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Tailler la route [OS]

 :: Autour du monde :: Autres Continents :: — USA
Ven 19 Jan 2024 - 16:26

Lundi 13 Février 2017
Port de Ventura, début de matinée

C’est pas facile de dire au revoir, ça ne l’a jamais été. Dans ma tête les choses sont, si ce n’est tracée au moins à peu près claires. J’ai un point de départ, un point d’arrivée, ce qu’il se passe entre les deux est plus ou moins de l’impro totale. Une date de retour ? Pas vraiment. Un objectif en revanche : Me retrouver.
La Pleine Lune passée je me sens plus épuisé encore mais ça n’est pas le corps qui pèse le plus lourd, c’est la tête. Pourtant je le sens dans mes poumons, cette capacité à respirer plus facilement est bel et bien là depuis que j’ai pris cette décision. J’fais du tort, j’fais du mal, j’en ferai d’autant plus si je restais. Personne n’a essayé de me retenir, personne ne m’en veut, ils savent que je fais au mieux.

Dans la cabine s’entasse de quoi tenir plusieurs jours en terme de bouffe, des fringues pour le froid et la pluie, les croquettes de Wax qui s’impatiente sur le ponton. Ça sera lui mon compagnon de voyage, dire au revoir à Einstein et Lune n’a pas été plus simple. Okar, Oracle et Lazy s’en foutent pas mal je crois, c’est jamais vraiment la même relation avec des chouettes ou des hiboux. Moi-même j’peux pas tellement dire qu’ils vont me manquer.
Du matos de camping, de randonnée, de quoi écrire, un ou deux bouquins, je prends l’ordinateur pour continuer à bosser histoire de pas laisser Alan et les autres en plan. Et parce que c’est important pour moi de ne pas lâcher ça, aussi. J’en suis là, occupé à enrouler les cordages après avoir vérifié que tout est à sa place quand la brise m’apporte son odeur avant le son de sa voix « Alors comme ça on s’tire sans dire au revoir ? » Lunettes de soleil remontée dans ses longs cheveux bruns, une main à plat devant les yeux pour se protéger du soleil et l’autre posée sur sa hanche, je devine un sourire tant dans son intonation que sur son visage. Riley. J’ai l’impression qu’on se retrouve toujours à des moments un peu charnière elle et moi, sans trop savoir ce qui fait ça. Ce qui nous lie laisse un peu les émotions de côté alors c’est souvent plus facile « J’vois qu’c’est pas possible de se barrer en douce par ici. » De l’humour, évidemment. Ça n’a jamais été le but. Ceux que j’ai prévenu se comptent pourtant sur les doigts d’une main, je laisse l’info circuler par effet cascade et l’Écossaise est la preuve que j’ai bien fait.

Quand je descends sur le ponton Wax est en train de lui faire la fête, moi je me fais la réflexion qu’elle a bonne mine. On se regarde quelques secondes sans rien se dire, comme si aucun mot ne pouvait vraiment exprimer ce qu’on aurait envie d’exprimer. Il y a un sourire sur ses lèvres comme sur les miennes, je regarde alentours et mes yeux vont se poser en direction de la maison. A l’intérieur de ma cage thoracique et dans le creux de mon ventre ça se serre un peu. Non, ça n’est pas facile de dire au revoir.

Pas Adieux, juste au revoir.

« C’est le plus beau cadeau que tu puisses te faire. »

Il y a de la tendresse dans ses paroles, sa tête légèrement penchée sur le côté comme si elle lisait dans mes pensées. Elle l’a fait elle aussi, elle s’est autorisé ça. Partir, tout lâcher y compris les autres. Ça me fait du bien d’entendre ça « J’garde un œil sur lui. » La montée d’émotion qui me submerge me pousse à lever les yeux vers le ciel comme si ça pouvait entraver l’humidité qui s’invite sous mes paupières.
Je prends le temps de me ressaisir, la pudeur est tenace mais noyer mes doigts dans le pelage de Wax à cet effet calmant presque immédiat. Je sais que je prends la bonne décision, ça ne veut pas dire que c’est simple à gérer « J’sais que tu le fais déjà mais tu peux en garder un sur Sova aussi ? » Je m’en veux de partir maintenant, après toute cette histoire avec Naveen. Elle sait que je ne peux pas faire autrement.

Vient ce moment où les mots deviennent une pression, ils sont de trop, alors le corps prend la relève comme souvent. Je ferme les yeux, ses bras autour de moi, les miens autour d’elle « Retrouve toi bien. » Juste un murmure qui me bouleverse et l’appel du large se fait presque brutalement plus puissant. Elle est la première à se détacher, ses lèvres viennent claquer un baiser bref sur ma joue « Bon voyage. » Je lui offre un sourire un peu timide, capte qu’il n’y a pas que moi à ressentir une émotion forte. Il est temps que ça se termine « Merci. » J’embarque à nouveau, Wax va se poser à l’avant comme il le fait toujours – Elle a de la gueule ma figure de proue. Quand le moteur ronronne et que je sors du port j’ai cet instinct de ne pas regarder en arrière, de m’y forcer, presque une envie de faire demi-tour même si je reste convaincu de prendre la bonne décision.

J’tiens pas.
Là-haut sur les hauteurs je laisse une partie de moi, mes yeux autant que mon cœur en cherche les contours une dernière fois.

J'vais quitter là mes chaînes
Et quand je reviendrai l'âme saine
C'est qu'j'aurais voyagé

Ben Mazué
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Dim 21 Jan 2024 - 17:14
Carnet de bord

Tailler la route [OS] Tumblr_mes051RI781rmceijo1_500

Parcours & trajectoire :

  • Ventura / Monterey (Californie)
  • Monterey / Yosemite National Park (Californie)
  • YNP / Olympic National Park (Oregon/Washington)
  • ONP / Île de Vancouver (Colombie Britannique, Canada)
  • IDV / Territoire du Yukon
  • TDY / Alaska


Moyens de transport :

  • Voilier (Ohana)
  • Bus
  • Train
  • Stop
  • Ferry
  • Transplanage (le moins possible)
  • Marche (beaucoup)


Hébergements :

  • Camping, sauvage ou non
  • Auberge de jeunesse
  • Chez l'habitant, au fil des rencontres
  • Motel, peut être une fois ou deux


Compagnon de voyage :

  • Wax

Tailler la route [OS] Ew2d
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Ven 2 Fév 2024 - 14:06
Faut se défaire des couches de merde, effeuiller l'habitude aussi. Les enlever une à une, prendre le temps, se brusquer c'est pas non plus l'idée.
La côte défile, les ports comme les criques ou les baies s'enchainent. Chaque soir un nouveau spot, chaque soir on retouche terre. Si je n'avais pas Wax avec moi je crois que je pourrais oublier le son de ma propre voix comme la sensation du béton, de la terre ou du sable sous mes pieds. J'oublierai que mon sang est celui d'un être humain dont l'habitat naturel est la terre ferme.


Il commence à être loin l’océan, les kilomètres défilent sous les roues du bus solidement ancrées à l’asphalte. L’immensité de bleu laisse place aux grandes plaines, aux forêts, aux massifs rocheux qui se détachent petit à petit de l’horizon.
J’ai cette impression de respirer mieux à chaque pas en avant, comme si les tempêtes essuyées en mer avaient lavé les angoisses et que la terre à présent m’essore la tête pour n’en faire qu’un souvenir, un mirage, presque une chimère. Il a fallu se réhabituer au sol, au statique, après avoir passé quasiment une semaine à danser avec la houle. Sous le soleil ou sous la pluie ça n’avait pas vraiment d’importance et si le calme des baies accompagnait les soirées et les nuits je n’ai jamais marché assez pour reprendre cet équilibre propre à mon espèce.
Le regard rivé sur les paysages je me détache de ce qui m’entoure, une main noyée dans le pelage de Wax tranquillement endormi à mes pieds. Personne à côté, on a de la place. Je débranche, casse le rythme par nécessité. Je laisse mes repères disparaitre dans un souffle chaque jour plus tranquille. Moins oppressé.

Une salve de cartes postales est partie de Monterey juste avant qu’on ne quitte la ville il y a de ça quelques heures, à destination de ceux qui font brûler mon cœur de la plus douce des manières. Une façon pour moi de leur dire tout ça à demi mot, de leur faire comprendre que même si j'ai pris le large pour réparer mon âme ils sont là. Jamais loin. Que les océans ou les continents pourront bien nous séparer ça ne changera rien.

Je sais que c'est sans doute étrange de fuir tout ce qu'il y a de plus beau dans son existence mais quand on perd la saveur même de ces choses là, on fait quoi ? J'ai trouvé qu'ça.

J'prends trop souvent sur ceux qui m'entourent et qui m'aiment, et pour qu'ils s'ressourcent eux de mes tristes rengaines régulièrement j'me retire. Je pars ou je peux dire rien si je veuxBen Mazue


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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Ven 9 Fév 2024 - 12:31

Quelque part au beau milieu de l’Oregon

La promesse d'une pause, d'un répit
Du repos pour mon esprit
Comme une bulle au milieu du bruit

Grand Corps Malade / Gael Faye / Ben Mazue

J’ai arrêté de compter les jours, je ne compte pas plus les kilomètres. En bateau, en bus, en train, à pieds ou en stop. Mon rythme est celui de Wax, c’est aussi simple que ça. Tant qu’il marche je marche, quand il s’arrête alors je m’arrête et si ça m’est arrivé une fois ou deux de le porter je me dis que de toute façon on a le temps.
Du temps passé dans la nature, dans un diner ou un cofee shop où j’en profite pour bosser un peu, dans un motel une fois de temps en temps histoire de retrouver un minimum de confort et pouvoir prendre une douche brulante. Et puis parfois les portes s’ouvrent, celles d’étrangers à qui tu t’attaches sans le voir venir, avec qui tu te sens bien l’espace d’un instant même si tu sais que tu ne les reverras sans doute jamais. Ils sont assez rares, je ne suis pas partie pour me mêler aux humains je l’admets mais je laisse le hasard décider de la plus grande partie des choses.
Les changements sont évidents. Je le sens dans mes muscles, fourbus mais de plus en plus habitués et endurants, dans mon esprit qui se débarrasse de la brume au fil des pas et du changement de décor. J’ai vu l’océan, des paysages désertiques, les montagnes et les forêts. J’ai foulé les sentiers de terre et l’asphalte, connu des températures négatives, la pluie, la neige, le grand soleil. Des rivières et des torrents. On a toujours su trouver un abri quand il le fallait, une main tendue si besoin, et puis le confort magique de la tente est une sécurité rassurante même si relativement minimaliste. Je fais attention à tout ce qui nous entoure, plus pour Wax que moi parce que la faune sauvage change au fil des Etats que l’on traverse. Les grands carnivores, supers prédateurs, entrent en ligne de compte et jamais je ne me le pardonnerais si l’un d’eux s’en prenait à mon chien. On a croisé des ours, heureusement d’assez loin. On a entendu les coyotes et les loups la nuit, le pygargue le jour, aperçu des mustangs par endroit. Ratons laveurs, castors, mouffettes, à chaque jour une nouvelle surprise et lorsqu’on s’arrête, qu’on se pose au coin du feu, je note tout. Tout ce que je vois, ce que j’entends, ce que je sens et ressens. J’essaie de me détacher de ce qui m’engluait avant de partir sans trop penser à demain, de me raccrocher à une normalité que je n’aurai plus envie de fuir. Je me recentre, me concentre, je me fous la paix et me retrouve petit à petit. J’dis pas que ça solutionne tout, je suis ni naïf ni dans le déni mais ce temps-là doit se passer comme ça.

Le reste, la suite, on verra plus tard.

J’en suis là, la tête tranquille et les épaules alourdis par mon sac à dos, quand un énorme pickup à la calandre rincée par le temps s’arrête à notre niveau. Si je suis partie c’est aussi pour ça, paradoxalement : Pour me réconcilier avec l’humain, arrêter de me méfier de tout le monde par instinct. Je prends sur moi, je me pousse dans mes propres retranchements, je fais confiance à mon chien et son appréciation aussi. Wax que j’attrape en douceur par le collier plus par réflexe qu’autre chose, un besoin de le mettre en sécurité. En voyant les gouttes de pluie qui ruissellent sur la vitre côté passager je me rends compte que j’avais oublié le climat, y compris la noirceur du ciel un peu plus en amont. Quand la fenêtre s’ouvre je vois apparaitre le visage marqué mais souriant d’un homme qui pourrait sans doute être mon grand-père. Le premier réflexe de mon corps est de se mettre en état d’alerte mais je n’en montre rien « Où est c’que vous allez jeune homme ? » Mentir, inventer n’importe quoi, lui dire que je rentre simplement chez moi … Mais sans doute parce que son sourire est communicatif et parce que ce qu’il dégage a un côté apaisant je me détends, glissant un regard jusqu’à Wax qui n’a qu’une envie c’est de poser ses pattes avant sur la portière pour voir le nouveau venu. Sa queue bat l’air d’enthousiasme, il piétine, je me fais la réflexion que le contact avec les autres lui manque peut-être. Quand je relève le regard vers l’inconnu il y a un sourire tranquille sur mes lèvres « On n’a pas vraiment décidé. » Ce qui n’est pas faux. Je sais juste que le but actuel est de rejoindre à nouveau l’Océan pour voir les plages du PNW mais ça ne sera pas avant plusieurs jours quel que soit le moyen de locomotion.
Lui me regarde, sans doute pour se faire une idée et je me demande ce qu’il peut s’imaginer de moi. J’ai probablement l’air d’un type un peu louche, un vagabond, chaussures de marche aux pieds et sac sur le dos avec mon chien sans laisse. Quelque chose passe dans son regard juste avant qu’il ne fasse un mouvement du menton et je comprends son intention bien avant qu’il l’exprime par des mots « Ils annoncent un sale temps pour cette nuit et la prochaine ville est pas tout près, vous devriez pas rester là. Montez ! » J’hésite, pas entièrement serein. Il n’y a rien par ici si ce n’est des immensités de montagnes et de forêt, meilleur moyen de tomber dans un piège sans que personne ne me retrouve jamais. Je ne suis pas sans défense et mes proches ont accès à ma localisation mais … Et si. Et si tout se passait bien ?

Débrancher, ne pas réfléchir, arrêter d’avoir peur.
Foncer.
Vivre.

« Merci. » Le sourire est plus franc, je le regarde se pencher pour nous ouvrir la portière alors que je fais glisser mon sac de mes épaules. Il est balancé sur le plateau du pickup, quand je demande pour Wax il me dit de le faire monter à l’avant et gagne de grand coup de langue de sa part des mains jusqu’au visage. Dans l’habitacle ça sent le chien, la terre et le sequoia, ça sent la vie simple et douce même si ça poigne est ferme quand il me tend la main et que je la serre « Ezra. McMillan. » J’oublierai pas. Je me souviens du prénom et du nom de tous ceux que j’ai croisé. Chaque fois la même pression qu’ils ne soupçonnent pas. Je réponds quoi ? Je suis qui ? Mais l’évidence s’est présenté au bout de quelques fois « Sam. » C’est finalement comme ça que je me présente depuis le début de mon périple et parce que je vois qu’il attend la suite j’hésite encore, me lance, accepte le fait que ça ne soit pas suffisant et que ça change peut-être la donne. Qui ferait confiance à un type sorti de nulle part qui refuse de dire qui il est ? Étonnement, plus de gens qu’on ne le pense « Juste Sam. » Je crois qu’il voit dans le fond de mon regard tout ce que je ne dis pas, cette envie ou plutôt ce besoin de n’être rien de plus que ça. Sam. Samuel. Un prénom qui a la valeur de la tendresse de ma mère, mes racines. Pas que je rejette tout ce que je suis, loin de là, mais Enzo a sans doute encore trop de chose à peser sur ses épaules. Alors est ce que Sam sera suffisant ? Je crois « Et lui c’est Wax. » Celui qui fait 80% du boulot à chaque fois. Impressionnant de taille et de carrure il a ce truc dans le regard et l’attitude qui charme a peu près tout le monde. Là encore ça fonctionne, la main d’Ezra se pose sur sa tête et lui brasse les poils comme il le ferait sur la tête d’un gamin « Sam et Wax. Enchanté. » D’un signe de tête je lui rends la politesse, retire mon bonnet et roule des épaules pour les dénouer avant de passer la ceinture. Le moteur gronde, mes angoisses face aux véhicules motorisés ont fini par disparaitre avec le temps et déjà les lignes blanches dessiner au sol défilent comme les arbres qui bordent la route « Vous savez où dormir cette nuit tous les deux ? » Je quitte la route des yeux, glisse mes doigts dans le pelage de Wax installé par terre entre mes jambes, lèvres pincées un instant. Je fais attention à la météo pourtant mais ici elle est changeante, bien plus humide que dans le sud. J’ai bien compris que la prochaine ville n’est pas avant plusieurs dizaines de kilomètres et que dormir sous la tente pourrait être dangereuse alors j’en sais rien, je crois que je continue à me dire qu’on se débrouillera « Ma femme fait le meilleur ragoût de cerf du Comté, ça vous dit ? » Et puis ça. L’offre qui réchauffe autant l’âme qu’elle la retourne. Ça me prend comme ça parfois, une envie de pleurer quand je fais face à la bonté dont peut faire preuve l’humain. Je m’en suis trop éloigné au fil des ans et putain, ça m’avait manqué. A force de survivre et faire face il y a beaucoup trop de choses qu’on a fini par oublier.

Alors j’accepte, je mets mon sort entre les mains de cet homme que je ne connais pas.

Puis entre celles de Rosie. C’est le nom de sa femme et j’ai découvert une personne qui a le cœur autant dans les yeux que sur la main. Avenante, rieuse, attachante et ouverte d’esprit. Pas très grande, minuscule à côté de lui à vrai dire, un peu ronde et les joues roses. Elle aime la vie, c’est écrit en gros dans tout ce qu’elle dégage et sans le voir venir je me laisse aller.
Wax s’éclate avec leur petit chien, Artus, une sorte de petite boule de poils blanche hyperactive. Au coin du feu qui flambe dans la cheminée dans un petit panier se repose une chatte rousse, autour d’elle trois chatons roux et blanc s’amusent avec tout ce qui bouge ou ne bouge pas. Le quatrième, bien sûr qu’il est sur mes genoux. On se parle jusqu’à tard dans la soirée, dehors le vent souffle aussi fort que les flammes dansent dans l’âtre. On rit, beaucoup, et puis ils me parlent d’eux, de cette belle cabane en bois qui a vu naitre trois enfants aujourd’hui grands qui viennent les voir régulièrement. Six petits-enfants. Oui, une vie douce. Si je leur parle de moi évidemment que j’occulte certains faits mais sans trop y prêter attention j’évoque toutes ces choses belles qui font partie de ma vie et la construise. Celles qui reprennent un peu de couleur, de lueurs, trop longtemps étouffées injustement par les ombres.

Ce soir-là malgré la tempête dehors je m’endors comme une souche, Wax au pied du lit comme gardien.

Et là
Au milieu du monde
Pour que la vie réponde
On a pris le temps

Grand Corps Malade / Gael Faye / Ben Mazue

±

« Tu triches. » Téléphone sur l’oreille je me suis étonné que le réseau passe ici « Je triche » Il y a un sourire dans ma voix même s’il est timide, je ne nierai pas la rapidité de mes battements de cœur alors que j’entends la sienne pour la première fois depuis de jours, des semaines. Lui comme les autres. Il y a les cartes postales, quelques messages parfois, l’idée c’était pas non plus de totalement me couper du monde. La tempête est passée dans la nuit et si elle a laissé quelques traces derrière elle le soleil brille ce matin. Ça sent l’humus, le pin, le musc par endroit, un peu plus loin j’entends Wax aboyer et Artus lui répondre. Ils jouent. Je pense à Einstein, je pense à Lune « J’voulais juste te dire que ça va, j’me suis pas envolé. » Parce que je sais ne pas être le seul à vérifier la météo et que dans mon égo trip, à foutre le camp quasiment du jour au lendemain, je sais que je fais du mal. J’ai pas vraiment idée de ce qui va se passer quand je vais rentrer, focalisé sur l’instant présent « Et te montrer un truc. » Mon sourire s’élargit, il doit le sentir dans ma voix « Je peux ? » Un peu de pudeur je crois, comme si je n’avais pas envie de lui imposer mon quotidien en sachant qu’il n’a pas vraiment eu voix au chapitre concernant mon départ. Lui comme les autres.
Parce que je comprends qu’il est ok je passe l’appel en visio sans être vraiment certain que ça fonctionne mais en percevant son silence je comprends que c’est bien le cas. Ce qu’il a devant les yeux rendrait muet n’importe qui de censé, en arrivant hier j’étais loin de me douter qu’en franchissant quelques hauteurs j’arriverai sur un décor qu’on ne pense voir que dans les films. Un lac, des montagnes aux sommets blancs en arrière-plan, une diversité de végétation partout autour malgré l’absence de feuillage chez nombre d’arbres. C’est sans doute pas la meilleure saison pour en apprécier la beauté mais même comme ça, j’ai du mal à détourner le regard « La vache. » Oui, voilà. La version polie. Et sur mes lèvres le sourire se transforme sans qu’il ne le voit « En fait il est plutôt cool ton pays. » Je me moque, ce qu’il ne sait pas c’est que ça me serre le ventre de voir son visage. Ça me le crispe d’une façon qui me donne envie de sourire plus encore. On sait que les personnes qu’on aime nous manque, surtout après avoir parlé d’eux comme je l’ai fait hier soir, mais là ça vient me percuter en plein plexus « Depuis le temps que j'te le répète. » Est-ce qu’il entend mon rire alors qu'il lève les yeux au ciel ? Ça lui fait quoi ? J’appréhende le moment où j’inverse l’écran et retrouve ma face en petit en haut à gauche. Je sais pas trop ce que je vais lire dans ses yeux alors un peu nerveux j’enchaine, je brode « J’vais rester ici un ou deux jours de plus, la tempête a fait quelques dégâts et les gens qui m’ont hébergé cette nuit ont besoin d’un coup de main. » Pragmatique je retrouve surtout des sensations familières, celles des débuts, celles où on a envie mais on n’est pas encore trop certain d’oser. Ça me fout des fourmis dans le bout des doigts et des papillons dans le ventre, je trouverai sans doute ça ridicule si j’étais pas aussi heureux de ressentir toutes ces choses positives de plus en plus « Ça te va bien ce voyage. » Et puis ça, quelques mots qui me font baisser le regard comme un con. Le merci silencieux il passe par le regard, par le sourire, par l’attitude générale. J’dis rien même si j’ai envie de lui dire des tas de trucs. Qu'il est beau, que ça peau me manque, mais ouais je me tais. Comme une peur de tout gâcher « J’peux te ramener un chaton si tu veux. » Te ramener. C’est ça le plus important, pas le chat. Il restera là ce chat, pas moi.

Ce que je n’ai pas réussi à lui dire de vive voix je lui envoie à demi-mot par message. Partie sur ma lancée j’envoie une photo des chatons Sovahnn en lui demandant si Liya a envie d’un animal de compagnie, une de la vieille moto d’Ezra à Mateo, une connerie à Caem, une autre à Takuma. La vue à Caitlyn, Jordane puis Julian, les trois adeptes de la rando qui se régaleraient ici. A Kezabel aussi.

Je reste ici pour aider, je reste surtout ici parce que je m’y sens bien et Wax aussi. Ça ne sera pas pour toute la vie, juste de quoi ralentir et profiter. Rendre ce qu’on m’a donné sans rien demander en retour. Retrouver l’humain comme on m’a appris à l’aimer.

Léger, je me suis peut-être finalement envolé.


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Enzo S. Ryans
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Ven 15 Mar 2024 - 16:25
Je crois que ce sont les gémissements plaintifs de Wax qui m’ont tiré de là, sans doute ses coups de pattes ou sa truffe humide contre mon visage. C’est un truc qu’il fait depuis tout petit, ça lui est venu instinctivement alors que l’état dans lequel j’étais quand on a fait connaissance était plus qu’approximatif. Sans lui j’aurai mis plus de temps à me remettre j’en ai la certitude, lui comme Einstein, Tess ou même Lune à l’époque ne se rendent sans doute pas compte de la présence précieuse qu’ils représentent.
Et puis je crois qu’il y a sûrement des chiens plus sensibles que d’autres, je ne devrai sans doute pas m’étonner que le mien ait développé ça jusqu’à être capable de ressentir instantanément quand quelqu’un de va pas bien. Pas officiellement un chien d’assistance, j’ai aucune pathologie qui en nécessiterait un, mais une énorme aide émotionnelle en tout cas ça c’est certain.

Les jours et les semaines passent, je me sens mieux c’est indéniable mais que ce soit l’approche de la pleine lune ou autre chose j’ai senti les angoisses se pointer quand j’ai posé la tête sur l’oreiller. Difficile de trouver Morphée, l’épuisement physique a dû venir me choper quand même et les cauchemars en ont profité. Rien de bien distinct, rien dont je me souvienne clairement en émergeant difficilement en tout cas, mais le corps en sueur et la tête en vrac je mets du temps à retrouver mon souffle.
On est arrivé dans le Yukon hier soir, trop tard pour vraiment pouvoir en admirer les paysages parce que la nuit est vite tombée. J’ai monté la tente à l’abri du vent, la neige commence à fondre un peu partout et les prémices du printemps rendent les paysages encore plus beaux. Une main noyée dans le pelage de mon chien je fixe le haut de la tente sans le voir dans le noir total, dehors il pleut et les impacts sur la toile sont comme une berceuse. Aucune idée de l’heure qu’il est, aucune envie de le savoir.

J’inspire.
Expire.

Pas de frustration, je crois que je n’ai jamais vraiment perdu de vue que malgré les éclaircies de plus en plus présentes j’allais pas m’en sortir comme ça. Ça prendra du temps, le schéma je le connais par cœur. Et cette fois ça sera plus long, sans doute parce qu’il va falloir simplement prendre le temps de tout reprendre depuis le début ou presque. Prendre le temps de faire ça bien, surtout. Juste … Prendre le temps. Et faire la paix. Avec moi-même comme avec le reste, les autres.

Je pense beaucoup à eux, à ceux que j’ai laissé derrière mois et avec qui j’ai plus ou moins repris contact ces derniers jours. Dehors les prédateurs nocturnes sont en pleine chasse, qu’ils soient sur terre ou dans les airs. L’océan est loin mais si je ne me plante pas il y a un lac à moins d’un kilomètre. J’irai m’y baigner demain matin, de quoi décrasser la peau comme l’âme.
A côté de moi Wax s’est rendormi, son souffle régulier me fait sourire de tendresse. Un an et demi que cette boule de poils s’est pointée dans ma vie, et ça fait maintenant presqu’un mois qu’on marche tous les deux du matin au soir sans regarder en arrière. Sans trop de surprise je prends bien plus soin de lui que de moi, Il n’y a pas un soir où je ne lui masse pas les pattes ou que je ne vérifie pas ses coussinets, y mets du baume pour les hydrater et les apaiser. Je ne lui ai jamais vu le poil aussi brillant, je me dis que ce genre d’exil faudra qu’on continue à se l’offrir de temps en temps. Pas forcément que tous les deux, pas forcément tout le temps accompagnés non plus.

La terreur des premiers instants de clarté s’évapore au fil des secondes et les ombres ne me font plus peur. Je ne tremble plus, le sommeil revient.

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