Conspiration & manipulation…

Un verre de whisky à la main, assis sur un fauteuil de cuir rouge au centre d’une petite pièce chaleureuse décorée avec goût victorien, Archibald Hopper Blossom scrutait impatiemment tout autour de lui les tableaux étranges qui ornaient chaque mur, mis à part celui où s’étendait dans une haute commode plusieurs centaines de livres magiques, certainement traitant de magie noire, botanique ou fabrication de potions diverses. L’homme n’était pas aussi serein qu’à l’accoutumée, il n’était pas revenu en ces lieux depuis plusieurs mois, depuis juin plus exactement, alors que la maîtresse de la maison et lui-même avaient l’habitude de s’y retrouver certains soirs, cela n’avait plus été le cas. Blossom savait donc que si Ana l’avait fait venir, c’était pour une raison bien précise, et non par simple plaisir de passer une soirée en tête à tête avec lui, compte tenu de ce qu’il s’était passé la dernière fois. Oliveira l’avait vécu comme une véritable trahison, son collègue activiste avait eu de la chance que Jessen se soit chargé de lui, et non elle. Avec le recul, ce dernier avait eu raison, car Archibald avait encore son utilité.

Lorsque la sous-directrice remonta du sous-sol, elle retrouva Blossom dans le petit salon dans lequel elle le faisait attendre depuis plusieurs longues minutes, une attente effrayante et agaçante pour l’homme au teint pâle et au regard perçant. Ana était également revenue avec un verre de whisky afin de trinquer avec Archibald. En silence, elle s’installa dans le sofa face à lui, sans le lâcher des yeux, vêtue d’une robe criante et provocante, que son invité s’empressa de scruter discrètement, un regard qui toutefois n’échappa pas à la vigilance de la sulfureuse brune. Dommage pour ce cher Blossom, cette tenue n’était pas pour lui, mais pour l’invité qui viendrait ensuite. Étant donné qu’il n’avait pas touché à une goutte de whisky en l’absence de son hôte, celle-ci finit par briser la glace de ce silence gênant.

« Tu as de la chance d’avoir eu affaire à Blackthorn, sans quoi tu ne serais peut-être plus de ce monde… » lui lança-t-elle, l’air le plus naturel du monde, en laissant promener le bout de son doigt autour de son verre. L’activiste pouvait effectivement remercier son Général d’être bien moins impulsif que ne l’était Ana. Elle reprit après une courte pause, sans laisser à son invité le temps de réagir. « Ce n’est pas du poison, tu peux en boire. Je t’ai pardonné, depuis le temps. »

« Alors qu’est-ce que tu veux ? »

Elle laissa échapper un rire. Bon, elle aurait dû se douter qu’il comprendrait son petit manège, il l’a connaissait assez depuis le temps. Elle ne comptait pas passer par Quatre Chemins, elle lui expliqua donc sans aucun sous-entendu ce qu’elle avait en tête. Archibald secoua légèrement la tête. Pour une fois, il ne prenait pas grand risque et ce que lui demandait Ana était largement à sa portée. Il finit par acquiescer et haussa les épaules, résigné.

« Parfait. Santé, alors. »

De toute façon, Archibald lui devait au moins ça si il espérait se racheter aux yeux de la brune, après être allé la balancer à Jessen. Maintenant, elle leva son verre en adressant un sourire charmeur à son invité, qui fut soulagé de constater qu’effectivement la boisson n’était pas empoisonnée. Elle lui avait dont réellement pardonné. Enfin, seulement parce qu’elle avait encore besoin de lui. Les deux activistes discutèrent un petit moment de banalités tandis qu’ils sirotaient leurs verres. Puis, lorsqu’Ana jeta un œil à l’horloge suspendue au-dessus de sa bibliothèque, elle pria Blossom de s’en aller.

« Bon, Blackblood ne devrait plus tarder, alors rentre chez toi, et à plus tard… »

L’homme acquiesça et quitta la maison.

Moins d’une dizaine de minutes plus tard, on sonna de nouveau à la porte. Oliveira n’avait eu le temps que de ranger les verres et d’aller remuer son philtre de mort vivante qui mijotait dans son sous-sol. Mais elle n’avait pas envie de trop faire attendre Blackblood, alors elle se hâta de remonter. Délicatement, elle remit sa chevelure brune en place et replaça correctement un pan de sa robe, la fameuse criante aux teintes argent et rouge vermillon, si près du corps que l’on pouvait insolemment deviner les courbes de la sulfureuse brune. Appuyée contre l’embrasure de la porte d’entrée, elle accueillit son invité avec toutes les manières mondaines possibles. Sourire prétentieux aux lèvres, elle invita Augustus à entrer.

« Bonsoir, cher ami. Je suis ravie de constater que tu as bien reçu mon petit mot. Entre, je t’en prie. »

Le fameux mot qu’elle lui avait glissé dans sa poche, discrètement, la semaine dernière au quartier général des Supérieurs. Le voilà donc, l’homme aussi fourbe que dangereux, avec qui Ana entretenait une relation des plus hypocrites, en qui elle n’avait aucune confiance, car bien des traits chez lui la rappelaient à la plus grande prudence, et pourtant il avait ce petit quelque chose qui la poussait à le faire venir, chez elle, pour une soirée en tête à tête, vêtue d’une robe destinée à le faire s’écarter du droit chemin, tout en restant sur la réserve. Cet homme avec qui elle avait conclu un accord plusieurs mois plus tôt, quitte à planter une aiguille dans le dos de son Général, pour une histoire d’ego et de mégalomanie mal placée, était à présent dans son salon.
Comme la brésilienne était une hôte qui connaissait bien les codes mondains de la bienséance, elle invita Augustus à se rendre au petit salon où elle était un peu plus tôt avec Blossom.

« Nous allons nous installer au petit salon… » Son sourire s’élargit sur ses lèvres et elle laissa glisser lentement ses mains sur les épaules de Blackblood, après s’être glissée dans son dos. « Tiens, laisse-moi te débarrasser de ça »

Son manteau, bien sûr. Pas autre chose. Elle lui emboîta donc le pas et l’invita à prendre place sur le petit fauteuil de cuir rouge sur lequel l’autre activiste s’était assis, et elle s’assit une nouvelle fois sur le sofa. Bien entendu, elle avait pris soin de préparer avant son arrivée, deux verres, une bouteille de whisky et quelques petites choses à manger. L’hôte exceptionnelle qu’était Ana s’empressa de remplir les verres, lui en tendit un et prit l’autre, le levant légèrement pour trinquer. Heureusement qu’elle tenait bien l’alcool. Elle allait en avoir besoin.

« Pour être honnête je ne pensais pas que tu accepterais l’invitation. Alors, tu dois certainement avoir des choses à me faire partager ? »

En d’autres termes, peut-être avait-il des informations intéressantes. L’entente n’était que cordiale entre eux au Ministère, leurs échanges habituels sentaient l’hypocrisie à plein nez, et pourtant Augustus était bien là, dans ce petit salon… L’issue de cette soirée serait prometteuse…

La maîtresse des lieux se délectait de la présence de Blackblood dans son salon. Non pas qu’elle l’avait invité par pur plaisir, car ses manières de riche sang-pur aristocratique l’agaçaient, autant qu’elles lui plaisaient. Ana n’était pas issue de ce monde, et pourtant elle avait habilement réussi à se fondre dans cette masse d’hypocrisie ambiante, remplie de venin de serpent, qu’était l’aristocratie sacrée des riches familles de sorcier au sang-pur d’Angleterre. Elle gardait son plus beau sourire et ses manières les plus appréciées de personnes comme Augustus, afin de le ravir. Pourtant, intérieurement, la sulfureuse brune savait qu’il ne sentait pas à sa place. La maison était loin d’être à la hauteur des critères exigeants aristocrates, ni spacieuse ni luxueuse, sans elfe ni aucun autre personnel pour s’occuper des lieux. Pour se montrer courtois, il congratula son hôte sur la décoration intérieure, alors qu’il n’en pensait pas un mot. Ils ne jouaient pas dans la même cour et pourtant, ils partageaient leur amour du pouvoir. C’était la seule raison qui avait poussé Ana à recevoir Augustus, après avoir soigneusement préparé son plan avec Blossom, et cette fois il n’avait pas intérêt à la trahir, il ne s’en sortirait pas vivant cette fois…

Une fois installés au salon, la maîtresse des lieux avaient servi deux verres de whisky. Bien sûr que Blackblood attendait que son hôte consomme la première. Il avait autant confiance en elle que l’inverse. Mais pensait-il vraiment qu’elle oserait se débarrasser de lui maintenant ? Non, elle avait encore besoin de lui. Pensait-il aussi qu’elle userait du poison ? Non plus, elle avait par le passé utilisé cette méthode, mais elle était bien trop douce pour Augustus. Ana leva les yeux au ciel, puis porta son verre à ses lèvres, ainsi elle commençait les hostilités, afin que son invité se rende compte de lui-même qu’il était bien trop paranoïaque. Et pourtant, il avait raison de se méfier. Car il était là dans un but bien précis. La sous-directrice du département de la justice magique ne comptait pas seulement le séduire ou le saouler, ce soir. Pour commencer, elle désirait simplement discuter, entamer une conversation banale sur l’échange d’informations.
Bien sûr, elle se doutait qu’elle n’obtiendrait pas aussi facilement quoique ce soit de Blackblood. À part son regard parcourant la silhouette aguicheuse de son hôte, celle-ci ne percevait en lui rien d’autre que de la méfiance, encore et toujours, à peine dissimulée sous son allure. Autant dire qu’il ne manquait pas de classe. Mais elle ne devrait pas craquer ce soir, pas plus qu’un autre soir. Augustus était un homme dangereux, et difficilement corruptible avec qui il fallait prendre des pincettes, et conserver une certaine distance. Preuve en était, qu’il refusa de partager la moindre information, accusant le ministre de la justice de surveillance exacerbée. Ana, pour le coup, ne cherchait pas à jouer les espionnes pour le département de la justice. D’ailleurs, elle se fichait bien que son confrère Supérieur réponde à sa question, puisque ce n’était pas le but de la soirée. Elle préférait lui laissait penser qu’il avait tout contrôle pour le moment.

Elle soupira légèrement et ne répondit pas tout de suite, passant lascivement une main dans sa chevelure noire. Elle porta son verre à ses lèvres et prit une gorgée de whisky. Ainsi Augustus pourrait constater que ce n’était pas du poison. Effectivement, la sous-directrice du département de la justice magique ne pouvait nier que les contrôles et les précautions pour la sécurité s’étaient énormément amplifiées depuis l’affaire de la fuite de Wilson.
Finalement, Ana haussa les épaules, ce même sourire toujours accroché au coin de ses lèvres.

« Tu m’en vois navrée. »

Ironie et sarcasme, bien entendu.

« Le Ministère a une nouvelle fois démontré qu’il avait encore des failles à combler. » Elle faisait référence à l’attentat bien sûr, mais aussi plus récemment à la fuite de Wilson qui lui restait en travers de la gorge, et cela serait le cas pendant encore longtemps.

« Donc je ne compte pas m’excuser pour avoir renforcer la sécurité. » Son sourire s’élargit, elle prit une nouvelle gorgée de whisky.

« Et ce n’est que le début. Il va bien falloir que tu t’y fasses, ton rang ne suffira pas à passer au-dessus des lois. »

Autrement dit, passer au-dessus d’Ana. Et oui Monsieur l’aristocrate, c’était ainsi. Cette seule pensée la faisait jubiler d’avantage. Rabaisser Blackblood était une activité très tentante, mais elle n’était pas là pour ça non plus. Elle reposa son verre et lui tendit le plat de canapés qu’elle avait préparé.

« Mais cela ne doit pas nous empêcher de passer une bonne soirée. Un toast ? Je les ai préparés moi-même… »

Et non, ils n’étaient pas empoisonnés non plus. Ana en avait pris un également pour le lui prouver une nouvelle fois, et n’en fît qu’une bouchée, sans quitter le bel homme du regard.

Comme il fallait s’y attendre, l’invité de Chelsea ne manqua pas l’occasion d’enfoncer d’avantage le couteau dans la plaie. Ana connaissait tout le mépris et le dégoût que Blackblood avait pour ceux qui travaillaient pour le département de la justice, alors que les hauts représentants de ce dernier s’efforçaient à dissimuler toutes les erreurs commises, ainsi que les pots de vin, à des personnes comme Augustus justement. Il était tout aussi ambitieux, et pourri qu’eux, prêt à tout pour défendre son petit confort d’aristocrate et pour accéder à un plus haut poste. Lui et Ana avaient ces points communs, ce qui pouvait faire de Blackblood un allié, autant qu’un ennemi. Ce soir-là, la sulfureuse brune l’avait fait venir chez elle pour une tentative de rapprochement sournoise et hypocrite, mais il valait mieux faire de cet homme un allié. Lui au moins, Ana n’avait aucun doute sur son allégeance à la Cause. Contrairement à son Général à elle, Augustus serait probablement plus aisément corruptible.

« Cela ne fait aucun doute… »

Mâchoire crispée et lèvres serrées, la brésilienne le brossait dans le sens du poil, derrière sa petite moustache sexy et son air dédaigneux, elle sentait une appréhension chez son invité, car il mit du temps à porter l’un des petits fours à sa bouche…Ana esquissa un rictus. Imbécile, pensait-il réellement qu’elle prendrait le risque de l’empoisonner ici et maintenant, alors que bon nombre de ses sbires devaient être au courant de sa présence ici…Et puis, elle avait encore besoin de lui. Si elle allait au bout de ce qu’elle avait prévu ce soir, alors elle n’aurait plus rien à craindre de lui et il n’aurait pas d’autre choix que de s’allier à elle. Alors, cela valait bien quelques flatteries, même si elle n’appréciait guère rabaisser le département qu’elle « sous » dirigeait. Elle s’amusait également à l’entendre défendre sa fierté, après lui avoir rappelé que tant qu’elle travaillerait au département de la justice, il n’aurait aucun traitement de faveur, du moins pour l’instant.
Ana hochait la tête, certes il n’en avait pas besoin, pour le moment…Mais qui sait ce qui pourrait arriver par la suite. En attendant, Augustus avait enfin accepté de manger, mais il avait tout de même attendu que son hôte fasse le premier pas. Incroyable, même elle n’était pas aussi méfiante. Se pourrait-il que ce cher Général Raffleur ait encore plus d’ennemis qu’elle ? Cela ne serait guère étonnant.

La brune continuait de siroter son verre de whisky, grignoter ses propres petits fours, en écoutant son invité lui adresser à présent des excuses déguisées qu’il ne pensait probablement pas. Bien qu’il n’avait pas tort sur un point, elle avait remarqué aussi depuis quelques temps le relâchement de Rivers à la tête du département. Blackblood pouvait lui mettre sur le dos les défaites et défaillances du département, Ana ne se sentait pas visée. Entre deux gorgées d’alcool, elle murmura un :

« Merci… »

Léger, et forcé. C’était trop d’honneur d’être complimentée par un homme comme lui, du moins c’était ce qu’il fallait lui faire croire. Néanmoins, elle apprécia sincèrement le voir manger et boire sans méfiance. Ce fut après avoir craché son venin sur la justice britannique qu’Augustus avait commencé à se détendre, souhaitant laisser les problématiques professionnelles au bureau et profiter de la soirée. Ana leva alors son verre.

« Alors à ta santé. Encore une fois, c’est un honneur de recevoir un homme tel que toi dans mon modeste living-room. »

La maison de la brésilienne n’avait rien à voir avec les habituels prestigieux manoirs des familles de sang-pur britanniques, et devait paraître ridicule à côté. Mais c’était ainsi, elle n’avait pas eu la chance de naître au sein de l’une de ces castes.

« Je suis ravie que tu apprécies ma cuisine. »

Tous deux vidèrent ainsi leurs verres d’une traite. Tout se déroulait comme prévu, d’ici deux ou trois verres de plus, Ana pourrait d’avantage délier la langue de Blackblood. Difficile de laisser le travail au bureau, de quoi pouvaient-ils bien parler, sinon ? De leur vie privée ? Ana n’avait pas grand chose à partager, et souhaitait rester discrète sur ce point.

« Un autre whisky ? »

Elle lui demanda tout en se servant un autre verre également, et elle n’attendît pas non plus sa réponse avant de lui en servir un autre à lui aussi.
Finalement c’était plus fort qu’elle, la brunette ne savait pas de quoi parler d’autre avec lui, bien sûr une idée de conversation lui vint bien en tête lorsqu’elle dévorait du regard la prestance que lui offrait son invité, mais elle se contenta d’un regard, puis d’un sourire charmeur. Et elle enchaîna.

« Mais tu sais, très cher, je peux t’assurer que certaines choses ne se passeraient pas ainsi, si je dirigeais moi-même ce « Secteur ». Je n’ai malheureusement pas beaucoup de marge de manœuvre. Du moins, pour l’instant. Ce n’est qu’une question de temps… »

Une question de temps avant qu’Ana ne prenne la place de Rivers. Elle n’avait pas accepté de pistonner son erreur de fils pour rien.

« En attendant, j’ai entendu dire que tes raffleurs avaient fait un remarquable travail dans les Balkans, tu dois en être fier ! Vraiment, Blackthorn ne t’arrive pas à la cheville… »

Des flatteries, encore des flatteries afin de lui faire lâcher prise.

Ils n’en étaient qu’à leur deuxième whisky, autrement dit Ana n’avait pas ingurgité suffisamment d’alcool pour supporter les manières agaçantes de son invité. Chaque mot qui sortaient d’entre ses lèvres la faisaient grincer des dents, comme si ses paroles étaient minutieusement choisies pour la remettre à sa place, celle d’une femme qui n’avait pas eu autant de chance qu’eux autres, sang-purs sacrés de l’aristocratie britannique. Mais la sulfureuse brune ne perdait pas de vue son principal objectif de ce soir, et restait de marbre face à tout ce que son compère pouvait bien déblatérer, elle ne fît aucun commentaire lorsqu’il compara sa cuisine à celle de quelqu’un d’autre. Une certaine Goldhorne, Ana n’avait jamais entendu parler de ce nom, et en avait déduit qu’il s’agissait de l’une des domestiques ou cuisinières personnelles du propriétaire du Manoir Blackblood. Une manière subtile de faire comprendre à la sous-directrice du département de la justice, qu’il avait une cuisinière, lui. Entre autre. Mais elle ne broncha pas, elle conservait son sourire radieux et charmeur, destiné à séduire l’un des hommes les plus infects, mais puissants, de la Cause. Dans d’autres circonstances, elle lui aurait sûrement fait bouffer ses petits fours de travers. Mais il fallait qu’elle tienne bon. D’ordinaire si sanguine et impulsive, Ana parvenait à se contrôler lorsque son objectif concernait son ascension au pouvoir, et ce soir, c’était le cas.

Elle avait enchaîné directement sur ses ambitions personnelles, un sujet qui devrait certainement plaire à Augustus. Bien qu’il devait être de ces hommes conservateurs qui ne laisserait aucune marge de manœuvre ambitieuse à sa femme, si toutefois il en avait une, qui devrait rester à la maison pour s’occuper de la progéniture. Alors effectivement, l’indépendance d’Ana, ainsi que son accès à un poste haut gradé, devait bien faire grincer des dents son collègue masculin. Et elle s’en délectait. Portant ses lèvres à son nouveau verre de whisky, le regard insistant et le déhanchement parfait sur son canapé rouge, la Dame faisait mine de boire ses paroles. Le bougre de Blackblood avait tout compris. Rallier des votes sur une opposition pour faire basculer la balance, c’était une chose. Maligne, sournoise. Ana était plus de ceux qui souhaitaient carrément éliminer l’opposition, afin de leur assurer le plein pouvoir. Cependant, c’était seulement la dernière étape…Un sourire narquois naquit sur ses lèvres, mais une fois encore, elle laissa Augustus terminer.

Elle l’avait brossé dans le sens du poil, et il s’était précipité dans le ravin sans réfléchir, car il n’avait guère pu résister à l’appel de la flatterie. Bien évidemment le bel homme n’avait pas refusé un tel compliment, et s’envoya alors des fleurs à la suite d’Ana, celle-ci retint un ricanement. Car les activistes avaient fait le plus gros du travail, comme d’habitude, et naturellement ils seraient eux, récompensés par la bureaucratie, comme le disait Blackblood.
La presque directrice du département de la justice acquiesça et pencha légèrement la tête sur le côté.

« Tu m’en diras tant… »

Ana était bien placée au Ministère pour partager ce point de vue, elle reconnaissait bien là le fin manipulateur qu’était son invité. Tous deux se ressemblaient sur bien des points malgré leurs irréconciliables différences, mais cela rendait le Général des Raffleurs plus attirant encore.

« C’est parfait. Mais te connaissant, tu ne laisserais de toute façon aucun témoin, et ce dans n’importe quel contexte. »

Et c’était aussi cette passion du travail bien fait, l’art de nettoyer derrière lui jusqu’à la dernière trace, là où ce n’était pas du tout le cas d’Ana, qui se laissait guider d’avantage par ses émotions que par la raison. L’une des raisons pour laquelle elle avait besoin de Blackblood dans cette affaire, et pourquoi à présent elle décida de passer à la vitesse supérieure.

Elle se leva lentement de son canapé rouge et se déhancha jusqu’au fauteuil où était assis Augustus, mais elle le contourna. De sa main libre, l’autre tenant son verre, la sulfureuse brune laissa promener le bout de ses doigts contre l’épaule puis l’arrière du cou du bellâtre. Honteusement séductrice, elle se pencha vers lui pour venir murmurer au creux de son oreille :

« Je te propose maintenant de rendre cette soirée plus…intéressante. »

Le sous-entendu était là, maintenant Blackblood pouvait bien l’interpréter comme il le souhaitait. Ana se redressa alors, et termina son deuxième verre de whisky d’une traite, avant de le reposer sur la table basse.

« J’ai juste une petite chose à faire, avant. »

Libre à son invité de la suivre ou non, mais il fallait absolument qu’elle aille remuer la potion qu’elle préparait depuis plusieurs jours déjà. Ensuite, elle retournerait s’occuper d’Augustus. Elle était d’ailleurs prête à parier que, piqué par la curiosité, ou encore le manque cruel de confiance en elle, il s’empresserait de la suivre pour aller voir ce qu’elle mijotait.
C’était dans une petite dépendance au sous-sol qu’Ana avait l’habitude de préparer ses potions. Dans le couloir entre la pièce de vie et l’escalier qui menait à l’étage, était nichée la fameuse porte qui menait au dit sous-sol. La brune s’y engouffra, lorsqu’elle ouvrit la porte une odeur ferreuse parvint aux narines des occupants de la maison, de quoi attiser d’avantage la curiosité de Blackblood. Et en effet, à peine s’était-elle emparée de sa louche pour remuer, que ce dernier était derrière elle. Un sourire, satisfait et narquois, puis elle se tourna vers lui.

« Je viens d’achever cette douce et dangereuse Goutte de Mort-Vivant… » Elle se décala légèrement pour laisser de la place au bellâtre. « Tu en veux ? Je me suis dit que ça pourrait t’être utile… »

Pour d’obscures raisons. Mais ce cher Augustus avait autant, voire plus, d’ennemis qu’Ana elle-même, alors…

Incorrigible curieux et méfiant, Blackblood avait bien entendu suivi Ana dans son laboratoire de sorcière, il n’avait pu en être autrement étant donné le manque de confiance qu’avait son invité envers le commun des mortels. Pourtant, cette potion ne lui était pas destinée. Ce n’était décidément pas le moyen qu’aurait utilisé la sous-directrice du département de la justice magique pour se débarrasser d’Augustus, elle savait bien qu’un homme de sa stature et de son rang n’était pas du genre à tomber dans un piège aussi piètre. Non seulement il était trop méfiant, il n’y avait qu’à voir son hésitation rien que pour boire une gorgée de whisky d’Ana, mais celle-ci avait encore besoin de lui. Voilà pourquoi elle le laissait parler, continuer à cracher son mépris même jusqu’à critiquer la potion de son hôte. Bien sûr, ce cher sang-pur de Blackblood n’allait pas se rabaisser à accepter un échantillon d’une potion préparée dans une maison jugée bas de gamme, bien loin du standing d’un Manoir traditionnel d’une famille de sang-purs britanniques.

Ana leva les yeux au ciel. Augustus ne pouvait jamais s’arrêter, c’était plus fort que lui. La brune n’était évident pas du genre à se laisser marcher dessus, mais penser à la véritable raison de la présence de Blackblood chez elle, l’aidait à se contenir. Bientôt, il descendrait de dix étages. Cependant il avait raison, il était fort possible qu’à force de travailler derrière un bureau, la brésilienne, autrefois si cruelle et meurtrière, s’était un peu ramollie. Peut-être était-il temps de reprendre un peu de poil de la bête, encore fallait-elle que le nouveau Chef des Supérieurs et Blackthorn lui confie des missions dignes de ce nom. Mais elle dansait sur la même scène qu’Augustus, l’un comme l’autre représentaient un danger. Un danger pour Walls, un danger pour l’un et l’autre. Cette deuxième question, Ana devait la régler. Voilà pourquoi Blackblood était là ce soir, ce n’était pas simplement pour ses beaux yeux. Même si l’un n’empêchait pas l’autre. Elle avait hésité, mais finalement elle décida de faire part à son collaborateur de la finalité de cette potion.

« Contre les Lycans, ça peut servir. J’imagine que tu as entendu parler de cette affaire épineuse, sur laquelle penche mon département depuis des mois. » Et ce n’était pas rien de le dire, car suite à la fuite de Wilson, la brune s’était tout de même débarrassée de deux indésirables qui gangrénaint le Ministère. Un sourire narquois au coin des lèvres, elle se tourna vers Augustus.

« Avant de les faire parler, comme tu dis, il faut bien les capturer, d’une manière ou d’une autre. »

Peut-être que son invité avait des informations à lui donner à ce sujet, d’ailleurs. Elle doutait qu’il s’intéresse à ce genre de sujet, mais il avait peut-être entendu quelque chose. Il avait le temps d’y réfléchir, car Ana avait terminé ce qu’elle était venue faire dans son laboratoire de potions au sous-sol.

« Bien. J’ai terminé. »

Et elle remonta pour rejoindre le salon. Arrivée là, elle prit la bouteille de whisky et leur servit deux nouveaux verres, bien remplis, elle tendît l’un des deux à son invité de marque. L’alcool déliait les langues, c’était bien connu. Mais quand même, Augustus restait quelqu’un de beaucoup trop méfiant pour boire à outrance au point de balancer des choses qu’il regretterait sûrement par la suite. Ana n’attendait pas un total lâché prise de la part de son invité, mais espérait qu’il laisse tomber un tant soit peu de sa méfiance exacerbée.
La sulfureuse brune retourna s’asseoir dans son canapé de cuir rouge que Blackblood n’appréciait probablement pas à cause de la couleur trop criarde, et accusait intérieurement son hôte de son manque de goût. Pourtant, malgré tout le mépris qu’elle pouvait lire sur le visage d’Augustus, elle l’envoyait, au fond d’elle. Cet homme, doté d’une telle prestance auprès de la Cause, inspirait le respect tout autant qu’Ana elle-même, et il en était également tout autant détesté. Mais lui, sa nationalité et son statut de sang le protégeait naturellement. Par rapport à lui, la place de la brésilienne en réalité sang impur, au sein de cette aristocratie, ne tenait qu’à un fil. Et Blackblood, malgré les regards lourds de sens qu’il posait sur la silhouette de la Dame depuis le début de cette soirée, serait sans doute le premier à se débarrasser d’elle, sans scrupule. Tout comme elle en serait capable, elle aussi. Alors, Ana devait absolument assurer ses arrières. Elle avait suffisamment perdu de temps à brosser cette crapule dans le sens du poil, et devait passer à la vitesse supérieure, sans perdre de vue le réel objectif de cette soirée. Aussi, elle amorça la seconde partie de la soirée par une question simple, mais directe.

« Au fait, nous n’avons encore jamais pris le temps d’en parler, mais comment est-ce que tu vis la défaite face à Walls ? J’imagine que ça t’a fait perdre beaucoup de crédibilité. Surtout par rapport à Blackthorn, que tu n’as pas pu surpasser, du coup… »

Un nouveau sourire narquois apparut sur ses lèvres, tandis qu’elle portait son verre à ses lèvres. L’expression sur son visage et le ton employé n’étaient plus les mêmes. Ana l’avait suffisamment flatté. Personne n’ignorait la rivalité entre les deux Généraux, qui amusait tout particulièrement la sous-directrice du département de la justice. Elle se plaisait à remuer le couteau dans la plaie, c’était de bonne guerre, puisqu’Augustus ne se privait pas pour lui cracher son mépris à la gueule. Mais il fallait bien reconnaître que la brune aussi, ne digérait pas la défaite malgré les mois passés.

Ce rictus moqueur, ce rire froid et détonnant dans sa salle de potions, Ana reconnaissait bien là le Général des Rafleurs, aux manières insupportables et dédaigneuses, que d’ordinaire elle tolérait lorsque ces grands airs étaient retournés contre les autres, mais qu’elle abhorrait lorsque c’était retourné contre elle. La brunette savait que la considération d’Augustus pour elle était proche du bas de l’échelle, probablement parce que son indépendance l’irritait. Les hommes comme lui, certains de la Cause du moins, avaient encore du mal à tolérer qu’une femme aussi haut placée au Ministère ne soit pas mariée et réellement issue de l’aristocratie. Malgré toutes ces années, à faire des pieds et des mains pour s’intégrer à ce milieu, grâce au farouche piston du fondateur des Supérieurs, il y avait encore des personnes comme Blackblood, pour rappeler à chacune de ses syllabes prononcées, qu’Ana ne jouerait jamais dans la même Cour malgré ses efforts. C’était ainsi, elle était née dans la mauvaise famille, dans le mauvais pays. Mais ce n’était pas un individu aussi détestable que lui qui lui ferait perdre la face. Lorsqu’elle deviendra Ministre de la justice, ce cher Général pourra donc aller se rhabiller.
Ces quelques échanges dans la salle de potions amenèrent la sous-directrice du département de la justice à penser qu’elle pouvait récupérer des informations intéressantes pour son enquête sur les lycanthropes. Augustus, grâce à sa langue de vipère trop pendue, avait laissé sous-entendre qu’il en savait plus sur ces créatures noctambules qu’il ne voulait bien laisser croire. C’était bien la seule raison qui avait réussi à contenir l’exaspération d’Ana. Les poings serrés autour de l’anse de son chaudron et les lèvres légèrement pincées, elle lui aurait mis la tête dans son philtre de mort vivante, sans hésiter. Mais elle ravala sa colère, de toute façon, sa vengeance viendrait tôt ou tard. Du moins, la satisfaction de ne plus entendre son hôte la rabaisser à chacune de ses paroles, se suffirait à elle-même. En tout cas, il avait raison, Ana n’avait en effet aucune idée de la véritable force de ces bestioles, aussi loin qu’elle se souvenait, elle n’avait jamais affronté face à face un lycanthrope. En fin de compte, ces quelques échanges avec l’aristocrate lui seraient sans doute bien utiles.

« J’en déduis que tu as déjà affronté un lycanthrope. Intéressant… »

Un jour, elle aussi serait probablement amenée à les confronter, car elle ne supportait pas l’incompétence de ses équipes, parfois.
Ainsi, la sulfureuse brune avait tenté une autre approche, et avait finalement décidé de rentrer dans le vif du sujet qui l’intéressait le plus, la véritable raison de la présence de Blackblood ici. Bien sûr il ne manqua pas de s’engouffrer dans la brèche, prétendant un contre-temps plutôt qu’une défaite. Elle laissa échapper un léger rire, moqueuse à son tour, car connaissant Monsieur le Général, il n’allait pas s’avouer si facilement vaincu. Le regard fuyant, il n’était pas difficile de deviner sa frustration cachée derrière sa petite moustache sexy. Amusée, Ana lui rétorqua avec un grand sourire :

« Mais oui, bien sûr. Appelle ça comme tu veux…Le résultat est le même, nous avons tous les deux été mis sur la touche. »

Cette fois, la brésilienne laissa tomber les règles de bienséance de cette bourgeoisie qu’Augustus affectionnait tant, elle était bien décidée à passer à la vitesse supérieure. Peu importait les minauderies de son hôte, car Ana savait reconnaître un homme piqué au vif, un homme qui pour le moment n’était que tailleur. De renom, certes, mais ça s’arrêtait là. Alors, il pouvait bien parler de sa réputation, la brésilienne s’amusait toujours de ces petites manières. Quant à sa guerre menée contre Blackthorn et vice versa, elle s’en moquait. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent de leur côté, Ana ne prenait de toute façon aucun parti, si ce n’était le sien. Elle avait déjà comploté contre Blackthorn, elle en aurait fait de même contre Blackblood si cela s’était révélé nécessaire. Rien de l’arrêtait, et certainement pas eux. Mais elle avait réussi son coup, petit à petit son hôte se dévoilait, et plus elle sentait son exaspération, plus elle se rapprochait de son objectif. Elle retrouva alors le regard sombre d’Augustus, après avoir été récupérer son verre de whisky sur la table basse. Le portant à ses lèvres, elle fixait l’homme sans sourciller.

« Je me fiche de ce que tu penses de Blackthorn ou de n’importe qui d’autre. » Ce qu’il pensait d’elle, était d’ailleurs également de notoriété publique. « Assez de minauderies et de bienséance pour ce soir, je vais te dire pourquoi je t’ai invité. »

Après avoir longuement réfléchi à la meilleure approche pour lui plaquer son plan sur la table, Ana avait finalement décidé de jouer franc-jeu, sans passer par un sinueux chemin pour lui exposer les choses. De plus, cette façon de faire déstabiliserait d’avantage Augustus, elle en était certaine. Une lueur malveillante brilla dans ses pupilles brunes, tandis qu’elle se rapprochait plus encore de son hôte, telle un anaconda prêt à dévorer son adversaire, ce qui était d’ailleurs devenu la forme de son patronus. Elle posa sa main contre l’épaule de Blackblood.

« Je veux une véritable alliance. Pas seulement une parole en l’air comme la dernière fois. » Ana évoquait les manigances que tous deux avaient mis en place lors de l’élection du nouveau chef des Supérieurs. « Je veux que l’on renverse Walls, ensemble. »

Afin de siéger tous deux à la tête des Supérieurs ? Bien sûr que non, elle seule. Augustus le savait, qu’elle ne voulait le siège que pour elle toute seule. Et inversement, si ils y parvenaient, il ferait tout pour évincer la brésilienne. Mais ils n’en étaient pas là. Ana voulait juste son alliance. Elle avait ravalé sa fierté. Ce combat serait difficile à mener seule, et compte tenu du danger que pouvait représenter Blackblood, le mieux était de l’avoir à ses côtés, même si l’idée ne l’enchantait guère. Elle avait déjà fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là, alors un de plus, un de moins…

« Si tu acceptes, je pourrais t’aider à obtenir le poste que tu convoites tant, au Ministère. Et je te veux à mes côtés. » Ana n’en était pas sure, mais il y en avait sûrement un, le contraire lui paraîtrait étonnant.

« À moins que tu préfères rester là sans rien faire, à me regarder devenir Ministre, tandis que toi tu resteras…Tailleur. »

Un sourire narquois apparut au coin de ses lèvres tandis qu’elle prononçait ces derniers mots…

Ana avait exposé sa proposition, l’idée de s’allier avec Blackblood ne l’enchantait guère, mais après plusieurs semaines de réflexion il était évident qu’elle avait besoin d’alliés solides, qui avaient autant d’ambition et qui étaient aussi despotiques qu’elle. Il était selon elle le candidat parfait, et elle avait dû profondément ravalé sa fierté pour lui demander une telle chose. Tout en observant les moindres tiques expressifs, ainsi que la gestuelle qui traduisait une quelconque réponse. Toujours à caresser sa petite moustache, comme si rien d’autre n’importait. Mais la sulfureuse brune savait très bien ce qu’elle faisait. Elle sentait la pression qui grimpait en son invité d’honneur, et reprenait petit à petit le dessus sur lui, à l’aide d’un désir assumé de se venger. Ana l’avait rabaissé, tout en sachant pertinemment que les hommes comme lui n’appréciaient guère qu’une femme soit plus haut gradée et ait plus de pouvoirs. Elle avait également joué sur sa rivalité avec Blackthorn, certes elle n’en connaissait pas tous les tenants et aboutissants, mais le rôle que ce dernier avait joué dans l’élection de Walls, restait un peu en travers de la gorge de la sous-directrice, il fallait bien l’avouer.

Ce cher Augustus commençait donc vraiment à s’agacer, la brésilienne le sentait. Le sourire narquois aux lèvres, elle leva les yeux au ciel et roula du regard, comme si elle se fichait ouvertement de lui et de son obsession pour Blackthorn, elle en avait parlé uniquement pour jeter de l’huile sur le feu, et non par réel intérêt pour leur conflit, même si elle pouvait toujours s’en servir une autre fois si besoin. Autant Blackblood était détestable et indigne de confiance, mais il était plus aisément corruptible étant donné qu’Ana savait ce qu’il voulait, et elle avait suffisamment d’influence pour l’aider à obtenir ce qu’il convoitait. Avec Jessen c’était différent, elle était sous ses ordres pour la Cause, et n’avait aucun moyen de pression ou de raison pour marchander. Impossible de passer un tel accord, pour l’instant, avec lui.

Ainsi la sulfureuse brune s’était rabattue sur son collègue perdant des élections, susceptible et vexé dans son amour propre. Son verre vidé d’une traite, Blackblood décala d’un coup de pied la table basse qui les séparait, se leva soudainement de son fauteuil pour attraper le verre de son hôte, avant de le vider également de le jeter derrière elle, et d’un geste brutal la força à se mettre debout en lui agrippant le bras. Ana ne s’était pas attendue à une telle réaction, mais resta de marbre lorsque sa coupe se brisa en mille morceaux sur le sol. Le Général avait besoin de plus pour l’impressionner, elle n’était pas gênée par la proximité et soutenait son regard, durement et fièrement, telle une lionne prête à bondir sur sa proie. Jusqu’à ce que les traits de son visage finirent par se détendre. Enfin la brune laissa paraître un sourire satisfait sur ses lèvres. Elle n’avait même pas eu besoin de lui proposer, Augustus avait également pensé à exiger une manière plus permanente de sceller ce dangereux accord. Brave homme…Un frisson parcourut l’échine de la brésilienne tandis qu’il passait ses doigts sur sa joue.
Elle inspira longuement de satisfaction, et vint rompre les dernières limites du raisonnable entre hommes et femmes, collée contre le corps de Blackblood, elle posa sa main contre son torse, avant de relever les yeux vers lui, une lueur mesquine brillant dans ses pupilles sombres.

« Je t’ai vexé, peut-être ? » Elle laissa échapper un léger rire. « Mon cher Augustus, avoir les organes reproducteurs à l’intérieur n’empêche pas d’avoir autant, voire plus, d’ambition et de pouvoir. » Elle murmura au creux de son oreille. « Alors ne t’avise plus de me violenter. »

Simple avertissement, Ana n’ayant pas apprécié la réaction de son invité, et l’avait donc mis en garde de ne pas recommencer. Même si elle gardait quand même la satisfaction d’avoir pris le dessus sur lui. Maintenant, elle se détacha du corps de Blackblood et s’éloigna de lui, elle murmura une incantation informulée pour faire disparaître les débris de verre sur le parquet.

« En effet, j’ai besoin de toi. » Tandis qu’Ana prononçait ces quelques mots, elle avait sorti sa baguette d’un pan de sa robe moulante, et caressait son embout de ses doigts fins. Elle se retourna alors vers Augustus.

« Crois-moi, ça ne me fait pas particulièrement plaisir de l’avouer. Mais je suis persuadée qu’à nous deux, nous pourrions accomplir de grandes choses. »

Si le fait de savoir qu’elle aussi avait dû mettre sa fierté de côté pour proposer une telle chose à un homme qui s’apparentait, jusqu’à présent, plus à un ennemi qu’à un allié, pouvait permettre au bellâtre de se sentir moins inférieur et plus docile en affaire, cela valait le coup. Contrairement à beaucoup d’hommes Supérieurs de la Cause, Ana avait moins d’amour propre, ce qui était plutôt une force dans un contexte comme celui-là. Elle leva maintenant le voile sur l’idée qu’elle avait en tête. Depuis le début, avec son complice Blossom, la sous-directrice avait tout prévu.

« Je n’aurais pas confiance non plus en un simple accord oral. C’est pour ça que je t’ai fait venir ce soir. » Ana marqua une courte pause, sans doute Blackblood avait-il déjà compris ce qu’elle mijotait. « Je veux faire un serment inviolable. »

Ni plus, ni moins. La brune savait que c’était la seule manière pour obtenir la confiance du Général sournois, mais son alliance était aussi le moyen d’accéder à ce qu’elle souhaitait, mais surtout, de se protéger définitivement contre cet homme au potentiel dangereux.

« Aucune trahison entre nous, sous peine de mort. »

Maintenant Ana n’attendait que l’approbation de son comparse pour prévenir Blossom afin qu’il vienne sceller l’accord, comme elle l’avait prévu.

Il fallait s’y attendre, ce cher Blackblood n’avait pas cru à l’attitude farouche de son hôte, lui rappelant que sa réputation la précédait, et qu’un simple geste déplacé n’allait pas l’offusquer. En effet, Ana n’était pas connue pour faire preuve d’empathie ou de douceur. Mais elle ne tenait pas à laisser transparaître l’image d’une femme qui a vécu bien des horreurs dans sa vie, une part d’elle désirait se rendre inaccessible pour faire comprendre à son interlocuteur qu’elle seule menait la danse. Augustus malheureusement n’était pas dupe, et avait saisi son manège. Faussement offusqué dans un premier temps, l’expression de la sous-directrice redevint détendue et mesquine. Elle avait l’air d’avoir gagné l’intérêt du Général des rafleurs avec sa proposition. Rien de plus alléchant qu’une occasion d’acquérir encore plus de pouvoir à l’aide d’un plan bien ficelé. Ils n’en étaient pas encore là évidemment, mais ce n’était qu’une question de temps. Avoir réussi à prendre de court son invité, était déjà une belle victoire pour Ana, et ce peu lui importait l’évaporation des pulsions de ce dernier.
Fière d’elle et à distance du bellâtre ténébreux, elle tenait quand même à mettre les choses au clair, bien qu’elle pouvait se délecter tout le restant de la soirée de la réaction que sa proposition avait suscité.

« J’ai simplement voulu te rappeler de rester à ta place tant que l’accord n’est pas scellé. »

La brésilienne se plaisait à mettre les nerfs de ce cher Blackblood à l’épreuve, parfois provocante et accessible, puis l’instant d’après elle devenait rabaissante et lui rappelait systématiquement qu’elle avait une longueur d’avance sur son collègue Supérieur. Mais le but n’était pas de le piétiner complètement, le but étant de prêter serment, il fallait donc le ménager. Ana ne pouvait simplement pas s’empêcher de le malmener un peu, une petite vengeance personnelle suite au comportement du bellâtre vis à vis de sa modeste demeure et de ses remarques sur sa façon de co-gérer le département de la justice magique.

« À moins que tu pensais que je te faisais venir pour un dîner romantique ? » Elle éclata alors de rire, elle se payait ouvertement sa tête en cet instant. « Quelle idée ridicule… »

Augustus était un homme, comme beaucoup d’autres qui faisaient l’objet d’une invitation personnelle de la part de la sulfureuse brune, qui les accueillait avec un bon repos et une tenue vestimentaire à la limite de l’indécence, il avait dû se faire des films sur le déroulement de la soirée. Toutefois elle devait bien avouer ne pas rester insensible au charme que dégageait le Général des rafleurs, alors qu’il n’était probablement pas son genre d’homme habituel. Mais Ana avait-elle un type particulier ? Elle qui s’intéressait principalement à ce qu’elle pouvait tirer des hommes de pouvoir, sans distinction d’apparence physique ou d’âge…
Blackblood faisait justement parti de ces hommes de pouvoir, que la brésilienne convoitait sans relâche, et qui dégageait une aura particulièrement malsaine, et attirante à la fois. Une nouvelle fois, elle se rapprocha du bellâtre, arrivée à sa hauteur elle se pressa légèrement contre lui, elle se hissa sur la pointe de ses escarpins pour atteindre ses lèvres qu’elle s’amusa à frôler des siennes, pour en fin de compte venir murmurer à l’oreille de son invité.

« Mais si tu veux, je peux être…moins distante. » Aussitôt suite à ces mots, Ana baissa la tête et contourna le Général, lui adressant un sourire charmeur et sournois. « Une fois le serment effectué. »

La sulfureuse brune alla s’adosser contre le rebord de la fenêtre du living-room. Elle prit une inspiration et se passa une main dans les cheveux, les remettant en place brièvement. Elle avait bien pris note de la demande d’Augustus, qui voulait s’assurer de l’équité du serment inviolable. Là-dessus, Ana n’avait rien à lui dissimuler, l’enjeu était trop important.

« Les termes sont simples. L’idée étant de renverser Walls, mais si jamais les choses tournaient mal, aucun d’entre nous ne devra dénoncer ou trahir l’autre. C’est on-ne-peut-plus équitable, à mon sens. Ensuite, nous prenons la tête des Supérieurs, et quand je serais Ministre de la Justice, plus rien ne t’empêchera d’accéder à ton tour au poste que tu convoites. »

Tout était exposé à présent, la sous-directrice n’avait pas non plus omis de préciser qu’elle avait effectivement un enchaîneur qui attendait quelque part à l’extérieur, et qui n’était nulle autre que ce cher Blossom. Elle ignorait combien de temps exactement elle l’avait fait attendre, sans doute plusieurs heures déjà, mais l’homme lui vouait un tel culte et une telle dévotion qu’il aurait bien pu attendre plusieurs lunes.

« Et oui, tu as raison pour l’enchaîneur. Il attend quelque part que je le fasse venir. » Ana jeta alors un coup d’œil par la fenêtre, après tout peut-être que Blossom déambulait tout simplement dans la rue. Mais elle ne vit rien de là où elle était, son attention se reporta donc sur Augustus. « Alors, Cher Ami, avons-nous un accord ? »

Les hommes comme Blackblood ne pouvaient pas admettre de perdre la face, leur égo prenait bien trop de place. Ils détestaient pour la plupart, l’idée qu’une femme puisse avoir autant de pouvoir et de contrôle sur eux. Ana s’était attendue à ce que son cher invité soit sceptique et difficile à convaincre, elle avait enfilé cette tenue provocante pour l’encourager d’avantage, sans certitude de succès. Bien sûr, elle l’avait espéré, et n’aurait pas toléré l’échec. Enfin, elle y était. Cette sensation d’obtenir ce qu’elle voulait, la sous-directrice de la justice s’en délectait à chaque fois. Une part de son plaisir se tirait d’ailleurs de sa puissance, lorsqu’elle parvenait à soumettre un homme influent, au sang-pur, à ses propres désirs. Augustus endossait parfaitement ce rôle, l’embrigadement dans lequel Ana avait presque réussi à l’entraîner, le rendait vulnérable, mais lui donnait un côté encore plus désirable.
Une fois encore, la sulfureuse brune avait encore frappé un grand coup, elle avait obtenu ce qu’elle voulait, même si en cas d’échec elle serait tout aussi perdante que son interlocuteur, elle était tout de même celle qui menait la danse. Elle ne risquait pas grand chose de toute manière. Une fois Walls évincé, elle et Blackblood prendraient la tête de l’organisation, et il ne lui resterait plus qu’à faire disparaître ce cher Général du paysage, d’une manière ou d’une autre.

Mais pour l’heure, Ana profitait de ce moment privilégié. Mener à la baguette un homme influent et sexiste était jouissif, elle se montrait outrancière, provocante, juste de qu’il fallait pour faire grimper la tension entre eux, se reculant au moment où l’homme séduit était sur le point de craquer. Elle le laissa se rapprocher et caresser lentement ses lèvres pulpeuses du bout des doigts, étirant le sourire charmeur de la sulfureuse brune. Puis, Augustus s’en retourna chercher la bouteille de whisky sur la table, qu’il descendit de quelques gorgées. Amusée, Ana laissa échapper un léger rire, il lui laissait penser qu’il avait peur. Qu’il n’en avait pas assez dans le caleçon pour mener à bien cet accord, pour signer un pacte mortel…Elle n’allait pas tarder à en avoir le cœur net. Elle n’était pas surprise non plus que Blackblood se désintéresse de son département, étant donné tout le mépris qu’il avait à l’égard de ses fonctions et de tous ceux qui y travaillaient.
La sous-directrice haussa les épaules et se redressa de la fenêtre. En passant à côté d’Augustus, épaule contre épaule, elle lui jeta un regard provocateur.

« Je ne t’y aurais pas laissé de place, de toute façon. »

Elle attrapa sa baguette, dissimulée dans l’un des pans de sa jolie robe rouge. Elle ne s’en séparait jamais et la gardait toujours sur elle, n’ayant jamais suffisamment confiance en le peu de personnes qui foulait le parquet de sa maison victorienne.

« Bien. Si tu es prêt, finissons-en. » La brésilienne lui tourna le dos, elle ensorcela une note de papier à l’aide de sa fidèle plume d’oiseau-tonnerre, qui prit la forme d’une espèce d’ombre Chinoise, avant de se frayer un chemin hors de l’habitation.

Blossom se présenta aussitôt à la porte de la sous-directrice. Il entra en silence, salua brièvement Blackblood, après avoir détaillé encore une fois la maîtresse des lieux légèrement vêtue, et se présenta au salon. Un silence pesant s’était installé dans la pièce, les deux sorciers concernés étaient sur le point de risquer leurs vies, ni plus ni moins. Ana était certaine de ne pas perdre la face. Sûre d’elle, convaincue de son plan, elle n’avait pas perdu son sourire espiègle. Plus d’une fois, elle avait échappé aux pires morts. Ce genre de pacte ne lui faisait pas peur. Elle fît donc le premier pas, et tendît la main au bellâtre.
L’Enchaineur sortit sa baguette et la pointa sur la poignée de main des deux sorciers. Il leur rappela chaque terme du contrat, qu’ils acceptèrent chacun leur tour. Au fur et à mesure, Blossom faisait apparaître du bout de sa baguette une chaîne de feu rougeâtre qui venait s’enrouler autour des avant-bras d’Augustus et d’Ana. Le serment venait ainsi d’être prononcé. L’Enchaîneur prit alors la parole :

« Augustus Blackblood et Ana Oliveira, vous êtes désormais enchaînés à un serment inviolable. Le seul moyen de le rompre, c’est de mourir. C’est ce qui vous attend si l’un de vous ne respecte pas les clauses du contrat. »

La brune lâcha alors la main de son invité et se tourna vers leur Enchaîneur.

« Merci, Blossom. Tu peux rentrer chez toi. »

Elle n’avait plus besoin de lui. Mais comme il avait toujours été un admirateur fidèle, elle eut la décence de le raccompagner jusqu’à la porte. Avant de partir, ils se saluèrent sans trop de cérémonie.
Après avoir verrouillé la porte, Ana retourna auprès de Blackblood. L’ambiance s’était légèrement refroidie suite au serment passé. Peut-être qu’ils allaient le regretter, peut-être que non. Il était trop tôt pour le dire, mais elle, elle était sûre de ce qu’elle faisait. Son aisance vis à vis de ce pacte mortel, était probablement déstabilisant pour le Général. Et pour cause, Ana était prête à tout, et la mort ne lui faisait pas peur. À son tour, elle attrapa la bouteille de whisky et en but plusieurs gorgées au goulot. Sans aucune gêne, elle se rapprocha de nouveau d’Augustus. Mais cette fois, elle vint se coller contre lui, une main sur son épaule et de l’autre, elle se mit à caresser avec amusement sa petite moustache, la tête légèrement penchée sur le côté. Elle n’avait plus l’intention de fuir, à force de le chauffer et de détailler du regard chaque parcelle de son être, de le manipuler, de l’agacer et de le soumettre, le désir s’était emparé d’elle, sentant son bas-ventre se tordre contre celui du mâle contre elle.
Ana n’était guère regardante sur les hommes lorsqu’elle désirait ardemment quelque chose. Mais elle n’était pas insensible au charme de Blackblood et avait toujours eu une attirance particulière pour les hommes de pouvoir en général. Ce dernier remplissait toutes ses conditions. De plus, il était encore tôt pour profiter pleinement de ce qu’avait à offrir ce bellâtre.

« Tu n’as pas été si difficile que ça à convaincre, finalement… »

Pressée contre lui, la sous-directrice vint poser ses lèvres au coin des siennes, qu’elle pouvait presque mordiller, elle murmura contre sa peau :

« J’aime les hommes tels que toi. Qui se soumettent, et s’enchaînent à ma puissance… »

C’était ce qu’il était à présent. Enchaîné à la dangereuse vipère.

Le piège s’était rapidement refermé sur Blackblood, il ne laissait rien paraître, mais une certaine tension s’était installée entre eux. À la fois malsaine et alléchante, Ana aimait ce sentiment de toute puissance, l’illusion de tenir un Général Supérieur par les testicules. Elle se sentait soudainement pousser des ailes, elle ne craignait aucunement l’accord ni l’enjeu qu’elle venait de passer. La sulfureuse brune ne craignait pas la mort, en réalité elle se sentait si puissante que l’idée que sa vie pouvait s’arrêter à la moindre traîtrise, ne l’effrayait pas et ne lui effleurait même pas l’esprit. Augustus en revanche, devait probablement se demander pourquoi il avait accepté un tel serment. Pour Ana, c’était d’une évidence toxique pour elle. Non seulement elle avait besoin d’un allié de taille pour renverser Walls et prendre sa place, mais elle devait également se protéger du potentiel danger que le bellâtre représentait pour elle, si toutefois il était amené à faire fouiller sa jolie tête non protégée. Jusqu’à présent, la sous-directrice de la justice n’en avait pas eu besoin, sa réputation était telle que personne n’osait creuser son passé pourtant si compromettant. Elle n’imaginait pas de quoi un homme comme Blackblood était capable, mais elle n’avait pas peur. Devant le serment passé, qui reliait désormais leurs deux vies, la brésilienne restait de marbre. Après tout, lui aussi avait y gagner, le poste de Chef de la Cause, et celui tant convoité au Ministère. Oliveira se fichait bien de ce qu’il allait faire, tant qu’il ne piétinait pas ses plates-bandes au département de la justice, elle avait la ferme intention d’y régner, seule…Et elle ne se priva pas pour le lui faire savoir, une ultime fois.

Pressée contre le bellâtre, une lueur carnassière brillait dans l’ombre de ses pupilles. Ainsi enchaînée à Augustus, Ana ne le trouvait que plus désirable, l’excitation provoquée par le serment inviolable ainsi que par ses caresses évasives, faisait papillonner son bas-ventre. Non seulement elle se croyait la plus maligne des deux, comme il le disait, mais c’était simplement une réalité. En plus d’être une redoutable séductrice et manipulatrice, la Dame était également une meurtrière sans scrupule, un combo qui lui donnait l’avantage sur bien des points. D’un coup le beau sorcier glissa une main à l’arrière de sa tête et pressa ses lèvres contre les siennes. Un baiser furtif, mais suffisamment intense pour faire grimper la température. La brune affichait un sourire charmeur et satisfait, amusée par la réflexion de Blackblood. Elle souffla alors contre son visage.

« Finalement, ce n’est pas si différent d’un mariage. »

Simple provocation, tandis que l’un comme l’autre ne s’étaient jamais mariés. Étrange concernant Augustus d’ailleurs, les hommes au sang-pur avec une telle prestance, était pourtant très prisé par les mariages arrangés. Quant à Ana, elle ne s’imaginait pas être une bonne épouse, comme la société le voulait. Elle était une femme de pouvoir, et libre.
Libre de pouvoir coucher avec qui elle veut, soumettre ou se laisser soumettre sans se cacher. Ou presque. Un regard par la fenêtre du salon, et elle plissa les yeux pour entrevoir une silhouette derrière la vitre. Blossom…

« Mais quel voyeur… »

Friand de voyeurisme, ou jalousie, probablement. La sulfureuse brune se pressa alors d’avantage contre Blackblood, la poitrine contre son torse, et la bretelle de sa robe baissée sur son bras. D’une main elle redressa un pan de son apparât, laissant à la vue de Blossom à la fenêtre, sa jambe découverte embellie de son escarpin, qu’elle releva pour la coller contre le flanc du bellâtre.  Puis, elle enlaça son cou et ce fut à son tour de capturer ses lèvres pour un baisse fiévreux. D’une main libre, Ana tira sa baguette d’un autre pan de sa robe, et d’un geste informulé, les rideaux de la fenêtre se fermèrent dans un léger cliquetis. Clap de fin pour Blossom, mais pour les deux autres Supérieurs, la fête ne faisait que commencer.
La brune se détacha de Blackblood, et l’invita à monter l’escalier du sas d’entrée qui menait à l’étage, où se trouvait la salle de bain d’un côté, sa chambre de l’autre. Avant d’y entrer, elle se tourna vers le sorcier.

« Tu sais, j’ai tout ce qu’il faut pour te soumettre, et assouvir tes pulsions inavouées… »

Et pour cause, après tout ce qu’elle a traversé dans sa vie, plus grand chose au sens sexuel du terme n’impressionnait la sous-directrice. Mais connaissant Augustus, elle doutait fort qu’une telle proposition ne l’intéresse. À moins qu’il ne cache bien son jeu, mais elle avait plutôt cru lire dans son regard, que lui rêvait de la soumettre, elle. Bien sûr Ana n’y voyait pas d’inconvénient, mais elle se plaisait encore et toujours à jouer avec les nerfs de ce che pr Général.

« À moins que tu préfères l’inverse ? » Son regard glissa malicieusement sur le bas-ventre du séduisant sorcier, avant de revenir le défier. « Si tu en es capable, bien sûr… »

Blackblood n’avait pas attendu longtemps pour se presser contre la presque directrice de la justice, le connaissant il n’allait pas passer par quatre chemins pour lui faire comprendre qu’il n’avait nullement l’intention de se laisser soumettre d’une quelconque manière que ce soit. Ana fréquentait et manipulait les hommes comme Augustus depuis trop d’années maintenant, pour savoir qu’ils avaient tous ce point commun. Ces grands mâles au sang-pur, ces hauts dignitaires du Ministère, à l’égo démesuré et faussement emprisonnés par un mariage arrangé dès leur plus jeune âge, partageaient ce goût du vice et de l’interdit, ainsi que cette envie et ce besoin de contrôler tout ce qu’ils pouvaient, en particulier des Maîtresses comme la brésilienne, à la réputation dangereuse et assoiffée de pouvoir. L’héritier Blackblood possédait cette envie en lui, elle le sentait. Par simple histoire d’égo, probablement, à moins qu’il n’y ait une autre raison qu’Oliveira ignorait, et dont elle se fichait. Elle avait eu ce qu’elle voulait de ce Général des Raffleurs, aussi sexy que facilement manipulable, bien qu’il avait tenté de lui prouver le contraire. Il n’était pas si différent de tous ces grands hommes.
Mais Ana aussi, avait ce goût et cette attirance pour les hommes qui étaient capables de la soumettre. Ce refuge inébranlable qu’elle s’était créé pour oublier son passé, lui avait donné les clés de la réussite, et il avait fallut passer par la soumission et l’humiliation même, parfois, c’était ainsi. Était-ce par habitude ou par réel plaisir qu’elle se laissait aller aux caresses de Blackblood ? Elle-même ne pourrait l’affirmer, même si les réactions de son corps étaient bien présentes…