter pour lui demander « pourquoi Kezabel », mais c’était le jardin secret de Jordane si elle voulait lui en parler, elle le ferait le moment venu.
Et tous ces « mais », lui brûlaient le crâne, il avait envie d’être moins positif qu’elle n’espère pas trop en vain. Il voulait lui dire que c’était bien parti pour qu’elle soit en vie, mais qu’il restait une part d’incertitude. Il la regarda dans les yeux, mais ne pu se résoudre à lui enlever cet espoir, cette « joie », si on peut appeler comme ça vu ce qui venait de se passer. Non, il ne pouvait s’y résoudre. Mais par contre il était capable d’aller enquêter lui-même pour être certain de la réponse… seulement là aussi ça semblait bien compliqué.
Et s’il était vivant et Kezabel aussi, comment l’expliquer, alors qu’ils faisaient partis des gens connus de la Garde ? Cela signifiait-il que ce n’était pas un coup des Supérieurs mais bien un push intérieur ou une trahison ? Est-ce que si c’était les Supérieurs, leurs jours étaient encore et toujours comptés mais d’une manière bien plus perceptible ?
Il tapota nerveusement sa propre main, son esprit ne pouvant s’empêcher de faire plein de scenarios. Adam irait chez sa famille en Russie pour plus de sûreté… et Jordane ? Elle savait se défendre mais…. Mais. Mais. Mais. Trop de choses se percutaient dans son esprit sans qu’il arrive à savoir les classer dans un ordre de priorité.

« Pour l’instant n’essaye de pas de la contacter, s’il te plait. On ne sait rien de cette attaque, je… je ne sais pas quels seront les ordres. On va éviter de se mettre en danger les uns et les autres.» Même s’il y avait une possibilité qu’il n’y ait aucun risque. « On avisera lorsque les Généraux nous indiquerons quoi faire.»

Surtout s’il y avait des traitres. Quant à Arthur ? Ne connaissant pas officiellement son identité aucune certitude de savoir ce qu’il en était réellement. A quel point la Garde était défaite. Quant à lui son envie de contacter Logan était toujours là, bien viscérale, mais il n’en ferait rien. Il suivrait les instructions.

Silence. Court ou long. Impossible à dire.  Mais finalement un nouveau son sorti de ses lèvres.

«J’ai eu si peur de te voir parmi Eux. »

Aveu de faiblesse, quelque part. Aveu d’à quel point il tenait à elle, même s’il le savait déjà ; et il en était certain si les places avaient été inversées, ça aurait été une des peurs de Jordane aussi, même si elle ne lui aurait peut-être pas avoué. Ou peut-être que si. Dans ce genre de moments, la normalité est bien mise à mal.
Les fractures et fragilités successives encore plus exacerbées.

« Dès que je le peux j’emmène Adam chez ma famille. Si tu ne le vois pas, quand.... si tu rentres c’est donc normal.»

Pas chez ses parents ou ses frères et sœurs. Sa famille. Jordane comprendrait qu’il parlait de celle de Russie. Et oui, il avait aussitôt changé de sujet, comme si le premier aveu avait été une phrase pensée dite à voix haute. Il n’y avait de réponse attendue. Il s’était peut-être même à peine rendu-compte de l’avoir prononcée, cette phrase.
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Dorofei Cooper
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Dorofei Cooper
Dim 26 Mai 2024 - 7:11
Il y a un monde dans ce silence. Mille vertiges, un trou noir, des souvenirs et du vide. Il y a une bascule vorace, l’impression de tomber en arrière, que le sol s’ouvre, comme lorsque le sommeil vous prend et bous avale.
C’est ça. Il m’avale. Le silence, son vide, ses possibilités m’avalent toute entière et je pense que je cesse de respirer le temps d’une éternité. Je trouve dans sa gestuelle toutes les interprétations du monde :
Il s’accroupit pour me préparer au pire.
Il ferme les yeux par dépit, car la question est stupide et qu’elle va bien.
Il plisse ses traits pour trouver les mots.
A un moment, j’imagine même qu’elle puisse avoir déjà été emportée depuis longtemps sans que personne ne juge utile de me le dire. Pourquoi, après tout, irait-on prévenir celle qui n’a été que quelques fois sa sœur d’arme le temps d’une mission ? Une camarade de classe, tout au plus.
Une vision d’autant plus absurde qu’il suffisait de connaître Kezabel pour avoir compris.

« Elle n’était pas là-bas, du moins pas dans les corps que j’ai vu voir.»

Lorsque l’air reflue brutalement dans mes poumons, je comprends avoir cessé de respirer. Un tremblement brusque fait ployer mon dos et j’enlace mes genoux pour garder les lèvres ouvertes, le regard braqué vers le sable. Là où des traces arrondies assombrissent le sable. Une. Deux. Huit. Une larme perle au bout de mon nez. Me chatouille. Mes côtes se soulèvent par à-coup. Les mots coincés quelque part dans ma gorge.
Calmes-toi, putain…
Mais j’en suis incapable. Alors la pensée se fige comme tout le reste, cristallisée dans une certitude glaciale. S’il avait dit autre chose, là tout de suite, j’y aurais pas survécu. C’est irrationnel, absurde, enfantin. Mais c’est certain. Un truc aurait lâché. Le cœur ou les capillaires du cerveau. Quelque chose. N’importe.

« Pour l’instant n’essaye de pas de la contacter, s’il te plaît. On ne sait rien de cette attaque, je… je ne sais pas quels seront les ordres. On va éviter de se mettre en danger les uns et les autres.»  

J’écoute pas. J’emplis brutalement mes poumons, gonfle ce que je peux, bloque, relâche. Je me fous des ordres, je me fous d’eux, je me fous des morts… « On avisera lorsque les Généraux nous indiquerons quoi faire.» ..et je me fous de nos chefs. Tant qu’elle est en vie, rien d’autre n’importe. Ne pas essayer de la contacter ? Mais j’ai que ça en tête. J’envisage déjà le chemin vers elle, les textos que je pourrais envoyer, les excuses qu’il faudrait trouver. Il ne s’agit pas de n’importe qui. Elle est amie. Amie d’amis. Connaissance. Camarade de classe. Ya milles excuses. Ya sa peau sur la mienne, son souffle sur mes lèvres, son rire sous mes cotes.
Pas n’importe qui.

Alors s’ils l’ont tuée…

«J’ai eu si peur de te voir parmi Eux. »

Je rouvre les paupières et mon regard se pose sur ces petits cercles sombres dans le sable. Une dizaine. Vingtaine peut être.

J’entends sa voix éraillée, le ton incertain, le souffle qui tremble. Son silence aussi.

Mes paupières clignent. Une larme de plus tombe mais le brouhaha interne s’est coupé, soufflé par sa réflexion.
J’ai même pas pensé à la possibilité qu’il y soit passé, lui. Tout est allé trop vite. Il s’est imposé droit devant moi. Je suis même pas sûre d’avoir pensé à Kezabel tout de suite. A ma gueule d’abord. Question de survie, d’habitude, ou juste d’égoïsme.
D’un bras passé dans l’espace dessiné par mon corps recroquevillé sur lui-même, j’essuie mes larmes et inspire profondément en le laissant là, bloqué entre ma hanche et ma cuisse. A contempler le sable entre mes jambes ouvertes. Les talons enfoncés y tracent deux rigoles. Comme quand on était gamins, et qu’on lézardait sur la plage en construisant des châteaux. Ça aurait été dur, pour Adam, sans père ni mère.

« Dès que je le peux j’emmène Adam chez ma famille. Si tu ne le vois pas, quand.... si tu rentres c’est donc normal.»

Pensée commune.
Si je rentre.

J’inspire de nouveau, sans quitter le sol du regard. Ferme les yeux. Rassemble mes pensées. La Garde. Les obligations. Les responsabilités. Tenter de réaligner tout ça.
Pourtant cette seule pensée propulse davantage le chaos et je reste immobile malgré ma décision. Mon souffle se coupe un instant.
Le temps d’appeler à l’intérieur de moi celle qui un jour a pris la décision de partir. Cette boule de rage dont j’ai toujours eu besoin. Ce retournement brusque des tripes nécessaire pour foutre un pied devant l’autre quand plus rien ne fait sens. Le temps de m’enfoncer deux doigts dans les orbites, d’inspirer plus fort encore sans jamais avoir relâché le moindre souffle. De crisper mes doigts de pieds et d’en sentir l’onde remonter. Les mollets d’abord. Les cuisses ensuite. Puis l’ondulation dans mon ventre et les muscles du dos qui se contractent à leur tour.
Et le souffle, lourd, qui relâche toutes les tensions.

- Je rentre pas.

Le mouvement pourrait être lent ; il est brusque. Il m’emporte en avant et repousse la présence de Dorofei à mes côtés quand je pousse sur les talons et me remet debout en passant la paume de ma main sur mon jean. Buvard à émotions.

- Toi et moi on s’connait pas. Ou de vue. Toi tu fais c’que tu veux. Moi je reste à distance tant que j’ai pas d’infos claires. A distance, à vue, et dans un quotidien qui change pas. Donc sans m’occuper d’un enfant que je ne suis pas censée connaître, et en évitant les contacts avec les membres de la Garde. Tous.
Toi y compris.

La première logique serait de fuir, de se rassembler.
Pour éviter de paraître suspect… la première chose est donc de ne rien changer. Non ?

Ou alors c’est une excuse. La fameuse habitude tant reprochée de se la jouer solo.
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Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Jeu 30 Mai 2024 - 10:47
Cette situation semblait presque irréelle. Qui aurait pu prévoir une attaque aussi fourbe ? Quelle gloire est-ce qu’on pouvait avoir de tuer des gens qui ne s’attendaient pas à un combat ? il avait l’impression qu’il y avait quelque chose qui clochait ; les Supérieurs aimaient se vanter, et même s’ils étaient fourbes, et qu’ils pouvaient inventer des combats imaginaires est-ce que ça ne resterait pas amer pour eux ? Comme si ce n’était pas mérité. Trop simple ? Il n’était sûr de rien et d’ailleurs, ça pouvait totalement ne pas être eux. Une vengeance personnelle pouvait très bien donner ce résultat aussi… mais là n’était toujours pas la question. Pas encore du moins. Alors, il avait répondu à Jordane sur la question de Kezabel, même s’il ne comprenait pas bien le lien qu’elles pouvaient avoir exactement. Et puis … il avait parlé, certainement d’une voix monocorde pour essayer de savoir ce qu’ils devaient faire.

Un aveu soudain. Court. Bref. Presque honteux avant de passer à autre chose de plus pragmatique, la façon dont ils devaient agir, se couvrir. Sa principale préoccupation à présent mettre son fils en sécurité, qu’il ne risque rien tant qu’ils n’en savaient pas plus. Il n’aimait pas cette idée de devoir encore s’éloigner de lui mais c’était pourtant la meilleure des choses à faire, il en était certain. Un gamin, c’est fragile, ça peut se faire avoir. Il ne prendrait aucun risque.
Il essayait de ne pas trop faire attention à Jordane et ses larmes pour ne pas craquer non plus. Maintenant, il attendait juste de savoir ce qu’elle voulait faire. Si elle préférait revenir au logement ou pas ; dans les deux cas, il comprendrait. Il avait du mal à définir quelle solution est-ce qu’il souhaitait le plus. Il appréciait sa présence et sa maison vide n’était pas quelque chose qui lui plairait, mais en même temps ça serait certainement beaucoup plus raisonnable.

- Je rentre pas. Mouvement brusque lorsqu’elle se met debout le repoussant par la même occasion. Il acquiesça, se leva à son tard sans ajouter un seul mot supplémentaire. Toi et moi on s’connait pas. Ou de vue. Toi tu fais c’que tu veux. Moi je reste à distance tant que j’ai pas d’infos claires. A distance, à vue, et dans un quotidien qui change pas.

Sauf qu’en soit, si elle ne rentrait pas, son quotidien changerait, mais bien sûr, elle ne parlait pas de cela vu que logiquement personne ne savait où elle habitait. Nouvel acquiescement du chef de la part de l’ex Auror. Qu’est-ce qu’il avait à dire à cela ? Rien. Pas grand-chose. Il laissa de nouveau passer quelques instants. Silence. Les mots étaient encore plus durs à sortir qu’en temps normal mais au bout d’un certain temps, une minute ou plusieurs peut-être temps le temps ne semblant pas filer au même rythme que d’habitude, il réussit quand même à souffler,

« A bientôt alors, fais attention à toi.»

La conversation était certainement terminée. Il essayait de ne pas poser plus de questions alors que l’inquiétude rongeait doucement ses nerfs comme s’ils avaient été soumis à de l’acide. Mais elle était grande, elle ne lui devait rien, et surtout ! Surtout, cela pouvait être dangereux d’en savoir plus.
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Dorofei Cooper
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Dorofei Cooper
Mer 12 Juin 2024 - 12:18
Je suis injuste, je le sais. Égoïste. Impulsive et solitaire. C’est ce qu’on m’a reproché non ? Bah voilà. On y est. J’me barre. C’était inscrit dans les étoiles, gravé sur ma peau à l’image d’une boussole poinçonnée d’encre sur mon majeur gauche. J’ai dit “merde” tellement de fois. J’ai pleuré trop souvent aussi. Mais j’ai rarement verbalisé ce truc.
Je rentre pas.
Est-ce qu’il entend seulement à quel point ça n’a rien d’éphémère comme déclaration ? Est-ce qu’il se doute de toutes ces vies que j’ai lâché ? Que si la Garde m’a décrite comme amateure, c’est aussi que toute ma vie, on m’a décrite comme peu fiable. Ce que je suis. Alors oui, je prends la tangente. Il sait que j’ai raison. Qu’on ne doit pas se rapprocher les uns des autres. Qu’ils pourraient nous suivre, avoir laissé des survivants pour les pister et remonter vers le plus de membres possibles. Donc non, je ne rentrerai pas. Je ne verrai pas un seul des foutus membres que je ne suis pas censée connaître.
Je disparais. C’est aussi con que ça. Et tu ferais mieux d’en faire autant. Comme si j’avais jamais fait partie du crew.
C’est ce qu’ils veulent. Nous séparer. Nous rendre faibles. C’est ce qu’ils ont.

Un instant, je laisse traîner mon regard encore humide dans celui de Dorofei. Je m’abandonne dans ses yeux de cristal, dans les eaux profondes et l’irréel de son regard. T’es quand même le seul qui m’a fait confiance, du début à la fin. Celui qui vient de me rattraper en vol, peut être avant qu’on me tombe dessus. Et l’idée m’arrache un frisson glacial. Ça aurait peut être pu être moi, cette fois, celle dont on attend des nouvelles qui ne viennent pas. Mais encore une fois je passe au travers des mailles du filet.
Et puisque j’ai toujours su tout larguer avant de finir six pieds sous terre… j’me casse.

Et je m’abandonne dans ton regard, parce que t’es sans doute la seule personne au monde à qui je l’ai dit frontalement. Avant de disparaître.

« A bientôt alors, fais attention à toi.» J’esquisse un sourire, persuadée de le sentir trembler légèrement sur mes lèvres. C’est un excès de confiance, de foi en l’être humain ou une sorte de conviction profonde ? Faut pas croire, je la vois cette émotion contenue. Je passe pas à côté de ces mots. Ceux qui aident sans doute ma fuite. Ni plus à côté du râpeux de sa voix et des silences que le naturel renforce encore en puissance mutique.  J’entends. J’ai pas l’espace pour traiter ça, mais j’entends.
Alors je hoche d’un geste sec et, sans prévenir, passe un bras dans son dos et l’attire contre moi le temps de quelques secondes. Un souffle, simple, éraillé, s’écrase dans son cou et porte quelques mots. “Prends soin de toi..”  J’appuie une seconde mon visage à la base de son cou. Inspire. “Embrasse Adam.” Pas plus d’un murmure.

Et je me détache ; avant de transplaner.

Lorsque j’apparais à l’orée d’un champ, loin de la plage dont les grains de sable roulent encore sur ma peau, j’ai à peine conscience des larmes qui roulent de nouveau sur mes joues, et des tremblements incessants de mes muscles.
Je ne songe pas à envoyer des textos, bateaux ou non, aux amis. Je n’envisage rien, en vérité. Je mets seulement mes écouteurs, le son à fond. Et me mets à courir. J’ai en travers du dos le sac en bandoulière qui a accompagné mes années d’errance et la même impression qui m’a toujours suivie quand j’ai pris le large.
Alors je cours. Assez vite pour croire me désengluer de toutes ces sensations. Assez vite pour rendre floues les images du massacre. Assez vite pour envoyer chier chacun des sentiments qui me fracassent les côtes. Je devais aller à Londres, être vue. Mais je cours. Je transplane. J’atteins les portoloins qui m’amèneront en Pologne, Russie, Pays Bas. Les mêmes qu’il y a huit ans.
Les mêmes.
L’histoire qui se répète.

Pourtant quelques heures plus tard, c’est ma langue maternelle que les gens parlent autour de moi.
C’est dans des souffles familiers que je me perds. Contre une peau dont je suis en manque ; que je ravale mes larmes.

- Topic Fini -
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Jordane Suzie Brooks
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Sam 15 Juin 2024 - 12:41
Difficile moment qu’était celui-là. Il ne savait pas bien comment réagir, par ce qu’il n’y avait aucun comportement qui semblait logique, rien qui ne valait le coup. Rien, absolument rien qui pourrait défaire ce qui s’était passé à la Garde et les conséquences engendrées. Ils devaient maintenant penser à eux avant le reste, à leur protection. A celle d’Adam dans le cas de Dorofei. A leur avenir. Rien n’était encore clair dans son esprit, un foutu brouillard obscur. Mais peut-être qu’à cet instant précis les morts, les autres membres de la Garde n’avaient plus trop d’importance à ses yeux, ce qui se passait avec Brooks prédominait. Elle ne rentrait pas ce qui semblait logique. Le mieux pour tous, mais il n’en restait pas moins un goût amer en bouche et surtout une grande inquiétude de ce qu’elle allait pouvoir faire. Où est-ce qu’elle allait pouvoir aller. Se loger. Vivre. Avec des amis probablement, mais est-ce qu’elle n’essayerait pas aussi de faire les choses par elle-même ? Est-ce qu’elle irait vraiment bien ? Elle semblait si mal qu’il avait bien du mal à la quitter à ne rien rajouter. A ne pas être trop sentimental, aucun des deux ne l’étaient. Et c’était plus cela qu’il le rongeait, les nerfs à vif. Jordane n’était pas le genre à demander de l’aider, irait-elle vers ses amis ? N’y voyait-elle pas là, un aveu de faiblesse ou de dépendance ? Alors bien sûr il lui faisait confiance, s’il y avait une personne dans la garde -hors Logan- à qui faisait entièrement, pleinement confiance à qui il donnerait sa vie les yeux fermés c’était bien elle… mais la confiance ne suffisait pas parfois quand on sous-estimait son mal être et il était bien placé pour le savoir. C’était encore plus glaçant ; Il aurait voulu lui glisser de ne toujours pas faire les mêmes erreurs que lui, mais cette fois il s’abstint, ils avaient eu à plusieurs reprises cette discussion. Il ne voulait pas en rajouter une couche.

Il s’était contenté d’une phrase beaucoup plus simple. Une recommandation de base, pour justement ne pas en faire trop. Mais au fond, elle saurait. Elle comprendrait le poids de ces mots ne serait-ce que par le ton employé ; par ce qu’ils avaient toujours pas mal de points en commun. Et soudain, presque l’irréel se produit, juste après un hochement de tête pourtant si banal. Elle avait passé une main dans son dos et l’avait attiré contre elle. Juste quelques secondes. Une poignée d’instants, presque furtifs mais qui valaient bien plus que tous les mots. “Prends soin de toi..”   Également un hochement de tête. Elle appuya un instant son visage dans son cou avant d’ajouter. “Embrasse Adam.” Et de répliquer presque du tac au tac « Promis.» Mais cette promesse, il n’était même pas certain qu’elle l’air entendu car le temps qu’il prononce ce simple mot elle s’était détachée de lui et avait transplané.
Et il avait à présent presque l’impression que c’était un adieu. C’était stupide, il le savait. Ils se retrouveraient d’une manière ou d’une autre, même si ce n’était pas la garde par ce que leur lien allait bien au-delà de cela. Les larmes il les retenait toujours, pour ces morts. Pour l’avenir si incertain. Pour Jordane qui était à présent il ne savait où. Pour la promesse qu’il s’était faite à la disparition de Prune au sujet d’Adam : qu’il ferait tout pour que l’enfant soit heureux et vive dans un monde où, même s’il était cracmol, il ne serait pas discriminé. La chute de Garde signifiait pour lui tellement plus. Presque une promesse brisée même s’il y avait encore de l’espoir pour Adam.

Mais est-ce que son fils allait être heureux de vivre de nouveau un peu en Russie ? Est-ce qu’il allait supporter l’absence de Jordane ? Est-ce qu’il allait comprendre. Il avait cette impression d’échouer tellement dans son rôle de père même s’il ne faisait qu’essayer, même s’il faisait tout son possible ; Il inspira un bon coup avant de transplaner à son tour. Plusieurs fois, encore, pour plus de sécurité avant de récupérer Adam chez ses parents. Il lui expliqua qu’ils allaient tous les deux en vacances dans « la famille ». Il avait bien insisté sur ce terme l’enfant sembla vouloir dire « et Jordane ? » mais il se tut, sentant certainement que ce n’était pas le moment et que Dorofei n’était pas non plus dans son état normal.  L’ex Auror prit la main de l’enfant, faisant un signe discret à sa mère pour lui montrer qu’il viendrait prendre des affaires plus tard, ainsi que leur donner des explications… même si elle avait déjà dû comprendre certaines choses.

Et Jordane alors ? Elle était assez intelligente pour savoir exactement où le trouver.
La boule au ventre, l’Angleterre fut bientôt derrière lui. Il comptait poser Adam chez des cousins, le rassurer, et retourner pendre des affaires, voir où en était la Garde.

Et Logan ? Lui aussi saurait. Pas d’inquiétudes.

Terminé :boom: :boom:
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