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Anyday where nobody dies is a good day - Léon, Max, Sova, Jo

 :: Autour du monde :: Grande Bretagne :: — Ecosse :: Logement de Sovahnn Lockwood et Tim Turner
Ven 3 Mai 2024 - 14:07
Suite du rp "Overwelmed"

11 Mars 2017

Il aurait pu y avoir milles raisons à un appel pareil. Milles manières de le rassurer aussi sur la poursuite des évènements. Milles moyens de le tenir au courant. Mais demander à Jordane de communiquer reviendrait à lui proposer de danser la gigue avec des claquettes : bien bourrée, lointainement envisageable ; sobre, aucune chance.
Plusieurs fois, c’est donc Maxence que Takuma a appelé. Et plusieurs fois, Maxence lui a répondu ne pas aboutir à grands résultats.

- Garde ça pour toi s’il te plaît Takuma ok ?   Lui a-t-il demandé après avoir refusé une aide lointaine et vague que le japonais n’était pas certain de pouvoir honorer. Lui ? Traîner dans les ruelles mal famées de Londres, à la recherche des dealers ayant tabassé un type à la carte d’identité volée ? La bonne idée.
Bien sûr Takuma n’en a rien évoqué. Et bien sûr Maxence a malgré tout refusé.
Quant à sa demande de ne pas en parler ; tout aussi assurément, le sorcier s’est tu.

Téléphone allumé, aucune notif.
A moitié assis sur le lit de la chambre à l’étage - “sa” chambre - Takuma scrolle. Il garde ses pensées bloquées sur un truc, n’importe quoi pour ne pas dériver. Ça a commencé avec des vidéos débiles, envoyées à Enzo, puis il est tombé sur un podcast sur les débris stellaires en orbites autour de la planète Terre, et enfin a dérivé à 360° vers un live twitch - plateforme en pleine expansion - d’un type parlant musique.
Sans doute aurait-il pu dériver ainsi longtemps, à l’image des débris stellaires risquant d’obscurcir les images obtenues par les scientifiques. Mais à 5h08, il se surprend à relever le regard et couper le son. D’ordinaire, c’est Liya qui fait signe à cette heure là. Enzo parfois, également, à l’image de sa filleule. Mais le léger tintement qui résonne dans le salon n’a rien à voir avec les jouets de la petite. Il correspond au système de surveillance qu’il a lui-même mis en place des mois plus tôt. Quelqu’un passe la porte, le tintement résonne.
A 5h08.
Par la porte.
Londonienne.

Enzo transplane souvent aux alentours de la maison Ecossaise, Riley également et si elle passe par Londres, préviens toujours. Il en est de même pour Lalya qui ne s’est jamais permis de telles familiarités pas plus que les profils comme Julian ou Caitlyn. Maxence ne se pointerait jamais à une heure pareille sauf en cas d’urgence, Ismaelle de même. Tim n’inviterait personne sans en avoir debriefé avec l’intégralité de la coloc et Jordane ne se pointe plus depuis plus d’un an.
Qui reste-t-il ? Alec ? Il n’a pas l’adresse. Naveen ? ‘Pas intérêt. Dakota ? Jamais sans se faire inviter.

La seconde suivante, ses pieds nus traversent la chambre et le tissu du jogging froisse entre ses jambes quand il traverse le pallier et descend les marches. C’est torse nu - baguette et téléphone dans sa poche, à portée - qu’il atteint le bas de l’escalier quand les flammes du poêle illuminent brusquement le grand salon d’une vive lueur verte.
Rien d’inhabituel sauf quand il s’agit de voir apparaître en premier lieu une Jordane cabossée de bleue et un parfait inconnu.

Sa langue natale reprend le dessus le temps d’une interjection murmurée dans un souffle surpris. Assez faible pour respecter le calme de la maison. Assez forte pour que Jordane se retourne vers lui et lui adresse un geste de la main. “Laisse tomber” qu’elle a l’air de dire. Laisse tomber… Tu parles…
Mais si la crispation de l’inquiétude passe dans chacun de ses muscles, Takuma la connaît assez pour taire l’élan qui l’amènerait vers elle.

- Daïjo-truc toi-même. ; voilà ce dont il se contenterait. Une approximation hasardeuse de la part de celle qu’il a pourtant déjà surpris plusieurs fois à sembler comprendre le japonais.
- Tu fais jamais rien à moitié toi… Un petit sourire passe sur ses lèvres tandis qu’il lève un salut de la main, en direction des deux nouveaux arrivants… coincé entre l’inquiétude, le dépit et le soulagement.

Pas le temps de demander quoi que ce soit, y compris quelque chose d’aussi absurde qu’un “ça va vous ?” en passant par un “vous avez largué Max en route ?” tout en faisant un détour par “il est au courant rassurez moi ?” ; les quelques secondes séparant l’arrivée de chacun suffisent à faire apparaître de nouvelles flammes vertes, et Maxence avec elles.

Maxence et sa joue gonflée.
Ok.

L’épuisement personnifié en trois étapes.

- Bah elle paraissait sympa votre nuit… Jouer les violons dramaturges n’étant pas dans ses habitudes, c’est là la seule réflexion qui lui vient, se décidant à descendre les dernières marches pour les rejoindre. Naturellement, il aurait sans doute salué Maxence d’un check amical, mais un regard de ce dernier l’en dissuada. Pas le temps, d’ailleurs : déjà Sovahnn sortait de sa chambre, les cheveux en vrac, l’œil tout à la fois anxieux et endormi, assez noyée dans le t-shirt trop grand d’Enzo. Portée par ses jambes fines et son mètre cinquante et quelques, elle lui faisait l’effet d’une gamine mal réveillée à Noël. L’angoisse en plus.

- Personne n’est mort. Réflexe du toubib. Trois mots et le regard d’eau trouble de la Poufsouffle s’arrête un instant, coupé en plein rebond à force de passer de l’un à l’autre des protagonistes du salon.

Un instant, le visage crispé d’une grimace proche de la lassitude, Sovahnn arrête son regard sur Léon puis dérive un temps infini sur Jordane qui le lui rend en gonflant d’un rien la poitrine. Avant de s’arrêter. Les côtes, devine Takuma qui peine à ne pas fixer son cou.
Finalement, Sovahnn lâche un soupir et passe ses doigts dans la jungle de ses cheveux blonds.

- Eh bah on va dire que c’est déjà un bon point… Takuma pourrait le deviner sans mal, un instant, c’est pour Enzo qu’elle a eu peur.
Personne n’est parti. Mais quelqu’un est de retour, donc.

- Léon, c’est ça ?
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Takuma Ishida Hayato
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Takuma Ishida Hayato
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Takuma Ishida Hayato
Lun 6 Mai 2024 - 12:34
Maxence s’était contenté d’écouter, au début. Et quelque part, Léon lui en était reconnaissant. De ne pas avoir creusé dans les sillages de ses accusations. De ne pas avoir cherché à extraire un peu plus de la sève de sa rancœur. En silence, donc, son frère s’était laissé criblé de paroles en balles de fusils que Léon avait tiré vers lui en rafales de douleurs. Pas que cela soit très juste – tout comme le coup contre sa pommette – mais, au moins, c’était honnête. Le retrouver, c’était comme remonter après une lente noyade tout en craignant férocement l’air qui se trouvait à la surface. Pas qu’il ne sache plus respirer : c’était plutôt qu’il n’était pas certain d’en avoir envie. On finissait par s’habituer à la noirceur des abîmes jusqu’à craindre la lumière. Et le peu de souvenirs qui perçaient son esprit comme des lames de scalpel ne l’encourageaient pas non plus sur cette voix. Maxence, cela n’était pas simplement se rappeler : c’était reprendre sa position de cadet dans ce qui avait été une fratrie, se remémorer qu’ils avaient appartenu à quelque chose de plus vaste que l’on appelait famille, seulement pour se retrouver ensuite face à cette sensation vertigineuse que l’on appelait l’absence.

Et c’était beaucoup lui demander.

Et puis, les larmes avaient fini par dégringoler des joues de Maxence, comme des perles nacrées de tristesse dont il ne savait pas que faire. Léon ne croyait pas l’avoir un jour déjà vu pleurer. Et il n’avait pas envie que cela arrive en cet instant. Parce que sa souffrance était une énième chose qu’il n’était pas capable de porter sur ses épaules – parmi les souvenirs faits de plomb et le deuil en enclume. Cela n’était ni de l’égoïsme, ni de la vengeance ou de la haine : il n’y avait juste plus de place. Alors il avait simplement tendu sa main vers lui et confessé sa fatigue parce qu’elle était toujours l’excuse facile au vague-à-l’âme, en espérant qu’il accepte à la fois cette conclusion et les doigts tendus. Ce qu’il fit. Et lorsque Maxence prolongea quelques instants le contact, Léon de son côté se fit violence pour ne pas reculer – comme lors de leur étreinte au moment de leurs retrouvailles. Il y’avait trop d’amour en overdose dans cette caresse. Trop, pour l’abstinent qu’il était devenu contre son grès.

Trop, surtout, pour le petit-frère en lui qui aurait aimé trouver le courage de se serrer de nouveau contre lui.

« Je comprends, » avait-il finalement soufflé après l’avoir enfin libéré.

Non, avait songé avec mauvaise foi Léon en récupérant sa main comme s’il la retirait d’une plaque de cuisson brûlante. Il le savait, pourtant. Que Maxence était la seule personne au monde à pouvoir partager le manque de leurs parents, à pouvoir brasser les mêmes anecdotes jusqu’à plus d’heures. Le seul à connaître aussi bien les histoires, l’unique personne à pouvoir en anticiper la fin mais à vouloir en entendre quand même l’intégralité. Comme lors des repas de famille où l’on écoutait toujours les mêmes souvenirs, juste pour le plaisir d’entendre la chute - qui n’avait plus rien de surprenant, d’une tranche de vie où il faisait si bon de se blottir. Mais ce qui aurait pu être une vraie force était devenu un gouffre bien difficile à traverser, à présent : une falaise de souvenirs écharpés contre lesquels Léon n’avait plus le courage de s’abîmer. A chaque mois écoulé, le vide lui avait semblé plus grand. A présent, il n’en voyait même plus le contre-bas. On disait souvent que le temps réparait tout. Mais lorsque le temps n’était rien d’autre qu’une mise sur pause, peut-être que les lois de la physique foutaient juste le bordel, inversant la gravité et étirant les perceptives. Peut-être que l’on était juste en inertie dans une voiture lancée à pleine vitesse sur une ligne droite dont l’on ne voyait pas la fin.

En suspend de l’impact.

Et s’il n’avait pas envie de percuter le mur, peut-être espérait-il grappiller encore quelques instants dans l’habitacle. Et si cette habitacle pouvait avoir une douche, un lit, un frigo et une sécurité en plus, alors peut-être que cela valait le coup.

Peut-être. Il n’aurait pas vraiment pu dire mieux que des supposition, taillées entre la volonté farouche de Maxence de le mettre en sécurité et les hésitations vacillantes des propositions qu’il n’osait plus vraiment faire. Finalement, dans l’entre-deux de leurs contradictions, puisque Léon semblait avoir lâché prise, au moins un peu, Jordane prit le partie d’écourter le malaise silencieux qui enflait jusqu’à l’immobilisme. Sans doute en avait-elle marre, elle aussi, de ce serpent qui tournait en rond sans être foutu d’attaquer correctement ou de se mordre la queue. Ou peut-être était-ce la fatigue, là encore.

« Enzo ou Sovahnn ?  Balança-t-elle donc à Maxence de cette voix abrupte qui semblait être son mode de communication favori.
- Sovahnn, » choisit sans hésiter Maxence.

Léon, qui avait gagné la fenêtre pour y laisser mourir son regard, garda ses lèvres résolument closes. Il avait l’impression d’être un de ces enfants dont on discutait la garde sans avoir à recueillir son avis. Il ne connaissait pas les gens dont ils parlaient, de toute façon. Qu’importe, donc.  Alors il se contenta de regarder en silence Maxence s’affairer dans la petite salle de bain pour nettoyer son jean à coup de sortilèges, tout en se demandant vaguement s’il lui serait aussi simple de retrouver bonne allure à son tour. Si l’on pourrait le rincer quelque part dans un évier jusqu’à le rendre propret jusqu’aux os. Quant à Jordane qui rassemblait ses affaires éparpillées ci-et là, même combat : il n’avait rien à récupérer. Un instant, il songea à son fidèle sac à dos échoué il ne savait où, seul compagnon d’infortune dans lequel il avait gardé ses maigres trésors durant quinze mois. A la fermeture éclaire presque aussi fatiguée que lui. Aux quelques livres qui s’y trouvaient, entre quelques tee-shirt aussi usés que les pages. Il soupira. De fatigue et de trop plein. Puis, toujours enfermé dans son mutisme, le plus jeune des Wargrave se contenta d’enchaîner les actions mécaniquement, passant son jean trop grand autour de ses hanches trop fines lorsque Maxence le lui tendit, puis enfilant les chaussures qui avaient clairement connues de meilleures jours. Toute cette crasse qu’il fallait porter de nouveau lui broya le ventre. Malaise qui augmenta lorsque son frère tergiversa sur la manière de s’y rendre, avec toujours cette envie de bien faire qui dégoulinait tant de pitié que Léon eut de nouveau l’impression d’étouffer.

Abrège. Je manque d’air.

« Oui parce qu’on n’a pas encore assez marché aujourd’hui t’as raison, » l’envoya balader une Jordane en bélier qui fracassait des portes en se moquant du reste.

Sa façon de ne pas le considérer comme un fétus de paille était néanmoins rassurante. Peut-être que si quelqu’un y croyait, il allait y arriver.  Alors, Léon n’hésita qu’un septième de seconde avant de glisser sa paume dans la main tendue de la jeune femme. Juste le temps de se rappeler de son dixième anniversaire et du fou périple à travers New-York orchestré par Maxence, de transplanage en transplanage pour lui en mettre à la fois pleins les yeux et le coeur. Son ventre protesta lorsqu’ils apparurent de nouveau dans le petit escalier, mais Léon n’aurait pas su dire si c’était à l’idée de ce souvenir qu’il devait son vague à l’âme ou bien à la sensation nauséeuse que lui procurait à chaque fois ce mode de déplacement. Alors, il inspira, faisant refluer tout autant les caprices de son oreille interne que ceux de sa mémoire. S’il lui fallait oblitérer les bons souvent pour ne pas se rappeler des mauvais également, alors le choix serait simple. Le teint oscillant entre le gris et le vert, Léon opina du menton pour balayer les craintes tout en répondant à la question muette de Jordane dont il sentait le regard quelque part entre son front moite et la pâleur de ses lèvres. Remarquant qu’il tenait encore sa main, il la lâcha pour passer ses  doigts contre sa peau en guise de fraîcheur avant de chercher son regard :

« J’ai rien à vomir, de toute façon, » la taquina-t-il faiblement en esquissant un sourire très peu convainquant.

C’était en partie faux. Il y’avait bien le sandwich triangle qu’elle lui avait donné. Et surtout la vodka qui avait généreusement imbibé le tout. Et puis, toutes ces craintes à l’idée de retrouver une banalité alors qu’il crevait d’envie de disparaître à nouveau entre deux rues. Mais Léon tint courageusement bon, se concentrant sur les battements erratiques de son cœur pour tâcher d’oublier la sensation furieuse d’être en ce moment même sur le pont d’un navire. Fallait croire qu’une traversée de l’Atlantique sur un porte-conteneur ne suffisait pas à guérir de ce genre de désagrément, finalement. A peine le temps de se caler sur sa respiration à elle pour se calmer qu’une sorte de claquement cinglant le fit sursauter violemment. Ses doigts ripèrent un millième de seconde contre le bras de Jordane à côté du sien, par réflexe, manquant griffer son avant-bras, avant qu’il ne se reprenne. C’était simplement Maxence qui venait de transplaner. Léon ferma les yeux, inspira. Il n’avait entendu ce son que trois fois dans sa vie. Expira. Trois fois de trop, juste avant que la maison ne prenne feu. Se dégageant de sa proximité avec son frère avant que ce dernier ne songe à le toucher de nouveau, Léon emboîta le pas à la jeune femme qui venait d’ouvrir la porte.

Ne pas penser. Ne pas réfléchir.

Mais ce fut plus fort que lui, lorsqu’ils entrèrent dans le petit appartement au style rétro. Ça lui creva les yeux lorsque la porte se referma et qu’ils se retrouvèrent dans le silence du deux pièces sans âme qui vive. Cet endroit était probablement juste un lieu de transfert. Alors, ses yeux glissèrent sur Maxence avec une armée de reproches informulées de coincés dans la gorge. Il n’avait pas protégé leur maison. Il les avait laissé à la merci des sorciers.

Ne pas penser. Ne pas réfléchir. Ne pas recommencer dans cette litanie de reproches.

Léon ne s’attarda pas sur les murs, toute son attention à présent accaparée par Jordane qui se dirigeait vers la petite cheminée qui trônait au milieu du studio. Il avait déjà lu sur le réseau de cheminette. Il avait même trouvé ça plutôt ingénieux, voir carrément ça drôle comme moyen de se déplacer. Se souvenait même, enfant, avoir supplié Maxence de le lui faire essayer. Dans une autre vie. Parce qu’aujourd’hui, la crémation vivante de leurs parents ne lui donnait plus la moindre envie de disparaître dans des flammes, qu’importe qu’elles soient vertes, bleues, rouges ou roses. Mais le regard que Maxence posa sur lui fut suffisant pour qu’il entre dans la cheminée à la suite de Jordane. Garde ta pitié. Tu n’y étais pas, songea amèrement Léon.

Ne pas penser. Ne pas réfléchir. Ne pas se souvenir

De l’odeur de cendres, qui avait mis des mois à le quitter tout à fait. De cette impression de respirer un mélange d’os et de chaire dont il n’avait pas réussi à se défaire encore aujourd’hui. De leurs cris. De leur lente agonie. Léon baissa les yeux, contemplant ses chaussures alors que son esprit cherchait une enclume pour ne pas dériver. C’était simplement une cheminée. C’était simplement l’affaire de quelques secondes. Rien à voir avec le grenier dans lequel il avait été piégé alors que tout se mettait à flamber autour de lui. Rien à voir avec le brasier qu’était devenu l’oxygène, avec cet air bouillant qu’il avait bien fallu inspirer quand même. Rien à voir avec cette journée. Juste une cheminée. Il ferma les yeux. S’enferma en lui-même. A peine ressentit-il l’air se réchauffer et l’engloutir que cela était déjà fini.

Léon rouvrit enfin les yeux. Ils avaient quitté l’appartement exiguë pour pour ce qui semblait être une maison bien loin du centre ville. Par les baies vitrées, Léon devina l’ondulation d’une mer grise, qui s’écrasait avec force contre les rochers de la crique avec pour seul témoin le bruit du ressac incessant des vagues. Puis, il ramena son regard vers l’intérieur moderne et se fit ensevelir par une multitude de petits détails. Le tapis d’éveil qui trônait dans un coin. Les jouets d’enfants semés comme des miettes de pain un peu partout sur le parquet chaleureux de la grande pièce ouverte. L’évier de la cuisine dans lequel trônaient quelques verres d’eau et assiettes. Le torchon abandonné contre la poignet du four, quelques plantes aromatiques paresseusement nichées non loin d’une fenêtre. Deux grands canapés et leurs plaids cotonneux. L’esprit de Léon s’envola malgré lui quelque part dans les alentours de Boston, dans la petite cuisine de bois blanc. Il se revit arriver par surprise, cueillant ses parents un peu avant le déjeuner. Il avait pris l’avion sur un coup de tête pour les rejoindre, débarquant à l’improviste. Ils avaient mis le couvert pour deux seulement. C’était ce qui lui avait sauvé la vie. Il se rappelait avoir regardé la tarte dans le four, avoir piqué une tomate cerise, récolté une pincement de sa joue avant d’avoir monté les escaliers pour déposer son sac à dos à l’étage alors que la sonnette retentissait…

« Tu fais jamais rien à moitié toi… » le ramena à lui une voix inconnue.

Léon cligna des yeux. En haut de l’escalier, un homme se tenait. Asiatique – probablement japonais – et torse nu, il descendait les marches posément pour rejoindre Jordane. Et si Léon avait sûrement loupé le début de leurs échanges, il ne loupa pas les yeux qui analysèrent les blessures de Jordane en silence. La culpabilité le saisit brutalement. Et lorsqu’il les salua d’un geste de la main, Léon pinça ses lèvres et hocha simplement la tête. Mutique et mal à l’aise, alors que Maxence apparaissait à son tour dans un geyser de flammes verdoyantes que Léon observa avec un regard vitreux.

« Bah elle paraissait sympa votre nuit… » renchérit-il en les examinant.

Ils devaient effectivement former un drôle de tableau, entre la fatigue évidente et leurs ecchymoses respectives. Là encore, pas le temps de commenter. Une autre porte s’ouvrit et une nouvelle inconnue les rejoignit, le murant définitivement dans la sensation de ne pas être à sa place. Un mètre-cinquante à tout casser, à peine vêtue d’un tee-shirt trop grand pour elle et une chevelure blonde ébouriffée qui entourait son visage encore endormi. Et contrairement à l’asiatique, ses traits marquèrent la surprise, vite remplacés par une inquiétude que Léon fut à deux doigts de saluer. Enfin une réaction qui avait du sens à l’arrivée de trois personnes - dont un inconnu à l’allure de sans-abri, dans son salon à une heure encore trop indécente pour être correctement appelée le matin.

« Personne n’est mort, »  fut alors la première phrase que prononça son frère.

Drôle d’entrée en matière. A moins que cela ne soit une nécessité de le préciser. Les yeux de la jeune femme passèrent de l’un à l’autre, s’attardant sur lui quelques instants de trop pour que Léon ne frisonne, mal à l’aise. Pas franchement désireux d’être l’attraction du jour. Elle eut néanmoins la prévenance de ne pas faire trop durer l’inspection et Léon se détendit alors qu’elle glissait vers Jordane dont tout le corps criait encore le passage à tabac le plus violent de la soirée. Là encore, pas de commentaires – c’était donc normal que leur amie rentre avec une tête de dalmatien ? - mais Léon eut l’impression que l’air se chargeait d’orage entre les deux jeunes femmes. N’étaient-elles pas sensées être amies ? Songea-t-il un instant avec de songer que cette fille là n’était peut-être pas Sovahnn. Après tout, cela semblait ressembler à une colocation – soit beaucoup plus de personnes avec qui il allait falloir sociabiliser.

« Eh bah on va dire que c’est déjà un bon point… fit-elle avec pragmatisme.
- Léon, c’est ça ? » eut-il ensuite la surprise d’entendre la discussion se tourner vers lui.

Léon ramena son regard vers le jeune homme. Puis dériva sur Maxence. Songeant qu’il s’agissait encore d’une personne qui connaissaient son identité alors que lui n’avait pas la moindre idées des personnes partageant la vie de son frère. Alors, il acquiesça lentement de la tête, passant l’une de ses mains dans sa nuque pour essayer de dissiper son malaise. Que savaient-ils d’autre à son sujet alors que lui ignorait tout ?

« Désolé, mais pour ma part... s’excusa-t-il en les regardant tour à tour quelques secondes chacun, son esprit vagabondant entre toutes les choses que Maxence ne lui avait jamais raconté sur sa vie sans réussir à s’arrêter sur quoi que ce soit, je n’ai pas la moindre idée de qui vous êtes.

Son regard frôla Jordane pour atterrir ensuite sur le visage de son frère. Il y avait, dans la manière dont ils se comportaient avec Maxence, une trahison nouvelle que Léon lui adressa du bout des lèvres en un reproche à peine dissimulé :

« Ses amis à elle, ce sont aussi les tiens hein ? »

Parce que cela n’était pas le deal, Maxence.

Et puis, se penchant vers Jordane qui était toujours proche de lui, Léon glissa à l'orée de son oreille, pour qu'elle seule entende :

« Je croyais que c’était pas ton pote, mon frère ?  »

( Suspect )
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Léon Wargrave
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Léon Wargrave
Sam 11 Mai 2024 - 9:53
Maxence n’a jamais été très causant dans les situations de crises. Il a toujours écouté, trouvé sa place, su s’effacer face à des jeunes qu’il aurait pu prendre pour des enfants. Il aurait été aisé d’estimer devoir leur indiquer la marche à suivre, de prendre la parole à leur place, de leur imposer la voie. Il ne l’a jamais fait. Chaque fois, systématiquement, celui qui n’a été au début qu’un infirmier, les a accueilli, écouté, leur a souri, les a soigné. Puis il a été davantage. Il aurait pu suivre, entrer dans le jeu, se laisser avoir. Ça n’a jamais été le cas. Pourtant Sovahnn l’a vu couvert de sang. Elle l’a vu menacé. Elle l’a vu se tenir entre des élèves et des Supérieurs sans céder un pouce de terrain ni faire appel à la violence.
Pourtant jamais elle ne l’a vu ainsi.
Éteint.
Même après les attaques de Poudlard, après avoir été pris à parti, après Megan, Elias ou Doryan. Même les traits tirés, n’ayant sans doute pas dormi depuis trop longtemps. Même à faire face en toute quiétude aux histoires des uns et des autres. Des drames. Des attaques. Des amis à enterrer, des parents, des proches, des sœurs.
Pas même a-t-elle envisagé de se le représenter ainsi, quand elle a entendu parler du frère porté disparu.

A aucun moment ce n’est venu.

A-t-elle seulement envisagé cette possibilité ? La craquelure de l’adulte, le pilier fait d’une matière non pas friable mais finalement sensible à l’érosion.
Son regard n’en fini plus de se poser sur le jeune homme. Celui qu’elle pourrait presque ne pas voir tant l’inquiétude lui fracasse les côtes à voir deux amis ainsi abîmés. La notion d’un inconnu chez elle ? Amené par ceux-là, Sovahnn n’y prête pas le moindre mal. En un instant, son salon est devenu extension de l’infirmerie, succursale de Poudlard. Pas réveillée, passée en mode “gestion de crise”. Celle-ci pendait. Un mois qu’elle l’attendait. Un mois qu’elle imaginait chaque retombée des galères rencontrées en mars. Rien pourtant.
”Ça”, “seulement”, comme pied de nez à ses attentes craintives.

A s’en faire pour les uns et les autres, c’est ceux qu’elle n’a pas envisagé dans l’équation qui arrivent flingués.
Alors sans doute son regard reste-t-il trop longtemps sur Jordane. Sans doute imagine-t-elle à outrance ce que ça ferait, de l’enterrer elle, sans même avoir réussi à véritablement enterré la hache de guerre. Elle en aurait hurlé. Elle l’aurait même frappée, elle, d’avoir tant souffert et d’arriver dans cet état.
Puis le regard de Jordane la rattrape - la frappe, devrait-on dire - et Sovahnn se rend soudainement compte de l’intrusion de son insistance. Normale, pour n’importe qui. Intolérable, pour quelqu’un comme Jordane. A peine a-t-elle le temps de s’en arracher que le nouvel arrivant lui aussi s’attarde sur elle.

Tout ce qui lui échappe alors, se cristallise dans un pragmatisme atroce. Personne n’est mort. Bien.
L’ombre recroquevillée au sol qu’elle était un an plus tôt se dessine en filigrane et un instant Sovahnn se sent garce de s’être tant inquiétée pour Enzo sans avoir une seconde envisagé une situation pareille.
Pire : elle se sent atroce de sentir monter en elle la même colère qu’hier. Les mêmes questions. Encore la Garde ? Combien d’entre eux y passeront avant qu’ils se décident à protéger leurs membres ? Combien de tombeaux, de familles, de plaies ouvertes ? Mais Jordane en a-t-elle seulement une, de famille ? Elle qui affirme y avoir été à sa sortie de Poudlard sans que personne n’entende jamais la moindre information sur qui que ce soit ? Enzo, peut être ? Takuma ? Alec ?

Pas le sujet.
Pas le moment.

Léon, donc.

« Désolé, mais pour ma part...   Son regard passe d’elle à Takuma, toujours immobile contre la rampe d’escalier, puis de nouveau à elle. je n’ai pas la moindre idée de qui vous êtes.
Bienvenu au club.
Pour autant, Sovahnn qui entrouvre les lèvres se tait en voyant le regard du jeune homme passer contre Jordane pour atterrir avec véhémence contre Maxence. Au creux de son dos, quelques muscles se contractent en pulsations sourdes. Takuma, lui, n’esquisse aucun geste. Et Jordane… affiche une neutralité hostile soulignée par les teintes sombres de son épiderme.

« Ses amis à elle, ce sont aussi les tiens hein ? »

Non. Jamais elle ne l’a vu éteint. Jamais elle ne l’a vu sursauter non plus, hésiter ou bégayer.

- Quoi ? Non, enfin si en quelque sorte… ce sont deux élèves..

Tout ce qu’il fait aujourd’hui, de cet air de se justifier de tout, qui ne lui ressemble pas.
Des amis ? Ce “en quelque sorte” sonne absurde et pourtant dans le champ de l’affection, jamais Sovahnn n’aurait su le placer avec certitude. Pas besoin. Il est là ; chose bien suffisante.
Assez désemparé du moins, pour que Takuma ne vole à son secours alors même qu’une autre scène des plus improbable se déroule non loin du canapé : l’inconnu se penche sur Jordane et tous deux échangent quelques mots.
D’accord. Un ami ? Une question laissée lettre morte.

- Takuma. Squateur non officiel depuis quelques mois. J’ai bossé pour Maxence. Sovahnn, la taulière des lieux. Tim, dans la chambre du fond, qui est chez un pote. Et donc Léon..
- Mon frère.

Elle aurait pu faire le lien seule. Pourtant ses prunelles s’arrondissent en même temps que ses lèvres.

- Ton… ah ! Oh.. ! Et les données se réalignent, la logique se fait bien malgré elle, comme de mauvaise grâce. D’accord… eh bah bien ! Bien ça ! Pourquoi, alors, cette tension émanant des deux frères et l’épuisement manifeste d’un Maxence incapable de tenir aussi bien que d’ordinaire son rôle imperturbable ? Pourquoi venir ici ? Pourquoi avec Jordane ? Et pourquoi cette séparation de l’église et de l’état entre Max d’un côté et les deux plus jeunes de l’autre ? … Oui, bon ; mais.. sans vouloir râler je me sens de la team “je comprends rien” là. Un instant, Sovahnn fait signe à Léon, comme pour se caler dans son groupe spirituel. Puis c’est vers Takuma qu’elle se retourne. Comment ça se fait que tu.. Pas que ce soit inhabituel. Même tandis qu’il se la jouait crétin à l’école, Takuma était rarement surpris. Comme s’il récoltait sans cesse des informations qui lui passaient, elle, à mille miles au dessus.
- Jordane m’a appelé il y a deux jours pour avoir le numéro de Max et demander le nom de son frère. Ah.
- Et l’a retrouvé. D’ailleurs Jord.. Mais elle le coupe, ramenant l’éclat de givre de son regard, souligné par de lourdes cernes, droit vers elle.
- Seule. Si c’est la question sous-jacente. Accusatrice.
- C’est.. Nan ! Nan, Jo, c’est pas ma question. C’est faux. Mais l’hypocrisie la chope en même temps que l’injustice et l’instant suivant, Sovahnn balaye ces considérations du revers de la main. “ D’ailleurs en fait stop, mes questions on s’en cogne : vous n’avez pas dormi depuis quel siècle à peu près ?… Ouais ; on est d’accords. Donc est-ce qu’il y a la moindre urgence qui demande de gérer ça maintenant ?” Naturellement l’ancienne Poufsouffle se retourne d’abord vers Maxence, puis vers Léon. Lui vient alors la pensée qu’un instant plus tôt, tout le monde attendait en quelque sorte des explications de la part de Maxence. Habitude rendue aride par son silence. Alors, comme si elle n’était pas sans doute la plus jeune du groupe, Sovahnn poursuit sans peine. “Ok, donc tout le monde au pieu et on voit ça demain. Ya une chambre libre là si tu veux.” A Léon. “ Ou l’appart de Londres mais ya du passage ça va t’emmerder. Et comme s’il attendait ce signe de la part de “la taulière”, Takuma détache d’un geste sa hanche de la rambarde de l’escalier.
- Tient, Léon suis-moi s’tu veux. J’ai deux trois trucs qui peuvent servir. D’un geste, il l’invite à monter. Et d’un geste, Jordane qui esquive exhaustivement le regard de la Poufsouffle, lui administre un coup d’épaule et embraye le pas.

- Merci Sovahnn… désolé de débarquer comme ça… Comme si ça rentrait dans l’équation… La sorcière lâche alors un rire, à peine consciente de ce qui se fait ou non.
- Nan, arrête au contraire. Je suis contente que tu sois là Léon. Par contre je vais me fringer, c’est bizarre devant Maxence.

Il ne faut pas plus de quelques instants pour que Jordane, Léon et Takuma disparaissent à l’étage et qu’elle passe un short avant de retrouver le médicomage non loin de l’escalier, le regard perdu vers le plafond.

- Maxence ?
Une seconde, il inspire profondément et se retourne vers elle en renonçant à poser le pied sur la première marche.
- Tu bois un truc ? Puis, comme si ces mots pesaient plus lourd que de raison, Sovahnn le voit abaisser brutalement les épaules et poser le regard sur la table de la cuisine sans véritablement savoir se positionner. Alors elle ajoute un signe du menton. Pour la première fois, c’est lui, donc, qui renonce à sa posture et la rejoint dans la cuisine. Pour une fois, elle dépose une tasse devant lui, y place un petit sachet de tisane, et ouvre le frigo. ça va ?
- Faudrait qu’il mange..
Et avec toute la douceur du monde, elle pose une main sur son épaule, place un morceau  de fromage devant lui qu’elle découpe de moitié avant de sortir quelques crackers ainsi qu’une assiette supplémentaire.
- C’était pas ma question.
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Sovahnn Dawn Lockwood
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Sam 11 Mai 2024 - 13:14
C’était stupide. La réalisation me vient quand elle bute, perde ses mots et s’en défende. Je sais, pourtant, qu’elle y a pensé. Sérieux, va pas me faire croire que j’ai tors…
J’crois que j’avais pas complètement percuté ce que ça impliquait de me pointer. Pas imaginé que le sujet de la Garde ressurgirait. Il s’agit de mondes distincts, qui n’ont rien à foutre les uns dans les autres. De la même manière, la rue n’a rien à foutre dans le salon d’une fille qui n’a pas même idée de l’odeur que peut avoir un squatte. Et ça n’a rien à foutre dans le regard du frangin de l’infirmier de Poudlard. Le type qu’ils apprécient tous. J’en sais rien, ils l’invitent peut être prendre le thé. Celui qu’on appelle en cas de merdes, qui a permis l’accouchement de Sova, qui file sans doute encore quelques cours à Takuma et discute avec Enzo comme deux vieux amis. Celui qui dégageait Alec quand son cousin était sur la table. Celui qui n’a pas ramené Zach. Moi on m’envoie chier, lui on lui déroule le tapis rouge.
Ça dessine une rupture. Ça, lui. Eux.
Cette facilité qui semble évidente pour eux, mais qui l’est pas. Ni pour moi qui ait du mal à raccrocher à ces gens quand quelques heures plus tard j’avais plus l’impression d’être celle qu’ils connaissent. Ni pour celui dont j’ai senti les doigts se crisper sur mon bras il y a quelques minutes à peine.
J’me rends compte pas vouloir être là. Pas vouloir de ces regards que je devine bardés d’inquiétude. Pas envie de la chaleur d’un foyer, les gestes amicaux, les paroles rassurantes et la douce odeur d’une maison habitée. Et si moi j’en ai pas envie parce que ça crispe les tripes d’une gamine planquée là, sous la surface… bah j’en connais un qui n’en a pas plus envie. Je vois ses regards, son ton, ses crispations. Il émane un truc qui les perturbe. Un truc viscéral, piquant. On le sait. On s’en cache pas.

Pourtant… pourtant me tendre comme ça face à Sovahnn était stupide. Je vais à l’inverse de ce que j’ai tenté la dernière fois. J’me sens agressée, simplement d’être ici, simplement de leurs regards. C’est pour ça que je fais pas ça, venir. Me pointer chez des gens qui comptent quand j’ai bouffé les pavés. Chaque fois ça me fume. Alors ouais, je suis tendue. Et ouais, j’suis sur la défensive.
Et j’fais de la merde.

Alors à la première porte de sortie, je lâche l’affaire. D’une certaine manière, je lui suis reconnaissante d’avoir coupé court. De ne pas chercher à tout comprendre, à faire le tour de la question et à partir dans un débat à la con. De pas rentrer dans mon jeu, aussi. Pourtant j’arrive pas à faire mieux que d’esquiver son regard et me barrer droit vers les escaliers et Takuma qui nous offre la possibilité de fuir le banc des accusés. Là aussi, c’est pas le cas, je sais. J’le ressens comme ça quand même. Et après un an à me prendre des balles perdues, est-ce que c’est vraiment si illégitime que ça ?

Je pose un pied sur l’escalier et me penche vers Léon pour reprendre près de son oreille. - T’as vu ton frère ? J’choisi mieux mes potes. Chose qui fait suite au “Et j’maintiens : C’est pas mon pote.” que j’ai glissé quand il a demandé, un peu plus tôt.

Puis j’avale trois marches et à la deuxième mon corps se rappelle à moi et je ralentis sous le regard de Takuma, un peu plus haut, qui nous regarde tour à tour avant de faire mine de n’avoir rien vu et de jeter un coup d’oeil derrière nous, vers le salon. Il attend alors qu’on rejoigne ce niveau pour murmurer :

- Boh… tu reste pas avec Sova ? Tu m’étonnes là… alors que j’attendais quelques mots sur mon état, celui de Léon - ou les deux - la réflexion, frontale, m’arrache un rire.
- Ouais, ‘dingue hein.. Et puis ça me prend à retard : il n’y avait pas de jugement là-dedans. Juste de une moquerie amicale. D’elle ou de moi, je ne saurais le dire et en vérité, ça n’a pas d’importance.
- Pourtant j’vous sentais prêtes à faire une partie d’cartes là…
- Ta gueule.. De nouveau, le rire qui me surprend, le temps d’une marche de plus qui nous amène jusqu’au palier de l’étage. Là, il ralentis et ajoute, plus bas et sans doute conscient que ces mots là sont davantage touchy : Elle s’inquiète. Pas de jugement là encore. Pas plus d’appel au calme ou de sentimentalisme dégoulinant.
- Bah qu’elle arrête. Cette fois, ça sonne moins dur que ça pourrait. Ça s’accompagne surtout d’un regard qui accroche celui de Léon et ricoche un instant vers ce qu’il m’a dit quelques heures plus tôt, avant l’arrivée de Maxence. Je ramène les yeux vers Takuma et reprend, plutôt que d’amputer tout à fait le propos : La dernière fois elle avait toutes les raisons de pas avoir les nerfs pour ça. Et j’ai fermé ma gueule. Je hausse des épaules. Un partout. Là c’est moi qu’ai pas les nerfs.

Et j’avance de deux pas avant de m’arrêter, soudainement incertaine de la destination. Il n’y a pas d’animosité dans mes mots, simplement une lassitude rendue dure par la fatigue mais apaisée par le destinataire. Un mélange un peu bordélique qui me correspond sans doute mais n’est pas si simple à interpréter. Pourtant Takuma balaye le truc sans en sembler affecté et ouvre une porte - Ok. C’était celle là sa chambre - j’y entre, et trouve une pièce sommaire. Tout y est hein. La fenêtre qui donne sur les falaises noyées des ombres de la nuit. Le lit défait. Le téléphone abandonné là. La guitare dans un coin et la commode la moins cher du marché dans le fond de la pièce. Quelques affaires persos qu’on sent sorties par utilité. Mais c’est tout.

- ça fait combien de mois que t’es là “pour deux semaines” déjà ? sans y avoir posé plus de quatre affaires ?
- Fous-toi d’moi. Un petit sourire, déjà rendu. Et il enchaîne en refermant la porte sur eux, dirigé vers Léon. Posez-vous deux minutes, ça fera pas de mal… Puis il nous dépasse, chope un sac au sol qu’il balance sur la commode et fouille les deux en même temps. Truc habituel quand on le connaît. Alors qu’est-ce que je peux choper… enfin si vous voulez… Il relève la tête, puis replonge. Jo si je te file des trucs, tu m’envoie chier ou pas ? Sans filtre.
- Ca dépend, ya des trucs à fumer ? Et il acquiesce.
Sans chercher autre chose que le regard de Léon, je force encore un instant l’idée de rester debout, puis abandonne et m’assoie sur le lit en voulant me plier vers l’avant, vaincue par la fatigue. Mais l’opération se révèle impossible alors je râle et me redresse. Je note à peine ce genou que j’ai collé contre celui de l’américain. Pas plus que la cuisse qui suit quand je me décale pour laisser Takuma s’asseoir à mes côtés. Chose qu’il ne fait pas, s’asseyant sur le bureau, à côté de quelques bouquins abandonnés là, de plumes et de cordes en métal. Les pieds bientôt sur la chaise. Et quelques fringues tendues vers Léon.
- Tient.. Si ça peut dépanner déjà. J’ai ça aussi pour les bleus. Il ajoute un petit pot en métal sur les deux jeans et, trois t-shirts et quelques sous-vêtements. Et ça, pour la récup’ D’un signe du menton, il désigne le lit et ajoute quelques sachets de thé vides et un petit balluchon d’herbes. Vu votre gueule, moi j’aurais besoin d’un break. D’où le fait de te suivre jusqu’ici, hein ? Passer au deuxième, mettre un peu d’espace avec ceux du bas. Genre, un escalier, un palier et une porte. Ne pas les savoir de l’autre côté du mur.
Je ferme les yeux et observe un instant les deux cuisses collées et le genou qui tapote dans le vide. Puis je me laisse m’allonger en arrière dans un soupir.

- Oui mais toi t’es une petite nature. Nous on pète le feu.. Le mouvement étire les côtes et me fait grimacer mais je ne bouge pas. Au contraire au travers de la douleur vive, c’est une sensation de bien être qui diffuse au contact retrouvé d’une simple couette. Alors, par volonté de ne pas me laisser entraîner par ce sentiment diffus, j’envoie un chuchotement en direction de Léon. Tu noteras que j’ai réclamé de la weed et qu’il a rien filé. Les dealers de nos jours …

Et un truc léger m’atterrit sur le ventre en rebondissant à peine.
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Jordane Suzie Brooks
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Lun 13 Mai 2024 - 11:49
Des omissions. Des mensonges. Encore.

Alors sans doute était-ce de la mauvaise foi – doublée d’une légère hypocrisie – mais Léon n’avait pas spécialement envisagé l’hypothèse de débarquer dans une maison dans laquelle tout le monde regarderait son frère avec une gentillesse débonnaire. Pourtant, rien dans tout cela n’aurait dû l’étonner : Maxence était parti jouer le héro ailleurs qu’à Boston, bien loin de sa vie et des préoccupations de leur famille. Logique, alors, qu’il dispose d’un fan-club outre-mer et d’une ribambelle de jeunes de son âge lui devant sans doute la vie, si ce n’est plus. Celles d’êtres chers et aimés. Et si Léon ne savait pas savoir grand-chose, il connaissait assez les grandes lignes pour deviner des actions pleins d’abnégation et de courage, quelque part entre les murs de pierre d’un château devenu prison. Qu’il avait lui-même appris successivement à envier puis à détester, pour lui avoir d’abord mis des étoiles pleins les yeux enfant pour ensuite les lui reprendre lorsqu’ils étaient restés sans nouvelles de Maxence une année entière.  En revenant, son frère avait eu ce même visage fermé qu’après l’armée et cette même façon de cloisonner ses existences sans jamais rien partager d’autres que ses trop longs mutismes, jamais suffisamment contrebalancés par assez de substantiel pour que Léon n’y trouve de quoi conserver leur lien.

C’était deux ans auparavant.
Et ils n’avaient jamais eu l’occasion d’en reparler – entre tous les autres sujets relégués dans les méandres de leurs incompréhension.
Et aujourd’hui, cela n’était même plus le sujet.

« Quoi ? s’étonna pourtant Maxence qu’un rien catastrophait à présent, alors que Jordane lui rétorquait dans le creux de l’oreille qu’elle n’était pas la pote de son frère, réponse à sa question chuchotée juste avant. Non, enfin si en quelque sorte… ce sont deux élèves…»

Léon secoua la tête de gauche à droite, sans rien ajouter d’autres. Laisse tomber, criait sa gestuelle. Maxence avait cet air si craintif de le voir disparaître à la première contrariété que Léon en étouffait par principe. Il se sentait comme le maître chien maltraitant d’un clébard ayant pissé sur la moquette, et qui attendait que la raclée tombe à un moment donné. Et cette position, malgré les apparences, ne l’intéressait pas le moins du monde. Au moins, Jordane avait eu le mérite de ne pas chercher à justifier quoi que ce soit, campant sur ses appuis - têtue et fière, surtout - ce qui était au moins honnête à défaut d’apaiser entièrement la sensation d’avoir été trompé. Ou peut-être que tout le monde adorait Maxence dans cet Univers et qu’il n’y avait pas une seule maison dans laquelle on n’accueillerait pas le médecin à bras ouverts. Beau travail, pour quelqu’un ayant si peur de se retrouver seul. Alors que lui-même n'avait eu aucun endroit où se réfugier. Au fond de lui, Léon se savait déloyalement envieux : parce qu'il ne doutait ni de la gentillesse de son frère, ni de son héroïsme courage dans cette guerre ou dans d’autres, ni de l’affection qu’une communauté était capable de donner à quelqu’un d’aussi gentils que lui. Maxence avait toujours eu la vocation héroïque. On abandonnait pas les héros, après tout, là était bien tout l’attrait d’une telle position.

Alors, tant mieux s’il avait réussi à le devenir, ce héros.
Cela n’était juste pas le sien.
Plus le sien, pour être exact.

«Takuma. Squateur non officiel depuis quelques mois. J’ai bossé pour Maxence, se présenta le jeune homme, alors que Léon déglutissait l’information d’un lien entre Maxence et lui encore plus évident que le fait d’être simplement élève. Sovahnn, la taulière des lieux. Tim, dans la chambre du fond, qui est chez un pote. Et donc Léon..
- Mon frère, » acheva-t-il présentation.

Sorti de nulle part, dont la dénommée Sovahnn semblait tout juste comprendre le lien familial, le devina Léon alors que ses yeux s’arrondissait de surprise. La bouche de Léon s’assécha d’un coup. Pendant plusieurs années, noyé dans ses rêves d’enfants, il s’était imaginé intégrer une école de sorcellerie dans laquelle évoluerait aussi son frère. Dans une autre vie, peut-être aurait-il fait parti de leur groupe. Tout ça avait des relents de rêves avortés. L’horreur de leurs situations et le deuil de leur famille étaient devenus des monstres qui s’étaient goinfrés de son enfance, massacrant au passage son lien fraternel et tous les espoirs jamais vraiment dits qu’il avait eu d’être de nouveau proche de lui et de son monde. E maintenant que cela arrivait, contraint et forcé par une destinée bien ironique, cela n’avait plus la moindre importance.

C’était juste un énième rappel de toutes ses expectatives qui n’auraient jamais plus la chance d’aboutir pour les bonnes raisons. Alors, Léon se tendit un peu plus alors qu’il hochait poliment la tête aux présentations, tiquant plus qu’il n’aurait dû sur un lien supplémentaire entre Takuma et son frère. Sans doute était-ce devenu une habitude si bien huilée que Maxence ne se rendait même plus compte de ses omissions. Les amis de Jordane qui devenaient ensuite ses élèves à lui pour finir par carrément se transformer en quelqu’un ayant travaillé pour lui. Sa mâchoire se carra alors qu’il se crispait un peu plus pendant que Sovahnn – sans doute la plus spontanée d’eux tous – réfléchissait à voix haute, tâchant de comprendre les tenants et aboutissements de leur aventure. Et alors que l’attention se portait de nouveau sur lui, et puisque Jordane était encore proche, Léon eut l’impression qu’à sa tension se rajoutait la sienne. Son regard coula vers elle un instant, songeur, alors que Takuma expliquait à Sovahnn l’appel de Jordane quelques jours plus tôt.

Ainsi, voilà comment toute l’histoire avait commencé : c’était elle, son effet papillon.

La personne qui avait mis la main sur Jeremy Fergusen après son passage à tabac par des dealers pour cause de délai de paiement dépassés. Ne le connaissant pas et se fiant simplement à la carte d’identité, elle avait dû appeler Maxence en croyant avoir mis la main sur le bon Wargrave. Il devinait aisément la suite. L’ascenseur émotif de Maxence, les probables informations lâchées par un Jeremy en piteux états mentionnant la box, un nom qui ne risquait pas de parler à son frère. Et du peu qu’il avait appris de Jordane, elle avait probablement décidé de faire cavalier seul, poussée par il ne savait quel élan de sympathie bien étrange si l’on reconsidérait le tout à la lueur de ses propos. Pas son pote.

Mais toujours prête à se jeter d’un toit, par contre.

« Et l’a retrouvé. D’ailleurs Jord… s’essaya une nouvelle fois Maxence, tentant d’arracher une nouvelle fois des explications.
- Seule,» coupa une Jordane à la langue aussi tranchante qu’un scalpel.

Léon ravala donc sa propre pique destinée à couper court à l’interrogatoire, alors qu’elle poursuivait, toute son animosité défensive dirigée vers Sovahnn :

«Si c’est la question sous-jacente.
- C’est.. Nan ! se défendit-elle alors que les yeux de Léon entamait une nouvelle navette entre les deux jeunes femmes, se demandant qui de l’honnêteté agressive ou de l’hypocrisie non assumée gagnerait la partie. Nan, Jo, c’est pas ma question,» renchérit-elle et Léon fut à deux doigts de s’esclaffer – allergique à la mauvaise foi presque autant qu’aux arachides.

Parce qu’à la manière dont Jordane irradiait la méfiance, il avait bien du mal à imaginer qu’elle ne se soit pas défendue à juste titre. Sans doute était-il biaisé, trouvant en l’animosité de Jordane des valeurs bien plus aisées à suivre que tout le reste. Elle parlait le même langage de défense agressive que lui, aussi était-ce plus facile de lui donner raison que de prendre le risque de contrarier également ses propres réactions. Puérile, sans aucun doute.

Un ange sembla passer, vite dégagé du ciel par une Sovahnn désireuse de mettre fin aux questions – ce qui les arrangeait tous, elle y compris. La petite blonde les passa donc en revu un par un, soulignant leur fatigue et cherchant à savoir s’ils nécessitaient encore des soins, ne récoltant qu’un silence qui s’était fait religion au fil des heures. Encore une fois, Léon se demanda quel étrange reflet ils renvoyaient. De Maxence qui usait des mots comme s’ils étaient des tessons de bouteilles coincés dans son œsophage à eux deux, affrontant l’assemblée dans un coin de la pièce. Jordane en punching-ball vivant qui semblait se demander ce qu’elle faisait dans le salon et transpirait la méfiance. Et lui, juste à côté au lieu d'être proche de son frère, qui gardait les poings serrés à s’en enfoncer les ongles dans le creux de la paume.

Il s’en aurait fallu de peu, sans doute, pour que la conversation ne se gangrène de nouveau.
Alors Léon inspira, expira, le regard perdu loin par delà la baie vitrée.
Il avait besoin d’air.

« Tiens, Léon suis-moi s’tu veux, lui ouvrit-on contre toute attente une porte de sortie plus que bienvenue. J’ai deux trois trucs qui peuvent servir, » proposa le jeune asiatique, probablement le seul à ne pas souffrir de conflits d’intérêts dans le salon.

Et même sans le coup d’épaule de Jordane qui le dépassait déjà, Léon se serait saisi de l’opportunité de quitter la pièce. Sans un regard pour Maxence – dont il avait cessé de rechercher l’autorisation depuis bien longtemps, et qu’il défiait surtout de faire la moindre remarque à présent – Léon leur emboîta le pas.

« Merci Sovahnn… entendit-il Maxence faire preuve de politesse là où il n’avait même pas songer à remercier leur hôte. Désolé de débarquer comme ça…
-  Nan, arrête au contraire.» le dédouana-t-elle rapidement.

Avant de lancer un pavé dans la marre, qui immobilisa Léon comme un idiot au milieu de la pièce lorsqu’il entendit son prénom.

« Je suis contente que tu sois là Léon, avait-elle donc lâché, ne récoltant qu’un regard du désigné, honnêtement stupéfait. Et puis, sans logique apparente, elle poursuivit : Par contre je vais me fringuer, c’est bizarre devant Maxence, » avant de se diriger vers ce qui devait être sa chambre sous les yeux toujours étonnés de Léon, qui se posèrent par ricochet sur son frère.

S’il n’y avait que ça de bizarre, songea-t-il en regardant un bref instant Maxence dans les yeux.  

La jeune femme en moins et les deux autres déjà proches des escaliers, Léon se retrouvait en tête à tête avec Maxence et une peluche de loup qu’il manqua presque d’écraser sous son pieds. Il se baissa pour ramasser le petit animal. Et puisqu’aucun doudou ne serait jamais suffisant pour faire barrière, il sentit un souffle glacé passer dans son thorax. Comme si une barre d’acier s’enroulait autour de sa poitrine, prête à lui broyer les os. Alors, avant que sa respiration ne se coupe tout à fait et que quelque chose ne sorte de nouveau par vagues de trop pleins, Léon se détourna et emboîta le pas des deux autres. Le tête à tête n’avait duré qu’une fraction de secondes – bien trop, pourtant. Suffisamment, en tout cas, pour qu’il n’accueille la voix de Jordane avec soulagement alors qu’elle lui glissait, teigneuse et insupportablement emmerdeuse un « T’as vu ton frère ? J’choisi mieux mes potes, ». Gonflée, surtout, à en juger par sa petite passe d’arme avec Sovahnn, sur fond de guerre froide et de cliffhanger qui lui demeurait encore énigmatique. Point qu’il ne manqua pas de lui faire remarquer lorsqu’elle ralentie l’allure et vacilla légèrement. «J’vois ça. Ca serait dommage de tomber devant ta pote, par contre. Pas sûr qu’elle ou Maxence n’avale une deuxième fois l’excuse de l’escalier... » lui souffla-t-il en posant sa main dans le creux de son dos pour lui rendre l’équilibre et l’aider à avancer d’une légère impulsion.

Si ses côtes criaient leur désarroi à chaque nouvelle marche – comme si une batte de baseball essayait simultanément de tabasser ses poumons d'un côté et de traverser sa peau de l'autre - Léon devinait sans mal le véritable calvaire que cela devait constituer pour elle. Il ravala néanmoins sa douleur alors qu’ils avalaient les dernières marches, songeant avec ironie que Maxence aurait eu l’air bien malin à leur faire traverser tout Londres à pied.

« Boh… tu reste pas avec Sova ? Tu m’étonnes là…, fit-il une fois qu'ils ne furent que trois, et une ébauche de sourire se dessina sur les lèvres de Léon.
- Ouais, ‘dingue hein.. rétorqua-t-elle, ce qui eu mérite de rendre tangible ce qu’il n’avait fait que ressentir concernant l’animosité des deux jeunes femmes.
- Pourtant j’vous sentais prêtes à faire une partie d’cartes là…
- Ta gueule…» répondit-elle du tac au tac, lui arrachant un sourire un peu plus franc.

Charmante, comme toujours.

« Elle s’inquiète », traduisit-il et Léon glissa un regard vers elle en attendant sa réponse.

Qui ne tarda pas :

« Bah qu’elle arrête, » trancha-t-elle, aussi acerbe qu’elle n’avait réagis à la liste de ses blessures quelques heures plus tôt dans l’arène.

Et alors qu’elle cherchait de nouveau son regard, Léon devina qu’ils pensaient tous les deux aux mots qu’il lui avait glissés au motel, concernant son aversion plus qu’évidente de l’inquiétude des autres à son égard. Une réticence en miroir de la sienne lorsqu’il s’était agi de laisser Maxence prendre soin de lui. Quelque chose de viscéral, un réflexe qui s’était cristallisé dans les trop nombreux actes manqués et qui avait fini par se coaguler lorsqu’il avait été question de se relever seul à de trop nombreuses reprises. Une aversion commune, une des nombreuses choses que la rue prenait sans jamais rendre totalement : l’incapacité à laisser les autres approcher de ce qui ressemblait trop à de la vulnérabilité. Une écharde de plus lorsqu’il était question de renouer avec les autres. Et là, niché dans le bleu javellisé de ses yeux, Léon se demanda soudain s’il avait le même air farouchement solitaire et craintif d’incruster dans sa propre rétine.

« La dernière fois elle avait toutes les raisons de pas avoir les nerfs pour ça. Et j’ai fermé ma gueule. Un partout, détourna-t-elle le regard, mettant fin à ses réflexion. Là c’est moi qu’ai pas les nerfs. »

Ni les nerfs, ni l’énergie, ni la volonté, aurait pour sa part résumé Léon s’il avait été question de lui et Maxence. Quelques instants plus tard, Takuma poussait la porte de son royaume pour les faire pénétrer dans une pièce presque aussi vide qu’une chambre d'hôpital. Chose que Jordane ne manqua pas de faire remarquer, alors que Léon contemplait ce dépouillement d’un air songeur. Quelque-part, le côté rudimentaire et utilitaire du mobilier lui convenait étrangement, un peu comme la chambre du motel lui avait semblait particulièrement luxueuse. Il balaya les quelques objets personnels des yeux, notant la guitare abandonnée dans un coin et les rares vêtement éparpillés, comme si on avait empilé toutes les affaires de la pièce au milieu et balancé une grenade dans le tas. Ou qu’il s’était déshabillé en courant le marathon entre les murs – blancs, sans foritures – de la pièce . En s’approchant du lit, Léon nota le téléphone portable qui y était abandonné alors qu’il enjambait une partition de musique qui traînait sur le sol, comme si quelqu’un avait eu l’idée absurde de l’abattre en plein vol et qu’elle avait échoué sur le parquet pour y être ensuite oubliée. Le soldat Inconnu, en quelques sortes. Non loin de la commode, Takuma reprit :

« Posez-vous deux minutes, ça fera pas de mal… »

Léon ramassa la partition, puis la déposa sur le coussin, en profitant par la même occasion pour y abandonner le loup en peluche qu’il avait gardé dans ses mains depuis tout ce temps, sans qu’il n’y ai d’explication logique non plus. Puis, il s’assit au bord du lit, suivant des yeux l’asiatique, dont les mouvements désordonnée n’étaient pas sans lui rappeler certains de ses ex camarades d’internats. Les personnalités atypiques, cela n’était pas ce qui manquait dans les écoles prestigieuses pour petits génies.

« Jo si je te file des trucs, tu m’envoie chier ou pas ?, fit-il mine de s'inquiéter, et Léon esquissa un autre sourire alors qu’il posait ses poignets vers l’arrière dans une position semi-allongée qui épargnait ses côtes douloureuses.
- Ca dépend, y’a des trucs à fumer ? »  

L’asiatique acquiesça. Léon le regarda un moment fouiller dans sa commode – de laquelle pendait quelques tee-shirts coincés dans les tiroirs, comme s’ils avaient été stoppés dans une tentative d’évasion - et en extirper des affaires. Puis, sentant le regard de la jeune femme sur lui, il releva la tête à son tour pour l’observer. Elle n’avait pas franchement bonne mine, avec tous les ecchymoses qui juraient avec sa peau pâle et les cernes qui enlaçaient ses grands yeux bleus, comme s’ils étaient happés par l’eau sombre de deux lacs. Elle semblait hésiter à s’asseoir, comme s’il y aurait pu y avoir dans la pièce quelque chose susceptible d’être témoin de son état de fatigue. Alors, Léon posa la pointe de son pied droit sur son talon gauche pour retirer sa chaussure, puis répéta le même mouvement avec l’autre. Le message était clair bien que silencieux.

Pas question de redescendre pour le moment.
Pas question de crapahuter non plus.
Elle se laissa tomber sur le matelas.

« Tiens,» fit l’asiatique alors que Jordane tentait un improbable pari avec ses côtes douloureuses.

Qu’elle perdit, évidemment, finissant par simplement rester assise.
Quelle emmerdeuse, songea-t-il alors qu’elle initiait un mouvement vers la gauche pour faire de la place à son ami.

«Si ça peut dépanner déjà. J’ai ça aussi pour les bleus, » précisa-t-il.

Léon se pencha en avant pour récupérer les vêtements et l’onguent - faisant grimacer ses propres nerfs. Pendant quelques instants, il n’eut rien à dire, se contentant de regarder les offrandes qu’il tenait sur ses cuisses. Son genou s’était remis à s’agiter, comme si son corps réagissait à toute cette abondance à laquelle il n’était plus habitué.

« Merci, » répondit-il simplement alors qu’elle collait son genou contre le sien – et sous ses doigts, la texture délicate du coton propre lui serra le ventre.

Il déposa le petit tas sur l’oreiller, non loin de la partition et de la peluche qui surveillait ses nouvelles possessions. Puis se laissa de nouveau tomber vers l’arrière sur ses avants-bras, pour atténuer la tension de son abdomen qui recommençait à le lancer – contrairement à sa clavicule, que Maxence avait réussi à complètement ressoudée.

« Et ça, pour la récup’, continua Takuma tandis qu’il balançait sur le lit de quoi agrémenter la vodka de tout à l’heure d’un peu moins de réflexion encore. Vu votre gueule, moi j’aurais besoin d’un break, commenta-t-il - et Léon s’esclaffa.
- Oui mais toi t’es une petite nature, râla-t-elle pour sa part, alors qu’elle finissait par totalement abdiquer et basculer en arrière, une cascade de cheveux blonds se rependant en auréole autour d’elle, recouvrant l’une des mains de Léon qui trônait à présent non loin de son visage. Nous on pète le feu… ironisa-t-elle alors que Léon se redressait en prenant garde à ne pas emporter une des mèches peroxydés au passage.
- Sur un champ de course, on t’aurait abattue,» lui glissa-t-il alors qu’il récupérait le petit balluchon.

Il le porta par réflexe à son nez – offensant peut-être, mais une habitude acquise par l’expérience. Si Eton l’avait habitué à de la weed de qualité – comptes en banques de petits privilégiés en manque d’adrénaline oblige – cela n’avait pas été le cas de tout les squats. Cela semblait néanmoins de qualité, hormis une fragrance inconnue qui le fit redresser des yeux perplexes vers Takuma. Lequel ne disait rien tout en regardant d’autres petits baluchons comme s’il cherchait un en particulier.

« Tu noteras que j’ai réclamé de la weed et qu’il a rien filé. Les dealers de nos jours …

Le chuchotement le fit baisser les yeux vers elle. Elle avait l'air plus fragile, ainsi observée en contre plongée. Ce qui ne l'empêcha pas d'agiter son petit sachet devant ses yeux envieux. Avant d’articuler en silence un sourire de sale gosse aux lèvres :

« Jalouse ? »

Puis Takuma mit fin à ses jérémiades en rééquilibrant ses dons. Léon fut plus rapide qu’elle en revanche, récupérant sur son ventre l’herbe pour lui poser à la place le pot d’onguent tandis qu’il comparaît les deux balluchons en les humant de nouveau.  Composition différente. Puis, alors qu’il récupérait les petits sachets de thé – et après avoir dégagé la main de Jordane d’une pichenette et d’un « Avec un poignet dans cet état, la seule chose que tu risques de rouler c’est ton tendon, » presque aussi exaspéré et autoritaire qu’amusé – il entreprit de rendre le tout exploitable.

« Alors comme ça, tu travaillais pour mon frère ? Finit-il par demander – curieux malgré tout -  alors qu’il glissait les deux filtres à l’intérieur de la feuille, avant de rouler consciencieusement les deux joints. Et vous faisiez quoi ? Je doute que Maxence soit très branché… jardinage, » rigola-t-il en plissant les deux filtres avant d’inspecter son travail un instant.

Puis il tendit à Jordane le sien, comme si tout cela était naturel. Sans trop savoir à quel moment le nous avait fini par s’imposer dans ses phrases à elle ou ses actions à lui. Et sans avoir très envie de réfléchir non plus. Il y avait quelque chose de confortable dans cette chambre, dans l’étrange fluidité de la conversation qui n’était pas sans lui rappeler les soirées étudiantes dans lesquelles les confessions les plus intimes succédaient sans logiques à de longues périodes de silence. D’une certaine manière, cela lui rappelait aussi quelques-unes des soirées passées en compagnies d’autres gamins aussi paumés que lui dans la rue – parce qu’il y avait eu des moments plus doux que d’autres, sans lesquels il n’aurait évidemment pas tenu le coup. Il était loin d'être aussi courageux.

« Sans abuser de ta générosité, tu n’aurais pas du feu ? » questionna-t-il alors simplement en glissant le joint entre ses lèvres.

De quoi respirer autre chose que ma rancœur, songea-t-il alors que l’asiatique lui tendait un briquet avoir de nouveau fouillé dans son sac. Il l’alluma, tira une première bouffée. Puis, mécaniquement, il décala les cheveux de la jeune femme sur le côté pour ne pas les écraser et s’allongea à son tour, les yeux rivés vers le plafond. Épaule collée à la sienne, coude enfoncé dans le matelas, il fit tournoyer le briquet entre ses doigts non loin de son visage, songeur, avant de souffler longuement vers le plafond.

Et de fermer les yeux.

« Merci, » chuchota-t-il alors, sans savoir lui-même à qui s’adressait ses mots.

( :blush2: )
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Léon Wargrave
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