30 juin 2016
« Hm hm »Assis sur le comptoir, le téléphone casé à l’oreille, Takuma écoutait la voix de Dakota sans vraiment le faire. Une jambe repliée sous lui, le livre des comptes posé en équilibre sur la cuisse, le regard dérivant ailleurs. Caitlyn mettait en ordre la devanture, lui remettant un coup de neuf et de jeune. De ses cheveux attachés s’échappaient quelques mèches rebelles lui retombant sur le visage et chatouillant sa nuque. Un ongle un peu long tapotait contre le vieux parchemin, les iris ébènes bloqués sur celle qui était dorénavant son employée. Naturellement il avait trafiqué les déclarations officielles afin d’éviter de plaquer les noms des anciens de Poudlard dans les registres de la plus grande rue commerçante magique du pays. Mâchonnant une racine du bout des dents, le corps apaisé de cette sensation de douce anesthésie qui s’y répandait à mesure du temps passé, Takuma l’observait du coin de l’œil. Les mimiques sérieuses et concentrées tandis qu’elle cherchait à organiser au mieux les lieux. Ce bouquin-ci pour montrer la fiabilité des potions présentées ? Ou celui-là ? Et voilà qu’elle se battait avec un sachet de graines de karubes, physiquement proches de la caroube, elles s’avéraient en fait formées de plusieurs petits insectes du monde sorcier. Ainsi avec un petit sourire, il les observait s’enfuir hors du petit sac, déplaçant ci et là l’agencement réalisé par Caitlyn. Concentrée, celle-ci ne voyait pas ce qu’il se passait et lui restait là comme un couillon à la regarder s’étonner que tel bouquet de plantes séchées soit arrivé en arrière de la pile de granules d’extrait de dragon.
« Hein ? Oui pardon, si si je t’écoute. Dis Dakota tu repars quand exactement ? J’ai un projet dans ton coin et j’aurais peut-être besoin d’un contact là-bas… »Etait-ce l’idée du siècle d’envisager de suivre son ex droit dans sa nouvelle vie alors qu’on tente de l’oublier et ce dans l’idée de trouver des ingrédients pour une potion qu’il soupçonnait en passe d’être tracée ou pire, interdite ? Ce dernier choix correspondait à la pire des possibilités mais avec le gouvernement, il restait méfiant de ce qui pouvait se dérouler en dehors de la version officielle parfaitement aseptisée. Pour l’heure, le projet n’était pas encore totalement abouti et pourtant, comme souvent lorsque Takuma se lançait dans quelque chose, tout se mettait en place jour après jour, déjà prêt à s’emboiter parfaitement. La piste de certaines localisations peu reconnues, le croisement des données, le travail pour garder une apparence de perfection salutaire en plein milieu du monde sorcier…. Tout ce qui resterait à faire, c’était mettre au courant les principaux intéressés. Mais à part Enzo avec qui il avait simplement évoqué son idée et ses inquiétudes, Takuma gardait pour l’heure cette histoire pour lui. Aucun intérêt à donner de faux espoirs ou lancer un branle-bas de combat pour des incertitudes. Et puis à être seul focalisé sur cette histoire, il gardait sa petite bulle de réflexion, totalement hypnotisé par ce qu’il avait à faire de sorte à court-circuiter son cerveau pour l’empêcher de bloquer sur d’autres idées plus toxiques. C’était ainsi qu’il marchait, à bloquer sur un point pour laisser de côté le premier.
Devant lui, Caitlyn comprenait enfin ce qui amenait les choses à bouger dès qu’elle se tournait vers une autre partie de la vitrine. Tout passait sur ses traits, de la surprise à la réalisation, l’agacement et la détermination.
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres à l’instant où elle se retournait, comprenant qu’il l’observait depuis le début, attendant qu’elle percute.
Dans un grand éclat de rire, voilà qu’il se prenait l’une des baies balancées de l’autre bout de la pièce. Une main levée, un sourire joyeux collé aux lèvres, ils communiquaient sans son, l’air faussement agacés.
Et sautant du comptoir Takuma compris le regard de son amie : un client approchait ; il ne devait pas rester au téléphone. Pas de son, donc, entre eux pour se comprendre.
« ça marche ben écoute on en reparle. On s’voit mercredi si tu veux, si j’y vais ça sert peut être à rien que tu payes tes billets. » Dans les yeux de Caitlyn, il lisait l’arrivée du client imminente.
« ça marche, bisous. » Bisous ? Ouais, réflexe. Oops ?
Et s’il vit que Lyn s’apprêtait à traverser la pièce pour le détruire elle-même de jouer ainsi avec le feu, le téléphone était déjà bien rangé et éteint lorsque l’homme se présenta près de la devanture vitrée. Pas besoin de mots, donc. Pas plus qu’il n’en avait besoin pour comprendre que quelque chose amusait Caitlyn derrière lui.
Derrière lui, la guitare se trouvait emportée par les insectes.
« Hey !! » Tandis qu’il se précipitait pour aller s’en occuper, l’éclat de rire de la Serdaigle perça l’air capiteux.