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Honeymoon (Avril 2017)

 :: Londres :: Sud de Londres
Mer 17 Avr 2024 - 21:16
11 Avril 2017.
17h30



« Je sors, » déclara Léon.

Pantalon noir flanqué au dessus d’une paire de basket neuve - d’un blanc immaculé qui ne pouvait que signifier qu’elle n’avait jamais frôlé le moindre extérieur, comme lui depuis presque un mois - le tout agrémenté d’un pull fin tout aussi sombre, le plus jeune des Wargrave se tenait droit au milieu du salon de sa nouvelle prison. Et si la qualification était sévère - puisqu’il y avait un lit, un frigo et une douche, ce qui faisait trop points pour le paradis après quatorze mois en enfer - en ce début de soirée Léon était dangereusement prêt de confondre les murs de la maison avec les barreaux d’une cellule. Alors, il soutint sans sourciller le regard de ses nouveaux colocataires, peu désireux d’entrer en conflit avec eux mais certain également qu’il y mettrait les formes s’il leur prenait l’envie de le retenir. Il avait besoin d’air – et pas seulement celui de la fenêtre – d’espace – et pas seulement celui de la chambre – et d’occupation – une qui n’aurait rien à voir avec la rénovation du deuxième étage dans laquelle Sovahnn l’avait embrigadé.  

« Tu... là maintenant ? fit Sovahnn en retirant un écouteur de son oreille, tandis que sa fille mâchouillait l’autre avec entrain. Genre.. en prenant cette porte-là, ou celle-là ? » demanda-t-elle d’une voix qui n’avait rien d’innocente, tandis qu’elle désignait tour à tour la porte menant vers l’écosse et le réseau de cheminette menant à la capitale Londonienne.

Question piège, évidemment. Bien sûr, Léon avait toujours était bon menteur, fin manipulateur et excellent stratège. Mais il n’était pas magicien. Alors, pour rejoindre l’endroit qu’il avait en tête, il allait devoir rentrer dans cette foutue cheminée qui trônait entre le canapé sur lequel était installé un Takuma pour l’instant silencieux et le tapis d’éveil sur lequel étaient assises Sovahnn et sa fille. Et il n’y avait pas trente-six solutions pour y parvenir. D’autant plus qu’eux, par contre, étaient bien magiciens. En plus d’être dotés de téléphones portables, option Maxence en numéro favori. L’allégorie de son cauchemar personnifié, en sommes.

« Je vais à Londres,  déclara donc Léon en vrillant ses yeux dans ceux de la jeune femme, comme pour bien indiquer qu’il ne lui demandait pas la permission.
- ... Super. Très belle ville. Tourisme au top et bars sympas mais… commenta-t-elle, et Léon ne se fit aucune illusion sur l’ironie qui suintait de ses paroles, … on est sûrs du soir de pleine lune en plein rush des meurtres en ville ?
- J’ai rendez-vous, balança-t-il de but en blanc, sourire de sale gosse étalé sur ses lèvres. Avec … Jordane,» osa-t-il, brusquement inspiré, en haussant innocemment ses épaules vers le haut, sourire de sale gosse angelique étalé sur ses lèvres, nuance.

Une image lui creva la cervelle. Jordane, lui faisant face dans l’arène de Djenco, avec son sourire carnassier, ses poings serrés, son Hoodies trois fois trop grands aux couleurs sombres sensé camoufler sa féminité à tous les hommes qui se rinçaient pourtant déjà les yeux et ses promesses de cogner avant de… Ouai. Pas déconnant, comme alibi, finalement.

« Et je suis presque certain qu’elle n’a pas vraiment prévue de me manger tout crû. »

Il en faisait des caisses, évidemment, jouant de cette allusion aux loup-garous en choisissant de balayer les doutes et la prévenance par un humour qu’il savait ne pas être drôle. Lier son escapade à Jordane était risqué, mais Léon avait saisi la tension entre les deux femmes et il n’avait pas franchement de meilleures cartes à jouer que de parier sur leurs mésententes pour espérer s’en dégager une porte de sortie. Et curieusement, cela fonctionna.

« Bah j… bafouilla-t-elle, sa main levée suspendue sans but au dessus de sa tête en guise d’étendard à sa surprise. Ce soir, vraiment ? »

Elle échangea un regard avec Takuma qui avait tout l’air d’une négociation silencieuse. Ce qui était bien surprenant, étant donné que Léon n’aurait jamais parié sur le moindre allié.

« O...ké, » abdiqua-t-elle contre toute attente.

Et encore moins un avocat aussi efficace.

« Et... bah… rentrez-pas dans le même état que la dernière fois, commenta-t-elle après avoir gonflé sa poitrine puis expiré bruyamment, comme si elle luttait contre elle-même tout en étant convaincue qu’il fallait lâcher prise.
- Promis,» fit Léon de cette voix dont il avait le secret, à mi-chemin entre la sincérité et l’insolence, sans que personne n’arrive vraiment à en placer le curseur.

Pas qu’elle l’agaçait, mais la véracité de son inquiétude était une nouvelle flèche de plantée dans son cœur. Une preuve, s’il en fallait encore une, de l’urgence qu’il ressentait à prendre l’air. Toute cette gentillesse, toute cette sollicitude, tout cet intérêt pour le petit-frère retrouvé, était en train de l’asphyxier aussi certainement que s’il était enfermé dans un garage en poussant à fond les moteurs pour respirer du monoxyde de carbone. Et plus il réalisait que se sentir étranger dans un environnement pourtant accueillant était ce qu’avait dû ressenti Maxence lors de son adoption, plus il avait envie de fuir. Seulement pour constater que là encore, c’était ce qu’avait fait son frère.

Fais chier.

« Hey, Léon ? l’interpella-t-elle alors qu’il s’apprêtait à traverser le réseau de cheminette.
- Hm ? Répondit-il en se retenant très très fort de lever les yeux au ciel en songeant qu’elle venait probablement de changer d’avis – ce qui, si près de la sortie, s’apparentait à une forme de torture morale particulièrement sadique.
- Dis lui que j’vais la tuer. »

Léon leva un triomphal pouce en sa direction puis disparu sans demander son reste. Sensation nauséeuse mise de côté, il fallait au moins rendre à la magie la première place question optimisation du temps de trajet. Une fraction de seconde : c’était ce qu’il lui avait fallu pour quitter l’Écosse et rejoindre l’Angleterre. Difficile de faire plus rentable. Mais parfois, Léon se demandait si cela était vraiment quelque chose de bien : cette façon de voyager à l’instantanée, comme si la destination comptait plus que le voyage. Peut-être qu’autant de raccourcis, ça finissait par tordre l’espace et le temps, jusqu’à rendre les sorciers particulièrement doués lorsqu’il était question de disparaître en un claquement de doigts pour oublier de revenir pendant une poignée de mois. Ou peut-être que cela n’était qu’une nouvelle raison de reprocher à Maxence ses trop nombreuses absences alors qu’il aurait été si facile pour lui d’être là-bas la journée et chez eux le soir, l’espace d’une seule petite heure en n’ayant monnayé qu’une seule demi-seconde pour transplaner.

Qu’importe, à présent.

Avec Maxence, cela avait toujours été comme ça. Des relations en vase communiquant où il suffisait que l’un veuille faire un pas pour que l’autre ne souhaite reculer. Et ce soir, Léon n’avait plus envie de réfléchir. Il avait besoin de sortir, pour arrêter de se sentir aussi mal dans un foyer où tout le monde s’occupait si bien de lui. Cela avait toujours été Maxence, l’orphelin, après tout. Celui qui aux yeux de Léon ne savait pas profiter de l’amour des gens, ne savait pas faire confiance lorsqu’on lui tendait la main, qui était toujours sur ses gardes en ayant peur qu’on ne l’apprécie pas pour les bonnes raisons. Jusqu’à prostituer sa gentillesse et son héroïsme au plus offrant. C'était Maxence, qui fuyait. Pas lui. Et pourtant. Alors, il ne voulait plus songer aux rôles qui s’inversaient. Parce qu'il n’était ni aveugle, ni stupide : et sans avoir besoin de demander, il avait saisi l’étrange mécanique bien huilée de la colocation, la manière dont ils gravitaient tous les uns autour des autres pour prendre soin de chacun tout en ayant tour à tour l’air d’avoir tutoyé les étoiles du Paradis tout autant que les flammes de l’enfer. Il avait compris que les autres, ceux dont Léon avait tant maudit Maxence de les avoir choisi, c’était eux. Sovahnn. Takuma. Tim. Tant d’autres. Et puis Liya, dont la présence était si facile à apprécier parce que forcément honnête. Léon ne pouvait s’empêcher de pousser le parallèle jusqu’à la manière dont Hannah avait tant parlé de Maxence s’occupant de lui enfant. L’avait-il trouvé honnête, lui aussi ?

Stop, songea donc Léon en quittant l’appartement Londonien pour se glisser dans les rues de la capitale, inspirant avec soulagement l’air extérieur pour la première fois. Sans avoir à réfléchir, il prit la direction de Westminster Bridge. C’était ironique, ça aussi : d’avoir tant envie de retrouver la rue après l’avoir tant exécrée.  Mais ce soir, c’était du ronronnement de ses entrailles dont il avait besoin, d’un lieu où il n’y aurait ni magie, ni sourire, ni sollicitude, ni trop plein d’amour. Pas alors que lui se sentait désespérément seul au milieu de personnes qui possédaient sans nulle doute toutes les réponses aux questions qu’il se refusait pourtant à poser sur son frère. Et plus Léon les côtoyait, plus il se demandait si le vieil homme sénile tout là haut ne l’avait pas foutu justement , dans cette famille qui n’était pas la sienne, comme pour lui faire comprendre ce qu’avait dû ressentir son frère lorsqu’il avait été propulsé chez les Wargrave sans vraiment faire parti de leur monde non plus.

Si c’est sensé me donner une leçon, va bien te faire foutre, Monsieur-Puissance-supérieure.

Et puisqu’il était question de faire taire toutes les interrogations dans sa tête et de foutre le feu à ce qui lui servait visiblement de conscience défaillante, Léon traversa le pont pour rejoindre le Londres Underground dont chacun des recoins pulsait encore dans sa peau. Dans ses débuts dans la rue, il avait commencé par traîner dans ces quartiers, juste avant de s’y faire totalement engloutir. Et contrairement à ce que véhiculaient les offices du tourisme, ces longs tunnels désaffectés n’étaient pas uniquement le repère des néo-artistes engagés qui usaient de leurs talents et de leurs bombes de peintures sur les murs arc-en-ciel de Graffiti Tunnel. Léon s'y engagea donc avec la sensation de reprendre à l’envers un parcours initiatique, frôlant les mur sans même regarder les tags qui s’étalaient au dessus de sa tête en guise d’étoile – un enchevêtrement de labyrinthe sombres et en plein centre, le visage apocalyptique d’une femme portant un masque à Gaz qui vous regardez de ses yeux accusateur. Il joua des coudes et des hanches pour s’extirper de la masse compact des touristes qui arpentaient encore les lieux en cette fin d’après midi, iPhone en main et épilepsie du flash de l’appareil photo à l’appuie. Au dessus de leur tête, la rame du métro de Waterloo s’ébroua et pendant quelques secondes, le tunnel entier vrombit comme s’il s’agissait d’une bête féroce. Un sourire traversa les lèvres de Léon : étrangement, il se sentait presque chez lui. Alors, il bifurqua jusqu’à Old Vic Tunnel puis emprunta une portes de service, une parmi une multitude d’autres.

Celle avait une Lune de tatouée juste en dessous de la serrure.

Il descendit à la volée les marches, s’enfonçant dans la gueule de la bête avec une sensation fourmillante au creux du ventre. Non. Il n’aurait pas pu sortir un autre soir. Parce que depuis il ne savait combien d’année, une des plus grosses soirées underground était organisée dans les tréfonds de Londres avec pour seul repère le calendrier Lunaire et pour seule invitation le fait d’en connaître l’existence. Et, avantage indéniable de vivre dans la rue : on finissait par en entendre tous les murmures jusqu’à répondre à presque toutes ses invitations. Et cela tombait bien : dans ces soirées, elles y étaient toutes présentes, de la drogue à la prostitution, en passant par la simple envie de danser sans jamais se préoccuper de l’heure qu’il était ou des corps qui se mouvaient contre d’autres. Il n’y avait plus de marqueurs de temps, sous terre. Plus de morale, non plus. Tout y était étouffé, des rayons du soleil à celui de la Lune, en passant par les préoccupations qu’il était conseillé de laisser en surface. Alors, pendant un instant, seule l’obscurité engloutie Léon. Il suivit les petites lunes fluorescentes que l’on avait bazardées en guise de plans aux intersections, reconnaissant les lieux au fur et à mesure qu’il se rapprochait du complexe.  Puis, peu à peu, le rythme des basses lui parvint et il déboucha dans une immense pièce ovale, seulement éclairée par les néons qui balayaient de façon psychédéliques les lieux. Tout y semblait sorti d’un rêve à l’ambiance steampunk, avec ces néons futuristes qui balayaient les visages et faisaient luire les vêtements clairs comme des lucioles. Beaucoup de participants avaient également joués le jeu et nombres d’entre eux portaient des masques de créatures cauchemardesques, le tout dans une ambiance étrangement féerique et horrifique. Maxence aurait détesté le savoir dans un tel endroit. Ce à quoi Léon lui aurait était rétorqué que ce tunnel était bien plus sûr que n’importe quelle rue Londonienne, raison pour laquelle il avait choisi des mois durant de s’abîmer à travers les faux masques de monstres pour ne surtout pas craindre d’en croiser un véritable en surface. Léon n’était pas idiot : lorsque la vague de meurtre s’était déclarée, il ne lui avait pas fallu longtemps pour croire aux histoires qui s’étaient murmurées tout bas dans les squats. Pas question d’être sage plus que de raison, néanmoins. Parce que ce soir, plus que les autres, il avait besoin d’oublier : son frère, leurs parents, la magie, les murs étouffants de la colocation, l'affection qu'il commençait à ressentir pour ses habitants. Les vrais monstres qui grouillaient à l’extérieur du Tunnel ou dans sa tête l’effrayaient bien plus que ceux qui peuplaient actuellement la rave-party. Alors, Léon se dirigea vers le bar, tenu par un serveur au grand masque de Loup-Garou – ambiance oblige.

Et avec la ferme intention de se mettre la tête à l’envers, il prit place sur l’un des tabouret et commanda son premier verre.

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( :bvo: )
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Léon Wargrave
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Léon Wargrave
Ven 19 Avr 2024 - 15:11
Dans une gerbe de flammes, la silhouette maigre de Léon disparaît de l’atmosphère douce de la maison écossaise. A l’extérieur, les bourrasques de la côtes agitent les arbres, frappent les murs et font grincer le toit et les fenêtres. Rien d’anormal ici où l’air du large charrie par moment la puissance de la nature. Il est changeant, le temps en avril. L’humeur changeante des éléments s’oppose au calme tranquille qui se maintient dans le salon, malgré l’approche braque du cadet Wargrave et l’hésitation évidente venue les choper tous deux aux tripes. D’un regard, les deux gamins se sont surpris à devenir chaperons, incertains d’accepter de prendre un tel rôle après être sortis de bien des années d’enfermement.
Comment gérer ça ? Il y a quelque chose d’absurde, en vérité, à voir Léon se retourner vers eux - vers Sovahnn - pour annoncer son départ. Quelque chose de plus aberrant encore, de la voir buter sur le sujet. Comme si elle avait la moindre autorisation à donner.
Qu’importe la tranquillité des lieux, s’ils sont deux à se faire face, engourdis dans les canapés du salon, ce n’est pas pour rien. Si Tim n’a pas le calendrier dans la tête, Takuma et Sovahnn, en revanche, ne loupent jamais la moindre pleine lune. Dans le silence, se trouvent en sous texte l’inquiétude au sujet d’Enzo, de Caitlyn, la conscience que d’autres meurtres pourraient avoir lieu ce soir, ou qu’un drame pourrait être annoncé au matin. L’herboriste sait qu’il sera sur le pont, avant même l’ouverture de la boutique, à chercher dans les prunelles des inconnus l’éclat de la panique. Il sait qu’il attendra des nouvelles de Caitlyn et de sa première nuit dans la planque qu’elle s’est fait force de sécuriser en périphérie de Londres. Il sait qu’ils seront plusieurs à faire mine de ne pas s’inquiéter, mais à sursauter à chaque vibration de leur téléphone.
Pourtant ni l’un ni l’autre ne fait mention de quoi que ce soit. Ni Sovahnn ni lui-même ne demandent à leurs proches de se tenir loin du danger, de s’enfermer durant ces nuits qui n’appartiennent qu’à eux, ou de tout leur dire. Ainsi lorsque Léon annonce son départ, le regard bourrasque de Sovahnn rencontre le sien. Derrière leurs valeurs, s’est logé l’inquiétude d’un frère en arrière de ça, la présence inlassable de Maxence pour eux, à chaque instant où ils ont pu en avoir besoin. Il en a fallu, des paroles calmes et assurées, pour déloger l’ancien infirmier et lui faire accepter de leur faire confiance. De laisser de l’espace à son frère. Du temps.
Mais Léon n’est pas sorti. Isolé, obtus, il s’est enfermé entre quatre murs et s’est esquivé à chacune de leur tentatives. Alors, sans véritablement se consulter, les deux sorciers ont choisi de lui accorder ça. Pas leur histoire, pas leurs douleurs. A lui de gérer.
Mais le voir débarquer ainsi, un soir de pleine lune ? Bien sûr qu’il les inquiète. Bien sûr qu’ils tracent en un éclair toutes les merdes possibles de la soirée et que soudainement, les gamins deviennent gardiens, pas tout à fait à l’aise avec le rôle qui leur est donné sans que qui que ce soit sache trop par qui. Par Maxence, sans le dire. Par Léon, en affirmant son départ comme un ado brave sa mère. Par la force des choses, surtout. Et puisqu’ils vivent tous vers Sovahn, c’est vers elle que tous les regards se sont tournés. Elle qui a tenté de verbaliser les dangers, la possibilité de sortir un autre jour ou ce soir mais ailleurs. Un instant, Takuma l’a vue hésiter, tenter de le retenir, envisager s’interposer comme ce à quoi s’attend clairement Léon. Il a vu la gêne dans le regard de son amie. Y a lu l’inquiétude et la peur. Aucun mot n’a filtré, sans besoin même de donner sa propre opinion : une seconde encore, l’ancienne Poufsouffle a oscillé avant de retrouver la solidité de ses valeurs.

Combien de fois l’a-t-elle réaffirmé ? Incapable de magie, désarmée dans un monde qui n’a de cesse de la prendre pour cible, elle refuse de céder à la terreur et de mettre sa vie en pause. Elle se bat à coup de sourires et d’humanité, une qualité qu’il a toujours admiré tant elle aurait toutes les raisons de douter de l’Homme plutôt que de le défendre.
Ainsi, bien sûr qu’ils l’ont laissé sortir.
Ils n’y a jamais eu aucune clef.

Pourtant à présent Léon parti, le silence se charge d’une pesanteur nouvelle. Lèvres pincées dans une moue incertaine, Sovahnn fixe les flammes de l’âtre sans sembler remarquer la fascination renouvelée de sa fille pour la fermeture éclair de son sweat. Passion similaire à celle qui fait d’elle une adulatrice des cordons des hoodies de son parrain.

- Il se fait vraiment Jo ? L’interrogation sort, légère. Et derrière elle, Takuma devine la question sous-jacente : j’ai bien fait, hein ?
- Qu’est-ce que j’en sais ? Derrière sa grimace, et son air de s’en foutre, la réponse dont elle n’a pas envie : aucune idée.
- Nan ouais je sais, j’ai juste besoin d… qu’est-ce que tu fous ? Le coup de nez qu’elle adresse au Japonais désigne le téléphone qu’il sort sans hésiter.
- J’ui d’mande. Assis en tailleurs, à hausser des épaules.
- Genre elle va te répondre sur un truc pareil.. Tente via Enzo, sur un malenten…
- Elle a rep.
- ‘Tain, sérieux ?! Et ?
- Elle dit que si.
- Hm hm..

Et de nouveau, le silence les rejoint. Il s’étale un instant. Puis Takuma se lève.

- Quoi, toi aussi tu sors ? Tu vas te faire ton danseur, c’est ça ?
- Ouais, pas un mot pour Caitlyn.. C’est un rire nerveux qui les rattrape tandis que l’herboriste passe une veste et attire à lui ses chaussures par un accio marmonné sans convictions.
- Juré ! Un salut type scout accompagne la vanne et appuie son regard interrogateur.
- Ils mythonnent ; J’le suis.
Et à l’instant même où Takuma verbalise l’évidence, Sovahnn lâche un “Oh putain merci..” tout en enfonçant davantage son dos dans le dossier du canapé.

***

Peut être n’aurait-il pas dû.

La ville l’avale un peu plus à chaque pas. Des flaques au sol à l’humidité qui suinte des murs, elle entre en lui et s’insinue à chaque inspiration.
Léon aurait pu se diriger vers les rues bondées, les quartiers touristiques ou les bouges plein de bars tendances. Il aurait pu choisir l’extravagance des soirées étudiantes ou le confort des pubs intimistes. Mais de ruelles en bouches de métro, de graffitis en tunnels, une sensation familière se met à serpenter. Glaciale, elle s’enroule autour de ses côtes et coule jusqu’à sa gorge. Déjà, elle inverse le cours de la logique. Elle ravine vers le haut, se moque de la gravité et des certitudes. Elle lui lèche l’échine, à chaque volée de marches empruntées, aux symboles qu’on reconnaît trop vite quand on côtoie les milieux qu’il ne faudrait pas.
Quelque part dans les tunnels, quelque chose goutte et l’écho parcours les sous-sols. Devant, trop loin pour le voir, Léon marche.
Non. Il n’aurait peut être pas dû. Déjà parce qu’il n’a jamais été des plus efficaces pour suivre qui que ce soit et qu’il pourrait perdre sa piste à tout moment, mais surtout car la sensation familière ne tarde pas à serrer son étreinte.
Elle serpente jusqu’à ses tempes et y glisse un rire moqueur.
Il l’a perdu.
Qu’importe : l’ado en lui sait où aller. Il se sait chez lui. Il connaît ces rames abandonnées, ces tunnels sans fonds, ces goulots d’étranglements et ces cloaques humides. Il connaît la piste, celle qui mène à l’oubli.
Alors Takuma enfonce ses mains profondément dans ses poches et rentre sa tête dans ses épaules.
Après tout, il a peut être bien rendez-vous avec Jordane… Peut être peut-il partir. La jeune femme n’en a jamais parlé, n’a jamais montré la moindre inclinaison pour ces soirées de tous les dangers. Mais un drogué sait en reconnaître un autre quand il accepte d’observer. Alors comme il ne sait rien d’elle et se sait sur la piste de la vérité, Takuma suit les petites lunes qu’il chercher du regard à chaque embranchement.
Petit à petit, le “plop” régulier et les bruits lointains de pas laissent place à l’écho lointain d’une soirée.
Dans les poches, ses poings se serrent davantage. Ici, aucun réseau. Coupé du monde. Coupé de tout. Le monde de la surface semble loin soudainement. Sa réalité avec lui. C’est le danger de ce genre de lieux, tout y est perçu comme déconnecté du réel.
Il inspire. Bloque. Sort son téléphone. Effectivement ; pas de réseau. Dégluti. Le range. Poursuit.
Il pourrait être là, avec elle. Elle le protégera et lui n’a rien à foutre dans leur vie privée. D’un autre côté, ce serait irresponsable de se barrer maintenant. Mais de quel droit fait-il ça ? Oui, mais s’il se passe quoi que ce soit, Maxence ne s’en remettra pas. Pas plus que Sovahnn. Ouais. Il doit y aller. C’est comme ça.
Et puis le monde est si loin ici…
Ce n’est plus la rue qui l’englouti, c’est tout le reste. Jusqu’aux basses qui pulsent sous ses côtes et résonnent dans ses veines.
Son cœur accélère. Plus fort encore.

De toute manière, ce serait con d’être arrivé jusque là et de se barrer. Il pourrait arriver n’importe quoi ce soir.
S’il partait, personne ne le saurait.
S’il restait, personne ne le saurait.

Dans un geste vif, Takuma attrape les quelques billets qui traînent dans sa poche arrière et les lâche au sol avant de se laisser engloutir par les néons, la foule, le trop plein de tout.
Enzo détesterait être ici, surtout aujourd’hui.
Pourtant c’est très exactement à lui qu’il songe lorsqu’il balaye l’assistance du regard. Les visages clignotent au rythme des néons. A chaque vague lumineuse, il imagine son pote à ses côtés, deviner le vide qui lèche déjà ses veines. Et chaque fois que les lumières s’éteignent, c’est autre chose qui l’attire. Une torsion dans ses tripes.
Les billets abandonnés résonnent sous sa boîte crânienne dans un tempo électro.
Inspirer, expirer.
Un battement de paupières, et il est le gamin d’hier.
Un second et son regard tombe sur deux personnes qui s’embrassent et font passer une pilule blanche d’une langue à l’autre.

- Yes… La musique lui arrache sa voix, ultime trahison à son besoin de repères.
Trouver Léon. Garder un but.
S’il pénètre la foule, c’est en battant la mesure sur sa jambe. En calant entre ses doigts de guitariste le rythme qu’il perçoit dans le tumulte. Il y joue des notes, cherche le tempo tandis même que ses poumons se gonflent et se vident trop vite, trop lentement. Jamais bien agencé. Mais les doigts suivent. Ils battent la mesure, forment des partitions sur sa jambe.
De quoi inspirer un peu mieux. De quoi circuler un peu dans la foule, puis trouver un coin à l’écart, là où Léon pourrait se trouver. Là où deux types s’envoient une ligne, surtout.
Demi-tour.

Sur l’échelle des conneries : répète après moi : tromper ta nana serait un meilleur plan que… ça.

La bouche sèche. Un soupir profond jusqu’à vider totalement ses poumons. Ignorer les tremblements de ses mains. Ignorer le vertige dans sa chair. Ignorer l’envie, brusque et intime, qui revient à la charge.
Un coup d’œil sur son téléphone. Pas de réseau. Pourtant il passe le doigt en alternance entre deux numéros contacts. Enzo, et Caitlyn.
Ranger le téléphone.
Inspirer.
Lever les yeux au ciel en entendant le souffle sec entre ses propres narines.
Se gratter le bras.
Attarder ses ongles au creux du coude.

Rejoindre le bar.
Ignorer qu’il s’agissait de la première destination à avoir, la plus logique. Et que le détour est celui de la tentation, rien d’autre.
Apercevoir Léon.
S’en foutre.

Il le sent à peine, son regard qui s’échappe loin de Léon et qui cherche dans la foule d’autres mouvements. Rien à foutre des corps qui s’échauffent, de la musique trop forte et des rires. Rien à foutre du bourdonnement constant. Rien à foutre de son coeur au borde de la tachycardie.

C’est un concert putain. Une rave. Rien de plus. T’es capable de gérer un putain de concert.  

Mais ça n’a rien d’un concert.

Il est pas loin, tu le gardes à l’œil jusqu’au jour. C’est tout.

C’est tout.

En s’adossant à un pilier dont la pierre colle aux tissus de ses fringues, Takuma sort un joint, l’allume et tire dessus en fermant un instant les paupières. Une autre taff. Encore une autre.
Il se concentre sur chaque sensation qui lui emplissent les poumons. Surveille Léon de loin. Fume encore. Puis prend au cours de la soirée quelques graines de pavots des Indes à sucer. Et un ter de sa propre préparation. Pavot, badiane, weed, et bien d’autres produits qui tiennent de la déformation professionnelle.
C’est ainsi que se passe les quarante minutes qui suivent son arrivée sous le feu électrique des néons.
Les notes sur sa cuisse. La beuh dans ses veines. La médication.
Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive avoir perdu Léon de vue depuis des lustres au profit de la recherche d’abîmes de chaque membre de la foule qu’il observe avec envie.

Alors seulement il manque d’air.
Alors seulement, sa gorge s’étrangle et ses côtes lui font mal.
La nausée s’invite.
Les pensées répliquent, comme le ferait un séisme : “D’un autre côté, quitte à l’avoir perdu….” “Personne en saura rien.” “Si ya bien un moment pour craquer..” “T’es à l’endroit parfait”…

Durant quelques minutes, Takuma longe le bar, puis s’extrait de la salle ovale et sent son regard cavaler sur les pavés sales qui tapissent le sol. Plus un billet, évidemment. Il en hurlerait.

Un regard en arrière.
Et le demi-tour.

Le tempo est furieux, lorsque ses pas le ramènent dans les tunnels. Il n’y a plus personne dans ses pensées, plus un ami, plus un soutien. Plus qu’une seule idée qui lui mord les tripes et lui filent le tournis.
Dans sa fuite, Takuma tombe. Dans sa fuite, Takuma se relève et accélère encore. Dans sa fuite, il se cogne, s’écorche, peine à ouvrir une porte et manque de s’y coincer les doigts.
Dans sa fuite, il n’y a plus que le sifflement de sa respiration erratique.
Puis il débouche à l’air libre et qu’importe à quel point il inspire, l’oxygène peine à passer ses veines. Il tourne. Ne rêve que d’y retourner. De passer à la coloc pour prendre l’argent. De..
En sortant son téléphone, le tremblement de ses mains l’envoie au sol et un hurlement de frustration lui tranche la gorge. Puis il ramasse l’appareil et chaque mouvement de ses doigts laisse une traînée humide et sale sur l’écran.

Tu sais, foutu pour foutu, on sait toi et moi comment ça va finir..

La sonnerie perce les bruits lointain de la ville. La lumière de l’écran l’aveugle. La voix d’Enzo l’étouffe.
- J’ai… Fait une connerie. Mais ses mots lui échappent, noyés dans le trop plein d’une respiration qu’il ne maîtrise plus. Et le téléphone qui lui tombe de nouveau des mains.

Qu’est-ce qu’il va dire ? Qu’est-ce qu’il va penser ? Toi, après ce qu’il sait, dans un lieu pareil ? On sait tous ce que ça veut dire. C’est déjà un miracle qu’il te fasse confiance.
Une plainte étranglée lui passe hors de la gorge quand il se saisi de nouveau de son téléphone et force sa respiration à se poser. Paupières closes, larmes au bord des yeux, Takuma ignore les regards que ceux de la surface posent sur lui. Il souffle, respire. Entends au loin le timbre calme mais inquiet de son meilleur ami. Son ami. Qu’importe. Enzo est le seul qui sache. Le seul qui ait notion de qui est Léon. Les liens se font avec la même vivacité anarchique qui foudroie le reste de son corps.

- Le frère de Max s’est barré de la coloc, je l’ai suivi. Il est à une rave underground. J’tiens pas. J’suis désolé j’tiens pas. Faut que je me barre de là. Faut que quelqu’un gère. Les mots tombent en rafale. Ils lui arrachent la gorge.
Volés à ses addictions.

Il aurait voulu l’attendre. Le laisser le mettre en sécurité. Ne pas le laisser avec quelques indications pour retrouver Léon. Simplement se raccrocher à un ami.
Mais s’il avait fait ça, Enzo l’aurait sans doute trouvé quelque part dans les sous-sols, une aiguille dans le bras.
Ainsi, à son arrivée, Takuma se situait à des miles de là. Sur la gomme amortissante d’un terrain de sport. Trempé de sueur, à bout de souffle, à courir jusqu’à ce que ses jambes ne le portent plus. Casques sur les oreilles, musique à fond. Puis direction la boutique, sa guitare, l’ensemble de fioles et de produits dont il pourrait se faire une overdose légale quitte à ne pas déraper.

- Ça va. J’me calme. Tu l’as trouvé ? - Lui a-t-il envoyé, sur la gomme humide du stade.
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Takuma Ishida Hayato
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Takuma Ishida Hayato
Ven 26 Avr 2024 - 12:15


Mardi 11 Avril 2017 – Au petit matin (heure locale)
Ventura, Californie

J’ai devant les yeux une carte des Alpes Françaises sur la droite et un exemplaire d’un journal clandestin sur la gauche, l’esprit à demi concentré sur l’un et l’autre. Juste à côté de la carte un cercle d’eau marque l’îlot de la cuisine, vestige du verre que je viens de descendre et sur les côtés duquel pianotent mes doigts sans réellement faire de bruit.
Les seuls sons qui percent le silence de ce matin d’avril sont sensiblement les mêmes que chaque matin. Le fracas de l’océan contre les rochers en contre-bas, le vent dans les arbres du jardin, le chant des oiseaux … et Wax qui défonce sa gamelle de croquettes après m’avoir accompagné pour courir pendant plus d’une heure. D’ici trois minutes il ira s’écrouler sur le carrelage à l’endroit le plus frais possible et oubliera jusqu’à sa propre existence le temps de recharger les batteries. Le frigo ronronne presque aussi fort que Lune dont les oreilles bougent comme des paraboles sur le sommet de son crâne. Posée comme une brioche là où elle n’a pas le droit d’être, comme toujours. Quant à Einstein il est bien trop occupé à essayer d’attraper les rideaux pris dans un courant d’air pour faire attention à quoi que ce soit d’autre. Ils vont finir par lui tomber dessus et je vais finir par les raccrocher à la tringle, comme toutes les semaines ou presque.

Le quotidien a repris ses droits et le poids que j’avais sur le cœur a fini par s’envoler au fil des jours. J’ai retrouvé mes marques, une dynamique un peu différente, un certain recul sur beaucoup de choses. Il y a deux semaines les gros titres des journaux mentionnaient la chute de la Garde de Myrddin, un choc pour tout le monde et qui a eu pour conséquence de nous couper les uns des autres pendant quelques temps. Nous, les Lycans, ceux engagés dans la Résistance depuis le début et en contact avec des Gardiens. On a vécu des moments de stress intense à se demander si ceux qui ont fait ça allaient remonter jusqu’à nous, se protéger a par la force des choses impliqué un éloignement physique mais pas seulement. Communications coupées, réseaux shut down, de quoi naviguer à l’aveugle jusqu’à décider de reprendre contact petit à petit. D’où la carte dont j’étudie les reliefs en faisant glisser mon index sur les lignes discontinues. D’ici quelques heures je décollerai pour l’Europe, la France plus particulièrement, pour retrouver Benjamin et les autres. Des mois qu’on n’a pas fait ça, qu’on ne s’est pas retrouvés pour la Pleine Lune, mais au-delà de la volonté de se revoir l’enjeu est aussi de faire du repérage. Trouver de nouveaux spots pour les transformations, des endroits où se replier en cas d’urgence, chose que j’envisage peut-être de faire ici aussi – Aux USA. Chaque chose en son temps mais la pression se fait grandissante au pays de l’Oncle Sam et ces enfoirés d’extrémistes gagnent du terrain. Quant aux Rafles, ça n’est qu’un murmure pour le moment, une rumeur, mais l’ignorer serait complètement con. Des Lycans disparaissent, c’est une réalité peu importe la forme qu’elle prend et qui en tire les ficelles. Gouvernement, Non Magiciens, faction qu’on ne connaît pas encore … Chose your fighter.

J’ai l’air du mec qui gère, c’est le cas mais pas sans effort. Les émotions brutes n’ont pas disparu d’un claquement de doigts et surtout pas à l’approche d’une Pleine Lune mais je connais le schéma. Je l’ai dessiné déjà plusieurs fois.
Je m’exprime plus, je coure plus, surfe plus, m’entraine plus et plonge à corps perdu dans tout ce qui me permet de canaliser les vagues d’adrénaline qui viennent m’attraper parfois pour me plaquer au sol. Pas question de jouer au con, un peu centré sur moi-même je sais que ce qui est bon pour moi l’est forcément pour ceux qui m’entourent et c’est à ça que je m’accroche les jours où la quiétude se fait moins évidente. L’attrait des ombres flirte avec mon âme, ça n’est pas quelque chose que je nie ou cherche à écraser. Je ne cherche plus à les repousser mais à les apprivoiser, en faire de véritables alliées.

Et puis il y a ça.
Lui.
Nous.

« J’suppose que tu vas me dire que cette chemise c’est un total hasard ? » Absolument pas.

Pas besoin de réellement lever le regard vers lui pour distinguer les contours de sa silhouette, apercevoir la couleur du vêtement dont je parle. Un autre jour ça n’aurait été qu’un détail, qu’il choisisse spécifiquement celui-ci pour porter cette chemise n’a rien d’un geste innocent. Un cadeau d’Eleanor, qu’elle lui fait sur mesure, mais ça n’est pas pour ça que je plisse le nez et esquisse un sourire en coin. Pas non plus pour ça que les battements de mon cœur accélèrent leur course dans ma cage thoracique. Le calendrier lunaire n’a aucun secret pour lui, elle est là l’unique et seule raison à ce choix vestimentaire. Parce qu’il sait le feu qui mord la surface de ma peau comme l’intérieur de mes veines, la chaleur qui consume mes nerfs depuis que j’ai ouvert les yeux sans pouvoir les refermer quelques heures plus tôt « J’ai attrapé le premier truc qui m’est passé sous la main. » Je m’en fous de ce qu’il porte, ce mec n’a aucun sens du style et je ne le boufferais jamais autant des yeux que lorsqu’il n’a pas la moindre trace de tissus sur la peau mais certains trucs attirent mon regard plus que d’autre – ce qu’il a « innocemment » choisi de mettre aujourd’hui en fait partie « Bien sûr. » La main à plat sur la carte cette fois c’est sur cette dernière que mes doigts pianotent, l’ambre de mes iris désormais ancré droit dans le bleu des siens. Entre nous quelques mètres, l’ilot de la cuisine, rien que je ne pourrais pas franchir en moins de temps qu’il n’ait pour réagir et c’est précisément ce qu’il cherche « Fallait pas te tirer à 5h du mat pour aller courir, t’aurais pu m’aider à m’habiller. » La provocation s’installe dans des gestes lents, des regards appuyés, des sourires jamais vraiment francs et ce de son côté comme du mien. Le désir grimpe, prend ses aises, si mes bras retombent le long de mes flancs et que je me redresse c’est pour glisser mes mains dans les poches de mon short. Pas changé, les pompes larguées sur la terrasse, la fraicheur du carrelage caresse la plante de mes pieds. Je m’approche, lent, nonchalant, prenant un plaisir non dissimulé à le toiser de toute ma hauteur et je pourrais presque sentir sa peau frissonner sans même le toucher.

Mais comme toujours je fais face à un aplomb qu’il tiendra jusqu’au bout, à un regard détaché, une maitrise de son corps que je compte bien faire flancher. Parce que je connais ses faiblesses autant qu’il connait les miennes et que ce jeu qui s’installe entre nous à des allures de retour en arrière. Pas qu’on avait perdu l’habitude, la vie a simplement rendu ces moments-là moins évidents ces derniers temps.
Là je nous revois dans les couloirs de Poudlard, à se chercher comme deux p’tits cons entre découverte et connaissance ardue de l’autre. Tout en moi brûle de cette envie de plus en plus furieuse d’établir un contact direct mais je garde les mains bien à l’abri dans le fond de mes poches « Ça fait deux ans que j’te chauffe tous les mois Love, j’vais pas m’arrêter maintenant. » Love. Un surnom que j’entends tous les jours mais qui me fait descendre un violent frisson tout le long de la colonne vertébrale ce matin. Son accent, sa voix traînante et un peu rauque, la façon qu’il a de me regarder comme s’il était déjà mentalement en train de me déshabiller … Dans ma tête éclate déjà des flashs lumineux, mélange de souvenirs et de projections « Et toi tu vas m’dire que tu fais pas exprès de traîner dans cet état dans la cuisine peut être. » Peut-être, peut-être pas. Peut-être que je sais à quel point ça te donne chaud quand j’ai l’air le plus négligé et à l’arrache possible, que tu cherches la puissance de mon corps dans chaque mouvement que j’opère, peut-être que tu vas finir prisonnier si je continue d’avancer et toi de reculer. Un pas encore, son dos rencontre le mur et ma main gauche s’y pose à plat. Là, juste à côté de son visage, le mien baissé juste ce qu’il faut pour plonger mon regard droit dans le sien de manière plus franche « Je pue, je colle, ça ne devrait pas t’exciter comme ça. » Moqueur et provocateur, oui, mais ne me demandez pas de détourner les yeux quand c’est son allure à lui qui est totalement déstructurée.

L’animalité cavale dans mes veines, je la laisse faire, lui offre sans trembler ni ressentir la moindre honte parce que jamais il ne m’a jugé. Pire, c’est ce qu’il cherche à éveiller et mes lèvres viennent effleurer les siennes sans les toucher. J’entends son cœur battre, accélérer, son souffle s’écourter en écho avec les miens.

Ne pas poser les mains sur lui devient douloureux.
Le calme avant la tempête, l’envie gronde comme un orage dans le lointain.

Ω

La vague est passée, mélange de rire et de soupirs, de caresses et de corps entremêlés, d’une envie commune qui devient symbiose quand les âmes se retrouvent elles aussi. S’en foutre de tout, simplement se regarder dans les yeux et se sourire comme deux cons amoureux. Si je dessine des arabesques sur sa peau du bout des doigts les siens effleurent les contours de ma mâchoire, tous les deux étendus nus sur le sol. Je voudrais rester là des heures entières sans rien dire, sans rien faire, à simplement me shooter de sa présence et de cette aura de bonheur, de complicité, qu’on a réussi à réinstaurer. Ça ne l’empêchera pas de trembler pour moi chaque fois que la lune sera à l’apogée de son cycle mais je le sens jusque dans le fond de ses prunelles, quelque chose s’est apaisé « Dépêche-toi de rentrer. » Du pouce et de l’index j’attrape son menton en douceur, cueille ses lèvres d’un baiser, puis un autre. Si je pars c’est pour 24h et là tout de suite c’est la dernière chose dont j’ai envie « Pas avant d’avoir été cueillir pour toi la plus belle fleur sur le plus haut des sommets ... » Tout y est : Le regard larmoyant à gerber, sa main dans la mienne, une voix mielleuse sortie tout droit d’un soap opéra ou d’une tv novela. Et le mal fou à garder mon sérieux « Ok, j’retire. Reviens pas. Jamais.
- J’irai décrocher la lune pour toi mon amour ! » Je t’aime comme un fou mais toi et moi on le sait, si un jour je me mets à te parler comme ça premier degré le divorce sera prononcé. Et pitié, abattez-moi.

¥

Londres – Fin d’après-midi/début de soirée

« Ramène moi du fromage plutôt qu’une fleur.
- Et si c’est la mienne de fleur ?
- Y a bien longtemps que j’te l’ai prise ta p’tite fleur. »


Définition : Sourire comme un con en attendant son Portoloin, le portable entre les mains.

Perché dans les collines au-dessus de Ventura c’est à côté d’une vieille roue de vélo rouillée que je me tiens, un œil sur la montre et l’autre sur l’écran de mon téléphone. Ça faisait un moment que je n’avais pas été aussi détendu avant une Pleine Lune alors je me laisse planer sans trop réfléchir tant que je le peux. Je sais que d’ici quelques heures je croiserais sans doute les regards inquiets de Solas et Jody, contraste direct avec le calme plat et la maitrise de Ben et Zari. Egoïstement ou pas je n’ai pas envie de me demander si cette nuit résonnera du chant du chaos, tout ce que je veux c’est fermer les yeux un instant et me laisser bercer par le soleil qui me caresse la nuque.

Le seul truc qui me fait revenir sur terre ce sont les vibrations de mon téléphone et si je m’attends à voir apparaitre un autre message de Liam ça n’est pas le cas. Ça n’est pas un message mais un appel, et même s’il s’agit d’un p’tit géni ayant porté les couleurs des Serdaigles c’en est un autre. Est-ce que je sens le vent tourner ou bien je me drape dans le déni ? Jusqu’au dernier moment j’y ai cru, ancré dans l’instant présent, mais le naturel revient au galop et avant même de décrocher je sais qu’un truc ne va pas. L’instinct, l’habitude, appelez ça comme vous voulez. Ce que je sais c’est que taux de sérotonine vient de chuter drastiquement et qu’importe la chaleur agréable du soleil il n’y pourra pas grand-chose « J’ai… » Ca commence par les paupières qui s’abaissent quasiment au ralenti, un soupir qui vide tout l’air contenu dans les poumons. Puis les réflexes s’éveillent, le pragmatisme prend le dessus, les sentiments aussi. Ceux que l’on ressent pour les gens à qui on tient et qui portent bien des noms. L’amitié, un mélange d’angoisse et de colère, une sensation d’injuste à peine assumée. Un simple mot buté et je comprends que ça ne va pas, j’aimerai que ça ne me prenne pas autant de temps avant de m’ouvrir aux autres – pure illusion, il ne s’agit que de secondes avant que le cœur s’emballe et l’attention soit focalisée.
Un claquement agressif m’éclate le tympan, j’imagine le téléphone qui tombe sur le pavé, lui échappe des mains. Un mot et les tremblements de sa voix comme ceux qui agitent ses mains m’ont sauté à la conscience. Ça racle le sol, des bruits me parviennent sans distinction, ils ne m’intéressent pas. Je me fous pas mal de savoir s’il est dans le fond d’une cave ou sur une plage de Cancun, comme si l’endroit avait la moindre importance. Les images qui me flottaient dans la tête depuis le réveil change, j’y vois maintenant Takuma étendu sur le sol une aiguille dans le bras et l’urgence vient m’exploser le plexus avec violence « Parle moi. » Je sais qu’il est là, j’entends son souffle erratique et la panique dans une plainte à peine audible. Debout sur le sentier à faire les cents pas je ne me suis même pas vu me lever « Le frère de Max s’est barré de la coloc, je l’ai suivi. Il est à une rave underground. J’tiens pas. J’suis désolé j’tiens pas. Faut que je me barre de là. Faut que quelqu’un gère. » Et tu t’aies dit que la meilleure option c’était le mec qui change de peau une fois par mois et dont l’identité circule dans les dossiers de la Police Magique. Injuste, plus ou moins, mais ce sont les nerfs qui parlent et la conscience qui s’étire jusqu’à se scinder en deux. Faussement hésitante « Attends, Takuma tu ... » Trop tard, la panique a laissé place aux tonalités qui sonnent dans le vide. Plus personne à l’autre bout du « fil » et je reste comme un con le regard dans le vide pendant que ça fuse dans mon esprit. Les secondes s’égrènent comme du sable glisserait au travers du conduit étroit d’un sablier. C’est visuel, comme des cases qui s’imbriquent les unes aux autres, tracent une ligne de conduite. Premier réflexe, trouver sa localisation exacte – on en apprend des choses quand on vit avec un hacker. Ça n’a rien d’une évidence pour moi mais tout ce que je peux espérer c’est que sa localisation soit activée parce que là tout de suite t’es une putain d’aiguille dans une botte de foin mon pote. Des raves j’peux t’en trouver sur une plage du Mexique ou à Bali mais dans les rues de Londres ça devient plus compliqué, le soulagement est en demi-teinte quand je vois apparaitre le dernier endroit où son téléphone a pingué avant de disparaitre. A ce moment-là mon regard oscille entre mon téléphone et le Portoloin, si j’étais toujours assis mon pied claquerait contre le sol sous l’agitation de ma jambe « ‘Chier ! » C’est une idée de merde, on le sait tous et moi le premier. Mais envisager de laisser Takuma seul face à ses démons ? Impensable. Et appeler Caitlyn ne serait qu’une idée de merde de plus. Quant à Léon là tout de suite en toute franchise il n’a fait qu’effleurer ma conscience.

Encore un regard vers la vieille roue de vélo, le geste est vif et rageur quand j’attrape mon sac à dos et transplane vers un autre Portoloin. Direction Londres, des barricades mentales autour du crâne.

J’fais juste un saut pour voir Takuma.

Message envoyé à Will sans me demander dans quel état ça va le mettre parce que je ne peux pas gérer ça en plus. Il connait mon pote, sans savoir ce qui le ronge il sait que parfois j’suis l’un des seuls à pouvoir être là pour lui en atteste les quelques jours qu’il a passé chez nous il y a des mois de ça. Je crois que je me raccroche à ça pour ne pas me laisser happer par des angoisses tout juste apprivoisées et quand l’air froid et humide de la Capitale Anglaise vient me fouetter le visage plus rien ni personne d’autre n’existe que mon objectif : Trouver Takuma, l’arracher à ses démons et le mettre en sécurité, tracer ma route jusqu’à un spot safe pour me transformer.
Un regard à gauche, un à droite, capuche sur la tête mes sens sont à l’affut et tous poussés dans leurs extrêmes. Je sais ce que je cherche, plus ou moins, pas vraiment étonné de tomber sur son répondeur quand j’essaie de l’appeler. Trop de monde, trop d’odeurs, aucune certitude d’être exactement à l’endroit par où il est passé alors je cherche d’autres indices, des basses qu’une oreille humaine ne capterait pas. Mon cœur cavale comme un troupeau de bison lancé à pleine allure dans les plaines du Yellowstone, ma tête est sous pression. Faire attention à l’heure qui tourne, à ma peau qu’un connard pourrait décider de s’offrir ce soir, à mon pote qui est peut-être en train de foutre en l’air des mois ou plutôt des années de sobriété, tout ça en restant concentré pour faire le tri dans la myriade d’informations qui bourdonnent autour de moi comme un essaim d’abeilles. Une conversation à droite, de la musique à gauche, une odeur fantôme tout droit, les clics incessants des appareils photos alors que je m’engouffre dans les tunnels désaffectés que les touristes viennent mitrailler. Jamais foutu les pieds ici, dans un autre contexte je m’y arrêterai sans doute par curiosité, ça me rappelle Melbourne. Quand un métro passe juste au-dessus et fait trembler les murs, agresse mon ouïe de grincement, c’est une montée d’agacement que je ressens. Pourquoi est-ce qu’il a fallu que le frère de Max décide de sortir ce soir après avoir passé un mois enfermé ? Qu’est ce qui est passé par la tête de Takuma pour le suivre ?

Je l’admets, j’ai suivi cette histoire de loin et pour éviter de mettre qui que ce soit mal à l’aise – moi y compris – j’ai peu souvent débarqué à la coloc ces dernières semaines. J’avais aussi besoin de remettre les pieds dans mon quotidien, le ré apprivoiser, que ce soit à la maison ou en dehors. Et avec William. On a passé beaucoup de temps ensemble, juste tous les deux, une envie et un besoin partagé mais là tout de suite ça n’est pas le sujet.
J’sais pas qui est Léon, on s’est simplement croisés une fois ou peut être deux sans vraiment se parler alors je n’ai aucun a priori sur lui. Mais voilà, au-delà d’être le frère d’un type que j’estime énormément il a aussi intégré la vie de Sovahnn, Takuma et Tim. De Jo aussi. Si Takuma a jugé que c’était plus prudent de le garder à l’œil qui je suis pour remettre ça en question ?

Un connard qui risque sa peau au pire moment possible.

Pause. J’me fous pas mal de savoir de quoi j’ai l’air immobile au milieu des rails rongés par la rouille. Le regard braqué droit devant moi je ne vois rien si ce n’est des taches qui se déplacent et n’ont pas le moindre intérêt. Ce sont les mots que j’accroche, les rires, le bruit des Doc Marteens sur les traverses ou du briquet qui craque. L’odeur de l’essence, celle de la beuh qui envahit l’espace, le pas nonchalant mais décidé d’un groupe qui avance à l’unisson comme s’ils savaient exactement où ils allaient. Je mets l’humain de côté, appelle l’animal en moi qui ne s’encombre pas du stress ni du reste. Eux, ils deviennent la proie que je ne dois pas lâcher. J’ai imprégné dans ma mémoire olfactive leur fragrance, mes yeux survolent les couleurs électriques qui dansent dans leurs cheveux.

Et puis cette lune au-dessus d’une vielle porte qui grince elle aussi, les gonds solides qui survivent au temps qui passe. Les marches qui descendent vers les profondeurs où je ne devrais pas m’engouffrer. La sensation de me jeter dans la gueule du loup vient me coller à la peau, un truc que je chasse en secouant la tête. Le loup ici, c’est moi, et jamais je n’ai eu peur de l’obscurité.
Mais les ombres ne sont pas ce qui m’oppressent le plus. La Bête rêve de liberté, l’humain supporte difficilement d’être enfermé alors ces murs qui n’ont de cesse de se rapprocher matérialisent des peurs qu’il faut apprivoiser. Un mantra qu’on se répète, une façon de se rassurer : Tu ne risques rien. Un éclair de magie et je disparais, c’est aussi simple que ça. Quand le son s’en mêle le malaise s’étend, ça résonne dans ma cage thoracique et sature mes sens. Je pourrais presque sentir ma vue se brouiller mais ça n’est qu’illusion, les rires deviennent une agression, comme une meute de hyènes attendraient de voir l’Apex Prédateur vaciller. Qui aurait pu croire que retrouver la lumière serait pire ? Pourtant c’est le cas. Pas ma première fois mais si proche d’une transformation les repères ne sont plus les mêmes, on relance les dés. Ma peau commence à tirer, dans ma cage thoracique les battements de mon cœur ne sont plus qu’un bordel désorganisé. Rapides, irréguliers, j’ai la gorge sèche et mal au crane. Tout devient agression, y compris le contact incessant avec d’autres corps. Qu’ils passent, dansent ou trébuchent les chocs sont comme une lame qui viendrait cisailler ma peau sur la surface. Pas assez pour faire vraiment mal, toujours trop pour être supportable. Je sens les regards, j’entends les voix, incapable de me concentrer sur eux je ne réponds pas et me fraie un chemin dans la foule sans la personnifier. Ici rien qui puisse me choquer mais le rire que je lâche pue l’ironie quand je perçois certains masques.

Pas de réseau.
Pas de Takuma.

Les odeurs d’acide et d’alcool m’entêtent et si j’essaie de puiser au plus profond de moi ça me prend d’interminables minutes pour réussir à me couper du monde de façon sensoriel. Ne plus entendre le son, ne plus sentir ces épaules, ces mains ni ces hanches qui me percutent, me détacher des odeurs en les isolant une à une. Dans mes tempes j’entends cogner mon cœur, c’est sur ça que je me concentre quand mon regard croise et accroche celui de Léon.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Mar 30 Avr 2024 - 14:07
Pour son premier mois dans la colocation, Léon avait décidé de céder à la tentation charnelle et à l’alcool – et dans cet ordre précisément. En partie parce qu’il n’avait pas de quoi se payer un troisième verre, en partie parce que les féministes avaient réussi ce fabuleux combat de l’égalité entre les sexes qui allait peut-être lui permettre de faire d’une pierre deux coup. Vivre sans la moindre possession lui avait au moins appris plusieurs choses : la patience, la négociation et l’art de bien cerner les gens. Alors, appuyé négligemment contre le bar, Léon laissa ses doigts jouer en toute innocence contre un verre abandonné, son pouce glissant sur la surface alors que son regard se perdait pour la quatrième fois sur le visage de celle qu’il observait depuis son arrivée. La vingtaine, ou vingt-cinq ans bien timide, des cheveux qui cascadaient jusqu’au creux de ses reins, un visage pâle accentué par son maquillage de vampire et une robe noire sans faute qui caressait à peine la naissance de ses genoux. Simple et efficace. Cinquième regard, plus appuyé cette fois. Suffisamment longtemps pour que ce dernier ne la brûle, mais pas suffisamment pour être trop intrusif non plus – question de dosage. Et lorsqu’elle chercha l’origine de l’attention qu’on lui portait en relevant son visage, il détourna les yeux et laissa sa tête rouler très innocemment le long de son épaule, feignant d’avoir été pris sur le fait. Et parce qu’il n’avait plus dix-sept ans non plus, il entama le même mouvement en sens inverse, retombant de nouveau dans son regard. Et s’esclaffa en silence en haussant ses épaules. Pas franchement contrit d’avoir été pris sur le fait mais assez timide pour paraître un brin débutant. Elle se mordit les lèvres et une jolie teinte rosée lui colora les joues, accentué par la lumière fluorescente des néons qui léchait sa silhouette. Elle était vraiment jolie. Alors, pour toute réponse, Léon fit mine de se ré-installer dans sa direction et posa sa main dans son menton pour mieux l’observer, un petit sourire de flanqué sur ses lèvres.

Joueur.

Elle détourna les yeux après avoir secoué la tête, amusée, reprenant sa conversation avec ses trois autres amies. Mais lorsqu’elle tourna de nouveau la tête, Léon était toujours là, les yeux en embuscade derrière ses cils bruns, la dévorant des yeux sans préavis. Elle regarda autre part, une seconde, deux secondes, passa une main derrière une mèche de cheveux blond, la ramena derrière son oreille, revint vers Léon. Et Léon était toujours là, Léon ne bougeait pas. Alors, elle porta son regard sur l’une de ses amies, puis l’autre, sembla trébucher un peu sur la conversation, replaça le bracelet à son poignet, puis de nouveau la mèche, s’autorisa un nouveau regard vers l’autre bout du bar. Et Léon était toujours là. Léon n’avait pas bougé. Et il était toujours là lorsqu’elle prit congé de ses amis puis s’approcha du barman à la tête de loup-garou – devait-il préciser qu’il s’était expressément placé à cet endroit pour qu’elle puisse avoir l’excuse toute faite de venir commander un nouveau verre ? Elle posa ses mains à plat sur le comptoir, se mettant sur la pointe de pieds pour couvrir de sa voix les basses qui continuaient de faire vibrer la salle et les corps sous ses pulsations sourdes. Très jolie, définitivement.

« Un Cosmopolitan,» l’entendit-il commander, avant qu’elle ne tourne la tête vers lui et oh.

Oh.
Gagné.

« Et toi ? lui demanda-t-elle d’une voix mielleuse, un brin timide – adorable, en fait.
- Un scotch, » lui répondit-il en lui rendant son sourire, ne lui faisant ni l’affront de refuser ni celui de ne pas confirmer l’intéressement.

D’autant plus qu’il avait particulièrement soif – d’alcool, et de contact. Alors il récupéra le verre, lui frôla les doigts au passage avant de la frôler de nouveau du regard pour finir par frôler son genou du sien une quinzaine de minutes plus tard. De ce qu’il avait appris entre deux musiques aux rythmes particulièrement hypnotiques qui rendaient difficiles la compréhension d’un mot sur trois, elle s’appelait Camille – ou bien était-ce Cathy ? - et étudiait l’anthropologie – ou quelque chose d’autre qui finissait en -ogie. Elle avait des lèvres couleur cerise et des yeux vert particulièrement hypnotisant, comme si quelqu’un avait versé un peu de sirop à la menthe dans deux grands verre d’eau transparents. Et alors qu’il était à deux doigts de se pencher enfin vers elle pour lui voler un baiser qu’elle appelait généreusement en jouant de ses cheveux pour lui dévoiler son cou – son point faible, clairement – Léon commit l’erreur de laisser ses yeux glisser derrière le bar par dessus l’épaule délicate de la jeune femme.

Et ce qu’il vit arrêta net son geste.

Il fallait dire qu’il avait plutôt une bonne mémoire visuelle. Et le type qui le regardait de l’autre côté du  bar n’était pas franchement de ceux dont on pouvait sciemment ignorer la présence – de près, de loin, dans une rave-party ou encore moins quand il faisait irruption dans la maison Écossaise. Et si on rajoutait à cela qu’il se trouvait être aussi l’ancien – actuel ? - propriétaire de la chambre dans laquelle Léon dormait - essayait de dormir - cela faisait beaucoup de raisons – et absolument aucune coïncidence – pour le reconnaître. Bien sûr, Léon aurait pu réussir à royalement l’ignorer, lui et ses quasiment deux mètres de muscles hypertrophiés, mais cela n’était pas le cas de Camille shlash peut-être-Cathy qui suivit son regard et tomba sur Monsieur-muscle.

« C’est un ami ? Ou ton frère, peut-être ? Demanda-t-elle en glissant contre son oreille pour qu’il puisse réussir à l’entendre par dessus la musique.
Pitié, non, j’ai bien assez du mien. songea amèrement Léon en secouant doucement la tête, son nez effleurant celui de la jeune femme avec douceur tout en essayant de sortir Maxence de sa tête.
- Non. Je le connais pas, » mentit Léon, souffle chaud contre sa peau d’opale.

Son front se frotta contre le sien, alors que ses lèvres lui volaient un premier effleurement. Puis un second, plus appuyé, avant que le cerveau de Léon ne le déconcentre tout à fait. Qui ? Quand ? Pourquoi ? Est-ce que Maxence avait fini par lui coller un putain de traceur sorcier sur le corps ? Cette simple idée le décontenança tout à fait, alors que Léon cherchait de nouveau des yeux celui qu’il reconnaissait suffisamment pour que sa simple présence en ces lieux ne puisse être due au hasard. Il était toujours là, évidemment.

Fais chier.

La seule variable inconnue, c’était l’origine de la fuite, la manière dont on avait décidé de lui envoyer Terminator-version-bronzage-californien sur le dos et pourquoi diable...

« Tu n’arrêtes pas de le fixer, pourtant, se plaignit-elle en reculant alors que Léon se mordait les lèvres en sentant que les siennes lui échappaient.
- Excuses-moi, c’est juste que...» essaya-t-il de rattraper le coup en secouant la tête, agacé.

Et ne trouvant rien de pertinent à dire, il botta en touche et se contenta de lui offrir le sourire le plus angélique qu’il avait en réserve et de se pencher de nouveau vers elle, non sans relever les yeux vers le sorcier un bref instant. Deux doigts en travers de sa bouche l’arrêtèrent net en guise de sanction.

«Ok, déclina-t-elle en fronçant les sourcils. Si c’est ton mec, va donc le rejoindre au lieu de me faire perdre mon temps. »

Et elle le planta là dans un magistral mouvement de cheveux blond. Léon la regarda, interloqué, s’éloigner,  puis posa tout aussi théâtralement son front contre la table du bar l’espace d’un instant. Vaincu. Génial. Vraiment. Puis il se redressa, termina son verre et, après un regard vers Monsieur-coïncidence traversa d’un pas décidé tout l’espace en jouant des épaules et des hanches pour se planter droit devant…

« Lorenzo, c’est ça ?» L’apostropha-t-il en s’installant à côté de lui.

De près, il était encore plus grand, si tant et si bien que Léon était presque obligé de relever la tête pour le regarder tout à fait. Il ne se démonta pas pour autant et posa ses coudes sur le bar, tandis que leurs visages étaient de nouveau balayés par les éclairages kaléidoscopiques des néons. De là, il fit un geste au serveur le plus proche – celui avec un masque de cerf tout proprement horrifique dont les grands yeux globuleux semblaient vous promettre tout droit un voyage en enfer. Ce qui était sans doute prophétique, puisque Léon avait vaguement l’impression d’être Cendrillon et que l’autre échalas s’apprêtait à lui sonner les douze-coups de minuit.

Et puisqu'il était hors de question de partir d’ici avec un degré d’alcoolémie aussi bas, Léon reprit :

«Si t’as décidé de flinguer tous mes coups ce soir, alors c’est à toi de payer à la place, articula-t-il suffisamment fort pour couvrir la musique au tempo ridiculement épileptogène qui sortait des hauts-parleurs. Après, si t’as pas envie, t’es pas obligé de me rouler un patin, » le provoqua-t-il en lui adressant son sourire le plus ironique en stock.

Et de battre ostensiblement des cils, pour la forme.

( :catslurp: )
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Léon Wargrave
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