Nouveaux horizons - Jane

Début juin 2017 (me semble-t-il)

Il vérifia une nouvelle fois l’heure et grimaça légèrement. Merde ! Il allait vraiment finir par être à la bourre. Il avait presque eu l’impression d’être dans une espèce de faille temporelle aujourd’hui. Leur intervention avait duré beaucoup plus de temps que prévu si bien que les deux ou trois heures de rab’ qu’il s’était donné pour être certain d’être à l’heure face à Jane se réduisaient à vue d’œil.  S’il n’y avait pas top de circulations pour emmener le blessé à l’hôpital, il avait encore une chance d’être à l’heure peut-être même en avance mais c’était encore loin d’être gagné.

Et il se demandait ce qu’elle avait à lui dire, à lui apprendre. De son côté malheureusement, on ne pouvait pas vraiment dire qu’il y ait eu de grandes nouvelles. C’était même plus du domaine du chou blanc qu’autre chose. Niveau lycan : la ville semblait calme. Il avait tenté, de travailler en avril et mai pendant les pleines lunes justement pour être en première place si quelqu’un se faisait mordre par un lycan/gros chien et pouvoir prévenir Jane, mais s’il y avait eu des morsures, ce n’était pas lui qui avait été appelé. Il avait essayé d’écouter les racontars de ses collègues secouristes mais aussi pompiers, et policiers, même à l’hôpital il avait plus tendu l’oreille, il avait bavardé l’air de rien avec plusieurs infirmières et médecins mais il n’avait rien pu apprendre. En soit, c’était certainement une bonne nouvelle, mais il craignait rater quelque chose et donc être inutile. Concernant les anciens Inquisiteurs, là non plus, il n’avait trop rien trouvé. Il suivait de près deux ou trois groupes sur les réseaux sociaux et darknet qui étaient contres les Sorciers, des pseudos-groupes-extrémistes et il espérait qu’à un moment donné peut-être que quelqu’un des Inquisiteurs – si le groupe existait toujours- réagirait et il aurait enfin des pistes… un jour cela porterait peut-être ses fruits. Le net était si vaste, il était aussi possible qu’il rate des informations, mais il faisait de son mieux sur son rare temps libre.


Le trajet vers l’hôpital s’était déroulé à peu près normalement. Regard de nouveau sur la montre, ça allait être juste, mais c’était encore faisable, heureusement, il avait pris sa moto, il pourrait se déplacer rapidement. Le trajet pour aller au lieu de rendez-vous, il le connaissait par cœur. Dès le retour à la caserne, il s’était changé en vitesse avant de filer en disant qu’il était à la bourre. Il avait conduit rapidement jusqu’au petit bled à côté de Londres. Il trouva sans peine le café, se gara – enleva son casque-, avant de se diriger vers la porte, il n’était au final en retard que de 5 minutes à peine, mais cela l’agaça quand même. Il détestait être à la bourre surtout dans ce genre de circonstances. Il repéra Jane rapidement et lui dédia un sourire navré. « Bonjour, je suis désolé pour le léger retard, une intervention a duré beaucoup plus de temps que prévu.» il s’installa face à elle « Comment vas-tu  depuis la dernière fois ? On commande ? » ajouta—t-il,  en voyant qu’elle n’avait que la carte sur la table. S’ils voulaient rester et parler, ils devaient bien prendre quelque chose. Il hésita quelques instants, par ce qu’il y avait bien une question qui le taraudait « Est-ce que tu as eu des nouvelles de Sasha ?» Il espérait qu’elle aurait de bonnes nouvelles à lui donner même s’il se doutait que l’espoir était mince. Tout comme il lui tardait de savoir ce qu’elle avait à lui dire, il avait toujours un peu la boule au ventre en se demandant ce qui pouvait bien lui tomber dessus.

Vendredi 9 Juin 2017
San Diego, Californie

Par Morgane, comme elle en avait besoin.

De ces basses qui font résonner sa cage thoracique et pulser le sang dans ses veines jusque dans ses tempes.
De ces corps en mouvement partout autour d’elle dont la chaleur réchauffe sa peau glacée depuis trop longtemps.
De ce sourire échangé avec un ou une inconnue, une promesse qui n’en est pas une, rien que des mains posées sur ses hanches.
Des lumières pleines de couleurs qui frappent contre les murs et caressent la foule.
De l’alcool qui roule dans sa gorge comme une coulée de lave sur la roche volcanique.

De vivre.

Cette ville elle n’y a jamais mis les pieds avant que Margo lui donne rendez-vous de cette façon si mystérieuse, comme elle sait si bien le faire. Espiègle, presque une enfant insolente dans le fond du regard malgré les épreuves de ces derniers mois.

Ce soir elles ne parleront pas d’Eugène, pas plus d’Amalia, de Sanae ou de n’importe qui d’autre. Ce soir elles ne sont pas des soldats, des gardiennes, des combattantes. Ce soir elles sont femme, rien de plus ni rien de moins.

Les cheveux dorés de la cadette se balancent au rythme du son tel un champ de blé secoué par les vents, ceux brun foncés de Jane roulent sur ses épaules et glissent parfois entre ses seins où ils caressent son épiderme. Elle n’a pas fait l’impasse sur le décolleté si sur l’effet court de la robe en tissus léger qu’elle porte. Prêt du corps. Féline et puissante c’est la lionne qui s’exprime ce soir, cette nuit, non pas comme si elle était en guerre mais comme si elle reprenait possession de son corps pour en faire une force. Une métaphore de sa vie, peut-être. Elle danse, danse et danse encore, jusqu’au petit jour, enivrée et heureuse pour la première fois depuis des mois.

Pieds nus, ses chaussures à talons dans les mains, elle déambule sur la promenade face à l’Océan Pacifique face auquel le soleil se lève en douceur. Là-bas, à l’Est, derrière les buildings et les palmiers. Ce décor contraste avec celui qu’elle voit chaque matin depuis quelques jours, quelques semaines peut être.
La petite maison d’Athena sur une île minuscule d’Irlande du Nord est devenu son sanctuaire mais il manque cruellement de vie. Ici tout semble loin, presque abstrait, le sourire qui flotte sur les lèvres ne semble pas avoir l’intention de la quitter pour le moment.

Quelques heures seulement pour relâcher la pression sur ses épaules, pour prendre une profonde inspiration et remplir ses poumons à nouveau.

Ω

Lundi 12 Juin
Quelques part en Angleterre

Turnin’ from a whitе sky to a black hole
Turnin’ from the sunlight to a shadow
Linkin Park ► Overflow

Le retour à la réalité est comme un ciel qui se voile et se pare de nuages, tous plus gris et bas les uns que les autres. Le soleil a beau brillé sur la petite île Irlandaise Jane se rend bien compte que l’isolement et la solitude lui pèse.
Ces derniers temps elle a du mal à réfléchir, à savoir quelle direction prendre pour sa propre vie. Gérer la reconstruction de la Garde – Si tant est que ça soit réellement possible – lui prend tout ce qu’elle a, avec cette sensation désagréable dans la gorge : Celle de l’impasse. Un mélange de frustration et d’agacement, un sentiment d’aller nulle part si ce n’est droit dans le mur.

Quand elle a contacté Naveen en fin de semaine c’est dans le but de ne pas s’arrêter à ça, de continuer à poursuivre ce but qu’elle s’est fixé et qui jusqu’ici n’est pas une franche réussite. Plus le temps passe plus les Lycans comme les Vampires deviennent la cible du Gouvernement et si elle n’a pas la certitude que les disparitions soient l’œuvre des Supérieurs le doute n’est que peu permis.
Assise à l’intérieur d’un café dans une petite ville de banlieue Londonienne elle pianote quelques mots sur son téléphone protégé : Un message à destination de Maxence, pour prendre des nouvelles de la situation avec son frère.

Un sourire flotte sur ses lèvres, à travers la vitre le soleil vient réchauffer sa peau et caresser ses longs cheveux noirs. Kendrick vient de lui envoyer une vidéo d’Amalia, elle rit aux éclats sur les bords d’une rivière, accompagnée d’autres enfants qu’elle ne connait pas. Dans sa poitrine son cœur se serre, sa gorge tout autant, la culpabilité de ne pas être là, de rater tous ces instants, est une brûlure quasi constante. La chair de sa chair grandit sans elle, loin, cette douleur ne se tait jamais.
Cette vidéo elle la regarde en boucle en retenant ses larmes jusqu’à entendre le bruit fort d’un moteur à l’extérieur. Lorsqu’elle relève la tête son regard tombe sur la silhouette de Naveen qui pousse la béquille de sa moto d’un mouvement du pied. Le soleil pose des reflets dans ses cheveux foncés quand il enlève son casque, Jane se surprend à lui trouver fière allure dans ce contexte et ce décor.
Voyant qu’il se dirige vers l’entrée elle remet son téléphone en veille et le range dans la poche de sa veste légère posée sur la banquette de faux cuir sur laquelle elle est assise. Les autres clients ne font pas attention à elle, pas plus à Naveen qui vient la rejoindre en affichant un air désolé comme s’il arrivait en retard à un entretien d’embauche « Bonjour, je suis désolé pour le léger retard, une intervention a duré beaucoup plus de temps que prévu. » Des excuses non nécessaires qu’elle balaie d’un geste de la main accompagné d’un sourire alors qu’il prend place face à elle « Comment vas-tu depuis la dernière fois ? On commande ? » Encore une fois c’est en silence qu’elle acquiesce et réajuste sa position pour être plus à l’aise « Est-ce que tu as eu des nouvelles de Sasha ? » Le coup part sans prévenir, l’atteint en plein cœur avec violence. Ce gamin qu’ils ont tenté de sauver elle ne l’a pas oublié, pas plus qu’elle a chassé de sa mémoire tous les autres.
Son port de tête reste droit, les émotions stockées dans un coin sans apparaitre tout faisant comprendre au jeune homme que la réponse est négative « Et malheureusement il n’est pas le seul à avoir disparu. » Des rumeurs qui n’en sont pas, d’autres personnes qui du jour au lendemain ne donnent plus aucun signe de vie. D’un geste discret Jane vient laisser ses doigts glisser sur sa baguette à l’intérieur de sa manche, elle entoure leur espace d’un sortilège destiné à éloigner les oreilles indiscrètes. Deux précautions valent mieux qu’une « Je n’ai plus aucune nouvelle de mon contact au Ministère, plus aucun moyen de savoir ce qui se trame dans leurs geôles. » Parmi toutes les questions qu’ils se posent ils ont au moins la certitude que par deux fois des sorciers ont tenté ou ont réussi à enlever des Lycans. La piste des Non-Magiciens n’est pas écartées pour autant, avec le temps ils ont compris que le danger vient de plusieurs côtés « Nos ressources sont plus limitées qu’elles l’ont été. » Parce qu’elle peut compter sur des alliés ne faisant pas partie de la Garde elle n’en est pas dénuée entièrement mais le chaos qui règne encore autour de la Cause rend les choses plus compliquées c’est un fait « Rien de nouveau de ton côté ? » La réponse elle la connait, mais sait-on jamais.

Est-ce cette entrevue allait changer quelque chose à sa vie ? Il ne pouvait pas s’empêcher de se poser la question. Suivant ce que Jane lui apprenait, ou ce qu’il devrait faire, il avait bien conscience sur son « train-train quotidien » si on pouvait dire cela comme ça, pouvait être en parti modifié. Il y avait de la hâte, du stress dans la palette d’émotions qu’il pouvait ressentir à cet instant. On ne savait jamais à quoi s’attendre, un peu comme avec son boulot et quelque part ça lui allait parfaitement. Il l’avait donc salué avant de sortir les banalités d’usage – mais qui l’intéressaient réellement- ainsi qu’une question. Un retour à la réalité cruelle de leur dernière rencontre qui ne s’était pas fini du tout comme ils l’auraient souhaité. Pourtant, il avait eu un espoir de pouvoir sauver ce gamin… Il avait sûrement été stupide de croire qu’il pouvait vraiment être utile. Il comprit qu’elle aussi n’avait pas de nouvelles rien qu’à la tête qu’elle faisait, il poussa un bref soupir. Un échec total et cuisant. Qu’est-ce qu’il aurait pu faire pour que cela ne vire pas au drame ?

« Et malheureusement il n’est pas le seul à avoir disparu. » La voix de Jane le tira de ses pensées et il a acquiesça doucement. Cette histoire puait vraiment. Comment est-ce qu’ils pouvaient endiguer tout cela ? « Je n’ai plus aucune nouvelle de mon contact au Ministère, plus aucun moyen de savoir ce qui se trame dans leurs geôles. » Il fronça les sourcils un instant surpris qu’elle parle de cette manière « Tu as… ??» il avait laissé la phrase en suspens pour s’assurer de bien avoir compris ce qui se passait, qu’il pouvait parler ‘librement’.  Une fois certain qu’il pouvait parler un peu plus librement, il fut rassuré, au moins, il ne pourrait pas faire trop de conneries dans ce qu’il dirait. « Nos ressources sont plus limitées qu’elles l’ont été. » il fronça de nouveau les sourcils pas tout à fait certain de tout comprendre, cependant il opina. En clair, c’était encore plus la merde qu’avant. « Rien de nouveau de ton côté ? » Il secoua la tête et soupira « Malheureusement non… C’est, chou blanc de tous les côtés.» Il se racla un instant la gorge histoire de chercher les mots les plus justes, il savait qu’il pouvait parler plus librement mais il préférait dans un premier temps quand même prendre un minimum de gants. « J’ai essayé de travailler les soirs les plus… propices à trouver quelque chose, mais mes interventions n’ont rien donné de probant pour ce genre de choses, j’ai essayé d’en savoir plus auprès d’autres collègues aussi bien dans ma branche, que des policiers ou des médecins et visiblement il n’y a rien eu de particulier. Bon, mes questions n’étaient pas non plus des plus précises pour ne pas risquer de mettre de puce à l’oreille de quiconque…» Donc, il avait aussi pu rater des choses intéressantes. « Pour le reste, je trouve que les forums restent  plus ou moins sur le même discours, rien de particulier à ce niveau-là non plus. Là encore, tu t’en doutes, c’est tellement vaste le net…» Qu’il ne pouvait pas tout surveiller. Qu’il faisait son mieux avec ce qu’il trouvait. Pas assez à son goût. Il se gratta un peu la joue « Si jamais tu as des idées de pistes ou de conseils d’un côté comme de l’autre, je suis preneur.» Par ce que la moindre petite idée pourrait aider grandement… Elle n’avait pas forcément la même façon de penser et donc pouvait avoir un angle d’attaque totalement différent.

Il lui fit un bref sourire et laissa passer quelques instants  avant de reprendre sur les autres points «Des deux côtés, ils disparaissent ? » Est-ce qu’il y avait aussi des Moldus dans le tas ?  Il lui restait néanmoins une boue dans la gorge de savoir que Sasha était prisonnier de ces tordus «Et pour vos ressources ? » Est-ce qu’il y avait une raison précise. Il n’y connaissait trop rien à ce qui se passait dans la Garde mais les raisons pouvaient être multiples selon lui et il était loin de s’imaginer le pourquoi du comment « Est-ce que je peux être d’une quelconque utilité ?  Bon mon appart est minus’ et c’est sûrement une planque de merde, et niveau thunes c’pas ça non plus mais… je suppose que sur d’autres points j’pourrais avoir une utilité.» Une légère trace d’humour qu’il regretterait certainement une fois qu’il saurait de ce qui s’était passé ; mais ce qu’il voulait dire dans cette auto-dérision, ce qu’il n’avait peut-être pas beaucoup de moyen, pas de magie mais qu’il était volontaire. Et pas qu’un peu.