Un grand jour - Enzo

Jeudi 10 novembre 2016, en fin d’après-midi

Comment est-ce qu’il se sentait ? Un peu stressé. Peut-être même beaucoup. L’air de rien c’était comme un cap qu’ils étaient en train de franchir avec Sovahnn, depuis peu il connaissait son adresse et il voyait-là une énorme confiance que la jolie blonde lui donnait. Il voulait lui faire une surprise et aller lui prendre quelques sushis et du chocolat avant de passer chez elle à l’improviste en espérant qu’elle soit-là et qu’il ne dérangerait pas. Et c’était bien pour cette raison qu’il était un peu stressé, il ne voulait qu’elle se sente obligée de quoi que se soit. C’était ridicule. Il était ridicule, il en avait conscience, elle était assez grande pour lui dire qu’elle était occupée ; et tout comme elle savait qu’il comprendrait et qu’il n’insisterait pas. Pourtant, il hésitait toujours ; si lui sa vie se résumait généralement à boulot-dodo et donc qu’elle pouvait venir sans déranger ; elle, il lui semblait qu’elle avait une vie beaucoup plus animée et n’avait pas envie d’interrompre quelque chose. Finalement, il s’était décidé, il verrait bien. Il devait arrêter de craindre de mal faire avec elle, par ce que c’était comme ça qu’il allait vraiment finir par merder. Le souci, c’est qu’il tenait vraiment énormément à elle, il n’était pas juste entiché et si avec Callie les choses avaient semblé simple lorsqu’ils flirtaient puis s’étaient mis ensemble…  avec Sovahnn, il se sentait parfois un peu décontenancé et ne savait plus sur quel pied danser. Mais ça faisait aussi parti de son charme à la belle blonde.

Alors il s’était juste écouté. Et il verrait, si c’était une connerie, il ne recommencerait c’était certainement aussi simple que cela. Néanmoins, avant de se déplacer jusqu’à chez la jeune femme, il était aller acheter les sushis dans un petit restaurant qu’il connaissait bien ; la nourriture était toujours excellente là-bas et il avait fini par aller chez un petit chocolatier à côté pour… prendre aussi quelques chocolats en guise de dessert - ou de ce que l’on veut-. Peut-être que des fleurs auraient été plus adaptées, mais il se disait que les sushis feraient certainement un peu plus d’effet. La bouffe serait certes beaucoup plus éphémère, mais plus agréable à prendre que des fleurs, du moins c’était son point de vue. Il n’avait jamais été trop fleurs et tous ces trucs, alors il faut dire que cela n’aidait pas vraiment. Une fois tous ces paquets en poche, il avait pris sa moto pour aller jusqu’à chez elle.

Inspirant un bon coup. Il espérait vraiment qu’elle serait-là, sa sœur lui avait dit qu’au pire « elle, elle était toujours partante pour des sushis et servir de bouche trou pour ne pas gâcher ses petites merveilles ». Merci Neela. Néanmoins les messages de sa sœur le faisaient toujours rire ; il y avait quelque chose d’encourageant et qui dédramatisait toujours la situation. Alors il frappa à la porte plusieurs petits coups tandis qu’il sentit dans sa poche son téléphone vibrer. Il était prêt à parier que c’était sa sœur qui lui disait qu’après il serait obligé de lui raconter comment ça s’était passé avec trois tonnes de cœurs de toutes les couleurs. Cette idée le fit sourire légèrement et l’instant d’après la porte ne tarda pas à s’ouvrir sur…. Pas Sovahnn. Mais un grand type. Très grand. Il cligna des yeux un peu surpris, il ne s’était pas du tout attendu à cette option ; c’était lui le coloc ? Possible. Naveen, tu parles maintenant, il lui fallut encore une poignée de secondes avant d’arriver à sortir des paroles tout en lui faisant un grand sourire. «Bonjour, je suis désolé de vous déranger, mais est-ce que Sovahnn est là s’il vous plait ? » Il hésita quelques instants avant de lui tendre la main, livre de la poche où se trouvait la bouffe « Naveen, enchanté !» Et comme ça, si elle n’a pas parlé de toi t’auras juste l’air d’un gros con, pas bien grave en soi.

Du repos pour mon esprit
Comme une bulle au milieu du bruit
Gaele Faye, Grand Corps Malade, Ben Mazué

Deux heures ou trois minutes le temps devient abstrait dans ces moment-là. Les mouvements sont réguliers, le souffle l’est tout autant. Un métronome, à chaque geste ou presque une inspiration puis une expiration. Des mètres par dizaines ou centaines quelle importance, pas de but, juste le silence et le calme des éléments. Petit jour, l’eau froide glisse contre la peau. Un aller, un retour, Wax n’est plus seul sur la plage quand j’y reviens. En contre-haut la maison éclairée par les premiers rayons de soleil, les pieds nus loin de l’eau se tient Mateo. Mains passées sur le visage, cheveux secoués, ça ruisselle et ça fait frissonner. Spoiler alert : on a toujours l’air un peu con quand on sort de l’eau. Mais pourtant « Sérieux mec on dirait une pub. » Il a les yeux explosés, j’esquisse un sourire de circonstance après avoir exagéré ma posture et mon expression pour accentuer ses mots. Juste avant de tendre la main pour réclamer « Sors le cash, j’fais pas ça gratos. » Vénale, toujours. Bien sûr « Merci. » Pour la serviette qu’il me balance et que je me passe sur le visage avant de la passer autour de mes épaules. Une accolade de loin pour ne pas le mouiller, les doigts encore humides dans le pelage de Wax un instant « T’es au courant que vous avez une piscine ? » Tu sais déjà ce que je vais te répondre « C’est pas pareil. » En rien comparable « Moins de vague, moins de sel … » Un regard vers l’océan derrière moi, haussement d’épaules « Plus de chlore. » Je ne dis pas que je n’aime pas mais ça, aller me perdre dans la mer chaque matin, je fais ça depuis que je suis né et j’ai pas l’intention d’arrêter. C’est comme une batterie qu’on branche sur secteur pour la recharger « Ouais mais plus de chaleur. T’es un grand malade. » Certes « Justement non. » Ma main droite claque gentiment sur l’arrière de son épaule, volontairement ou non j’amorce quelques pas « Tu devrais faire pareil, t’aurais une peau de pêche et les virus te foutraient la paix » Sa tronche en biais m’amuse « La nuit a été courte ? » Un hochement de tête pour acquiescer « Est c’qu’elle a été bonne au moins ? » Dans la maison d’à côté « Ouaip. » Un coup de vent, la peau qui se hérisse « Comment ça va Riley ? » Loin de ces considérations là je regarde mon chien galoper sur le sable mouillé et y laisser ses empreintes géométriques, régulières, en quête d’odeur à respirer. Je n’ai dans les sens que celle des embruns, les cheveux criblés de sel déjà en train de sécher dans la brise du matin. Dans les collines et entre les roches les herbes se balancent, un vol de pélicans passe en silence au-dessus de l’horizon teinté de rose et d’orangé « Elle part pour New-York dans quelques jours, pour passer du temps avec sa Marraine et chercher un stage. J’crois que ça va lui faire du bien de changer un peu d’air. » Les pas sont tranquilles mais je sens le pincement là dans son cœur, les angoisses qui se taisent, son regard qui fuit juste une seconde. Un sentiment de déjà vu, c’est ça ? Les marées ne sont pas simples à encaisser en ce moment, je comprends ça. Je le vis aussi « Tu vas la rejoindre là-bas ? » Je passe la serviette contre mes cheveux pour en faire tomber les gouttes d'eau et de sel « Quand j’pourrais lâcher le shop ouais. » On s’accroche, on se démène, on se bat pour ceux qu’on aime. Pour soi-même. Comme on peut « Et toi ? » Un sourcil arqué, sous la plante des pieds la matière change et le sol s’incline pour amorcer la montée. Circonstances différentes, pas de confrontation directe « J’crois que c’était déjà réglé de mon côté. » Quelques jours et je n’y pense déjà plus vraiment. L’esprit happé ailleurs, sans doute, mais pas que « J’ai eu ma psy hier en visio … » Regard et sourire en coin, de mon côté comme du sien « Ouais, j’suis un mec moderne t’as vu ça. » La vérité c’est que je n’y avais pas pensé jusqu’à en parler avec Tim il y a de ça quelques temps. Je crois aussi que je préfère le contact concret, là où mes sens peuvent s’imprégner de l’environnement pour bien m’y ancrer « Bref, on a fait le point et mise à part me permettre de tourner la page une fois pour toute rien à signaler. » Est-ce que ça m’étonne ? Je ne pousse pas la réflexion aussi loin. Ça a pris du temps mais mon corps et ma tête s’en sont remis, c’est tout ce que j’ai envie de retenir « Au moins cette tarée là n’aura plus d’emprise sur qui que ce soit. » Une parmi d’autres mais c’est déjà ça et en moi pas la moindre empathie pour elle. Pour Charleen, pour Riley, pour mon frère, pour moi. Pour ce gamin qu’elle a trainé jusqu’à moi et dont je ne sais rien, pas même s’il est encore en vie. Pas même si j’en ai la moindre responsabilité. Mais pas pour elle et qu'importe son passé, son histoire.

Vient le moment où vivre devient la priorité, avancer, ne pas se retourner.
Trop de fronts à surveiller.

« Il est rentré Mister Camping ? » Les contours de la maison se dessine plus franchement, si j’y prêtais attention j’entendrais la douche couler et Einstein en train de manger « J’crois ouais. » Le cri strident d’un goéland traverse le silence « Ça va ? » Entre nous, c’est ça ? L’inspiration est trop longue pour ne rien trahir, je crois qu’il le sent. Qu’il le sait. Je ne poserai pas la question de savoir s’ils en ont parlé « On fait c’qui faut pour. » Mais je ne m’enlève pas de l’esprit qu’un jour peut être ça ne suffira plus. Pas jusqu’à en trembler, pas jusqu’à changer mon comportement, juste avec une résignation silencieuse dont on a conscience tous les deux. Le cadre est posé, je le comprends autant qu’il me comprend. On fait ce qu’il faut, on fait ce qu’on peut. On l’sait, faudrait pas non plus que ça dure.
Parfois ça me rend triste, parfois ça me fait douter. Jamais de mes sentiments pour lui, jamais des siens pour moi.

Ici tout a un prix, même lorsqu’on se dit « Je t’aime ». On vit tous dans le gaz, on fait des rêves kérosène. Mon cœur est sous pression.
Gael Faye

Son odeur flotte dans l’air et caresse mes sens, y a toujours un truc qui se dénoue quand je sens sa présence « Fais toi un café si tu veux, j’vais m’habiller. » Il est là ce besoin de sentir sa peau plus encore qu’avant, non pas à cause d’un sentiment d’urgence mais parce que la pression est là, impossible à ignorer. Alors oui, ça rassure quand j’effleure son épiderme, quand ses mains me cherchent, quand on se noie l’un contre l’autre sans avoir la sensation de devoir reprendre notre souffle.
Sous mes pieds le carrelage froid laisse place au bois ciré de l’escalier puis le parquet de l’étage. Un couloir, une porte ouverte, la serviette et le maillot posés dans un coin je glisse sous l’eau chaude à mon tour. Mes bras autour de lui, son dos qui vient se poser contre mon torse, sa main contre ma nuque « Je t’ai manqué ? » Un sourire, un baiser sur son épaule « Pour une fois que j’ai toute la place dans le lit … » La fatigue plane, les rires sont silencieux « T’as cours toute la journée ? » Une grimace passe sur son visage, l'arrière de son crane repose contre ma clavicule. La journée va être longue mais ça en vaut toujours la peine quand on passe du temps avec les gens qu’on aime « J’repasserai ce midi pour récupérer les chiens et les emmener au labo avec moi. » Ses paumes glissent sur mes hanches après s'être retourné, remontent sur mon torse « Ok. » Baiser salé « Tu m’y rejoins quand t’as fini et on va les promener ensemble ? » Le quotidien. Ces moments simples qu'on s'accorde et qui sont nécessaires. Comme les corps qui se cherchent et les âmes s’entremêlent. Dans les soupirs les cœurs battent à l’unisson. C’est ça, la maison. Plus que des murs, plus qu’un toit, c’est toi contre moi, moi contre toi.

Même si le monde est contre nous
Je serai fort près contre toi
Gael Faye ▬ Histoires d’amour

▬ Ω ▬

Londres. In and out. Pas un pied dehors, pas aujourd’hui, pas envie. J’ai encore l’odeur de sa peau contre la mienne, celle du savon, puis du café. Le petit dej avec lui et Mateo avant qu’on parte chacun de notre côté. A la fac, au salon de tatouage, ou ici. Petit appart qui sert de porte d’entrée, magiquement scellé, c’est directement que j’y ai transplané après avoir traversé une partie du globe par Portoloin. Rapidement avant d’aller en cours moi aussi, ça m’arrive encore de jongler avec les fuseaux horaires. Ce que je fous ici ? Je file un coup de main, remet en place quelques sortilèges - pas les plus puissants, bien sûr - répare surtout l’étagère qui se casse la gueule même si elle ne sert que de façade la plupart du temps. Là aussi, une double vie, j’attends le jour où Allan me tombera dessus pour me demander des comptes. Et ce jour-là, je dirai quoi ? Que je suis un putain de Lycan qui peut pas se permettre de passer la nuit sur un bateau quand la lune est pleine. Sans doute pas.

Quand ça frappe à la porte j’ai le cœur qui s’emballe.

L’état d’urgence, voilà ce qui se passe tant dans le corps que l’esprit. Les muscles et les nerfs se tendent, prêts à l’attaque s’il faut se défendre. Les murs deviennent un piège jusqu’à ce qu’on se rappelle avec la Magie dans les veines c’est simple de disparaitre en un éclair. Un instant seulement où le prédateur devient proie, où la proie se fige et menace de se jeter contre les parois dans la recherche désespérée d’une issu. Réflexe ancestral, avant de se souvenir que dans ces veines coule le sang d’un survivant. La raison revient alors, le rythme cardiaque ne ralentit qu’un peu mais il se calme, permet d’être rationnel. Même si les pas sont lents et silencieux ils n’hésitent pas, ce visage que je vois à peine par cet espèce d’œil sur la porte je ne le connais pas. L’information ne vient pas de cette façon-là, je reconnais la fragrance, ça switche dans mon cerveau. Sourire sournois, une pensée rapide vers ma meilleure amie, désormais la connerie dans les veines qui galope presque aussi vite que l’angoisse et la violence. Quand j’ouvre la porte je vois la surprise, perçoit le cœur qui bat, mais il ne se défile pas « Bonjour, je suis désolé de vous déranger, mais est-ce que Sovahnn est là s’il vous plait ? » Vous. T’es sérieux ? « Naveen, enchanté ! » Il a le sourire avenant et dans la main un sac trahissant ses plans. Bonjour, je suis le mec à qui on ne peut rien cacher. Je sais que c’est chiant « 911. » Main tendue, je viens serrer la sienne, sourire qui flotte sur les lèvres « J’commençais à m’demander si t’existais vraiment. » J’aime aussi mettre les gens à l’aise, tu verras « Enzo, un ami. » Plus que ça, mais tu comprendrais pas. Réflexion un peu arrogante, j’sais pas vraiment d’où ça sort. J’suis pas comme ça « Sova n’est pas là non, désolé. » Mais toi qui débarque comme ça, je trouve ça vachement mignon. J’ai envie de me moquer, j’te jure c’est pas contre toi « Je sais pas trop quand elle rentre, tu veux entrer ? » Pourquoi je me méfierai de lui ? Peut-être que je devrai, j'en ai pas envie.

Qui était ce type ? Plus par ce qu’il était curieux de pouvoir en découvrir un peu plus sur la vie de Sovahnn, sur son fameux coloc - ou ses amis. Oui, voilà, curieux, voire même content étaient certainement les mots les plus appropriés, même s’il y avait toujours une forte appréhension. Il n’était pas non plus certain qu’elle ait parlé de lui et ne voulait pas commettre une gaffe… S’il tombait mal alors qu’ils étaient tous occupés à autre chose. Note à lui-même. Les surprises, c’est pas forcément le meilleur truc à faire dans ce genre de circonstances. Trop tard pour reculer de toute manière ; il ne comptait pas fuir comme un voleur en trouvant une excuse bidon, tout comme il ne voulait pas s’imposer. Le tout serait de trouver les bons mots, le juste milieu sans trop se poser de questions. Il fallait juste qu’il soit naturel, généralement le feeling passait bien avec les gens - même avec l’ambassadrice et son mauvais caractère, il ne pouvait pas s’empêcher de croire qu’au fond, elle ne le détestait pas autant qu’elle voulait le faire croire-. Il aurait presque pu dire même Maëve, pourtant elle n’était pas aimable non plus, ils ne s’entendaient pas très bien et c’était peu dire, mais le courant passait quand même un minimum. Tout irait bien.

En tout cas, même si la carrure du jeune homme l’intimidait un peu, il semblait assez avenant et sympathique absolument pas fermé à la discussion. Probablement plus surpris par sa visite inopportune qu’autre chose. Suuurrpprriiisseee ! Naveen avait donc essayé de crée un embryon de conversation, surtout de savoir si Sovahnn était présente. Il aurait certainement pu être un peu plus original, mais il préférait aller droit au but : avoir l’information capitale. « 911. » Il lui tendit la main que Naveen ne tarda pas à serrer, plantant quand même quelques instants sur le surnom… qui était quand même relativement bien trouvé. « Ou 911, également, ça me va. Original en tout cas.» ne put-il s’empêcher de commenter en souriant. Ca va, il ne semblait pas vouloir le passer à la broche ou le dévorer pour protéger son amie/coloc/peut importe le lien qu’ils avaient. « J’commençais à m’demander si t’existais vraiment. » Ah, il aurait peut-être attendre un peu, faire durer le suspens et devenir une légende parmi les amis de la jeune femme. Dommage, il aurait pu tenir quelque chose là. « Enzo, un ami. » Ok, donc pas le coloc. Est-ce qu’il était-là, d’ailleurs ? Là encore c’était plus par curiosité, par envie de découvrir avec qui elle vivait, partageait sa vie et celle de sa fille.  « Sova n’est pas là non, désolé. Je sais pas trop quand elle rentre, tu veux entrer ?» Bon… bon … bon … S’il voulait entrer ? la réponse en son fort intérieur était un oui, comme ça il pourrait continuer la discussion et faire un peu plus connaissance… mais il n’en restait pas moins qu’il ne voulait pas déranger non plus. Naveen lui fit un léger sourire avant de reprendre la parole « Enchanté, Enzo, alors ! J’ai pensé, l’espace d’un instant que tu étais le coloc.» mais non, l’ami… qui était présent sans qu’Elle ne soit là. Bon ceci dit, il était certainement déjà arrivé à Ruben de se retrouver dans son appart sans que lui n’y soit ce n’était pas si étrange que ça. « Pourquoi pas, mais je ne veux pas te… déranger non plus.» Puisque l’autre avait utilisé le « tu », Naveen préféra faire de même. « Bon, par contre… j’avais rapporté à manger, mais j’ai pas pensé prendre pour trois, d’solé.» Il se tut quelques instants, avant d’avoir un nouveau sourire intrigué « Ainsi donc, tu croyais que je n’existais pas ? Mais je note, la prochaine fois, j’essayerai de faire une entrée un peu plus spectaculaire histoire de créer un petit truc en plus.» Bien sûr que non, il ne le prenait pas mal, c’était juste un peu intriguant que quelqu’un puisse penser cela ; tout comme oui, il plaisantait, ce n’était pas vraiment lui de vouloir se faire remarquer. Qu’est-ce que la jolie blonde avait bien pu raconter à son sujet ? Il était un peu intrigué…

« Enchanté, Enzo, alors ! J’ai pensé, l’espace d’un instant que tu étais le coloc. » Le coloc. Pas à temps plein non mais on n’est pas si loin de la réalité. Entrer dans les détails ? Pas envie, j’me dis que Sova le fera si elle le veut. Peut être qu’elle l’a d’ailleurs déjà fait. Est ce que ça me fait tiquer qu’il n’appelle pas Tim par son prénom ? Un peu je crois, mais ça passe comme c’est venu. Sûrement un tic de langage et pas une marque d’irrespect « Pourquoi pas, mais je ne veux pas te… déranger non plus. » Je secoue la tête et m’écarte pour le laisser passer, décidant de prendre ce risque en rejetant ces voies dans ma tête, ces réflexes qui nous poussent à nous méfier de tout et tous. C’est pesant, étouffant, c’est surtout pas comme ça qu’on a envie de vivre et si je dis on c’est parce qu’on a tous développé cet instinct là dans la famille.

Je décide aussi de me faire confiance, me disant que je ne suis pas sans ressource et que mes sens sont en permanence à l’affût. Ça me rend prêt à réagir « Bon, par contre… j’avais rapporté à manger, mais j’ai pas pensé prendre pour trois, d’solé. » Ma langue vient claquer contre mon palais, je referme la porte et croise les bras sur mon torse en secouant la tête « Tu vas pas marquer des points là. » Est ce qu’il va capter que c’est l’humour ? On verra bien mais va falloir que tu t’habitues si tu comptes rester dans le coin « Ainsi donc, tu croyais que je n’existais pas ? Mais je note, la prochaine fois, j’essayerai de faire une entrée un peu plus spectaculaire histoire de créer un petit truc en plus. » Un rire amusé passe mes lèvres dans un souffle, je relâche mes bras qui retombent le long de mes flancs.

Il y a de ça quelques années je l’aurai passé au crible, je le sais, Sovahnn le saurait aussi, mais même si je laisse glisser mon attention en direction de son langage corporel on n’en est plus là aujourd’hui. La confiance je ne l’ai pas en lui – sans offense, on se connaît pas – mais en ma meilleure amie et son jugement. Si elle apprécie ce type alors y a qu’elle que ça regarde mais là encore on sait tous très bien qu’il a plutôt intérêt à pas merder. Aucune raison qu’il le fasse, pas vrai ?

« C’est juste que ça fait un moment que vous vous connaissez et on s’était toujours pas croisés. » Un simple fait, aucun jugement ni de suspicion, je comprends complètement que Sova ait eu besoin de gérer comme elle l’a fait. Je me dis aussi qu’elle a sans doute choisi de laisser faire le hasard, pas le genre à calculer sa vie, alors on y est.
Perché sur un tabouret, les deux pieds ramenés sur l’un des supports, je l’invite à se poser lui aussi s’il en a envie. Il va peut être trouver ça étrange que je me sente aussi à l’aise ici, comme si j’étais chez moi. Ça aussi, faudra qu’il s’y habitue « Mais c’est cool, j’vais pouvoir avoir ta version à toi maintenant. » Le sourire est là, sur le coin des lèvres. Un peu charognard. Comprenez moi, depuis qu’on se connaît elle et moi j’ai jamais vraiment pu la faire chier avec ça. Zach c’était différent, ça l’a toujours été « Vous vous êtes rencontrés comment ? » Une ouverture sur la discussion qu’il choisira d’accepter ou non, des questions je peux en trouver des tas d’autres à commencer par en savoir un peu plus sur qui il est. Qu’importe s’il est amené à rester dans le décor ou pas, pour le moment il y est.

Bon. Première gaffe non ? En même temps, il n’était pas devin, il n’avait pas pu deviné qu’il y aurait une troisième personne, mais il aurait dû prévoir. Il y penserait la prochaine fois au moins. Enzo avait pris une pose sérieuse et pas franchement contente et le secouriste haussa un peu les sourcils, avant d’avoir un léger sourire lorsqu’il avait repris la parole. « Tu vas pas marquer des points là. » il haussa les épaules et lui fit un petit clin d’œil amusé. « La prochaine, je me rattraperai. Dis-moi, on peut t’acheter comment ? Avec de la bouffe ou tu collectionnes peut-être quelque chose ?» Lui aussi il plaisantait bien entendu. Il ne comptait pas acheter qui que ce soit pour bien se faire voir, mais il avait envie de rentrer un peu dans la plaisanterie et puis la réponse de son interlocuteur pouvait être aussi intéressante. Bientôt il avait continué avec cette histoire de « non existence », tout en blaguant encore et toujours.  Et visiblement cet humour-là matchait bien avec son interlocuteur.

Malgré tout, on ne pouvait pas dire que Naveen était des plus à son aise. Il avait l’impression de passer un genre de test – test qu’il pouvait bien comprendre d’ailleurs- et qu’il devait absolument réussir pour avoir l’approbation des amis de Sovahnn.  Et si, pour lui, ça avait quelque chose d’important, il ne voulait pas qu’elle ait l’impression d’avoir le cul entre deux chaises si jamais ça ne collait pas avec ses amis.  « C’est juste que ça fait un moment que vous vous connaissez et on s’était toujours pas croisés. » Plutôt vrai, mais en même temps, il n’avait pas son adresse depuis très longtemps non plus, et comme ils prenaient leur temps… et qu’il avait un emploi du temps pas toujours des plus simples. Des excuses ? Non, pas vraiment, c’était plus la réalité. Ils n’avaient juste pas encore pris le temps de faire rencontrer leurs amis, d’ailleurs Sovahnn avait juste vu Neela plus dans une coïncidence malheureuse qu’autre chose. « Mais c’est cool, j’vais pouvoir avoir ta version à toi maintenant. » Naveen eut un léger rire se demandant comment Sovahnn avait pu décrire leur rencontre. Il devait tenter de ne pas trop romancer la chose comme il avait tendance à le faire avec sa sœur. Choisir les bons termes, voilà qui était important. Et pourtant, sans vraiment s’en rendre compte son regard s’était un peu illuminé en repensant à ce sacré jour. « Vous vous êtes rencontrés comment ? » Et le petit sourire qu’avait ce garçon en disait long, il aimait visiblement bien le cuisiner et à vrai dire cela ne dérangeait pas franchement le secouriste pour l’instant. Il se racla donc la gorge d’une manière exagérée comme s’il allait lui raconter une histoire fantastique. « Pour faire simple, sur une de mes interventions… Elle avait aidé un type qui était tombé dans un trou et en essayant de comprendre la situation exacte, ça a plutôt bien matché entre nous.» Il haussa les épaules, mais avec un petit sourire en coin, quand même. « Je crois que je peux dire sans trop me tromper que du coup c’était une des interventions les plus intéressantes que j’ai pu faire pendant toute cette année… voire même les précédentes.» Naveen laissa passer pendant quelques instants un court silence avant de reprendre « Alors, est-ce que ça coïncide avec ce qu’elle a raconté ? Peut-être que j’aurais dû être un peu plus… rocambolesque dans mon esprit ? Est-ce que je peux recommencer ?» Il était loin d’être un beau parleur, mais au final son interlocuteur avait l’air assez cool alors… il essayait. Quoi il ne savait pas, mais il essayait. Peut-être de lui faire comprendre qu’il était un type « cool » - si on peut se dire ça comme ça- et avec qui Sovahnn pouvait bien rire par moment. Mais il ne mentait pas, il aimait bien déconner, il ne se forçait nullement là-dessus. Probablement, qu’il y avait une part de stress là-dedans, il voulait plaire à Enzo, il voulait rendre à Sovahnn toute la grâce qu’elle contenait, à quel point elle était merveilleuse et qu’il le voyait pertinemment.

« Pour faire simple, sur une de mes interventions… Elle avait aidé un type qui était tombé dans un trou et en essayant de comprendre la situation exacte, ça a plutôt bien matché entre nous. » Moi ce que j’entends, au-delà des mots, c’est surtout ton cœur qui bat. Intrusif, comme toujours, mais indépendant de ma volonté. Tout ce que je peux faire c’est hocher la tête et tenter de retenir mon sourire pour ne pas qu’il pense que je me moque de lui – même si c’est un peu le cas, soyons honnête. Pas méchamment, loin de là, ça serait un peu se foutre du peuple étant donné ma propension à être dingue de mon mec sans chercher à le cacher « Je crois que je peux dire sans trop me tromper que du coup c’était une des interventions les plus intéressantes que j’ai pu faire pendant toute cette année… voire même les précédentes. » Mais en même temps s’il tend le bâton pour se faire battre …

Bien sûr que j’ai entendu cette histoire, tout comme Sovahnn m’a confié ses doutes, ses hésitations, sa propre perception des choses. L’engagement n’a rien de simple pour elle, pour son esprit libre qui n’a pas envie de se poser des barrières ou des limites. La spontanéité comme leit motiv, laisser faire, voir ce que ça donne. Surtout ne pas se prendre la tête. Je le regarde sans jugement, sans supposer de quoi que ce soit, jusqu’ici je ne le connais qu’à travers ses yeux à elle. Ou plutôt ses mots. Et dans le fond ils ne sont pas si nombreux « Alors, est-ce que ça coïncide avec ce qu’elle a raconté ? Peut-être que j’aurais dû être un peu plus… rocambolesque dans mon esprit ? Est-ce que je peux recommencer ? » Rocambolesque. De quel siècle venez-vous Messire ?

Je sais qu’on n’a pas le même âge, qu’il est plus âgé mais je me rends surtout compte que je ne sais pas grand-chose de lui. Pas que ce soit obligatoire, loin de là, mais est ce que l’emploi d’un tel vocabulaire trahit l’appartenance à une famille qui pourrait s’approcher de la mienne ? La Magie en moins. Je crois que je creuse trop loin alors je me contente d’un truc simple et concis « Nope. » Tu ne peux pas recommencer, désolé Dude. Et toujours sur mon visage un sourire qui flotte, les traits détendus, le décalage horaire qui rend ma perception de l’espace-temps un peu abstraite. Ici c’est le soir, chez moi le matin, un rappel mental pour ne pas faire de bourde « Et oui ça correspond. » Je remets les choses en place dans les souvenirs de ce qu’a pu me raconter Sovahnn le jour où elle est intervenue pour aider ce pauvre gars tombé dans un trou.
Je l’ai charrié, évidemment, mais au-delà de ça c’est surtout la tendresse qui s’est manifesté chez moi. Je sais que tout ça n’a rien de facile pour elle, qu’après sa grossesse elle a traversé un passage compliqué et que retrouver une intimité avec quelqu’un a été tout un challenge. L’est encore, d’ailleurs. Et puis Zach, malgré tout. Est-ce qu’il est seulement au courant ? Ça n’est pas à moi de lui en parler. Moi je suis simplement le pote qui s’amuse de la situation sans laisser paraitre l’aspect plus profond, en tout cas pas face à ce type que je vois pour la première fois.

Y a un truc dont je me rends compte aussi c’est que ça me fait bizarre. J’sais pas, je ne saurai pas trop l’expliquer, rien à voir avec de la méfiance envers lui mais je crois que j’ai du mal à imprimer, me faire à l’idée qu’il y a un type dans la vie de Sovahnn. De cette façon-là. C’est pas non plus un retour en arrière merdique vis-à-vis de ma façon pas très équilibrée de gérer mes relations fut un temps, vraiment pas, mais c’est presque comme si … ça ne collait pas. Comme si je m’étais imaginé un monde où elle serait toujours cette nana qu’on enferme pas dans une case y compris celle-ci. C’est moche expliqué comme ça j’en ai conscience, ça porte un regard sur ce lien qui n’est sans doute pas très juste, mais clairement quand je le regarde j’ai du mal à me dire qu’il a intégré sa vie. Peut-être qu’en les voyant interagir ensemble ça serait différent, sûrement même.

« Ça fait longtemps que t’es secouriste ? » Lèvres pincées un instant, mains croisées entre les cuisses, je me dis que tant qu’à être là tous les deux autant en profiter pour se connaitre un peu mieux. Je m’intéresse, glisse un peu dans le bateau c’est vrai, sans trop savoir si la curiosité est réciproque ou non.

Il était vraiment très curieux d’en savoir un peu plus sur ses amis et c’était certainement l’occasion idéale. Si Enzo était là, seul, dans son appartement c’est certainement qu’il était très proche d’elle. Alors, il ne devait pas se merder, il n’avait que trop conscience de ce que la première impression peut donner, que c’est quelque chose de primordial. Il n’aurait pas dû être stressé par cela mais en même temps…  cette relation était importante pour lui et même s’il ne s’entendrait pas forcément avec ses amis, il aurait au moins voulu s’entendre un minimum que Sovahnn ne soit pas mal à l’aise ou le cul entre deux chaises. Pourtant, il essayait de rester naturel, pas besoin de changer quoi que ce soit dans son comportement, déjà par ce que cela ne servirait à rien et ça lui retomberait dessus à un moment ou à un autre, mais surtout pourquoi mentir alors qu’il n’avait rien à cacher – ou du moins ce qu’il avait à cacher était du passé et n’avait rien à voir avec la jeune femme-. Evans avait donc commencé son c’était un vrai bon souvenir, quelque chose de plaisant. Il était loin d’être le meilleur conteur ceci dit mais tant pis, l’essentiel y était quand même. Il tentait même quelques touches d’humour ci et là, même s’il aurait certainement dû un peu s’abstenir, ce n’était pas forcément sa qualité première et il n’avait pas envie de passer pour le gros lourd de service… mais quelque part c’était un peu plus fort que lui. Chassez le naturel et il revient au galop.

Curieux, il avait également voulu savoir si Sovahnn lui avait servi la même version, ou s’il fallait qu’il narre d’une manière un plus feuilleton. « Nope. » Sourire d’Enzo, petit rire de sa part avant qu’il ne pose la main sur son cœur comme s’il l’avait mal pris le non… sauf que son interlocuteur devait bien voir ses yeux plus rieurs qu’autre chose. « Et oui ça correspond. » Bon, c’était déjà ça certainement non ? Elle n’avait pas menti sur leur rencontre, même s’il ne voyait pas bien pourquoi est-ce qu’elle aurait fait quelque chose dans ce genre-là alors qu’il n’y avait rien de honteux dans tout ce qui s’était passé ce jour-là. Au contraire, elle pouvait être fière d’elle, elle avait bin agi, s’était montrée altruiste en aidant un inconnu. A l’heure actuelle, c’était de plus en plus rare. Et des questions à Enzo, il en avait aussi des tas. Avoir des anecdotes sur elle, savoir où est-ce qu’ils s’étaient rencontrés -certainement à l’école ?-. Pouvoir encore mieux la comprendre, et puis en savoir plus sur Enzo aussi pourrait être pas mal ; en tout cas, il avait l’air de quelqu’un de sympa et qui comme la jolie blonde avait l’air de quelqu’un de totalement décontracté et facile à vivre. Le genre de personne que l’on aime côtoyer pour faire la fête, et bien rigoler même si on pouvait malgré tout aborder des sujets sérieux. « Ça fait longtemps que t’es secouriste ? » Outch. La question qui lui donnait toujours l’impression qu’il avait fait un bond dans le temps, il acquiesça doucement avant de répliquer. « J’ai commencé ma formation une fois le diplôme de fin de lycée en poche et je n’ai jamais arrêté . Donc un petit bout de temps. » Silence pendant quelques instants ; « Ca te gêne, si je fais livrer ici un repas supplémentaire de sushis ?» Vu qu’ils seraient visiblement trois et non deux. C’était certainement une demande un peu bizarre, mais il se sentait quand même un peu mal de n’avoir que deux parts et pas trois… et puis c’était une invitation comme une autre à faire un peu plus connaissance. « Et toi ? Pour le boulot, études ou autres ?» Après tout, il ne savait pas grand-chose de lui et préférait comme tout reprendre de zéro, histoire qu’ils en sachent autant l’un sur l’autre . « Ca fait combien de temps que tu la connais Sovahnn ?» Pour savoir s’ils s’étaient bien connus au lycée, avant ou après et quel genre conneries est-ce qu’ils avaient bien pu faire ensemble, pouvoir adapter au mieux ses questions à la réponse de son interlocuteur.

« J’ai commencé ma formation une fois le diplôme de fin de lycée en poche et je n’ai jamais arrêté . Donc un petit bout de temps. » Je sais qu’il est plus âgé qu’elle. De combien je ne sais pas, ou je ne sais plus, pas par manque d’intérêt mais parce que jusqu’ici il était un peu abstrait pour moi – sans vouloir offenser qui que ce soit.
Aujourd’hui je ne sais pas vraiment ce qu’il représente pour Sovahnn mais il est là, elle aussi, ce qu’ils partagent les regarde et dans le fond je suis content de faire sa connaissance. De ce que je perçois de lui il me donne l’impression d’être un mec simple, un gars qui a suffisamment d’égard pour les autres qu’il a choisi une voie altruiste. Professionnelle, en tout cas, mais en principe quand on fait ce choix là c’est plus que ça. Plus qu’un boulot. Ou alors je suis complètement naïf, c’est possible « Ça te gêne, si je fais livrer ici un repas supplémentaire de sushis ? » Et vient le moment où tu ne peux plus ignorer certaines évidences, à commencer par la barrière entre le monde magique et celui dans lequel lui évolue exclusivement. Enfin, c’est ce qu’on pense en tout cas.
Alors je m’en tire comment ? Je lui explique comment que le livreur ne trouvera jamais l’adresse même en cherchant bien ? Je pourrais mitonner, dire qu’ils se plantent à chaque fois et descendre chercher le truc moi-même. Oui, je pourrais toujours faire ça, reste à savoir si j’en ai envie. Faut me comprendre, rien à voir avec lui mais je viens à peine de finir mon petit déjeuner sauf que vu l’heure ici ça non plus je ne peux pas le lui dire. On fait ce qu’on peut pour pas faire cas de ce mur entre les deux mondes, on se persuade qu’il n’existe pas quand on se balade si facilement entre l’un et l’autre, mais dès que le secret entre en ligne de compte c’est plus pareil.

Alors on noie le poisson, comme on peut « C’est gentil. J’vais juste voir avec So’ comment elle veut gérer ça. » Et avec un peu de chance elle me sortira de ce traquenard … Ça va, je plaisante. Enfin oui et non. Rien de personnel. Je dégaine le téléphone et pianote rapidement un message pour la petite blonde, lui continue de me parler « Et toi ? Pour le boulot, études ou autres ? » Ah ! Ah. Ben moi j’étudie et je taffe à Los Angeles, j’y suis en 20 minutes à peine. Yes. J’dis quoi ? Que je vends des tacos au coin de la rue ? « Ça fait combien de temps que tu la connais Sovahnn ? » Là tu m’parles. Là je maitrise « Environ 4 ans, un truc comme ça. On était dans le même internat. » Un discours rôdé, un truc intégré, t’as pas trop le choix quand tu changes d’univers pour passer dans celui où il n’y a aucun sorciers et c’est ce que j’ai fait plusieurs fois déjà. D’abord en Australie, aujourd’hui en Californie.
Les souvenirs affluent, je sens quelque chose de chaud se diffuser à l’intérieur de moi alors que des flashs me reviennent tranquillement. Toutes les conneries qu’on a pu faire ensemble et par Merlin y en a eu un paquet. Quatre ans. Ça passe vite et à la fois pas vraiment, on a surtout le sentiment d’avoir eu plusieurs vies « Dans le bahut t’en avais quelques-uns qui prenaient les escaliers pour des rampes de skate, c’était nous. On avait les mêmes idées de merde pour finir à l’infirmerie. » Bien sûr je ne te dirai pas qu’une des premières cascades qu’on a faite ensemble c’est de sauter d’une fenêtre sans certitude de ne pas s’écraser au sol après une chute interminable tant les bâtiments étaient immenses là-bas. Surtout, qu’on a utilisé des balais magiques pour éviter le crash. Ceci dit, l’atterrissage n’était pas vraiment gracieux.

On a vécu les pires horreurs dans ce bahut et pourtant on est là, capables de se remémorer tout ce qu’on y a vécu de plus beau.

« Et maintenant j’suis en licence de biologie marine. A côté de ça je bosse avec un de mes profs qui gère un labo, ça me permet d’avoir la théorie et la pratique comme ça, au moins sur certains aspects. » Te parler de ma passion pour les requins ? Tu me répondras qu’ils sont plutôt rares dans les eaux du Royaume-Unis et je ne pourrais pas te contredire quand chez moi, en Australie ou en Californie, les espèces sont au moins trois fois plus nombreuses.
Rester vague et espérer être sauvé par le gong, ou par ma meilleure amie qui me répond qu’elle arrive. Qu’elles arrivent.  

« Elle rentre. »

Par réflexe je lève mon téléphone dans sa direction, sans lui montrer les messages évidemment. Pas sûr qu’il apprécie tous les échanges même s’il ne semble pas dénué d’autodérision.

On peut dire que tout ne se passait pas trop mal pour l’instant, cet Enzo avait l’air plutôt sympathique et le courant semblait bien passer avec lui et c’était toujours mieux que rien. Histoire de montrer patte blanche, et qu’il n’ait pas l’impression qu’il sera peut-être de trop si/quand Sovahnn rentrera, Naveen proposa même de commander un autre repas qu’ils puissent tous les trois le partager. C’est ce qui lui semblait le plus simple pour l’instant. Ca ne le serait pas forcément pour tout le monde, mais il essayait de ne pas trop se prendre la tête sur ce genre de détail, il proposait et Enzo lui disait oui ou non, ou proposait autre chose, c’était aussi simple que ça – d’autant plus que tout le monde n’aimait pas les sushis-. « C’est gentil. J’vais juste voir avec So’ comment elle veut gérer ça. » Naveen opina doucement en lui faisant un nouveau sourire. « Ca marche… Et qu’elle ne se sente pas obligée de se presser par ce que j’ai fait mon intéressant en voulant faire une surprise et en arrivant à l’improviste.» Légère grimace amusée, même si quelque part il était un peu gêné à l’idée d’interrompre une journée entre potes. Sovahnn était assez franche pour lui dire qu’il valait mieux qu’il revienne plus tard, il en était certain, sinon il n’aurait probablement pas pris le risque de venir comme ça.

Et tandis qu’Enzo contactait la belle blonde, le secouriste posait enfin des questions à son sujet pour le connaître un peu mieux. « Environ 4 ans, un truc comme ça. On était dans le même internat. » Il opina doucement, il ne doutait pas qu’ils avaient bien dû s’amuser tous les deux vu comment était Sovahnn, et qu’Enzo semblait être un type tout aussi drôle et joyeux – bienveillant-. Evans préféra ne pas reprendre la parole pour le laisser continuer à parler, avec un peu de chance il en apprendrait d’autres choses intéressantes à ses yeux. « Dans le bahut t’en avais quelques-uns qui prenaient les escaliers pour des rampes de skate, c’était nous. On avait les mêmes idées de merde pour finir à l’infirmerie. » Il eut un bref rire « Je ne sais pas pourquoi, ça ne m’étonne même pas le moins du monde, elle a l’air d’être assez casse-coup et c’est le genre de conneries que je la vois tout à fait faire.» il lui fit un sourire avant de continuer « Vous étiez des bouts en train tous les deux, non ? » Il les voyait bien comme des gens appréciés par tous pour ce qu’ils apportaient, mais il préféra se taire sur ce point-là pour l’instant. Il l’évoquerait certainement un peu plus tard, peut-être quand Sovahnn serait arrivée juste pour voir comment est-ce qu’elle réagissait. « Et maintenant j’suis en licence de biologie marine. A côté de ça je bosse avec un de mes profs qui gère un labo, ça me permet d’avoir la théorie et la pratique comme ça, au moins sur certains aspects. » Il écarquilla un peu les yeux, surpris voir impressionné. « Whoaw, ça a l’air super intéressant !» Et il était sincère, il ne disait pas ça pour être poli, et puis, on ne pouvait pas dire qu’on entendait ce genre de discours, de choix de vie tous les jours, alors il était d’autant plus curieux. « Et du coup, ça correspond à quoi exactement, enfin tu fais quoi exactement ? Biologie marine, ça me parle de nom, mais j’ai un peu de mal à voir à quoi ça peut amener pour la suite, tu vois quels métiers ?» C’était très loin d’être son domaine et il était intrigué par tout cela. Il se gratta un peu la joue en se demandant que s’il avait eu l’occasion de faire des études, est-ce qu’il n’aurait pas choisi une voie « originale » comme celle-là ? La question ne s’était jamais posée vu qu’il n’en avait jamais eu vraiment l’occasion. « J’ai toujours préféré la pratique à la théorie personnellement. Je trouve ça beaucoup plus parlant. » Surtout pour lui qui avait du mal à rester le cul sur une chaise à écouter des cours.


« Elle rentre. » il avait levé le téléphone et, à l’idée de la « revoir » alors qu’au final cela ne faisait pas si longtemps que cela s’ils ne s’étaient pas vu, un grand sourire s’était affiché sur son visage sans même qu’il ne s’en rende compte. « Je suis sûre qu’elle sera ravie de voir qu’on ne s’est pas entretués en l’attendant, c’est déjà un bon point !» plaisanta-t-il, plus dans l’idée de dire que le courant entre eux était plutôt bien passé et qu’ils avaient pu discuter sans aucune tension ou autres. Il le savait d’expérience, parfois ce n’était pas toujours le cas, ou alors peut-être que c’était par ce que sa sœur attirait inexorablement certains cas un peu étranges dans sa vie ? Il finit par retrousser un peu le nez avant de dire, plus doucement. « Désolé, expérience un peu vécue… c’était censé être de l’humour mais j’me rends compte que c’était un peu limite et hors-propos. Elle sera là dans combien de temps ? » Oui, cela pouvait faire un peu étrange comme façon de dire les choses, et il ne voulait pas qu’Enzo croit qu’il le prenait pour un sauvage prêt à taper le premier « crush » de Sovahnn. Ce n’était pas du tout dans cette optique-là. Mais tout ceci était vite balayé par l'envie - dévorante- de revoir la jolie blonde de toute manière.

“Devine qui devrait peut être apprendre à faire de la place à quelqu’un dans sa vie ? .. Ouais, c’est gagné : c’est maman ; et ça pourrait déjà être un bon début.”

La réaction est idiote, mais c’est une forme de recul qui est venu la chercher lorsque le message d’Enzo est arrivé. Non pas que Naveen ai débarqué dans l’appartement de Londres, mais sans doute plus qu’il rencontre son meilleur ami. Comme si elle cherchait à le garder à l’écart de sa vie, des gens qu’elle fréquente, de ce cercle devenu un véritable cocon dans lequel il n’est finalement pas si simple de laisser entrer qui que ce soit. Peut être les choses seraient-elles différentes s’il n’y avait pas un contexte tendu en arrière plan. Une impression parfois malvenue que l’ensemble des personnes qu’on croise peuvent s’avérer être un danger inavoué. Ce n’est pourtant pas ainsi que l’ancienne Poufsouffle perçoit le monde, mais peut être ce fait joue-t-il un rôle dans l’impression étrange qui la bouffe à présent. Ou peut être n’est-ce rien qu’une excuse au fait qu’à vivre en huis-clos durant des années, passer à une ouverture sur le monde extérieur n’est pas si simple. C’est injuste, c’est bizarre, c’est hors propos, mais c’est comme ça. Alors la miss fait comme si tout allait bien, que ça n’a rien d’étrange de mélanger ainsi ces deux mondes qui d’ordinaire n’ont pas de raison de se côtoyer. Sans doute un jour faudra-t-il envisager de véritablement les confronter. Ainsi en sortant du magasin, sacs sous la main, Sovahnn songe à Riley qui a toujours su mêler les univers dont elle est issue, puis à Aaron, pour la même raison. Comment aurait-elle géré, elle-même, si elle ne s’était pas pris un camion dans le coin de la tronche des années plus tôt ? Si elle avait tout appris à douze ans, comme elle l’aurait dû ? Si elle avait eu à garder bien des secrets si jeune tout en côtoyant les amis de l’enfance ?

Comment ferait sa fille ?

Bien des questions prêtes à se chevaucher entre elles tandis qu’elle avale les ruelles londoniennes, évite les grandes artères et se cache un instant pour caler du matériel de bricolage - trop encombrant - dans sa sacoche ensorcelée avant de récupérer les sacs de courses et de rentrer chez elle. La petite dans son écharpe de portage, les courses, la sacoche. C’est donc un vrai baudet qui entrer dans la ruelle, passe le pub et les murs de briques peints sur sa droite avant d’entrer dans la petite cour, d’y disparaître dans l’escalier du fond et de passer la porte d’entrée.

“Hey !”

Dans le petit appartement, comme prévu, Naveen et Enzo. Le premier se précipite déjà pour récupérer les sacs - nourriture, bricolage, des trucs et d’autres qu’il est plus simple de choper à Londres - et l’en débarrasser. Dans un remerciement, Sovahnn abandonne donc ses biens, passe une main dans le dos de celui qui ressemble quand même sacrément à un petit ami, lui sourit tandis qu’il se redresse et l’embrasse sans se poser plus de questions que ça. L’instant suivant, la main posée sur le crâne de sa fille, c’est Enzo qu’elle rejoint et enlace. “Tient, prends-la, j’ai plus d’dos..” C’est en défaisant l’écharpe de portage qu’elle confie donc la petite à son parrain avant de s’étirer dans un souffle.

“Alors comme ça vous vous liguez pour dire des horreurs sur moi en douce ?” Trouzième degré. “Oh t’as apporté à manger ! Merci beaucoup !” Des sushis, posés sur la table, et un regard en coin à Enzo à l’idée de le forcer à manger du poisson cru à cette heure-là. Elle en aurait eu un pour Tim, aussi, s’il avait été dans le coin. Le pro pour en rapporter, habitude intégrée depuis longtemps dans leur quotidien. Un regard en coin, aussi, à la pensée qu’il n’y a dans cet appartement qu’un lit ainsi qu’un clic-clac. Un jour, sans doute, Naveen finirait par se poser bien des questions. Une idée qui l’amusait autant qu’elle l’inquiétait un peu. “Vous parliez d’quoi ?” Ajoute-t-elle tout en rejoignant Naveen qui ne sait sans doute que foutre de ces sacs prenant toute la place dans l’appartement.

« Whoaw, ça a l’air super intéressant ! » Une réaction sincère de sa part et un poil de fierté de mon côté. Je reviens de loin, je ne sais pas vraiment où je vais mais je fonce.
Des échecs il y en a eu, il y en aura peut-être encore. Des détours, des doutes, des frustrations mais je n’ai pas de quoi rougir de mon parcours et ce qu’importe la trajectoire qu’il prendra. Alors oui, ça fait plaisir de voir dans le regard de ce type qu’il est un peu impressionné « Et du coup, ça correspond à quoi exactement, enfin tu fais quoi exactement ? Biologie marine, ça me parle de nom, mais j’ai un peu de mal à voir à quoi ça peut amener pour la suite, tu vois quels métiers ? J’ai toujours préféré la pratique à la théorie personnellement. Je trouve ça beaucoup plus parlant. » Bonne question. J’ai le chemin, pas encore tout à fait la finalité. Comment lui décrire ce que je fais sans lâcher que ma vie est à l’autre bout du monde, dans un climat complètement différent, mais que je peux être ici en un quart d’heure si l’envie me prend.

Compliqué mais pas infaisable « Globalement c’est beaucoup de taf en labo, de l’échantillonnage, des créations de répertoires, de l’analyse de données … Mais on a aussi des missions en mer pour étudier directement les espèces dans leur environnement naturel ou faire un recensement, etc. Clairement c’est ce que j’aime le plus. » Ce que j’ai vécu en septembre avec le reste de l’équipe était incroyable, bien au-delà de ce que j’aurai pu imaginer. Même si je m’efforce de m’investir tant en cours qu’au labo je n’aspire qu’à une chose : Repartir. Retourner passer l’entièreté de mes journées sur ou sous l’eau à la rencontre de toutes les créatures qui peuplent l’océan « Y a une partie pédagogie aussi mais ça j’y ai pas encore touché pour le moment. » Pas dans le cadre de mon taf et de mes études en tout cas mais ça va venir et même si j’appréhende un peu de me retrouver devant un public je sais que ça ira.
Rien à voir avec de la prétention, je suis simplement en phase avec qui je suis et mes capacités, mes connaissances, la façon dont j’arrive à les transmettre aussi « Et pour l’instant je sais pas distinctement ce que je veux en faire. J’pourrais à terme devenir chercheur, prof, … » Comme Will « Ou activiste extrémiste pour protéger les océans. On n’est pas à l’abri de ça. » Le rire que je lâche est franc, il fait vibrer ma cage thoracique et secoue mes épaules. Clairement, me connaissant, la voie la plus « sauvage » semble plus évidente que celle académique mais pour le moment j’aime allier les deux. Ma démarche est claire dans mon esprit : Prendre tout ce que je peux prendre pour avoir une légitimité évidente quand il s’agira de faire une différence dans ce combat qui me tient à cœur.

Et je me rends compte à quel point ça fait du bien d’en parler, d’être branché sur ce quotidien-là plutôt que de ruminer ce qui se passe côté magique.

« Je suis sûre qu’elle sera ravie de voir qu’on ne s’est pas entretués en l’attendant, c’est déjà un bon point ! » Sovahnn. En chemin pour nous retrouver. Lui il a le sourire plus large que son visage et le cœur qui bat comme celui d’un amoureux transit – j’le sais, le mien bat de la même façon « Désolé, expérience un peu vécue… c’était censé être de l’humour mais j’me rends compte que c’était un peu limite et hors-propos. Elle sera là dans combien de temps ? » Pas de gêne, ça sort spontanément et avec le sourire « T’inquiète. Si ça peut te consoler mon copain et mon frère se sont tapés sur la gueule la première fois qu’ils se sont officiellement rencontrés. » Et si j’en suis détaché aujourd’hui, presque à le prendre avec un sourire plus d’un an après, ça n’est pour autant pas un bon souvenir.
Est-ce qu’il a vécu quelque chose de similaire ? Tout ce que je sais c’est que jamais j’irai me mêler de la vie de ma meilleure amie à moins qu’elle soit face à une pourriture et qu’elle ne parvienne plus à s’en extirper elle-même. Ici, face à Naveen, je me dis à l’instinct que je suis face à un mec bien mais l’avenir nous le dira « Sans vouloir anticiper j’pense qu’on est bien parti pour pas faire pire en tout cas. » Sourire tranquille sur le coin des lèvres, pas de réaction visible quand je perçois le bruit à l’extérieur annonçant l’arrivée imminente de la demoiselle censée vivre ici.

La porte s’ouvre, elle est chargée comme une mule « Hey ! » Des sacs dans les mains, sur le dos, la petite en écharpe contre elle. Ce qui se passe ensuite me surprend, me provoque un truc étrange, simplement parce que je réalise n’avoir jamais vu Sovahnn dans cette configuration-là. Naveen est déjà près d’elle, la délestant des sacs qu’elle porte – Moi j’ai pas bougé, je suis un mufle. Un merci, un baiser, une main passée dans le dos, c’est comme si je découvrais que ma meilleure amie est une femme et qu’elle aussi a une vie sentimentale. Pas de méprise, aucun jugement de ma part et évidemment que je sais qu’elle est une femme – no shit – mais notre lien est tellement fort et presque fraternel que ça me claque à la conscience sans prévenir. Peut-être aussi que dans le fond je la connais assez pour savoir qu’elle-même doit être surprise de cette situation.
Ces pensées-là s’évaporent comme elles sont venues quand elle vient jusqu’à moi et m’enlace. Une étreinte que je lui rends en posant un baiser sur sa joue avant de tendre les mains et les avant-bras pour récupérer Liya « Tient, prends-la, j’ai plus d’dos.. » L’écharpe de portage est défaite dans des gestes désormais assimilées, comme souvent le monde disparait l’espace de quelques secondes alors que je me connecte à ma filleule et réciproquement. Un sourire, des mimiques, ses petits doigts déjà à l’assaut de mon visage ou de mes vêtements « Alors comme ça vous vous liguez pour dire des horreurs sur moi en douce ? » Pas un regard, le coin de mes lèvres s’étire sournoisement « Quoi d’autre ? » Mais le vent ne tarde jamais à tourner « Oh t’as apporté à manger ! Merci beaucoup ! » Parce que je le vois son regard en coin et le message subliminal qui l’accompagne. Je mange de la viande crue une nuit par mois, avaler du poisson cru alors que je viens plus ou moins de me lever ne me fait pas peur. En revanche j’en ai pas du tout envie !

« Vous parliez d’quoi ? » Tacle pour le nouveau dans un, deux, trois … « Du fait que toi et moi sommes des boute-en-train. » Bienvenue dans un monde où jamais rien ne passe au travers. Regard un peu moqueur – gentiment – vers Naveen, je le vanne ouvertement avec ses propres mots.

Est-ce qu’il ne posait pas trop de questions ? Possible, mais il était curieux, et comme le sujet ne lui parlait pas trop, il avait envie d’en savoir un peu plus – pour au moins se coucher moins bête-. C’était rare d’entendre ce genre d’études, alors il comptait bien en savoir un peu plus si Enzo voulait bien lui donner des explications. Le secouriste pourrait bien comprendre s’il avait juste envie de couper de ses cours et de ne pas trop lui répondre. « Globalement c’est beaucoup de taf en labo, de l’échantillonnage, des créations de répertoires, de l’analyse de données … Mais on a aussi des missions en mer pour étudier directement les espèces dans leur environnement naturel ou faire un recensement, etc. Clairement c’est ce que j’aime le plus. » Le premier point ne lui parlait pas beaucoup, c’était certain un peu trop un taff de « bureau » pour son cerveau, même s’il comprenait l’utilité. Il fallait bien étudier et analyser les données si on voulait faire avancer certaines choses, si on voulait donner des conclusions sur X ou Y sujet. Le deuxième point, lui donnait déjà beaucoup plus envie, il acquiesça doucement. « Je peux comprendre, j’suis clairement pas fait pour rester derrière un bureau alors je ne peux qu’être d’accord avec toi.» Pas besoin de développer plus, mais étudier tout cela à l’air libre, devait être franchement intéressant. « Y a une partie pédagogie aussi mais ça j’y ai pas encore touché pour le moment. » Cette fois, Naveen opina doucement du chef pour montrer qu’il avait bien noter l’information ; pas besoin d’en dire plus pour l’instant. Une chose était certaine, cela devait être passionnant dans la vie de tous les jours du moins lorsqu’on était sur le terrain, et surtout c’était quelque chose d’utile. « Et pour l’instant je sais pas distinctement ce que je veux en faire. J’pourrais à terme devenir chercheur, prof, … Ou activiste extrémiste pour protéger les océans. On n’est pas à l’abri de ça. » Si Enzo riait franchement, lui en eut qu’un léger, même s’il était amusé par les dires de l’étudiant et qu’il pouvait comprendre que l’on veuille protéger les Océans. Le terme activiste extrémiste, l’avait fait buggué l’espace d’un instant, comme s’il se revoyait quelques mois auparavant chez les Inquisiteurs. Heureusement, tout cela était terminé et il était à présent beaucoup plus serein, même si les regrets et remords étaient toujours là. Il était beaucoup trop tard pour revenir en arrière. « Je suis certain que tu ferais un super porte-parole… ou quelque chose du genre. Tu sais plutôt bien parler, et tu sembles passionné, ce sont de bons atouts, non ? » sans compter que sa stature calmerait plus facilement certains esprits… On avait pas forcément envie de l’énerver.

Le sujet avait bientôt dérivé sur Sovahnn, et il ne put s’empêcher de plaisanter sur le fait que la belle blonde serait certainement ravie de voir que la rencontre s’était plutôt bien passée. Bon, ceci dit a blague n’était pas des plus drôles, mais heureusement Enzo semblait être assez sur la même longueur d’onde que lui à cet instant-là. « T’inquiète. Si ça peut te consoler mon copain et mon frère se sont tapés sur la gueule la première fois qu’ils se sont officiellement rencontrés. » Naveen eut à son tour un léger sourire amusé, vu le ton avec lequel Enzo présentait cela, il sentait que l’amertume ou autre était largement passée. « Sans vouloir anticiper j’pense qu’on est bien parti pour pas faire pire en tout cas. » Cette fois Evans eut un petit rire amusé. « Ouais, ça me semble effectivement difficile, c’est pas moi qui vais m’en plaindre ceci-dit.» Par ce qu’il n’avait pas envie de se battre avec le meilleur ami de Sovahnn. Par ce qu’il voulait juste qu’elle soit heureuse et pas qu’elle ait le cul coincé entre deux chaises, même s’ils étaient tous adultes, il y a des situations qui n’étaient quand même pas évidente.

La porte s’était enfin ouverte pour laisser place à une Sova avec sa fille. Réflexe automatique chez lui, il était allé Sovahnn des sacs qu’elle portait et le simple sourire qu’elle lui fit suffit à embraser l’espace de quelques instants son cerveau. Bordel, que ça rend con, il avait l’impression de se retrouver quinze ou vingt ans plus tôt, lors de ses premiers émois amoureux et, un peu plus tard avec Callie. Cela faisait bien longtemps qu’une femme n’avait pas fait battre son cœur comme ça – un vrai adolescent, si Ruben savait ça il se foutrait de sa gueule pendant dix ans-. Le pire c’était certainement qu’il avait affiché, encore plus grand lorsqu’elle était arrivée. Il la regarda laisser sa fille à Enzo, et essaya de ne pas penser à la sienne – celle qui n’était plus-, mais le pincement au cœur restait quand même là. Le sentiment d’injustice, d’impuissance du père qui n’avait rien pu faire pour sa gamine qui était juste mal-née. Malgré tout, il arrivait à garder son sourire, la petite était si adorable…. « Alors comme ça vous vous liguez pour dire des horreurs sur moi en douce ? » Il eut un léger rire amusé, il aurait bien fait un sourire un peu mystérieux, mais ce n’était pas trop son fort, du moins dans ces circonstances. « Quoi d’autre ? » Ouais quoi d’autres. « Visiblement nos auréoles ont disparu… Oops ?» rajouta-t-il. « Oh t’as apporté à manger ! Merci beaucoup ! » Cette fois, il retroussa un peu le nez, gêné, qu’il n’y ait que deux parts, ne se doutant pas de ce qui se passait entre les deux amis. « Ouais, je proposais de commander une troisième part…» Par ce que bon, là, ça ne le faisait pas du tout à ses yeux et il ne voulait pas qu’Enzo se sente mis à la porte de ce qui était certainement une seconde maison. Le fait qu’il y soit laissé seul, qu’il semble comme chez lui montrait bien ça… Neela ou lui-même, faisait la même chose l’un chez l’autre. « Vous parliez d’quoi ? » Alors qu’il allait plus répondre de « tout et de rien » juste pour la faire mariner un peu Enzo avait choisi une toute autre approche « Du fait que toi et moi sommes des boute-en-train. » Ah ! AAHHH ! bah visiblement, c’est lui qui prenait. Naveen eut quand même un petit rire. « Tout à fait, c’est exactement le terme que j’ai utilisé.» Ca va, il aurait pu faire pire… largement pire. « J’espérais avoir quelques petites anecdotes croustillantes de vos études au pensionnat tout ça tout ça.» il dédia à Sovahnn son sourire le plus charmant, avant de rajouter « Juste que je sache si j’étais pire ou pas.» Probablement pas, il était loin d’être calme, mais il évitait les conneries, les grosses du moins. Jusqu’à ses ans, parce que la menace paternelle lui faisait bien plus peur qu’autre chose, et après, par ce qu’il essayait tant bien que mal d’aider sa mère ç subvenir aux besoins de la famille – du moins d’elle, Neela et lui-. « Vendez-moi du rêve… Bon en fait j’aurais plus du prendre des chips ou des pop-corns du coup.» histoire de grignoter un truc comme si on était au cinéma.

Ça fait étrange hein ? Si, ça fait bizarre, je suis sûre de ne pas être la seule à le penser. Je suis sûre que tu te le dis toi là-bas avec ton regard en coin et ces secrets qu’on partage sans y paraître. J’ai l’impression que deux mondes s’affrontent, qu’il y a quelque chose d’un peu délicat à avoir Naveen ici. A ce qu’il rencontre ma fille. A ce qu’il parle à Enzo. C’est bizarre, parce que ça rend les choses concrètes ; alors je noie ça par des gestes familiers avec le premier… un peu moins avec le second. Franchement moins, en vérité. C’est moi qui bloque hein, je le sais. Parce que j’peux pas m’empêcher de prêter attention à ces regards qu’il pose sur Liya, à la douleur qu’il y a derrière et que je devine sans mal parce que… parce que ça me fera mal aussi, si tu cherches à te rapprocher d’elle. Alors dans le fond j’arrive pas à me sortir de cette idée que… qu’on cherche à compenser un truc toi et moi et que c’est pas sain. Ou alors c’est juste moi qui projette des trucs exactement comme on a dit à Takuma de pas le faire. Je voudrais juste… juste vivre des trucs avec un mec qui me plaît sans y placarder les conséquences d’une guerre qui ne devrait pas être la mienne. Qui est sûrement pas la sienne, surtout. Et parmi les conséquences, ya ce truc. Ce truc qui fait que tu sais rien de moi, tu sais rien du mec avec qui tu parles et qui constitue pour moi un pilier dont t’as pas idée.
D’ailleurs ça tu vois, ça fait partie des trucs ridicules dans ma logique absurde. Liya passe de bras en bras, j’ai des amis qui débarquent et se comportent avec elle comme s’ils faisaient partie de sa famille et c’est le cas. Ça sera jamais pareil qu’avec Enzo ou Layla bien sûr, mais j’ai ma ribambelle de baby-sitters qui gèrent bien souvent sans même que je leur demande, parce qu’ils ont compris que s’il faut tout un village pour élever un enfant, moi j’ai besoin de mon petit patelin de copains prêts à donner un coup de main. Ça vient de plus en plus, la capacité à la perdre de vue sans m’inquiéter. Ça a commencé par Will et Zo, sans grand étonnement. Chez Isma aussi, c’est la même. Les Dissemba, de même. Puis chez moi, avec les copains. Ça grince toujours par moment mais globalement je gère mieux… sauf que si j’te fais rentrer dans l’équation… bah là ça colle pas. Parce que t’es pas intégré à ce cercle-là. T’es pas celui qui est lié à notre passé, à cette confiance qu’on s’accorde tant par la force des choses que par un truc profond que je saurais pas décrire. Et ça… je sais pas si c’est pas juste, mais c’est là, et j’arrive pas à vraiment le dépasser. Ça revient souvent d’ailleurs, mais je me demande toujours comment Riley et Aaron font pour passer sans cesse d’un monde à l’autre tant moi, en fait, je galère. Peut-être parce que chez les Lockwood, j’me prend un mur plus que frontal qui me ramène à un univers purement moldu dans lequel tout me semble ironiquement artificiel. Et quelque part t’en fais parti, de ce monde-là. Alors peut être qu’il faudra que je passe des caps que j’imaginais pas passer. Que je te mette dans la confidence. Que j’envisage de faire ce que des tas de couples mixtes ont fait avant moi.

Et ça tu vois c’est une sacrée merde.

Conclusion je ne sais pas ce que je fous, mais j’le fais. C’est trop demander, hein, de juste être humains et de ne pas porter le poids de nos traumas ? Juste un peu. Allez, on fait genre que ça ne compte pas. On fait genre que les gens, eux, comptent. On me laisse le découvrir lui, sans tout ce qu’il a vécu.

« Quoi d’autre ? »   Je lui envoie un regard en coin histoire de le charrier, mais c’est qu’il ne me regarde pas le p’tit con, il n’a d’yeux que pour la plus belle. Traitre !

Alors je me marre, parce qu’Enzo rend ces choses là plus faciles. Parce qu’ensembles on a pris cette habitude de la résilience et qu’elle s’est acquise, presque malgré nous, cette capacité à imposer les règles et à dégager nos démons hors de la maison le temps d’y exister un peu.

« Du fait que toi et moi sommes des boute-en-train. »

Comme si je l’attendais sans même avoir été là, je me marre à voir Naveen encaisser le tacle avec le sourire. Elle me plaît bien cette ambiance. Elle intègre ce petit quelque chose d’un monde à l’autre et amorce une intégration que j’étais peut être pas prête à faire toute seule.

« Tout à fait, c’est exactement le terme que j’ai utilisé. J’espérais avoir quelques petites anecdotes croustillantes de vos études au pensionnat tout ça tout ça.» Des annecdotes sans magie donc. Fichtrebleu. Moule-à-gaufre. “Quelles annecdotes ?! On était sages comme des images !” que j’ajoute, pendant qu’il réponds lui même : « Juste que je sache si j’étais pire ou pas.»   ce à quoi, quelques courses balancées dans les placards, je ne réponds que par une gueule d’innocente parfaite. Sans doute exactement la même que celle qu’Enzo arbore là tout de suite.
« Vendez-moi du rêve… Bon en fait j’aurais plus du prendre des chips ou des pop-corns du coup.»  
“Des anges j’te dis ! Cela dit il me semble que c’est arrivé tu saiiis, à Paul et Bertha - d’où viennent ces noms, j’en ai aucune idée. - de se servir de leurs skates pour se balader dans .. L’internat et de descendre trois étages d’un coup.. Mais c’est pas nous ! Ça c’est certainement pas nous !” Avec un regard en coin, je chope l’expression qui se peint discrètement sur les traits de mon meilleur ami que je pointe immédiatement du doigt, un pinceau à la main - les outils achetés à Londres - en m’exclamant largement : “Aaaaaaaaaaaah je savais que c’était ça que t’avais raconté !!” L’air à la fois aussi fière qu’une môme et aussi accusatrice qu’un.. Que… Stoneheaven ! Personne n’y croit. Encore moins si j’utilise ce nom. Alors le pinceau tourne un instant entre mes doigts avant de rejoindre le bord du plan de travail. “Bouter des culs est ma passion ; surtout le sien !” Démerdez vous pour savoir duquel je parle, l’interprétation est très différente selon les versions.
“Ya l’option se démerder pour s’enfermer dans le bureau d’un CPE parce que HEY pourquoi pas, parmi les anecdotes notables.”
CPE, ouais, le mot est revenu de loin croyez-moi.

Et pendant que je parle, un champignon sort de mon sac. Un horglup, plus précisément, ou quelque chose du genre. Un truc droit sorti de chez Takuma. Le genre de champignon qu’on ne trouve que dans le monde magique pour la simple raison que le machin se tortille et bouge comme s’il s’agissait d’une sangsue sous coke. Alors tout en continuant à raconter mes conneries, je chope le regard d’Enzo et redescend les yeux vers le sol pour qu’il voit le machin qui rampe et sautille à ses pieds.

Ça sera bien pour les rougeurs dans le cou de la petite qu’a dit Takuma. Je vais tuer Takuma.

“Et l’incendie du sapin à Noël, j’te l’ai racontée celle-là ?!” j’enchaîne, en abandonnant mon rangement pour passer devant Naveen et boucher son champ de vision. Mon pied part sur le côté, touche un truc gluant qui s’échappe pourtant. “Mais ça c’était avec un autre pote !” ça s’embrouille dans ma tête, mais on s’en fout c’est pas les détails qui comptent, c’est qu’il m’observe dans les yeux et ne voit rien d’autre. Alors j’me rapproche, je chope son regard, j’espère que le mien et ma proximité suffiront à laisser un minimum de champ libre à mon meilleur ami censé se démerder avec sa filleul dans les bras et un machin violet qui se balade dans ses pieds derrière le canapé.
Un jour normal, donc.

« Tout à fait, c’est exactement le terme que j’ai utilisé. J’espérais avoir quelques petites anecdotes croustillantes de vos études au pensionnat tout ça tout ça. »
« Quelles annecdotes ?! On était sages comme des images ! »
« Juste que je sache si j’étais pire ou pas. »  

Ça mon ami, j’en doute.
Sans offense.
Et une question se pointe : Est-ce qu’il sait comment on a fait connaissance toi et moi ?

Est-ce que mon accent le fait tiquer ? Le fait que je sois bronzé alors que le soleil n’a pas percé ici depuis 43 semaines ? Oui, j’exagère. Des réponses toutes faites j’en ai c’est pas le problème mais ces questions-là me passent par la tête.

« Vendez-moi du rêve… Bon en fait j’aurais plus du prendre des chips ou des pop-corns du coup. »  
« Des anges j’te dis ! Cela dit il me semble que c’est arrivé tu saiiis, à Paul et Bertha ... »

T’es sérieuse ? Paul et Bertha ? T’aurais au moins pu nous trouver des prénoms stylés merde !

« … de se servir de leurs skates pour se balader dans .. L’internat et de descendre trois étages d’un coup.. Mais c’est pas nous ! Ça c’est certainement pas nous ! »

Et mon sourire de s’étirer sur le coin de mes lèvres, presque sournoisement, alors que son index ou plutôt le pinceau qu’elle tient se braque vers moi.

« Aaaaaaaaaaaah je savais que c’était ça que t’avais raconté !! »

Évidemment.

J’sais pas pourquoi c’est qui ressort le plus instinctivement, sans doute parce que c’est tout terrain comme connerie et que ça évite d’avoir à trouver des subterfuges pour effacer le côté magique de chaque anecdote. Parce que c’est impossible de lui balancer qu’on s’est jeté par la fenêtre d’un des étages du château le plus haut d’Écosse – Où qu’importe son emplacement exact.

« Bouter des culs est ma passion ; surtout le sien ! »

Un sourcil arqué, un regard vers Naveen puis vers Sovahnn, pour finalement retrouver celui de Liya qui s’énerve contre les lanières de mon sweat. Pas besoin de leur acheter des jouets hors de prix, suffit d’un truc qui pendouille et c’est parti, y compris les cheveux pour ceux qui les ont longs. Suivez mon regard.

« Ya l’option se démerder pour s’enfermer dans le bureau d’un CPE parce que HEY pourquoi pas, parmi les anecdotes notables. »

CPE. Je ne saurai même pas dire ce que ça signifie exactement même si j’en capte les grandes lignes, avoir rejoint un cursus Non-Magique aide dans le processus quoi qu’il arrive. Je me dis surtout que Sova n’en a pas connu non plus en réalité et je réalise à quel point on a développé des talents de caméléons par la force des choses. Pour elle c’est du double challenge, viendra peut-être le moment où elle devra avouer la vérité à Naveen.
Et comme s’il n’y avait pas suffisamment de difficulté de base à essayer de noyer le poisson je suis son regard pour constater qu’à mes pieds se balade un Horglup. Mes yeux se fige et je déglutis, tente de garder la maitrise de mes réactions tout en lui faisant comprendre d’un regard que c’est bon, j’ai vu, et que même si j’adore sa fille là tout de suite elle me pose problème. Ça ferait tâche de faire léviter un bébé, n’est-ce pas ? Ne soyez pas naïf si vous pensez que ça n’est jamais arrivé … Mais c’est simplement pas le moment et ce truc gélatineux tente une évasion pendant que ma meilleure amie se lance dans une diversion « Et l’incendie du sapin à Noël, j’te l’ai racontée celle-là ?! » Voilà, très bien ça, fais-nous passer pour des délinquants. De quoi elle parle ? Mes neurones sont trop accaparés par la gestion de crise pour se concentrer sur des souvenirs et alors qu’elle capte l’attention de Mister 911 je descends de mon perchoir. Liya dans le bras gauche, les genoux fléchis l’espace d’une seconde, j’attrape la petite créature de la main droite et bien évidemment elle me glisse entre les doigts pour aller se planquer sous le canapé « Mais ça c’était avec un autre pote ! » Moi, ce dont je me souviens de cette nuit-là c’est le mal être qui me collait à la peau et ma main qui a attrapé celle de Jill pour l’éloigner du brasier alors même qu’on ne se parlait plus. Ça me semble si loin, une autre vie, presque irréelle. L’impression que ce gamin paumé et en colère ça n’était pas moi, ça ne peut pas l’être, plus maintenant que je connais celui que je suis aujourd’hui « Ouais, j’fous pas l’feu aux arbres moi. » Dit-il la hanche appuyée contre le dossier du canapé et la baguette planquée dans le dos le temps de balancer en silence un sortilège pour immobiliser la petite créature.

T’as raison, tu fous le feu à la Grande Salle toi c’est mieux.

Parfaite diversion de Liya qui se met à babiller à ce moment-là en tendant les bras vers sa mère alors que je glisse ma baguette dans la poche arrière de mon jean avant de trouver un créneau pour la re-planquer magiquement dans ma manche.

Et … Je ne sais pas quoi foutre de moi.

Troisième roue du carrosse, pas 100% à l’aise, heureux de faire sa connaissance oui mais peut-être pas de là à les regarder manger leurs sushis dans un environnement qui commence à devenir trop étroit pour nous quatre. Surtout qu’on n’est pas à l’abri de voir débarquer Tim ou Takuma …

« On n’a pas fait QUE des conneries. Et puis d’ailleurs ça me semble un peu subjectif comme jugement. » Vous ne comprenez pas cette phrase ? C’est normal, moi non plus. Connerie, pas connerie, qui a la légitimité de classifier ? J’ai l’idée mais l’exprimer ça ne fonctionne pas alors je décide de m’en foutre et d’enchainer « Mais on a vécu pleins de trucs cool ça c’est une certitude et si tu fais lui fais du mal … » Je suis là, de toute ma hauteur et toujours Liya dans les bras, un sourcil arqué et m’amusant un peu trop de la situation « … Elle te pètera les genoux elle-même parce qu’elle a besoin de personne pour ça. » Large sourire pour l’un, je lâche un éclat de rire en croisant le regard de l’autre aka Miss-Belle-Au-Bois-Qui-Dort. Tout ça en gardant sa fille contre moi comme bouclier, bien sûr.

Il faut bien avouer, qu’il ne savait plus trop quoi poser comme questions et il avait bien envie de profiter de la présence d’Enzo pour essayer d’en savoir un peu plus sur les bêtises de la jolie blonde. Plus par curiosité qu’autre chose, il n’allait quand même pas juger les conneries que l’on pouvait faire adolescent. Il aimait bien entendre ce genre d’anecdote et vu comme les deux semblaient proches, ils devaient en avoir un paquet de rigolote à raconter !

« Des anges j’te dis ! Cela dit il me semble que c’est arrivé tu saiiis, à Paul et Bertha ... » Paul et Bertha ? « … de se servir de leurs skates pour se balader dans .. L’internat et de descendre trois étages d’un coup.. Mais c’est pas nous ! Ça c’est certainement pas nous ! »

Ah oui, eux donc. Le skate dans l’internat ? Tiens donc, il haussa un sourcil plus amusé qu’autre chose. On ne pouvait pas dire qu’il se sentait choqué, au contraire, c’était plutôt drôle, le genre de truc qu’il aurait pu faire. Ca restait dangereux mais au fond c’était inoffensif. Il n’osait plus trop intervenir, préférant laisser les deux amis se chamailler, avoir leurs interactions habituelles. Une chose était sûre avec ce type, Sovahnn était bien entourée.

]« Bouter des culs est ma passion ; surtout le sien ! »
« J’espère pour toi qu’elle ne met pas trop souvent des talons.» ne put-il s’empêcher de répliquer à Enzo en rigolant légèrement. Et pendant ce temps-là la petite s’énervait sur une lanière que portai Enzo.

« Ya l’option se démerder pour s’enfermer dans le bureau d’un CPE parce que HEY pourquoi pas, parmi les anecdotes notables. »

Il planta un instant son regard perplexe dans celui de Sovahnn, pas certain de bien comprendre pourquoi elle s’était enfermée là-bas. Un Pari ? Une erreur ? Quelque chose qu’il n’avait pas saisi ? Peu importait au final, elle avait l’air de s’être éclatée et c’était probablement le principal. Et soudain, elle avait interrompu ce qu’elle faisait pour lui parler de l’incendie du sapin de Noël ? Elle était là, vraiment de lui, essayant de chopper son regard ce qu’elle réussit à faire sans souci. « Un classique.» c’était quand même quelque chose qui restai assez fréquent, et il avait réussi à tenir sa langue sur la question suivante, voulant en réalité lui demander si c’était les guirlandes qui avaient pris feu ou si elle avait voulu tester quelque chose avec des bougies – ou autres-. Non. Naveen. On ne demande pas plus de détails, on se contente de s’amuser. « Le principal c’est que vous n’ayez rien eu !» possiblement aussi de ne pas avoir mis le feu à la batisse où ils étaient mais c’était vraiment secondaire. « Ouais, j’fous pas l’feu aux arbres moi. » Naveen lui fit un grand sourire avant de rajouter. « Ah bah voilà quelqu’un de sage et raisonnable. Mais j’ai noté Sovahnn, pas de sapin, c’est dangereux. Ceci dit, c’est pas chez moi qu’il y en aurait… mon chat ne les aime pas spécialement.» Bon, en réalité c’était plus une problématique avec la fête elle-même… mais il est vrai que son chat s’attaquait aux sapins. Et est-ce qu’il était capable de lui offrir un sapin miniature avec un petit extincteur ? Oui.

« On n’a pas fait QUE des conneries. Et puis d’ailleurs ça me semble un peu subjectif comme jugement. » Humhum. Il n’était pas certain d’avoir tout tout compris, mais il était plutôt d’accord avec le fait qu’ils n’avaient pas dû faire que des conneries, mais en même temps, c’était ce qui était le plus drôle, non ? Raconter la vie de tous les jours c’était sympa aussi mais on ne pouvait pas autant en rire. « Mais on a vécu pleins de trucs cool ça c’est une certitude et si tu fais lui fais du mal … » Il retroussa un peu le nez, ne sachant pas trop comment le prendre. Plaisanterie ou réel avertissement ? « … Elle te pètera les genoux elle-même parce qu’elle a besoin de personne pour ça. »

Il se détendit vite en voyant que quelque part, même s’il devait il y avoir un vrai fond de vérité, ça restait de la plaisanterie. Mais il ne se leurrait, s’il lui faisait du mal – pourquoi le ferait-il ?- par ce que c’était des choses qui arrivaient, elle lui pèterait les genoux mais qu’est-ce que ferait Enzo. Il lui fit un sourire avant se souffler dans un faux air blasé alors qu’il était un peu amusé « C’est vrai que ça a plus de gueule quand Enzo dit ça, que quand ma sœur sort la même phrase. Pas le même impact.» pourtant, il ne voulait pas voir une Neela énervée contre lui. Sa Princesse serait une véritable diablesse prête à tellement de choses. Il préférait en plaisanter, il savait mieux que personne qu’on ne savait pas de quoi l’avenir était fait, et… que parfois on blessait les gens sans même le vouloir, ou par ce que l’on changeait, qu’on était plus sur la même longueur d’onde. Aucune promesse de ne jamais lui faire de mal, de ne jamais la blesser. «Merci pour l’avertissement» Ne put-il s’empêcher de dire en souriant à l’autre homme avant de replonger son regard dans celui que la belle blonde. « T’en as déjà pété avant ? » la taquina—il, par ce qu’il ne savait pas comment réagir autrement, et que quelque part il se sentait quand même un poil mal à l’aise.

A la mention de talons, Sovahnn lance un regard en coin à Enzo. Équivoque d’un côté comme de l’autre, l’idée qu’elle puisse se retrouver juchée sur autre chose qu’un balai, incapable de courir partout ou de sautiller sur place depuis impossible vite à imaginer. Ainsi malgré l’urgence de la situation en back, la seconde d’échange silencieux lui fait tracer un rire muet et amusé. Le même que celui qu’elle a retenu tout du long de l’échange.
C’est là tout l’avantage d’avoir passé quatre ans en huis clos à gérer dangers, crises à gérer et conneries d’ados : la capacité d’adaptation. Ainsi si le sourire lui grimpait jusque dans les rétines chaque fois qu’elle croisait le regard d’Enzo, ce dernier n’atteignit jamais ses lèvres. Et pourtant il y aurait eu de quoi. Chaque fois qu’elle se retournait un tant soi peu pour constater les dégâts, les postures et regard d’Enzo l’informaient sur ses gestes en douce pour gérer le problème ‘horlup en fuite’ et elle manquait de partir en fou-rire, seulement contenue par l’idée d’occuper l’esprit de Naveen.

Des conneries à raconter, donc, parfois en roue libre totale sans vraiment prêter attention à ses paroles. Des regards, des jeux de séductions. De quoi l’obnubiler totalement et rappeler en son fort intérieur le nombre de situations similaires où face à eux, celui dont il fallait attirer l’attention n’était pas un proche et ami mais bien un enfoiré capable du pire. Et pourtant ce genre de bêtises lui manquaient d’une certaine manière. Peut être était-ce juste parce qu’elle s’était construite là-dessus. Que cette pensée-là lui semblait plus simple à détourner de manière comique que cette impression grinçante de ne savoir situer Naveen dans sa propre vie.
Éviter de songer à son enfant décédée, au vide laissé par Zach mais surtout, au fait qu’elle ne savait comment gérer cette différence de mondes entre eux. Comme si le tout était sans cesse séparé d’une cloison bien présente et l’empêchait de l’intégrer véritablement à quoi que ce soit. Le tout issus de problématiques pourtant distinctes. Ses propres limites. Son manque de recul et d’expérience dans l’idée de lier les deux mondes - sa famille de sang en était un flagrant exemple - et la différence d’attentes de leur relation. Pas son genre de mariner ça quarante ans et d’en faire un problème. Pourtant le fait est qu’elle est mille fois plus à l’aise avec Enzo que Naveen. Normal avec leur complicité et ce qu’ils ont traversé. N’est-ce pas ? N’est-ce pas ?
Le fait est, surtout, que ça craint de mentir sur l’intégralité de son existence à quelqu’un qui pourrait bien un jour lui larguer des discours sur l’honnêteté au sein d’un couple. La conjonction de tout ça fait qu’en effet, Sovahnn n’a rien de très à l’aise dans l’histoire. A commencer par le fait que… hey, tout ça c’est nouveau. Le concept de sex-friends devenus friends tout court semble bien plus familier.
Et non, il sait pas.

Pas plus qu’elle ne sait qu’il s’est également fait son meilleur ami.
Comme quoi l’information passerait sans doute aisément.

« C’est vrai que ça a plus de gueule quand Enzo dit ça, que quand ma sœur sort la même phrase. Pas le même impact.»
“Tu déconnes ? Ta soeur me sort ça, j’me chie dessus.” Wait. “En même temps, ta soeur me parle, j’me chie dessus ; donc c’est peut être pas une référence.” Vrai ? Non. Mais pour la blague ça sonne mieux.

Un coup d’œil en arrière. Validation d’Enzo. Crise gérée. Bébé fasciné par le cordon su sweat qu’elle tente de choper sans aucune coordination entre ses lèvres tendues et ses doigts potelées. RAS donc.
«Merci pour l’avertissement»
Un sourire et dans un regard en arrière, Sovahnn valide l’idée qu’ils aient vécu des trucs chouettes ensembles, autant qu’elle apprécie le respect qu’Enzo pose de part son discours. « T’en as déjà pété avant ? » Le rire éclate tandis qu’elle bat en retraite pour aller se laisser tomber sur le canapé, les jambes allongées sur la table basse, chevilles l’une sur l’autre. “Avoue la perspective de m’affronter à la régulière est plus rassurante que celle d’une armoire à glace géante ayant pour projet de te casser les deux rotules !”
On a peur Potter ?
Ahem.
D’un regard en arrière, elle croise le regard d’Enzo, se marre d’autant plus à voir sa taille imposante d’ici bas et fait mine de choper les petits pieds de Liya d’un mouvement de mâchoire. Puis reprends. “Aucun.” Je crois ? “Quoi que ceux d’Alec l’auraient mérité.”
T’es d’accord avec moi, ‘me dis pas le contraire.
Et on ne dira pas non plus comment leur amitié à eux s’est forgée. God, ya des conversations à venir qui vont avoir leur lot d’originalité.
Des conversations qu’il faudra travestir au possible pour les rendre viable, ne pas oublier la moitié des mensonges en cours de route qui ne colleront pas à l’avenir, accorder leurs violons et tenter de le maintenir loin de la vérité.
Ou tout dire.
Et espérer qu’il ne crise pas.

Riley et Enzo ont raison, ces conneries d’histoires de secret, ça pète le cul et sans vaseline.
Conversation qu’elle voudrait bien avoir avec eux, d’ailleurs. Mais pour l’heure, il faut dealer avec tout ça, y compris le fait qu’Enzo s’est levé il n’y a pas tant de temps.
Un coup d’oeil à son téléphone alors, tout en esquivant un coup de sa fille par un instinct purement maternel - aucun rapport avec l’attrapeuse en elle - et Sovahnn se redresse d’un bloc.

“Hey ! La recharge de sushis est bientôt là. Tu m’accompagnes Nav’ ?” ça, c’est de la fucking anticipation. Et un moyen d’éloigner Naveen pour qu’Enzo puisse repartir sans passer par Londres, aussi. “Ah, et j’ai un texto de Takuma qui te fait dire que potentiellement t’as oublié le coup de main que tu devais lui filer avec sa gratte Zo’ !” Le tout en sautant sur ses pieds, passant ses pompes, un bras sous celui de Naveen. Et un clin d’œil en arrière.
Ceci est une possibilité de sortie si tu la veux - pas une obligation, juste une option - parce que oui, si qui que ce soit e, doutait : elle te connaît.
Et parce que si quelqu’un pouvait aller dire à Tim ou Taku d’éviter de faire un slip arrière au travers de  la voie de cheminette là tout de suite ça serait pas mal. Le second est davantage visé que le premier, on ne va pas se mentir.

« C’est vrai que ça a plus de gueule quand Enzo dit ça, que quand ma sœur sort la même phrase. Pas le même impact. »
« Tu déconnes ? Ta soeur me sort ça, j’me chie dessus. »

Je suis là, à les regarder, me demandant depuis combien de temps je n’ai pas fait la connaissance d’une nouvelle personne – en dehors d’aujourd’hui.
J’peux pas dire que c’est un truc qui me manque mais je constate simplement cette habitude de rester non pas en huit clos mais avec les mêmes gens. Que j’aime, de tout mon cœur, mais en dehors de mon boss et mes collègues de taf – et des nouveaux Lycans mais pour moi c’est presque hors contexte – j’ai même pas vraiment fait l’effort d’essayer de me faire des potes que ce soit à la fac ou sur les spots de glisse. Des visages qui deviennent familiers il y en a mais ça ne va pas plus loin. Info dont je ne sais pas quoi foutre là tout de suite alors que ma meilleure amie et son mec parlent de la sœur de ce dernier.

Son mec.
Je vais finir par m’y faire.

« En même temps, ta soeur me parle, j’me chie dessus ; donc c’est peut être pas une référence. »

Est-ce qu’elle en a vraiment peur ? J’en doute. Elle l’impressionne, peut-être, mais on parle de Sovahnn là. Ça me rend curieux de savoir à quoi ressemble cette frangine en question, tant physiquement qu’au niveau de son tempérament. Petite pensée pour Derek au passage, à sa relation si belle avec William.

Lol.

« Merci pour l’avertissement. » Le hochement de tête est presque solennel, il est rapidement suivi d’un sourire en coin et d’un regard capté par celui de Sovahnn « T’en as déjà pété avant ? » Dans mes bras Liya sursaute quand sa mère éclate de rire, elle la suit du regard jusqu’à ce que la petite blonde s’affale sur le canapé juste en dessous de moi qui suis toujours appuyé contre le dossier. Pieds sur la table, à l’aise. Pourquoi elle ne le serait pas ? « Avoue la perspective de m’affronter à la régulière est plus rassurante que celle d’une armoire à glace géante ayant pour projet de te casser les deux rotules ! » Et pourtant … Quelqu’un d’un peu entrainé aurait vite fait de me foutre au tapis. Je le pense vraiment, j’ai jamais vraiment appris à me battre et si la Lycanthropie affute mes réflexes ça ne fait pas de moi un guerrier. Si je cogne ou attaque le premier, là par contre, faut avouer que les chances de se relever ne sont pas de 100% mais rien de tout ça n’est d’actualité ici « Aucun. Quoi que ceux d’Alec l’auraient mérité. » Dit-elle après avoir fait semblant de mordre les pieds de sa fille. Elle a le regard éloquent quand elle le relève vers moi « Si y avait que ses genoux ... » Gratos mais de bonne guerre, je vois surtout dans cette réflexion le moyen de tacler un pote parce que c’est ce qu’il est devenu. Un ami à vrai dire même s’il n’y a rien de conventionnel dans la façon dont cette amitié existe et se manifeste.

« Hey ! La recharge de sushis est bientôt là. Tu m’accompagnes Nav’ ? » Vrai ? J’en sais rien mais je la connais, elle me connaît, je comprends sans trop de mal que ça c’est surtout une porte de sortie pour moi « Ah, et j’ai un texto de Takuma qui te fait dire que potentiellement t’as oublié le coup de main que tu devais lui filer avec sa gratte Zo’ ! » Qu’est ce que je disais ? La faute à personne mais la situation ne coule pas de source. Une autre fois, un autre contexte, ça serait sans doute différent mais qui plus est l’horloge tourne – va vraiment falloir que je sorte et que j’arrête avec les expressions de darons – et l’heure à laquelle je vais devoir poser mon cul en amphi approche dangereusement.
Alors oui, ça mythonne et faut nous excuser parce que ça n’a rien de personnel mais je ne peux pas nier l’espèce de soulagement qui enroule mes épaules alors que je me redresse et qu’elle passe un bras sous celui de Naveen, prête à l’embarquer avec elle « Oops. » Dans quel monde on m’associe à une guitare ? Je vous le demande « Ouais je file. » Quelques pas vers eux tout en déposant un bisou sur le crane de Liya que je rends à sa mère. Si j’avais pu je l’aurai gardé, elle le sait, mais pas sûr que le prof apprécie la blague et pour une raison que moi même j’ignore j’envisage pas de sécher. En réalité c’est plutôt clair, j’ai envie de réussir c’est tout « La porte de votre placard est réparée Madame. » Parce qu’à la base j’étais là pour ça « Content de t’avoir croisé. » Une poignée de main pour Naveen et un sourire sincère avant de déposer un autre bisou sur la joue de Sovahnn cette fois.

D’un regard j’entoure la pièce comme pour vérifier que j’ai toutes mes affaires avec moi, attrape mon sac à dos posé par terre à côté de la porte que j’ouvre dans la foulée « Bon sushis ! » Un dernier geste de la main, un dernier sourire, j’attendrai d’être dans le meilleur spot pour transplaner.

Mission : Envoyer un message à Takuma pour lui dire de ne pas débarquer en mode rock star à paillette par la cheminée. Un autre à Tim simplement pour le prévenir.

▬ FINI POUR MOI ▬

Il se retint d’avoir un petit rire amusé lorsqu’elle parla de sa sœur de la sorte. Non, Neela n’était pas franchement hyper effrayante lorsqu’elle l’avait vu… d’ailleurs même la plupart du temps. Mais, une chose était certaine, il ne voulait pas être dans les parages le jour où elle se mettrait vraiment en rogne. En attendant, il préférait en plaisanter avec Sovahnn, c’était quand même beaucoup plus drôle et la jeune femme avait bien d’ores et déjà bien compris, combien est-ce qu’il tenait à sa petite sœur. C’était juste donc, de l’humour bon enfant.

« Tu déconnes ? Ta soeur me sort ça, j’me chie dessus.
« Effectivement, maintenant que tu le dis… c’est la réaction vraiment la plus appropriée.» avait-il donc ajouté en gardant plus ou moins son sérieux.
« En même temps, ta soeur me parle, j’me chie dessus ; donc c’est peut être pas une référence. »

Non, il essayait toujours de ne pas avoir un léger rire. Peut-être quelque part que Nee’, l’impressionnait un peu, mais il la voyait plutôt comme un petit nounours, tout doux, tout mignon, sa sœur…

« Je le note ! Mais je ne lui donnerai pas l’information, imagine, en plus si elle prend la grosse tête et les grosses chevilles. Ca sera pire.»

Il avait failli dire « et encore tu ne l’as pas vu au réveil sans son café ».  Mais même si c’était de l’humour, c’était tellement vrai pour beaucoup de personnes qu’il préférait se taire. Un peu trop un fond de vérité là-dedans.  Naveen jeta un regard à Enzo, comme s’il voulait l’inviter à dire quelque chose sur sa propre famille, ou un autre commentaire quelconque qu’il ne se sente pas exclu.

Ils en étaient bientôt arrivés à parler de pétage de genoux… et il continuait de s’amuser de la situation bien plus qu’il le prenait mal ou qu’il avait peur. Au contraire, il profitait de chaque occasion pour la taquiner encore un peu. Et le rire de Sovahnn valait vraiment son pesant d’or.  « Avoue la perspective de m’affronter à la régulière est plus rassurante que celle d’une armoire à glace géante ayant pour projet de te casser les deux rotules ! » Il fit mine de réfléchir quelques instants jetant  tour à tour un regard sur Sovahnn puis Enzo comme s’il pesait le pour et le contre, mais les deux devaient bien voir dans son regard qu’il n’était aucunement sérieux. « Aucun. Quoi que ceux d’Alec l’auraient mérité. » Il eut un léger sourire en voyant la scène avec sa fille, mais en réalité, il se demandait qui était ce Alec et ce qu’il avait fait, d’autant plus quand Enzo ne tarda pas à répliquer « Si y avait que ses genoux ... » Ils se connaissaient donc tous les trois,  c’était probablement un casse-couille qu’ils avaient rencontré à l’internat. En huit-clos, encore plus qu’ailleurs, certains se croyaient les meilleurs pour peu qu’ils avaient plus d’argent, une belle gueule. Exaspérant… mais si ça se trouve ce n’était pas du tout ça, Alec, pouvait juste être un geek, intello, premier de la classe qui était tout aussi chiant  à mourir avec beaucoup trop de morale. Naveen avait donc laissé passer encore quelques instants de silence avant qu’il ne se décide à répliquer. « Je ne me fie jamais aux premières apparences, des fois il y a anguilles sous roches. Certes, les coups d’Enzo peuvent être plus… puissants, mais si tu sais mieux te battre avec une vraie technique tu peux me démonter beaucoup plus facilement et faire beaucoup plus mal.» haussement d’épaules. « Je vais donc réfléchir encore un peu à cette réponse. Les rotules c’est important quand même.» Comment est-ce qu’il avait réussi à rester sérieux ? Il n’en savait rien mais il avait dit ça d’une voix assez solennelle.


« Hey ! La recharge de sushis est bientôt là. Tu m’accompagnes Nav’ ? » Heu bah oui ? Si elle voulait ! « Ah, et j’ai un texto de Takuma qui te fait dire que potentiellement t’as oublié le coup de main que tu devais lui filer avec sa gratte Zo’ ! » Il préféra une nouvelle fois ne pas interférer entre les deux et acquiesça  simplement pour l’accompagner dehors, elle avait même passé un bras sous le sien pour l’embarquer avec elle. « Oops. Ouais je file. » Tiens donc, musicien  ou simplement bricoleur ? « La porte de votre placard est réparée Madame. Content de t’avoir croisé. » Il lui fit un sourire à son tour et lui serra la main tendue « De même, à une prochaine fois peut-être.» Bon, crash-test de l’ami plutôt réussi non ? il n’en était pas tout à fait certain, mais ça aurait pu être tellement pire qu’il se disait que c’était pas trop mal. Il regarda Enzo partir sans trop savoir quoi dire, il espérait ne pas l’avoir fait fuir non plus par ce que ce n’était pas du tout le but. Il se racla la gorge « Les livreurs galèrent tant que ça à trouver ton appart ?» Il laissa passer quelques secondes avant de dire «Du coup, tu avais quelque chose de prévu aujourd’hui ? » Par ce que oui… il était un peu un boulet. « …  Non, par ce que moi j’suis arrivé comme une fleur, ptet un peu empoisonnée du coup… sans m’être renseigné du tout. J’ai juste pensé à toi… et taddaaa me voilà.» Autrement dit, la prochaine fois il ferait mieux et il pourrait partir sans souci, pour ne pas chambouler tout l’emploi du temps de la belle blonde.

Il saute sur l’occasion. Bien sûr qu’il saute sur l’occasion. C’est qu’ils se connaissent trop bien ces deux-là, et que le fonctionnement entre eux ne demande en règle générale que quelques coups d’œil entendus pour s’entendre. Alors ça brille dans ses prunelles lorsqu’elle le voit réagir au quart de tour. Rien de bien marqué, juste le regard qui grésille d’un amusement muet.
Alors une main passe dans le dos de Naveen, un clin d’œil est échangé entre les deux amis et dans leur silence respectif, l’image d’un Enzo face aux cordes d’une guitare résonne sans y paraître. Peut être un jour ce mensonge sorti sur le pouce leur fera-t-il défaut. Peut-être faudra-t-il envisager un “Ryans, Artisan luthier depuis 2min30” pour consolider une version qui n’a rien de solide. Et inventer une réalité nouvelle. Quoi qu’après les planches et le bateau, sans compter la malle de Liya, qu’il se passionne pour la création d’instruments de musique n’a en vérité rien de si absurde. Le travail des mains, le bois, la confection… rien de si dingue.
Le temps d’envisager de mettre les chaussures et de partir tous deux pour s’occuper du livreur de sushis, laissant à Enzo la possibilité de transplaner chez elle une fois le duo dans la rue, ce dernier embraye déjà sur le départ sous le regard amusé de son amie. La petite blonde passe une chaussure, puis la seconde, le talon encore mal mis lorsqu’elle glisse un bras autour de la grande carcasse de l’ancien Griffondor et le remercie pour le placard “et le reste”. Quoi que le reste puisse signifier pour Naveen. Un baiser chacun et le voilà parti.
Et, petite dans les bras, c’est avec ce dernier qu’elle se retrouve bientôt en tête à tête, une gamine dans les bras, le corps en équilibre sur une jambe pour passer un doigts à l’arrière de son talon et remettre en place le cuir de sa basket. Ce faisant, Naveen reprend, une fois la porte refermée derrière Enzo. Ce dernier transplanera plus loin, Sovahnn ne s’en fait pas pour ça. Cette ville, outre quelques problèmes d’accident de bagnole malencontreux, il la connaît et sait s’en dépatouiller. Quant à Tim et Takuma… il serait pas mal qu’ils évitent de débarquer à l’improviste. Takuma sera prévenu. Quant à Tim, il est encore à la fac. Normalement. Possiblement. Il lui semble.
Encore faudrait-il pour ça qu’elle connaisse son emploi du temps.

Une main à plat sur le plan de travail, la jeune femme l’écoute tout en remettant sa pompe, sa fille coincée sous un bras, comme toujours ses petits doigts agrippant les cheveux d’or de sa mère.

“Oh nan t’inquiètes, t’as bien fait. J’aime bien le concept moulin à vent chez moi. J’en ai même sans doute besoin. Et puis quoi, au pire je suis pas dispo et tu repasses !”
En vérité, concernant un moldu, tout ça est utopiste, la jeune femme le sait. Et pourtant c’est ainsi qu’elle décide de poursuivre, car réformer son entière existence et sa manière d’être pour entrer dans le cadre que quelques salopards ont défini pour elle… non, ça sort du champ des possibles. Un jour, bien sûr, il faudra trouver un moyen de réconcilier tout ça.
‘Mais ce jour n’est pas arrivé’, comme dirait l’autre.
Et sans s’interrompre véritablement, elle poursuit. “Et les livreurs, ouais nan, je sais pas ce qu’ils foutent mais ils ne trouvent jamais !”

Simplement parce qu’ils ne le peuvent pas, les sortilèges dressés par Duncan, Enzo ou bien Takuma et bien évidemment Zach l’en empêchent.

Fin prête, Sovahnn pose une main sur la porte, enchaîne avec une question : “Comment tu vas ?” Jette un coup d’oeil dehors : pas d’Enzo, et ouvre le battant en jetant un coup d’oeil sur son téléphone. Livreur en approche. “Il est pas loin.” Ajoute-t-elle avec un petit coup du menton vers l’arrière pour engager le départ.

“Ça va ta soeur, vu qu’on parlait d’elle ?”
Ça va ça va immotep.

Et maintenant qu’ils étaient tous les deux, il se sentait encore plus con d’être venu à l’improviste, il avait cette impression d’avoir gâché l’après-midi de cet Enzo – fort sympathique- et de Sovahnn.  Mais les nouvelles de la belle blonde le rassurèrent quelque peu : il pouvait continuer à improviser. « Ah ouais, tu en es au concept de moulin à vent !» Etonné, quelque part peut-être même un peu impressionné, pour beaucoup de monde, il y avait quand même une certaine intimité à inviter des gens chez soi… alors il est vrai que c’était une notion qui n’était pas du tout la sienne ! « C’est ce que je me suis dis, si tu n’étais pas là ou occupée j’serai revenu plus tard tout simplement !» Silence de quelques instants avant qu’il ne plaisante «Mais j’avoue que je ne m’étais pas attendu  à tomber sur ton meilleur ami et que tu ne sois pas là…pendant un instant j’me suis demandé si je ne m’étais pas planté de porte ! Ma tronche a dû être collecteur d’ailleurs ! » Enzo pourrait valider – ou pas- le temps de latence qu’Evans avait eu à ce moment-là. Oui, il avait totalement buggué l’espace de quelques instants avant d’arriver à se reprendre et il trouvait ça plutôt drôle. Quant à cette histoire de livreur il haussa un sourcil perplexe… cette histoire-là était vraiment bizarre. « Ouais, c’est quand même étrange cette histoire, t’es pas si mal répertorié que ça pourtant ? Enfin si je trouve… les autres devraient pouvoir trouver aussi.» oui, il était vraiment perplexe sur la question, ne se doutant pas que quelques coups de baguettes pouvaient arranger les choses le concernant. Il se mordilla la lèvre, peut-être qu’il pouvait regarder lorsqu’il serait en service si son logiciel du taff arrivait à trouver précisément le lieu…

Est-ce qu’il avait failli répondre « toujours bien quand tu es là » ? La réponse possiblement oui, mais la bonne nouvelle c’est qu’il s’était arrêté à temps. Déjà, par ce que ce n’était pas tout à fait vrai, même si lorsqu’elle était là sa présence chaleureuse avait tendance à lui faire la vie de façon beaucoup plus positive. « Super ! Et toi ? » il ne tarda pas à lui emboiter le pas tandis qu’elle reprenait déjà la réponse pour une nouvelle question sur sa sœur, cette fois «Neela ? Plutôt bien, elle me demande souvent de tes nouvelles. » Bon à vrai dire la frangine était plus du genre à lui demander des nouvelles chaque jour, à vouloir savoir comment est-ce que leur relation se passait. Un peu stressante la frangine, mais surtout, il le savait, elle voulait protéger ce qui semblait de rester de son cœur. « Humm.. pour après je t’aurais bien proposé qu’on se fasse un petit ciné, mais je suppose que je m‘y prends un peu tard avec Liya ?» Il fallait bien quelqu’un pour la garder la petite, d’ailleurs, il lança à l’enfant un doux regard. « Tu aurais une envie spécifique ? » Jeux de société ? Chill devant une série ? Une promenade quelconque ? Le choix était au final assez vaste.   « Je crois qu’il y a une animation musicale avec des groupes de rues à une dizaine de minutes à pied tout à l’heure !» il avait failli parler des jeux de société mais s’était finalement abstenu pour ne pas passer trop « vieux-jeu ». Et enfin le livreur pointa son nez, Naveen récupéra la commande et remercia l’homme avant de se tourner vers la jolie blonde « Bon bah du coup on a mangé pour les fous et les innocents ! J’espère que tu as faim !»

« Ah ouais, tu en es au concept de moulin à vent !»
“Oh, t’as pas idée ! J’t’en ai parlé déjà, j’ai besoin de ça. On a tous… plus ou moins grandit ensembles pendant quelques années lors de l’internat. J’aime bien ce truc, de savoir qu’il y a toujours quelqu’un pas loin. C’est rassurant je trouve.”

Très honnête, à quelques détails près. Ceux qui ne sont pour lui que des inconnus, des personnes qui vont et viennent dans un appartement devenu moulin à vent… sont en fait la seule force de sa stabilité. C’est intime, c’est vrai. Mais voilà, ils ont appris à grandir et se construire ensemble, en meute, en groupe. Difficile de ne jamais être vraiment seuls dans une école centenaire. Le brouhaha, les regards, la présence constante n’ont jamais été toujours faciles à vivre et nombreux ont été ceux qui ont cherché régulièrement à trouver quelques minutes en solitaire. C’est toujours le cas. Mais instinctivement, Sovahnn fonctionne en bande. Ensembles, ils font bloc. Ensemble, ils ont appris à survivre. Et ensembles, il ne cessent de se retrouver. C’est un ballet constant, un besoin ancré, une nécessité qu’on met en place quand ça va pas, quand ça va bien, quand il y a quelque chose à fêter, quand il y a une tempête à traverser. Et puis un peu entre les deux, parce que ça fait juste du bien.

« C’est ce que je me suis dis, si tu n’étais pas là ou occupée j’serai revenu plus tard tout simplement !» Tout à fait. «Mais j’avoue que je ne m’étais pas attendu à tomber sur ton meilleur ami et que tu ne sois pas là…pendant un instant j’me suis demandé si je ne m’étais pas planté de porte ! Ma tronche a dû être collecteur d’ailleurs ! »
“Eeeeh, ouais habitue-toi” Le rire claque dans la petite ruelle londonienne. Il égaille les flaques et nargue les nuages grisâtres. “Lui, d’autres… La probabilité que je sois seule chez moi est assez faible.” Pas le pied pour quelqu’un qui voudrait passer un peu de temps en tête à tête, encore moins si la dite personne se trouve tendue à l’idée de sociabiliser. Mais Sovahnn est ainsi. Toujours à mille pourcent, toujours entourée, accro au trop plein. Ou du moins, c’est ainsi qu’elle semble. D’autres le savent. D’autres connaissent ces moments de calme, le serein retranchement qui l’amène à profiter entièrement de chaque seconde. Nul étonnement à la voir se taire et s’arrêter, simplement pour découper chaque minute et s’en charger toute entière.

« Ouais, c’est quand même étrange cette histoire, t’es pas si mal répertorié que ça pourtant ? Enfin si je trouve… les autres devraient pouvoir trouver aussi.»
“Ouais, je sais pas. Ils ont pas doués il faut croire ! Leur GPS doit les amener ailleurs.”

Toi, t’as trouvé parce qu’elle te l’a montré. Sans ça, tu tournerais encore. Mais elle sourit, balaye la réflexion sans en sembler plus inquiète que ça. Quelques picotements lui sont pourtant passés sous la peau. Une alerte, une attention supplémentaire face aux mensonges qu’elle met en place.
Ça reste là, tatoué quelque part dans sa chair tandis qu’elle enchaîne sur la sœur de Naveen, cherchant à sa manière un sujet de conversation. Qui est-elle, que fait-elle, que vit-elle ? Mais la frangin botte en touche et elle n’obtient qu’une réponse vague tirée dans le paquet “Littles Talks socialement faciles et n’engrangeant aucun sujet de fond”. Une manière qu’elle comprend comme étant “pas le bon moment” ou “pas grand chose à en dire”. Du même ordre, en soit, que le “super et toi ?” Conversation de collègues. Eh shit. Ainsi, Sovahnn répond de même, balayant à son tour la possibilité d’évoquer quelques sujets de fond. En vérité, la concernant, l’envie n’y était pas. Non par manque de choses à exprimer, mais simplement bloquée par les nombreuses limites que la situation pouvait lui imposer depuis le début de cette relation. Mais lui ? Le plus inquiétant serait qu’il peine à s’engager à son tour sur une conversation plus aboutie, conscient des esquives de la jeune femme. Une inquiétude dont elle ne sait que faire tandis qu’elle l’écoute, une nouvelle fois, dresser la liste des possibilités et envisager un business plan de leur après-midi. Deux questions, trois propositions et le repas est récupéré.

Sovahnn décline la possibilité de mettre la petite chez quelqu’un. Parce qu’elle l’a vu, ce petit regard qu’il lui a lancé, qu’il faudra peut être envisager un jour de voir ce que donne leur présence dans un même espace mais aussi et surtout par inquiétude de tout combiner et de révéler son secret en cours de route.
Si on fait le bilan : Takuma et Enzo supposément ensembles.
Layla occupée.
Riley actuellement en mode courant d’air, dealant avec des choses que Sovahnn ignore parfaitement mais dont elle perçoit l’impact même sans l’évoquer. Quelques mots ont été dits, rappelés. Elle est là. Viendra ce qui viendra. En temps et en heures. En attendant, ce n’est pas le moment.
Tim à la fac.
Reste ? Des propositions coincées entre les hommes des potes - donc ses potes, par association, simplement l’idée de demander à qui que ce soit de faire le déplacement semblerait incongru - ou … la belle famille.
Nope. Pas une nouvelle fois.
Et parce que, soyons honnêtes, des réflexions poisseuses initiées par les gamberges Naveeniennes sont apparues en cours de route chez elle.

Bref, ils feront avec.

En rentrant à l’appartement, Sovahnn ne pris pas bien longtemps avant de grimper sur le plan de travail pour vérifier la porte de placard réparée par Enzo, saluer son travail, et achever sa course assise en tailleurs sur la table basse pour manger quelques sushis face à Naveen. Liya, posée au sol, fit le tour de l’appartement, partie en roue libre façon Flash escargot en cavale.
Sans jamais la lâcher du regard, Sovahnn la vit s’avancer vers le sac de produits encore posé au sol. Le temps de lâcher ses baguettes, de repousser l’assiette posée en équilibre sur ses jambes pliées, la jeune mère s’était précipitée vers sa fille… pour découvrir que l’un des outils de bricolage récemment acheté et dangereux pour la petite… s’était envolé brusquement.
Magie ? Magie.
Shit. Pas pratique comme loupé technique.

Sac mis en hauteur ; coups d’œil envoyés partout dans l’appartement pour savoir ce qu’il est advenu du dit objet ; retour à la table, un brin déconcertée.

Bien plus tard, la petite sur la hanche, plantés dans une ruelle encore humide de la saucée précédente, Sovahnn emporte Naveen pour faire les idiots et aligner quelques pas de danse collective avec le reste de la foule rassemblée autour d’un petit groupe.

- Fini pour moi, potentiellement ? A moins que tu ais des choses que tu veux exploiter -