On fait comme si ... - Ana

Mercredi 26 octobre 2016, dans la matinée.


Il avait l’impression qu’un pivert était en train de lui entailler le crâne et pourtant ce n’était pas par ce qu’il avait trop bu et qu’il s’était pris une giga cuite, non Nicky était malade depuis plusieurs jours et visiblement il avait commencé à lui refiler sa merdre… Néanmoins, il ne se voyait pas rater une journée de boulot, il n’était pas encore à l’agonie alors il avait tenté de se soigner aux onguents et espérait qu’ils feraient vite effets. Il se sentait long, pataud et chaque geste lui demandait un foutu effort… Forcément, il avait fini par se mettre en retard et lorsqu’il arriva au bureau, beaucoup trop couvert pour l’époque- monsieur avait froid forcément-, certains de ses collègues le regardèrent en coin jusqu’à ce que l’un d’eux juste au moment où avait posé son derge sur la chaise, lui indiqua qu’il devait aller dans le bureau de la « patronne »… elle était passée au moment où il aurai dû embaucher. Forcément un des seuls jours où il était à la bourre.

Un peu inquiet de ce qu’elle lui voulait, il lui aurait bien demander de venir le voir ici, au milieu des autres par ce qu’il avait beaucoup de boulot, mais il devait faire absolument profil bas. Il n’aimait pas cette idée d’aller la voir de la sorte, en tête à tête. Qui sait de quoi est-ce qu’elle serait capable ? Elle faisait partie de ceux qui lui faisait froid dans le dos. Surtout son côté rapace-cougar qui ne lui disait rien de bon. Fourbe, aussi elle était, ainsi que manipulatrice. Il préférait largement se faire un face à face avec Azalea par ce qu’il avait l’impression qu’elle était plus vraie, et puis, Carraway une fine partie de lui l’appréciait… Mais il n’avait pas le choix, il devait y aller et espéra qu’il n’allait pas encore écoper d’une mission de merde histoire de continuer à le faire plier. Il espérait qu’au final, elle n’aurait rien à dire et qu’elle voulait juste le faire stresser, lui rappeler qu’il devait être à l’ordre… mais cela semblait peu probable. La Femme avait forcément quelque chose derrière la tête, mais quoi ? Paranoïa, peut-être mal placée mais c’était quand même plus fort que lui. Il n’avait aucune confiance dans les Supérieurs, ou même en sa hiérarchie - même ceux qui ne faisaient pas parti de leur petit groupe de joyeux luron-.

Il était enfin arrivé à la porte, et plus les minutes passaient, plus il avait l’impression que son crane allait exploser. Il cligna des yeux, d’ailleurs face à la lumière vive du couloir. Il aurait peut-être dû écouter Mily et rester chez lui, se faire porter pâle… mais ça serait un aveu de faiblesse pour beaucoup et ça, sa femme en avait aussi conscience, c’est bien pour cela qu’elle n’avait aucunement insisté. Il s’arma de son courage et du plus beau sourire qu’il avait en stock, espérant que ça plairait à Ana et la calmerait. Tu rêves, mon chou. Il frappa et dès qu’on lui permit, il entra dans le bureau. « Madame, vous vouliez me voir ? » Il avait essayé de cacher le fait qu’il se sentait malade et avait parlé de la voix la plus claire qu’il le pouvait. Il avait hésité à s’excuser de son retard mais préféra ne rien dire pour l’instant. Quant aux onguents/cachets, il espérait qu’ils feraient bientôt effets.

« Des sept Départements qui forment le Ministère de la Magie, le Département de la Justice Magique regroupe l’ensemble des acteurs du système judiciaire, depuis la recherche des auteurs de crimes et délits magiques jusqu’à la détermination de la sanction appropriée et sa mise en œuvre. Il est placé sous l’autorité du Directeur du Département de la Justice Magique et abrite notamment les services administratifs du Magenmagot, le tribunal magique. La première partie de ce cours se consacrera aux juridictions chargées de punir les infractions aux lois magiques, tandis que la seconde présentera et analysera les divers services de police qui ont pour tâche de réprimer ces infractions… »

Amusant de retrouver par hasard dans ses vieux dossiers ces carnets de notes rédigées à l’encre de plume lors de la toute première formation de la sous-directrice du département de la justice magique, au sein de ce dernier. La lecture de ces quelques notes décrocha même une bribe de sourire à Oliveira, ce qui d’ordinaire était rare, mais depuis ces quelques semaines c’était pire encore. Certains souvenirs pas si lointains lui revenaient en mémoire, Ana était bien plus jeune lorsqu’elle avait intégré pour la première fois le Ministère, la brigade de police magique, et les Supérieurs dans le même temps. Ce premier cours avait présenté simplement les différentes institutions du département, mais d’ors et déjà la brésilienne savait qu’elle voulait y faire une longue carrière.
Bien qu’elle n’avait plus rien à prouver, certains pensaient toujours que sa place n’était pas tant méritée que cela, qu’elle n’avait accéder à ce poste que grâce à des pots de vin et des coucheries. Même si il y avait une part de vérité, Ana prenait désormais son rôle au sérieux et s’affairait à mener ce département à la baguette, avec autorité, rigueur et fermeté. Elle était le lien entre le Directeur Leeroy Rivers, et les employés, à qui elle ne menait pas la vie facile. Et elle ne tarderait pas à le prouver, une fois de plus.

En arrivant ce matin au département, la brune autoritaire était passée brièvement par tous les bureaux pour s’assurer que tout le monde était au travail, mais relevait également les absences non prévenues. Ainsi, en passant par les bureaux de la brigade de police, elle nota immédiatement la non présence d’un employé. Les sourcils froncés, son habituel air sévère, avant même un Bonjour, elle fit claquer le talon de son escarpin sur le sol carrelé.

« Où est Tveit ? »

Agacée elle l’était, car elle n’avait pas été prévenue. Alors, un autre employé de la brigade tenta de prendre la parole pour défendre son camarade.

« Il aura un peu de retard Madame, il s’en excuse… »

Ana haussa un sourcil. En voilà des manières.

« C’est moi qui déciderais de l’excuser, ou non. Dites-lui de venir à mon bureau dès qu’il sera arrivé. Maintenant, au travail. »

Elle tourna alors les talons et rejoignit son bureau, où elle prit le temps de prendre un café en attendant Warren. Son retard n’était pas la seule raison qui avait poussé la sous-directrice à le convoquer, ils en profiteraient pour discuter d’autres choses.
Cela ne prit pas longtemps avant que l’on annonce la venue du jeune Tveit, dont Ana permît l’entrée dans son bureau après avoir poliment frappé. Malgré son charme jeune et masculin, la brésilienne restait fermée et l’air sévère. Il faudrait plus qu’un sourire de playboy pour la faire sortir de son rôle de sous-directrice. Pourtant, elle ne se privait pas pour montrer que Warren avait quelque chose en plus que les autres, mais depuis quelques semaines elle était bien trop sur les nerfs pour lui accorder le moindre traitement de faveur. Ancrée dans son imposant fauteuil, bras et jambes croisés, le menton légèrement relevé, elle toisa le jeune homme sans lui proposer de s’asseoir, la voix grave et tranchante.

« Vous êtes en retard. »

Sans blague.

« Il me semble que le dossier sur lequel vous travaillez en ce moment n’avance pas beaucoup… »

Et pour cause, aucune des affaires en cours ne semblait avancer de toute façon, ce qui énervait Ana d’autant plus. La traque des Lycanthropes, des traîtres, de Wilson etc, tout cela la mettait en rogne, car c’était horriblement lent.

« Donnez-moi donc une bonne raison pour ne pas vous mettre un avertissement. »

Comment continuer une journée du mauvais pied ? Se faire convoquer par la grognasse ! Hum, il la sentait mal, vraiment mal. Il était du genre à arriver toujours à l’avance -un peu, il ne faut pas abuser- et à ne pas forcément partir à l’heure. On aurait pu croire qu’il était dévoué à son travail, et d’une certaine manière il l’était… mais c’était surtout pour qu’on l’oublie pour que les Supérieurs/le Gouvernement oublie certaines de ses « frasques » passées. Alors pour une fois qu’il était à la bourre et de si peu de temps, il était agacé de se faire convoquer ainsi dans le bureau d’Ana. Il le savait, il avait quand même devoir faire profil bas. Inspiration. Expiration. Tout allait bien se passer -oupas-.

Lorsqu’il entra dans le bureau, la tronche qu’elle dirait en disait certainement long… beaucoup trop long. Elle avait sa tête et surtout sa voix des mauvais jours. Génial. Vraiment une mal baisée celle-là. Injuste comme pensée ? Certainement, mais en même utiliser son statut pour… coller un peu trop les petits jeunes comme lui ne méritait pas autre chose que le dédain voire l’amertume. Profil bas, Tveit. Surtout qu’avec son mal de crâne, il n’était pas certain de pouvoir gérer comme il le pouvait ses propos. Calme.

« Oui, désolé Madame. La santé de mon fils m’a fait retarder de quelques minutes.»

La sienne aussi, mais parler de celle d’un bébé sang-pur faisait généralement son effet… d’autant plus qu’il avait quoi quelques minutes à une dizaines de minutes de retard, rien de bien grave à ses yeux. Le monde allait survivre sans ce temps-là, mais ça il ne pouvait pas le dire tout haut, alors il se contenta du silence… et lorsqu’elle reprit la parole, il se retint tout juste de grincer des dents. C’était donc lui qu’elle avait choisi d’emmerder profondément aujourd’hui. C’était bien sa veine ! En soit, elle n’avait pas tout à fait tort, mais le dossier en question, était une vieille merde qu’on lui avait refilée, un casse-tête. Et certains de ses collègues bossaient également avec lui, en équipe. Elle manqua de l’achever en lui disant qu’elle allait lui donner un avertissement. Si elle voulait qu’elle le supplie, c’était mort, il ne ferait jamais ça. Néanmoins, il devait répliquer quelque chose et là il manquait d’idée. Ou plutôt son mal de tête l’empêchait de bien réfléchir.

« On fait ce que l’on peut, Madame ; mais vous savez aussi bien que moi que le terrain réserve toujours des choses inattendues. On se confronte à quelques complications. Mais mes collègues et moi-même avançons quand même.» Il se tut quelques instants, avant d’hausser un peu les épaules « C’est à vous de décider ce qui est le mieux mais je ne suis pas certain de bien saisir le motif, par contre.»

Par ce qu’il le savait, qu’il n’avait rien à se reprocher. Et ça la plupart de ses collègues pourraient l’affirmer. Au moins, il ne l’avait pas suppliée, ni insultée. Tveit avait bien du mal à comprendre ce qu’elle lui voulait exactement. Elle ne le cherchait pas par hasard, alors quelle mouche l’avait piquée ce matin à cette tordue ?

Étant donné que la sous-directrice du département était de mauvais poil ce matin-là, il était évident que même si Warren lui servait une bonne excuse pour expliquer son retard, elle trouverait toujours quelque chose à redire. Ainsi était Ana dans ses mauvais jours, une femme froide et autoritaire, une garce sans aucune empathie. En fait, elle l’était aussi dans ses bons jours, de toute façon. Mais elle pouvait se montrer plus ou moins compréhensive, peut-être que si Warren lui apportait des informations qui pourraient lui être utiles ou qui lui donneraient l’espoir que les dossiers piquants du moment avançaient…Il n’en fut rien pour le moment, le jeune Tveit expliquait juste le plus naturellement du monde que son retard était dû à l’état de son fils. Ana soupira légèrement, les traits durs de son visage étaient loin de s’être adoucis. Elle jeta un œil à l’horloge sur le mur adjacent du bureau, puis son regard sévère vint retrouver celui de Warren. Agacée, elle répéta :

« Quelques minutes… »

Cela ne faisait pas seulement « quelques minutes » que le jeune Tveit était en retard. C’était à chaque fois la même chose, dès qu’il y avait un retard quelconque à la brigade de police ou ailleurs, les employés lui sortaient toujours la même rengaine, à base de « Mon fils est malade, désolé du retard » ou encore « ma fille se sent mal je dois rentrer » et bla-bla-bla. Ana qui n’avait jamais élevé d’enfant commençait à être exaspérée de ce genre d’excuse, et cela faisait longtemps maintenant qu’elle ne se montrait plus aussi clémente, si seulement l’avait-elle était une fois dans sa vie. Rivers était bien plus compréhensif qu’elle à ce sujet, mais le jour où elle accèderait à son poste, les choses changeraient, c’était certain.
D’ailleurs, la brune trouvait cela un peu trop facile d’utiliser sa progéniture, aussi sang-pure était-elle, pour s’autoriser le droit d’excuser un retard ou une absence. À force, il y avait même de quoi douter. Elle esquissa alors un léger sourire, narquois.

« C’est trop facile d’utiliser sa progéniture pour excuser un retard… »

Puis, elle laissa échapper un petit rire.

« Mais bon, je ne vais pas vous passer sous Veritaserum pour si peu. »

Warren à ce jour était toujours dans les bonnes grâces d’Ana, pour son travail rigoureux et son charme masculin juvénile. Mais cela risquait de ne plus être le cas si elle notait un nouveau retard dans les prochaines semaines, et si elle n’avait pas les réponses qu’elle cherchait actuellement. Alors que la sous-directrice n’avait pas encore décidé si elle pardonnait Warren pour cette fois ou si elle lui collait un avertissement. Elle préférait le laisser s’expliquer sur le manque d’avancée des affaires avant de prendre une quelconque décision.
Malheureusement, la réponse du jeune homme n’était pas celle qu’elle attendait. Certes il lui avait assuré que la brigade avançait quand même. Mais il avait également évoqué quelques complications. De quoi exactement parlait-il ? Ana n’était pas les complications, ni les contre-temps. Elle soupira une nouvelle fois et s’agaça de nouveau, tapant presque de ses petits poings sur le bureau.

« Et bien de n’est pas encore assez. »

Dit-elle sur un ton tranchant, avant de continuer.

« Vous savez j’ai moi-même fait partie de cette brigade. Étrangement, nous n’avions pas autant de « contre-temps » ou « complications », à l’époque… »

Et pourtant, cela n’était pas si loin que ça. Quelques années, tout au plus, mais Warren n’en faisait pas encore parti, il était sûrement encore à Poudlard. Certains de ses collègues plus âgés par contre, se souvenaient probablement d’Ana faisant partie de la brigade. Les dents et les poings serrés, elle toisait toujours le jeune Tveit, oppressante.

« Je veux plus d’informations, et d’agissements. Sinon, il y aura probablement très bientôt un grand ménage de fait parmi vos collègues. »

La sous-directrice se mit à fouiller dans les dossiers des tiroirs de son bureau. Depuis la fuite de Wilson, les envies de traque, de meurtre et de sang la tiraillaient. Si elle jugeait la brigade de police trop incapable, elle allait finir par s’en charger elle-même. La frustration et l’exaspération grimpaient en elle, de jour en jour.

« Vous pouvez d’ors et déjà me donner des noms, je gagnerai du temps. »

Ana doutait que Warren balance des collègues, même si ceux-ci ne travaillaient pas suffisamment ou faisaient ralentir la brigade, ce n’était probablement pas son genre. Elle savait au fond qu’elle devrait faire le ménage elle-même.

Il devait rester calme, même s’il le cherchait et il voyait bien à son regard qu’elle semblait chercher la petite bête par ce qu’elle n’appréciait pas sa réponse qui était pourtant tout à fait véridique. Mais bon, Ana et les gamins, ça devait bien faire 50. A son avis, les gosses la fuyaient comme la peste tellement elle devait leur faire peur, il ne pouvait pas lui demander de comprendre, c’était beaucoup trop compliqué pour elle visiblement. Il soupira brièvement et haussa un peu les épaules d’un air qui se voulait  navré. Ne pas la chercher. Rester un bon petit gars. Il n’était pas être dans ses faveurs, mais être en disgrâce serait certainement pire, alors on prend sur soi !  Pas trop le choix de toute manière … Pourtant, il ne tarda pas à s’entendre dire d’une manière détachée mais qui montrait qu’il disait la vérité, que ce n’était pas pour la faire chier.

« Vous pourriez, mon discours ne changerait pas… tout comme vous pouvez me faire lire la cervelle par quelqu’un, c’est juste la vérité, Madame.»

Tout ça pour quelques minutes UNE fois. Sérieusement. Qu’elle casse couilles celle-là, mais Tveit se disait que son karma n’était pas non plus fameux : il avait fallu qu’elle vienne voir PILE ce jour-là. Vu son humour, à la Supérieure, il se doutait bien que la conversation ne s’arrêterait pas là… et il avait bien raison. Ana avait besoin de punir quelqu’un visiblement - à tort ou à raison- ce coup-ci. Warren tenta d’apaiser un peu les choses, de lui faire comprendre qu’il y avait des imprévus comme ça arrivait parfois… mais là encore elle ne semblait pas d’humour à l’entendre de cette oreille et ne retenait que les mots négatifs pour les retracer comme elle le souhaitait. Fatiguant, cette manière de faire et pourtant, il en avait l’habitude. Il s’empêcha tout juste de claquer sa langue contre son palais pour montrer son mécontentement, heureusement d’ailleurs vu qu’elle s’agaçait seule. On aurait dit un gamin qui allait faire sa petite crise par ce qu’il n’avait pas eu le jouet qu’il voulait… pensée exagérée ? Tout à fait, mais cela lui plaisait cette image, cette métaphore, pour un peu, il lui aurait mis un bavoir dans son imagination mais il avait trop peur de pouffer. Concentration. Concentration difficile vu son mal au crâne qui continuait de lui picorer, déchirer le crâne. Lorsqu’elle soupira, il ne tarda pas à en faire de même en écoutant ses paroles. Il dût se mordre la langue et faire preuve d’un grand self contrôle pour ne pas avoir un ricanement sarcastique à la fin. Comme s’il allait cracher les noms de ses collègues. Il n’était pas comme ça, et même s’il l’était, ce n’était pas le moment de passer pour une balance. Il l’observa donc en silence quelques instants, essayant encore et toujours de rassembler un maximum ses pensées pour ne pas dire trop de bêtises…

«Les méthodes sont peut-être aussi différentes et les missions aussi, Madame. Pour certaines, il n’y a aucune complications, tout dépend du dossier et avec qui on a affaire.»

Promis, ça ne voulait pas dire qu’elle était vieille, juste que les choses changeaient, surtout avec tous ce qui s’était passé ces derniers mois au Ministère et ça, elle ne pouvait le nier. Il avait laissé passer encore quelques instants de silence. Il n’y avait certainement pas de bonnes informations à donner, à dire. Aucun argument ne ferait mouche à ses yeux lorsqu’elle était comme ça. Il se mordilla alors un peu la lèvre, l’air gêné avant de lui faire un sourire. Léger. Le but était d’essayer de la mettre de meilleure humeur, il avait compris que ses atouts physiques étaient un bon point pour plaire à Ana…

«Il n’y a aucun nom à donner, on travaille tous en collaboration. T pas que le groupe auquel j’appartiens, on s’aide tous. » Plus ou moins, mais pour lui montrer que beaucoup d’entraidaient, se rendaient de petits services et qu’elle ne pouvait donc pas virer tout le monde comme ça. « Et puis vous savez, moi, je suis là depuis moins d’un an, je ne suis qu’un Bleu aux yeux de beaucoup. En étant mois expérimenté que mes collègues, ce qui est normal, on apprend au fil du temps.» Il s’empêcha de dire « vous devez donc en avoir une énorme expérience ». « … forcément on avance moins vite que d’autres. Et puis, avec la conjoncture actuelle, les langues se délient moins par moment…»

Tveit pouvait très bien dire la vérité, cela ne changeait rien aux faits. Il était en retard, avait été convoqué pour cela, il avait tenté une explication, qu’Ana n’avait pas vraiment crue. Mais c’était ainsi, elle n’allait ni passer Warren au veritaserum pour si peu, ni faire fouiller sa cervelle, comme il disait, ce genre de pratique était réservé pour des cas de trahison suspects, et non pas pour vérifier l’authenticité des paroles d’un simple employé de la brigade de police magique. Celui-là même qui jusqu’à présent avait toujours été le chouchou de sa sous-directrice, et ce en toute circonstance. Mais en ce moment, cette dernière n’était plus d’humeur. Pour mettre un peu Warren sur un pied d’égalité avec les autres, il fallait bien se temps en temps, elle avait ce matin-là trouvé une excuse futile pour lui chercher des poux dans la tête. Et elle y arrivait, car le jeune Tveit cherchait par tous les moyens à se défendre. Ana avait la sensation désagréable qu’il prenait du poil de la bête pour oser lui répondre ainsi, alors qu’elle avait l’habitude qu’il s’écrase sans vraiment se justifier.

Néanmoins, elle n’allait pas s’énerver d’avantage, pour si peu. À sa réflexion, elle secoua simplement la tête.

« Pour si peu, ce ne sera pas la peine. Admettons, que vous disiez la vérité. »

Car elle n’avait aucun moyen de prouver le contraire et à vrai dire la faute n’en était pas vraiment une, un léger retard pouvait arriver à tout le monde. Mais la brésilienne n’était pas de celles qui laissaient tout passer, bien au contraire. Pour mener son département à la baguette, il fallait faire preuve de beaucoup d’autorité et d’intransigeance.
Ana admettait donc l’excuse de Warren, mais ne le pardonnait pas pour autant. Ces derniers temps, plus que jamais, elle ressentait ce besoin d’écraser ses employés telle une dictateure en manque pions à se mettre sous la dent. Il y avait simplement à espérer qu’elle se calme lorsque Wilson et ses amis chiens noctambules soient tous maîtrisés. Cette femme n’avait aucune idée de la grosse erreur qu’elle avait commise en se mettant Oliveira à dos.

Malgré tout, elle ne reviendrait pas sur ses paroles précédentes, lorsqu’elle faisait elle-même partie de la brigade de police, celle-ci était bien plus efficace. Warren marquait un point cependant, les affaires n’étaient pas les mêmes, mais il en a toujours été ainsi. Ah, ce que cette manière de se justifier l’agaçait. Elle préférait ne pas répondre pour éviter que le jeune Tveit n’aggrave son cas. Peut-être que lui continuait de travailler correctement, en effet. Mais Ana était persuadée qu’il était entourée de plusieurs feignants, qu’elle voulait pincer.
Malheureusement, Warren ne voulut dénoncer personne. Il fallait s’y attendre compte tenu de sa personnalité, mais pourtant, il lui semblait bien que les Supérieurs le gardaient à l’œil, n’étant pas tout à fait certains de sa fidélité envers la Cause. En tout cas, envers ses collègues, il l’était. C’était curieux, car il semblait bien à la brunette qu’il n’était pas très apprécié. À moins qu’il n’en était pas au courant. Cette pensée fît apparaître un sourire mesquin sur les lèvres de la sous-directrice.

« J’admire votre solidarité envers vos collègues. »

Faux, elle s’en fichait, et ces quelques mots sentaient le mensonge non dissimulé à plein nez. Dommage que le jeune homme se dévalorisait par rapport aux autres. Parfois, l’ancienneté ne faisait pas tout, il était à ses yeux un bon élément, encore novice certes, mais prometteur. Elle le lui avait déjà dit, mais il venait de trouver les mots pour la faire redescendre un tant soit peu, même si cela ne changerait rien aux faits, malgré tout ce qu’il pouvait dire.

« L’ancienneté ne fait pas tout, vous savez. Certains se contentent de leur misérable poste toute leur vie. D’autres, sont plus ambitieux, c’est comme ça. »

Elle espérait que le jeune Tveit ne l’a décevrait pas sur ce point. Elle pensait qu’il était de ceux qui avaient de l’ambition pour évoluer. Mais peut-être qu’elle se trompait, et si Warren se contentait de son bas rang en tant que « newbie » dans la brigade ? Cela serait fort décevant.

La suite intéressait Ana d’avantage.

« Qu’insinuez-vous, au juste ? »

Elle était curieuse de savoir pourquoi est-ce que ces temps-ci les langues se déliaient moins, comme Warren avait l’air de le dire. Il en entendait probablement bien plus qu’elle à la brigade.

Ne pas lever les yeux au ciel. Surtout ne pas faire ça même s’il en mourrait d’envie. Agaçante. Est-ce que l’on ne pouvait pas l’achever ? Non ? Dommage. Il soupira doucement, en ne sachant pas quoi répondre, certainement justement par ce qu’il n’y avait aucune réponse qui était vraiment attendue. Son « admettons  que vous disiez la vérité » avait tendance à le stresser quand même pas mal, pour ne pas dire l’agacer. Pourquoi est-ce qu’il mentirait … et même s’il mentait ce n’était pas bien grave en soit. Ce n’était qu’un léger retard et vu les heures qu’il faisait en plus sans être payé, cela n’avait aucune incidence sur son travail. Malgré tout, il se sentait presque chanceux qu’elle abandonne ce sujet-là aussi « facilement ».

Concernant ses collègues, il n’avait pas envie de lâcher le morceau. Dénoncer ses collègues ? Il en était hors de question ! C’était assez compliqué à la brigade, il voulait que ses collègues aient confiance en lui alors il n’allait pas leur faire ce coup bas ! Le travail d’équipe était important pour lui et les journées étaient parfois déjà assez compliquées sans en rajouter une couche supplémentaire et devenir un genre de paria. Ceci dit, risquer de se mettre à dos Ana n’était pas la meilleure des solutions alors il essayait d’apaiser un peu les choses à ses manières. Lorsqu’elle répondit, il haussa un peu les épaules avant de lui faire un charmant sourire - sait-on jamais… ça pouvait être utile-.

«Vous en feriez autant pour vos collègues Madame, si vous travailliez en équipe. Pour que ça fonctionne, il faut une forte confiance et ce n’est pas en inventant une dénonciation pour vous faire plaisir, ou en accentuant certains traits que cela se produira, tout simplement. J’ai trop de respect pour eux m’abaisser à cela, et j’suis pas une balance.»

Bon le respect pour eux, en réalité… ça dépendait vraiment des personnes, mais il ne pouvait pas le dire clairement. Malgré tout, Tveit essayait de rester diplomate, de lui donner les meilleurs arguments possibles, par ce qu’il savait qu’elle serait certainement assez intelligente pour les entendre… du moins il l’espérait sincèrement.

« Bien sûr, mais pour monter les échelons il faut montrer quand même un minimum ses capacités, et il est normal de commencer au départ tout en bas de l’échelle… Je ne suis pas comme certains, qui, en une mission réussie demandent d’upgrader ou un meilleur salaire…» Il haussa les épaules. « Je sais que pour avoir la confiance de ses coéquipiers, surtout lorsqu’on est plus gradés, il faut le mériter, il faut que les autres reconnaissent ce que l’on vaut… sinon le résultat peut être désastreux et brimer ses troupes, les humilier, les mener seulement à la baguette ce n’est pas forcément pour moi. J’ai le temps de faire mes preuves et lorsque je le pourrai, je deviendrai Auror, comme c’était prévu au départ.» Il s’était tu quelques instants avant de reprendre sur cette histoire de langue qui se déliaient. « Que trop de mesures… trop extrêmes aux yeux de beaucoup, la peur de ce qui peut leur arriver… ne donnent pas envie à la population de parler. Quelque chose comme ça… Les gens sont beaucoup plus méfiants de nos jours.»

Il haussa les épaules, cela lui paraissait évident, mais Ana devait oublier de se fondre dans la population, d’écouter les gens autour d’elle, sinon ces dires auraient dû lui paraître logique, du moins du point de vue de Warren. Et il ne pouvait pas les blâmer, ses concitoyens, par ce qu’il aurait été le genre à cracher à la gueule de l’autorité s’il avait été de leur côté…. Certainement même qu’il l’aurait fait, s’il n’avait pas été dans une position aussi délicate.

Ainsi Warren préférait lui tenir tête plutôt que de lui donner quelques noms de collègues qui avaient tendance à se la couler douce et accumuler des bourdes, le département de la justice avait besoin de personnes solides et sur qui on pouvait compter, et non pas de feignants qui préféraient se reposer sur leurs acquis. Ana sentait bien que le jeune Tveit cherchait par ses paroles et son point de vue, à se faire bien voir par sa supérieure, en espérant peut-être qu’elle oublierait la raison de sa convocation dans son bureau, mais c’était loin d’être le cas, car la sous-directrice gardait toujours ceci dans un coin de sa tête. Pour le moment, elle ne faisait qu’écouter ce que ce petit jeune avait à lui dire, et décidément la jeunesse d’aujourd’hui n’était plus ce qu’elle était. Quelle naïveté de croire qu’Ana en serait arrivée là si elle avait appliqué les principes que lui expliquait Warren. À ces mots, elle ne put s’empêcher d’éclater de rire. Enfin, un bien grand mot, elle ne s’était pas non plus esclaffée pour que personne n’entende ce qui émanait de son bureau, mais elle s’était ouvertement payée la tête du jeune Tveit. Et qu’importait son sourire de petit jeune séduisant aujourd’hui, car Ana ne s’intéressait pas qu’à cela, et il fallait bien avouer que ce jour-là, il montrait à sa supérieure un trait de sa personnalité qui ne lui plaisait guère. Car non, la brune autoritaire n’aurait pas caché à son supérieur si l’un de ses collègues nuisait à la Cause ou au travail, et elle n’aurait eu aucun scrupule à le dénoncer. Voilà pourquoi, elle répondit à Warren, après s’être calmée, mais toujours aussi amusée.

« Non, cela m’étonnerait beaucoup… »

Une simple phrase qui répondait à beaucoup de choses, car non seulement Ana se fichait de pousser à la délation, mais elle venait également de confirmer que son protégé n’était définitivement pas une « balance ». Elle haussa les épaules à son tour, puis se leva. L’heure tournait, l’un et l’autre se devaient de reprendre leurs activités professionnelles respectives. La brune contourna son bureau pour arriver face à Warren, elle s’assit devant lui, les jambes croisées et son regard baissa vers le sien, un sourire narquois sur les lèvres.

« Effectivement, je pense qu’Auror sera à votre portée dans quelques années si vous continuez ainsi. »

Malgré tout, Ana lui reconnaissait ces qualités, grâce au travail qu’il fournissait au sein de la brigade, il se pouvait en effet que le jeune Tveit atteigne un jour ses objectifs. Mais pas pour le moment, ses paroles en témoignaient. C’était regrettable à penser, mais malheureusement Warren baissait drastiquement dans son estime. Quel gâchis. Mais c’était ainsi, Ana ne pouvait pas s’entourer de gamins faibles dans ses rangs. Tant qu’il faisait son travail à la brigade, leur relation resterait cordiale mais elle ne serait probablement pas aussi conciliante que jusqu’à présent.

« Mais vous n’irez jamais plus loin. »

Un nouveau haussement d’épaules et son sourire qui s’élargît sur ses lèvres.

« Une erreur de jeunesse, sans doute. Mais vous manquez cruellement de poigne, vous êtes bien trop conciliant. »

Peut-être était-ce dû à sa jeunesse, mais certains restaient ainsi, malheureusement. À présent, Ana descendît du bureau et se dirigea vers l’une des étagères de la pièce où se trouvaient plusieurs dossiers en attente d’être traités. D’après Warren, beaucoup semblaient trouver les mesures prises par le Ministère trop extrêmes, ce qui ne les encourageait pas à parler. Et c’était une très bonne chose. Ainsi, un sourire cette fois satisfait et malfaisant apparut discrètement sur ses lèvres. L’intimidation était une très bonne solution pour garder le peuple docile et obéissant à l’égard de la Cause.

« Ce sera tout, pour le moment. Vous êtes libre de regagner votre poste. »

Elle avait obtenu les informations qu’elle souhaitait. Après avoir hésité, tout de même, elle se tourna une dernière fois vers Warren.

« Par contre, je vous colle quand même un avertissement pour votre retard. Bonne journée, Monsieur Tveit. »

Un léger rire mesquin, et Ana retourna s’asseoir à son bureau pour commencer à travailler sur le dossier qu’elle venait s’ouvrir devant elle.

Est-ce qu’il se fichait qu’elle se moque de lui ? Peut-être un peu, même si ça ne faisait jamais plaisir. Mais disons que l’avis d’une harpie telle que cette femme n’était pas quelque chose de bien important au final. Néanmoins, elle restait sa supérieure hiérarchique et il devait pas trop se la mettre à dos pour ne pas subir encore moults problèmes et missions merdiques. Il le sentait, elle était du genre à donner les pires missions à ceux qui l’emmerdaient. Il essayait donc de rester un minimum lui-même, mais de ne pas trop dépasser certaines limites même si parfois, il faut bien l’avouer il avait quand même parfois un peu de mal savoir se taire au bon moment. A noter quand même, elle semblait être une sacrée balance si elle pouvait bien se faire voir de ses supérieurs ; et ça, dans certaines circonstances il avait quand même un peu de mal avec ça.

Comment est-ce qu’ils en étaient arrivés à parler du reste, il n’en savait trop bien. Peut-être par ce qu’elle avait un peu trop piqué dans son égo et qu’il avait besoin de lui montrer qu’il avait des objectifs dans la vie, qu’il était un minimum ambitieux. Il se retint tout juste de sourire lorsqu’elle lui confirma qu’Auror serait un jour -bientôt- à sa portée. A vrai dire, il pensait qu’il pourrait faire un Auror débutant pas trop mauvais et qui s’améliorerait avec l’expérience mais il préférait ne pas le présenter comme ça. Néanmoins, elle avait bientôt repris la parole, il haussa un sourcil plus amusé qu’outré. Il n’irait jamais plus loin ? En même temps être le chef de connards racistes, ça ne le tentait pas franchement non plus, tout allait donc bien dans le meilleure des mondes. Un jour, si le Ministère changeait de bord, peut-être qu’il s’investirait plus, peut-être qu’à ce moment-là il voudrait vraiment plus mais pour l’instant c’était loin d’être le cas. Qu’est-ce qu’il pouvait répondre à tout cela probablement pas grand-chose, alors, il se contenta de pencher un peu la tête sur le côté avant d’acquiescer doucement.

« Pour l’instant, je trouve que c’est déjà un bel objectif… et puis avec les années et l’expérience beaucoup de choses peuvent changer.»

Il haussa les épaules et lui fit un nouveau sourire plus poli qu’autre chose, se retenant bien de dire que toute manière tout le monde n’était pas fait pour être chef et qu’elle était compris dans le lot. Il trouvait qu’elle faisait vraiment un chef exécrable, mais ça bien sûr, s’il tenait à sa tête ou à sa vie il ne pouvait clairement pas le dire. Silence, donc.
Personnellement, il préférait être conciliant plutôt qu’être cruel et injuste. Borné, stupide, étroit d’esprit, sadique… et toutes les choses qu’elle et bien d’autres personnes ici étaient.

Bientôt la mégère l’avait congédiée, il s’empêcha tout juste de grimacer lorsqu’elle lui parla de l’avertissement. Pauvre petit chose qui avait besoin d’asseoir son autorité. Il avait envie de lever les yeux au ciel, mais s’en empêcha. Ne pas lui donner cette satisfaction.

« Je vous souhaite une bonne fin de journée, Madame.» avait-il dit avant de tourner les talons et de repartir à son poste.

Dans sa tête, il lui sortait tout sortes d’injures et lui faisait beaucoup de doigts d’honneurs. Dans sa tête seulement. Même si l’avertissement l’ennuyait, tout le monde se foutrait bien qu’il ait un jour été en retard de quelques minutes seulement. Ce n’était pas ça  qui allait nuire à sa carrière, surtout que son point de vue Ana avait sa réputation. Ils sauraient tous ce qu’il en était.