[Shura et Armis] Recrutement

L’odeur d’amande flottait dans l’air. Quelque chose de doux, comme une caresse, volage. En entrant dans l’espace, on est pris par ce mélange d’odeurs, toutes plus sublimes les unes que les autres. Sur les tables de bois, placées de manière un peu aléatoire, des récipients de toutes formes. Quelques fioles en verre, d’autres plus rares, en bois, céramique, ne semblent même pas afficher d’une étiquette leur contenu. Pour se déplacer, il faut entreprendre une marche prudente entre les caisses posées grossièrement au sol. A ne rien y voir, n’importe quel visiteur pourrait renverser la moitié du contenu de ces tables. La faiblarde lumière au plafond n’aide franchement pas à y voir grand chose. Tout juste les fenêtres, prisent d’assaut par des plantes trop hautes dans leur pot, collées devant les fenêtres pour aspirer un peu de lumière.

Le parquet grince sous les chaussures, la poussière est à peine époustée, flottant secrètement dans l’air. Si on tourne l'œil, sur des étagères derrière l’échoppe, on constate des fioles plus discrètes, certaines dans des coffres sous clés. Sans doute des potions d’une rareté différente, tenue secrète ou du moins hors de portée.

L’homme portait une robe de velours pourpre, voûtée d’un air racineux. Son regard s’est déposé sur moi, sans doute intrigué mais sur ses gardes. La tenue peut être, ce costume, très moldu, qui tranche avec ses vêtements. Plus tôt dans la matinée, j’ai eut une intervention qui méritait de m’habiller ainsi, dans le monde des moldus. Ici, il ne fait pas bon vivre de se balader ainsi, dans le quartier sorcier.
Le moment n’est pas fait pour s’éterniser, de toute façon. Prenant les quelques éléments, je me retire en disant aurevoir à l’homme qui semble être un meuble dans cette boutique.
Je suis attendu cet après-midi, et visiblement, il faudrait que je me change.



Cognant à la porte d’un geste rapide. Celle-ci se débloque presque immédiatement, me coupant court. Le bureau est similaire à d’autres que j’ai vu au sein du Ministère. La lumière y est simple et tranche définitivement avec le climat entassé de l’échoppe de ce matin. En contraste, les deux lieux ne pourraient pas être plus opposés. Ici, l’organisation semble régner, bien plus que les couches de poussières de l’échoppe de potions. Derrière un grand bureau en bois, des étagères présentes des multitudes de livres, sans doute de droit, à en juger par les couvertures simples et onéreuses.

“Général Kolyovski. Armis Moore, nous avons un entretien à 14h00.”

Et comme le bon petit soldat, je suis présent, pile à l’heure. Pas avant, jamais, une heure est donnée pour être respectée. L’exercice est simple, usuel après toutes ces années à me forger auprès de mon père. Mes années au sein du Ministère également, sont un bon entraînement. Je suis un homme ponctuel, organisé également sans doute, avec un bureau, bien moins fastueux mais tout aussi rangé que celui-ci.

“Vous êtes en retard.”

La chose est adressée avec la simplicité d’une chose dite régulièrement. En fait, je suis loin d’être en retard et si j’étais plus impudent, je ne me gênerais pas vraiment pour pouvoir lui répondre à ce sujet. Des années de travail sur moi-même et d’investissement presque militaire me retiennent de le lui dire. J’entends déjà mon père me dire : On ne répond pas à son supérieur Armis. On se tient droit et on écoute attentivement. Si on te fait un reproche, tu t’excuses, et tu fais en sorte que le lendemain, tu sois encore meilleur. C’est ce qu’on appelle l’excellence.

L’excellence. A-t-elle un prix ? Porte-t-elle un nom ? Est-ce qu’on devient excellent par la répétition, l’abnégation qu’on offre au service d’un entraînement régulier ? Est-ce qu’on y laisse un peu de soi  ? Est-ce que notre nom de famille nous garantit ce titre ? Est-ce qu’être fils de ou fille de nous offre la possibilité d’essayer, se tromper, réussir ? L’excellence, c’est aussi une belle règle inventée par toutes ces familles de sang-purs, pour pouvoir mieux se voir dans le miroir. Mon père n’apprécierait pas que je pense ainsi.

Obéissant donc, j’entre dans le bureau en me tenant droit. Accusant la remarque sincèrement, bien qu’en réalité, elle me paraît démesurée.

“Je m’excuse pour ce retard.”

Autant le dire, le ton est vraiment sincère même si tout cela n’est qu’un jeu. Et le jeu a déjà commencé, entre moi et ce recruteur. Après tout, son rôle n’est pas là pour me faciliter les choses, loin de là. S’il se tient devant moi, c’est à moi de montrer que j’ai le droit de le priver d’un peu de son temps. Lui est fièrement installé, dans ce bureau pour les Supérieurs. Il est intégré, semble avoir une fonction importante. En face, je ne suis à ses yeux qu’une recrue, une de plus parmi l’ensemble des dossiers sur son bureau. Un épisode dans sa journée, entre deux rendez-vous. Si on y regarde bien, il semble s’être presque déjà fait son avis sur moi.

Le visage de l’homme qui était rivé dans les feuilles sur son bureau se relève. Je croise le regard de cet homme une fraction de seconde avant d’entendre l’ordre. Il ne me surprend pas, il me semble presque naturel. Aussi naturellement que si j’avais obéi toute ma vie -peut être que ça l’est en réalité - je m’assois sur un des sièges face au bureau.

“ Le Manoir des Moore, maître, voilà en quoi je suis utile à la Cause. “
La réponse est aussi concise qu’inutile sans explication, et une minute c’est très court. Jaugeant le regard qui est cristallisé sur moi, évaluant chacune des faiblesses ou des forces que je pourrais avoir, je poursuis.

“Mon nom de famille n’est rien de plus que cela, un nom. Il m’a fait entrer au Ministère, c’est une évidence. Si j’y suis resté, c’est pour mon savoir faire. Pour la Cause c'est différent, ce n’est pas lui qui me fera entrer ici. C’est mon engagement, ma capacité à être résilient s’il le faut et surtout à être prêt à m’engager. Le manoir des Moore, c’est ce qui servira la Cause. L’ensemble des familles de sang pur s’y réunissent pour des soirées, chaque année. C’est le meilleur endroit pour aussi entendre parler de la garde, de ses actions.”

Ce  n’est pas tout à fait la vérité, disons que ce n’est pas que le sujet central de ce genre de soirées. A cela s'ajoutent les opinions politiques, les décisions du Ministère et les discussions secrètes dans les salons privés, entre hommes, une fois la nuit bien avancée. A cela, on ajoute que la plupart des sorciers présents sont de sang-purs mais pas uniquement, il y à également des sorciers classiques, souvent pro-gouvernement et plutôt d’accord de près comme de loin à la Cause. Ce n’est qu’un plus, de toute évidence. Le moyen d’obtenir des informations, sur l’un comme l’autre, au milieu d'effusions de musique et d’alcool. Pour le reste, c’est plutôt l'investissement que je propose, corps et âme s’il le faut pour que la Cause avance.

L’homme face à moi est un monstre de froideur. J’observe son visage lentement, analysant ses réactions, presque inexistantes. Après tout, peut être par égo, j’ai décidé de ne pas lui faciliter la tâche dans son entreprise pour me rabaisser. S’il veut me reprocher mon retard, je m’écraserais et m'excuserai simplement, faisant mieux la prochaine fois. Le retard n’en était pas un, mais contredire un supérieur hiérarchique n’est pas une bonne idée. Si la rigidité de son tempérament se révèle, c’est avant tout un point fort. Etre précis, droit, efficace, sont des qualités que j’ai toujours apprécié à travers mes interlocuteurs. Ce sont des valeurs sûres, dans lesquelles je n’ai pas de difficulté à me projeter. Elles sont simplement faciles à interpréter et traduire : être à l’heure, même cinq minutes plus tôt, c’est faisable. Les anticipations face à des personnages plus créatifs sont difficiles, car il faut savoir composer avec des demandes et des attitudes qui parfois s’excluent, se repoussent et sont incohérentes.

Le grand Shura Kolovski se tient droit face à moi et sa répartie est agressive, piquante. Toujours assis, droit, j’écoute attentivement ce qu’il me dit, ses questions mesurant la présentation. J’aurais pu lui dire qu’on ne peut pas juger une personne en une simple minute. Et en même temps…peut être que dans son monde, c’est le cas. Après tout, l’homme que j’ai face à moi, rigide, froid, à la limite de l’odieux est-il différent dans un autre contexte. Sans vraiment me départir de mon sang-froid, j’écoute ce qu’il dit, mesurant les interrogations.

“Et donc ? Vous êtes la potiche qui nous apporte un joli manoir et des petits fours ?”

Oui ? Vous en voulez ?

Évitant de répondre cela, j’observe en penchant la tête Shura, pas vraiment surprit. Mon père m’avait dit que c’est un homme ferme, implacable. Il m’avait averti que dans ce monde-là, il faut être préparé à ne pas toujours non plus être légitime aux yeux de tous. Surtout, que les ordres ne seront sûrement pas toujours à mon goût et que cela aussi constitue une forme de discipline. Dans la vie, on ne fait pas toujours ce que l’on veut, parfois, il faut être résilient, faire preuve d’abnégation. Le bien commun n’est pas toujours le sien.

Soutenant son regard lentement, une légère lueur amusée dans les yeux. C’est que le sujet à matière à faire rire ou peut être simplement qu’à l’inverse de mon interlocuteur, je commence à apprécier la conversation. A apprécier de me mesurer verbalement à un homme aussi mystérieux qu’impressionnant. Il ne fait pas de doute que s’il a ce rôle, ce sont pour ses compétences. Tendres comme dures.

“Anthony Moore a élevé deux fils Maître. - la correction est dite lentement, presque à la limite de l’insolence, dont je ne me départis que partiellement. Évidemment, je resterais en toutes formes polies, obéissant. Ce poste, je le désire et je suis trop bien élevé et respectueux pour défier l’autorité. En revanche je ne suis pas qu’un bon petit soldat, mon esprit critique n’est pas éteint, et je ne me laisserais pas insulter si facilement. - je vous prie de croire que si l’un des deux est une plante verte, celui-ci ne se tient pas devant vous maintenant.”

La remise en place faite, je ne perds pas mon élan. Me redressant à peine dans le fauteuil, mon regard fait même l’affront d’observer le beau bureau autour de moi à la mention du manoir sertis de diamants. Presque comme pour souligner le fait que l'opulence, s’il elle a lieu, pourrait être quantifiable ici. Certes, le bureau n’est pas sertis d’or mais, il ne laisse plus supposer que son occupant apprécie la misère non plus. Sans rien dire, juste un regard qui sous-entend quelque chose, je continue :

“Les Supérieurs ont des relations, c’est une certitude. La réelle question est plutôt en quoi je peux être utile à la Cause. Mes relations ne sont pas inexistantes, c’est simplement un fait. Elles sont un bagage, qui peut être utile, ou non, il est juste …convenant de l’avoir en tête pour le recruteur des Supérieurs. Un atout, c’est ce qu’on en fait qui est le plus important, vous le savez mieux que moi.”

La phrase est dite simplement, sans aucune once d'insolence que j’aurais pu montrer par un regard ou un début de réponse. En fait, à la surprise sans doute de l’avocat face à moi, je le dis avec presque de la déférence, sans cirage de pompes, juste un homme qui semble mesurer l’importance de l’autre qui se trouve face à moi.

“Vous déformez mes propos.”

Un constat, fait avec douceur en regardant l’homme face à moi. “Les familles de sang-purs ont chacune des contacts et des relations. Si la Cause est forte, c’est probablement en partie pour cela. Ce ne sont pas des manants. Je suis juste prêt à utiliser les informations que je reçois, voilà tout. Maître, je souhaiterais surtout que les choses soient claires : je ne me présente pas ici devant vous sous recommandation de mon père ou parce qu’il porte ce nom. C’est mon héritage certes pour le reste, l’envie est motivée parce que depuis des années, j’observe de l’extérieur sans pouvoir aider. Je suis présent pour pouvoir contribuer à vous aider.”

Loin d’être mal à l’aise face à ses questionnements, j’observe le bureau face à moi, puis Shura. Il me fait penser à mon frère de bien des façons. Ils sont sans doute opposés l’un comme l’autre et si je l’ai traité de plante verte plus tôt, du moins, si j’ai orienté ce dire de Shura, c’est probablement parce que mon frère n’a pas mon tempérament calme. C’est un homme provocateur, emporté, enflammé, qui fait de chaque conversation une bataille âpre. Cependant, s’il semble plus bagarreur, en apparence, c’est un homme emporté, impulsif. L’impulsivité rend les choses…moins précises.

L’ambiance est électrique. Le test est lancé mais l’animosité apparente n’enclenche que ma droiture et ma froideur habituelle. Il en faudrait plus, tellement plus. En grandissant et plus le temps passe moins il est évident de me faire perdre ce contrôle. Pour découvrir ce que je ressens, il faudra probablement plus à ce recruteur. Beaucoup de patience aussi. Il n’en manque pas, à n’en pas douter, cherchant probablement une faille ou quelque chose à exploiter. C’est après tout dans l’ordre des choses : tester les recrues pour ne pas qu’elle craque. Ici, l’environnement est plutôt doux, sur un champ de bataille, face au sortilège endoloris, il en faut un peu plus dans le ventre pour ne pas vendre la moitié des identités de la Cause. Peu y parviennent cela dit, le sortilège est néfaste et fait craquer les plus forts. Cependant, l’idée reste la même, faire en sorte que les nouvelles recrues et par extension les soldats, ceux du terrain, ne soient pas impulsifs.

— Quoi de plus ? Vous souhaitez contribuer, c’est une chose, mais personne ne contribue avec seulement des “relations”.

Les phrases sont lancées avec un rythme presque chirurgical sans aucune démonstration d’assentiment ou de cohésion. Le recruteur ne montre pas comment se déroule l’entretien, c’est probablement un peu déroutant. J’imaginais…autre chose. Une entrevue où les questions s'enchaînent, sans cesse, sur une sorte de jeu de rapidité. Un entretien où on m’aurait posé des questions, parfois faciles, parfois plus difficiles, dans le seul but d'éprouver ma sincérité. Finalement, la discussion semble lente et une seule réponse semble attirer l’attention de l’avocat face à moi. Après tout, la sincérité peut se délier, être façonnée selon nos envies. J’ai toujours pensé que ce sont les actes qui prouvent la vraie valeur d’une personne, dans le monde du travail ou ailleurs.

— Je réitère ma question. Pourquoi vous, plutôt qu’un autre ?

La question est posée une seconde fois. Lentement, j’observe l’homme face à moi. La réponse met du temps à se formuler mais ce n’est pas une hésitation. En fait, les mots sont pesés, pour pouvoir toucher la personne en face correctement. Caressant lentement l’accoudoir du fauteuil sur lequel je suis, pensivement. Puis, le suspend qui s’était créer se brise :

“Je suis un soldat. Je me suis entraîné toute ma vie. En combat, d’abord puis en duel. Je pense être un bon duelliste et mon souhait le plus cher est d’être sur le terrain. Pour être actif, faire en sorte d’être utile pour arriver aux objectifs que la Cause se fixe. Pourquoi moi plutôt qu’un autre ? Sans doute parce qu’un autre ne serait pas obéissant, engagé et faire preuve d’abnégation de cette manière. Parce que je connais l’enjeu : il s’agit de faire changer les choses, au plus profond d’une société qui a peur du changement. Face à la Garde qui n’échappe pas à utiliser de tous les moyens pour y parvenir. Au milieu, des sorciers se cachent chaque jour alors que la médiocrité des moldues est acceptée. Je souhaite que cela change et aide. Que les oppressions cessent. Que les moldus restent à leur place mais surtout que les sorciers et sorcières puissent vivre librement.”

Pas une seule fois le ton est monté, alors que cette diatribe a été proliféré bien des fois, de manière bien moins posée à mon père. Il n’a jamais compris l’enjeu, pour lui, le monde ne peut pas tout à fait changer ainsi. Pas vraiment progressiste, il aime les choses qui sont usuelles, les vieilles figurent d’autorité.
“Ce que je met en avant dans ma candidature, ce ne sont pas mes relations. Ni des diamants Maître. C’est ma présence, mon implication, ma capacité à me battre, à m’intégrer à une mission, à la mener à bien et la réussir.”

Peut-être un peu simpliste, mais que veulent-ils d’autres ? Un homme pour traire la paperasse ? Ce n’est pas trop mon point fort. En revanche, faire en sorte de faire prisonnier quelqu’un, déjouer des tactiques de sabotages, ce sont des processus particuliers.

D’un coup d'œil, j’observe l’homme face à moi avec un calme presque trop apparent. En d’autres circonstances, ce type de caractère aurait perturbé n’importe qui, probablement peu habitué à recevoir autant de froideur. De mon côté, c’est une attitude simple, qui me donne l’impression d’avoir face à moi une personne fiable et rigoureuse. Plus que ça, l’homme semble savoir ce qu’il fait.

L’entretien est un peu lent, sans doute car mes réponses ne sont pas assez approfondies à son goût. Loin de moi l’idée de l’aider, je lui laisse tout le libre arbitre de poser les questions qu’il désire, orientant l’entretien dans un sens ou de l’autre. Le bordel ambiant de l’espace transperce directement avec la contenance et les vêtements que porte cet avocat. Alors que mon discours s’établit, répondant avec patience et de manière posée les éléments, sa main semble s’affairer sur un calepin. Il ne semble pas vraiment écouter ce que je lui dis, comme si l’entretien pour lui était déjà clos. L’est-il ? Il n’y à aucun doute sur le fait qu’il m’aurait congédier à un moment donné pour pouvoir se libérer de ma présence.

Loin d’être surpris, j’observe l’homme avec un peu plus de liberté maintenant que son regard n’est plus sur lui. L’observation est plus lente détaillant jusqu’à la tension dans ses épaules et son regard, définitivement figé sur son calepin qu’il remplit. Pas vraiment surpris, je reste assit, droit et avec politesse. Après un long moment de silence, qui commençait sans doute à être pesant, l’homme pose une question :

— Vous mentionnez la Garde prête à tout pour parvenir à ses fins, mais qu’en est-il de la Cause ? Qu’en est-il des manipulations politiques, de la corruption gouvernementale, des rapts et des séquestrations ?

La question n’est pas surprenante, juste un terrain glissant. Les affres politiques de la Cause sont souvent critiqués, car les discrédits internes, les manipulations sont la cause d’un vrai problème de l’intérieur. Un pouvoir qui ne sait pas s’entendre plein de machinations et de tentatives de renversement n’est pas stable et encore moins fiable.

“La Cause a un réel problème de l’intérieure, parce qu’elle ne montre pas une position stable. Beaucoup de ses membres semblent depuis des années remettre en question le statut ou la position établie des dirigeants, ça renvoie une position de faiblesse.”

En quelque sorte, mais s’entendre parfaitement sur la sphère politique est aussi impossible. C’est ce qui crée le débat, la pensée unique n’est pas non plus fiable.
“Etre prêt à tout pour ses idées, c’est la réalité de n’importe quelle idée humaine, Monsieur, la seule différence est de savoir qui gagnera le premier. Je pense que la Cause a un réel problème en interne, qui influe sur sa capacité à mener ses actions correctement et lui fait perdre en crédibilité. Elle n’opère pas des actions au bon endroit non plus, ce ne sont pas que les moldus les ennemis, ce sont notre capacité à changer aussi les choses, pour notre société de l’intérieur. On ne peut pas tout reprocher aux moldus.”

Une hésitation, juste une, le temps de réfléchir. Il écoute la question suivante, désormais réellement surprit. Il lève un sourcil, perturbé, car il n’avait jamais réfléchi à la question :

“Tout dépend, je ne peux pas vous répondre oui ou non sur une situation hypothétique. Je ne prendrais aucun plaisir à tuer des enfants, ils n’ont aucune place dans ce combat. Le combat c’est nous-même face à nos propres oppressions, les moldus en sont le bouc émissaire. Si les enfants moldus sont une cible, c’est que leur parents en sont la cible principale, je présume ? Dans une situation où il faudrait attirer ces dits parents, je pourrais…faire en sorte que ce soit une motivation suffisante. De là à les tuer ? Ce serait probablement perdre un élément de pression.”

Lentement, je plonge mon regard dans le sien :

“Il n’y à pas de guerre sans verser du sang, c’est certain. La vraie question, c’est est-ce qu’on est prêt à changer notre société tout en étant plus capable de se regarder en face par nos actions ? Il y à un juste milieu à avoir. Je pense qu’on peut être plus intelligent que cela.”

Le jeu de questions réponses se poursuit avec une aisance que je ne m’imaginais pas. Des années, ce sont des années d'entraînement, à discuter de sujets politiques avec mon père qui me donnent au moins le mérite aujourd’hui d’être droit et ferme dans mes positions. Vouloir être recruté pour les Supérieurs est une chose, changé complètement ma ligne de conduite une autre, que je refuse de changer complètement. S’ils sont suffisamment intelligents, ils recrutent probablement par rapport aux forces et qualités montrées par leur recrues, et sans doute leur polyvalence.

La question sur les moldus ne me surprend pas, elle est à l’origine même de la Cause en quelque sorte. Pourtant, j’aurais imaginé qu’une évidence comme celle-ci aurait été établie dès le départ et que j’ai à “faire mes preuves” autrement qu’en élaborant sur le mérite ou non de l’existence des moldus.

D’un regard légèrement moins froid, un peu plu agacé peut être je dis, lentement pour que le propos soit limpide :

“Ils le sont. Sans aucun doute. - probablement pour plus de raisons personnelles que je n’oserais l’avouer. L’enquête de mon homme, disparu dans des circonstances curieuses, a été bâclée, tant par la police magique que moldue. Les moldus sont surtout responsables de l’ingérence dans l’affaire,l’ayant considéré comme parti de son plein gré, à tort. Un exemple parmi tant d’autres qui me poussent à croire qu’ils sont incompétents, inutiles et tarissent la seule possibilité pour les sorciers de vivre à découvert. - ils sont incompétents, déraisonnables, émotifs, ignares et la plupart du temps dangereux y compris pour eux-même. C’est une évidence que je ne pensais pas devoir vous redire. En fait,c’est encore une fois détourné le problème. En sont-ils la cause principale ? Oui. Sont-il le moyen de résolution ? Non, pas tout à fait, Maître.”

Un court instant de suspens, j’ajoute, me passant une main dans les cheveux pour replacer une mèche :

“Pour que la Cause fonctionne, il faut que les rouages internes soient une machinerie parfaite. Si on concentre nos efforts dans un sens, libérer le monde magique, on aura gagné. Simple dans l’idée, pas vraiment en réalité. Le moyen de résolution n’est pas de tué tous les moldus rencontrés, c’est surtout d’arriver déjà à proposer nos idées aux sorciers et qu’ils l’acceptent. Le changement est encore plus effectif quand il n’est pas…forcé disons le.”

Pensif, j’observe l’homme face à moi. Il ne m’a pas semblé que les ego soient à ce point démesurés chez les Supérieurs pour que leur propre faiblesse ne soit pas si évidente mais peut être que la réalité est tout autre. Mêler des forces dans des directions contraires, comme c’est souvent le cas, c’est préjudiciable et cela aide probablement encore plus la Garde.

“Pour la question des enfants moldus, ça dépend. Un enfant est manipulable, il peut être au contraire l’objet qu’on utilise. Il peut tout à fait servir d’appât, parfois sans en avoir même conscience. L’esprit est une chose malléable, la vengeance peut être retourner facilement. Mais il est vrai, ils peuvent aussi constituer un frein, c’est une chose à évaluer en fonction de la personne.”

Observant un instant mes mains, la mention d’un soldat prêt à mourir pour la Cause me fait sourire. Un sourire doux, presque charmé par l’idée. Il n’y à pas vraiment de honte à mourir en homme libre, par quand on combat pour ses idées. C’est quelque chose que l’homme que j’aimais m’a appris, à ses dépens sans doutes. Etre fidèle à soi-même, malgré les railleries et les rivalités.

“Est-ce si mal ? Un soldat peut juste vouloir faire du mieux qu’il peut. Je vous l’ai dit, le changement opère dans chacun des rouages de la Cause. Il faut juste qu’on aille dans le bon sens. Je n’ai pas peur de mourir, par pour mes opinions. Ni pour l’avenir qui nous attend.”

Terminé pour moi