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A l'heure où les innocents dorment déjà. [Aldric]

 :: Londres :: QG et lieux associés :: Côté Garde :: QG : bateau amarré dans l'Est
Mer 8 Fév 2023 - 21:29
1er Novembre – Tard le soir




La sueur perlait à son front. Sur la nuque de Sanae, quelques mèches de cheveux trop courtes pour être contenues dans sa queue de cheval s’étaient collées à sa peau moite. Le visage crispé, elle envoyait ses poings contre le punching-ball qui pendait au fond de la salle d’entraînement. Ses pensées s’étaient échappées pour ne laisser place qu’à l’enchaînement scandé dans son esprit : droite, gauche, droite, gauche… Elle se perdait dans cette litanie qu’elle connaissait par coeur, portée par les coups assénés de plus en plus vite, de plus en plus fort. Chaque mouvement tendait ses muscles, allongeait ses bras, rendait sa respiration frénétique. Elle aimait sentir ses poumons se gonfler, son coeur s’acharner. C’était le signe qu’elle était en vie. En vie, et terriblement frustrée.

Sa jambe se leva, fluide et tendue, pour frapper le punching-ball. Toute cette rage en elle avait besoin d’aller quelque part, et comme aucun coussin n’aurait pu étouffer le son de ses hurlements, c’était par le corps qu’elle l’exprimait. Il avait cette capacité à faire ce qui manquait à l’esprit : avancer, agir. Voilà où elle en était de ses élucubrations mentales. Bloquée. Plus encore que dans des marécages. Rien ne semblait aller dans la direction qu’elle souhaitait. Ni son attrait pour son travail, ni les avancées trop lentes à son goût de la Garde… ni les relations qu’elle avait avec les autres. Et surtout pas sa vengeance. Tout était à un point mort qui lui donnait envie de se jeter contre les murs de cette salle. Plus elle y pensait, plus la frustration gagnait du terrain. C’était comme une démangeaison qui n’était jamais soulagée, là, au fond d’elle.

Essoufflée, elle asséna ses derniers coups contre la surface dur du punching-ball et s’arrêta, reculant immédiatement. Sa mâchoire était si crispée qu’elle lui faisait mal. Elle défit le scratch de son gant de boxe avec les dents avant d’enlever le second. Sur le tatami, près de son sac d’où débordait sa baguette et sa tenue de médicomage, se trouvait le carnet noir de son père. La surface lisse de la couverture et les pages vierges lui riaient au nez. Comment ce seul objet pouvait-il contenir tous ses espoirs ? Elle l’entendait presque murmurer. Combien de réponses cachait-il ? Que faudrait-il surtout pour les lui extirper ? Elle avait tout essayé, tout tenté. Des plus simples sortilèges au plus compliqué auxquels elle avait pu penser. Rien. Et si sa théorie était juste, alors ce carnet resterait scellé à tout jamais. Connaissant son père, Sanae était persuadée qu’il avait utilisé un sortilège de sang pour le protéger. Or, elle n’était pas de son sang. Celui qui coulait dans ses veines lui venait de visages qu’elle ne connaissait pas, de noms dont elle ignorait tout. Il était aussi mystérieux que ces pages blanches.

Elle se laissa retomber près de son sac, jetant ses gants à côté, avant de replier ses genoux vers elle et de les entourer de ses bras. Le regard fixé sur le carnet, la sorcière attendait que son coeur se calme et que sa respiration retrouve le rythme lent du repos. Pourtant, il ne lui semblait jamais se reposer. Ses eaux n’étaient jamais tranquilles, elles refluaient et s’échouaient avec une insistance éreintante. Et déjà, la fatigue venait dissoudre les barrières. Sanae passa une main sur son front, décollant les quelques cheveux collés sur ses traits tirés. Elle n’arrivait pas à trouver de place en son esprit où se réfugier. Margo était loin, sûrement entre deux défilés à travers le monde, et la distance n’arrangeait pas les tensions qui dormaient sous la surface. Elles revenaient ci et là dans les conversations, trouvaient de l’intensité dans les non-dits et les séparations trop fréquentes. Si elle s’oubliait par quelques moments volés dans ces bras tendres et passionnés, Sanae n’était jamais bien loin de ses angoisses. Très vite, il fallait s’inquiéter pour Kezabel, craindre pour le futur.

Son pied tapait nerveusement contre le tatami tandis que ses doigts se trituraient autour de ses genoux. Elle mordit sa lèvre, sentant monter cette pulsion féroce. Le repos, l’oubli, le lâcher prise l’appelait dans sa forme la plus illusoire et dévastatrice. Chaque seconde à y penser la précipitait vers la défaite. En une seconde, elle était debout et sa silhouette s’éloignait dans les ombres des couloirs déserts. Il y avait bien une bouteille quelque part dans les bureaux, les salles de repos. Elle se souvenait que Margo avait sorti un whisky d’un placard de salle de réunion un jour. Peut-être était-il toujours là…

Ses gestes lui apparurent comme détachés du reste. Son corps s’activait sans entendre la frêle volonté d’arrêter, de retourner au Cottage. Là-bas, les dangers étaient moindres. Logan ensorcelaient ses alcools pour qu’elle ne puisse y toucher. Mais dehors...oui dehors, il y avait les bars toujours ouverts, les petites épiceries de quartier. Si elle sortait, elle se perdrait durant des heures au fond d’une bouteille. Ici, la peur qu’on remarque la disparition d’un whisky la freinait ; il suffirait de mesurer ses gorgées, de ne prendre que le strict minimum… oui juste un peu, de quoi tenir, assez pour faire disparaître cette tension dans son organisme, calmer la démangeaison qui la rendait folle.

Elle se glissa dans la salle de réunion. Plongée dans l’obscurité, elle entrevoyait à peine les contours des chaises et des quelques placards le long des murs. Ses doigts attrapèrent sa baguette et d’un sortilège, les caméras de sécurité furent brouillées pour quelques minutes. Tout juste le temps de fouiller les étagères pour trouver cette foutue bouteille. D’un Lumos, elle éclaira la placard. Elle tâtonna parmi les fournitures et les classeurs. Là, derrière des piles de papiers vierges et des cartes de différentes villes, le whisky l’attendait, à moitié consommé. Son étiquette était légèrement décollée, mais à la lumière de sa baguette, le liquide brillait à travers le verre. Elle prit la bouteille et    referma le placard. Ses mouvements étaient pressés, légèrement maladroits. Depuis combien de temps se retenait-elle ? Elle aurait aimé ne pas avoir la réponse précise à cette question mais elle avait compté les jours.

Dans le couloir, la lumière émise par sa baguette devait se refléter sur le vieux lino. Depuis deux heures déjà il n’y avait eu personne au quartier général, mais des bruits de pas la figèrent aussitôt. Etait-ce Niall ? Ils se croisaient souvent à des heures improbables. Elle eut peur soudain de devoir s’expliquer. Il aurait pu en parler à Margo. Une main fermement refermée sur la bouteille et l’autre sur sa baguette, Sanae s’avança doucement vers la porte entrouverte et tendit l’oreille. Elle n’entendit plus les pas pendant quelques secondes mais quand elle se décida à sortir, ce fut pour se heurter de plein fouet à un homme. Si elle n’avait pas été dans des quartiers pleinement sécurisés, elle aurait lâché le whisky pour coller le corps de l’intrus contre un mur mais il n’y avait aucune chance pour celui-ci soit un ennemi. Elle eut alors à peine le temps de grogner un « Putain. » avant de reculer et de le reconnaître.

Aldric.
Bien sûr...
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Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
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