AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Aller à la page : Précédent  1, 2
Dim 3 Mar - 8:51
Il y a encore l’odeur de Caitlyn dans la boutique. La saveur de ses lèvres sur les siennes. Même l’onde d’une guitare qu’on a pincé dans l’heure. Il y a, en vérité, dans la boutique, une douce ambiance. Deux clientes qui flânent au rythme de leurs emplettes, le calme de la journée. L’impression que, pour une fois, tout s’aligne. Peut être lui faut-il par moment du temps pour accepter tout à la fois que son quotidien se pose et qu’il change. Angoissé de la monotonie, de la liberté, mais aussi de la nouveauté et du changement. A jamais tout à fait savoir ni ce qu’il veut, ni ses besoins.
Mais pour l’heure, il reste sous ses doigts la chaleur du corps d’une femme qu’il aime, et le contact métallique des cordes qui durcissent les cales de ses doigts depuis des mois. Le vide de ses veines se tait. La pluie de la veille et la brume du jour n’y font rien, il y a de l’apaisement dans sa cage thoracique.
Pourtant, là dehors, d’autres choses se profilent. La tension monte. Le danger presse. Takuma garde sous silence la pièce secrète dans laquelle s’accumulent, cachées dans une malle ensorcelée, derrière d’autres bordel, un stock de potion tue-loup parfaitement interdites. Il tait aussi les noms des lycans qui se sont pointés, majoritairement par l’intermédiaire de Benjamin. Il tait l’inquiétude quant aux meurtres qui s’enchaînent à l’extérieur ou à la livraison pour laquelle Caitlyn a quitté la boutique. Deux nouveaux contacts et le ravitaillement pour Emma, la fille de l’herboriste un peu perchée qu’il a lui-même rencontré quelques mois plus tôt. Un bordel pas possible de hasards sur lesquels Takuma a décidé de ne pas trop se pencher. Encore moins sur l’implication de Caitlyn sans qu’il n’en suive ni toutes les initiatives, ni toutes les retombées.
Le lâcher prise fait parti du process. Accepter de ne pas avoir la maîtrise, de voir les lois tomber les unes après les autres. Les prises de parole du gouvernement, la propagande, les réflexions des clients, les messes basses. Apprendre à tout laisser couler. A repérer les regards, les questions détournées. Savoir qu’un jour, il y aura quelqu’un qui ne sera pas de leur camp, à passer les portes de la boutique. Qu’un jour, il faudra trouver la parade.

L’entrée d’un client dangereux, Takuma s’y attend. L’entrée de celui-là beaucoup moins.
Logan n’est pas Logan. Pas tout à fait. Il a les traits changés, une aura étrange, les pommettes trop hautes et les lèvres trop fines. Mais ses yeux… Les deux prunelles de glace prennent Takuma sous les côtes et coupent son souffle à l’instant où il les croise. Pourquoi le connaît-il si bien ? Il y a des choses par rapport à cet homme qui ne collent pas avec ce dont il se souvient. La sensation glaciale de son entrée dans son âme ne fait pas sens avec le moindre souvenir. Il était accroché à une fenêtre. Pourquoi ? Un rapport avec Aileen. Lequel ? Rien ne matche, mais la sensation est bien là. Brutale, elle l’attrape sous les côtes et lui rappelle vaguement que cet homme était impliqué, à l’été de la libération, dans son emménagement dans Londres. Dans son retour dans les ruelles les plus sombres de ce monde. Dans l’envie, brutale, de retrouver la sensation d’une seringue au creux de son bras. Dans le départ de Dakota.

Absurde. Mais l’impression d’avaler une pierre est bien là.

Inutile, cependant. Logan est en vie, il est devant lui. Et s’il y a bien quelqu’un dont la présence implique une réaction immédiate, c’est la sienne.
Il n’y a plus notion de douceur dans la petite échoppe, lorsque Takuma rejoint les clientes pour les enjoindre à sortir avec la première excuse qui passe. Plus aucun résidu de chaleur corporelle, de parfum ou de corde de guitare. Juste la torsion sourde dans son bas ventre et l’adrénaline qui bat la hâte à ses tempes. Ça pulse fort sous ses côtes lorsqu’il referme la porte de la boutique et que la petite cloche sonne la fin de la tranquillité. Ça pulse fort quand les vitres se teintent et reflètent à l’extérieur l’effet de plusieurs sortilèges. Ça pulse, quand il pivote.
Ça explose, quand il fait face aux deux nouveaux clients.

Sanae. L’impression que le sol s’ouvre sous ses pieds.

Le visage de la sorcière se crispe et si Takuma tente de se contrôler, il cesse avec un temps de retard le tapotement de ses doigts sur sa cuisse. Il songe alors ensuite à la tension dans ses mâchoires, ses sourcils et la hauteur de ses épaules. Inutile de s’en cacher, Logan s’est déjà retourné vers Sanae pour échanger un regard qu’il ne croise pas. Sanae le fixe, lui. En un instant, le creux de ses veines revient, comme le rappel d’une vie passée. Alors il inspire, sans réussir à jamais vraiment quitter les yeux de la sorcière.

Définitivement, tous deux défient les statistiques.

« Takuma... »  Lorsque Logan ramène ses orbes de glace sur lui, il éprouve l’impression d’avaler tout rond trois glaçons d’affilée. Pas que le ton de Sanae lui semble moins froid cela dit. « Il n’y a personne en arrière boutique, n’est-ce pas ? »
- On est seuls.
« Je me permets. »
Takuma ne réagit pas, il inspire, paumes à plat sur son jean, et délaisse la porte d’entrée pour les inciter à avancer dans la boutique comme s’il les invitait plus officiellement. Insonoriser ? Les lieux le sont déjà, tout comme l’ensemble est sécurisé depuis bien longtemps. « Bon, de toute évidence, on peut passer les présentations. » Il acquiesce, simplement, et Logan délaisse ce regard que Sanae refuse de lui rendre pour en revenir à Takuma. Lorsqu’il traverse la boutique, les pans de son manteau de sorcier claquent. Un écho par avance au petit carnet qu’il laisse tomber sur le comptoir.

- Il y a une sécurité là-dessus. Confirmes-moi s’il s’agit d’un tissage de sortilèges.
- Euh.. Figé un instant, les sourcils froncés et le visage en arrière, Takuma fini par rejoindre le comptoir et sauter sur l’un des tabourets en sortant sa baguette pour examiner l’objet. Une seconde, il relève le regard vers Sanae, immédiatement rappelé à l’ordre par Logan qui claque des doigts. La seconde suivante, il se met au travail. J’ai du temps ? Du coin de l’œil, il voit l’ancien directeur jeter un coup d’oeil vers la rue.
- Dix minutes max.

Le japonais redresse le regard pour les fixer tour à tour.

- Je peux savoir pourquoi ?

Pas de réponse. Ni d’un côté, ni de l’autre. Seuls des regards durs qui traduisent d’une tension que le jeune homme sent sans en connaître la raison.
Mis à part avoir dans sa boutique, en plein chemin de traverse, le mec le plus recherché du coin… et une nana qu’il n’aurait jamais associé à lui. Sait-il ? Lorsqu’elle pose le regard sur lui, il lui semble qu’elle devine sa pensée et le garçon ramène son attention sur le carnet.

- Ok, j’me tais et je bosse, j’ai pigé. Comme l’impression d’être de nouveau en classe avec Logan.

Toute concentration, Takuma se prend rapidement au jeu de comprendre les mécaniques du petit carnet. Il lui vient la pensée que cette petite chose de papier aurait pu être, en d’autres circonstances, une de ces obsessions qui le tiennent éveillé des nuits de suite sans compter ses heures. Il décèle les sortilèges, en comprend certaines couches, bloque plusieurs fois, rapidement rattrapé par la voix de l’enseignant qui lui apporte les réponses sans même qu’il ne pose les questions. Et puis viennent les sorts évoqués. Intriqués. Incompréhensibles. Ils forment un sceau. Plusieurs niveaux de tissage. Du jamais vu.

- Je confirme. Il y a un tissage multiple et étagé… c’est un niveau d’élaboration que j’ai jamais vu. Il repose le carnet. Je suis loin d’être un expert… Ajoute-t-il avant de confirmer qu’il s’agit d’un ouvrage typique de chez lui. Qu’à sa connaissance, il n’y a pas d’autres arts magiques qui tissent ainsi les sortilèges.

Le regard un instant froncé face au papier et à la reliure de cuir, Takuma laisse son attention divaguer jusqu’au bois poncé par les années qui trace sillons et marques d’usures. Il se concentre un instant, conscient de n’être sûr de rien… à part de ne vouloir brusquer ou courroucer l’un de ces deux-là. Alors lorsque Sanae prend une inspiration, le japonais relève les yeux vers elle. Une forme de soumission scolaire qui l’agace un peu, profondément opposée à tout ce qu’il a toujours été. Mais l’un et l’autre l’inquiètent assez et la situation actuelle est assez tendue pour qu’il en rajoute. Donc le rôle est tout trouvé.

- "Et tu en connaîtrais un d'expert, même au Japon, qui pourrait nous aider?"

Elle ne l’a jamais lâché, lui ; il en prend conscience à ce moment-là. Et une seconde, l’échange est mutique entre les deux concitoyens. Puis il cesse de la voir elle et le focus de son regard passe au travers.

- Peut être ouais. Sakurano Kado. Aux dernières nouvelles il avait déménagé dans la préfecture d’Iwate. Du côté du Mont Hayachine. Un type bizarre. Quoi que vu les deux zozios qui lui font face… ils feront la paire. Ou le triplet. Mais J’peux me planter, c’est pas mieux qu’une piste. J’en ai entendu parler c’est tout. Le silence le rattrape quand quelques prunelles acérées rattrapent ses yeux. Les iris d’acier d’abord, puis d’encre. Et ces derniers lui semblent prendre l’espace un instant. Ça ne dure pas plus de quelques secondes avant que Takuma ne passe une paume sur son pantalon et racle sa gorge avant de détourner les yeux.

Lorsqu’une main se pose sur le carnet pour le récupérer, Takuma redresse le regard… et le pose sur l’extrémité d’une baguette. L’explication évidente.

- Combien de fois tu m’as effacé la mémoire ?

Logan trace un sourire.

Et le vide se fait.
Revenir en haut Aller en bas
Takuma Ishida Hayato
Génie de supérette
Takuma Ishida Hayato
Takuma Ishida Hayato
https://impero.superforum.fr/t6881-takuma-ishida-hayato
Âge personnage : 22 ans
Hiboux postés. : 5302
Date d'inscription : 27/02/2010
Crédits : A[-]P - Disney Fantasy
Double Compte : Marek, Maxence, Sovahnn, Alec, Jordane et Callum
Takuma Ishida Hayato
Mar 12 Mar - 13:14

Quelques jours après…


Chez les Hastings – Soir.


Il était tard quand Shannon me laissa entrer. Dans la rue du quartier tranquille, les lampadaires créaient des ronds de lumière orangée sur les trottoirs et se reflétaient sur les façades des maisons. En entrant, j’abaissai la capuche de mon sweat noir et retrouvai les contours familiers du salon des Hastings. Adam était devant la télé, une couverture sur ses genoux, couvrant les grandes roues de son fauteuil. Je ne discutai pas longtemps avec lui, et en me voyant, je décelai dans son regard une petite déception de ne pas voir sa sœur débarquer derrière moi. Je ne pouvais pas lui en vouloir, d’ordinaire je ne venais jamais sans elle. Mais Adam étant vif, il cacha le manque qu’il éprouvait derrière quelques plaisanteries et je m’efforçai de sourire avant de lui demander où était son père. « Il arrose ses précieuses plantations. Une vraie grand-mère. » me lança-t-il alors que je m’éloignais déjà vers la baie vitrée.

Je fis coulisser la vitre et James se retourna à demi, un sourire aux lèvres. D’une main, il tenait le tuyau d’arrosage qu’il orientait vers ses bancs de fleurs.
« Je me disais bien que j’avais entendu ta voix ! Qu’est-ce que tu fais ici à cette heure ?
– Je viens demander des conseils pour faire pousser des tulipes, raillai-je.
– Depuis quand tu as la main verte ?
– Depuis jamais, c’est bien ça le problème. »
Nous sourîmes tous les deux en regardant son joli jardin. Pour rester en surface, nous étions des pros. J’enfonçai mes mains dans mes poches et lui, il attendait que je me lance. Pourtant, rien ne vint ; je me perdis dans le silence.
« C’est au sujet de Kezabel ? finit-il par demander, inquiet.
– Non, non… Je l’ai eue au téléphone hier soir, elle va très bien. Paris lui plaît beaucoup.
– Ah ça, oui ! lâcha-t-il avec soulagement. Elle nous manque mais on est tous contents pour elle. »
J’acquiesçai et me pinçai les lèvres. Le silence reprit sa place et j’inspirai en me faisant violence pour poursuivre.
« Dis, j’essaie de retrouver quelqu’un au Japon que mon père aurait fréquenté, tu ne te souviendrais pas d’un ami qu’il aurait eu et qui aurait vécu près de notre maison à Kyoto ? »
James me jeta un regard en biais, surpris de m’entendre poser des questions sur mon père, mais se mit immédiatement à réfléchir.
« Hm, ça me dit rien…Ton père était trop méfiant pour avoir des amis.
– Il t’avait toi pourtant.
– Oui, mais c’est à cause de nos femmes ! fit-il en riant. S’il n’y avait pas eu Mei et Mélinda, on ne se serait sûrement jamais rencontré. Et puis, Masahiro ne parlait jamais de ses fréquentations là-bas. Du pays, oui...oh, tout le temps il en parlait, mais des gens...ça, non. Tu sais bien comment il était…
– Oui, je sais... »
Un voile de déception vint se poser sur mon esprit, embrumant mon humeur. James fit une moue désolée et posa une main sur mon épaule.
« Je suis désolé de ne pas pouvoir t’aider, Sana.
– C’est pas grave…
– Pourquoi tu veux retrouver cette personne ?
– Oh, par curiosité...j’espérais qu’elle puisse me raconter deux trois choses sur le passé de mon père. »
Avec le temps, j’avais eu l’occasion de devenir Maîtresse dans l’art de mentir à moitié. James poussa un soupir avant d’éteindre le tuyau d’arrosage et de l’enrouler sur lui-même.
« C’était compliqué et douloureux pour lui d’en parler, même à moi...Tu en sais sûrement plus, avec ton...ton don, j’imagine.
– Oui, sûrement...dis-je sans grande conviction. D’ailleurs, tu ne saurais pas pourquoi il a vendu cette maison là-bas ?
– Aucune idée, dit-il en secouant la tête. C’est fou quand même...autant d’années d’amitié, et si peu de réponses à donner, hein ? Je regrette, Sana, je pensais le connaître davantage... »
L’émotion crispait les traits de son visage, bien qu’il tentât de garder contenance. Je sentais jusque dans ma poitrine l’abattement qu’il éprouvait en se rendant compte que l’homme qu’il considérait comme son ami le plus proche demeurait un mystère.
« Tu le connais bien assez, le rassurai-je. J’ai juste des questions à la con. »
Il rit, surpris par ma grossièreté quand depuis petite, il avait été habitué à la petite fille sage de son meilleur ami. Il secoua la tête une bonne fois pour toutes, chassant l’humidité dans ses yeux et se racla la gorge en jetant un œil à la baie vitrée.
« Allez, rentrons. Tu veux du thé ? »
J’acceptai, décidée à lui accorder au moins un peu de mon temps, me sentant suffisamment coupable d’avoir éveillé en lui des sujets plus sensibles, mais je ne restai pas longtemps.

Sur le chemin retour, filant sur la route au volant de la moto que je n’avais pas sortie depuis des mois du garage de mon immeuble, je repensai à James et à son regard plein de regret. Je n’étais pas la seule à m’être rendu compte des zones d’ombre qui accompagnaient mon père ; pas la seule à être touchée par les choses qu’il avait cachées. Est-ce qu’on dirait ça de moi après ma mort ? Est-ce que mes proches se rendraient compte des mensonges et des non-dits ? Seraient-ils tout aussi en colère que je l’étais ? C’était un étrange sentiment de trahison que de réaliser qu’on connaissait moins bien une personne qu’on l’aurait cru, que la proximité qu’on avait pensé partager n’était en réalité pas si intime. Cette idée m’effrayait, et peut-être était-ce pour cette raison que j’écrivais autant à Kezabel au sujet de mes souvenirs d’enfance. Peut-être, qu’à part Logan, j’avais besoin que quelqu’un sache qui j’étais vraiment, où j’étais allée, par quoi j’étais passée. Je voulais éviter, surtout, que ce regard empli de regret soit un jour celui de ma sœur. Mais comme j’étais incapable de parler de ce que je vivais au moment où je le vivais, je continuais à me concentrer sur le passé sans jamais parler du présent. Il valait mieux que Kezabel ne sache rien de mes projets de vengeance. Je lui raconterai, plus tard, bien plus tard, quand tout serait fini.

Je rentrai à Londres et passai par mon ancien appartement. Je tentai d’y retourner à chaque occasion, pour que le concierge ou les voisins de palier ne trouvent pas ça suspect . D’ailleurs, ce fut au moment de plonger ma clé dans la serrure que la petite tête ridée de Madame Gattelman était sortie de l’entrebâillement de sa porte pour venir me bassiner avec ses questions. « Vous n’êtes pas beaucoup là en ce moment ! » m’avait-elle accusée. J’avais prétexté vivre à moitié chez ma petite-amie, ce qui somme toute, était bien banal comme raison de ne pas dormir tout le temps chez soi, et après avoir esquivé ses questions sur le sujet, je m’étais glissée dans l’appartement. Une couche de poussière s’était installée sur les surfaces des meubles, le comptoir de la cuisine, et le rebord des fenêtres closes. Bien qu’il restât bien des affaires pour donner l’impression que quelqu’un y vivait, l’ordre impeccable qui régnait ici jetait le doute. Peu importait, on pouvait bien me penser maniaque… D’un coup de baguette, la poussière disparut et les surfaces redevinrent immaculées. Un peu de cohérence.

Hier, j’avais passé quelques appels pour tenter d’en apprendre plus sur la maison de Kyoto. De son vivant, mon père avait une ribambelle de comptables, banquiers, notaires, et autres contacts qui l’aidaient à gérer sa fortune, ses investissements et son patrimoine. Certains étaient moldus, d’autres non, mais ils étaient tous de confiance ; de ça, mon père s’en était assuré. C’était d’ailleurs grâce à eux que j’avais pu survivre aux tâches administratives qui vinrent au moment de son décès ; ils m’avaient guidé dans ce bordel sans nom, et m’accompagnaient toujours pour gérer mon héritage. Maître Bressard, le notaire français, m’avait confirmé que la vente de cette maison s’était faite lorsque j’avais à peu près 12 ans, et il me donna le contact du notaire japonais qui avait suivi l’affaire. Il m’avait cependant précisé que Maître Kuroda ne délivrerait aucune information si ce n’était face à face, avec la preuve solide de mon identité. J’avais donc renoncé à l’appeler, sûre déjà qu’il voudrait me voir en personne. Or, je ne pouvais aller tout de suite au Japon.

Je transplanai au cottage.

La chaleur réconfortante du salon m’enveloppa immédiatement. Dans le coin, la télévision était restée allumée et un verre vide reposait sur la table basse. Logan avait déjà dû manger et s’être retranché dans son bureau pour la soirée. J’avais repris le travail depuis notre retour de l’Inde, seule activité qui arrachait mon esprit à cette histoire de carnet, mais sans aucune envie. J’aurais préféré continuer les recherches, m’y consacrer complètement. Tout le reste me paraissait fade, ou comme un obstacle à la progression de ma vengeance. Peu à peu, sans vraiment m’en rendre compte, je sombrais dans un appétit insupportable et me retrouvais consumée par ce foutu carnet. A chaque fin de journée, les messages non lus provenant de Margo s’accumulaient et j’avais définitivement l’impression de perdre le contact avec elle. J’étais si absorbée par mon idée première que j’occultais le reste. Mais le reste, c’était quelqu’un… plusieurs personnes même. Depuis quand n’avais-je pas pris le temps de discuter avec Maxence ? D’aller voir Dorofei ou Neolina ? Ces visages, je les croisai à la Garde et à l’hôpital clandestin, mais je ne m’arrêtais jamais dessus plus de quelques minutes ; pas le temps de me connecter à eux, de vraiment les regarder ou de m’intéresser à leurs vies… et la culpabilité ne faisait que grandir.

J’avalai rapidement un sandwich dans la cuisine avant de monter. Je frappai deux coups avant d’entrer, sans vraiment attendre de réponse. Dans son fauteuil, Logan lisait un vieux bouquin poussiéreux sur les tisse-sort et sur le bureau, une grande carte du Japon avait été déroulée, avec le Mont Hayachine entouré de rouge. Sur le bord, le carnet reposait comme un Saint Graal mystérieux. Je vins m’appuyer contre le bureau. Je ne savais plus quand nous avions cessé de nous saluer, même lorsque nous ne nous étions pas vus de toute la journée ; peut-être avais-je la sensation qu’il ne me quittait jamais et qu’il était inutile de lui dire bonjour.

« Je suis allée voir le père de Kezabel en sortant du travail, lâchai-je. Il m’a rien appris, il se souvenait pas de quoi que ce soit à propos d’un ami au Japon. Mais j’ai le contact du notaire qui s’est chargé de la vente de la maison là-bas, le truc c’est qu’il faudra que j’aille le voir car il ne voudra pas m’aider au téléphone … Et Mr M. m’a contacté, il a retrouvé Higashi : elle est bel et bien morte. » Dans tous les cas, son âge avancé l’aurait sûrement empêchée de nous donner une quelconque piste. Je soupirai. « Autrement dit, pas de bonne nouvelle aujourd’hui. » conclus-je.

J’avais fait appel au comptable sorcier de mon père, celui que je connaissais le mieux pour l’avoir si souvent vu à la maison à chaque fin de mois, et je lui avais demandé si mon père avait déjà eu besoin des services d’un détective. Il avait été étonné de la question mais il avait fouillé dans sa sacoche en cuir remplie de dossiers et avait sorti une carte de visite un peu froissée. « Écrivez-lui, il n’a pas de téléphone. Il vous aidera. » m’avait-il dit. Je lui avais donc écrit pour lui demander ses services, et si ceux-ci comprenaient des voyages à l’étranger. Après avoir lourdement insisté sur une rémunération plus que généreuse, j’avais expliqué vouloir retrouver une personne au Japon. Étonnamment, je ne dus pas attendre plus de quelques heures avant une réponse : sur un morceau de parchemin qui apparut près de moi, Mr M., tel qu’il préférait être appelé, avait écrit qu’il voulait me rencontrer et qu’il serait plus que ravi de voir à nouveau la fille de Mr Kimura. Nous avions fixé un lieu de rendez-vous et j’avais compris alors le sous-entendu en le voyant.

Le jour de l’enterrement de mon père, le monde s’écroulant autour de moi, je n’avais pas vraiment fait attention à l’étrange personnage au fond de l’église. Mais lorsque je m’étais avancée vers lui dans un parc désert, à une heure si matinale que seuls les écureuils et les oiseaux étaient levés, sa silhouette sur le banc faisant face à une petite mare aux canards s’était superposée à celle rigide et silencieuse, assise sur le dernier banc de l’église. S’il n’avait pas eu un physique si marqué, je n’aurais sûrement pas eu cette réminiscence et j’aurais été plus méfiante à son encontre. La longue cicatrice qui traversait son visage en diagonale, de son sourcil gauche à la commissure droite de sa lèvre, en passant par l’arête de son nez, ne faisait aucun doute ; pas plus que les cratères et les irrégularités sur sa peau qui, si je devais me fier à mon expérience, devaient être le résultat irrémédiable d’un sortilège de magie noire lui ayant explosé au visage. Ce jour-là, il portait une veste en jean moldue un peu trop grande pour lui, ses cheveux fins et bruns plaqués grossièrement en arrière dans une vaine tentative de cacher un début de calvitie. Nous n’avions pas parlé longtemps et au fond, j’avais été satisfaite de voir que c’était un homme de peu de mots qui n’aimait pas perdre son temps. Il m’expliqua avoir travaillé plusieurs longues années avec mon père, que ce dernier lui avait même rendu quelques services pour arranger ses affaires, et qu’il était à ma disposition. Je lui avais dit rechercher Madame Higashi, comme elle était autrefois ma gouvernante, et qu’elle ne devrait pas être trop difficile à retrouver.

J’aurais pu lui demander de retrouver l’endroit précis où se trouvait Sakurano Kado, mais je gardais une méfiance respectueuse envers lui et je voulais voir si nous pouvions lui faire confiance avec cette première demande. Du reste, avec les informations données par Takuma, Logan et moi avions déjà un point de départ. Je donnais un premier acompte à Mr M et nous nous quittâmes. Le soir, j’avais montré à Logan toute la conversation.

Et ce matin, avant de partir travailler, j’avais finalement eu la réponse de Mr M.

Mon regard retomba sur le carnet, posé juste à côté de moi. Des fois, il m’arrivait de me réveiller en sursaut la nuit en étant persuadée que ce carnet ne renfermait rien d’utile concernant la mort de mon père, que tout ça était une perte de temps et d’énergie, que ça n’aboutirait à rien. A mesure que nous avancions, cette peur grandissait en moi. Je me tournai vers Logan qui affichait un calme concentré. Nous n’avions pas parlé de Takuma, seulement de ce qu’il nous avait dit et confirmé, mais je savais qu’une tension résidait en lui comme une épine qu’il finirait par arracher et par me jeter à la figure. Ça m’agaçait que ça l’agace. Avec la tonne d’information que je partageais avec lui, il pouvait bien accepter d’être passé sur ce détail. J’étais persuadée que sa rancœur à ce propos n’existait que parce qu’il s’était trouvé devant le fait accompli : dans la petite boutique, il n’avait pas été celui qui en savait le plus et cela bousculait son égo. S’il m’avait grogné dessus après coup, je ne me serais pas inquiétée, mais le fait qu’il gardait ça pour lui me confirmait que l’épine était plus grosse qu’elle n’aurait dû être. Peut-être était-ce en lien avec sa relation avec Takuma, dont j’ignorais tout. Que s’était-il passé entre eux ? De l’attitude qu’avait eue Takuma, j’avais rapidement compris qu’il redoutait Logan – le rapport Directeur – élève avait sûrement laissé des traces – et qu’il le connaissait sûrement assez pour obéir sans se révolter. Mais il était aussi trop intelligent pour son propre bien… Pourquoi Logan avait-il effacé sa mémoire à plusieurs reprises? Que savait-il de lui qu’il aurait voulu faire disparaître ?

Je relevai les yeux vers Logan et abandonnai mes interrogations inutiles. Je n’avais aucune envie de lui poser ces questions-là, pas plus que de revenir sur la tension ambiante qui avait régné dans la boutique ce jour-là. D’autres choses me grignotaient le cerveau.

« J’en ai marre de l’hôpital. »
Il le savait déjà, bien sûr, ça tournait dans mon esprit depuis des mois. « Si je ne travaillais pas, nous serions déjà au Japon. Au lieu de ça, je dois mettre tous les jours cette foutue blouse verte et prétendre vivre une vie parfaitement normale quand la seule chose que j’ai en tête, c’est ce putain de carnet...qui d’ailleurs pourrait tout aussi bien se révéler inutile. » C’était la première fois que je l’exprimais à voix haute.
J’expirai furieusement par les narines, tentant de contenir la frustration qui me dévorait. Depuis combien de temps je ne m’étais pas défoulée en entraînement ? Je n’avais même plus le temps de courir, entre mon implication au sein de la Garde, Sainte Mangouste, et ce carnet. J’étais éparpillée. Non, pire : écartelée. Je secouai la tête.

« Sauf que si je pars de l’hôpital maintenant, ça va attirer l’attention. C’est de pire en pire là-bas, chacun de nos gestes sont scrutés, tous les budgets sont restreints ; on manque de personnel, et toutes les ressources sont minutieusement contrôlées. Mes absences répétées sont déjà un problème, mais si je disparais... » Je soupirai et m’éloignai du bureau, m’approchant de la fenêtre qui donnait sur les bois derrière le cottage. « Je suis coincée. » murmurai-je. Et ce sentiment-là m’était plus insupportable qu’aucun autre, car je l’avais déjà trop connu. Être enfermée en soi-même ou ailleurs revenait au même…

Mon regard s’étrécit. « Hier, pendant une seconde, je me suis dit que si je faisais une erreur...ou si je ratais mon examen final dans quelques mois, on me laisserait partir plus facilement. J’aurais une excuse pour tout arrêter. » dis-je en fixant froidement un point dans l’obscurité de la nature sauvage.

Mon père aurait eu honte. J’en étais certaine.
Ces mots-là franchirent presque mes lèvres en cet instant, mais je ne pouvais me résoudre à les rendre réels. Peut-être que cette honte, c’était la mienne et que même si Logan savait presque tout de moi et qu’il y avait une intimité entre nous qui était sûrement plus complexe et large que nous ne pouvions le comprendre, je ne voulais pas m’y confronter. Pourtant, il n’en aurait pas été surpris. Il m’arrivait de réaliser que je lui confessais bien plus à lui, qu’à moi-même, alors ce n’était pas pour lui que je restais silencieuse.

Je soupirai et me tournai vers lui, dos à la fenêtre.
« Annonce-moi une bonne nouvelle. » le suppliai-je.


Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 862
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Sam 23 Mar - 15:05
Les sons brusques et iodés du ressac résonnent encore dans mon crâne quand le silence du cottage se referme sur moi. Ils appliquent sur le corps comme un roulis semblable à celui d’un bateau. Un écho qui demeure dans chaque fibre pendant de longues heures, comme si la mer à portée suffisait pour rappeler sa présence, même à des miles de là.
Je me souviens que les premiers jours ici en ont été marqués. L’absence de la méditerranée. Le ressac de la France intégré comme un tatouage, comme si le corps lui-même avait pris l’habitude de vivre au rythme de l’étendue salée. Mais ici la mer est loin et semble se cantonner à cet instinct qui imprègne l’organisme.
Pourtant si mon escapade au bord de l’eau peine à s’effacer tout à fait de ma peau alors battue par les vents, c’est l’esprit qui y reste accroché. Il dérive sur les coteaux calcaires et les falaises abruptes. Dévie jusqu’aux failles dans la roches, à l’eau qui pénètre la rocaille, aux espaces lissés par les flots. Tandis que je rejoins la table de la cuisine pour y étaler un plan dérobé aux institutions locales, je suis encore un peu là-bas. Dans les mines qui courent sous la terre. Les galeries et les tunnels. Pourquoi la cuisine et non le bureau ? Plus proche.. Une excuse bien maigre pour me servir un verre de pur feu et parcourir des yeux les plans d’anciennes mines irlandaises. Passer d’un projet à l’autre, une tendance qui n’est pas mienne. Il faut croire que j’hérite de certaines impatiences, à force de déambuler dans d’autres pensées que les miennes. L’origine, d’ailleurs, de cette initiative n’est pas la mienne. Elle appartient à Sanae. Sans même qu’elle n’en ait la moindre conscience. Je repère des lieux pourtant. Irlande. Pays de Galle. Une prospection qui ne servira peut être pas. Qui pourrait achever sa course dans les limbes de l’oubli.
C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais envisagé ne serait-ce que d’effleurer l’évocation du sujet. J’y passe un moment avant de ranger l’ensemble en remplissant un second verre de malt. Puis c’est ce dernier que j’abandonne, vide, en bas, avant de remonter dans le bureau pour déposer l’ensemble des affaires dans un tiroir qu’un cliquetis métallique ne tarde pas à annoncer immanquablement verrouillé. Il en est de même dans les abysses de mes pensées. Le ressac, l’iode et le sec ainsi que la mine, les galeries et les possibilités trouvent leur place dans un conduit sale et froid de mon âme. De là à enterrer vivant un avenir hypothétique, il n’y a qu’un pas.

Et quitte à ne donner corps qu’à la morbidité de l’avenir, c’est celle surgie du passé que je déterre.
En me laissant retomber sur le fauteuil, j’observe un long moment le petit carnet de cuir posé distraitement sur la surface de bois vernie. Un instant, il n’est qu’un objet inanimé, le second, différents fils lumineux scintillent à sa surface, comme faits de givre. Le sort n’a pas été formulé, pas plus que je n’ai esquissé un mouvement. C’en est presque intime, cet affrontement silencieux.

Sakurano Kado… La lettre est partie depuis deux jours déjà. J’ai repéré une maison vide sur les îles Féroé, “emprunté” le hibou d’une femme âgée ayant perdu la tête depuis le début des années 2000 - approximativement - et envoyé l’animal. Vérification faite chaque jour. Pas de réponse.
Je me lève pour étaler la carte du Japon et en bloquer l’un des bords avec l’inviolable carnet.

- Tu ne laissais vraiment personne entrer, Masa… Et l’ironie me fait tracer les reliquats d’un sourire.

Peut être aurait-il fallu nous faire accompagner de Takuma ? Son tutoiement m’a perturbé. S’il ne se souvient que des relations de directeur ou d’enseignant à élève, pourquoi se permet-il de si franches familiarités ? L’égo ? L’envie de se mettre en avant ? Les sorts n’ont pas échoué, je m’en suis assuré. J’aurais pu, bien sûr, en faire plus. Reprendre possession de son esprit. Fouiller dans sa mémoire, trouver mention de ce fameux Sakurano. Si Sanae l’a fait, on n’en a pas parlé. Ni de ça, ni du reste. Et encore moins du flottement évident qui les relie et dont j’ignore tout.
En baissant mon regard vers la préfecture de Kagoshima, je découvre des phalanges blanchies, écrasées contre la surface du bureau pour deux des doigts blessés et froissant le papier de la carte pour les trois restant. L’annulaire parait plus gros, ainsi sectionné. L’extrémité sans ongle du majeur plisse la ville de Kanoya.
Le Japon.
Ils l’ont en commun.

Des savoirs, des odeurs, des lieux et des langages auxquels je n’ai jamais eu accès autrement que dans leurs esprits respectifs. Comment, alors, trouver l’ermite dont il a parlé ? Là encore, sans doute faudrait-il se servir d’Hayato. Mais cette vie me semble étrangère. Plus encore que l’est ce pays dont un fragment persiste à l’orée des murailles de ma conscience, véritable sanctuaire pour une relation qui devient aussi fusionnelle que meurtrière.
Il se passera quoi, Sanae, une fois que tu auras obtenu vengeance ?
Quant à son existence, à lui, dans ta vie ; pourquoi l’avoir cachée ? J’entrevois, bien sûr, les raisons qui ont pu vous lier. Rien de bon.
Là encore, j’aurai pu prendre son esprit, fracasser ces petites pensées papillonnantes qui bourdonnent sans cesse sous les mèches trop colorées dressées sur sa caboche. J’aurais pu brûler en lui la même puissance que j’ai larguer une nuit dans ces petites cellules gliales hyperactives. Trouver. Prendre. J’y renonce pourtant.

J’y renonce au même instant où je me laisse retomber dans le fauteuil pour fixer la carte d’un air que je devine morne. Tout le souci, c’est de ne pas attirer l’attention. Or chercher un type de magie spécifique, sans attirer l’attention, ce n’est pas la chose la plus aisée qui soit. Et mon ignorance concernant ce pays et ses pratiques est titanesque. Impossible de communiquer avec qui que ce soit, de lire les informations ; d’être autonome.
Aucun jour ne passe pourtant sans que je n’explore une piste.
Par dépit, donc, je reprend ma lecture. La transcription d’une transcription d’un bouquin sur les tisse-sorts.

Le tout en tentant d’oublier l’idée qui flotte, quelque part à la périphérie de ma conscience, d’aller consulter la réserve à Poudlard.
Suicidaire.
On oublie.
On ne l’envisage pas même une seconde.

En croisant les chevilles sur un carton d’ouvrages jamais rangés dans les étagères récemment retapées, peintes et vernies derrière moi, je laisse toutes ces considérations derrière moi pour me plonger de nouveau dans la compréhension de cette forme de magie qui m’échappe.
Il existe certaines réunions. Manque de chance, celles-ci ont lieu en Juillet. Ce qui reste une possibilité sur le long terme mais ne constitue en aucun cas une option envisageable actuellement. Pas pour moi, encore moins pour Sanae. Quant à l’apprentissage, il est survolé à Mahoutokoro. Une option ? Au vu de la politique Sang-pure à étendre son influence via les jeunes générations et les écoles associées… envisager une petite visite surprise et express entre directeurs serait sans doute la pire des conneries. La majorité de ces talents s’acquièrent par tradition orale, de sensei en élèves. Ce qui limite de nouveau la facilité d’accéder à ce savoir. Ancestral ou non, être tisse-sort, ça se mérite.

Je ne réagi que d’un grognement lorsque deux coups interrompent le flux de mes lectures. Pas qu’elle ait d’ailleurs attendu la moindre réponse avant d’ouvrir la porte, de jeter un coup d’œil environnant et de rejoindre le bureau pour s’y positionner. Posture tant usée qu’elle fait à elle seule partie du paysage au même titre que le fauteuil, la fenêtre et les étagères. Un instant, je songe que le petit bureau perché tout en haut des tours de Poudlard, avec ses grandes fenêtres aux arabesques de métal, sa lunette astronomique et ses étagères remplies de bibelots en tout genre ayant appartenu, un jour, à Woods. Qu’en a fait Anthony ? A qui tout ça appartient-il à présent ? Mes propres affaires ont-elles été décortiquées avant d’être brûlées en bûcher public ?

Vraiment, retourner à Poudlard serait la pire des idées.
La plus tentante aussi.

« Je suis allée voir le père de Kezabel en sortant du travail, Lorsque Sanae prend la parole, je réalise ne pas avoir levé le regard, tout à la fois pris par mes maigres découvertes et par le flux discontinu de mes pensées. A cette évocation, je lève donc le regard vers ses yeux en amande, plissés par la fatigue. Le retour au quotidien est difficile. Il m’a rien appris, il se souvenait pas de quoi que ce soit à propos d’un ami au Japon. Mais j’ai le contact du notaire qui s’est chargé de la vente de la maison là-bas, le truc c’est qu’il faudra que j’aille le voir car il ne voudra pas m’aider au téléphone … Et Mr M. m’a contacté, il a retrouvé Higashi : elle est bel et bien morte. »  Un échec sur toute la ligne, donc. « Autrement dit, pas de bonne nouvelle aujourd’hui. »
- Encore une piste froide..

Pas notre plus prometteuse cependant..

Un instant, je garde le regard suspendu vers elle tandis qu’elle arrête le sien sur le carnet de son père. Les fils de nacre ont cessé depuis longtemps de scintiller et il semble n’être à présent qu’un petit livre bien banal. Une apparence qui rend presque offensants nos échecs en chaîne. Admettre que la voie la plus prometteuse qu’on puisse avoir tient à l’expertise d’un gamin vantard est plus crispant encore.
En fronçant des sourcils, je plonge de nouveau dans les lignes qui m’absorbent depuis ce que je devine être des heures à présent. J’ai soif, mes muscles tirent, mes articulations blessées dans les cachots de Pouldard me lancent, mon crâne me donne l’impression d’être de la boue et j’entendrai presque Aileen me dire que j’ai besoin que quelqu’un songe à aérer mon bureau puisque je n’en suis pas capable.

« J’en ai marre de l’hôpital. »  De nouveau, mon regard s’arrête. Il bloque sur une gravure, observe sans le voir le tracé d’une ancienne carte de la préfecture d’Iwate. Cette déclaration, au même titre que nos pistes avortées, n’a rien d’une nouveauté. « Si je ne travaillais pas, nous serions déjà au Japon. Au lieu de ça, je dois mettre tous les jours cette foutue blouse verte et prétendre vivre une vie parfaitement normale quand la seule chose que j’ai en tête, c’est ce putain de carnet...qui d’ailleurs pourrait tout aussi bien se révéler inutile. »   C’est un fait. Tous ces efforts pour en apprendre plus et se rapprocher de la mort de Masa pourraient bien d’avérer nous amener dans une nouvelle impasse. Lentement, je remonte le regard au moment où un souffle rageur passe ses narines. La situation s’empire, bien sûr c’était à prévoir. A être sur trop de plans, elle en néglige de trop nombreux et le risque serait de se prendre les pieds dans le tapis. C’est une chose de délaisser ses relations. C’en est une autre de paraître suspecte aux yeux de l’une des plus grandes administration du pays. « Sauf que si je pars de l’hôpital maintenant, ça va attirer l’attention. C’est de pire en pire là-bas, chacun de nos gestes sont scrutés, tous les budgets sont restreints ; on manque de personnel, et toutes les ressources sont minutieusement contrôlées. Mes absences répétées sont déjà un problème, mais si je disparais... »   J’acquiesce en silence, effectivement alerté par cette réflexion. Ce poste à St-Mangouste est, que tu le veuilles ou non, un atout considérable.
Un atout, tout autant qu’une geôle.

« Je suis coincée. » Là encore, j’acquiesce, conscient de la véracité de cette conclusion. Le débordement de ces réflexions ne devrait pas m’étonner, c’est pourtant le cas. Il me semble qu’elle comble les vides. Il me semble, surtout, qu’elle abordait jusque-là de ce type de sujets avec d’autres.
« Hier, pendant une seconde, je me suis dit que si je faisais une erreur...ou si je ratais mon examen final dans quelques mois, on me laisserait partir plus facilement. J’aurais une excuse pour tout arrêter. »

Je tique. D’un léger froissement de lèvres, d’un regard qui s’attarde, d’un plissement des traits. Je nous revois, lorsque nos dons se sont affrontés pour la premières fois. Lors de la première connexion. Je revois l’envie de briser ce beau carcan trop propre et de libérer la femme que j’apercevais en dessous. L’être brut, qui fixe un point derrière moi sans osciller. Sans doute observe-t-elle la forêt noyée de ses ombres. Une nature sauvage, ombrageuse qui lui correspond bien. Changeante, aussi.
Dans ses yeux d’encre, je devine surtout la présence d’un père. Ce qu’il aurait dit. Ce qu’elle tait.

Finalement, elle soupire, rend les armes.
« Annonce-moi une bonne nouvelle. »
- J’ai racheté du café.

Un sourire passe et à l’extérieur, les branches d’un vieil érable cognent au rythme du vent sur les murs du cottage. L’annonce est moins banale qu’elle le semble. Déjà parce qu’on a connu meilleur colocataire, surtout pour ce qui est de ces sujets. Ensuite parce que le café n’est pas d’une origine habituel, de leurs supermarchés aux lampes trop vives et aux lumières trop fortes. Il vient d’Irlande, d’une petite boutique aux fournisseurs du monde, vieux vestige du commerce triangulaire. Des importateurs de produits de qualité, aux graines brutes et moulues sur place. Une boisson qu’elle apprécie ; ‘aussi bête que ça. Une excuse, aussi, pour aller visiter les mines et me pencher sur d’autres projets qui ne tiennent pas entre les pages du petit carnet de cuir.

- Toujours pas de réponses du Japon ; pour ce qui est des mauvaises nouvelles. Et pour les bonnes… Il y a à priori un lieu de rencontre traditionnel mis en place par les tisses-sorts de rangs supérieurs il y a plusieurs siècles. Ils semblent toujours se réunir.. Et ça a lieu, je te le donne en mille : dans la préfecture d’Iwate. La coïncidence me semble assez marquante pour qu’on envisage d’y faire un tour. Autre chose, les tisses-sorts passent manifestement pour les sorts les plus basiques, par l’usage d’un modus, une sorte de modèle, ou de patron comme en couture. Un… “Hōhō” … aussi ridicule que soit ce nom. C’est un objet en métal qui projette des faisceaux lumineux pour permettre aux élèves de se calquer dessus, si j’ai bien compris… Si on repère des boutiques sorcières dans cette zone, peut être sont-elles visitées par notre vénérable Sensei perdu en forêt ?

Je suis à peu près certain de mal avoir prononcé ce mot, comme sans doute les suivants. Mais je crois que nous avons là plusieurs pistes convergeant toutes vers Iwate et, plus précisément, le fameux Mont Hayachine.
Le Japon, donc, se précise jour après jour.

Puis, sans attendre sa réaction, j’achève sur un tout autre sujet : “Pourquoi avoir choisi cette voie ? Médicomage.
Mon regard se plante dans le sien, conscient de tout ce que je connais déjà d’elle.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3280
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Sam 6 Avr - 14:39
Encore une piste froide, oui.
J’avais même l’impression qu’il n’y avait que ça, des pistes froides et des impasses à chaque angle de rue. Nous avancions dans le noir, incapables de voir au-delà d’un mètre devant nous, alors nous tâtonnions avec fébrilité en tentant d’imaginer les possibles routes qui se présenteraient bientôt. Qu’il était dur de continuer sans garantie de réussite… Nos recherches reposaient sur l’espoir, ce qui pour Logan comme pour moi était un concept bien fragile et dangereux, et bien que nous avions eu de nouvelles informations sur le carnet confirmant sa théorie, c’était bien maigre pour avoir confiance en l’avenir. Ainsi, j’étais parasitée par l’idée que le carnet ne serait qu’une perte de temps et qu’il ne révélerait rien de l’assassinat de mon père. Sans doute continuions davantage par entêtement que par une quelconque forme de sagesse, décidés à aller au bout de cette entreprise qui nous coûtait du temps et de l’énergie. Pire, elle nous mettait en danger. J’espérais qu’elle nous apporterait du repos un jour, qu’après avoir mis un terme à ce chapitre de ma vie, elle deviendrait seulement un épisode fou et dangereux qui me reviendrait comme un rêve instable mais qui n’aurait plus de pouvoir sur mon présent.  Juste une aventure où j’aurais dit au revoir à mon père et où Logan et moi aurions trouvé un tant soit peu de paix. J’étais certaine que lui aussi avait besoin de tout ça en ce moment, qu’il ne s’y plongeait pas tout entier par hasard et que c’était pour lui une manière d’exister autrement que dans le silence d’un fauteuil ; une façon, aussi, d’être à mes côtés.

Alors je gardais cette petite prière au fond de moi : qu’un jour, cette vengeance soit une renaissance pour nous deux.

Mais pour l’instant, nous étions les pieds dans la boue et les yeux perdus dans le noir, seulement capables de distinguer l’âme de l’autre. J’avais l’habitude de me sentir coincée et depuis quelque temps, ma propre situation m’étouffait, tout comme parfois Logan ne supportait plus cet enfermement et s’évadait de son immobilité pour laisser libre cours à ses démons. Assise sur le bureau, je laissai mes pensées déborder de mon esprit et lui exposai la nature de mes chaînes. La frustration créée par mon travail et les conditions récentes qui l’entouraient me sciaient les nerfs. Avec nos recherches et nos voyages clandestins, j’avais envie de m’ouvrir à d’autres possibilités que celles comprises entre les murs blancs d’un hôpital. Surtout quand ledit hôpital risquait d’être ma perte… Et comme souvent, mes paroles ne déclenchèrent aucun étonnement chez Logan qui devait déjà avoir senti à quel point tout ça me pesait. Dans son fauteuil, les pieds posés sur un carton rempli de livres non triés, il me suivait des yeux d’un air pensif alors que je me dirigeais vers la fenêtre du bureau, observant par-delà les carreaux poussiéreux les sombres silhouettes verticales des arbres. Je m’y perdis une seconde avant d’abandonner mes idées mornes et de me tourner vers Logan dans un soupir.

« Annonce-moi une bonne nouvelle, le suppliai-je.
–  J’ai racheté du café. »

Je lâchai une brusque expiration amusée et secouai la tête avant de passer une main dans mes cheveux. « Et ils en ont pas parlé dans la gazette d’aujourd’hui? » raillai-je en en croisant les bras sur ma poitrine. Au-delà de cette moquerie, j’étais surprise par cette annonce : Logan n’achetait jamais rien, non pas pour la simple et déjà très bonne raison qu’il serait trop dangereux pour lui d’aller en ces lieux très fréquentés mais parce que les choses banales du quotidien lui échappaient souvent et qu’il n’y pensait pas – si ce n’est la très demandée brioche norvégienne que je n’avais pas vue depuis un moment et qui ferait, peut-être, un jour, son grand retour ; aussi, j’étais la chargée des courses, de l’entretien de la maison, de la cuisine et du linge, ce qui me donnait un étrange rôle de gouvernante de maison. J’étais sûre qu’il pouvait se charger de certaines de ces tâches tout seul mais le fait est qu’il ne savait pas utiliser les machines moldues – et que je le lui avais interdit depuis la mort de trois machines à laver, deux frigos et un lave-vaisselle – et que concernant la cuisine, je ne voulais pas renouveler l’expérience des dernières atrocités qu’il avait fabriquées – j’avouais qu’elles étaient mangeables mais il fallait souligner que l’aspect donnait plutôt envie de manger des cailloux. Je ne me plaignais pas de ce rôle ; j’aimais contrôler ce qui se passait dans le cottage, du choix des aliments jusque du pliage du linge, car depuis toujours j’avais été habituée à le faire et que je trouvais dans ces activités une paix intérieure qui me fuyait partout ailleurs. Notre environnement était bien la seule chose qui n’était pas entre des mains extérieures, et bien que j’y menais un contrôle constant, j’avais appris à y laisser un peu de chaos.

Quoi qu’il en soit, Logan avait acheté du café.
Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Aucune idée. Si, peut-être une sur la raison de cet acte digne des journaux télévisés : sans doute parce qu’il savait que j’aimais ça et que j’étais chaque jour à deux doigts de m’injecter du café en intraveineuse. Il fallait bien ça pour tenir ce rythme de vie. Je ne posais pourtant aucune question, trop pudique à l’idée qu’il puisse confirmer cette théorie.

Je me détournai, un peu gênée, un demi-sourire aux lèvres et longeai les étagères de la bibliothèque que Logan avait repeinte et vernie il y a quelque temps déjà mais qu’il n’avait pas encore investie. C’était tout lui ça : avancer, s’arrêter, reculer parfois, avancer à nouveau, et ainsi de suite… Les cartons de livres attendraient encore un peu d’être vidés, c’était certain.

« Toujours pas de réponses du Japon ; pour ce qui est des mauvaises nouvelles. Et pour les bonnes… Il y a à priori un lieu de rencontre traditionnel mis en place par les tisses-sorts de rangs supérieurs il y a plusieurs siècles. Ils semblent toujours se réunir.. Et ça a lieu, je te le donne en mille : dans la préfecture d’Iwate. La coïncidence me semble assez marquante pour qu’on envisage d’y faire un tour. Autre chose, les tisses-sorts passent manifestement pour les sorts les plus basiques, par l’usage d’un modus, une sorte de modèle, ou de patron comme en couture. Un… “Hōhō” … aussi ridicule que soit ce nom. » Je passai quelques doigts sur les étagères et contournai son fauteuil en souriant. « C’est un objet en métal qui projette des faisceaux lumineux pour permettre aux élèves de se calquer dessus, si j’ai bien compris… Si on repère des boutiques sorcières dans cette zone, peut être sont-elles visitées par notre vénérable Sensei perdu en forêt ? »

J’étais impressionnée des résultats qu’obtenait Logan, même avec les restrictions qui étaient les siennes. Il était clair qu’Iwate se précisait de jour en jour sur notre itinéraire et qu’aucun de nous n’attendrait juillet. Le sorcier que nous recherchions devait se trouver là-bas mais je craignais qu’il faudrait le convaincre pour nous donner une quelconque information.

L’angoisse tordit mon ventre, comme à chaque mention de notre futur voyage au Japon. L’inévitable retour aux sources, sûrement une des étapes les plus difficiles de cette vengeance...Je la voyais arriver au grand galop avec une effroyable impuissance. Une chevauchée tonitruante soulevant la poussière et écrasant tout sous ses sabots. Et dans ce bureau au premier étage d’un cottage perdu dans la campagne anglaise, j’entendais déjà le rythme effréné de ses pas.

« Pourquoi avoir choisi cette voie ? Médicomage. » reprit Logan sans me laisser le temps de réagir.

Je passai sur le côté du fauteuil, ma hanche rencontrant le dossier alors que mon regard se posait, plus bas, sur le visage du sorcier. Ses prunelles d’acier se plantèrent en moi comme elles le faisaient toujours, m’attrapant pour me démasquer. Mes lèvres se plissèrent et le dos de ma main tapa contre l’épaule de Logan.

« D’habitude, c’est moi qui pose ce genre de questions,
soupirai-je avant de m’asseoir prudemment sur l’accoudoir du fauteuil, peu sûre qu’il tiendrait. Je crois que je n’ai pas vraiment eu le choix… Il fallait faire quelque chose de noble, d’utile, au service des autres et qui soit assez stimulant pour me garder la tête hors de l’eau. Il fallait surtout que mon père soit satisfait, fier même. » Je secouai la tête et mon regard retrouva un instant celui de Logan. Je haussai les épaules. « Et pis, je sais pas...peut-être que c’est lui qui aurait voulu être médicomage. Il était si enthousiaste à l’idée que je me dirige dans cette voie que j’ai eu envie de lui faire plaisir. J’ai regretté, à Paris, plusieurs fois même… mais c’était trop tard. » Il aurait suffi d’un peu de courage à l’époque pour m’opposer à ce sentiment de trahison que je ressentais toujours lorsque j’allais contre le désir de mon père pour enfin me libérer de cet hôpital. Et j’aurais aujourd’hui été libre d’avoir la carrière que j’aurais voulu avoir. Qu’aurais-je fait alors ? Vers quelle voie me serai-je dirigée ? Aucune idée ne me vint, preuve que je n’avais jamais pensé à mon existence en dehors de celle de mon père. Et ce plan de vengeance attestait de la continuité de ce schéma… J’observai Logan en silence, peu soucieuse du temps passé dans son regard, comme si les secondes s’étiraient toujours dans notre propre espace-temps, et je me dis soudain que si je m’étais construite en accord avec les désirs de mon père, lui devait certainement l’avoir fait en opposition au sien.

Le bras appuyé contre son épaule, je me fendis d’un sourire :
« Tu voulais être quoi, toi ? À part un emmerdeur. »
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 862
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Ven 12 Avr - 21:29
« Et ils en ont pas parlé dans la gazette d’aujourd’hui? »
- Information confidentielle, ce n’est pas encore remonté dans les hautes sphères..

Quelques mots pour détourner l’attention, d’une banalité à l’autre, sans jamais ne s’arrêter véritablement sur les sous-textes d’aucune d’entre elles. Il suffit de laisser couler le quotidien, de s’attacher à ce qui a véritablement de l’importance, d’introduire de véritables avancées plutôt que de s’arrêter sur les pistes avortées. Je ne saurais dire si le besoin vient de Sanae ou de moi, mais la voie se trace avec une évidente simplicité. Plutôt que de s’attarder sur les maux évoqués, je fais le bilan des avancées qui ont été les miennes durant ces dernières heures. Jours ; s’il faut compter les prises de quelques hameçons jetés ici et là dans la semaine.
Je détourne donc le propos, non parce qu’il m’ennuie mais pour prendre le temps d’y réfléchir tandis que je déroule la liste de ce qui, factuellement, peut être perçu comme de bonnes nouvelles.
De là à dire que c’en est, le pas n’est pas tout à fait franchi. S’il s’agissait d’un toute autre pays et d’une toute autre quête, la possibilité qui s’ouvre à nous au fil de mes recherches aurait une toute autre saveur. Mais il s’agit du Japon. Il s’agit de la traque d’un père perdu et de son assassinat. Dans le même ordre, toute autre vengeance serait pour moi teintée de l’excitation de la bataille, celle que je contiens à présent. Celle qui se contient, en vérité, d’elle-même. L’idée d’entrer sur ce territoire plane. Elle épie chacune de nos avancées, se moque de l’aboutissement de nos recherches.
Elle attend simplement de voir ce qu’il adviendra. Des pas d’une enfant, dans les traces de son père. De l’exilée, l’orpheline, si effrontément engagée dans un combat que lui-même lui refuse pourtant.
Et de l’ombre qui suit l’impatiente. L’homme dont ce n’est ni le combat ni le pays. Qui possède sur ses traits l’offense à sa famille tant qu’à ces aïeux dont il ignore tout.

Chacun de ces pas à venir me hantent déjà.
Ils se moquent.
Jasent.

Ils appellent à ma mémoire le simple et mutique échange de regards entre deux êtres que seule la nationalité aurait dû rapprocher. Comment Sanae et Takuma auraient-ils pu se connaître ? Dans quelles circonstances du sort chacun d’eux pourrait venir à se trouver au même endroit, au même moment et, plus improbable encore, s’adresser la parole ?
Je sais, bien sûr. Je connais les méandres de l’une aussi bien que je connais mes propres abysses. Quand au second : j’en sais assez pour avoir conscience qu’il cache derrière ses aspects de parfait petit crétin un passif qu’Aileen était loin d’avoir deviné. Raccrocher les wagons n’a rien de difficile.
Rien d’agréable non plus.

Mais puisqu’évoquer ces points ne fera que rapprocher l’échéance et que pour dire vrai, les réflexions de la médicomage par rapport à son emploi m’intéressent, je décale le sujet sans attendre de réponse à mes avancées précédentes et l’interroge sur ce qui l’a amenée à s’engager sur cette voie. Je le sais, bien sûr. Mais si nous avons fouillé ces parts de son enfance, l’adolescence et la phase de jeune adulte me sont moins familières. Je m’y suis davantage arrêté sur ce qui a à trait à la légilimencie ou ses nombreux entraînements dans des domaines divers et variés destinés uniquement à canaliser l’enfant qu’elle était. L’enfant, oui, y compris en parlant d’une jeune femme de dix-neuf ans.
Étonnamment, elle me rejoint jusqu’à caler sa hanche non loin de mon épaule sur laquelle elle lâche une frappe amicale. L’époque de mutisme, assise à quelques mètres de moi tout en me dévisageant, véritable porte d’entrée vers son âme, est si loin.

« D’habitude, c’est moi qui pose ce genre de questions… “ Ce fauteuil tient Sanae. Ne doute pas de mes capacités en bricolage hautement admirables. “ Je crois que je n’ai pas vraiment eu le choix… Il fallait faire quelque chose de noble, d’utile, au service des autres et qui soit assez stimulant pour me garder la tête hors de l’eau. Il fallait surtout que mon père soit satisfait, fier même. » Une seconde, mon regard s’égare jusqu’à la table où est étalée la carte, les punaises plantées dans les courbes d’encre et les annotations à la main. Je la délaisse pour le carnet qui nous nargue de sa présence et l’ombre de son père, toujours quelque part pour orienter sa vie. Nul étonnement que de la voir se démener pour aller à l’encontre de sa volonté de la laisser en dehors de sa mort. Il n’est plus là. Et elle fera les choses à sa manière. Quitte à y passer.
Enfin, je remonte le regard jusqu’au sien sans chercher à pénétrer ses souvenirs ou ses émotions. Il m’attendait. Prompt à me trouver.
« Et pis, je sais pas...peut-être que c’est lui qui aurait voulu être médicomage. Il était si enthousiaste à l’idée que je me dirige dans cette voie que j’ai eu envie de lui faire plaisir. J’ai regretté, à Paris, plusieurs fois même… mais c’était trop tard. »
De nouveau, comme chaque fois, une bouffée de colère crispe quelque chose au tréfonds de mes tripes mais ne se manifeste que d’un éclat quelque part entre l’acier et l’encre de nos regards respectifs. Elle a haussé des épaules, comme si tout ça n’était rien. Mais je me souviens de ces souvenirs. Je me souviens de ce qui lui nouait le ventre et de l’isolement. Mais aussi de la recherche de fierté, d’un regard, de quelque chose qui lui donnerait cette légitimité à être son enfant quand au final, l’orphelinat n’a jamais été bien loin.
Étonnamment, j’ai une pensée pour Maxence.
Même carrière.
Même besoin de reconnaissance.

Et comme une moquerie à mes jugements internes, Sanae s’appuie soudainement sur mon épaule, tout sourires, et pointe mes propres contradictions.

« Tu voulais être quoi, toi ? À part un emmerdeur. »

C’est une question simple. Attendue. Légitime même. Voire basique dans une relation telle que la notre. Et pourtant elle me fait battre un instant les paupières quand mon menton part en arrière, sous la surprise de l’interrogation. Comme si elle venait non pas de poser une question pourtant anodine sous couvert d’humour, mais de claquer les doigts à quelques centimètres de mes yeux.
Un instant, les regards se mêlent et sans que les esprits n’entrent en collision. Ils se frôlent, caressent la surface de souvenirs que ni l’un ni l’autre ne voulons partager au risque de s’y plonger tout à fait. J’aurais dû anticiper qu’une telle question, qui ne me ressemble qu’à peine, pourrait engendrer un effet retour. Ça n’a pas été le cas. Bien sûr la réponse la plus adaptée est le silence. Alec ferait de l’humour, décalerait le propos.
Que voulait-il faire, lui ? Et Janie ? Il n’y a que mes frères qui semblent avoir eu des projets bien affirmés. Avocat. Gardien de l’ordre. Auror. Ministre.
Tous envoyés chez les Serpentards. La maison de l’ambition mais si peu d’idées.

Ce n’est pas tout à fait vrai. J’en ai caressé, des projets. Jamais sans grande conviction.

Lorsque les branches du bouleau extérieur se trouvent emportées par l’une des bourrasques typiques des highlands, l’ombre de ses feuilles danse un instant sur la peau de la légilimen.
J’esquisse un sourire. C’est amusant comme nous avons toujours esquivé le regard d’autrui, pour ensuite ne plus éprouver la moindre gêne quand il s’agit de nos regards entremêlés.

- Emmerdeur, ça semble pourtant être un plan de carrière amusant… Quoi qu’assez peu lucratif.

Vu mon statut de parasite.
Toujours là pour poser les questions qui fâchent hein ? Et c’est moi l’emmerdeur.

Un souffle passe mes narines. Pas tant un soupir, plutôt de l’amusement. Mon regard se décale alors et contemple un instant le bruissement des feuilles de bouleau à l’extérieur.

- Mon père me voulait à ses côtés. Dans la face illégale de ses activités. C’était ça le plan. Et moi j’ai très sérieusement envisagé de passer au dessus de lui. Et puis j’ai ouvert les livres de droit et l’un des livres de compte qui dirigent ce pays… et abandonné l’idée. J’aurais d’ailleurs aimé être là quand mon remplaçant à Poudlard a découvert l’état du massacre.

Cette fois, un sourire plus franc passe. D’abord carnassier, puis amusé. L’image d’Ismaelle me revient, lorsque nous épluchions les différents dossiers, la première semaine de mon investiture. Je la revois poser une cuisse puis deux, puis s’asseoir totalement sur le bureau avec son air froissé. J’entends encore sa voix lorsqu’elle a reposé les liasses de parchemins en grimaçant à mon égard sans avoir besoin de commenter l’évidence : aucun de nous n’étions formé à ça… et il allait falloir trouver moyen de faire avec.
Et ça n’allait pas être une mince affaire.
Ça ne l’a effectivement pas été.

- 'Maxence ?
- Maxence. '


Et Maxence n’a pas été plus efficient que nous.

- J’ai suivi Dorofei, pour être auror. Et envisagé quelques fois d’être enseignant. Mais rien d’affirmé. Être directeur des Serpentards en revanche… avait quelque chose de plaisant.

Directeur de Poudlard encore plus.

- ’Pas mieux que toi, donc. L’errance professionnelle, soutenue par le désir d’être le meilleur et d’écraser bien des Hommes au passage. Mais sans jamais véritablement m’arrêter où que ce soit.
Et ainsi finir nulle part.

Je hausse des épaules.

- Tueur à gage, sinon. Le mordant d’un sourire passe et rencontre le sien lorsque je ramène mes pupilles vers les siennes. Puis s’esquive pour revenir à un sérieux de mise.
Je raccroche un instant avec l’observation mutique du carnet maudit. Je crois que ce père n’a jamais cessé d’être présent et de hanter les lieux. Et qu’il mourra une seconde fois le jour où ce sera elle qu’il faudra enterrer. Peut être une troisième, même, quand mon corps aura rejoint les leurs. Et avec lui, les dernières bribes de ce fantôme.

- Lâcher ton emploi est suspect. Et dommage ; vous avez besoin d’yeux dans les grandes institutions. Et louper l’examen sans raison l’est tout autant. Il te faudra préparer le terrain avec intelligence et patience. Un point que tu n’arrives pas à maîtriser, un examen loupé. Des erreurs médicales volontaires peut être…” Je l’observe avec le perçant d’un poinçon dans une pièce de cuir. Être capable de dévier ainsi de ses principes n’est pas si aisé. “Mais là encore : crédibilité, finesse et patience.”

Quoi que tu fasses, fais-le avec justesse.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3280
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Mar 30 Avr - 19:25
« Information confidentielle, ce n’est pas encore remonté dans les hautes sphères... »

Un souffle amusé m’échappa.
L’humour devenait de plus en plus facile au sein de notre complicité, venant souvent au secours de nos maladresses. Comme quoi, certaines choses se dissimulaient mieux sous une pirouette que sous un silence… Nous parlions pourtant plus que jamais. Peut-être qu’entre les moments où nos esprits se mêlaient, langage plus naturel pour nous, ressortait un besoin de communiquer d’une autre façon. Pas uniquement pour l’autre, mais peut-être davantage pour nous-mêmes. C’était ainsi que je le ressentais, exposant plus librement mes pensées auprès de lui qu’auprès de quiconque. J’avais bien Kezabel et Maxence à qui parler mais l’une était une sœur que j’aimais encore protéger, et l’autre était un ami dont la mémoire était toujours plus ou moins amputée. Parler à Logan revenait à me parler à moi-même, au sein de notre bulle où il n’y avait plus grand-chose à cacher désormais, du moins pour moi. Quant à lui, il se dévoilait plus facilement, le mystère qui l’entourait devenant moins épais au fil du temps.

Il restait tant de choses à découvrir à son sujet, tant de questions à poser. D’ordinaire, dans l’intimité de ce bureau, nous parlions du carnet, de théories, de sortilèges et d’organisation, mais ce soir, pour une raison qui m’échappait, l’humeur était différente. La fatigue aidait parfois à abaisser certaines barrières imposées à soi-même et les langues se déliaient. L’odeur de l’hôpital restait accrochée à moi, comme si elle faisait partie de mon épiderme, impossible à enlever, et j’étouffais rien qu’à l’idée de ne pouvoir m’en défaire. C’était un mélange de potions cicatrisantes, de liquide désinfectant, et de mucus de Veracrasse, souvent utilisé pour lier les potions. On pouvait bien avoir l’habitude de cette odeur, mélangée à celle du savon, elle était pourtant toujours rattachée à l’idée de maladie et de mort.

Je me souvenais très bien de mes débuts, à Paris, où cette odeur signifiait que le métier s’ancrait en moi, et j’en avais éprouvé de la fierté. J’appartenais à quelque chose de plus grand que moi et m’y fondais parfaitement, petite fourmis parmi d’autres. Finalement, entre les murs d’un hôpital, je cessais d’exister. Mon identité n’importait plus. Mes pensées n’étaient dirigées que vers les patients dont je m’occupais. Leur existence était importante, et la mienne abolie pendant le temps de ma garde. J’avais longtemps trouvé reposant de ne plus être et de seulement faire, de ne rien éprouver si ce n’est l’adrénaline dans les gestes pressés qui sauvent ou la fatigue dans les rares moments de lenteur. Et quand je sortais de l’hôpital pour retrouver l’air frais et le ciel gris, prête à m’élancer dans les rues parisiennes, le bruit de la ville et le fourmillement des gens me revenaient comme une claque. J’étais à nouveau en vie, et je retrouvais toute la douleur de mon existence.

Aujourd’hui, je ne pouvais supporter de disparaître, même entre les murs d’un hôpital, même dans les couloirs secrets de la Garde. L’honneur d’une cause, d’un bien commun, n’arrivait plus à contenir qui j’étais ; mes plans de vengeance en étaient la preuve. Je m’étais mise à désirer avidement, pleinement, et je n’arrivais plus à concevoir le rien et le vide. Comment expliquer à quel point mettre cette blouse me brûlait la peau ? Comment faire comprendre aux autres le peu d’air qui arrivait à mes poumons lorsque j’étais là-bas ? Écrasée par le projet dépassé de soigner les autres, à défaut de me soigner moi-même, je rêvais de laisser libre cours à mon égoïsme, de satisfaire mes désirs, de m’étendre librement, sans entraves.

Logan était sûrement le symbole de tout ça.
Il était mon plus bel acte d’égoïsme, la réalisation de désirs bafoués, l’étendard de ma liberté.

J’avais beau vouloir d’autres choses, ne pouvoir tout trouver en notre lien, il demeurait pourtant   une bouffée d’oxygène. Alors c’était instinctivement que je me plaçais à ses côtés, assise sur l’accoudoir – plus solide qu’il n’y paraissait – du vieux fauteuil retapé, mon flanc contre son épaule. Au-dehors, le vent ramenait les branchages contre les carreaux, la neige virevoltait dans les airs dans des tourbillons glacés et les arbres n’étaient que des silhouettes penchées. Nous avions migré d’une vue sur la mer à une petite forêt perdue dans la compagne anglaise en plein hiver. Parfois, lorsque nous étions dans la même pièce, j’éprouvais une sensation vertigineuse. Elle me surprenait toujours, arrivant sans prévenir et me traversant comme la foudre. Un éclair de prise de conscience face aux avancées que nous avions faites l’un envers l’autre. Entre les murs de la maison secondaire des Hastings, en France, nos anciennes silhouettes n’existaient qu’en souvenir ; le Logan et la Sanae d’avant y étaient sûrement un peu restés. Je ne m’asseyais plus par terre, face à lui, à attendre d’entendre le son de sa voix, patiente et fidèle au poste. J’étais tout près de lui, nos bras se touchant sans que ce ne soit gênant, et nos regards se trouvaient, s’attendaient, se cherchaient avec un naturel et une fluidité déconcertante.

Je lui racontai pourquoi j’avais choisi ce métier, ou plutôt en quoi je ne l’avais pas choisi. Comme tant d’autres choses, le regard de mon père avait défini bien des décisions dans ma vie. Un rappel que je n’aimais pas et que Logan n’appréciait pas non plus… Je le vis dans le bref éclat de son regard, un météore furtif dans l’acier, et je haussai les épaules pour le faire disparaître pour de bon. Je balançai mon épaule contre la sienne en souriant. Et lui, alors ?

Ma question était simple, cliché même, mais je sentis qu’elle le prenait de court. Y avait-il pensé au moins ? Avait-il eu des envies, des rêves d’enfant pour l’avenir ? Je lui laissai le temps d’y réfléchir, son trouble passant sur son visage. Le menton en arrière, il me regarda sans rien dire, nos esprits se frôlant, juste pour sentir le contact de l’autre sans percer les souvenirs. C’était comme une petite décharge électrique, quelque chose d’enivrant et de familier, une petite pointe de douleur qui faisait passer un frisson délicieux dans le dos. On aurait pu s’y plonger mais je voulais savoir, entendre, comprendre par les mots et non les images. Je voulais que ça existe en dehors de nos esprits.

Contre la fenêtre, les branches vinrent à nouveau tapoter quand le vent se mit à rugir plus fort. J’avais détourné une seconde le regard et quand je le reportai sur Logan, il esquissait un sourire en m’observant. Je levai un sourcil et il se décida enfin à répondre.

« Emmerdeur, ça semble pourtant être un plan de carrière amusant… Quoi qu’assez peu lucratif. »
J’eus un souffle amusé. « Hm-Hm. »

Plus sérieux, il laissa ses yeux voguer jusqu’à la fenêtre et reprit.

« Mon père me voulait à ses côtés. Dans la face illégale de ses activités. C’était ça le plan. Et moi j’ai très sérieusement envisagé de passer au dessus de lui. Et puis j’ai ouvert les livres de droit et l’un des livres de compte qui dirigent ce pays… et abandonné l’idée. J’aurais d’ailleurs aimé être là quand mon remplaçant à Poudlard a découvert l’état du massacre. »

Il eut un large sourire qui trouva son écho sur mes lèvres. Je tentai de l’imaginer derrière son bureau de directeur, le nez dans les dossiers et les papiers administratifs. Si je n’avais aucun mal à le voir tout diriger, donner des ordres et prendre des décisions, il était vrai que ce genre de tâches appelant à une organisation minutieuse et chronophage me semblait difficilement relié à lui. En revanche, je n’arrivai pas à l’imaginer aux côtés de son père, à reprendre les affaires familiales. Quelque chose clochait dans cette vision. Et j’étais bien heureuse qu’il ait choisi une autre voie.

« J’ai suivi Dorofei, pour être auror. Et envisagé quelques fois d’être enseignant. Mais rien d’affirmé. Être directeur des Serpentards en revanche…avait quelque chose de plaisant. »Je levai un sourcil surpris, n’ayant jamais su qu’il avait suivi une formation d’auror. «  ’Pas mieux que toi, donc. » Là où le métier aurait été très bien pour lui, il restait néanmoins la difficulté d’obéir aux ordres. Rien d’étonnant à ce qu’il ait préféré être directeur… Je souris, mordant ma lèvre pour me retenir de tout commentaire. Logan haussa les épaules. « Tueur à gage sinon. » fit-il avec un sourire mordant, et cette fois-ci, je laissai échapper un rire, passant mon coude sur le haut du dossier pour appuyer ma tête contre ma main. « Ça, c’est une carrière parfaite pour toi. » Nous échangeons un regard amusé avant qu’il ne reporte le sien vers le carnet. Sans m’en empêcher, je fis de même.

J’avais l’impression qu’il se moquait de nous, ce petit carnet plein de secrets.

« Lâcher ton emploi est suspect. Et dommage ; vous avez besoin d’yeux dans les grandes institutions. Et louper l’examen sans raison l’est tout autant. Il te faudra préparer le terrain avec intelligence et patience. Un point que tu n’arrives pas à maîtriser, un examen loupé. Des erreurs médicales volontaires peut être… » Je savais qu’il avait raison et ce qu’il énonçait rendait cette vérité encore plus réelle et brute. Allais-je le faire ? Pouvais-je balancer des années d’efforts, des années de formation, de sommeil perdu, de connaissances, et de sacrifices pour être libre ? Pouvais-je abandonner une bataille au profit d’une autre ? Tout ça sonnait comme une défaite, un aveu de faiblesse, une déchirure de l’égo. Pourtant, ce serait le prix à payer pour avoir ce que je désirais le plus tôt possible. Et puis, comment le justifier auprès de la Garde ? Croiraient-ils en mon incompétence ? Penseraient-ils que j’avais échoué exprès ? Le regard de Logan s’ancra profondément en moi. « Mais là encore : crédibilité, finesse et patience. »

J’esquissai un sourire malicieux.

« Finesse et patience ? C’est plus ton truc ça... » ricanai-je.

Et comme si l’univers me punissait d’une telle moquerie, l’accoudoir sur lequel j’étais posé céda enfin sous mon poids, se détachant du fauteuil avant de m’emporter. Étalée sur le vieux parquet, mon cri de surprise se transforma en éclat de rire.  J’entrevis le sourire moqueur de Logan alors qu’il me regardait. « En tout cas, t’avais aucune chance dans le domaine du bricolage, ça c’est sûr.» lançai-je dans un rire. Ce dernier éclata dans le bureau et couvrit le bruit du vent et des bouleaux contre la fenêtre.


A priori, terminé pour moi!
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 862
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Page 2 sur 2Aller à la page : Précédent  1, 2
Sauter vers: