AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-40%
Le deal à ne pas rater :
Tefal Ingenio Emotion – Batterie de cuisine 10 pièces (induction, ...
59.99 € 99.99 €
Voir le deal

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Puisque la vie est plus forte - Enzo

 :: Londres :: Ouest de Londres :: ─ Mayfair. :: Logement de Alec & cie
Mar 11 Juil 2023 - 17:23

 13 Janvier 2017


Je crois que j’aurais préféré les cris, la brusquerie d’un affrontement, qu’est-ce que j’en sais ? Crêpage de chignon et trucs balancés à terre. J’aurais revu Sixten et sa violence. J’aurais su. Pas qu’on aient été ensembles, bien sûr, mais c’était une rupture. La seule vraie rupture qui ait été vécue comme telle d’ailleurs, celle de deux amis qui s’écharpent pour ne plus se revoir. Va te faire foutre qu’il m’a claqué. Et c’est très exactement ce que j’ai fait.
Mais là…

Pas un cri, pas une brusquerie, juste une reddition atroce qui nous tors toutes deux d’un truc qu’on a refusé pendant des semaines. J’ai même pas envie de dénombrer le nombre de jours qui nous amené là. Je me revois arriver après la bataille dans les Balkans, le goût de tes lèvres où se mêle le sel quand je te demande de ne pas me quitter.
On a tenté. On a tenté à s’en faire mal.
On a tenté et putain, ce que j’en ai mal. Je t’ai dit qu’on pouvait le faire, qu’on y arriverait, que ce n’est que la distance, que ce ne sont que d’autres gens. Que c’est pas grave.

Mais c’était grave. Pas les autres, pas la distance. Rien de tout ça. Ce qui l’est ; c’est que c’était pas le bon moment. Et pourtant je t’aime. Putain, t’as pas idée comme je t’aime. T’as pas idée de ce qui me fend les côtes aujourd’hui, hier, chaque jour depuis celui où j’ai touché tes lèvres pour la dernière fois. J’ai le goût de tes larmes sur la langue et l’esprit qui refuse d’entendre quoi que ce soit d’autre que nos corps qui se trouvent et se séparent.
Nos voix écharpées. L’évidence qui finir par passer le cap du silence. T’as voulu m’en parler. J’ai fuit. J’ai fuit jusque sur les champs de batailles, j’me suis noyée dans les cendres et le sang. Je crois que je serais allée en enfer si ça avait suffit à ne pas te quitter.

Mais même ça, ça n’a pas suffit.

T’as besoin d’autre chose. T’as besoin d’être libre, d’être en vie. Et moi je suis lourde avec mes angoisses. J’y arrive juste pas. J’ai pas cessé d’en chier, de tenter de suivre, de faire comme si je savais, je pouvais, j’étais solide. Mais j’le suis pas. Et je tiens pas la distance.

J’y arrive pas.
J’suis désolée j’y arrive pas.

Je t’aime. Mais je peux pas.

Je sais pas.

Et là je sais plus quoi foutre de moi.

La musique gueule dans le casque et je ferme les yeux à m’en fendre les paupières. A tâtons, je chope le téléphone abandonné quelque part dans les coussins, pas loin de mon cou. Le tissu est humide et m’arrache un frisson quand il touche la peau de mon cou mais j’ouvre pas les yeux. Pas envie de croiser le plafond qui me dévisage, pas envie d’entendre le silence de la pièce. Alors j’augmente le son encore, jusqu’à ce que ça m’en fasse mal au crâne, que ça me vrille les tympans. Un peu plus même. Ça fera peut être taire le brouhaha de mes pensées. Ça éloignera peut être ton souvenir de mon esprit, disloquera le bruit des vagues dans le sable d’Espagne ou le grondement de l’eau d’une cascade. J’oublierai alors que là, c’est de tes bras que je voudrais me draper. J’imagine un instant ouvrir les paupières, trouver devant mon regard les ombres de tes boucles qui découpent l’image et les couleurs chatoyantes d’un grand aquarium aux lueurs mouvantes. J’y recherche le calme, sent monter les larmes.
Ça tremble sur mes lèvres. Bloque la respiration. Inspire.
Trois jours.
Combien ça prend de temps, avant de se sortir de cet état ? De se rappeler que l’oxygène, c’était pas toi. Que je sais respirer par moi-même.
C’est pas évident là tout de suite.

Rien ne l’est d’ailleurs. Il n’y a que cette crevasse géante dans laquelle je tombe sous la surface.
Putain de drama-queen, arrête. Relèves-toi, fait des trucs de ta vie, ne sois pas cette loque secouée de sanglots qui se prend pour une adolescente face à son grand chagrin.
Mais j’ai beau me répéter ça, les larmes coulent de nouveau et j’augmente encore le son dans le casque. J’ai même la faiblesse de remettre certaines musiques, de laisser celles qui font le plus mal, de mettre en boucles celles que j’écoutais à l’enterrement de Zach, quand je t’ai retrouvée dans ta bagnole, qu’on est restées un moment les pieds sur le tableau de bord à écouter les basses et la guitare pour se donner un peu de courage. J’y sens tes doigts effleurer les miens, je vois les buissons, la peine, les premières confidences.
Je me revois te confier la photo de ma mère, t’avouer sa mort, te demander un dessin, une peinture, un quelque chose qui vienne de toi et qui ferait de ce petit morceau de papier glacé plié et abîmé quelque chose de plus beau. De neuf. Comme si elle était de nouveau là, rien qu’un instant, au travers tes coups de fusain.

C’est sur la table basse. Et putain que je voudrais me réfugier dans ses bras. Mais elle est pas là, toi non plus. Et moi putain : j’ai froid.

Du plat de la main, j’efface les larmes, tend mon téléphone au dessus de ma gueule. J’espère malgré moi un message. J’imagine ce que tu fais, ce que tu penses. Toi aussi, t’es au fond du trou ? Ou c’est juste pour ma gueule ?
Le plafond me fixe. Je zappe quelques musiques, tente autre chose, essaye de ne pas me vautrer dans la douleur. Putain que j’ai l’air con. Putain c’que tu me manques. Putain d’émotions.
Putain.
Juste “putain”. Parce que j’ai pas les mots, que tout me fait vriller, que j’ai juste envie de ne plus penser.

Je bois pas, j’suis pas barrée à l’autre bout du monde, pas en train d’avaler les pilules de l’oubli ou de crasher mon corps sur celui d’une bande de défoncés dans le même état que moi. J’suis juste là. À fixer le plafond, musique à fond, creux dans le cœur. T’as vu Enzo. J’ai écouté. ‘Pas l’impression de vivre mieux la merde mais j’ai écouté.

Après un moment encore, je me redresse, plante les pieds dans le parquet. Là, j’me suis envoyée en l’air avec Lex. Aujourd’hui, c’est juste loin de tout. Alec ne rendre pas chez lui souvent, j’le sais, je fais le ménage ici depuis longtemps. J’arrose la weed de la frangine. Et là, je squatte. J’y campe. Ça a une meilleure gueule que les squats de mon adolescence déjà.

Ils font comment, les autres, dans ces moments-là ? Tu fais quoi toi ? Tu passes la nuit avec Riley à parler de tout ça ?

J’inspire, bloque, laisse mon visage tomber entre mes genoux et glisse les mains le long de mon cou jusqu’à mon dos. Le casque en deviendrait presque douloureux, coincé entre mes bras et mon crâne. Ça gueule. Ça gueule tellement que lorsque je daigne l’enlever, le silence de la baraque d’Alec me semble bourdonner à mes oreilles. J’ai envie de rien putain. Juste de rester là, le regard dans le vide, à attendre que ça passe. Mais ça passe pas. Alors je chope à tâtons une bouteille qui traîne là, en vide le contenu. Plastique, bouchon bleu. De l’eau. Ouais.
J’essaye. Là aussi j’essaye. J’ai prévenu personne, pourtant. J’vois juste pas quoi dire, j’ai même pas avoué qu’on étaient ensembles. Ya que Riley et Sanae qui le savent. Pas qui j’appellerai. Qu’importe “qui”, je saurais même pas quoi dire.

En chopant un sweat à ma gauche, je l’enfile, songe à sa propriétaire. Jay. Évidemment que je sais qui je devrais appeler. Jayden, Enzo. Alec. Takuma. Mais au lieu de ça, je me lève pour appuyer sur le bouton allongé de la Play. J’irais pas à la Garde, j’ai dit que je prenais quelques jours. J’irai nulle part.
La voix de Nathan Drake m’accompagne un moment. Puis celle de Joël et Elie. J’me perd juste dans les temples à escalader et les infectés à buter. J’m’y paume… jusqu’à ce qu’un craquement caractéristique me fasse tourner le regard et pose sur Enzo un œil piqueté de rouge.

Le casque toujours sur le cou, la musique qui gueule sous la capuche du sweat, le cul planté dans le canapé que j’ai pas vraiment quitté depuis trois jours. Devant moi, un claqueur me bouffe la gueule sans que je ne réagisse. Un sourire faiblard passe sur mes lèvres. T’as deviné hein ? Question stupide.

“T’as vu, j’suis pas déchirée dans un coin à me faire tringler : ya du mieux.” l’humour est rêche sur mes lèvres.
De la main gauche, je redresse ma manette et la lui tend, l’invitant sans une question à me rejoindre. Pas de demande d’explication ; je sais. Et j’suis fatiguée de fuir. J’en suis soulagée, même.
De pas être seule face à mes crevasses.

“J’ai hésité avec le Mexique.” Fais-je avec un sourire craquelé.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Jeu 13 Juil 2023 - 11:25

Nuit noire.
Ou presque.

Le verre d’eau entre les doigts de ma main droite, la gauche logé dans la poche de mon short, torse nu je frissonne en scrutant la lune accrochée haut dans le ciel. Sa lueur argent plonge le coin dans une sorte de film en noir et blanc, en contre bas l’océan se crashe contre le sable et la roche. Bruit sourd mais régulier, j’ai encore les sens à vif et la peau électrique.

Une de plus.

Un an que ce merdier a commencé.

Silence radio.

J’suis pas foutu de t’expliquer comment j’me sens, juste que le sommeil me fuit. Peut-être parce que j’ai passé plusieurs heures à dormir en fin d’après-midi après avoir tenu la journée entière. J’pouvais pas rater une sortie sur le terrain, j’voulais pas, mais sans trop de surprise j’me suis écroulé en rentrant. Un sourire tendre et amusé sur son visage, sa main dans mes cheveux. J’ai senti l’impact d’un baiser sur mon front, je crois que je me suis endormi en plein milieu d’une phrase.

Sous mes pieds le bois de la terrasse est presque frais, je rempli mes poumons de l’air nocturne en écoutant chanter les grillons et les hiboux. Se passe ce truc qui parfois vous fait attraper votre téléphone à un instant aléatoire pour voir que quelqu’un vient de vous écrire ou est en train de vous appeler. Sur l’écran une notification, sur mes lèvres un sourire.
Elle a dû me voir « en ligne » sur l’un de ces canaux où on communique – qu’importe lequel « Insomnie ? » Et sur mon visage un sourire quand je tire mon téléphone de ma poche pour lire ce simple mot.

J’appelle. Ça fait longtemps que j’ai pas entendu sa voix je crois et la preuve, on passe presque 1h à discuter de la vie, du monde, de son nouveau départ, ses premiers pas à Paris ou de l’arrivée de Riley en Californie. D’Adam. De la pleine lune, de mes exams ou du nombre de requins recensés depuis le début de la semaine. Jusqu’à la fêlure dans ses mots, les choses qu’on ne dit pas vraiment mais qu’on entend quand même.

Parfois ça marche pas, ça ne marche plus.
C’est comme ça, on n'y peut rien.

Nuit noire.
Ou presque.

Plein jour de l’autre côté du globe ou de l’hémisphère.


Un mot sur la table de chevet, un autre sur le frigo. Tout va bien, insomnie. Quand il verra que les chiens sont restés là il comprendra que j’ai quitté le continent. Europe, Australie, j’ai tergiversé en essayant de retrouver Morphée allongé sur le canapé pour ne pas le réveiller. Lune sur le ventre un moment, même elle ça a fini par la souler alors j’me suis relevé pour enfiler des fringues et décaler d’ici.

Pas de nouvelles du frangin depuis Noël mais j’ai pris un virage, décidé de passer vérifier un truc. Appelez ça l’instinct, j’en sais rien, tout ce que je sais c’est que je ne suis pas étonné de la trouver ici. La fuite et le chaos ne sont plus là, sans doute pas loin sous la surface mais quelque chose a changé. J’te le dirai pas, tu le nieras, ça te foutra mal à l’aise.

Des cernes noirs floquées sur une peau claire.
Gringe

Les cheveux et la moitié du visage planqués sous une capuche, une manette entre les mains, le casque comme la télé qui crache un son auquel j’fais pas tellement attention. Ça hurle, je perçois le bruit de la chair qu’on déchire comme une réminiscence de ma précédente nuit, son regard et son vague sourire sont tout ce que je regarde. Dans tes yeux et sur ton corps y a un champ de bataille mais j’ai le sentiment que la trêve est là « T’as vu, j’suis pas déchirée dans un coin à me faire tringler : ya du mieux. » Je souris mais ça me fait un truc, me serre le bide une seconde. Je nous revois des mois en arrière, à boire jusqu’au petit jour, à se cracher l’un contre l’autre pour chercher l’oubli dans les soupirs et la chaleur humaine. Un battement de cœur et ça s’estompe, rien qu’un mirage, j’abaisse ma propre capuche dans un geste lent « Question de perspective. » Pas vraiment de sens, rien que des mots balancés avec nonchalance et une pointe de moquerie douce.

J’attrape la manette qu’elle me tend sans trop y faire gaffe, me laisse tomber lourdement sur le canapé et pose mon regard sur l’écran. Mes mains comme mon cerveau se sont habitués, les réflexes sont fluides quand mes pousses cherchent et trouvent les bons boutons plus ou moins aux bons moments « J’ai hésité avec le Mexique. » Un rire bref secoue mes épaules, passe comme un souffle d’air entre mes narines « La coke et les putes. » Les fameuses. Celles que j’ai pas cherché quand j’ai fui là-bas, pas plus qu’Alec, est ce que c’est à ça qu’elle fait référence ? Sans doute. Pourquoi le Mexique ? Pourquoi pas. Doit y avoir un attrait pour les cœurs brisés et les âmes paumées. Deux fois j’y suis retourné depuis, deux fois avec le sourire et le myocarde serein « Même moi j’mange plus proprement. » Ça c’est parce que je me fais déchirer par un putain de zombie sur l’écran. J’ai dit que j’avais chopé les réflexes, pas que j’étais bon. Pas comme si j’passais des heures à jouer, mon truc à moi c’est plutôt de rester loin des écrans. Globalement.

Le geste est presque mou quand je lui retends la manette, le dos enfoncé contre le dossier du canapé et le visage tourné vers elle.

« Tu veux en parler ? »

De ton cœur en vrac et des creux sous tes yeux. De la pâleur de ton visage qu’a sûrement pas vu la lumière du jour depuis un moment et du rouge sous tes paupières.
Des marques sur ta peau et dans le fond de ton regard, que je fais semblant de pas voir.
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Jeu 13 Juil 2023 - 16:28

 13 Janvier 2017


J’avais pas prévu que quelqu’un débarque. J’ai pas prévu de m’échapper. Pas envie de sourire, pas tellement la force de faire quoi que ce soit en vérité. Pourtant je te sens sourire derrière moi et quelque part sous la surface, si ça n’apaise pas, ça y verse quelque chose de plus doux. De l’eau fraîche sur une plaie.

« Question de perspective. »

Pas un regard, j’observe l’écran d’un air morne. Le crâne de Joël ouvert dans la longueur. L’image est sale, ne me fait aucun effet. Pas plus maintenant qu’avant. Tout me passe au-dessus, jusqu’aux affrontements dans les Balkans. Je sais pas, je veux pas. Pourtant ça aspire mon esprit fatigué de trop penser.
T’attrapes la manette, te laisses tomber sur le canapé et mon corps rebondi sous l’impact. C’est idiot mais ce changement de joueur, sans aucun propos entre nous, sans souligner ce qui merde là, pour moi, ça me fait du bien. Alors tu reprends les rennes du jeu, souffle un rire à ma vanne merdique et je ramène mes jambes contre ma poitrine. Les bras pour entourer cuisses et mollets, je pose le menton sur mes genoux et observe ta dextérité à tataner de l’infecté. Pas ouf, on va pas se mentir.

« La coke et les putes. »  
“Seconde option.”

Est-ce que j’y ai pensé ? Non. Bizarrement non. Ou plus exactement, dans mes tripes, les réflexes ancrés sont bien là mais on ne va pas se mentir, ça, c’est la première fois que j’ai à le gérer. Alors ouais, j’ai pensé à toi, à ce que tu m’as dit sur la plage, au Mexique que t’as évoqué. Elle était là, la référence. Pour la coke et les putes, j’en sais rien… mais ça sonne comme un plan qui me parle, on ne va pas se le cacher.

« Même moi j’mange plus proprement. »

Et encore une fois, Joël fini mal. Ellie bouffée dans un coin, merci bonsoir.

Fin de l’histoire.

J’ai un sourire, mais ces trois mots me bouffent les tripes et gonflent mon œsophage d’un liquide salé. Tout ravaler, racler de la gorge, voilà tout ce qu’il me reste pour tenter d’avoir l’air moins… Mouais. T’as vu pire.

Alors je chope la manette, pas vraiment plus vive que toi. J’manque de sommeil, j’ai rien bouffé, mal partout et je dois avoir envie de pisser depuis plus de deux heures. Mais je bouge pas plus et rallume le jeu. Les gestes sont plus précis, plus efficaces aussi. Ça, pour avoir joué, j’ai joué. Un moyen de nouer du contact très vite, une façon de créer du lien n’importe où. Il y a quelques jeux comme ça que je connais. D’autres que je découvre. Ceux-là, c’est nouveau. Mais ça fait deux jours que je les ponce comme je peux histoire de ne plus penser. Alors ouais, je casse des gueules, plantes des carotides et allume des cocktails Molotov. Là aussi, ça devrait piquer d’une autre manière, rappeler d’autres chocs, me faire sentir le goût de la cendre et de la mort des semaines passées. Pourtant même ça, ça remonte pas. Parce que quand c’est le cas, c’est mon arrivée chez Keza que je vois. Ses bras, ses lèvres, sa voix.

« Tu veux en parler ? »
“T’es mauvais avec une manette. C’est vrai, faut en parler.”

Un petit sourire qui peine à se tenir. Il flotte puis se déchire dans une grimace. J’tiens pas. J’y arrive pas. Alors j’arrête. Casse des gueules. Crames des types. Ça gueule dans la télé lorsque l’avatar contourne un bureau, passe hors du champ de vision des tireurs ; attire les infectés et fait un massacre.
Lorsque tout s’arrête, qu’il n’y a plus dans l’espace de jeu que des cadavres. Humains, infectés. Corps brisés, brûlés, ensanglantés. Mes yeux sont humides et piquent quand je gonfle la poitrine, retient le souffle instable qui meurt quand j’expulse l’oxygène amer.

“Je suis pas certaine qu’il y ait grand chose à dire en vrai...”

Sans doute que si. Sinon il n’y aurait dans mon esprit aucun incessant tumulte. Pas de plaie ouverte, d’impuissance crasse face à une situation qui ne semble n’avoir aucune porte de sortie. J’ai juste pas les mots. J’ai un vacarme sous les côtes et une crevasse dans le cœur. Un dégoût, surtout, de ces sensations qui me ressemblent si peu. Putain de guimauve.
Je mets le jeu sur pause, quelques secondes, rien de plus, le temps de poser mon regard sur le tien. “Elle t’en a parlé ou t’as deviné ?” Aucune surprise là-dedans. Dans le premier cas, ma volonté de garder ça secret a été éventée dès que Sanae et Riley ont été au courant et je sais depuis longtemps que la probabilité que toi, tu sois passé à côté, est nulle. Sans toi, on n’aurait pas été ensembles. Alors ouais, de cette partie-là, j’ai aucun doute. Et pour la rupture, ben… ça aussi, ça se voit.
Ainsi, dans ma question, il y a un truc un peu désespéré, un peu idiot aussi. Une question en sous-texte dont je me moque d’ordinaire quand ça dégouline de miel et de guimauve dans les films : Tu l’as vue ? Elle va comment ?
Je soupire et pose mon front sur le haut de mes genoux l’espace d’une seconde. Avant même de relever le regard, j’ai rallumé le jeu, enclenché une cinématique que personne ici ne regarde ou n’écoute vraiment et dégluti toute la misère de mes sentiments.

Cinématique terminée, premier humain fracassé contre un mur en douce. Un œil sur l’écran, l’esprit ailleurs, je finis par chercher à tâtons mon téléphone quelque part entre nous deux et baisse la musique qui commence à saturer mes sens.
Dans tous les cas, t’as deviné que j’étais là. Avant le propriétaire des lieux qui a sans doute largement mieux à faire, d’ailleurs. Ou alors est-ce un hasard ? J’ose pas poser la question car dans le fond, si c’était le cas, ça me décevrait je crois. Ça a pas de sens, mais c’est là.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Jeu 27 Juil 2023 - 16:59
« T’es mauvais avec une manette. C’est vrai, faut en parler. » Si ton sourire est mince, faiblard, peine à tenir, mon rire est plus franc. Fait acté et validé par à peu près tout le monde, c’est vrai que je suis à chier avec une manette entre les mains et c’est presque devenu un fait d’arme. Un truc dont je suis quasiment fier sans aucune rationalité « Faut bien que j’sois mauvais quelque part. » Sourire en coin, le regard braqué droit devant moi. Un peu d’arrogance qui flotte dans mon attitude, j’pense qu’à ce stade elle a compris qui je suis vraiment. Un type qui brille pas forcément toujours de confiance en lui mais qui apprend à être fier de ce qu’il accompli. Un mec qui lâche pas ce genre de trucs premier degré, surtout.
De nouveau le silence, approximatif. Ton silence, le mien, pas celui de la télé qui envoies s’éclater contre les murs et mes tympans des bruits que personne n’a envie d’entendre dans son quotidien. Je grimace parfois, regarde sans vraiment voir ce qu’il se passe face à moi, jusqu’à ce que ta frustration et le reste de tes émotions finissent le boulot. Des morts partout à l’écran, humain ou non, rien d’autre le chaos d’un champ de bataille sur fond d’apocalypse. Dystopie, c’est ça ? Tu crois qu’on va finir comme ça ?

« Je suis pas certaine qu’il y ait grand chose à dire en vrai... » Moi non plus à vrai dire mais poser la question me semblait la chose à faire. Pas pour me donner bonne conscience, simplement pour être sûr de ne pas garder fermée une porte que t’aurais besoin de pousser.
Si je tourne la tête c’est parce que je sens ton regard chercher le mien et ce que j’y lis me pince entre les côtes. Pas de pitié, je sais que tu me réserverais le même sort que celui des personnages de ton jeu si tu ressentais ça émaner de moi « Elle t’en a parlé ou t’as deviné ? » Un battement de cœur, un clignement de paupières « Tu sais bien que dès qu’il y a moyen que j’foute mon nez dans les histoires des autres j’le sens et j’fonce. » Ma spécialité. D'ailleurs en réalité j'en sais rien si tu le sais.

J’imagine que ça tient à ma sensibilité tout simplement, un truc qui me pousse non pas à foutre mon nez là où il ne devrait pas se trouver mais à capter des trucs qui échappent peut être à d’autres. A poser les questions que d’autres ne posent pas.

« Un peu des deux. » Si je hausse les épaules c’est surtout un réflexe physique « Enfin elle a pas vraiment formulé quoi que ce soit mais … » Tu le sais aussi bien que moi, peut-être même plus, les silences sont parfois bien plus assourdissants et éloquents que le moindre mot.
Puis je crois que des indices y en avait quelques uns posés ça et là depuis quelques temps. J’ai pas poussé plus loin parce que ça ne me regarde pas mais si l’une change d’identité et de pays et que l’autre a la gueule de quelqu’un qui s’est fait rouler dessus c’est qu’à priori quelque chose ne va pas. J’essaie même pas de comprendre pourquoi vous avez voulu garder ça secret, d’une parce que ça me dépasse, de deux parce que là encore ça ne me regarde pas. Votre relation, votre façon de la vivre.

« Désolé que ça ait pas tenu. »

Je pourrais m’en vouloir de t’avoir encouragé à tenter, à communiquer pour le moins, mais ça ne me traverse pas une seule seconde. Oui ça fait mal quand ça se termine, ça frustre de comprendre qu’on peut rien y faire quand la fin s’annonce irrémédiablement pour des raisons qui nous échappe. Est ce que ça vaut pas le coup de s’être lancé pour autant ? Y eu du beau, non ? J’me lancerai pas dans un discours que personne n’a envie d’entendre et je sais que là tout de suite c’est sans doute pas là dessus que tu te focalises. Pas envie non plus de te dire que ça passera, que le temps fera son œuvre, que c’était peut être pas le bon moment mais qu’il viendra plus tard.

Elle, je sais qu’elle est entourée.
Alors voilà, j’suis là. C’est tout.

« Tu veux que j’te laisse éclater des gueules en paix ? »

Question posée en toute franchise.
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Ven 4 Aoû 2023 - 2:44

 13 Janvier 2017


Les cris suraigus d’un claqueur qui se tord sous les flammes mortelles d’un cocktail molotov, le craquement mat d’un crâne qu’on explose sur une surface dure ou la sonorité vive d’une lame qu’on tire au clair. De tout ce qui se passe à l’écran, il y aurait mille trucs qui devraient me faire vriller pour des tas de raisons différentes. Je suppose que s’il y avait un truc dans tout le bordel qui devrait vraiment me foutre à terre, c’est ça non ? J’y pense par moment, ce serait mentir que de dire l’inverse. Les Balkans. Les affrontements. Les morts. Chaque hématome m’amène à me rappeler que tout ça existe bien.
Mais chacune de ces stigmates me ramène surtout à la première bataille, quand j’ai servi à ouvrir la voie, que je suis rentrée sans l’ombre de mon équipier à mes côtés. Et surtout, que j’ai terminé la nuit dans d’autres bras. Qu’importe ce qu’on pourrait me dire. Il me reste le goût de ses lèvres sur les miennes, leur sel, la crispation douloureuse qui s’y est dessinée quand j’ai prononcé ces mots. Ces putains de mots dénués de sens quand tout ce qu’elle me demandait concernait une guerre alors pourtant lointaine pour moi.
Me quitte pas. Jt’en supplies, me quitte pas.

Il aura fallu trois semaines pour que de ces mots ne restent plus que les hématomes.

Ça passe dans mes pensées écharpées quand je presse du pouce le bouton allongé qui mets le combat sur pause et abaisse la musique qui crachait jusque là dans la grotte que forme la capuche de mon sweat autour de mon crâne. J’mets tout sur pause, pose une question à laquelle il n’y a sans doute aucune bonne réponse.

« Tu sais bien que dès qu’il y a moyen que j’foute mon nez dans les histoires des autres j’le sens et j’fonce. » Un sourire pâle passe sur mes lèvres quand je pose mes yeux fatigués sur les tiens. Le torse appuyé sur mes cuisses, j’appose ma joue contre un genou et t’écoute enchaîner. « Un peu des deux. » Donc elle n’en a pas parlé. Bonne ou mauvaise réponse ? J’crois que j’ai pas l’énergie pour ça. « Enfin elle a pas vraiment formulé quoi que ce soit mais … »   Mais dans le silence, il y avait des creux remplis de sens. Mon sourire tremble et le vide dépressurise ma poitrine. J’ai pas besoin qu’on me dise qu’elle en chie, j’le devine. Pas besoin non plus d’entendre que ces silences ont fait échos à ma disparition. Pas que je sois spécialement présente vous me direz. Mais quand même. Ou en tout cas, j’veux y croire. Et ta simple présence fait que cette pensée a un sens. Que t’a comblé les trous et débarqué pour…

« Désolé que ça ait pas tenu. »

… Me dire ça.
Enfin, pas “me dire ça”. Mais… tu vois. Quelque chose comme ça.

Cette fois, le vague sourire passe sur mes traits et je hoche la tête sans formuler un mot. J’les aient pas, les mots. J’ai juste le froissement de ma peau sur le tissu du jogging. L’accrochage de la capuche sur mon oreille et contre le casque. Ça fait peu mais c’est tout c’que j’ai. Le pauvre élan d’affection pour ce que c’était, pour les mots que t’as prononcé, pour la sincérité que j’y lis. Tout ça tient là-dedans ; Dans le bruit du coton.

Je peine à le sentir sous le sourire crispé, mais mes yeux sont plus humides. De quoi laisser une tâche à l’orée de mes paupières, sur le jogging usé qui a vu passer trop de pays. Trop de nuits blanches. Un simple cercle plus sombre dans lequel se concentre toute la peine que m’évoquent ces quelques mots.
Ouais. J’ai pas mieux. Désolée que ça ait pas tenu.

Je note que tu tournes ça de sorte à ne mettre la faute sur personne. Comme si c’était là, et rien de plus. L’inéluctable fin d’un truc que je me suis écorchée à prolonger jusqu’à ce que ça n’ait plus de sens. A le chérir jusqu’à en perdre le souffle. A l’enlacer jusqu’à l’écraser. Nous écraser.

« Tu veux que j’te laisse éclater des gueules en paix ? »

Le souffle d’une esquisse de rire passe par mes narines. Plus un soubresaut qu’autre chose. Tu résumes bien mes quelques derniers jours.
Ça semble effectivement être une bonne option. Un truc qui me ressemble. Casser des gueules en silence et compenser de milles façons. C’est les derniers mois, que ça résume en vrai.
Sans avoir bougé de posture, le visage calé quelque part sur mes genoux ramenés contre moi, je refuse d’un mouvement de tête la proposition de solitude. Pas mon genre.
Pleurer sur une rupture, ça l’est pas non plus.
‘Paraîtrait qu’on a toujours des premières fois dans la vie.

“ça m’fait plaisir que tu sois là.”

Ok, la notion de “plaisir” est toute relative actuellement.

“J’aurais l’temps d’casser des gueules seule après.”

Pas que ça ait beaucoup de sens mais je cherche quoi dire et puisque rien ne vient, je ramène le regard sur l’écran, pose mon menton sur mes genoux, reprend le massacre, jambes entourées de mes bras. A plusieurs reprises, j’engage la parole sur des trucs de merde. Un film, t’as vu Seven ? J’le dis pas, mais on l’a vu ensembles, bien sûr. Parce que c’est le genre de moments qui tournent en boucle là tout de suite, ça tourne même si fort que le massacre, c’est moi qui me le prend, et le duo dans l’écran fini désarticulé dans un coin sous mon regard dépité.

Et puis, bien plus tard, le temps de te refiler la manette quelques fois, de la reprendre ensuite en dénouant peu à peu quelques vannes sur le fait que, quitte à être mauvais pour un seul skill, t’es effectivement pas bon, je finis de nouveau par mettre le tout sur pause.

“J’y ai vraiment cru tu sais.” Le regard droit. Trop droit. Qui voit pas vraiment l’écran. “Et j’ai vraiment essayé.” Mes paupières se ferment un instant. J’ai essayé même au delà de ce que je pouvais donner. Mais c’était pas assez pour endiguer la marée.
“Elle a b’soin de vivre. D’aller de l’avant. Et.. Ça va trop vite pour moi. Ça fait peser trop de trucs.” J’ai l’impression que tout s’amasse, que chaque pas devient plus lourd. Que j’peux faire comme si ça n’existait pas, la mort de Zach, le rejet, les engueulades, la peur, la colère, l’enlèvement, l’après. L’engagement. Le polyamour. La distance. La confiance. Les missions. Les risques. Tout ça ça reste. Et j’ai pas le temps de me rendre compte qu’elle est bien là, qu’elle va mieux, qu’elle veut vivre… elle est déjà partie. Elle avance. Et moi j’reste en arrière à traîner tout ce foutoir que j’ai pas demandé. Elle non plus, c’est vrai. Mais est-ce que ça annule que moi, j’en puisse plus ? “J’y arrive juste pas.” J’peux pas être ce dont elle a besoin. J’le suis pu. Alors ouais ; elle avance.
Et j’la regarde faire.

“Et elle me manque.” Ce qui est complètement con après trois jours.

Ça a beau être con,
N’empêche.
Elle me manque.


code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Jeu 10 Aoû 2023 - 17:36
Non ? Alors j’bouge pas « Ca m’fait plaisir que tu sois là. » C’est con mais ça me touche. Pas vraiment le moment de se taper un égo-trip et je ne réagirais pas à ça mais quand je regarde en arrière sans trop comprendre comment on est devenus si proches je décide de m’en foutre. Quelle importance ça a le comment ? Aucune. C’est là, c’est le cas, c’est partagé et je suis simplement heureux de la compter parmi mes amis « J’aurais l’temps d’casser des gueules seule après. » Encore un rire qui passe dans un souffle, à mon tour de hocher la tête « Ok. » Et c’est tout.
Parfois y a juste besoin de ça, une présence, quelqu’un avec qui partager tout et n’importe quoi en ne parlant surtout pas de ce qui fâche parce que soyons honnête au bout d’un moment on sature. Si j’ai fait le mort et que je me suis pas mal isolé après m’être fait « larguer » y a de ça quelques mois ça m’a fait du bien de retrouver les potes au fur et à mesure. Ça te permet de réaliser que même si ce truc qui te déchire le cœur prend toute la place il reste quand même autre chose. Et les autres. Pour moi ça s’est matérialisé par une soirée sur la plage avec Mateo, ses cousins et des potes à lui ou une soirée dans un bar avec Takuma dans un bled dont j’ai oublié le nom. Une discussion avec Caem, une soirée film dont j’ai rien suivi avec Sovahnn – et nos deux cœurs en miettes vu la période mais fallait bien respirer un peu. Une après midi avec Warren et son fils, aussi. Et les nuits avec Jo un peu avant, dans un registre un peu différent même si ça a matérialisé le début du lien qu’on a aujourd’hui je crois.

Je continue de la regarder jouer, de me faire massacrer, de lui filer un coup de coude quand elle prend un peu trop la confiance en se foutant de ma gueule et on parle de trucs à la con. Des banalités qui forment une discussion, c’est tout, mais non j’crois que j’ai pas vu Seven. Ou alors je me suis endormi devant comme pour 50 % des films que je regarde. Qu’on me fait regarder.

« J’y ai vraiment cru tu sais. »

Je sais.

« Et j’ai vraiment essayé. »

Et ça aussi, j’le sais.

T’as repoussé loin tes limites, j’te dirai pas que tu peux en être fière parce que ça ne me semble pas approprié. C’est vrai, dans le fond est ce que c’est pas un peu triste d’avoir à changer si fort ou besoin de faire tant d’effort pour qu’un truc fonctionne ? On renie une partie de soi-même … Jusqu’où c’est acceptable de faire des concessions finalement ?

« Elle a b’soin de vivre. D’aller de l’avant. Et.. Ça va trop vite pour moi. Ça fait peser trop de trucs. » L’entre deux. Celui d’être heureux pour Kezabel, rassuré aussi de la voir se reconstruire après ces mois passés dans le noir, mais triste de voir l’impact sur Jo. On a envie de se dire que c’est pas juste mais c’est comme ça, personne n’y peut rien et elles auront au moins eu la chance de pouvoir se quitter dans le calme. Ça n’en fait pas moins mal et dans le fond je me dis que la colère aide sûrement – moi ça m’a aidé – mais l’intelligence du cœur est là. C’était pas le bon moment, aussi frustrant que ça puisse être. Je me demande si Kyle a ressenti ça le jour où je lui ai dit que j’avais envie d’autre chose, aujourd’hui ne restent que les bons moments et les souvenirs, les sourires qu’on échange quand on se croise. C’est devenu rare mais ce qu’on a vécu restera gravé dans mon histoire comme la sienne « J’y arrive juste pas. » T’as pas eu le temps de refermer tes propres plaies que t’as dû panser celles de quelqu’un d’autre, c’est ça ?
J’sais pas s’il y a un truc plus douloureux que d’avoir été là pour quelqu’un quand il était au plus mal pour le regarder partir une fois qu’il va mieux. Keza ne fait rien d’égoïste, loin de là, elle a su saisir sa chance de nouveau départ et je suis certain que même Jo avec ses sentiments éraflés est heureuse pour elle. Mais ça n’est pas elle qui reste, qui se retrouve de nouveau face à ce qu’elle a mis de côté pendant un temps et qui revient peut être comme un éboulement le long d’une pente raide « Et elle me manque. » C’est sans doute parce que je sais ce que ça fait que j’ai autant de peine pour elle et que ça me serre tellement le thorax. Le manque est une sensation horrible, un truc qui vous glace le sang à vous en faire sentir vide et si ça fini par passer avec le temps c’est pas un truc qu’on a envie d’entendre quand c’est encore à vif. Visage tourné vers elle j’dis rien, je me contente de bouger légèrement jusqu’à appuyer mon épaule contre le dossier du canapé et lui faire comprendre que si elle a envie elle peut venir se caler un moment dans mes bras.

Parce que j’ai pas les mots et que même si c’était le cas je crois que je ne les formulerai pas. Y a rien à dire qui puisse vraiment recouvrir la blessure et l’apaiser, juste le temps et pour ceux qui y sont sensible le contact. La chaleur humaine.

Le silence plane encore quelques instants, dans une étreinte ou son absence qu’importe. Il y a une horloge qui trotte quelque part dans la maison et son tic tac a quelque chose d’hypnotisant, j’suis pas certain qu’elle l’entende. L’écran est figé, les personnages à l’arrêt, j’inspire profondément comme pour revenir sur terre « J’arrivai pas à dormir alors à la base j’étais partie pour faire un tour en Australie. Ça t’dit d’aller zoner dans Melbourne ? » 22h là bas, un truc dans le genre, il y fera encore bon – meilleur qu’ici en tout cas – et encore un peu clair « Je t’offre une glace. » Comme si t’avais 5 ans, absolument « Ou une pinte. » Tête penchée sur le côté dans un geste vif, lèvres pincées dans l’autre avec un air de réflexion sur les traits et le regard plongé dans le vide « En cherchant bien j’suis sûre qu’on peut trouver de la glace à la bière. » Une distraction, ça aussi ça peut aider. Juste une proposition dont elle fera ce qu’elle veut là encore et si c’est d’elle, d’elles, dont elle a besoin de parler la porte reste ouverte.

Y'a rien à faire, à part être présent, panser les plaies, changer les pansementsOrelsan
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Ven 11 Aoû 2023 - 1:33

 13 Janvier 2017


On se sent parfois comme la pire des connes dans ces moments-là. A rester en arrière. A pas savoir comment vivre le truc. J’ai parfois l’impression que t’as pris appuis sur moi pour repartir. Que j’t’ai tiré du trou si fort que j’en reste là, poupée disloquée à t’observer rejoindre la surface. C’est injuste. C’est stupide. C’est même immorale comme pensée. Pourtant ça vient et ça repart par cycles. Je crois qu’en vérité, j’m’en suis toujours sortir à coup de rage. J’ai été en colère contre l’absence d’un père, la mort d’une mère, l’injustice de l’amour puis la plaie de l’abandon. J’ai été en rage contre moi d’une manière qu’il me semble impossible à nommer. Et puis j’ai haïs, violenté, matraqué celle que j’ai été. J’ai avancé à coup de poings dans les côtes et de froid sous la peau. J’ai été tellement en colère de justice, assoiffée d’apprendre à tenir malgré les impacts. J’en ai perdu le souffle. Et pourtant, jamais j’ai vraiment cessé de mettre un pas en avant. Les seules fois où ça a été le cas, c’est bien la rage qui m’a sortie de ma léthargie. J’pense que ça m’a sauvé la peau.
Mais elle… j’veux pas ressentir ça. J’veux pas lui associer des trucs qui appartiennent juste à mon besoin de voir les choses en noir et blanc pour pas m’arrêter sur la merde que je fais. J’veux pas salir ce qu’on avait, parce que je crois que c’est elle qui en a dessiné les contours, qui a trouvé les couleurs, saisi le relief, assoupli les défauts. Ce “nous” sonne comme minuscule, écrasé par quelques mois partagés. Il prend toute la place pourtant. Il ouvre des trucs qui n’étaient pas là avant. Il était grand, assez pour être assourdissant quand il se brise.

Tout ce que je peux dire semble bien faiblard en face de ce qui résonne à l’intérieur. Certains mots se délient pourtant. Elle avance. Et c’est une bonne chose. C’est un truc qui me rassure profondément, même. J’ai vu dans son regard. J’m’y suis plongée, accrochée, j’me suis même engagée à me noyer dans ses ténèbres si je pouvais ne serait-ce qu’y apporter une lueur. C’était pas bien sain tout ça, j’le sais. Mais j’avais pas mieux. C’est ça ce qu’il reste. Cette impression d’avoir mis tant de temps à accepter quelque chose de beau, et de se rendre compte que… c’est pas que c’est trop tard. C’est que c’est déjà plus le moment. Que ça l’a même peut être jamais été. Qu’il n’y a que sous la surface qu’on n’est pas entièrement déphasées. Et encore, j’aurais pas vrillé comme je l’ai fait si on avait été accordées.
Et pourtant, de cette manière aussi chaotique, absurde et brinquebalante qui a été la notre… ça a marché.

Ce qui devrait être de beaux souvenirs, des étapes d’une vie ou l’ombre d’un premier amour ne forment à présent plus qu’un cratère que je ne pensais pas un jour ressentir.
J’pourrais m’y perdre je crois.

C’est pas tout à fait le cas pourtant.

Si les mots se brisent sur le silence, ce dernier les enrobe, les enlace. Mon regard s’égare, il passe les murs et se perd sur la peinture. J’imagine Alec, seul comme un con en plein milieu de la pièce à tenter de faire fonctionner youtube, d’assembler des meubles, de raccorder les branchements. Je laisse le manque des autres se perdre en contemplant un instant la feuille posée sur la table, là où rien ne pourrait l’abîmer. Juste le dessin d’une femme qui ne rencontrera jamais ni l’adulte à venir, ni la femme qui a reproduit ses traits pour m’offrir autre chose qu’une vieille photo abîmée. Je redresse les yeux sur l’écran, là où le gameplay s’est arrêté sur un échec d’Enzo, et puis un autre de mon cru. Je revois Alec me rattraper, après Lex. Passer ses bras autour de moi pendant que j’me débattais. Rien dire.
Alors mon regard revient sur le canapé. Là où t’as pivoté pour poser ton épaule sur le dossier. L’ouverture à la chaleur humaine. Comment on en est arrivés là ? Je refais le fil, les confidences, la complicité, mes faux-pas et les dérapages plus charnels, point d’entrée à tout ça. Ça serait arrivé sans la colère ? Sans Lex, sans Zach, sans les histoires qui concernent les Brooks et que je n’ai évoqué auprès de personne ? Sans Will, les Inquisiteurs. Ces secrets qu’on détient sans même le savoir. Ces rapprochements, surtout, qu’on ne voit pas venir. Les envies qui se percutent, les plaies qui se répondent.
C’est ça, pour moi, la chaleur humaine.
Pourtant j’suis là. Chez un ami. Près d’un autre.
Et j’y vais pas. Dans ses bras j’veux dire. J’esquisse un sourire, défais la capuche, pince les lèvres. Je me perds dans ce truc-là qui n’a ni sens ni forme mais qui marche malgré tout. L’impression de ne pas être seule face au vide. D’avoir quelqu’un à qui partager son vertige. Un grand crétin qu’a vu des trucs de moi que personne n’avait jamais envisagé. Et j’parle pas des premières semaines.

Franchement, ‘faut être con pour y revenir.
Je ferme les paupières une seconde. Laisse flotter ce trait sur mes lèvres, qui se charge de tendresse. Sacrément con même…

« J’arrivai pas à dormir alors à la base j’étais partie pour faire un tour en Australie. Ça t’dit d’aller zoner dans Melbourne ? »
Ça fera quand même deux fois que j’te sors du lit conjugal pour mes conneries. La réflexion me vient mais ne passe pas mes lèvres. L’insolence fait la morte, l’humour avec elle et je me contente de redresser le regard pour le poser sur toi. Melbourne ? « Je t’offre une glace. »  J’esquisse un rire. Ça ressemble plus à un souffle mal foutu, mais il a le mérite d’être là. Tu me prends pour une môme ou pour Bridget Jones ? Après le remake de Mean Girls, je change de registre pour rester dans un bord très girly du cinéma que j’ai jamais aimé. La vie a un certain cynisme, on ‘peut pas le lui enlever. « Ou une pinte. » Ah ! « En cherchant bien j’suis sûre qu’on peut trouver de la glace à la bière. » Cette fois, le souffle s’accompagne de quelques soubresauts et j’appuie ma joue sur mes genoux pour échanger un regard. Mes bras glissent le long des mollets et atteignent les chevilles. “Une glace à la bière, ça peut se tenter..” Pourtant je ne bouge pas. Un instant encore, je laisse le temps passer. Il gerbe moins sur mon cœur à vif, il faut bien te l’accorder. Et puis je redresse légèrement le dos avant de l’arrondir, de poser mon front à hauteur de mes cuisses, d’y lâcher un soupir… et d’me laisser tomber contre toi.

J’suis mal branlée - sans offense - tu peux le dire. C’est toujours un peu à contre-temps avec moi, j’en ai conscience. L’affection pourtant est bien là, le besoin de l’autre aussi. J’ai du mal à me laisser aller, je fonctionne en dissonance et quand j’accepte qu’on m’enlace, ça ressemble à un caillou sur le bord d’une dune qui fini par se péter la gueule.
Et pourtant je finis par m’y couler, dans ces bras qui m’ont tenue autrefois différemment. L’information passe sans vraiment faire de sens. Ou plutôt, elle sonne plus juste à présent. Un truc qui s’accepte mieux, sans que je sache vraiment pourquoi ou comment. Ya pas une pensée dans un sens qu’il ne faut pas. Je me réfugie juste là, un moment, avec mon envie de chialer et tes propositions de glace improbables. Le corps se dénoue et lâche sa posture de gargouille. Il se réchauffe aussi. J’avais oublié ça, tient. A quel point t’émets de la chaleur.
Ça permets d’se rappeler à quel point bordel, j’ai froid sans les siens.
De vivre ça, de s’y plonger, de sentir son cœur se débattre un peu plus dans son tumulte. De se sentir un peu moins seule et glacée face au vide.

Et parce que ça fait beaucoup de s’abandonner. Parce que j’y pense trop et que ça fini par me filer la gerbe, alors je me redresse. Je claque même un coup contre ta cuisse comme si ça pouvait réveiller un peu de combativité en moi. “Glace et bière on a dit :” ça sonne artificiel, un petit coup de fouet dont j’ai besoin pour me sortir de ma boucle autant que de tes bras. Parce que là, franchement, j’ai envie d’y rester.
Une raison, sans doute, qui fait que les gens restent plutôt que de disparaître à l’autre bout du monde.
J’me demande si quelqu’un m’a enlacée. Ne serait-ce qu’à la mort de ma mère.

Réflexion con. Je m’extrais de là, des bras comme du canap’ et ça sonne comme une véritable désincarcération. Ya mon cul imprimé dans ces coussins, qu’on se le dise.

J’te regarde pas. Pendant un instant, il y a toujours ce trouble chez moi de ne pas gérer la douceur. “On la refait ?” Comme après avoir dégueulé toute la soirée et insulté ton couple comme une sous-merde. Si tu l’avais pas. “ Je prends une douche vite fait j’arrive.” Un aller retour pour choper des fringues, la porte de la salle de bain qui se referme, se rouvre, et j’re-passe avec mon sweat large et mon air con. “J’ai fait tourner une machine, il ‘a ‘pu de serviettes.” Et à moins que tu veuilles que j’me balade à poil - chose qui n’est pas le plan présentement - il serait fort intéressant que j’me rachète un cerveau pour coller de nouveau à la réalité et pas oublier mille trucs en passant.

Dix minutes à peine passent avant que je ressortes de là. Jean, t-shirt imprimé, limé jusqu’à l’ongle. Gun’s & Roses. C’est ton sur ton. Des bleus plein les bras et l’impression d’avoir les jambes rouillées de ne pas avoir bougé. Putain, j’en ai même mal au dos. Quelle tannée j’te jure.
Les godasses. Le cuir. On est bons.

“Ready. Vas-y, prouve moi que le monde a continué de tourner.”

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Ven 18 Aoû 2023 - 10:41
« Une glace à la bière, ça peut se tenter.. » Les secondes et les minutes passent, je crois que son corps se déverrouille un peu et sans avoir la prétention de rien ça me fait simplement plaisir de voir autre chose imprimé sur ses traits que la tristesse.
Ça ne partira pas comme ça, d’un claquement de doigts ou du jour au lendemain, mais les moments de répit son précieux et nécessaires. Pour moi ils l’étaient « Ça doit être dégueulasse. » Et parce que je suis au milieu de ma nuit sincèrement c’est clairement pas ce qui me fait le plus envie. Le silence, encore, nécessaire lui aussi, l’instant d’après elle se laisse finalement tomber contre moi.
Il y a des gens que la douceur brûle, pour qui ça n’a rien d’instinctif et elle en est sans doute l’un des exemples les plus flagrants que j’ai pu croiser. Moi je ne suis pas fait comme ça, je ne l’ai jamais été et ce que j’ai vécu n’y a rien changé. Petit j’étais tout le temps fourré dans les bras de ma mère, ma grand-mère ou Eleanor, une habitude qui ne s’est pas estompée avec l’arrivée de l’adolescence au grand damne de la majorité des hommes de la famille. Mon grand-père, mon oncle, mon frère … Même mon père qui aurait sans doute voulu que j’sois un gosse un peu moins sensible mais qui n’a pour autant jamais essayé de me faire changer. Pas par la violence en tout cas, ni celle des paroles ni celle des gestes.
Il y a des mots auxquels je m’accroche, des mots prononcés par l’homme que j’aime le jour où je lui ai avoué l’inavouable : T’as su garder ton humanité. C’est vrai, même lorsqu’il m’a semblé la voir disparaitre elle a toujours fini par revenir. Chaque fois que je suis passé pas loin de la brèche on m’a toujours rattrapé. J’me suis toujours rattrapé.

Et c’est pas toujours la chose la plus simple à faire.

Mes pensées s’égarent alors que je la garde contre moi sans rien dire, sans forcer, en la laissant simplement faire. Je sais que chez moi ça a le don de réparer les fêlures, les apaiser au moins, ça ralenti mon rythme cardiaque et c’est exactement ce qui est en train de se passer pour elle qu’elle le réalise ou non. Juste un peu de répit, pas de pensées parasites alors que c’est pas tellement comme ça que nos deux corps ont eu l’habitude de se rencontrer. Non, là c’est l’histoire d’un cœur brisé qui cherche et trouve – je l’espère – un peu de calme et de chaleur pour souffler. Ça ne changera rien ni aux faits ni à la douleur, c’est juste temporairement analgésique.

Le temps que ça dure c’est elle qui gère mais j’suis pas vraiment étonné de la voir se redresser et me claquer la cuisse comme un bucheron « Glace et bière on a dit ! » Tout ça sans croiser mon regard. Je juge pas, je laisse faire, la regarde se lever alors que ses os craquent d’être restés si longtemps immobiles. Si les muscles et les nerfs pouvaient grincer je les entendrai sans doute aussi et ça fait naitre un sourire amusé sur mes lèvres sans trop savoir pourquoi « On la refait ? » Le rire qui passe le fait dans un souffle « L’ardoise commence à se charger. » On sait bien que c’est faux et j’espère bien qu’on n’aura pas à inverser les rôles « Je prends une douche vite fait j’arrive. » Hochement de tête, j’me vois étirer mes jambes et mes bras jusqu’à croiser les pieds au niveau des chevilles et les mains à l’arrière de mon crane. J’me sentirai pas si serein si je ne savais pas à quel point cet endroit est protégé parce qu’être en plein cœur de Londres n’a rien de relaxant pour moi. La porte se ferme, puis se rouvre, je réalise que j’avais déjà décroché. Les yeux rivés sur l’écran encore allumé « J’ai fait tourner une machine, il ‘a ‘pu de serviettes. » L’espace d’une seconde je me demande ce que tu fous là, où t’es censée être, puis j’abandonne. Pas parce que ça ne m’intéresse pas mais parce que j’ai bien compris que ça faisait partie des infos que tu préférais garder pour toi.
Je sais qu’elle a squatté un temps au Veaudelune, qu’elle est ici parfois, je me dis surtout que Keza se serait inquiétée si t’avais pas un endroit où aller. Un endroit où vivre.

Je reste dans la même position un moment, les yeux clos, l’endormissement se pointant dangereusement alors que mon corps se souvient qu’il est censé être en mode nuit. Si je me redresse c’est pour ne pas sombrer et j’en profite pour sortir mon téléphone, regarder deux trois conneries, prendre l’écran de la télé en photo pour l’envoyer à Will en lui disant que sans trop de surprise j’me suis encore fait éclater. Que tout va bien, que je suis avec Jo parce que j’ai rien à cacher, qu’on va faire un tour en Australie et que j’passerai sûrement voir mon frangin mais que j’lui ramène le p’tit dej en rentrant. S’il ne m’a pas lui-même envoyé de message c’est qu’il dort et ne s’apercevra de mon absence – et de mes messages – qu’à son réveil dans quelques heures « Ready. Vas-y, prouve moi que le monde a continué de tourner. » Sapée comme si elle allait à un concert de rock, moi je déroule ma carcasse de plagiste – pas vraiment actuellement à vrai dire – et fait craquer ma nuque au passage « Ça va tes ch’villes ? » Ça fonctionne mieux comme ça, n’est-ce pas ? Ça m’va.
La main droite enroulée autour de ma baguette je lui tends la gauche et le transplanage nous amène jusqu’à un Portoloin paumé sur les falaises de grès. Encore quelques minutes et c’est la douceur d’une soirée d’été sur la côte sud de l’Australie qui m’absorbe. Cette nuit n’a aucun sens, elle a commencé sur la côte ouest des états unis pour me prendre le plein jour à Londres et retrouver les ombres d’un coucher de soleil à l’autre extrémité de la planète. Mais je m’en fous, face à la baie de Port Phillip j’me sens à la maison « J’sais pas comment vous faites pour vivre à Londres. » J’dis pas que la ville est moche, loin de là, mais … Ouais, sans doute une remarque de sale con privilégié
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Lun 28 Aoû 2023 - 12:06

 13 Janvier 2017


La douche, les fringues, tout ça a comme des airs de déjà vu. Dans tes bras, mon corps a semble-t-il redécouvert la notion de fatigue car l’eau m’agresse et ma masse se fait pesante. Pas un regard pour le miroir. ‘J’ai pas l’temps pour ma gueule’ aurais-je bien dit. Mais j’ai l’temps. J’ai juste pas envie. J’y verrais les cernes, le blanc de l’œil devenu rouge à force de pleurer ou gris à trop fixer les écrans. Ça change du jaune de l’alcool. J’y trouverai ma gueule blafarde de n’être pas tant sortie, et les tulipes bleues sur ma peau. Je ne manquerait pas les balafres roses qui cicatrisent encore, l’ancienne marque de brûlure sur mon bras ou les plus récentes, distillées un peu partout. J’ai pas besoin de me voir pour savoir que tout est là. Juste envie de m’enfermer dans des fringues doudous. Celles que je mets quand je cherche pas à être qui que ce soit, à plaire à j’sais pas qui ou à me faire oublier. Celles que je mettais quand je débarquais aux festivals comme ça, y’a des années. Le t-shirt est délavé et une seconde, je songe à un truc crade impliquant Jay et Alec. Et ça m’arrache un sourire. J’suis pas à l’aise avec tout ça, voire des gens, m’inclure dans quelque chose, me rattacher à eux.
La nana des festivals, elle n’aurait pas imaginé que le gars l’attendrait, là, hors de la pièce. Il se serait sans doute cassé ou aurait viré ses fringues “à tout hasard”. Mais quand je sors, j’me rends compte à rebours que je l’ai pas envisagé. Que j’savais que tes propositions le sont pas en l’air et que t’es… je sais pas. Fiable. Le genre de trucs auxquels j’ai jamais cru et que je devrais encore moins croire le jour où j’ai le cœur en écharpe en pleine rupture. C’est ça qui les fait basculer non ? Les gens normaux. La grande trahison du cœur. L’absence atroce de l’autre. Le chagrin d’un vie.
J’ai beau débiter des conneries, j’crois que les trahisons, les chagrins et les coups dans la gueule, on en a trop dégusté toi et moi pour croire à ce genre de lieux communs. Pourtant ça change pas que j’ai une crevasse sous la poitrine et qu’il serait facile de larguer ces petits pas vers une autre normalité, que j’ai grappillé mois après mois. Et souvent t’étais pas loin.

« Ça va tes ch’villes ? » Un sourire en coin, je prends ta main, me laisse embarquer… et m’dis qu’il n’y a pas que ton ombre sur le chemin de mes vertiges. Y’en a qui ferment leur gueule, qui sont pas forcément là mais qui restent dans le paysage. Et en parlant de paysage, ils défilent. L’Angleterre, les champs puis les falaises et finalement, les lueurs mourantes d’un coucher de soleil. Il y a une esplanade, la plage et les jetées. Des falaises aussi, au loin. Ni grès, ni granite, ni craie. La roche y est rouge, comme faite d’argile. Ferreuse. Elle darde sur l’eau les mêmes couleurs que l’astre qui se perd dans la mer, comme si pour une fois, les éléments savaient s’accorder.

« J’sais pas comment vous faites pour vivre à Londres. »
Un sourire.
“J’me suis dit la même ya pas si loin de dix ans. J’venais de vivre un an à Londres en attendant ma majorité… puis j’ai découvert qu’il y a un portoloin illégal dans le confessionnal d’une église du centre. Il mène droit à l’île Maurice. J’te raconte pas la libération.” C’est absurde ce que je dis. Déjà parce que j’le dis, ce qui est déjà un contresens en soit. Mais aussi parce que … après avoir profité du soleil, j’ai surtout visité l’Europe de l’Est. Il en a fallu du temps avant que j’arrête de monter vers le Nord et retrouve de nouveau les tropiques. “J’y ai amené Keza d’ailleurs.” A l’île Maurice.

Les pas avancent et la plage défile. Mon regard accroche chaque relief de ces paysages inconnus. J’ai toujours aimé visiter, c’est pas nouveau. Découvrir des lieux, y rencontrer les populations, les patois, les accents, les coutumes. Toucher de près un monde dont je me tiens pourtant à l’écart. Le frôler, en sentir le grain, les contours. Connaître l’odeur de la terre chauffée au soleil. Me charger de chacun de ces bouts de pays avant de partir à l’assaut du suivi. Un peu comme pour les gens. C’en est presque bizarre, de revenir deux fois au même endroit. De ne plus oublier le grain de la voix de quelqu’un.

“J’étais venue en Australie. Avant l’école j’veux dire. Ton pays d’cinglés m’a roulé dessus.” Un sourire en coin et le regard qui remonte jusqu’au tien. Rien que ça, ça devient habituel. Connaître la hauteur des yeux de l’autre. D’ordinaire j’connais la chaleur de la peau. Pas la hauteur des yeux.
“Tu venais ici quand t’étais gosse ?” Pas pour éloigner la conversation de moi. Si j’ai lâché ça, c’était volontaire, pas un accident. Les accidents, ça existe pas quand on a dix ans de silence derrière soi. C’est juste…

J’m’intéresse, c’est tout. J’équilibre.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Jeu 31 Aoû 2023 - 15:55
« J’me suis dit la même ya pas si loin de dix ans. J’venais de vivre un an à Londres en attendant ma majorité… puis j’ai découvert qu’il y a un portoloin illégal dans le confessionnal d’une église du centre. Il mène droit à l’île Maurice. J’te raconte pas la libération. » Si c’est un rire qui m’échappe je peux pas m’empêche de penser qu’on n’a pas eu la même enfance, adolescence pour le moins. Jo me donne des bribes d’elle parfois, est ce qu’elle s’imagine que je les garde et les incrémentes les unes aux autres pour étoffer son portrait accroché avec les autres dans ma galerie mentale ? Ça n’a pas vraiment d’importance, ce qui en a c’est qu’elle se sent suffisamment en confiance avec moi pour laisser passer certains détails comme ça parfois.
Je me souviens aussi qu’on n’a pas le même âge et que si elle parcourait le monde et les rues à 16 ans moi j’essayais de survivre dans un château rempli de cinglés, mes parents morts un an plus tôt et une cicatrice permanente sur le mollet gauche pour me rappeler que ma vie ne serait plus jamais la même « J’y ai amené Keza d’ailleurs. » Léger froncement de sourcil, juste le temps de raccrocher les wagons et revenir sur terre pour afficher un demi sourire sur le coin des lèvres. Ce qui se passe est triste mais ça n’enlève pas les bons moments qu’elles ont partagé alors j’estime pouvoir me moquer – gentiment – de cette escapade dont elle s’est bien gardé de parler à qui que ce soit. Elles sont tenaces les défenses mais pour qui sait bien regarder elle laisse un peu passer la lumière.

J’ai jamais mis les pieds à l’Ile Maurice mais pour avoir à plusieurs reprises pris le large avec Liam dans ce genre d’endroits paradisiaque je n’ai aucun mal à me faire une idée. Ailleurs, être quelqu’un d’autre, se soucier de rien y compris des regards extérieurs parce qu’on s’en fout personne ne nous connait, se laisser porter sous le soleil … ça fait pas si longtemps qu’on est rentrés et j’ai déjà envie de repartir. Parfois je me dis que dans l’avenir on fera peut-être ça, on prendra le large sur Ohana, on ira vivre ailleurs pendant quelques temps en se laissant porter par les courants, de port en port et d’île en île. Une « envie » partagée, un truc qu’on a évoqué quand on s’est barrés plusieurs jours tous les deux il y a quelques mois de ça et qui revient de temps en temps. Pas maintenant, pas le moment, mais ça viendra sûrement « J’étais venue en Australie. Avant l’école j’veux dire. Ton pays d’cinglés m’a roulé dessus. » Cette fois le rire est plus franc et j’en profite pour virer mes pompes et remonter en deux ourlets le bas de mon jean au niveau de mes chevilles alors que le sable prend la place du bitume laissé derrière nous. L’agitation du soir, les buildings et les premières lumières mais la douceur de l’été « On fait c’qu’on peut pour pas être envahi de touristes. » Une main dans une poche, l’autre qui tient mes Van’s par le contrefort, sourire en coin bien sûr et mon regard retrouve le sien « Tu venais ici quand t’étais gosse ? » La réponse est immédiate, le ton calme, pas de trace de nostalgie à première vue « Rarement, et quand c’était le cas on allait surtout dans les quartiers sorciers. » Melbourne étant la grande ville la plus proche de chez nous – oui, 320km en Australie c’est considéré comme étant proche – on y allait surtout pour faire les achats de rentrée scolaire « J’ai vraiment commencé à trainer par ici de temps en temps après Poudlard. » D’abord parce que c’était plus simple pour donner rendez-vous aux gens sans forcément accéder à la maison, ensuite parce que j’ai pris goût à cette ville sans trop savoir pourquoi.
Elle est immense et n’a rien à envier à Los Angeles mais l’ambiance me plait. En évitant certains quartiers je ne m’y sens jamais oppressé et la présence directe de l’océan, des plages, de la nature à portée de main … J’irai pas jusqu’à dire que je pourrais y vivre mais je m’y sens bien « Mes parents étaient curieux, ma mère surtout, mais j’ai très peu côtoyé le monde Non-Magique quand j’étais gamin. » Ça fait partie des trucs que je regrette : Ne plus pouvoir leur poser les 1001 questions qui me passent par la tête. On se rappelle rarement clairement de son enfance, non ? Je me souviens surtout qu’à partir de 11 ans je passais la majorité du temps à l’école alors quand on rentrait ça ne me dérangeait pas de ne pas partir à l’aventure et la découverte du monde. Après tout on avait déjà tellement autour de chez nous, et entre nous, pourquoi j’aurai voulu autre chose ? Je suppose que ça serait venu en grandissant en attendant je glisse mon regard sur le côté pour capter le sien, un sourire étire une nouvelle fois le coin de mes lèvres « Ce qui explique mes incroyables performances aux jeux vidéo. » Après une seconde de battement l’éclat de rire se fait franc, plein d’autodérision, la vérité c’est que je n’essaie même pas de m’améliorer « Aujourd’hui j’suis capable d’y comprendre à peu près quelque chose en informatique parce que j’en ai besoin au quotidien et que vivre avec un geek ça aide clairement mais j’crois que j’aime bien continuer à jouer un peu sur le plan du p’tit sorcier qui découvre le monde. » Sauf quand j’explique à Eleanor comment prendre une photo ou utiliser son GPS, évidemment là je passe pour un pro … Mais faire lever les yeux au ciel mes proches parce que j’ai une culture musicale ou cinématographique vraiment limitée ça m’éclate « Et puis faut le dire, les écrans c’est pas tellement mon truc. Si on n’avait pas autant besoin d’être joignables les uns et les autres j’crois que mon téléphone dormirait sur un meuble 80% du temps. » Peut-être parce que j’aime le vrai, le concret, mais j’admets que la communication par ces biais là à ses avantages et que j’aime beaucoup trop échanger des sextos avec mon mec ou globalement des conneries avec mes potes. L’aspect pratique et rapide est évident aussi, je pense que je n’ai pas besoin de lui faire de dessin pour expliquer de quoi je parle quand j’évoque ce besoin d’être joignables. Voilà ce qui se passe quand on tremble les uns pour les autres ou qu’on vit tous aux quatre coins de la planète.
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Sam 2 Sep 2023 - 14:15

 13 Janvier 2017


« On fait c’qu’on peut pour pas être envahi de touristes. » Le rire passe. Il n’a rien de franc ou de véritablement joyeux mais il a le mérite d’être là et pour être honnête, ça fait du bien tout ça. Sortir, voir qu’ailleurs tout est normal, retrouver l’air doux de l’autre côté de la planète et les teintes chaudes du soleil qui se noient dans l’océan à l’horizon. J’arrive pas à penser à autre chose qu’à Kezabel, à cette première soirée sur la plage, nos jambes entremêlées, à bouffer des conneries et à rire loin de Londres. Une véritable fuite en avant. Celle qui finir par te couper les jambes et te laisser sur le carreau. Pourtant je me détache de tout ça. J’essaye, du moins. Ils viennent de là, sans doute, ces mots que j’ai lâché un peu plus tôt. C’est conscient, assumé, certain. L’envie de partager des trucs, de laisser entrevoir ces parts de moi que je laisse d’ordinaire dans les limbes. Ça l’est tout autant de m’intéresser à l’autre. J’ai pas les clefs, ni les codes, mais quand je fais un truc je le fais sincèrement.

« Rarement, et quand c’était le cas on allait surtout dans les quartiers sorciers. » Je penche un regard en me défaisant de mes pompes avant d’avancer dans le sable. Les quartiers sorciers australiens. Jamais mis un pied. Je crois que plus on visite, moins on a l’impression de connaître et plus le monde semble grand et multiple. C’est vrai, je suis venue ici, en ait récolté quelques expériences … quelque peu piquantes. Le genre de conneries dont t’écope quand tu te crois invulnérable et que t’avances en terrain inconnu sans tout à fait comprendre les conseils des gars du coin. Quelque part, ça allume un truc en moi. L’envie de découvrir, de voir du pays, de rencontrer d’autres gens, de voir leur quotidien et leurs habitudes. « J’ai vraiment commencé à traîner par ici de temps en temps après Poudlard. » C’est toujours un peu bizarre hein ? Cet entre-deux. Ce départ hors d’une école devenue prison mais aussi l’un des seuls points de repères qu’on avait. De faire face à la vie à l’extérieur, là où il n’y a plus de parents pour t’accueillir ? Que t’as ça à gérer, ça, et le reste.
Il ne faut pas plus que cette pensée pour me sentir coupable. Après tout, j’ai encore un père même s’il n’a tenu cette fonction que durant quelques faibles années avant de devenir un courant d’air, puis un fantôme et enfin, un revenant.
Mais j’imagine que ça a pas été facile. Que ça l’est toujours pas. Enfin j’en sais rien après tout.
Pour moi ça l’est pas.

« Ce qui explique mes incroyables performances aux jeux vidéo. » Un rire s’échappe. J’ai toujours été plus légère, loin de tout. Mais rarement avec une tête connue à mes côtés. Un truc qui se réserve, peut être. Ou qui se démocratisera, j’en sais rien. Je sais que c’est pas si mal même si là, tout de suite, le gouffre sous ma poitrine a des saveurs d’abandon et de mise à distance. Là aussi c’était sincère quand j’ai dit que ça me faisait plaisir que tu sois là. Je l’oublie pas.
 « Aujourd’hui j’suis capable d’y comprendre à peu près quelque chose en informatique parce que j’en ai besoin au quotidien et que vivre avec un geek ça aide clairement mais j’crois que j’aime bien continuer à jouer un peu sur le plan du p’tit sorcier qui découvre le monde. »   Le rire qui se change en sourire, en une forme de tendresse aussi sans doute. Le genre de tendresse piquante qui s’exprime par quelques vannes à défaut de mieux. “Tout ça pour nous faire rager, je retiens..”
« Et puis faut le dire, les écrans c’est pas tellement mon truc. Si on n’avait pas autant besoin d’être joignables les uns et les autres j’crois que mon téléphone dormirait sur un meuble 80% du temps. »
“J’comprends l’idée, j’en ai pas eu pendant longtemps.” Pour quoi faire ? Le monde était devant moi et le passé restait muet. D’une certaine manière alors, je trouve ça plutôt sympa qu’il reste dans ta poche, ce fameux écran. Si t’en as besoin, c’est que ce monde est vicié c’est vrai, mais aussi parce qu’il y a du monde à contacter. Du monde qui t’appellerait, toi, si ça allait pas. Et ça, ça en dit autant sur eux que sur toi. Et c’est plutôt de beaux compliments si tu veux mon avis.
C’est là, sans doute, que je dois me rendre compte qu’effectivement, j’ai déjà fait partie de ceux-là. Un jour j’ai appelé. Et ce jour, t’as répondu. J’ai merdé, c’est certain, mais il n’empêche que si on s’arrête à ces faits-là… ça a un côté rassurant.
J’veux pas avoir à te rendre la pareille. Déjà parce que j’ai pas cette place dans ta vie, mais surtout pour t’éviter de nouvelles merdes. Simplement… j’aimerai savoir te dire que si t’en as besoin, je répondrai.
J’suis à peu près sûre que je répondrais.

“Y’a une part de moi qui se dit que c’est pas une si mauvaise chose. Enfin.. Tu vois c’que j’veux dire.” C’est ça qui sort pourtant. D’ailleurs je ne sais même pas s’il voit. Va savoir.
“C’était comment ? Grandit en tant que sorcier, loin de la télé, des games-boy… des furby ? Enfin… si t’as envie d’évoquer le truc. J’imagine que le sujet est pas forcément génial mais…” Je hausse des épaules, grimace un air désolé. Pas tout à fait certaine d’être sur la bonne pente avec mon histoire. “J’me demande, c’est tout. Si on exclues le côté famille vicié d’la famille.”
Toi aussi tu gouttais le sel de l’océan durant l’enfance ? Pas le même. Pas l’même temps non plus. Mais cette image me reviens quand je fixe les remous de l’eau au loin et sent les grains de sable glisser entre mes doigts de pied.
C’est loin tout ça. Dans une autre vie.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Lun 11 Sep 2023 - 17:29
« J’comprends l’idée, j’en ai pas eu pendant longtemps. » Regard sur le côté, les pas sont lents mais réguliers sur le sable qui se fait moins épais à mesure que son humidité le rend plus compact.
Pas de supposition ni dans mes yeux ni dans mes pensées, j’écoute et c’est tout. On ferait quoi si on n’avait pas ces trucs là pour se joindre rapidement ? C’est moche à dire mais on serait sans doute un peu plus serein. Être joignable 24h/24 a quelque chose d’oppressant si on prend deux minutes pour se poser et y penser, un truc qui enfreint les principes de la liberté. Ça me prend un soupir avant de river de nouveau mon regard sur l’horizon sans vraiment le voir « Y’a une part de moi qui se dit que c’est pas une si mauvaise chose. Enfin.. Tu vois c’que j’veux dire. » Je crois. C’est sans doute ce que veut exprimer mon sourire silencieux alors que je croise son regard et hoche la tête. Non, ça n’est pas une mauvaise chose. Ça n’en est jamais une que de prendre le temps sans avoir l’attention rivée sur ce petit objet qui représente le lien avec ceux qui ne sont pas près de toi.
Ça ne veut pas dire que tu veux te couper d’eux, simplement que ce qui se passe dans ton instant présent à le droit d’être ta priorité. Un truc valable qu’importe de quel côté de la planète je me trouve « C’était comment ? Grandit en tant que sorcier, loin de la télé, des games-boy… des furby ? Enfin… si t’as envie d’évoquer le truc. J’imagine que le sujet est pas forcément génial mais… » Si sa grimace est désolée et qu’elle semble marcher sur des œufs rien d’autre ne se passe en moi qu’une seconde de bug habituel sur certains mots. Furby ? Jamais entendu parlé « J’me demande, c’est tout. Si on exclues le côté famille vicié d’la famille. » S’ils savaient comme ils ne comptent pas, comme ils ne comptent plus. Comme ceux qui ont toujours vu en moi non pas le reflet de ce qu’ils voulaient voir mais la personne que je suis prennent toute la place ou presque « T’en fais pas, ça m’dérange pas de parler de ça. » Je ne sais pas si c’est le temps qui a fait son œuvre mais aucune tension ne se diffuse en moi, rien ne vient nouer mes épaules alors qu’on monte quelques marches pour retrouver le bitume dont un léger souffle de chaleur émane encore malgré l’obscurité de plus en plus présente. La ville gronde de ses murmures, des éclats de rire dans un coin, la sonnette d’un vélo de l’autre, je n’ai aucune intention de remettre mes chaussures alors que le remblais défilent entre bars et restaurants « Sincèrement si on fait abstraction de mon frangin qui était un sale con jaloux et insécure j’ai sans doute eu la meilleure enfance qui soit. » Même le rire qui m’échappe ne tremble pas de rancune. J’ai fait la paix avec Derek, après lui avoir pardonné l’impardonnable à de trop nombreuses reprises on a enfin trouvé un équilibre qui je crois nous va à tous les deux. Est ce que j’ai envie de le préserver pour autant en ne mentionnant pas la purge qu’il a été avec moi ? Faut pas déconner.

Sur mes lèvres flotte un sourire alors que je me perds une seconde dans mes pensées. Le grand boulevard des souvenirs se déroule devant moi et je me rends compte du chemin parcouru, de la douleur laissée de côté pour ne garder que le plus beau et le plus doux « A l’époque j’me rendais pas compte de tout ce que ça représentait d’avoir le Sang Pur, nos parents nous en ont vachement préservé alors les réunions de famille j’y allais sans angoisse. Mon grand-père était dur mais ma grand-mère arrondissait toujours les angles. » Les choses auraient sans doute été différentes si j’avais atteint la majorité dans ce contexte mais la vie en a décidé autrement. Les parents sont morts, notre grand-père aussi peu de temps après, je n’ai pas envie d’imaginer un passé qui n’a jamais existé ni un futur hypothétique « C’que j’avais pas avec Derek je le trouvais avec Eleanor, la plus âgée de mes cousines. On a 11 ans d’écart mais j’crois qu’elle était elle aussi plus proche de moi que de ses frères et sœurs. » Et c’est toujours le cas. J’aimerai qu’elle ait la chance de pouvoir vivre aussi librement que moi mais ce soir, cette nuit, je n’ai pas envie de laisser les ombres roder autour de moi « Mes oncles et tantes, les autres cousins, j’avais pas d’affinités particulières avec eux mais j’crois que je ne les calculais pas vraiment et du côté de ma mère je ne les connaissais pas. » Le ton est tranquille, la voix posée, les mots sortent simplement comme des faits parce que c’est ce qu’ils expriment. Si j’ai créé des liens avec eux depuis je sais aussi reconnaître mes limites mais alors que mon sourire se fait plus doux et que mon regard se rive sur le sol sans vraiment le voir c’est autre chose qui vient m’enrouler le cœur « Elle s’est barrée après la fin de ses études, son père a voulu la marier à un Sang Pur Anglais sauf qu’elle était déjà amoureuse de mon père et elle n'était globalement pas en phase avec ses idées donc … » Et c’est ça qui fait accélérer mon rythme cardiaque à chaque fois, cette sensation si agréable quand je me sens aussi proche d’elle. Oui, c’est ça qui transparaît dans mon attitude et mes yeux quand je les relève vers Jo « Les chiens font pas des chats il parait. » Il a essayé avec moi, il a rapidement compris que ça ne fonctionnerait pas, que je préférai me foutre en l’air que d’être prisonnier de la moindre cage.

Et qu'est ce qu'on s'en fout que j'aime les femmes ou que j'aime les hommes, que j'aime les mannequins ou que j'aime les formes. Pourquoi ça gêne les autres ? J'suis pas là pour créer un vrai désordre mais ma liberté n'fera aucun effortGeorgio

« J’crois que mon goût pour la liberté j’le tiens d’elle majoritairement. » La douceur aussi je crois, ma propre sensibilité qu’elle a toujours prise en compte sans la juger ni essayer de la changer. J’en ai le cœur gonflé d’amour rien qu’à y repenser, à faire le point là comme ça. Est ce que je m’égare ? C’est possible mais parler d’elle ne sera jamais trop. Elle m’a offert ce que j’ai de plus précieux, ce qui fait de moi aujourd’hui un type que j’accepte de regarder dans le miroir sans trembler malgré le reste.
Quelqu’un lâche un rire plus franc quelque part autour de nous et je crois que ça me sort de mes rêves, le regard qui cherche d’où ça vient par réflexe avant que l’esprit se dise qu’il s’en fout « Mais voilà, mon enfance c’était l’océan, le surf avec mon père, les câlins de ma mère et cette petite bulle dont j’avais pas besoin de sortir. » Bien ou mal c’était comme ça, je sais que ça m’a pas rendu très à l’aise avec les autres mais j’ai appris « Quand il a fallu aller à l’école … » Le rictus qui me traverse le visage est un mélange de sourire amusé et de grimace « Le Campus était bien mais là bas y avait personne pour me protéger de mon frangin et j’étais pas vraiment le mec cool qui a pleins de pote. » Sans déconner « Plutôt le gamin pas bien épais dont les capacités sociales étaient pas au max de leur développement. » Cette fois c’est carrément un rire qui m’échappe, du genre bref qui secoue les épaules alors que les lampadaires créé des ombres un peu partout sur l’asphalte « Pas que je m’intéressais pas aux gens mais … Un peu, en fait. T’avais plus de chance de me voir discuter avec un Kelpie que de demander à mes p’tits camarades s’ils avaient passé de bonnes vacances. » L’autodérision est là, tout ça me semble être une autre vie. Si je me reconnais encore un peu en ça je vois le chemin parcouru là encore, l’ouverture sur le monde et les autres qui s’est faite progressive mais efficace « Concrètement je rasais les murs en attendant que ça passe. » En attendant de pouvoir rentrer à la maison « Et ça passait. » A mon tour de hausser les épaules, les chaussures toujours dans une main et l’autre calée dans ma poche « J’avais tout. L’amour et la présence de mes parents, tout le confort matériel possible, clairement j’étais privilégié. » Je le suis encore sous certains aspects, la misère je n’ai jamais connu ni même la peur de manquer de quoi que ce soit de matériel. A même pas 20 ans j’ai deux maisons et un bateau, des comptes pleins à craquer, des rentrées d’argent régulières en plus de ça. Si je dois m’inquiéter pour l’avenir ça ne sera pas vis à vis de ça « J'étais heureux, avec ou sans gameboy. » Je ne l’ai pas été pendant un moment, des années à dire vrai, mais aujourd’hui j’ai retrouvé cet équilibre qui me permet de passer entre les balles et surtout de me relever quand quelque chose parvient à me foutre au sol. La sécurité, certes, mais surtout la présence indéfectible de mes proches, cette famille construite de pièces venues des quatre coins du monde. Un putain de beau puzzle pour lequel je me sens plus privilégié encore et que j’essaie de toujours faire passer en priorité pour ne pas le voir se déliter.

Je pourrais me sentir mal d’étaler tout ça face à elle mais ça n’est pas le cas. Pourquoi je me sentirai coupable d’avoir une histoire différente de la sienne ? Mais parce qu’on parle de tout ça j’y vais moi aussi « Est c’que c’est le moment où j’te demande si t’as des nouvelles de ta sœur ou on fait comme si j’avais rien dit ? » Une porte de sortie, toujours. Elle n’en a parlé qu’une seule fois mais non, ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Dim 24 Sep 2023 - 17:42

 13 Janvier 2017


J’crois que ça m’est pas tant arrivé, d’aborder les sujets sérieux depuis mon départ il y a dix ans. Ça date de Poudlard, sans doute. De ces échanges que le temps a forcé. Avec Zach, essentiellement. Uniquement, en vérité. J’ai eu beau passer la majorité de mes jours proche de la bande d’Aileen, Takuma et Sovahnn ou de celle d’Alec, Jayden et Mack, j’ai toujours eu cette capacité à switcher de l’une à l’autre quand ça devenait un peu trop sérieux d’un côté. Il a fallu leur départ à tous, les attaques contre l’école, le manque d’information véritables concernant l’extérieur. Étrange période. Aucune possibilité d’avoir de nouvelles d’une famille que je ne contactais pourtant qu’à peine jusque-là.
J’ai écouté les autres. Été l’oreille dont on ne sait rien.
Et puis il y a eu l’extérieur. Et j’ai l’impression que ce type de moments a fini par être écarté au profit d’un étranglement général. Parfois, t’es tellement écrasé par ton quotidien que tu perds jusqu’au mode d’emploi. Ça se fait ou pas d’aborder un truc pareil ? Je sais qu’à force de se rapprocher de moi, ils finissent par marcher sur des œufs. J’suis pas con, j’en ai conscience. J’aime pas être comme ça. J’ai simplement pris l’habitude de laisser le passé au passé. Mais ce qui n’était “que” ça - officiellement - est devenu plus lourd, plus compact au fil des mois. Quand le cœur s’ouvre, quand il se trouve à nu et vulnérable, il fait ce qu’il peut pour protéger ce qui lui reste. Et si la femme d’aujourd’hui est percée à jour, alors la gamine d’hier se doit d’être protégée.
J’ai l’impression d’avoir perdu jusqu’à la notion même de normalité de ce que j’étais jusqu’ici. C’était pas dur de me parler. C’était pas dur de me poser avec quelqu’un pour l’écouter. Ça n’empêche que je n’étais qu’un courant d’air. Les deux ne sont pas opposés. Alors depuis quand ? Depuis quand une simple conversation est devenue une épreuve ? Depuis quand je ressens ce truc d’être tant écrasée que j’en arrive plus à tout vivre autrement que comme une agression et l’autre comme un ennemi ? J’sais pas si je projette mes propres limites ou si je garde l’angoisse sourde d’une Kezabel que j’ai peur de briser avec les mauvaises décisions. Le fait est que je ne sais plus bien où me situer dans ma relation à l’autre.
« T’en fais pas, ça m’dérange pas de parler de ça. » Un sourire passe quand je retrouve le contact du béton encore tiède. Après le sable humide, il semblerait presque chaud. J’crois que j’ai besoin de ça. De poser le talon sur d’autres bouts d’horizon.
« Sincèrement si on fait abstraction de mon frangin qui était un sale con jaloux et insécure j’ai sans doute eu la meilleure enfance qui soit. » Là aussi, le sourire flotte un instant. Sans trop savoir ce qu’il porte, il se maintient tandis que mon regard passe sur lui avant de rejoindre les bordures des magasins et autres boutiques qu’on peut trouver un peu plus loin, le long du remblais. Un sale con jaloux et insecure hein ?
Un instant je me revois après une mauvaise journée à l’école. Dix ans, l’annonce de mon statut de sorcière, les nerfs qui lâchent à voir ceux de ma mère partir en live à l’idée que je ne sois plus là pour aider avec ma sœur. Ma propre angoisse ingérée à l’idée de partir seule habiter je ne sais où, de faire face à ce qui se passe en moi… et de laisser mère et soeur. De les laisser. Et de les laisser ensembles. Je me revois sortir dans la cour de l’école, me cacher dans un coin, y plaquer mon carnet de correspondance sur un mur de crépis. J’ai décollé un mot de l’enseignante qui à force de n’avoir aucun retour de ma mère, y avait marqué une note cinglante. J’y en ai décollé un autre message papier - une histoire de sortie scolaire - pour le coller dessus. Puis je suis allée récupérer Suzie dans la cour d’à côté. Pas de grand mère ce jour-là, impossible de sortir. Alors la maîtresse qui appelle et insiste pour nous laisser sortir. “C’est juste à côté, tout ira bien, Jordane sait comment faire.” Je pouvais presque entendre sa tension dans la voix hachée mal-audible qui sortait du combiné. Mais non. Impossible. Alors on appelle la grand mère. Puis la tante. Puis la grande tante. Il s’avère que la grand-mère a eu un accident. Que ma mère doit quitter le boulot, et ma tante de même. Alors l’une gère l’urgence et la seconde passe nous chercher, l’oreille contre le téléphone pour gérer son boss.
On termine alors toutes les deux, seules, tendues comme des strings. Et un enfant tendu, inquiet, qu’est-ce que ça fait ? Ça pleure. Ou ça se met à hyperfocus. Alors Suzie crise. Elle crise quand il faut ranger. Elle crise quand il faut faire ses devoirs. Elle crise même quand j’essaye de jouer.
Elle crise, surtout, quand je lui balance la baffe de sa vie. Excédée, bloquée sur l’idée que tout doit être propre et prêt pour le retour de maman et qu’elle gâche ma tentative d’améliorer les choses. Comment feront-elles quand je ne serais plus là ?
Et puis ma mère rentre, dans les cris suraigus, le bordel infini, le repas à moitié cuisiné, moi qui me suis brûlée en tentant de faire mille trucs en même temps, Suzie qui me hurle dessus - à raison - et le chat planqué dans un coin. Le foutoir. Ça gueule, s’accuse, s’invective. Autant les gamines que la mère qui vient de gérer l’accident bénin mais coûteux de sa mère.
J’écope de critiques, bien sûr. Mais une fois que tout a bien explosé … bah je retrouve ma sœur et ma mère dans les bras l’une de l’autre, à se murmurer des secrets et rire doucement. J’y reste un moment, dans l’encadrement de la porte, à les regarder enlacées. Et je crois qu’à ce moment, je me rend compte que ça sera comme ça, quand je ne serais pas là. Et ça me rend dingue. Alors je reprend le repas. Reste que je veux faire ce truc qui la soulagera. Qui lui fera m’en être reconnaissante. Qui est ce qu’elle attend de moi, peut-être. Ou du moins, qui lui fera se dire “qu’elle est grande ma fille. Qu’elle aide. Comme j’ai besoin d’elle !”. Mais je me fais mal une nouvelle fois, et elle sort de la chambre pour me le reprocher. Alors c’est moi qui crise. Comme ça, d’un bloc, comme un commutateur qu’on a switché.
Elle hurle plus fort, alors je monte le son. Et encore.
Et sans prévenir, elle me prend dans ses bras et me dit qu’elle est désolée. Que ça va aller. Qu’on va sortir.
On a acheté une pizza et on l’a mangé toutes les trois sur le bateau, dehors dans des plaids. J’avais froid. Mais qu’est-ce qu’on a ris. Toutes les trois, le cul mouillé, à rire sous les étoiles et à se brûler les doigts avec du fromage trop chaud.

Un sale con jaloux et insecure. Voilà pourquoi je souris.
Ça me rappelle quelqu’un.

Je remonte le regard jusqu’à lui pour n’y trouver qu’un amusement apaisé. On pourrait croire à de la rancœur, des tensions. Mais c’est pas ce que je vois. Pour ça, il a parfois ce statut d’ovni. Le gars qui a su calmer les choses, décortiquer, pardonner, avancer. J’sais pas toujours comment c’est possible, mais manifestement c’est là.

« A l’époque j’me rendais pas compte de tout ce que ça représentait d’avoir le Sang Pur, nos parents nous en ont vachement préservé alors les réunions de famille j’y allais sans angoisse. Mon grand-père était dur mais ma grand-mère arrondissait toujours les angles. »
Le regard s’assombrit. Le mien, pas le sien. J’ai dans les tripes autant de soulagement à l’idée qu’il n’ait pas eu à subir ce que je ne peux qu’imaginer après avoir passé tant de temps avec Alec … et un élan plus brusque à l’encontre de ce qui pouvait exister hors de son regard d’enfant. La simple mention “dur” m’inquiète autant que j’ai une forme de gratitude absurde envers celle qui arrondissait les angles. C’est pas mon rôle que de ressentir ça, je sais. C’est là quand même. Une preuve de l’affect, surtout.
« C’que j’avais pas avec Derek je le trouvais avec Eleanor, la plus âgée de mes cousines. On a 11 ans d’écart mais j’crois qu’elle était elle aussi plus proche de moi que de ses frères et sœurs. » Jamais entendu parler. Mais peu à peu, je trace les contours de cette famille dont je n’ai qu’à peine entendu parler. Les aspects positifs, ces gens qui vont et viennent, qu’on perd parfois de vue ou qui se maintiennent. « Mes oncles et tantes, les autres cousins, j’avais pas d’affinités particulières avec eux mais j’crois que je ne les calculais pas vraiment et du côté de ma mère je ne les connaissais pas. » Peut-être que c’est mieux ? J’en sais rien.
« Elle s’est barrée après la fin de ses études, son père a voulu la marier à un Sang Pur Anglais sauf qu’elle était déjà amoureuse de mon père et elle n'était globalement pas en phase avec ses idées donc … »  

Cette fois c’est un petit rire qui passe et je ne peux manquer toute la douce affection qu’il y a dans les yeux d’un fils qui se remémore sa mère.

« Les chiens font pas des chats il parait. »
“Manifestement ‘ya quelque chose..” La pomme, l’arbre. Tout ça n’est pas loin, c’est certain.

Et j’trouve ça beau, moi, tout ce qui ressort de ces mots.

« J’crois que mon goût pour la liberté j’le tiens d’elle majoritairement. »  Ces petites choses qu’on garde des défunts, qu’on emporte avec soi. Du moins, c’est ce que je vois chez lui. Ce truc que je ne crois pas trouver chez moi mais qui, au travers de ses mots, semble avoir quelque chose de précieux. De vrai surtout.

« Mais voilà, mon enfance c’était l’océan, le surf avec mon père, les câlins de ma mère et cette petite bulle dont j’avais pas besoin de sortir. » Pas de mention de la magie. On pourrait croire que ce serait le plus important à évoquer entre l’enfance d’un sorcier et celle d’une moldue - ou presque - mais non, c’est pas le cas. Comme quoi, ça n’a pas à être important. On est les mêmes gosses, avec pas mal de problématiques et d’habitudes similaires.
Étonnamment, l’océan en est un entre nous. Et si j’esquisse un sourire, c’est en repensant au bateau, à la pizza, aux sorties en mer bien avant tout ça, quand on avait un père pour tenir la barre. Celles après, aussi, que j’ai toujours boudé. Jamais foutu le pied sur un bateau autrement qu’avec Enzo depuis. Ce qui est con, parce que je crois que ça me plairait. A la place, c’est les terres qui m’ont accueillie dans les moments où j’ai eu besoin de retrouver le confort de ma bulle. Une bulle en béton armé.

« Quand il a fallu aller à l’école … » Arnhem. « Le Campus était bien mais là bas y avait personne pour me protéger de mon frangin et j’étais pas vraiment le mec cool qui a pleins de pote. » Une grimace passe sur mes lèvres à l’idée de leurs relations. J’ai du mal à imaginer ça aussi tendu. J’arrive en cours de route, j’ai capté certaines infos, vu certaines choses, compris quelques non dit, mais c’est un monde que ce passé qui m’échappe.  « Plutôt le gamin pas bien épais dont les capacités sociales étaient pas au max de leur développement. » Putain t’as bien changé… C’est une réflexion qui se voit sur mes traits quand je me tourne vers lui en lâchant un rire en écho au sien. C’est même dur à imaginer de là où je me tiens. « Pas que je m’intéressais pas aux gens mais … Un peu, en fait. T’avais plus de chance de me voir discuter avec un Kelpie que de demander à mes p’tits camarades s’ils avaient passé de bonnes vacances. » Le rire reprend à l’imaginer taper la discut’ ainsi à un cheval des mers. Truc que je n’ai jamais vu de ma vie et dont l’idée même de la proximité a quelque chose d’assez exotique. « Concrètement je rasais les murs en attendant que ça passe. » C’est étrange de l’imaginer ainsi non ? Ou c’est juste moi. Les images qu’on se fait des uns et des autres. On grandit. On change.
Moi j’étais celle qui sociabilisait, parlait des vacances des autres et marchait sans mal dans les couloirs.
Pas tant des miennes, en vérité. Déjà.

« Et ça passait. » Il hausse des épaules. C’est fou hein, comme les peines de l’enfance peuvent paraître dérisoires une fois que l’horreur s’est abattue ? Pas qu’elles l’étaient. Loin de là même. J’imagine bien qu’échapper à un frère dont la violence et la jalousie t’ont bousillé la vie, peiner à créer du lien, vivre solitaire et raser les murs… ça n’a rien de très joyeux. D’une certaine manière, j’en ai conscience. Mais comme tu dis : ça passait. C’est l’important non ? J’en sais rien. Ça sonne comme ça en tout cas.

« J’avais tout. L’amour et la présence de mes parents, tout le confort matériel possible, clairement j’étais privilégié. » D’une certaine manière, ça sonne… non pas vraiment comme des excuses, mais comme une remise à niveau. Comme si l’adulte s’adressait au gamin pour remettre les pendules à l’heure et réaligner les choses. C’est peut être plus général que ça. Ça me concerne peut-être. J’en sais rien. Je ne sais pas comment il me voit. Ou comment il devrait me voir. Ça n’a pas vraiment d’importance d’ailleurs.
Moi je retiens ce truc là : l’amour et la présence de mes parents. Rien qu’avec ça, on l’est ; privilégié. Et on ne s’en rend compte qu’une fois que ça vous échappe. À cette gamine que j’ai été, moi aussi, je voudrais réaligner quelques pendules.
Le fait est… que ne pas s’inquiéter de l’amour d’un parent est une chance. Une force. Un présent même, que tout enfant devrait vivre. Et vivre la peine de comprendre le privilège qui était le nôtre… bah c’est le propre même de cette injustice. La peine répond à la chance. L’une n’existe pas sans l’autre.

Je plonge une main dans sa poche et mes doigts se referment davantage sur la sangle de mes pompes, incapable de penser à ça plus longtemps.

« J'étais heureux, avec ou sans gameboy. »

Un petit rire soutient ces mots et un instant, le regard glisse sur le sable glissé dans chaque creux de l’asphalte. Difficile de savoir ce que je pense de tout ça. Il y a quelque chose de rugueux dans les plaies de son enfance. Un truc que je ressens sans qu’il ne semble le développer. Ce truc… qui nous différencie profondément sans doute. La raison aussi, de son air serein.
Et pendant que je ne trouve ni les mots, ni l’axe pour y répondre, tout à la fois contente d’apprendre tout ça de lui et curieuse du reste, j’en deviens pourtant muette sans trop savoir pourquoi… et une question tombe et me prend par surprise.

« Est c’que c’est le moment où j’te demande si t’as des nouvelles de ta sœur ou on fait comme si j’avais rien dit ? » Mon regard remonte d’un bloc jusqu’au sien, arrondi de surprise. Pas que j’ai oublié lui avoir confié son existence. Peut être plus qu’il n’ait pas oublié. Prise de court, surtout, qu’un tel sujet arrive ainsi.
“T’oublies jamais rien toi hein ?” C’est toi qui est stone ou beurrée la moitié du temps ma fille, c’est normal qu’il n’oublie pas et que toi si…

Certes.

“C’est pas très concluant.” Suzie. Nos contacts. Mes tentatives un peu bancales.
Et oui, c’était une réponse. Brève mais honnête, le tout sans fuir le sujet fondamentalement parlant. Sans le développer non plus me direz-vous.
Le regard se trouble un instant et cherche les vagues quelques part au loin. J’me demande si on pourrait rejoindre l’eau et nager jusqu’aux zones plus sauvages. S’il y a des creux dans les côtes, des grottes, des cavités. S’il est possible d’y nager. De plonger sous la surface dans un univers de roches nacrées d’éclats de lumière. J’ai dans les rétines des fragments de monde.
Mes privilèges à moi ont un prix. Mais j’crois que j’en ai fixé la somme trop élevée toute seule, comme la conne que je suis.

Le regard ne quitte pas la masse noire des vagues qui s’agitent un peu plus loin.

“T’as envie d’entendre l’histoire d’une autre privilégiée ? … Un peu bornée celle-là.”

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Mar 3 Oct 2023 - 12:32
Ce que je vois dans ses yeux clairs quand ils retrouvent les miens ça n’est pas une réaction à une agression mais « simplement » de la surprise. Je l’admets, ça me soulage. Pour elle comme pour moi. Même si je vois l’évolution, que je ressens cette ouverture qu’elle semble avoir envers moi de plus en plus, je n’oublie pas qui elle est. Ce gouffre sous la surface qui la tient si fort éloignée des autres dès l’instant où l’émotionnel se tape l’incruste, je le ressens. Plus ou moins fort que les autres j’en sais rien, j’ai pas envie de me la jouer présomptueux même si je connais les bordures de cette sensibilité qui me permet souvent de capter ce que ressentent les autres. C’était là depuis le départ, la Lycanthropie l’a fait exploser comme le reste de mes sens.
Aucune ambition de la piéger dans ma démarche, je me dis qu’elle me connait maintenant suffisamment pour comprendre que c’est simplement un truc sorti spontanément, une suite dans la discussion. J’ai parlé de mon enfance, de ma famille, entre autre de mon frère et de notre relation complexe. Parce que contrairement à l’enfant que j’étais je m’intéresse aujourd’hui à la vie des gens qui m’entourent et que j’apprécie, oui, je pose la question « T’oublies jamais rien toi hein ? » Visiblement non et je dois bien admettre que ça n’est pas toujours un cadeau. Le cerveau ne fait pas le tri, il engrange ce qui me concerne mais aussi le reste en – sans doute – trop grande quantité. Un truc qui fait plaisir parfois mais qui peut aussi devenir pesant quand en plus de porter le poids de sa propre existence on embarque une partie de celle des autres. Sciemment ou pas.

J’aurai presque l’air d’un connard omniscient et imbu de lui-même en présentant les choses comme ça.

« C’est pas très concluant. » Pas de réaction particulière de mon côté, je me contente d’écouter, de la regarder sans devenir oppressant, attentif et attentiste même si la discussion doit s’arrêter là. Ça ne veut pas dire que je ne ressens rien, que je ne capte pas le regard qui se détourne et le silence qui s’installe quelques secondes. Cette fille est un nuage de brume mystérieuse qui pour moi se désépaissit au fil du temps et ce qui se passe ici laisse échapper des informations non verbales. On n’est pas dans le rejet, plutôt dans une façon de prendre le temps pour englober la situation peut être « T’as envie d’entendre l’histoire d’une autre privilégiée ? … Un peu bornée celle-là. » Un rire bref secoue mes épaules de manière infime et me fait échapper un souffle d’air par le nez, c’est vrai que de toutes les personnes que j’ai pu côtoyer dans ma vie elle est clairement dans le classement de tête pour ce qui est d’être butée. A sa propre manière « Seulement si toi t’en as envie. » Un sourire, un haussement d’épaules « Mais si c’est le cas, oui. » Pas par curiosité mal placée ni par besoin de mieux l’appréhender parce que ça n’est pas le cas, je pourrais faire sans ou plutôt avec ce que j’ai. Je connais celle qu’elle est aujourd’hui, celle qui est devenue une amie au fil du temps sans qu’on le voit réellement venir. Je n’ai pas besoin de connaitre son passé ou sa famille, ses liens avec eux, pour savoir que ça ne changera rien. Il s’agit simplement d’intérêt, une marque d’affection je crois.
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Ven 13 Oct 2023 - 11:35

 13 Janvier 2017


J’suis pas complètement certaine d’avoir pris cette décision. Elle est sortie d’elle-même. C’était son temps, son heure, il faut croire. Un souffle passe. Je ne suis pourtant pas sûre de moi. Il y a une embardée sous mes côtes à entendre cette proposition sans doute absurde. Comme s’il s’agissait d’un grand truc. Balancé comme ça, pourtant, sans préambule ni violons. Juste une question entre deux amis. Mais j’ai un coup d’acide dans les veines et le souffle d’un rien plus superficiel.

« Seulement si toi t’en as envie. » Disons que c’est sacrément ambivalent.  « Mais si c’est le cas, oui. » Un sourire passe mais j’ai du mal à m’arrêter sur son regard ou l’apaisement de ces mots.

En vérité, je suis branchée sur courant alternatif. Tout à la fois poussée par l’envie que ce soit pris pour ce que c’est ; un truc rare. Précieux. Comme s’il fallait une fanfare pour accueillir un tel move… et clairement, l’inverse intégral. En faire tout un truc serait indécent, blessant. Ou juste lourd. La conclusion c’est que j’suis chiante et c’est pas une nouveauté. Ou juste qu’entre ce que je veux et l’assurance de le faire, il y a un gap et l’envie de vider une bouteille. J’en sais rien. J’crois que pour Kezabel, j’ai déjà affronté le pire, alors le coup de stress qui débarque me rappelle qu’il y en a encore d’autres que je pourrais perdre. Ya mieux comme perspective. Arrête de réfléchir.

“Enfin j’ai pas prévu de te faire toute ma bio hein..” Un petit rire.. un peu trop aigu et je racle de la gorge… avant de rire de nouveau. Un truc plus proche du souffle, moqueuse envers ce truc nerveux qui vient de sortir sans l’avoir prévu. Je gagne du temps ? Je gagne du temps. “J’sais pas ; communiquer entre frangins frangines c’est parfois la pire des galères.” Pour ça, je pense autant à toi qu’à moi. Il n’y a rien de simple, on ne choisi pas de grandir ensembles, encore moins de s’aimer. Et parfois, savoir qu’en foutre c’est pas une mince affaire. Et quand on sait malgré tout… bah ça change pas les divergences d’opinion on va dire. Pas simple, donc.
Sans vraiment y réfléchir, on se pose sur les blocs de bétons recouverts de bois qu’on trouve ici et là au bord de la jetée, sur le remblais. Plus loin, ça s’agite, se chamaille et j’ai un sourire pour le petit groupe qui passe par dessus l’un de ces bancs improvisés, un peu plus loin, pour se poursuivre dans le sable.
“Mon père - Il sonne bizarre ce mot. Il sonne faux. Mais je fais au plus simple. Au moins colérique aussi. - s’est barré après l’arrivée de Suzie. J’me suis pas mal occupée d’elle et .. Ça a pas vraiment facilité les choses.” Un putain d’euphémisme. “Mais bon, on s’engueule toujours entre sœurs, ça fait partie du bail.” En tailleurs sur le bloc, je regarde ailleurs. Perdue dans une soirée à la plage passée depuis des années. “ça allait, on manquait de rien, c’était juste… un peu le bordel.Tu sais, le truc de la petite à qui on passe tout et la grande qui doit s’adapter. Et j’crois que j’ai jamais été très douée en adaptation. Alors on passait notre temps à s’écharper toutes les deux.. c’qui rendait tarée ma mère.” Un sourire se tord, il presse les lèvres et efface les mots. Dans ce silence, il y a son vide. Dans ce silence, l’aveu de sa mort. J’pense qu’il y a des choses que la vie nous apprend à entendre. Alors pour la première fois je ramène mon regard vers le sien. Rien de larmoyant, là-dedans, c’est au contraire une onde de chaleur un peu râpeuse qui me passe dans le regard. Un truc mal-foutu, pas complètement acquis peut être, ni joyeux ni triste. C’est ce que les vieux appelaient la nostalgie quand j’étais petite. Un truc qu’on ne comprend pas avant de vieillir et d’apprendre à chérir ce qui a été, sans doute. “Elle paraissait chouette, ta mère. Savoir dire stop malgré la famille et tout son quotidien, se préserver, avancer et foutre en l’air ce qui nous correspond pas… J’ai pas grandit dans cet univers, mais avec ce qui se passe en ce moment, j’imagine assez que c’était pas facile tout ça. Déjà à l'époque. Et j’ai l’impression qu’ils ont construit un truc qui valait le coup..”
J’connais pas Derek mais toi, tu vaux le coup.

“J’ai tenté le surf aussi gamine… j’étais pas bonne.” Un petit rire passe et dégage les pensées plus sombres qui pourraient s’imposer. “J’avais aussi l’océan en face de la maison. Un truc en commun. Quoi que quelque chose me dit que la météo était pas la même..” Le sourire est franc quand je change de position et plie une jambe devant moi. La cheville contre le tibia de l’autre, j’enroule mon bras autour du genou droit.
“Le seul moment où on a été proches avec Suzie, c’est à la mort de notre mère. Vers mes quatorze piges. A quelques jours près. ” Pas d’humidité dans les paupières, juste un regard trop fixe. J’ai trop pleuré pour ça. C’est trop vieux. Ça appartiendrait presque à une autre vie, un truc qu’on ne trouve que sur les pellicules photos et que j’ai pas vraiment vu de mon vivant. Son visage s’est bloqué dans ma mémoire, il correspond à celui du papier glacé dans mon portefeuille. Pour le reste j’ai du mal. Et ya des trucs que j’oublie pour pas les raviver. On fait tous ça je crois. “Ambiance ‘toi et moi contre le monde’. Ou contre la paperasse, pour le coup.” Torve, le sourire. Pourquoi j’arrête pas de sourire d’ailleurs ? Parce que ça, cette fois, ça n’a rien de très joyeux. “Et le paternel s’est re-pointé. J’ai commencé les sports de combat et lâché un temps Beaubâton pour rester à la maison et m’assurer que ça allait. Des réflexions cons en vrai, pour une môme, mais ça semblait juste sur le coup.” Une inspiration et pas un sourire. J’ai oublié. “Et l’instant de grâce était fini.” Comme si l’amour entre sœurs n’était rien d’autre qu’artificiel. Juste un moyen de survivre au deuil. “Elle s’est rapprochée de mon père et peu à peu j’ai plus eu aucune place là-dedans.” Factuel. “J’étais pas tendre hein, ça vient pas que d’eux. Mais y’a des trucs qui sont difficiles à digérer.” Je marque une pause. Ça sent la fin de l’histoire car j’irais pas plus loin. Ma liberté à moi, elle s’arrête là, au bord de mes lèvres. Au moment où j’ai décidé que j’allais gérer. Qu’il suffisait de mettre un pas devant l’autre. “Et puis j'me suis barrée.” Et cette décision, je la prendrais encore et encore si c’était à refaire.
Je hausse des épaules et baisse le regard sur mes doigts. J’y glisse l’ongle d’un pouce sous le second depuis un moment, sans vraiment m’en rendre compte. Alors j’arrête et redresse les yeux vers lui. “C’était pas indispensable. Mais j’me voyais pas continuer.” Même quand je retournais à l’école, je ne voyais que ça. Le duo, là, qui formait sa petite famille. Pas possible pour moi. “On s’est engueulées, puis on n’a plus parlé. J’essaye mais c‘est pas probant.”
Un sourire passe ; le retour.
“C’est moi, la grande sœur jalouse et insecure… j’devrais peut-être parler avec Derek, ‘faut croire qu’on a ce genre de connerie en commun.” ça sonne aussi léger qu’intime quand je lâche un souffle amusé. Mais je suis désolée d’avoir été cette sœur-là. Tout comme il aurait dû être autre chose que ce frère pour toi.
Mais on est qui on est. Et parfois on n'est pas bons.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr


Revenir en haut Aller en bas
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
https://impero.superforum.fr/t6879-jordane-brooks
Âge personnage : 24
Hiboux postés. : 2265
Date d'inscription : 02/10/2011
Crédits : CaptainMarvel
Double Compte : Logan, Takuma, Sovahnn, Alec, Maxence, Oliver, Jessen
Jordane Suzie Brooks
Lun 23 Oct 2023 - 18:41
« Enfin j’ai pas prévu de te faire toute ma bio hein.. » Son rire et le mien s’entremêlent, j’affiche un ai déçu qui n’a rien de sérieux. Je n’ai pas besoin d’étendre mes sens jusqu’à elle pour capter son malaise, son langage corporel et ses réactions visibles sont suffisantes. Je n’y réagi pas, garde le même rythme de marche en laissant mes yeux vagabonder autour de nous sans s’arrêter sur quoi que ce soit de particulier. Pas évident de se lancer j’en ai conscience alors si c’est de temps dont elle a besoin qu’elle le prenne mais finalement les mots viennent et mon attention visuelle se repose sur son visage « J’sais pas ; communiquer entre frangins frangines c’est parfois la pire des galères. » Cette fois c’est chez moi que les réactions ne se font pas attendre. Un haussement de sourcils, un rire bref, la tête qui se penche sur le côté dans un geste qui accentue le « sans déconner » que je ne formule pas avec des mots.
Ça me parle évidemment mais après l’effet réflexe je vois surtout le chemin parcouru entre Derek et moi. Des années chaotiques plus tard on a aujourd’hui atteint un stade de tolérance et de compréhension qui échappe à certains mais nous convient à nous. Oui, j’ai pardonné l’impardonnable mais je suis le mieux placé pour voir toutes les avancées qu’il a lui aussi fait vers moi. On sera différents jusqu’à la fin de nos vies mais on sera frères jusqu’à notre dernier souffle, une relation qu’on ne demande à personne d’autre de comprendre ni d’accepter ou valider.

A l’horizon les lueurs se font de plus en plus abstraites alors qu’on se pose sur un truc qui ressemble à un banc, elle en tailleurs et moi mes grandes pattes pliées au niveau des genoux. Buste en avant, mains croisées entre les cuisses, coudes sur les cuisses. Même les odeurs ici me donnent le sentiment d’être à la maison. Pas là où j’ai grandi, planqué entre les dunes, l’océan et la forêt mais cette immense île qui ne sortira jamais d’entre mes côtes « Mon père s’est barré après l’arrivée de Suzie. J’me suis pas mal occupée d’elle et .. Ça a pas vraiment facilité les choses. Mais bon, on s’engueule toujours entre sœurs, ça fait partie du bail. » Un sourire, un souffle amusé, j’essaie de chercher qui autour de moi pourrait illustrer ce tableau mais je ne vois pas. Mélanges de frères et sœurs ça oui, j’ai, mais deux sœurs ? Ça aurait pu être Jill si sa petite sœur ne lui avait pas été arrachée par la maladie. Riley et Charleen ? Elles rattrapaient à peine le temps perdu à ne pas se parler quand la plus jeune a été tuée. Dans ma famille ça reste abstrait, comme pour beaucoup de choses « Ca allait, on manquait de rien, c’était juste… un peu le bordel.Tu sais, le truc de la petite à qui on passe tout et la grande qui doit s’adapter. Et j’crois que j’ai jamais été très douée en adaptation. Alors on passait notre temps à s’écharper toutes les deux.. c’qui rendait tarée ma mère. » Est ce que c’est ce qui s’est passé pour nous aussi ? J’avais pas ce regard là sur les choses, j’ai jamais vraiment eu l’impression que les parents pétaient des plombs mais entre les traumatismes et la capacité à voir ce qu’on veut bien voir peut être que j’ai qu’une partie du tableau gravé dans ma mémoire. Le regard porté sur le petit groupe qui s’amuse dans le sable pas très loin de nous c’est à mon frère que je pense tout en écoutant l’histoire de Jo.
Il y a des parallèles qui se font facilement, d’autres qui ne peuvent pas exister. Mon père ne s’est jamais barré et moi j’étais le p’tit à qui on passe sans doute tout. En revanche dans le regard silencieux qu’on échange c’est l’absence d’une mère qui brûle « Elle paraissait chouette, ta mère. Savoir dire stop malgré la famille et tout son quotidien, se préserver, avancer et foutre en l’air ce qui nous correspond pas… J’ai pas grandit dans cet univers, mais avec ce qui se passe en ce moment, j’imagine assez que c’était pas facile tout ça. Déjà à l'époque. Et j’ai l’impression qu’ils ont construit un truc qui valait le coup.. » Le sourire est mince mais à l’intérieur la gratitude est bien là, touché de l’entendre prononcer ces mots là vis à vis de la femme qui a majoritairement fait de moi celui que je suis aujourd’hui. Je regrette de ne pas avoir saisi ma chance de lui poser ces questions là, d’apprendre à connaître la personne au-delà de la mère et la femme. On se dit jamais que demain ça sera trop tard, à 15 ans on ne pense pas à ces choses là. Poser la question au Vieux ? J’suis pas certain que sa vision serait la plus adaptée ni celle que j’ai envie de connaître. Lea, Olivia peut être … Pas le même sang mais elles l’ont finalement plus côtoyé que sa propre famille.

« J’ai tenté le surf aussi gamine… j’étais pas bonne. » Le rire est plus franc cette fois et sans trop savoir pourquoi j’apprécie la diversion. Comme si j’avais trop plongé dans mes propres souvenirs pour ce soir « J’avais aussi l’océan en face de la maison. Un truc en commun. Quoi que quelque chose me dit que la météo était pas la même.. » Elle change de position, moi pas. Est ce qu’au final nos climats diffèrent tant que ça ? J’ai pas grandi dans l’endroit le plus chaud et ensoleillé de l’Australie mais je crois que c’est toujours plus que là haut « Le seul moment où on a été proches avec Suzie, c’est à la mort de notre mère. Vers mes quatorze piges. A quelques jours près. » Ça pince à l’intérieur mais je n’en montre rien. On est plusieurs à avoir ce point commun, celui d’avoir perdu au moins un parent à des âges où ça n’a rien de naturel « Ambiance ‘toi et moi contre le monde’. Ou contre la paperasse, pour le coup. » Parce qu’elles étaient seules, la différence est là. Ma famille est ce qu’elle est mais à part quand on a été coincés à Poudlard on n’a jamais été livrés à nous mêmes. Plus Jo me déroule son histoire et plus je comprends, me fait une idée de ce qui l’a transformé en l’être terrorisé par les liens qu’elle est aujourd’hui « Et le paternel s’est re-pointé. J’ai commencé les sports de combat et lâché un temps Beaubâton pour rester à la maison et m’assurer que ça allait. Des réflexions cons en vrai, pour une môme, mais ça semblait juste sur le coup. » Y a plus de sourire sur son visage, ce que j’y vois c’est de la tristesse « Et l’instant de grâce était fini. Elle s’est rapprochée de mon père et peu à peu j’ai plus eu aucune place là-dedans. » Même en essayant de ne pas s’approprier une histoire qui n’est pas la sienne pour éviter d’émettre le moindre jugement on ne peut pas s’en empêcher. C’est ce qui se passe pour moi en cette seconde tant ça m’est impossible d’imaginer qu’on puisse laisser de côté l’un de ses enfants, ou sa sœur, pour s’enfermer dans une bulle qui ne lui laisse pas de place. Pourtant pas une seconde je ne remets sa parole en doute, j’en ai pas le droit et la douleur inscrite sur ses traits et sa posture est beaucoup trop parlante « J’étais pas tendre hein, ça vient pas que d’eux. Mais y’a des trucs qui sont difficiles à digérer. » Pas un mot, juste un soupir. Aucune réaction me semble appropriée alors je préfère n’en avoir aucune, surtout quand je perçois le rideau invisible qui se déroule autour d’elle. Elle se referme, c’est imperceptible mais palpable pour qui sait observer et ressentir « Et puis j'me suis barrée. » A 14 ans, 15 ou 16 peut être. Beaucoup trop tôt quoi qu’il arrive « C’était pas indispensable. Mais j’me voyais pas continuer. On s’est engueulées, puis on n’a plus parlé. J’essaye mais c‘est pas probant. » Et eux, ils essaient ? Il essaie ? « C’est moi, la grande sœur jalouse et insecure… j’devrais peut-être parler avec Derek, ‘faut croire qu’on a ce genre de connerie en commun. » L’éclat de rire est plus franc, les épaules se dénouent, la lourdeur du silence explose mais n’enlève rien à tout ce qu’elle vient de me raconter.

J’engrange tout sans trop en faire, juste de quoi la lire plus clairement tout en encaissant l’écho que font résonner ses paroles en moi. Nouveau soupir, nouveau silence, nouveau regard sur l’horizon sans vraiment le voir et mes pensées ne quittent pas un seul et même visage « Et moi j’ai peut être pas suffisamment essayé de me mettre à sa place. » Celle du grand frère. Celle de mon frère. Je ne suis pas naïf, je sais qui il est tout comme je sais ce qu’il a fait et comment fonctionnent les rouages de son esprit. Pour bien des gens il est un immense connard mais il a mangé la vie en pleine gueule tout autant que moi sur bien des aspects. Nos parents, le déracinement, Megan. Les conséquences des mauvais choix qu’il a fait, aussi.

Sans y faire attention je me redresse un peu et fait rouler mes épaules ankylosées d'être restées dans la même position l'espace de quelques minutes. Ma relation avec Derek s'estompe sans disparaitre, l'envie de passer le voir se fait plus franche encore mais c'est sur celle de Jo et sa sœur que je me concentre alors que ces quelques mots s'échappent dans l'air du soir « Peut être que Suzie finira par se faire la même réflexion. » Mon regard retrouve celui de Jo, sur le coin de mes lèvres un sourire.


HRP:
Revenir en haut Aller en bas
Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
Enzo S. Ryans
https://impero.superforum.fr/t6883-enzo-tant-que-je-ne-suis-pas-
Âge personnage : 20 ans - 18.01.1997
Hiboux postés. : 22456
Date d'inscription : 13/09/2009
Crédits : JunkieMouse ▬ Gif Tumblr
Double Compte : Jane & Alcyone
Enzo S. Ryans
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Page 1 sur 1
Sauter vers: