Je suis un caillou, un joli caillou - Caitlyn

Jeudi 7 Janvier 2016, en fin d’après-midi

Il ne faisait pas trop mauvais temps, il avait décidé de faire un petit tour dans le Londres Moldu histoire d’être certain de ne pas trop s’attirer de soucis avec les sorciers –ou plutôt certains sang-purs- en trainant trop dans les quartiers Sorciers. Est-ce qu’il allait mieux ? Probablement mieux qu’il y a presque deux mois, mais on ne pouvait toujours pas dire que c’était la grande forme, il avait encore parfois de forts épisodes d’apathie, de déprime, même s’ils étaient relativement moins nombreux qu’au départ. Probablement que le fait de vivre à présent avec Margo, un tourbillon d’énergie aidait à voir les choses sous un autre angle par moment. Mais depuis qu’il avait revu Klara quelques jours auparavant, il se sentait un peu … disons un peu étrange sans pouvoir expliquer réellement la raison : elle était toujours aussi belle, est-ce que cela avait réveillé des sentiments interdits ? Probablement, mais surtout une forte dose de frustration. S’ils avaient quelques points o ils étaient d’accords, il y avait quand même pas mal de points de discordances, pas mal de choses qui avaient failli tourné en dispute, notamment à cause d’Esteban, ou de la « famille », mis pour cette dernière chose c’était quelque chose d’habituel, quelque chose qu’ils ne pourraient pas comprendre. D’une certaine manière, il était inquiet pour son bouclé préféré, inquiet d’avoir vu autant de rancune, de haine dans les paroles, les attitudes de la jeune femme, même si elle avait essayé de faire bonne figure, ce n’était pas dans ces habitudes d’être aussi véhémente. Cela ajouté au fait qu’il ne savait pas s’il pouvait réellement lui faire confiance ou pas. C’était étrange, non, de plus en vouloir à Esteban qu’à lui, c’était quand même lui qui était le meurtrier ? Même s’il n’avait pas fait exprès, même si c’était juste de la défense. Est-ce qu’elle l’avait compris ? Est-ce qu’elle l’avait accepté ? Ou alors est-ce qu’elle cachait quelque chose ? Et c’était assez horrible de ne pas pouvoir savoir dans quel camp elle se situait. Il avait besoin de pouvoir lui faire confiance, Esteban c’était bien, mais quelqu’un de présent souvent en chair et en os c’était encore mieux. Il avait besoin, réellement, de ces personnes de ce passé douloureux. Et, elle était belle. Encore plus que dans ses souvenirs. Elle avait bien mûri, comme Esteban, alors que lui, avait non seulement gardé partiellement sa bouille d’il y a quelques années, mais avait maigri, même s’il reprenait du poil de la Bête à ce niveau-là.

Alors il torturait ses pensées, il réfléchissait probablement trop, et ne savait pas à qui s’adresser pour demander conseil. Esteban ne serait pas un bon juge. Margo ? Elle avait probablement d’autres chats à fouetter que ce genre de ressentiments stupides. Peut-être devrait-il essayer de lui toucher un mot ou deux un jour ou l’autre, cela pourrait toujours servir, ou pas. Il n’en savait rien. Il faudrait peut-être qu’il se débrouille seul, comme un grand garçon. Il faudrait peut-être qu’il laisse parler juste son instinct, ce n’était pas de toute manière, comme s’il avait grand-chose à perdre ! Au pire, si Klara n’était plus celle qu’elle prétendait être, qu’est-ce qu’il risquait ? Rien de pire qu’Azkaban. Peut-être qu’il devait juste s’en tenir à cette réalité. Il était entré dans un parc, étrangement assez vide, et jouait à présent avec un caillou, qu’il lançait un peu plus loin avec le bout de son pied, rien de bien dangereux. En théorie du moins. Jusqu’au moment où il repensa un peu trop à la prison, où il se crispa, ne se sentant pas trop bien. Le coup de pied fut moins maitrisé et au lieu que le caillou garde une trajectoire au sol, il vola… sur la tête de quelqu’un. Le bruit caractéristique le fit revenir à la réalité. Merde. Quel abruti. Il avait juste envie de se cacher dans un petit trou de souris de honte, de gêne, mais ce n’était pas quelque chose à faire non plus, il le savait bien ! Il se racla donc un peu la gorge et se dirigea vers la jeune femme qui devait avoir la vingtaine.

« Heut, salut. Je suis vraiment désolé… je, j’ai pas fait exprès. Ca va aller ?» dit-il tout penaud, essayant en même temps d’exorciser ses démons d’Azkaban de nouveau un peu trop présents.

De nouveau sur Londres. En espérant qu’il ne pleuve pas des cordes comme la veille, cette fois. Et si n’importe qui aurait été exaspéré d’avoir tous ces trajets à faire, ce n’était pas le cas de Caitlyn. Au contraire, devoir revenir pour récupérer un ingrédient manquant à la potion Tue-Loup, qui serait son nouvel accessoire indispensable, était finalement une bonne excuse pour elle de quitter un peu cette solitude qui souvent lui paraissait être un refuge mais qui en réalité s’avérait être une prison.

Cette solitude, elle l’avait recherchée, en quête d’indépendance mais surtout de sérénité, de paix, fuyant cette guerre qui faisait rage dans ce monde qui était le sien mais auquel elle n’appartenait pas, ne voulait plus appartenir. Elle se souvenait encore de cette nuit où la bataille avait éclaté, plus brutale et plus violente que les précédentes. Un assaut enragé et sanguinaire, leur arrachant une bonne fois pour toutes le droit à une vie normale.

Aujourd’hui, elle savait qu’elle devait retrouver une place, sa place. Que vivre en se cachant sans arrêt, comme une criminelle échappée de prison, ce n’était pas une vie. Mais, tout comme la prisonnière relâchée de sa cellule et qui faisait ses premiers pas en liberté, elle se sentait complètement perdue. Larguée. Elle repartait à zéro, sans repère, sans prise à laquelle s’accrocher. Et même si ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait ainsi face à l’inconnu, elle était toujours aussi démunie.

Pourtant, des amis, elle en avait, que ce soit sur Londres ou ailleurs. Des avec des ressources matérielles, d’autres avec du temps à lui consacrer, suffisait de demander, d’accepter. Mais elle n’y arrivait pas. Habituée à se débrouiller seule depuis son plus jeune âge, elle avait beau avoir changé avec les années, c’était quelque chose qui lui était toujours resté, comme collé à sa peau.

Alors elle marchait seule, arpentait les rues de la capitale, traversait les parcs. Sans réel but, peut-être simplement pour s’imprégner de l’atmosphère, peut-être pour sentir le courage monter en elle dans l’espoir qu’il atteigne un seuil à partir duquel elle serait assez forte pour se lancer. Combien de fois allait-elle devoir revenir avant que ce soit le cas ?

Soudain, une douleur aigue lui transperça le crâne et lui arracha un petit cri puis disparut aussi soudainement qu’elle était arrivée, ne laissant derrière elle qu’une vague sensation d’engourdissement, et elle fit volte-face, portant une main sur s’arrière de sa tête. Ça aurait pu être un accès de migraine, ou bien une décharge électrique, mais elle finit par comprendre qu’elle s’était tout simplement reçu un caillou dessus.

Alors qu’elle massait son cuir chevelu, elle vit arriver vers elle un jeune homme qui devait faire bien une tête de plus qu’elle. Mais si elle-même avait perdu du poids cet hiver, ce n’était rien comparé à la maigreur qu’elle devinait sous les habits de l’inconnu. Il la rejoignit, l’air gêné, presque crispé, et elle comprit qu’il était à l’origine de l’accident.

« Heu, salut. Je suis vraiment désolé… je, j’ai pas fait exprès. Ca va aller ? »

Elle secoua la tête.

« Oui ça va, rien de grave. Enfin, je veux bien que tu regardes quand même histoire d’être sûre que je ne saigne pas mais même si c’est le cas c’est pas grave. »

Elle n’avait pas l’impression que l’endroit soit humide, et son odorat n’avait pas détecté les fragrances du sang, mais il se pouvait qu’elle ne massât pas exactement au bon endroit et peut-être que l’odeur de son propre sang ne lui faisait pas le même effet que celui des autres, alors dans le doute…

HRP:

Et voilà, même quand il voulait gentiment défouler ses nerfs avec un caillou cela finissait mal. Il se sentait pas super bien de savoir que le minéral qu’il avait shooté avait percuté la tronche de quelqu’un. Elle semblait allait bien, il avait de la chance ; probablement que cela aurait pu mal finir… Est-ce qu’il aurait pu réellement l’assommer avec ça ? Oui. Et si elle était tombée, sa tête aurait pu heurter le sol et hop trauma crânien, merci Gatiss ! Mais non, elle semblait … disons pas trop mal tandis qu’il la regardait comme s’il voulait sonder qu’elle n’avait pas trop mal, braquant son regard dans celui de la jeune femme qui ne semblait pas elle non plus au meilleur de sa forme. Mais il ne la connaissait pas, il ne pouvait pas savoir si c’était juste qu’elle avait cette « couleur » naturellement, qu’elle était juste pâle, ou alors si c’était dû à une quelconque maladie. Certains avaient un air maladif même en allant bien, alors bon ! Et puis ce n’était pas franchement le sujet en plus ! On se concentre Gary !

« Oui ça va, rien de grave. Enfin, je veux bien que tu regardes quand même histoire d’être sûre que je ne saigne pas mais même si c’est le cas c’est pas grave. »

Il la regarda un peu étonnée qu’une inconnue lui demande ça. Il n’avait pas franchement l’habitude que les gens se montrent si peu méfiants, voir si tactiles… et surtout pas en colère. Il cligna plusieurs fois des yeux, pour être certain qu’il ne rêvait pas avant d’acquiescer doucement. Heureusement, il était un peu plus grand qu’elle et il savait comment faire –ou plutôt comment être « doux »- pour une plaie à la tête.

« Ne bouge pas, pour éviter s’il y a une plaie que je la touche.»

Il n’avait pas forcément les doigts sales, mais on ne pouvait pas dire qu’ils étaient cleans non plus, il ne voulait pas risquer que la plaie s’infecte si plaie il y avait. Il bougea avec douleur les cheveux de la jeune femme, vérifiant qu’il n’y avait pas de sang, ni de plaie, ni rien dans ce genre-là. Et non, il n’y avait rien à déclarer, même pas de poux ou de pellicules !

« Non, il n’y a rien. Tout va bien ! Enfin, mis à part la probable douleur.»

Il espérait qu’il ne lui aurait pas provoqué un mal au crâne, ou quelque chose dans ce genre-là. Il revint face à elle, mains dans les poches, toujours un peu gêné. Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir lui dire, lui raconter ? Il n’en avait aucune idée. Merde. Il finit par sortir les mains de ses poches pour s’en passer une dans les cheveux, lui faisant un sourire gêné.

« Est-ce que je peux me faire pardonner d’une quelconque manière ?»

Oui. Non. Ce n’était pas une chose à dire. Pourquoi est-ce qu’il avait sorti ça ? Peut-être par c qu’elle semblait aussi… disons pensive, ou perdue, ou quelque chose comme ça que lui. Peut-être par ce qu’il avait juste envie de connaitre d’autres gens, qu’il voulait voir s’il pouvait toujours tenir des conversations avec des inconnus ? Peut-être juste pour continuer à se sociabiliser. Mais punaise, il se sentait vraiment débile avec cette question. Est-ce que ça ne faisait pas trop harceleur ? Est-ce que ce n’était pas trop bizarre, il aurait quand même pu se présenter avant. Il lui tendit la main, ne se voyant pas taper la bise à une fille inconnue, même si elle était plutôt mignonne.

« Au fait, moi c’est Gary. »

Promis, je ne te drague pas, faillit-il ajouter, mais il se dit que c’était encore plus étrange. Non, elle devait savoir que se présenter, et compagnie ce n’était pas forcément draguer Est-ce qu’il ne se faisait pas trop lourd ou insister ? Peut-être qu’elle faisait partie de ce genre de personnes qui ne savaient pas dire non et qu’elle allait dire oui, pour ne pas avoir de souci.

« Et heu, tu peux dire non pour la question précédente, ou oui, y’a aucune obligation.»

HUmhum. Et maintenant qu’il avait dit ça à voix haute, il trouvait que c’était encore pire.

Les bruits, les odeurs, les mouvements… tellement d’informations qui assaillaient ses sens de toutes parts, tellement de influx qui parvenaient à son cerveau. C’était devenu son quotidien, depuis plus de trois mois maintenant, pourtant elle n’arrivait pas et n’arriverait probablement jamais à s’y faire totalement. Elle percevait tout mais n’intégrait rien, et, incapable de faire le tri pour l’instant, essayait de se fermer, de s’isoler, comme dans une bulle hermétique et insonorisée contre laquelle elle imaginait les stimuli s’abattre comme des gouttes de pluie sur une vitre velux. Ce qui aurait pu représenter un avantage s’avérait être un handicap plus qu’autre chose, du moins pour l’instant.

Caitlyn n’avait ni vu ni entendu ni senti le caillou voler avant qu’il ne s’abatte sur l’arrière de son crâne. Quand elle aperçut un jeune homme se diriger vers elle, elle comprit qu’il était à l’origine de cet accident. Bien malgré elle, elle se retrouva à analyser tout ce qui émanait de lui, de son odeur jusqu’à son état de tension interne, en passant par sa température corporelle et sa fréquence cardiaque. Se fit une image de lui autre que visuelle, sans que ce ne soit réciproque, sans même qu’il ne se rende compte qu’ils n’étaient pas à la même hauteur. Elle ne se sentait pas à sa place, pas dans son bon droit, à s’introduire ainsi dans son intimité sans qu’elle n’y soit invitée.

« Ne bouge pas, pour éviter s’il y a une plaie que je la touche. »

Elle se tint immobile, retint sa respiration alors qu’il inspectait son cuir chevelu avec douceur. Ses doigts étaient froids, elle eut la chair de poule et dût réprimer un frisson. Son souffle lui était chaud et son cœur battait presque aussi rapidement que le sien. Elle déglutit, expira.

« Non, il n’y a rien. Tout va bien ! Enfin, mis à part la probable douleur. »

Elle esquissa un petit sourire, secoua la tête puis massa rapidement l’endroit une dernière fois avant de hausser les épaules.

« Pas de soucis, je ne le sens déjà presque plus ! »

C’était vrai. Sur le moment, l’impact avait semblé lui transpercer le crâne, mais désormais ne restait plus qu’un vague engourdissement qui ne tarderait pas à disparaitre dans l’oubli.

« Est-ce que je peux me faire pardonner d’une quelconque manière ? »

Et Caitlyn de froncer les sourcils, étonnée. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’il lui demande ça. Mais probablement que lui ne s’était pas attendu à ce qu’elle lui demande de vérifier qu’elle n’avait pas de plaie. C’était pas franchement des choses qui se faisaient… à moins de chercher à faire connaissance.

« Heu…
- Au fait, moi c’est Gary. »

Nouveau petit sourire, amusé.

« Caitlyn. »

Ne pas parler aux inconnus. Ne pas donner son nom, son numéro de téléphone, son adresse. Ne pas les suivre. Autant de consignes de sécurité que tout gamin de cinq ans recevait de la part des adultes qui ne les respectaient pas eux-mêmes.

« Et heu, tu peux dire non pour la question précédente, ou oui, y’a aucune obligation. »

Elle secoua la tête, signe qu’il n’avait pas besoin de préciser quels étaient ses droits et libertés. Et pour le coup, même si elle n’arrivait pas et n’arriverait probablement jamais à éteindre complètement cette partie d’elle qui restait sur ses gardes, elle avait envie de l’ignorer pour cette fois. Rien de définitif, bien entendu, ça ne l’empêcherait pas de faire marche arrière en cas de menace, mais en attendant, elle n’était pas franchement contre lancer un sujet de discussion.

« À vrai dire, je me demande surtout ce qu’il a bien pu faire pour mériter un vol plané pareil, ce pauvre caillou… »

Autrement dit : une explication, même bateau, suffirait amplement pour qu’elle lui pardonne. Sauf s’il avait d’autres idées ?

La situation était quand même particulière et étrange, ce n’est pas tous les jours que l’on envoyait un caillou sur le crâne de quelqu’un et que ce quelqu’un vous demande de l’examiner. Hum. C’était étrange mais après tout pas forcément si désagréable que ça. Au moins ça changeait de d’habitude, et il voyait bien, encore une fois que le soin, la médecine, c’était vraiment toujours ce qui l’intéressait, qu’il avait gardé quand même quelques réflexes pas trop mauvais ! Il essayait d’être doux, mais surtout, si plaie il y avait de ne pas la toucher pour ne pas l’infecter. IL ne s’y connaissait pas assez en médecine moldue pour être certain qu’un bon désinfectant suffirait, il aurait dit oui, mais au cas où, ne voulait pas prendre de risques… mais fort heureusement, il n’y avait rien. Il se sentait mieux et surtout un peu moins coupable, quel abruti ! Il lui rendit son petit sourire.

« Pas de soucis, je ne le sens déjà presque plus ! »
« C’est le principal alors !»

Il avait dit cela, avant d’hésiter, mais finalement, il avait rajouté une autre question, lui demandant s’il pouvait se faire pardonner d’une façon ou d’une autre. D’un certain côté, il espérait que oui, cela l’occuperait un peu l’esprit, cela l’aiderait à continuer à reparler aux gens qu’il ne connaissait pas. Et puis, il se sentirait moins coupable, s’il voyait qu’elle se sentait réellement bien, qu’il n’y avait réellement pas de souci ! Et pour finir, il se présenta. Histoire qu’elle connaisse au moins son prénom.

« Caitlyn. »
«Enchanté Caitlyn, alors. »

Non, il ne lui sortirait pas le discours sur le joli prénom ou quelque chose du genre. Même quand il le pensait, il évitait de dire ce genre de choses un peu bateau et stupide. Il avait vraiment du mal à savoir comment s’adresser à elle, surtout qu’au final il avait peur de s’emmêler les pinceaux entre les mondes Moldus et Sorciers, et si ce n’était pas grave dans le monde sorcier, ça l’était un peu plus chez les Moldus. Jusqu’ici, il n’avait pas fait de gaffe, mais cela pouvait probablement arriver plus vite que l’on ne le voudrait ! Il devait donc être également être prudent.

« À vrai dire, je me demande surtout ce qu’il a bien pu faire pour mériter un vol plané pareil, ce pauvre caillou… »
« Oh.»

Oui, « oh », n’était pas une vraie réponse, Gary le savait pertinemment, mais comment est-ce qu’il pouvait bien répondre à cela ? Il ne voulait pas passer pour quelqu’un de déprimé, ou de psychotique, de dangereux ou autres. Il haussa alors simplement les épaules, il fallait gagner un peu de temps, alors il tenta de plaisanter.

« Si je vous dis que je m’entrainais pour devenir footballeur, pour marquer des points précis, je crois que je ne pourrai pas être précis.» Il haussa un peu les épaules, faisant un faible sourire pathétique avant de rajouter « J’étais disons un peu trop plongé dans mes pensées et je n’ai pas fait attention à ce que je faisais, je crois que j’aurai voulu le faire je n’y serai jamais arrivé ! Comme pour beaucoup de choses à vrai dire.»

Vous savez tous les machins que l’on fait au pif, ou sans réfléchir, sans faire attention et que l’on réussit et que l’on essaye réellement, et bien, c’est toujours un échec. Il plongea les mains dans les poches de son pantalon en attendant de savoir si oui ou non, elle voulait qu’il se fasse pardonner… hum ; Peut-être qu’il devait être plus clair, mais il ne devait pas non plus être trop insistant, ça pourrait lui faire peur. Après tout, parler à un inconnu surtout un mec lorsqu’on était une femme, pouvait être dangereux. Il ne voulait donc pas se montrer anxiogène.

Se recevoir un caillou dans la tête n’était pas franchement quelque chose que Caitlyn avait prédit. Que le coupable vienne s’excuser et s’inquiète de son état n’était encore pas trop surprenant… mais bientôt, le voilà qui se présentait, après lui avoir demandé comment il pouvait se faire pardonner. Peut-être sous-entendait-il qu’il voulait lui offrir un café ou un verre quelque part… Quelle était la probabilité pour qu’il tombe – ou plutôt pour que son caillou tombe – sur quelqu’un qui se présenterait en retour et qui, sans forcément demander un dédommagement sous quelle forme que ce soit, ne fuirait pas la conversation pour autant ?

« Oh. »

… Okay ? C’était pas exactement la réponse escomptée. Peut-être avait-elle posé la question à ne pas poser ? S’il était gêné en arrivant vers elle, il l’était encore plus en cet instant, elle le perçut immédiatement. Elle ne savait même plus lesquelles de ses perceptions étaient humaines, empathiques, et lesquelles animales, instinctives, mais elle pouvait sentir qu’il n’était pas à l’aise. Et c’était réciproque.

« Si je te dis que je m’entrainais pour devenir footballeur, pour marquer des points précis, je crois que je ne pourrai pas être précis. »

Un sourire s’invita sur les lèvres de la jeune femme et elle répondit du tac au tac.

« Si tu me dis que tu t’entrainais pour devenir footballeur, je crois surtout que j’en déduirais que t’as pris ma tête pour des cages… »

L’accident n’en serait-il pas un ?

« J’étais disons un peu trop plongé dans mes pensées et je n’ai pas fait attention à ce que je faisais, je crois que j’aurai voulu le faire je n’y serai jamais arrivé ! Comme pour beaucoup de choses à vrai dire. »

Nouveau sourire. Manifestement, ce jeune homme, Gary, avait de l’humour, aussi gêné puisse-t-il paraitre. Et quelque part, Caitlyn aussi. Elle se surprenait elle-même avec sa répartie, qui certes n’avait rien de très recherché, mais qui contrastait avec le mutisme qu’elle avait adopté ces derniers temps. Ça lui rappelait la jeune fille enjouée, espiègle, qu’elle avait pu être par le passé.

Mais si Caitlyn avait du plaisir à discuter, elle voyait bien que derrière l’humour de Gary se cachait un fond de vérité. Shooter dans un caillou en étant plongé dans ses pensées ne présageait généralement rien de bon. Se dévaloriser, même sur le ton de la rigolade, ça en disait tout de même long sur son estime de soi. Combien de fois avait-elle elle-même tenté de donner le change ? Les stratégies, elle les connaissait… Elle haussa les épaules.

« Ah mais ça, tout le monde. Sauf que ya des gens qui savent faire genre que les coups de bol n’en sont pas mais que c’est le fruit de leur travail… mais en réalité ils ne sont pas beaucoup plus doués que n’importe qui d’autre. »

Elle parlait de ces gens qui avaient du succès, "ceux d’en haut", les politiciens et chefs d’entreprise, qui finalement ne valaient pas mieux que leurs électeurs ou employés, sauf qu’ils avaient le don de savoir s’approprier le mérite de la chance.

Le voyant plonger ses mains dans les poches de son pantalon, elle en fit de même, plus par automatisme qu’autre chose, rentrant les siennes dans les poches de son manteau. Elle s’était présentée, avait répondu à la plupart de ses remarques… Elle ne se voyait pas franchement insister pour qu’il se fasse pardonner, ni continuer à discuter, ne voulant pas lui imposer quoi que ce soit. Alors elle resta là devant lui, ses mains dans ses poches, baissant légèrement la tête sans le quitter des yeux, dans l’attente qu’il décide de la suite.

Est-ce qu’il était en train de ramer pour faire une conversation ? Oui, probablement. Il essayait néanmoins de plaisanter un petit peu sur la situation, maintenant qu’il était certain que la jeune femme allait bien, mais aussi qu’elle ne lui en voulait pas trop. Cela permettait quand même qu’il y ait une atmosphère un peu plus détendue ! Enfin du moins, il essayait de faire en sorte que ce soit le cas !

« Si tu me dis que tu t’entrainais pour devenir footballeur, je crois surtout que j’en déduirais que t’as pris ma tête pour des cages… »
« HUM. Pas faut, mais de très petites cages alors… non pas que tu ais une petite tête, mais par rapport à ce que par rapport à de vraies cages.»

Oui. C’est un vrai argument ! Promis, juré ! Mais il continua avec le fait qu’il était jute plongé dans ses pensées au final. Rien de grave. Est-ce qu’il était bon dans l’auto-dérision ? Oui. Mais en même temps, il ne faisait que dire la vérité ; On ne pouvait pas dire qu’il était très adroit en général, mis à part pour les soins probablement… et qu’il était plutôt nul pour les sports avec de balles où il fallait viser. Il se débrouillait mieux à la course, ou à soulever du poids – du moins à l’époque-.

« Ah mais ça, tout le monde. Sauf que ya des gens qui savent faire genre que les coups de bol n’en sont pas mais que c’est le fruit de leur travail… mais en réalité ils ne sont pas beaucoup plus doués que n’importe qui d’autre. »

Tandis qu’elle parlait, il mit ses mains dans les poches de son pantalon et elle ne tarda pas à faire de même sauf qu’elle utilisa celles de son manteau. Il se racla un peu la gorge cherchant quelque chose à répondre à cela… et surtout comment continuer. Allez Gatiss , tu peux y arriver, ça ne doit pas être si dur que ça, n’est-ce pas ?

« Non. Il y a des gens qui sont naturellement doué dans tous ce qu’ils entreprennent … tu sai, le genre de personne que tout le monde déteste, par ce que généralement ces gens là sont juste imbus d’eux-mêmes u en fon trop, sur tout.» il eut un nouveau petit sourire. « Mais effectivement, beaucoup préfèrent changer un peu la vérité à leur avantage pour briller un peu plus en société, c’est quelque chose de totalement humain.»

Hey, ce n’était pas si mal que ça, mais au final cela ne faisait pas bien avancer la conversation. Gary hésita quelques instants sur quoi dire pour la suite… est-ce qu’il devait proposer quelque chose de précis ou bien juste dire bybye à la jeune femme. Il décida de choisir la première option, par ce que si elle lui disait non au moins ça serait clair !

« Et du coup, aller manger un bout, genre un café et un gâteau, ça te dit ou pas du tout ? »

Voilà, comme ça c’était un peu plus clair. Avec un peu de chance elle dirait oui et il ne passerait pas pour le mec bizarre qui drague les jeunette ... bon ceci dit, il faisait généralement plus jeune que leur âge. Ca passerait peut-être mieux, surtout que ses intentions étaient pures et innocentes. Il n’avait aucune arrière-pensée si ce n’est s’entrainer à discuter normalement avec quelqu’un.

Caitlyn n’avait jamais été franchement timide. Elle se souvenait même qu’elle passait pour la fille ouverte et extravertie fut un temps. Aujourd’hui, elle était plutôt du genre à rester en retrait, avait perdu l’habitude d’amuser la galerie. Avait perdu la flamme, surtout. Mais ce vide et cette distance commençaient à lui peser, et, alors qu’une nouvelle année commençait, bien que n’effaçant pas la précédente, elle sentait qu’il était temps pour elle d’avancer.

Pour autant, elle ne s’était pas attendue à ce que l’occasion se présente aussi tôt. En d’autres circonstances, sûrement ne l’aurait-elle pas saisie ni même reconnue, mais puisqu’elle était justement en train de penser que ça lui ferait plaisir d’avoir un peu plus d’interactions sociales, elle ne pouvait pas ne pas en profiter. D’autant plus que ce Gary ne semblait pas opposé à l’idée de discuter lui non plus, vu comment il s’était présenté et vu les efforts qu’il faisait pour entretenir la conversation.

« HUM. Pas faux, mais de très petites cages alors… non pas que tu aies une petite tête, mais par rapport à de vraies cages.
- Oui mais justement, ça t’entraine à mieux viser. »

Argument à deux balles ? Peut-être. Mais ça se tenait. D’autant plus que de base, ce débat partait d’une supposition complètement tirée par les cheveux. Débat qui dériva sur les origines de leur rencontre, à savoir la maladresse de Gary et ses réflexions.

« Non. Il y a des gens qui sont naturellement doué dans tous ce qu’ils entreprennent … tu sais, le genre de personne que tout le monde déteste, par ce que généralement ces gens là sont juste imbus d’eux-mêmes ou en font trop, sur tout. »

Était-ce pour cela que beaucoup de ses camarades de classe avaient du mal avec elle ? Parce qu’elle réussissait, aussi bien scolairement parlant que socialement parlant ? Parce qu’elle avait des bonnes notes, des bons amis ? Cassie, Doryan, même Wallenstein… Quelque part, elle l’avait toujours supposé, n’avait pas trouvé d’autre explication que celles qu’ils lui fournissaient en l’appelant "Miss Parfaite" ou "Miss Je Sais Tout" ; pourtant, elle n’avait jamais vraiment compris.

Non, elle n’était pas d’accord avec cette affirmation. Elle n’était pas d’accord pour dire que toutes les personnes douées étaient hautaines, imbues d’elles-mêmes, etc. Certaines oui, mais c’était aussi le cas pour les moins douées, et ces généralités, ces préjugés et aprioris, elle ne les approuvait pas. Elle ne les cautionnait pas.

Elle ne releva pas, cependant, ne tenant pas spécialement à ce que la conversation dévie sur un sujet peu plaisant et sur lequel ils pourraient ne pas être d’accord… Elle ne savait pas si Gary était sincère en disant ça, s’il le pensait vraiment, mais préférait ne pas savoir.

« Mais effectivement, beaucoup préfèrent changer un peu la vérité à leur avantage pour briller un peu plus en société, c’est quelque chose de totalement humain. »

Elle haussa les épaules. Il avait sans doute raison sur ce point. Vouloir se donner un peu plus de mérite que ce n’était le cas était sûrement normal. Encore fallait-il savoir rester humble, et ne pas devenir hautain et imbu de soi-même comme il l’avait dit plus tôt. Avait-elle su le rester ? Elle se plaisait à le croire, mais peut-être que certaines personnes ne le voyaient pas. Ou ne voulaient pas le voir…

« Et du coup, aller manger quelque part, genre un café et un gâteau, ça te dit ou pas du tout ? »

Elle chassa ses pensées de son esprit, se concentra sur la proposition de Gary. Un café et un gâteau. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pris un café et un gâteau quelque part ? La dernière fois remontait à ce jour où elle avait croisé Warren, en piteux état soit dit en passant. Elle-même n’en menait d’ailleurs pas large non plus, mais contrairement à lui, elle n’avait pas le visage en sang et des côtes cassées. Encore une activité normale de gens normaux dans un quotidien normal, mais dont elle avait perdu l’habitude au point de ne même plus savoir se l’imaginer.

« Oui, oui, avec plaisir. »

Caitlyn acceptait d’une voix presque distraite tellement elle était finalement prise de court. Non pas par la proposition en soi, mais surtout par l’idée d’aller s’installer dans une pâtisserie, de commander à boire et à manger, de discuter. Non, vraiment, ce n’était pas quelque chose d’habituel pour elle et elle se sentait comme une nana séquestrée pendant des années et qui découvrait enfin la vraie vie. Avant de réaliser que c’était précisément le cas. En réalité, c’est la joueuse qui a lu récemment un article sur facebook concernant une famille séquestrée dans une cave toute leur vie et dont on venait d’apprendre l’existence…

Sur la route, elle continua à cogiter, dans un silence qui aurait pu lui paraître gênant si elle n’était pas justement concentrée sur autre chose. Elle réalisa après plusieurs minutes que Gary se sentait peut-être mal à l’aise, et espéra qu’il la considérerait simplement comme timide. Dans une autre vie, elle aurait sûrement commencé à discuter, de façon un peu plus sérieuse, plus personnelle sans doute, s’intéressant à lui, lui posant des questions, écoutant ses réponses. Peut-être allait-elle y venir plus tard…

« Tu fais ça souvent ? Shooter un caillou dans la gueule d’une fille puis l’inviter prendre un café ? »

Petit sourire. Elle le taquinait, ne savait finalement pas trop comment recommencer la conversation. Ils étaient rentrés dans la première boulangerie qu’ils avaient croisée, avaient choisi et commandé, et attendaient d’être servis, installés à une petite table ronde dans le fond de la pièce, avec fenêtre donnant sur la rue. Caitlyn s’était empressée d’enlever sa veste, devenue assez intolérante à la chaleur. Elle le regardait droit dans les yeux, d’un bleu pur, profond. Elle ne redeviendrait pas la Caitlyn ouverte et extravertie qu’elle était jadis, mais elle n’allait pas se prendre la tête.

Et voilà qu’il était en train de plaisanter –ou quelque chose qui était à peu près similaire-. Avec une parfaite inconnue ! Même si elle avait un visage ravissant, il avait que cela ne voulait rien dire, que les apparences étaient bien souvent trompeuses, qu’il devait faire un peu attention. Le souci, c’est qu’il n’avait pas non plus envie d’être totalement parano, sur tout, tout le temps. Du moment qu’il ne faisait rien de mal probablement qu’il ne s’attirerait pas de souci, et puis, il y avait quand même beaucoup plus de chance que ce soit une moldue plutôt qu’une sang-pure. C’est ce qu’il se répétait en boucle pour se rassurer, parce qu’il en avait besoin, même si c’était stupide.

« Oui mais justement, ça t’entraine à mieux viser. »
«C’est effectivement une façon de voir les choses, mais ce n’est pas mon but dans la vie, et je n’en vois pas trop l’intérêt. Il y a des choses beaucoup plus intéressantes que de savoir viser une tête avec un caillou ! » dit-il sur le ton le plus joyeux qu’il avait un stock.

Il avait essayé de continuer à parler, de sortir des choses pas trop stupides, pas trop banales, et qui ne pouvaient, normalement pas porter à confusion. Il n’avait aucune idée à quel point il avait pu toucher un point sensible. Elle semblait probablement un peu trop mignonne, gentille, fragile pour qu’il puisse savoir cela ; surtout qu’il disait cela en faisait une généralité pas forcément vrai. Il avait du coup parlé, quand même beaucoup par rapport à ce qu’il pouvait faire d’habitude. Il était plutôt satisfait, elle n’avait pas l’air trop blasée, plutôt attentive, elle n’était pas partie en courant, elle n’hurlait en le traitant de tous les noms, c’était quand même un bon début. Il se débrouillait probablement mal, mais il y avait des progrès. Il avait donc repris, une fois son petit monologue fini, son idée d’aller manger ou boire un coup tous les deux.

« Oui, oui, avec plaisir. »

Il remarqua que sa voix avait un peu changé, mais il n’arrivait pas à interpréter ce ton, il avait juste l’impression que ce n’était pas négatif qu’elle ne se forçait pas et c’était le principal. Elle venait avec lui de son propre chef ! Ils avaient pris le chemin qui les amènerait vers une petite route un peu plus commerçante que le parc. Du coup, il ne savait plus franchement quoi dire : mains dans les poches, il avançait en essayant de trouver un sujet qui pourrait la brancher, mais il n’en avait aucune idée, il était probablement un peu trop déconnecté.

« Tu fais ça souvent ? Shooter un caillou dans la gueule d’une fille puis l’inviter prendre un café ? »

Pendant quelques instants il se détendit réellement amusé par cette répartie, et c’est presque tout naturellement qu’il répliqua presque d tac au tac.

« Ouais, assez. C’est la meilleure méthode de drague que j’ai pu trouver… sinon, ça marche moins bien, j’ai dû mal à aborder les filles, vois-tu… C’est un bon moyen de rapprochement.»

Bien sûr qu’il plaisantait. Il ne comptait pas la draguer, il n’était pas sûr d’être prêt à cela, après si ça se passait bien entre eux tant mieux, mais il n’y avait aucune recherche de sa part, aucune envie pour l’instant. Ou plutôt si, sa seule envie était d’essayer de converser le plus normalement possible.
Ils avaient fini par trouver une boulangerie dans laquelle ils avaient commandé et ils s’étaient installés. Il fronça un peu les sourcils en la voyant enlever sa veste. Il enleva pour sa part son manteau mais garda sa veste.

« Tu as chaud ? C’est habituel c’est toi, ou pas ? Enfin, ça me regarde pas et je ne pense pas que ça puisse être un effet secondaire au « coup »… mais quand même, au cas où… on est jamais assez prudent.»


Il tenta de lui faire un petit sourire avant de croquer dans sa viennoiserie. C’était pas gagné la vraie conversation, et il ne savait pas trop comment faire d’ailleurs avec une inconnue ! Ca allait peut-être venir, il n’y avait qu’à espérer que son interlocutrice soit un peu plus bavarde et loquace que lui !

Caitlyn avait certes perdu l’habitude de parler avec des gens, que ce soit pour faire connaissance ou pour entretenir une relation, mais ça ne l’empêchait pas de s’intéresser à la conversation et à la personne pour autant. Au contraire, il lui semblait qu’à force de s’être éloignée, isolée, à ce point, elle était d’autant plus attentive et curieuse. Il lui était souvent arrivé, ces derniers temps, de se trouver égoïste, égocentrique surtout, comme n’arrivant pas à penser à autre chose qu’à ses propres problèmes, qui, il fallait le dire, n’étaient pas anodins. Elle ne cherchait pas à se trouver des excuses, savait bien que la majorité des gens avaient leurs problèmes sans pour autant qu’ils n’ignorent ceux des autres, mais dernièrement, elle n’avait pas eu la force pour se consacrer à son entourage. Aujourd’hui, elle n’y pensait pas. Et elle constatait que ça l’aidait à s’intéresser à son entourage, tout comme s’intéresser à son entourage l’aidait à ne pas y penser.

D’une certaine manière, c’était comme si elle ne pensait à rien. Elle marchait en silence, un silence ni gênant ni lourd à ses yeux. Se contentait de profiter de l’instant, de l’occasion. De la présence de ce Gary, aussi inattendue et improbable qu’elle soit. Elle observait, écoutait, s’imprégnait de ce qu’il dégageait, comme pour mieux le connaître. Sa fréquence cardiaque avait diminué, sa tension interne également. Il semblait moins crispé, plus à l’aise. Elle se surprit même à sourire, pas de ces grands sourires pleins de joie éphémère, ni de ces sourires tristes. Un sourire discret, qui flottait sur ses lèvres, et reflétait un sentiment de paix. Elle se sentait bien, là, à marcher côte à côte avec ce parfait inconnu. Comment en étaient ils arrivés la ?

« Ouais, assez. C’est la meilleure méthode de drague que j’ai pu trouver… sinon, ça marche moins bien, j’ai dû mal à aborder les filles, vois-tu… C’est un bon moyen de rapprochement. »

Elle lâcha un petit rire, secoua la tête. Ne répondit rien, laissant au silence la place de s'installer à nouveau. Ils finirent par trouver un café et décidèrent de s'y installer. Plus que par la bonne odeur de pâtisseries et de chocolat, Caitlyn fut assaillie par la chaleur qui y régnait et la trouva rapidement étouffante. Elle entreprit de se dévêtir, se séparant de sa veste ainsi que de son écharpe, hésitant à enlever son pull également. Mais elle ne tenait pas spécialement à montrer son corps amaigri, ses os saillants, et le garda donc, se contentant de refaire son chignon pour dégager sa nuque recouverte de mèches qui avaient échappé à son élastique.

« Tu as chaud ? C’est habituel chez toi, ou pas ? Enfin, ça me regarde pas et je ne pense pas que ça puisse être un effet secondaire au « coup »… mais quand même, au cas où… on est jamais assez prudent. »

Si le début de son commentaire lui fit légèrement froncer les sourcils, la fin lui tira un sourire amusé par son raisonnement et son inquiétude. C'était assez chou finalement, même si presque un peu trop. Mais elle n'allait pas lui en vouloir pour ça, et s'empressa de secouer la tête avec un regard qui se voulait rassurant.

« Non non, c'est rien, c'est juste moi qui ai du mal avec les changements de température, c'est normal. »

Cela dit, lui aussi avait enlevé son manteau, c’était quelque chose d’assez normal finalement en rentrant quelque part. Sauf que contrairement à elle, il ne semblait pas particulièrement incommodé par la chaleur intérieure, et manifestement, il était plus observateur que ce qu’elle croyait, avait noté sa hâte à se dévêtir. Elle s’efforça d’oublier cette impression de suffoquer, regardant par la fenêtre. Le temps était gris, il ne pleuvait pas, des restes de neige noircie trainaient ci et là et la buée s’échappait des lèvres des rares passants qui osaient braver le froid.

« Ça fait une éternité que j’ai pas pris un café et un gâteau quelque part comme ça… »

Mais alors qu’elle était parfaitement détendue et sereine, il y eut comme un électrochoc dans son ventre et dans sa tête, qui lui noua les intestins et lui mit les sens en alerte, sans jamais remonter jusqu’à la surface, et elle réalisa qu’elle était en compagnie d’un parfait inconnu, un gars dont elle ne savait rien et qui l’avait abordée dans un parc après lui avoir jeté un caillou dessus. Avait-elle seulement pensé qu'il puisse être quelqu'un de dangereux ? Un moldu qui voudrait lui prendre sa baguette voire plus encore, comme Lex à peine quelques semaines plus tôt ? Ou bien un Supérieur qui se défoulerait sur elle avant de lui effacer la mémoire, comme l’été dernier, comme l’hiver d’avant ? À croire qu’elle n’apprenait pas de ses erreurs. À croire qu’elle oubliait le danger qui rodait partout autour d’elle, d’eux tous.

Son cœur s’était mis à battre si fort qu’elle avait l’impression de pouvoir l’entendre résonner dans toute la pièce et faire vibrer ses murs. Elle déglutit. Elle ne devait rien laisser paraitre, en tout cas pas pour le moment. Elle prit la tasse que la serveuse avait déposée devant elle, de même que l’assiette avec le gâteau qu’elle avait choisi, ainsi que la commande de Gary, et la porta à ses lèvres, qu’elle trempa dans le liquide fumant. Elle ferma les paupières alors que la première gorgée descendait le long de son tube digestif et la réchauffait de l’intérieur.

« Du coup, si t’es pas footballeur… tu fais quoi dans la vie, Gary ? »

Toujours détendue en apparence, un sourire aux lèvres, amusé et taquin, mais vigilante en réalité, mettant à profit cette fois-ci sans aucun scrupule ces sens qu’elle trouvait si injustement intrusifs vis-à-vis des autres. Des sens qu’elle ne maîtrisait pas encore, qu’elle ne contrôlait pas ni ne savait interpréter correctement, en tout cas pas alors qu’elle était sous forme humaine avec une intelligence humaine et dénuée des instincts animaux qui prenaient le dessus les nuits de Pleine Lune ; des sens qui la plupart du temps l’incommodaient, l’assaillaient, la bombardant d’informations qui la ralentissaient et la parasitaient plus qu’autre chose ; mais des sens qui finalement pouvaient lui être utiles, elle le savait, et alors que la menace se faisait réelle à ses yeux, elle comptait bien s’en servir.

Il ne savait pas franchement vers où il allait, mais, il essayait quand même de plaisanter un petit peu, il arriva même à la faire rire. Un peu. C’était pas grand-chose, mais déjà mieux que rien, au moins, cela signifiait probablement qu’il y avait toujours un certain sens de l’humour en lui qui se cachait quelque part par-là, non ? C’était donc plutôt une bonne nouvelle, à moins qu’elle se moque de lui, mais elle ne lui donnait franchement pas cette impression-là. Bientôt ils s’étaient retrouvés dans une petite boulangerie où la jeune femme semblait tout d’un coup avoir très chaud. Certes, il faisait bon, mais probablement pas à ce point-là. Il avait un peu froncé les sourcils, et était peut-être un peu inquiet, se demandant si ce n’était pas un contre-coup du justement coup… il avait donc posé des nouvelles questions, peut-être un peu plus personnelles, pour être certain qu’il ne devait pas la conduire à l’hôpital… Alors oui, les questions posaient comme ça faisaient bizarre, peut-être même un peu pervers sexuel, ou juste personne cheloue. Il ne savait pas trop comment on pouvait percevoir cela. Tout va bien, Gary, tu ne seras pas coupable d’un autre « meurtre », elle, elle est en vie, respire, a des mimiques de visages sensées et répond de la même façon ! Alors on se calme Gatiss et on respire !

« Non non, c'est rien, c'est juste moi qui ai du mal avec les changements de température, c'est normal. »

Qu’est-ce qu’il pouvait répondre à cela ? Rien. Il n’y avait rien à dire, chacun était comme il était même s’il trouvait ça un peu bizarre… mais bon, on ne choisit pas sa nature, comment on vit les différences de températures et compagnie. Alors aucun commentaire, ni question étrange Gatiss. On se la ferme juste. Voilà, bon garçon… même s’il fallait bien avouer que des questions lui traversaient l’esprit.

« Ça fait une éternité que j’ai pas pris un café et un gâteau quelque part comme ça… »

Il n’avait pas remarqué son malaise, trop concentré à savoir ce qu’il pouvait bien lui répondre. Comment est-ce qu’il pouvait répondre à cela ? Peut-être qu’il ne devait juste rien dire. Au final, il n’y avait aucune question, et lui demander si elle ne sortait pas ou autres lui semblait assez indélicat comme question. Il y avait plein de raisons pour lesquelles on ne faisait pas : la maladie, l’argent, amis parti, déprime, trop de boulot. Oui, valait mieux se taire plutôt que de mettre un ou deux pieds dans le plat !

« Du coup, si t’es pas footballeur… tu fais quoi dans la vie, Gary ? »

Ah ! La question qui fâche. Merde, comment est-ce qu’il allait pouvoir répondre à ça. C’était facile pourtant de dire qu’il ne bossait pas, ou qu’il avait perdu son travail, mais cela pouvait disons…. Apporter d’autres questions qui n’étaient pas souhaitables. Est-ce que l’idée de lui répondre le stressait ? Oui, beaucoup même. Il y avait certains regards – de jugement, désapprobateurs- qui en disaient longs. Néanmoins, angoissé ou pas, il devait lui répondre quelque chose. Il suffisait juste qu’il trouve le bon angle, ce n’était probablement pas si difficile que cela de ne pas trop mentir –pas trop du moins – et se débrouiller pour qu’elle ne pose pas plus de questions que cela ! Allez Gatiss ! Il y a quand même beaucoup plus compliqué dans la vie ! Il se mordilla un peu la lèvre et finalement se résolu à répondre
« Je suis à la recherche de travail pour l’instant, donc je verrai bien ce que l’avenir me réservera. Et toi ?»

Il n’y avait probablement rien de plus basiques que ces propos-là, mais il avait quand même fallu qu’il réfléchisse pas mal à comment tout dire. Et il fallait qu’il trouve également un autre sujet, plus intéressant, par ce qu’il se doutait que peu pouvaient être aussi intéressants que ce que lui avait déjà dit Bethany, le boulot en parler à des inconnus c’était plu ennuyeux qu’autre chose.

« Et, est-ce que tu as des passions ? OU des choses comme ça. Enfin des trucs ou c’est simple d’échanger en somme.»

Et où il serait probablement, peut-être … plus disons à l’aise. Ceci dit, ça dépendait ce qu’elle abordait, par ce qu’en six ans, il avait quand même raté pas mal de choses, aussi bien dans l’un que dans l’autre des mondes.

Merde merde merde. Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Qu’est-ce qu’elle était en train de faire ? Ce qui lui avait paru comme une bonne idée, une idée innocente et inoffensive, lui semblait soudain être de l’inconscience et de la folie à l’était pur. Depuis quand se laissait-elle approcher par des inconnus ? Avait-elle oublié les agressions dont elle avait fait l’objet ? La dernière en date remontait à moins de deux mois plus tôt, et avait commencé exactement de la même manière : accostée dans un parc, elle était rentrée dans la conversation et avait fini un couteau sur la gorge. La précédente l’avait envoyée à l’hôpital avec une commotion cérébrale, et si elle n’en avait gardé aucun souvenir, elle était presque sûre d’avoir été victime d’un Doloris à en juger d’après ses muscles raidis et courbaturés. Celle d’avant encore lui avait valu deux bonnes semaines de convalescence dont une dans le coma et des cicatrices parsemaient encore son dos là où sa peau avait servi de parchemin et son sang d’encre pour inscrire ce message avant de l’abandonner dans le parc enneigé de Poudlard. N’en avait-elle rien tiré, rien appris ?

« Je suis à la recherche de travail pour l’instant, donc je verrai bien ce que l’avenir me réservera. Et toi ? »

Elle avait senti une boule se former dans sa gorge, son cœur s’était mis à battre si fort qu’elle avait l’impression de pouvoir l’entendre résonner dans toute la pièce et faire vibrer ses murs. Pourtant, elle avait conservé un visage parfaitement calme et relancé la discussion autour d’un sujet bateau, y ajoutant même une petite touche d’humour pour rester dans la continuité de leur conversation précédente sans éveiller ses soupçons. Tous ses sens aux aguets, elle était attentive au moindre changement chez cet homme, ce Gary. Elle avait entendu son cœur s’emballer, comme submergé par une vague de stress, ou de hâte, avant qu’il ne lui réponde en lui retournant la question.

« J’ai pris une année sabbatique. Je fais des petits boulots par-ci par-là pour me faire un peu d’argent de poche et voyager… »

Elle parlait d’une voix assurée et désinvolte à la fois, se surprenait soi-même par autant de facilité à répondre. Son état d’alerte la poussait à donner le meilleur d’elle-même sans jamais rien laisser paraitre. Elle porta une nouvelle fois sa boisson à ses lèvres, après avoir mangé un bout de gâteau. La situation avait failli lui échapper, lui glisser entre les doigts, mais elle la tenait désormais à nouveau fermement, l’avait sous contrôle. Combien de temps parviendrait-elle à se concentrer ainsi, à rester sur le qui-vive ? Combien de temps avant qu’elle ne baisse à nouveau sa garde ? Il fallait qu’elle trouve une solution, rapidement, avant qu’il ne soit trop tard.

« Et, est-ce que tu as des passions ? Ou des choses comme ça. Enfin des trucs ou c’est simple d’échanger en somme. »

Il relançait à son tour la conversation, et semblait un peu fébrile, anxieux. Ce n’était pas naturel, fluide, et Caitlyn savait que c’était tout à fait normal que ça ne le soit pas, ça ne l’aurait pas été même s’il n’y avait eu aucun risque ni danger, même si la guerre ne faisait pas rage autour d’eux et ne les incitait pas à se méfier… mais elle ne pouvait s’empêcher d’avoir l’impression qu’il essayait réellement de la retenir avec lui, de recueillir des informations sur elle. Et ça l’inquiétait.

« En ce moment c’est surtout les voyages du coup. Mais j’ai fait pas mal de musique, et sinon bah je fais du sport mais rien de passionnel ni de passionnant. »

Un petit sourire pour accompagner sa réponse, alors qu’en elle la tension ne cessait de monter.

« Et toi ? »

Elle s’intéressait, se demandait s’il serait sincère ou si lui aussi allait déformer un peu la vérité à son avantage comme elle venait de le faire pour ne pas montrer à quel point elle était perdue et vulnérable, en plus de devoir respecter le Secret Magique. Elle était loin de se douter que Gary était non seulement lui-aussi sorcier, mais qu’il venait de passer six longues années à Azkaban.

Est-ce qu'il avait bien fait de présenter les choses comme ça ? Peut-être. Ca faisait peut-être de lui quelqu'un de fainéant ou de pas doué mais au final il s'en fichait : il n'était pas le seul dans ce cas-là et la jeune femme devait avoir que ce n'était pas tout le temps simple... même sans l'avoir la courbe de chômage et compagnie en disait long. Il essayait également d'être disons un minimum positif, pour ne pas faire celui qui a perdu espoir, celui qui est un poil déprimé. Néanmoins cette simple question était stressante pour lui, il ne voulait pas dire d'où il venait ou ce qu'il avait fait, surtout qu'il n'était pas dans le monde magique. Il pourrait toujours dire qu'il avait poussé le frère de Klara ou même envoyé un livre çà la tête mais au final, sans l'histoire des sorts, l’histoire avec beaucoup moins de sens et …. que ce soit dans un monde ou dans l'autre ce n'était franchement pas bien vu de sortir de prison, même si, quitte à choisir, il aurait préféré les Moldues. Pas de détraqueur. Il essaya de chasser rapidement cette image de son esprit histoire de ne pas être en crise d'angoisse, de pouvoir toujours se contrôler un minimum, alors, heureusement que la réponse de la mignonnette face à lui ne tarda pas à se faire entendre, il pu ainsi se focaliser sur cette dernière sans trop de souci. Une chance pour lui, elle ne l'avait pas encore fui !

« J’ai pris une année sabbatique. Je fais des petits boulots par-ci par-là pour me faire un peu d’argent de poche et voyager… »

Il acquiesça doucement et forcément le mot voyager lui fit penser à Esteban. Dans un meilleur état physique et psychologique, il aurait probablement également essayé les petits jobs. Mais là, il savait que ce n'était pas possible, la plupart avaient des horaires en 3/8, ou de nuit, et il fallait être agréable avec les clients,sourire aux lèvres et compagnie. Il ne se sentait pas encore la carrure ou pour. Et puis, il avait toujours cette fixette pour réponse aux numéros d’urgences, même si c'était du stress, ça ne serait pas du tout le même. Il avait toujours aimé enir en aide aux autres et ça se rapprocherait un peu -vaguement- du médical. Bientôt, lorsqu'il aurait pris un peu plus pied, il espérait.

 « Les petits boulots, c'est … comment dire, des contrats d'un jour ou deux toujours au même endroit ou c'est vraiment des choses dans la durée mais peu d'heures par semaines, du coup tu dois en avoir plusieurs ? Mais le voyage c'est cool... tu aimerais visiter quel coin ?»

Oui, parc ce que si on pouvait trouver des trucs pour une ou deux journées, ça pouvait toujours être bien pour lui, du moment que ce soit ponctuel, qu'il pouvait « choisir » en quelque sorte les jours où il se sente pas trop mal. Il ne le ferait pas de suite, mais pour la suite, c'était peut-être une information à prendre. Ou pas. Il le verrait bien . Gary avait donc continué en parlant des passions de la jeune femme vu qu'il n'avait aucune autre idée de conversation et que ce n'était pas vraiment son truc. Avec un peu de chance, il trouverait un point commun et tout serait un peu plus simple, même si on ne pouvait pas franchement dire jusqu'ici que la chance soit vraiment de son côté !


« En ce moment c’est surtout les voyages du coup. Mais j’ai fait pas mal de musique, et sinon bah je fais du sport mais rien de passionnel ni de passionnant.
Et toi ? »


ce n'était pas franchement avec ça qu'il allait pouvoir faire quelque chose de correct. Les voyages il n'avait jamais réellement bougé d'ici. Et le sport, il s'y remettait doucement, mais est-ce que c'était vraiment une passion ou un hobbie ? Il n'en savait trop rien. Il ne pouvait pas dire non plus qu'il passait la plupart de ces journées dans son lit, à regarder le plafond, à attendre que ça aille mieux. Il regardait aussi pas mal la télé, mais ça n'était pas … quelque chose à dire.

 «La lecture, le sport. Rien de bien passionnant non plus. C'est difficile de bien occuper ses journées lorsque tous ses amis travaillent... » Il soupira doucement.  « Après les jeux de logique, les puzzles aussi ça passe, mais en petite dose.»

Il faillait bien qu'il fasse travailler sa cervelle de toute manière.

La discussion semblait normale, ce n’était probablement pas si rare que ça que deux inconnus se mettent à causer, cherchent à se connaitre, à se rapprocher peut-être. En général, c’était plus fréquent dans un bar, le soir, avec un peu d’alcool dans le sang, leurs amis respectifs occupés à faire autre chose. Se retrouver dans un café après s’être rencontrés dans un parc en plein jour gris était sans doute un peu atypique, mais en soi, ce n’était pas complètement improbable.

Sauf qu’une fois le doute installé, il était difficile de s’en défaire. Et Caitlyn le sentait qui se répandait dans son corps comme un venin, sans antidote. Elle pouvait presque entendre son cerveau tourner à plein régime alors qu’elle réalisait à quel point elle était en mauvaise posture. Elle ne savait rien de ce gars, de ce Gary. Il se pourrait parfaitement que ce soit un psychopathe, affichant un masque de timidité et de gêne, tout en enroulant autour d’elle des liens qu’elle n’arriverait plus jamais à défaire.

« Les petits boulots, c'est … comment dire, des contrats d'un jour ou deux toujours au même endroit ou c'est vraiment des choses dans la durée mais peu d'heures par semaines, du coup tu dois en avoir plusieurs ? Mais le voyage c'est cool... tu aimerais visiter quel coin ? »

Il cherchait à la connaitre, voulait savoir son métier, ses hobbies… Bientôt, il lui demanderait où elle habitait, comme Lex le mois dernier, et un allié à lui arriverait et leur pointerait un couteau ou un flingue dessus. Elle déglutit. Son cœur battait la chamade. Ne pas paniquer. Ne pas perdre le contrôle. Faire comme si de rien n’était, tout en restant prête à tout.

« Bah… J’ai été en Australie cet été, c’était chouette, j’y retournerais bien mais c’est cher les billets d’avion. Et quand je dis petit boulot, non c’est pas des contrats d’une ou deux heures, hein, disons c’est quelques semaines par ci, quelques mois par là, ça dépend ce que je trouve. Là je bosse dans une auberge, mais je ne dirais pas non à une librairie ou autre chose d’un peu tranquille… »

Mais si Caitlyn était parfaitement détendue en apparence, Gary lui ne semblait pas à l’aise. Ce qui la perturbait plus qu’autre chose. Faisait-il semblant d’être embarrassé pour qu’elle baisse sa garde ? Ou au contraire n’arrivait-il pas à cacher ses mauvaises intentions ? Tous les scénarios qu’elle imaginaient menaient inéluctablement vers une fin douteuse.

« La lecture, le sport. Rien de bien passionnant non plus. C'est difficile de bien occuper ses journées lorsque tous ses amis travaillent... Après les jeux de logique, les puzzles aussi ça passe, mais en petite dose. »

Elle acquiesça sans rien dire, toujours en train de réfléchir à la manière dont elle allait bien pouvoir échapper à son emprise. Et plus elle y pensait, plus elle réalisait qu’elle ne pouvait pas rester là. Il fallait qu’elle parte avant qu’elle n’arrive plus à cacher son stress et qu’il leur explose à la gueule à tous les deux. Alors elle se leva, fit un petit geste pour lui signaler qu’elle allait aux toilettes, et s’éloigna.

Attrapant la clef au comptoir, elle s’enferma dans l’unique WC, et s’appuya avec les deux bras sur le lavabo, se regardant dans le miroir comme si elle espérait que son reflet lui apporte la réponse à sa question : maintenant quoi ? Elle avait arrêté de retenir son souffle et elle avait l’impression de respirer comme un coureur après un sprint, son cœur encore lancé à pleine vitesse alors que ses jambes tremblaient sous elle.

Elle se pencha, se passa de l’eau froide sur le visage. Lorsqu’elle se releva, elle avait l’impression d’être plus calme. Elle s’assit sur les toilettes, prit sa tête entre ses mains, enroulant ses doigts autour de ses cheveux. Elle n’allait pas se laisser abattre. Elle avait gagné contre Lex, elle pouvait gagner contre Gary. Elle n’était pas une petite chose sans défense. Elle n’était pas une victime.

Elle ressortit des toilettes et déposa la clef sur le comptoir, profitant pour payer sa consommation. Puis elle rejoignit Gary à la table et, sans se rasseoir, mangea le dernier bout de gâteau qui restait dans son assiette puis prit sa veste qu’elle avait laissée sur la chaise.

« Il faut que j’y aille. »

Elle entreprit de se rhabiller, lui laissant le temps d’en faire de même s’il le souhaitait, puis se dirigea vers la sortie. S'il voulait l'accompagner, la suivre, la rattrapper... il en avait l'occasion. Idem s'il voulait lui demander ce qui lui prenait pour se comporter soudain ainsi, ou au contraire poursuivre une conversation comme si de rien n'était.

Il était loin, très loin de se rendre compte du stress qu’il était en train de soumettre à Caitlyn, il essayait d’en savoir un peu plus sur ce mode de fonctionnement de petit boulot, surtout par ce que ça pourrait lui être utile.

« Bah… J’ai été en Australie cet été, c’était chouette, j’y retournerais bien mais c’est cher les billets d’avion. Et quand je dis petit boulot, non c’est pas des contrats d’une ou deux heures, hein, disons c’est quelques semaines par ci, quelques mois par là, ça dépend ce que je trouve. Là je bosse dans une auberge, mais je ne dirais pas non à une librairie ou autre chose d’un peu tranquille… »

Il se contenta d’acquiescer doucement, ouais, l’Australie ça devait être chouette. Ou pas. Il n’était pas certain de pouvoir se faire au climat ou se genre de choses, mais au final, peut-être que de changer de pays l’aiderait à mieux repartir de zéro. Il lui restait cependant un gros doute sur la question, car les Supérieurs étaient un peu partout… et son sang ferait toujours de lui un moins que rien. Pour le boulot non plus, il ne savait pas trop quoi répondre, l’auberge cela ne le tentait pas trop quant aux livres…. Pourquoi pas ? C’est vrai que ça pourrait être quelque chose d’un peu plus sympa s’il n’arrivait pas à accéder à ce qu’il voulait…. Mais est-ce qu’il serait capable de faire ce genre de métier ? Aucune idée !

«Tu aimes quel genre de bouquins ? Moi je suis plus polar, fantastique ou même fantasy. »

Mais là encore, il était loin d’être à jour avec les nouveautés, avec tout ce qui se faisait actuellement…. Alors bon, il fallait espérer qu’elle serait plus dans les bons « vieux » classiques ; Il avait continué sur ses propres hobbies, où il y avait également la lecture dedans ! Elle ne tarda pas ensuite à partir aux toilettes, Gary en profita pour continuer tranquillement ce qu’il avait commandé. Se demandant si ce qu’il disait pour l’instant était correct et n’était pas trop ennuyeux, il avait l’impression de l’être, ennuyeux, quand il s’entendait parler. .. et enfin Caitlyn ressortit mais ne se réinstalla pas préférant prendre son manteau et finir rapidement son gâteau debout, ne tardant pas à lui dire qu’il fallait qu’elle y aille. Il fronça un peu les sourcils surpris d’un tel revirement de situation.

« Heu ok… ben bonne fin de journée alors.» dit-il plus perplexe qu’autre chose.

Bon. Il avait merdé quelque part mais il ne savait toujours pas où exactement, qu’est-ce qu’il avait pu dire qui la fasse fuir comme ça ? A moins qu’elle se soit souvenue qu’elle avait un truc urgent à faire… ou alors elle s’ennuyait. Il pouvait il y avoir beaucoup de possibilités… et il ne savait pas franchement laquelle prendre, laquelle serait la plus juste et ce genre de choses.
Il se mordilla un peu la lèvre, avant de finir son plat – de payer- et de s’en aller à son tour en trouvant toujours cette attitude un peu étrange.