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And you swear those days are behind you - OS

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Ven 16 Déc 2022 - 16:55
TW : violences morales

Lorsque ses cuisses touchèrent la surface du canapé, Jordane avait l’impression que l’intégralité de son corps la faisait souffrir. Se laissant retomber, le dos rond, les avants bras sur ses genoux, elle grimaça en silence. Entre ses doigts pendait un chiffon dont les odeurs de produits ménagers emplissaient l’air. Ses doigts lui faisaient mal, comment était-ce seulement possible ? Aucun muscles là dedans, seulement des tendons et des nerfs mais l’ensemble lui semblait tellement à vif qu’elle souffrait de seulement ouvrir et serrer les mains. En silence, ses muscles roulèrent sous le débardeur et son crâne roula sur ses épaules. Margo y avait été fort la veille mais la raison de ces douleurs, Jo la connaissait : elle évacuait tout ce qu’elle s’était envoyé ces dernières semaines. L’impression était généralisée, tant physique que morale. Toute la nuit, elle s’était retournée encore et encore sans réussir à se défaire de ses cauchemars. Une fille en train de se foutre en l’air dans un squat, le sourire mauvais d’un homme dont les doigts s’écrasaient sur sa gorge, les quelques mots susurrés par un autre. “Supplies-moi”. Ça avait hanté toute son adolescence et forcé nombre de ses comportements. Le reste était venu, s’était échappé, avait gonflé et s’était ratatiné dans sa conscience comme les battements anarchiques d’un myocarde. Lex qui terminait son affaire, se dégageait, reculait satisfait. Une violence venue du passé, Sixten et sa brutalité, soudainement mise en parallèle avec les coups reçus de Dorofei. Des dérapages en cascade par moment marqués si profondément dans sa chair qu’elle aurait été persuadée de pouvoir y poser le regard même à présent, des mois ou des années après. Les genoux qui mordent la moquette, les lèvres qui s’ouvrent, la gorge qui se serre. Fermant plus fort les paupières, la jeune femme inspira profondément. Le passé remontait comme de la bile dans son œsophage. « Je pensais plutôt que ça serait avec toi que j’aurais une discussion. » Que se serait-il passé si elle lui avait parlé ce jour-là plutôt que de prendre la fuite comme toujours ? Le regard de Lex, ahuri quand elle entrait dans la salle d’interrogatoire lui revenait en tête. Les heures passées à faire face à celui pour qui elle éprouvait ce qu’elle rageait d’éprouver, celles à comprendre au fil des secondes qu’il s’était foutu d’elle et appartenait au clan ennemi, l’impossibilité d’obtenir les réponses qui lui serraient la poitrine. Et puis la réunion qui avait suivi, les mots échangés, son mutisme. “C’est toi qui le connais”, avait-on fini par insister. “Tu en penses quoi ?”

“Faites ce que vous voulez. Ça me concerne pas.”

Non, rien ne la concernait jamais. “Ça c’est pas mon problème.” Des mots prononcés aussi bien à l’adolescence qu’à l’âge adulte. Tout se confondait parfois dans son esprit, incapable d’estimer ce qui se comptait en habitudes ou en exceptions. 
En relevant le regard, Jordane cueillait le coin de canapé d’où elle s’était enfuie, étrangement rattrapée par un Alec qui n’avait rien à foutre là. C’était quelques mois plus tôt, le coeur en vrac et l’envie de hurler. Un ami, pourtant, pour la prendre dans ses bras, pour refuser qu’elle ne s’esquive, pour la soutenir quand ses jambes, finalement, perdaient leur force. Jamais Jordane n’avait eu les ovaires d’annoncer au Rivers que l’ami pour qui il avait risqué sa vie était aussi sans doute un indic’ qui s’était servi d’eux pour choper des noms de sorciers à refiler aux Inquisiteurs. Qu’importe puisqu’il n’en avait pas eu l’occasion, enfermé dans cette foutue baraque avant qu’ils ne s’engueule et que tout se barre en live. 

Dans une grimace, elle laissa retomber son crâne, souffla profondément, les poings sur le front. Sous ses pieds s’étalait le parquet où ils s’étaient envoyés en l’air et de ces souvenirs, Jordane n’arrivait à extirper autre chose qu’un malaise profond. Le même qui l’avait saisie dans cette chambre sordide, gamine, quand un type lui avait susurré ces deux foutus mots. Supplies moi. Ni chocs ni liens. Seulement ce sourire ignoble et ce corps trop grand pour elle. Cette impression d’être écrasée, d’être une jolie chose qu’on pourrait casser. “Si belle”, qu’il répétait. Et jamais elle n’avait autant haït sa gueule et la pureté de ses traits. La manière vorace avec laquelle il s’était emparé d’elle restait gravée dans ses cellules. Incapable de bouger ni d’y prendre du plaisir, ce type dont elle ne se souvenait plus que du visage avait été le premier qui lui avait fait ressentir ça. De n’être qu’un morceau de chair, qu’une belle chose dont on s’empare, qu’on marchande, qu’on fantasme. La première fois où elle n’avait pas su reprendre le contrôle. La première fois où elle était restée hébétée, les lèvres ouvertes une fois que l’autre eu prit son plaisir, qu’il se soit dégagé et l’ait laissée comme ça. Gosse parmi les draps sales, le palpitant comme un fou entre ses côtes. Lex avait laissé en elle la même impression. Une chose avec laquelle on joue et qu’on jette. Trop conne pour ne pas voir la souillure dans ce que ces salopards percevaient comme de la pureté. Ce jour là, l'impression immonde d'avoir aimé ça l'avait bâillonnée, fouettée sur place. Humiliation et violence martelées dans sa chair d'une oppression sordide. Être remise à sa place de moins que rien. L'image de la nuit avec Lex revenait, sa propre domination initiale, le besoin de garder le contrôle, de l'écraser, lui... puis la manière dont, petite chose fragile, elle s'était mise à nu pour se laisser ... souiller de son indifférence. 

Dans une grimace, elle se redressa vivement, inspira. Un martellement sourd dans les veines. La maison était vide, comme toujours. Pas un bruit pas un son. Pourtant elle notait chacun des changements. Un jour des verres dans le lave vaisselle, un autre des plantations de cannabis dans le patio. Les lieux vivaient presque à rebours, sans vraiment l’avouer. Petites souris qu’ils étaient à passer ici, investir l’espace avant de s’esquiver. Ses muscles se crispèrent, ses articulations grincèrent. Dans ses tempes, les lattes du passé pulsaient. Pourtant derrière ses rétines, d’autres formes se dessinèrent. Les corps emmêlés, les larmes qui montent et s’écroulent, l’allègement soudain et les sourires chancelants. Quand les marques du passé semblaient aussi vives qu’un sale bleu, ces souvenirs s’inscrivaient comme de la brume. Vaporeux dans sa conscience, fluides dans sa mémoire. Pas de coups de poings pour les lui ancrer dans la gueule, seul le manque immonde et dévorant de ne toujours pas avoir passé le cap de la retrouver. 

Si belle…

Elle dégluti. 

Supplie-moi.

Jordane reprit son ménage dans le silence du safe place d’Alec. Bientôt, l’air lui sembla souffler de la présence d’un autre et elle fini de tout ranger après un shot emprunté à son ami. Les ombres des douleurs passées s’inscrivaient en mosaïque derrière ses mâchoires serrées. L’ondulation de Kezabel sous sa peau, pourtant, ne la quitta pas. Pas plus que les mots prononcés par Enzo, et le chemin qu'ils traçaient en silence dans sa conscience.
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Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
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