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Fantômes du passé – Maxence [Terminé]

 :: Londres :: Centre de Londres :: ─ Le Chaudron Baveur. :: « Chemin de Traverse »
Ven 1 Avr 2022 - 13:19
Fantômes du passé – Maxence [Terminé] Ghosts18


Une goutte, deux gouttes, trois gouttes. Une averse sembla s’abattre sur le centre de Londres comme un rideau de douche mal fixé et n’épargna pas ce petit bout de femme qui se dirigeait d’un pas très rapide vers le Chaudron Baveur. Elle avait passé la matinée dans le Londres moldu pour partir à la recherche de quelques plantes magiques qui, à l’insu de tout être non doté de pouvoirs magiques, menaient leur plus belle vie dans les parcs de la ville. Aurea était une connaisseuse. Certains passaient des heures dans les forêts à repérer et ramasser les plus beaux champignons, la jeune femme avait l’œil et connaissait les meilleures cachettes pour approvisionner sa boutique. Elle essayait dès que possible de consacrer une matinée pour se balader et prendre au plus local, matinée qu’elle choisissait selon la météo. Inutile de préciser qu’il était assez difficile d’appréhender correctement le temps dans la capitale anglaise et de trouver un créneau suffisamment grand sans que la pluie sorte le grand jeu, mais Aurea avait ses petites habitudes, et elle parvenait toujours – presque toujours – à passer entre les gouttes pour remplir son petites fioles, boîtes et sachets qu’elle transportait partout.

Elle avait hâte tout de même de franchir le passage pour revenir dans le monde magique. Pendant des années, elle avait eu peur de rester trop longtemps dans les rues arpentées par les moldus, elle avait d’ailleurs repoussé ce moment des centaines de fois avant de prendre son courage à deux mains et enfin se lancer. Ces lieux lui rappelaient tant de souvenirs. Il y avait les longues ballades avec Alice et Owen, époustouflés par la grandeur des bâtiments. Il y avait ces repas romantiques dans les restaurants du coin. Il y avait ces ivresses. Il y avait ces sourires qu’elle avait partagés avec Ruben. Les vitrines des boutiques reflétaient la vie qu’elle avait eue parmi les moldus lorsqu’elle avait un véritable foyer avec celui qu’elle aimait.

La rapidité de ses pas lui laissèrent bien peu de temps pour penser à tout cela aujourd’hui, mais pendant des semaines, des mois même, fouler ces trottoirs – témoins de tant d’évènements dans sa vie – lui avait transpercé le cœur, tels des couteaux bien aiguisés. Fort heureusement, il lui suffisait à présent de traverser cette rue-là, de tourner à droite, puis à gauche et…

Elle se stoppa. Net. Ses cheveux trempés se plaquaient sur son visage mais peu à peu l’averse se faisait moins lourde et ne la dérangeait plus tant que ça. Une voiture klaxonna son indécision à traverser ou non, elle aurait voulu prendre ses jambes à son cou et rentrer dans la première voiture qu’elle voyait. Devant elle, un visage, qu’elle n’avait plus vu depuis des années, lui faisait face. Une douche froide. Les ballades, les sourires, les ivresses, les restaurants, les « je t’aime », tout lui revenait en tête. Mais ça n’était pas Ruben qui se trouvait devant elle, à la regarder de l’autre côté du trottoir, mais bien un des fantômes de son passé. Maxence, le cousin de son ex-mari était là, après des années d’absence dans sa vie. Naveen, le meilleur ami de Ruben, l’accompagnait mais regardait ailleurs. Un deuxième coup de klaxon et des paroles peu civilisées la firent se déplacer pour laisser place aux voitures qui l’attendaient. Elle était toute retournée. Son sang s’était glacé et ça n’avait rien à voir avec les quelques gouttes qui continuaient leur route sous son col roulé. Elle lui lança un dernier regard et continua sa route d’un pas encore plus pressé.
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Sam 2 Avr 2022 - 20:09
Une goutte, deux puis trois. Toutes claquant à la surface de la petite table d’aluminium qui trônait à la terrasse d’un café. Fière petite table exposée à l’appel des beaux jours et autour de laquelle deux vieux amis s’étaient retrouvés un peu plus tôt. Un café sur la pause du midi, du moins pour l’américain, l’anglais ayant opté pour un thé sous le regard amusé de Maxence qui avait fait la réflexion qu’ils étaient finalement tous deux deux clichés ambulants. Un peu comme cette ville, avait-il ajouté, une paume tendue vers le ciel, accusant l’averse à venir.

« Tu parles d’un mois d’août... » C’était ainsi parfois, le soleil dardait sur eux des rayons vifs une journée pour être remplacé par une averse sourde le lendemain. Déjà prêts à se retrancher derrière les hautes fenêtres du troquet, les deux hommes furent arrêtés dans leur mouvement commun par l’auvent qu’un serveur vint dérouler de quelques tours de bras. Maxence eut à peine initié un geste pour aller ouvrir le second que la propriétaire apparu déjà, la tige de métal dans la main, servant quelques blagues à ses clients sur la météo londonienne. Ainsi continua leur petite pause de mi-journée. L’oeil perdu sur les grosses flaques qui, déjà, s’accumulaient sur le bitume et l’esprit bercé par le tintement régulier de la pluie sur le tissu, Maxence écoutait les anecdotes de Naveen sur sa matinée sans véritablement songer à sa propre journée de travail. Depuis que, quelques semaines plus tôt, il avait enchaîné des passages compliqués, dû rester éveillé chaque nuit pour aider au sein de la Garde et manqué de perdre une amie après avoir laissé partir sur sa table quelques patients auxquels il tenait, Maxence sentait bien que le travail devenait compliqué. Sa boss avait bien trop tiré sur la corde le concernant, lui demandant d’être là à des heures indues alors même qu’il était censé être en congé, l’appelant en urgence pour le soir même régulièrement. Bref, il l’avait envoyée paître d’une manière qui lui ressemblait bien peu. Étrangement, il n’était pas viré… pour autant la situation devenait délicate et lui-même se rendait compte qu’il en était rendu à un tel niveau de ras-le-bol de ce job de laboratoire qui ne correspondait en aucun cas avec sa vocation primaire qu’il avait perdu le goût de faire des efforts face à quelqu’un d’exécrable. Aucune envie, donc d’évoquer ce sujet, l’ancien médicomage préférait de loin écouter Naveen lui conter ces parcelles d’une vie en milieu médical qui lui manquait tant.

La tasse au bord des lèvres, le café brûlant glissant dans sa gorge, l’homme en frissonnait de plaisir. Boire un café en bordure averse drue venue lessiver le monde, quoi de plus agréable ? Ici et là des passants se pressaient sous leurs parapluies ou de porches en porches pour tenter d’atteindre un coin plus sec. Nombreux avaient d’ailleurs été ceux à s’arrêter à leur petit café quelques minutes, le temps d’espérer que le déluge ne s’apaise. Les deux hommes échangèrent d’ailleurs rapidement avec l’un de ces passants, détrempé jusqu’aux os qui, fixant sa mallette d’un air dépité, s’était réfugié ici. Il aimait, lui, comme le monde pouvait sembler s’effondrer des cieux pour chasser poussière et mauvaises pensées, ne laissant le temps d’une ondée que le besoin vif de trouver un abri.

C’est absorbé par sa contemplation que ses yeux s’arrêtèrent finalement sur une silhouette qui, au travers des trombes d’eau, s’était arrêtée en le fixant. Pas de difficulté à la remettre, d’hésitation, d’impression de déjà-vu : Il su à l’instant même où leurs regards se croisèrent. S’il s’était figé, la tasse aux bords des lèvres, les traits du visage bloqués de stupefaction, Naveen, lui, ne réagit pas.

« Hey, t’as vu qui y’a ? »
« Hm ? » Du coin le l’oeil, il perçu le secouriste tourner les yeux vers le trottoir qu’il fixait. Impossible de la louper, des voitures s’étaient arrêtées pour la laisser passer et, déjà, la klaxonnaient.  Mais contrairement à toute attente, Naveen n’eut pas la réponse qu’il attendait. « Heu... non, qui ? » Pourtant c’était bien elle. Et elle l’avait tout autant reconnu.  « Tu sais s'il s'agit d'une super actrice, je crois que je ne suis pas trop au fait de tout ça » tenta-t-il de plaisanter, manifestement intrigué. Lâchant difficilement Auréa du regard – comme si, d’un battement de cil, elle eut pu disparaître – Maxence le posa sur son ami qui pourtant, regardait dans la bonne direction.

S’il n’y avait pas eu un passif entre eux, s’il n’avait pas pris l’habitude de gérer sa propre mémoire effacée régulièrement par la Garde, s’il n’était pas assez intégré dans le monde sorcier, Maxence n’aurait peut-être pas réagi aussi vite. Pourtant c’était le cas et son trouble ne dura pas plus de quelques secondes.

« Ah mais non j’suis con ! » Déjà Maxence lui décochait un petit coup sur l’épaule. « Je me plante de dates, on se connaissait pas encore ! C’est une collègue du temps de mes études. » Avalant son café d’un coup, il retrouvait pourtant la femme du regard, conscient que, déjà, Auréa filait sous la pluie. « Désolé, pas d'actrice à l'horizon ! » Seulement un truc pas clair. Refusant de la laisser disparaître, Maxence se souvint à quelle vitesse Ruben avait changé de sujet quand il l’avait abordé involontairement quelques mois plus tôt. Déjà, Maxence reposait la tasse sur la table de métal, jetait un coup d’oeil à l’eau qui gouttait de l’auvent. « Bon par contre j'ai des trucs à régler avec elle justement. ça te dérange pas si je file ? J'te raconterai ! Si ma boss m'appelle, tu m'fais un mot de retard hein » Un clin d'oeil pour souligner avec légèreté le naturel de ce départ. À Entendre Naveen répondre, Maxence se dit qu’à un moment donné, il avait appris à sacrément bien mentir.

« ca marche, à la prochaine, et tu me diras si tu veux qu'on se fasse un jour un repas avec Neolina ? Un conseil ne me laisse jamais faire de mots de retard Wargrave, tu pourrais bien le regretter. Allez file, va pas te mettre en retard »
« Pas de soucis on fait ça !! » Déjà, il passait sous la flotte dans un dernier geste de la main et traversait la route en direction de l’endroit d’où il l’avait vue disparaître. Auréa filait, cherchait manifestement à lui échapper. Que dire alors, de son attitude de stalker ? Rien : il lui fallait des réponses et puisque l’intégralité de la famille semblait avoir cessé de parler d’elle depuis des années, cette fois, Maxence entrevoyait dans son attitude un début de réponse à des questions qu’il ne s’était jamais véritablement posées. Or Auréa était une amie. Une très – trop peut-être - bonne amie. Une amie dont le départ à son retour du front lui avait mordu le cœur d’un manque évident. Trahi, d’une certaine manière, par sa disparition soudaine. Respectueux de la souffrance de son cousin, Maxence n’avait pas cherché à creuser mais à présent, tout remontait.

Au détour d’une ruelle, le sorcier compris le chemin qu’elle empruntait et bifurqua plus loin.

Lorsqu’Aurea passa la porte du chaudron baveur, Maxence l’y attendait, également tremblé jusqu’aux os.

« Bonjour. » Rien de plus. Ni agression ni réflexion. Pas même son prénom, craignant d’attirer sur elle quelque danger. Rien qu’un regard vif et soulagé venu attraper le sien, soutenu d'ombres vives d'émotions passagères. Elle allait bien; voilà déjà une information qu'il aurait aimé avoir plus plus tôt.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Lun 18 Avr 2022 - 19:28


Son corps tremblait. Elle ne savait pas comment, mais ses pas la guidaient alors que son esprit l’avait complètement abandonnée. Mille pensées se chahutaient dans sa tête, l’envie de le revoir, de lui parler, de partager avec lui toutes ces années et l’envie de courir, loin de cette vie qui la hantait. Fuir, comme elle avait fui des années auparavant. Elle dût s’arrêter juste avant le Chaudron Baveur pour vérifier qu’il ne l’avait pas suivie. Son cœur battait la chamade et ne lui laissait pas le temps de respirer correctement. Personne n’était derrière elle. Des passants la regardaient du coin de l’œil comme si elle allait – d’un moment à l’autre – s’effondrer au sol. Mais il n’en fut rien. Elle reprit son souffle, caressa son visage d’un revers de main pour placer ses cheveux mouillés derrière ses oreilles, et tenta de se caler contre le bâtiment pour éviter les quelques gouttes qui tombaient encore. Elle ne savait même plus trop ce qu’elle pensait à ce moment précis. Son regard s’était fait vide, à regarder le mur d’en face sans grande conviction, le temps qu’elle reprenne ses esprits. Que faisait-il là ? Elle l’aurait sûrement su si elle avait mené au bout sa mission d’oublietter toutes les personnes autour de Ruben, ou si elle avait juste essayé de le retrouver. Mais elle avait failli à cette mission. Elle savait qu’il était parti aux Etats-Unis, et tant qu’il y était, il n’était pas considéré comme un problème. Un problème. Cette idée lui fit mal. Le considérer comme un problème était réellement ce qui clochait chez elle. Avec tout ce qu’ils avaient vécus ensemble, cette complicité qu’ils avaient avant que tout dérape avec Ruben, considérer Maxence comme un problème lui paraissait atroce. Injuste même. Mais en vérité, elle ne s’était pas complètement pardonnée ce qu’elle avait fait à Ruben non plus, mais au moins, lui, n’en souffrait plus.

Depuis combien de temps Maxence était-il revenu en Angleterre ? Avait-il vu Ruben ? Comment avait-il réagi en comprenant qu’Aurea n’était plus là ? Lui en voulait-elle ? Avait-il parlé à Ruben de cette famille qu’il avait avant ? D’Alice ? D’Owen ? Quinze milliards de questions apparaissaient devant elle comme une liste de ce qu’elle craignait le plus au monde. La culpabilité de ce qu’elle avait fait lui revenait en plein dans la figure sans pouvoir contrôler quoi que ce soit. Elle savait pour quelle raison elle avait pris la fuite et décidé de rayer Ruben de sa vie, et qu’elle avait décidé de se rayer, elle et ses enfants, de la vie de Ruben, oh oui elle le savait ! et elle savait également que c’était une bonne décision à l’époque, mais aujourd’hui elle doutait presque. Revoir ce visage si familier la faisait douter au plus profond d’elle, réveillant de vieux démons. Et pourtant, elle avait essayé de le revoir, après être partie, mais il n’avait jamais répondu à son hibou et, depuis tout ce temps, elle avait elle-même réussi à oublier.

Il était sérieusement temps qu’elle passe à autre chose, elle ne cessait de se le répéter, mais là elle sentait qu’elle ne pouvait plus vraiment fuir plus longtemps. Elle craignait qu’ils ne finissent par se revoir, et elle ne saurait quoi lui dire, par quoi commencer. Pourtant, tout ce temps, là, à passer à côté du pub à réfléchir et reprendre son souffle, lui laissait une impression étrange. Derrière toute cette peur qui avait surgi soudainement se trouvait une envie de le revoir, d’entendre sa voix, même si cette envie était égoïste et irréelle, elle existait bien. Elle essuya son visage de ses deux mains, les passants avaient cessé de la dévisager, et elle se sentait prête à continuer sa vie, plus sereine. Elle passa alors les grandes portes d’entrée du Chaudron Baveur.

Un nouvel électrochoc la traversa, et cette fois-ci, la cause était devant elle, à quelques centimètres à peine. Non seulement il lui était impossible de fuir – question de bonnes manières – mais surtout, elle en était incapable. Elle ne tremblait plus. Elle ne réfléchissait plus. Elle se sentait éteinte, inerte, à deux doigts de claquer là tout de suite devant tous les clients du bar. Tomber dans les pommes n’était pas une option, bien évidemment, mais son corps ne répondait plus. Il lui adressa un mot. Un. Seul. Mot. Le son d’une voix qu’elle attendait depuis tellement de temps mais qu’elle pensait ne plus jamais avoir l’occasion d’entendre. Un son qui chamboulait toute sa vie depuis son retour dans le monde magique. Elle pensait ne plus être capable de rien lorsqu’elle s’entendit articuler, sans signe avant-coureur.

« Bonjour. » Sa voix était faible, mais on distinguait à peine le tremblement de ses lèvres. « Tu es revenu. » continua-t-elle. Elle ne savait pas si c’était une question ou une constatation, dans tous les cas, cette phrase était stupide, mais rien de plus ne semblait vouloir sortir de là. Elle tenta de faire le vide en elle, de ne pas perdre pied, de ne pas l’enlacer de toutes ses forces et de lui répéter qu’elle était désolée de tout ce qui avait pu arriver. Mais elle en avait envie, elle en avait terriblement envie.

Elle ignora comment ni pourquoi mais la situation sembla lui laisser un temps de répit, elle parvint à reprendre son calme, et elle sentit une force en elle qu’elle ne soupçonnait pas. Il n’était plus l’heure de faire marche arrière, d’espérer qu’ils ne se revoient pas, de faire comme si de rien n’était. Il était devant elle et il était peut-être temps, à présent, d’affronter ses démons. D’affronter les fantômes de son passé. Elle regarda autour d’elle, ils étaient les seuls à pouvoir l’entendre parler, elle s’approcha de lui, et prononça une phrase, qui aurait pu sembler grave mais qui, prononcée par la voix d’Aurea, sonna avec douceur.

« J’imagine qu’il est temps que l’on discute, Maxence. Qu’est-ce que tu en dis ? » Elle accrocha son regard dans le sien et lui laissa décider par lui-même s'il devait la détester ou non. Mais les dés étaient lancés.

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Mar 19 Avr 2022 - 20:28


  13 Aout 2016 ?



Le passé tambourinait contre ses tempes aussi violemment que la pluie à l’extérieur. L’eau ruisselait d’ailleurs sur son visage, gouttait sur son menton et le bout de son nez, s’insinuant dans l’interstice de ses lèvres pour s’aventurer jusqu’à sa langue. Trempé jusqu’aux os, lessivé en quelques minutes des averses de l’été londonien. Mais pas une seconde Maxence ne prit conscience de la sensation poisseuse des tissus collés à sa peau. Ce qui martelait ses côtes n’était autre que son cœur, éclaté sur les cernes de sa cage thoracique. Aurea se tenait là, ses mèches blondes assemblées de petits paquets trempés, ses doigts crispés, aussi figé que le reste de son organisme. Il lui sembla qu’il venait de sa simple présence de la stopper en pleine course. Un train fou qui viendrait de se prendre un mur. De dérailler. De s’échouer loin de sa destination. Les lèvres entrouvertes, l’ex femme de son cousin l’observait en silence comme si l’immobilité pouvait la soustraire à sa conscience. Aurea. Dire qu’il n’y avait eu qu’une amitié pure entre eux aurait sans doute été mentir tant il avait senti par moment ses veines se charger du poison de l’attirance. On ne touche pas à la famille alors tout adopté qu’il soit, Maxence n’avait jamais glissé sur cette pente pourtant abrupte. Si les regards, occasionnellement, s’étaient mêlés, si une fois ou deux il s’était interrogé, jamais il n’y avait eu entre eux le moindre début d’un dérapage incontrôlé ou d’une veine tentative. Pas une pensée même, réellement construite en ce sens. Mais une réelle affection, profonde et toujours vive qui les avaient poussés dans le même camp. Celui des outsiders, celui de ceux qui se doivent d’être là l’un pour l’autre pour expliquer ce que l’autre ne connaît pas ou couvrir les erreurs incertaines. La complicité comme seule communion, les rires faciles, tous deux auraient été là l’un pour l’autre s’il l’avait fallu. Ça aurait pu être une belle histoire si celle-ci n’avait pas été amputée par une carrière militaire et les plaies du cœur d’un côté et par la disparition soudaine brusque et complète de l’autre. En rentrant entre deux missions, Maxence avait découvert, défait, l’absence de celle qu’il considérait profondément comme une amie chère. Pire encore : plus personne n’en parlait, comme s’il y avait eu là un tabou immonde, un sujet à ne surtout pas soulever.

Il était l’ami. Trahi avec les autres.
Celui qui, pourtant, ne pouvait s’empêcher de se dire qu’à être loin, hors de contact, il avait été aussi l’absent à ses souffrances. S’il y avait eu quelque chose, une petite voix lui soufflait qu’il aurait dû le savoir. Qu’à se retrouver ainsi sur le bord de la route sans comprendre ce qu’il s’était passé, il avait lui-même fauté.

L’abandon s’était chargé de colère autant que de remords, puis s’était noyé dans la masse des crises à gérer. Et ils en étaient là. Lui mettant peu à peu en place des parcelles d’une vérité qu’il ne faisait qu’effleurer, la poitrine soulevée au même rythme que la sienne d’une course achevée. Immobile l’un face à l’autre, réunis d’un sol mot bien banal, comme si les convenances pouvaient les protéger des mots à venir.

« Bonjour. » La voix faible, comme échappée de ses lèvres, le timbre secoué d’un tremblement discret. « Tu es revenu. »  Ni vraiment une affirmation ni une question. Une manière peut-être de combler le silence, de poser les mots ou de reprendre son souffle. De trouver le courage de passer à la suite ou de trouver une solution aux méandres de sa situation. Car complexe elle l’était forcément pour qu’elle en soit arrivée à le fuir, lui. Sous ses côtes, son cœur se pinça, le souffle muet se tarissant dans ses poumons sans réussir à en extraire la question qui lui labourait les nerfs : que s’est-il passé Aurea ?

La colère aurait pu le déchirer bien sûr. Mais ces grands yeux clairs là l’en empêchaient. Il lui fallu un moment avant de retrouver ce qu’il perçu comme du calme, jeter un œil alentour et le rejoindre. Lui-même n’avait pas réfléchi, trop obsédé par l’idée de la retrouver, soudainement angoissé de se retrouver ici, à vue. Si Maxence n’esquivait pas totalement le monde magique, il préférait éviter de se retrouver dans les points stratégiques et la situation actuelle se rappela brutalement à lui. Sa position dangereuse, la présence de contrôles à chaque entrée des grands points de circulation, le risque pour la Garde, les contrôles aléatoires. Un instant, Maxence avait été idiot. Un instant, il n’était plus ni soldat ni rescapé, seulement un ami blessé.

Cette voix si longtemps perdue résonna enfin avec douceur maintenant qu’elle l’eut approché, relevant le regard vers le sien qui s’y perdit un moment comme avide d’y trouver sa présence. De s’assurer de son état. Du fait, tout bête, qu’elle était bien là, réellement plantée devant lui.

« J’imagine qu’il est temps que l’on discute, Maxence. Qu’est-ce que tu en dis ? »  Un chambardement dans sa poitrine, captant toute l’intensité de cette décision. De quelques mots, elle l’incluait de nouveau. De quelques mots, il n’était plus l’exclus, le danger, le risque mais redevenait le reflet d’une amitié passée, absorbée par les remous de la vie. Qu’importe le risque pris ici, ce n’était pas en agissant en fugitif qu’il s’en sortirait indemne. Alors d’un sourire calme, Maxence fit le dernier pas les séparant et la pris simplement dans les bras, refusant cette distance entre eux, la colère ou le rejet. Peut-être se tendrait-elle, le repousserait, peut être découvrirait-il une fureur qu’il n’imaginait pas. Mais pour l’heure il ne serait pas celui qui ferait tomber le couperet de la scission. « Je suis content de te voir. » la douceur passait d’une gorge à l’autre, ses doigts ripant contre la surface détrempée de ses vêtements en l’attirant contre lui.
Ses lèvres à l’orée de sa mâchoire, accrochant une des mèches imbibée de pluie, il lui glissa dans un murmure « Évite mon prénom, je suis pas à l’aise avec le coin. » Puis, doucement, Maxence se redressa.

Tu vois, tu n’es pas la seule à vivre avec le poids des secrets.
Un point commun décidément récurent.

« Je t'offre un verre en ville ? Je crois qu'effectivement on a des choses à se dire... »

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Maxence Lukas Wargrave
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Lun 9 Mai 2022 - 14:04


Elle se devait de prononcer son prénom. C’était pour elle l’unique chance d’être sûre que tout cela était bel et bien réel, qu’il se trouvait bien devant elle, sans l’ombre d’un doute. Mais elle ne s’était pas vraiment préparée à cette étreinte qui, bien que faite tout en douceur, fit tambouriner sous sa poitrine un petit cœur qui semblait vouloir s’échapper. Mais tout son corps se détendit à l’instant même où il la prit dans ses bras, bien que surpris.

Il était réel.
Elle le sentait contre elle.
Il n’y avait aucun doute à avoir.

Ce geste signifiait beaucoup plus qu’il n’en avait l’air. Non seulement cela signifiait qu’ils étaient réunis, évidemment, mais aussi qu’il ne lui en voulait pas. Elle ne savait pas exactement ce qu’il savait, peut-être ne savait-il pas grand-chose, mais il devait au moins être au courant qu’elle ne faisait plus partie de la vie de Ruben et que leurs enfants non plus. Et ça faisait déjà un bon paquet d’infos et de raison de la faire culpabiliser après quelques années. Rien que pour cela, elle s’en était voulue pendant très longtemps, mais elle avait appris à se pardonner, à comprendre que ses raisons étaient valables. Mais de l’extérieur, comment pouvait-on comprendre sans connaître le fond du problème ? Sans avoir vécu avec eux ? Sans avoir suivi tout ce qui avait fini par faire déborder le vase ? Au fond d’elle, et grâce au fait qu’ils partageaient le même monde, elle espérait que Maxence finisse par comprendre, et puisse entendre son point de vue vis-à-vis de tout cela. Elle ne voulait pas repartir sur les mêmes bases qui avaient fait chuter son couple, des non-dits, des jugements, elle ne pouvait plus faire marche arrière sur les moments qu’elle considère encore comme les plus durs de sa vie.

Elle aurait voulu rester là un peu plus longtemps, le sentir contre elle. Ça n’avait rien à voir avec un désir sexuel, il apportait en elle une familiarité qui lui manquait depuis si longtemps. C’était comme revoir son meilleur ami, ou un frère, mais surtout, c’était revoir une personne chère à son cœur, une personne qu’elle pensait ne plus jamais revoir mais à qui elle n’avait jamais réussi dire adieu officiellement, pour qui elle n’avait jamais fait son deuil. Avait-elle fait celui de Ruben ? C’est une question qui était encore différente et à laquelle elle n’avait pas pensé depuis bien longtemps, également une question pour laquelle elle n’avait pas de réponse bien claire, elle ne savait pas vraiment si elle parviendrait un jour à faire le deuil du père de ses enfants, faire le deuil de l’amour qu’elle avait pour lui. Et qui n’est pas encore définitivement effacée en elle. Mais pour ce qui est des adieux, elle considère qu’elle les a faits. Loin de là l’idée que ces adieux aient été la chose la plus facile à faire de sa vie, elle considère être passée par une sorte d’acceptation qui était nécessaire pour élever Alice et Owen. Un petit pincement se fit ressentir pendant un court instant lorsqu’il lui commenta de ne pas utiliser son prénom, il avait donc sa petite histoire également, mais elle ne regretta qu’à moitié. L’annoncer à haute voix lui avait fait un bien fou.

« Bien sûr, nous pouvons aller en ville. » Il n’y avait plus de raison de fuir à présent, même si la situation n’avait rien de naturel, elle songea que parler avec lui était la meilleure chose à faire. Aucun des deux ne pouvait fuir. Ils avaient envie d’être présent l'un pour l’autre, leur attitude actuelle ne laissait aucun doute.
« Je ne dois pas rentrer trop tard pour Alice et Owen, mais nous pouvons aller à ma boutique si tu veux, elle est fermée pour l'après-midi. Un endroit discret ne serait pas de refus... »

Elle ignorait dans quelle situation Maxence pouvait être, mais elle savait ce que cela faisait de parler à voix basse, de regarder autour de soi constamment pour vérifier que l’on était pas reconnue, paniquer dès qu’elle n’avait plus ses enfants dans son champ de vision alors qu’ils étaient avec un membre de sa famille en train de jouer dans un parc. Elle avait besoin de se sentir libre de parler avec lui.

Elle avait besoin de se confier à lui.
Mais également de prendre des nouvelles de Ruben tant qu’elle le pouvait.
Elle se sentait assez égoïste de penser de cette manière-là, mais bien qu’elle soit très contente de retrouver le cousin de son ex-mari, il lui renvoyait en tête des années auprès d’un homme qu’elle aimait, et qu’elle savait qu’elle continuait d’aimer aujourd’hui encore. Elle n’avait pas eu l’occasion de savoir comment il allait depuis bien trop longtemps. Maxence était le seul lien qui pourrait la renseigner.

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Lun 16 Mai 2022 - 8:40
Elle avait été son premier lien avec le monde magique au cœur de son propre univers. La première amie surgie de nulle part qui par sa simple présence liait les deux sphères de sa vie lui rappelant que ce qu’il était l’était toujours au centre de sa famille. Pendant longtemps, Maxence s’était senti l’étranger dans cette famille qui l’avait adopté. D’extérieur, il aurait pu être l’un des leurs, ressemblait même à cet enfant qui était arrivé ensuite, Dylan, son petit frère. Il n’y avait pas de questions à poser, il ne dénotait pas comme certains enfants adoptés, ne portait pas sur lui l’évidence de sa non appartenance biologique à ce petit groupe de personnes aimantes. Et pourtant ce qui crépitait dans ses veines le lui avait sans cesse rappelé. Il avait même poussé ses parents à prendre leur distance avec le reste des leurs, l’éloignant de Ruben qui l’avait pourtant pris sous son aile dès son arrivée dans la famille. Sans se sentir pestiféré Maxence avait eu la conscience que ce qu’il portait de magie en lui était assez problématique pour pouvoir scinder une famille. Lui qui depuis son arrivée avait toujours tout fait pour plaire, rassurer, rendre fier, se trouvait confronté à une part de lui-même qu’il ne pouvait renier. Le sang des autres. Le sang de l’abandon.
Auréa avait été l’image miroir de cette différence. Elle avait été sa manière de s’y sentir moins seul, d’apporter son aide aussi, de contrer la poisse de la sensation. La connivence avait été rapide. Sans être immédiate, ils s’étaient tout de suite bien entendus et avaient trouvé l’un dans l’autre un soutien évident. Complices dès la première conversation de famille où Maxence avait rattrapé avec habileté une étrangeté lâchée avec naïveté par la sorcière de souche qu’elle était. Le regard croisé au dessus des verres, le sourire en coin, les rires qui, bientôt, s’enclencheraient sans prononcer un mot. Il avait fallu d’un rien, de bienveillance et d’écoute pour qu’ils se rapprochent.

Et un foutu « rien » pour qu’elle disparaisse brusquement. Maxence en était resté abasourdi. D’accord entre la rupture avec Néolina, les études et l’arrivée dans le champ militaire de sa carrière, les choses s’étaient enchaînées de son côté. Peut être n’avait-il pas vu, pas été à l’écoute, pas été disponible. Mais partir ainsi, sans un mot ? Et puis il avait fallu repartir, ne revenir qu’aux permissions. Et tout s’était tassé, le faisant adopter au fil du temps la même attitude que les autres. Après tout qui était-il pour décider ce dont on pouvait parler ou non dans cette famille ?

Peut-être aurait-il dû être plus froid, plus distant à présent mais une telle attitude ne lui ressemblait pas. Bien sûr il y avait de la magie là-dedans, Maxence l’avait compris dès que son cousin eut tiqué lors de leur dernière conversation. Alors comme à son habitude de l’époque, il l’avait couverte sans même y réfléchir. Sans se dire qu’il y avait entre son cousin et lui un secret qui n’aurait pas dû exister. Pas avec Aurea à ses côtés. Mais il n’avait jamais parlé, gêné sans doute de porter en lui cette étrangeté qui marquerait à jamais le fait que non, il ne serait jamais leur enfant de sang.

S’il la sentit se tendre, le contact ne tarda pas à retrouver une forme de normalité. Après cette absence, la crainte qu’il se soit passé une horreur, l’incompréhension et le pincement destructeur de l’abandon, la tenir contre lui était simplement nécessaire et n’avait pas à se justifier.

Laissant une main traîner contre son bras trempé, comme pour se charger de sa chaleur et l’empêcher de disparaître, Maxence l’avait invitée à aller prendre un verre pour parler au calme. A présent le temps de la fuite était révolu et il attendait les réponses que sa tendresse envers cette femme nécessitait. Le risque qu’elle s’esquive était toujours bien présent mais ce fut avec soulagement qu’il accueilli sa réponse, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. « Bien sûr, nous pouvons aller en ville. »  Loin d’être une évidence pourtant, au vu de son départ précipité de la famille. « Je ne dois pas rentrer trop tard pour Alice et Owen, mais nous pouvons aller à ma boutique si tu veux, elle est fermée pour l'après-midi. Un endroit discret ne serait pas de refus... »

Alice et Owen. Son cœur se serra un instant à l’écoute des prénoms de ses petits cousins. Des années qu’il ne les avaient pas vus, déjà fort absent dès leur naissance. Alors que dire de Ruben ? S’il n’y avait eu une guerre intestine pour l’ancrer dans une situation d’urgence sans cesse renouvelée, jamais Maxence n’aurait laissé une telle situation virer à la normalité. Mais tout s’était enchaîné, amenant à ce point précis. Un endroit discret ? Apparemment Maxence n’était pas le seul embringué dans une situation qui le dépassait de loin. Fronçant un instant les sourcils en silence, inquiet pour ce qu’elle avait pu vivre mais soulagé qu’elle envisage de l’inviter dans « sa boutique ». Un commerce, donc, sans doute dans le monde magique. Hochant du chef en silence sans réussir à la quitter des yeux - bien trop interrogateur pour ça – l’ancien soldat valida l’idée. Oserait-il demander à revoir les enfants ? Il se souvenait, bien sûr, des premiers biberons, des premiers sourires. Comment oublier ?

Un instant, la mémoire de cette famille et des absents qu’elle pleurait encore lui fusilla le cœur, rappelant dans sa poitrine le petit garçon qui venait, encore une fois, de perdre ses parents. Déglutissant son deuil récent, c’est avec un petit sourire qu’il l’invitait à s’éloigner un peu de la porte d’entré. Dans l’arrière boutique, là où le petit renfoncement permettait d’accéder au chemin de traverse, deux hommes interrogeaient déjà un petit groupe, les contrôles devenus fréquents depuis quelques semaines. Son coup d’oeil se faisait serein, posé, surtout marqué par le calme professionnel de celui qui avait fait assez face à ces ordures dans sa vie pour contenir ses nerfs.

« Tu m’emmènes ? » Incapable de transplaner dans un lieu qu’il ne connaîtrait pas.

La main tendue vers elle, paume vers le haut, le regard ancré dans le sien. Qu’elle l’emporte dans ce petit coin de « chez elle », dans cette vie qu’elle gardait pour elle depuis des années. Cette part d’intimité et de confiance qu’il lui semblait de nouveau à portée, prête à lâcher du lest, à lui confier les raisons de sa disparition.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Lun 13 Juin 2022 - 15:59

Non mécontente d’avoir l’occasion de lui montrer une partie de son univers, de son petit chez-soi, elle n’hésita pas une seule seconde et lui attrapa la main qu’il lui tendait et les fit transplaner en une fraction de seconde.

La salle dans laquelle ils arrivèrent était assez sombre, les fenêtres protégées par de grands rideaux. A certains endroits, les rideaux laissaient cependant entrer quelques rayons de soleil et la lumière de la rue, ce qui permettait au moins de pouvoir se diriger dans la pièce sans être vus de l’extérieur. A peine un pied au sol, Aurea sortit sa baguette pour s’affairer à protéger les lieux d’une oreille trop curieuse et énonça à voix basse quelques mots en direction de la vitrine. De petites billes transparentes sortirent de sa baguette et passèrent entre les rideaux. Aurea passa une main derrière le rideau pour observer son travail, un mur fin translucide s’était formé sur le verre de la vitrine et se faisait absorber par cette dernière. Elle ouvrit le rideau en grand, laissant entrer une lumière brutale et aveuglante d’un rayon de soleil après la pluie. Elle regarda quelques passants devant sa vitrine. Si certains tournaient la tête pour observer les plantes et les livres installés dans la vitrine, aucun d’eux n'eut un regard pour Aurea, elle n’existait pas pour eux. La vitrine s’était figée à l’instant même où ce mur magique s’était formé. A nouveau, elle murmura quelques mots magiques qui firent scintiller ce mur.

« Et voilà, nous serons tranquilles ici, la vitrine ne laisse aucun regard indiscret et la boutique est insonorisée à son maximum. Je t’aurais bien proposé d’aller dans l’arrière-boutique ou mon bureau, mais un fournisseur a laissé traîner un mélange absolument infecte de plantes médicinales dans mon bureau, qui a laissé une odeur indescriptible. J’ai dû transférer tous mes papiers et mes meubles dans l’arrière-boutique, il est quasiment impossible de s’y aventurer. »

Elle se retourna enfin vers l’endroit où elle avait transplané avec Maxence à peine cinq petites minutes auparavant, il était déjà en train d’observer les environs.

« Bienvenue dans mon antre, au Garden Lilies ! »

Maintenant que la lumière était entrée dans la pièce principale, on pouvait y voir les étagères remplies de petits sachets, des bocaux de toutes tailles, même des pots pas bien grands où poussaient directement des plantes magiques ou semi-magiques. De petites pancartes indiquaient le nom du produit, les ingrédients rajoutés, voire des indications d’utilisation, avec le prix et les éventuelles remises pour certains articles en soldes. Dans un coin de la pièce, une magnifique bibliothèque en acajou touchait le plafond et répertoriait tout un tas d’ouvrages rangés par ordre alphabétique, allant de livres de cuisine aux livres scolaires comme Mille herbes et champignons magiques de Phyllida Augirolle, ou encore des livres scientifiques et médicaux comme L’encyclopédie des plantes pour une bonne mémoire ou Le guide de survie : des herbes contre les morsures de créatures magiques. Une sorte de lierre se trouvait au pied du meuble et remontait jusqu’en haut, passant d’une étagère à l’autre. Plus reculées dans la boutique, deux tables hautes munies de tabourets présentaient deux tasses et une théière juste à côté d’un meuble où se trouvaient vraisemblablement tout un tas de thé et infusions diverses et variées et un mini évier de la taille d’une assiette. Aurea pointa de sa baguette une des tables qui n’était pas débarrassée et les tasses et la théière s’envolèrent vers l’évier dans un petit cliquetis de vaisselle.

« Je peux toujours te faire un thé si tu le souhaites, sinon je dois avoir des petits mélanges un peu plus forts quelque part dans mon bureau. J’ai des clients qui peuvent être très reconnaissants et m’apportent des infusions bien corsées de leur propre jardin. »

Non pas qu’elle soit très grande amatrice d’alcool, et surtout l’après-midi, Aurea aimait cependant se faire plaisir et elle avait fait des découvertes incroyables en matière de liqueurs. La dernière en date avait été une bouteille très particulière de Becherovka venue tout droit de République Tchèque qui avait été agrémentée de deux ou trois plantes magiques gardées secrètes par le créateur, avec des techniques de macération à la fois magiques et moldues. Très mystérieux sur sa composition, le client était une très bonne connaissance de la jeune femme et elle n’eut aucune crainte d’y tremper les lèvres.

Attendant la réponse de Maxence sur ce qu’il souhaitait boire, elle attrapa un arrosoir et, cette fois-ci sans magie, commença à ajouter quelques gouttes d’eau à quelques plantes dans le besoin, un peu partout dans la boutique. C’était un rituel qu’elle aimait faire sans s’aider de sa baguette, contrôlant délicatement le flux de liquide qui atteignait la terre.


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Lun 27 Juin 2022 - 10:24


  13 Aout 2016 ?


La décision l’avait surpris autant qu’elle avait, à elle seule, allégé un poids sur ses épaules. A lui proposer de l’emporter chez elle, Aurea l’incluait à sa manière dans sa sphère personnelle. Après tant d’années de silence absolu et à présent face à lui, elle n’hésitait pas à s’impliquer de nouveau. Sans réellement savoir ce que ce pas signifiait exactement, Maxence avait malgré tout conscience qu’il impliquait qu’il n’y avait pas entre eux un mur de glace ou un désert aride. Qu’importe ce qui s’était passé et qui l’inquiétait profondément, l’affection et la confiance étaient toujours là, symbolisés dans leurs mains jointes.

Le cousin de son ex mari aurait aimé la regarder sobrement dans les yeux, ne pas lâcher ce regard qui les liait. Pourtant c’était de biais qu’il observait la scène s’évaporer tandis que son corps se disloquait de cette réalité pour apparaître ailleurs. Non loin, les gardes s’étaient retournés, comprenant que certains s’étaient permis de transplaner sans fouille. Maxence disparu en sentant son cœur cavaler dans sa poitrine, sa main se serrant légèrement contre celle d’Aurea. Il n’avait rien à se reprocher. Pour autant, il restait persuadé qu’au gouvernement, ils n’avaient plus besoin de raisons depuis longtemps pour leur tomber dessus. Et s’ils savaient tous parfaitement où le trouver, il n’en était pas rassuré pour autant. Wargrave n’en avait aucun doute depuis l’instant où il avait vu des Supérieurs plantés comme des ombres au loin tandis qu’il enterrait ses deux parents, assassinés par leurs soins. Il n’avait subi aucune attaque depuis et n’avait pas été pris comme faire-valoir d’il ne savait quelle idée nauséabonde mais son esprit militaire et méfiant ne relâchait pas l’attention.

Le soulagement vint claquer dans ses veines comme des bulles de savons en se matérialisant loin de tout ça, isolé avec Aurea dans une petite boutique aux hauts rideaux tirés. Contenant le soupir qui gonflait dans sa gorge, Maxence se contentait de laisser sa main couler hors de la sienne, un regard posé sur elle de nouveau avant de l’égarer sur les lieux. Il ne l’observa pas réellement tandis que la propriétaire sécurisait manifestement chaque accès donnant sur la rue, insonorisant les fenêtres autant qu’elle les préservait de tout regard indiscret. Les billes de lumières s’égrenaient dans l’atmosphère quand il détaillait l’endroit. Bibliothèque, plantes, livres et bocaux, il y avait de tout ici. Le type de lieux dont il aurait bien eu besoin lorsqu’il était à Poudlard. Le type de lieu, surtout, que tenait Takuma, son ancien apprenti. Amusant qu’il retrouve ici ce type d’espace dans lesquels il se surprenait à se sentir chez lui. Bien sûr le terme « chez lui » était sans doute bien lacunaire concernant le gosse qu’il avait été, baladé de foyers en foyers, adopté sans vraiment jamais tout à fait être certain d’avoir trouvé sa place, accumulant assez de manques pour partir au bout de monde, hésiter dans ses plans de carrières jusqu’à lâcher tout ce qui lui importait le plus sans à présent jamais trouver véritablement d’endroit où il se sentirait parfaitement bien. Utile. Pourtant il flottait ici une chaleur qu’il appréciait. Quelque chose d’humain, de tourné « vers l’autre », d’attentif en la nature humaine, comme si les lieux eux-mêmes étaient prêts à tendre la main. Que la propriétaire avait fait de son mieux pour permettre aux visiteurs de trouver, elle l’espérait, ce qu’ils cherchaient.

Un demi-sourire aux lèvres, Maxence fit quelques pas. Flânant déjà allentours.

« Et voilà, nous serons tranquilles ici, la vitrine ne laisse aucun regard indiscret et la boutique est insonorisée à son maximum. » Sans commenter, Maxence la laissait continuer, la remerciant seulement d’un geste du menton, un doigt coulant sur la reliure d’un livre qu’il se souvenait avoir poncé à son arrivée à Poudlard. Se devant de faire avec les moyens du bord, il avait dû adapter ses pratiques et multiplier les casquettes. Un apprentissage plus approfondi des plantes avait été nécessaire pour l’ancien soldat et médicomage. Réellement reconnaissant de se sentir en sécurité dans les lieux, il s’interrogeait pourtant sur son geste. Etait-elle en sécurité ? Ou seulement attentive de la sienne. «  Je t’aurais bien proposé d’aller dans l’arrière-boutique ou mon bureau, mais un fournisseur a laissé traîner un mélange absolument infecte de plantes médicinales dans mon bureau, qui a laissé une odeur indescriptible. J’ai dû transférer tous mes papiers et mes meubles dans l’arrière-boutique, il est quasiment impossible de s’y aventurer. »

Un rire clair s’était échappé dans l’air à cette information. Il imaginait totalement le « cadeau » et le dépit de la propriétaire des lieux qui devait s’en charger et se retrouvait à fuir ses propres locaux à cause de cette odeur tenace. Un regard en coin, joyeux, capta son regard sur lui et l’amena à le lui rendre. « Bienvenue dans mon antre, au Garden Lilies ! »
Un sourire franc sur les lèvres, il répondait d’un regard circulaire. « Tu as une belle boutique.. On s’y sent bien. Enfin.. malgré l’odeur quoi. » Le regard moqueur, il l’imaginait se battre avec l’odeur à chaque fois qu’elle ouvrait la dite-porte, contenant l’ensemble loin des clients, n’y entrant qu’avec une bulle isolante autour du visage. L’idée l’amusait beaucoup et pour cause, elle le rattachait à une part de son quotidien, l’incluant à sa manière dans son univers.

De quelques gestes, elle débarrassa un service à thé usé, probablement laissé là par des clients avant qu’elle ne parte, laissant le tout en plan pour le ranger plus tard. Mal à l’aise de laisser du désordre face à lui ou simplement en recherche de quelque chose à faire pour masquer sa confusion et reprendre contenance ? Ou pour jouer les prolongations et reculer le moment où elle devrait tout lui expliquer ? Sans chercher à la brusquer, Maxence laissait faire, en profitant pour explorer davantage les lieux, la retrouver au travers de ce qu’elle avait construit ici. Lui laisser espace et temps, surtout. « Je peux toujours te faire un thé si tu le souhaites, sinon je dois avoir des petits mélanges un peu plus forts quelque part dans mon bureau. J’ai des clients qui peuvent être très reconnaissants et m’apportent des infusions bien corsées de leur propre jardin. »
Nouveau rire, amusé. « Je savais que j’avais loupé ma voie… toujours viser celle où on nous offre des trucs.. » La réflexion, bien que joyeuse, lui enserra le cœur en silence, rappelant à ses pensées à la fois son père et son petit frère. Le genre de trucs qu’ils auraient pu dire, l’un comme l’autre. Le premier était enterré depuis quelques mois, le second disparu, laissant Maxence dans une profonde angoisse perpétuelle avec laquelle il dealait comme il pouvait.

Glissant un livre dans sa main, il l’observa attraper un arrosoir pour s’occuper des plantes qui sillonnaient les lieux. Sa manière de conjurer le stress. « Un thé ça sera parfait. » Plus Américain qu’Anglais, Maxence avait tendance à préférer le noir aux infusions quelconques mais, à force, il s’y était fait, songeant à chaque tasse aux origines de son père et aux thés qu’il prenait à toute heure de la journée. Comme un moyen de ramener sa culture au cœur du foyer. De nouveau, le sel coulait sur les plaies ouvertes de leur absence. Un léger souffle sec s’échappa de ses narines, dégageant l’image de ses pertes récentes pour revenir au présent. D’un geste, Maxence prit la théière, la remplit, la fit chauffer d’un nouveau mouvement de baguette. Comme s’il était chez lui. Comme si, surtout, lui-même avait des choses à conjurer. Un besoin de bouger.

D’un demi sourire, il se rappelait la manière dont Aurea était prostrée un jour face à la mère de Ruben qui lui tenait la jambe alors qu’elle était censée ramener le thé. Bloquée face à une bouilloire électrique alors que ses propres parents avaient pris l’habitude de chauffer l’eau par magie – plus simple – la laissant incapable de savoir comment elle fonctionnait. Moment où Maxence se souvenait d’être passé derrière elle, avoir cliqué sur le bouton, être reparti en fou-rire en l’entendant sursauter lorsque l’eau, à la droite de la jeune femme, s’était mise à vrombir. Le sourire flotta un instant sur ses lèvres. « Toujours un truc, le thé, avec toi…. » Mais pas de trace de moquerie douce dans son regard cette fois-ci, seulement une tendresse profonde.

La rejoignant tandis que l’eau infusait doucement, il effleura son dos en passant devant elle, un regard pour la plante dont elle prenait tant soin, avant poser de nouveau les yeux dans les siens. « Qu’est-ce qu’il s’est passé Aurea ? J’ai rien contre l’idée de te couvrir, je l’ai toujours fait, mais.. » Mais cette fois, tu ne m’as rien dit. La question restait présente : était-ce elle qui avait effacé la mémoire de sa famille ou quelqu’un d’autre. Et si elle avait pu le trouver, s’il n’avait pas été au front, lui aurait-elle livré bataille pour s’effacer de sa vie ? Le ferait-elle à présent ? L’idée lui semblait tout autant absurde que troublante. Quelques doigts glissèrent de son dos à son épaule, son bras, pour échouer dans le vide. « Il y a eu un problème avec Ruben ? » Pas qu’il n’ait pas confiance en son cousin, mais voilà la seule explication qui lui venait à l’esprit quant à la situation. Ça, ou quelque chose de plus global, faisant intervenir d’autres sorciers.

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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Sam 27 Aoû 2022 - 20:45


Bien que ce soit quelque chose qui ne plaise pas à tout le monde la majorité du temps, Aurea apprécia la manière de Maxence d’investir les lieux, de s’occuper de son thé et de sa vaisselle. Elle aimait que les gens se sentent à l’aise avec elle et bien qu’elle appréciait le fait d’être une bonne hôte, elle appréciait d’autant plus lorsque ses invités se laissaient quelques libertés comme ils le feraient chez eux. Elle aimait qu’ils se sentent chez eux.

Elle apprécia également ce souvenir qu’il ramenait à eux en un sourire. Les ramenant durant un lapse de temps à ce moment où ils s’étaient rencontrés grâce à Ruben, et ce moment où était née une certaine complicité entre eux. En un regard, il lui avait fait sentir « normale » entourée de moldus, un monde qui lui donnait parfois le mal du pays, dans lequel elle avait peur de ne pas s’intégrer, mais à l’époque, elle aurait tout fait pour appartenir au même monde que Ruben, quitte à ne plus faire partie du monde magique. Elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle avait à laisser derrière elle, jusqu’à ce que Maxence rende les choses plus faciles à accepter. Il lui avait donné le droit de garder en elle la magie qu’elle avait depuis sa naissance, en étant lui-même de son monde.

Elle oublia presque qu’ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps et innocemment, elle espérait que ce moment dure éternellement, où elle n’avait à rendre de compte à personne, où ils se retrouvaient juste après un moment d’absence et de séparation, mais ce qui lui dit à ce moment-là eut exactement le même effet sur elle qu’une gifle. Une bonne grosse claque en pleine figure, sans prévis. Ses mots la terrorisèrent. Elle lui en voulait de gâcher ce moment de retrouvailles en une fraction de secondes. Elle lui en voulait encore plus de la rendre si vulnérable alors qu’elle avait accepté presque immédiatement de lui faire confiance. Elle avait honte d’elle-même d’avoir été si crédule. Rien n’allait changer si rapidement, les gens avaient besoin de réponses, de connaître la vérité sur sa fuite, quelle idiote elle faisait ! C’était si prévisible mais elle avait préféré faire comme si ce moment n’arriverait jamais, ou beaucoup plus tard, qu’elle puisse profiter au moins quelques semaines de sa vie, quelques mois pourquoi pas, de revoir Maxence sans que les choses ne soient encore et encore si complexes.

« Maxence… »

La voix qui sortit d’entre ses lèvres était agressive, elle s’attendait à ce qu’elle soit tremblante, incertaine, mais elle se surprit à ne pas contrôler sa colère plutôt de ne pas contrôler sa peur. Que pouvait-elle lui dire ? La vérité ? Sa vérité ? Allait-il la trahir et tout révéler à Ruben à l’instant même où il franchirait la porte de sa boutique ? Ce n’était certainement pas avec cette voix agressive qu’elle réussirait à le convaincre de ne rien dire. Quelque chose en lui cependant lui donnait envie de lui faire confiance, d’enfin se confier à une personne qui avait partagé sa vie des années auparavant. Quelque chose en lui lui donnait enfin envie de sortir de ce secret si bien gardé, de se faire conseiller par quelqu’un qui savait ce que cela faisait de cacher à ceux qu’on aime la vérité sur d’où elle venait.

« Je ne sais pas si tu peux comprendre… »

Elle fit tout pour changer de ton, rendre sa voix plus sereine, sûre d’elle, tout en lui montrant qu’il était important pour elle et qu’elle désirait tout lui dire. Et d’un coup, sans prévenir, elle commença son récit. En une fraction de secondes, elle prit la décision de ne plus rester seule dans tout cela, d’accepter de faire confiance.

« Avec tout ce qu’il se passe, j’ai voulu protéger Alice et Owen. Ne m’en veux pas, s’il-te-plait, je voulais tout te dire. Ruben n’acceptait pas le fait que je sois une sorcière, j’ai essayé de lui faire accepter, de le mettre dans la confidence, j’avais besoin de me sentir réelle auprès de lui, dans ma propre famille, de sentir en moi la véritable Aurea, je pensais que les choses allaient bien se passer, elles semblaient bien se passer, il semblait accepter la réalité, ma réalité, mais les choses se sont… compliquées. »

Elle n’arrivait pas à dire ce qu’elle avait sur le cœur, elle n’osait pas lui dire qu’elle avait effacé la mémoire de Ruben, et des personnes qui les avaient connus ensemble, eux et les enfants, elle se sentait affreusement coupable, mais au fond d’elle, elle sentait qu’il s’agissait de la bonne solution. Elle avait fait tout cela pour Owen et Alice, mais elle sentait malgré tout égoïste. De ne pas avoir plus essayé. De ne rien avoir fait de plus pour qu’il accepte son côté magique.

« Alors, quand j’ai senti que ça ne réussirait pas, que nous ne parvenions pas à trouver un terrain d’entente, qu’il n’accepterait jamais qui j’étais vraiment, j’ai… »

Non, elle n’y arriverait pas. Elle n’arriverait pas à lui dire. Maxence, je t’en prie, dis-moi que tu comprends ce que j’essaye de te dire. Il avait dû voir Ruben récemment. Il avait dû capter le fait qu’il ne se souvenait de rien. Pardonne-moi Maxence… Oh oui elle espérait qu’il la pardonne, mais pour cela, il faudrait qu’elle se pardonne à elle-même. Malgré l’envie incontrôlable de baisser les yeux, elle garda son regard dans le sien. Le poids était toujours là, dans sa poitrine, mais il lui fallait l’affronter si elle voulait qu’il s’apaise en elle.
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Ven 2 Sep 2022 - 9:19


  13 Aout 2016 ?


Dieu qu’elle lui avait manqué. Oh bien sûr, Maxence aurait dû penser en priorité à son cousin et évidemment l’homme était dans ses pensées. Pourtant c’était très égoïstement que la joie de la retrouver le touchait, lui. Bêtement lui. Aurea avait beau être la femme de Ruben – ou l’ex-femme selon ce qu’il s’était exactement passé entre eux – elle était aussi et surtout une amie. Un pilier même pour lui, dans cette famille d’adoption qu’il aimait de tout son cœur mais qui, jamais, ne serait sa famille biologique. Découvrir la magie dans ses veines lorsqu’on est un enfant sorcier adopté par des moldus ne fait que plaquer sur votre conscience l’évidence : il ne serait jamais tout à fait à sa place. Tout à fait normal. Tout à fait accepté même peut être. Il était l’« autre », il serait toujours l’autre. Ruben ne le connaîtrait jamais réellement comme aucune personne de son sang. Pourtant ses parents avaient été des anges et après le choc, ils avaient compris, entendu, aimé même et l’avaient soutenu sans aucune faille durant bien des années. Pourtant Maxence avait bien noté les privations qu’ils s’étaient imposés à limiter les voyages, les visites, à craindre que dans d’autres parts de la famille un drame n’arrive ou qu’il ne lâche l’info et que quelque chose se passe mal. Qu’importe, il fallait se taire, prendre de la distance, ne pas tout à fait être soi-même. Alors lorsqu’il avait compris, vu cette crispation dans ses doigts, la panique dans son regard, lorsqu’il avait décrypté en silence la raison d’une certaine distance dans la façon d’être d’Aurea, Maxence en avait été profondément soulagé. Durant toutes ces années, il avait tu son secret tout autant qu’il l’avait fait du sien et par réciprocité, jamais Aurea ne l’avait dit à son mari. C’était entre eux. Un brin de magie qui leur appartenait. Un petit monde de complicité qu’un simple regard échangé, un sourire retenu, une lumière dans les prunelles suffisait à faire grandir. Cet équilibre là lui manquait, la facilité avec laquelle ils s’étaient liés n’avait fait que rendre plus brutale encore la disparition d’Aurea et le tabou que son existence était devenu au sein de la famille. En rentrant du front, il lui avait fallu faire face à cette réalité modifiée. L’impression immonde d’être dans la matrice, d’être le seul à comprendre que quelque chose clochait. Le seul à sembler blessé. Et blessé il l’était, tant par la disparition que par ce tabou instauré qui sous-entendait apparemment que ses propres émotions n’avaient rien de bien important. Alors pendant longtemps, il s’était répété que c’était leur histoire, pas la sienne.

Sauf que c’était aussi la sienne. Qu’en partant ainsi, Aurea l’avait aussi trahi, lui. Ne méritait-il pas une explication, un au revoir ou ne serait-ce qu’un regard pour prouver que tout ça avait compté ? Était-ce le léger faible qu’il avait toujours eu pour elle qui parlait et enclenchait chez lui cette crispation douloureuse ou simplement la légitime blessure de l’abandon ?

Les gens partent..
ça avait été une réalité avec laquelle Max avait dû apprendre à dealer tout jeune. Très jeune. Trop jeune. Une réalité qu’elle lui avait claqué dans la gueule à son départ alors que lui-même était loin, à servir un pays et un gouvernement dont il commençait à douter. A son retour, elle n’était plus là pour rire avec lui pas plus qu’il n’avait pu se confier. A son retour, il n’y avait que le tabou de l’absence, le même qui avait enveloppé sa mise en foyer durant l’enfance.

La question sembla faire trembler quelque chose en elle. Un recul, de la colère ou de la peur, Maxence ne su le dire mais c’était là, ça crispa ses muscles et grésilla dans son regard. Là où la tendresse s’insinuait de nouveau entre eux quelques minutes plus tôt cette fois, le ton se fit sec, dur. « Maxence… »
Etait-il si dur de poser cette question qui le dévorait depuis des années sans jamais en trouver de réponse ? Depuis qu’il avait vu Ruben, une part de l’histoire s’était dessinée sous ses yeux. Comme des coups de crayons mal agencés qui n’aboutissent à rien de concret mais commencent à tracer des contours encore flous. Un sortilège d’oubli. Mais qui ? Elle ou un autre ? Auréa semblait en bonne santé donc l’hypothèse la plus angoissante pour lui semblait balayée.

Là où une seconde plus tôt Maxence laissait couler sur elle quelques doigts, il n’y avait à présent entre eux qu’un vide qui lui sembla immense. Et au centre, cette voix agressive, ce regard si dur. Comment en étaient-ils arrivés là ?

Pas un mouvement de recul, pas un froncement de sourcils. Avec calme, l’ancien médecin accusa le choc, toute l’incompréhension et la douceur du monde dans ses prunelles noisettes.

« Je ne sais pas si tu peux comprendre… »

Une voix plus mesurée, presque contrainte au calme.
Cette fois, il y eut un flottement dans son regard, un froncement dans ses sourcils. Qu’est-ce qu’il ne pourrait comprendre, lui ? Qu’est-ce qu’elle avait à cacher qui puisse être à ce point grave pour qu’elle soit amenée à fuir ainsi son quotidien et l’homme qu’elle aimait ? Car oui, faible ou pas faible, il n’était pas aveugle et avait bien vu ce qui unissait ces deux-là.
Sans avoir décroché un mot, Maxence sentit pourtant l’exact moment où elle eut un élan vers lui. Pas physique mais moral. La décision de tenter le coup, de s’ouvrir, de lui parler.

« Avec tout ce qu’il se passe... » Tout ce qu’il se passe ? Avait-elle eu conscience des actes du gouvernement bien avant qu’ils ne deviennnent aussi visibles ? A l’époque lui même n’imaginait pas dans quel guépier il s’était fourré et avait mis du temps à réaliser que ses supérieurs l’amenaient sous de mauvais prétextes à leur faire agir à l’encontre de leurs valeurs. Du temps encore pour l’accepter et pour refuser de continuer. Et arrêter sèchement sa carrière dans la médecine militaire. Personne dans sa famille n’avait su. Auréa aurait été la seule à qui il l’aurait dit mais à son retour elle n’était déjà plus là. Ensuite engagé à Poudlard Maxence avait découvert l’horreur sur place, nauséeux de découvrir sa naïveté et le rôle qui avait pu être le sien. « ..J’ai voulu protéger Alice et Owen. Ne m’en veux pas, s’il-te-plait, je voulais tout te dire.» Quelques mots si simples qui versaient le miel dans la blessure.  « Ruben n’acceptait pas le fait que je sois une sorcière, j’ai essayé de lui faire accepter, de le mettre dans la confidence, j’avais besoin de me sentir réelle auprès de lui, dans ma propre famille, de sentir en moi la véritable Aurea, je pensais que les choses allaient bien se passer, elles semblaient bien se passer, il semblait accepter la réalité, ma réalité, mais les choses se sont… compliquées. »

Ne pouvait-il comprendre le besoin d’être soi-même avec les siens ? La douleur de cacher une part de soi, de ne pouvoir se permettre d’être entier en leur présence ? Elle savait bien qu’il était le mieux placé pour partager la peine qu’elle avait vécu.
Compliquées ? A quel point ?

Il y eut un flottement chez la jeune femme, une hésitation, une brume difficile à percer pour enfin enchaîner.

« Alors, quand j’ai senti que ça ne réussirait pas, que nous ne parvenions pas à trouver un terrain d’entente, qu’il n’accepterait jamais qui j’étais vraiment, j’ai… »
« Effacé sa mémoire. » Compléta-t-il d’un ton qui se voulait neutre mais au creux duquel perçait un dépit douloureux. Le silence s’était creusé à la fin de sa phrase avant qu’il ne largue ces quelques trois mots si lourds. Quelques semaines plus tôt, Maxence se souvenait s’être interposé entre Logan et une ancienne élève, Kezabel, l’empêchant de lui arracher la mémoire par facilité.

Mais on parlait ici de sa famille. De son cousin, de ses cousines, de ses oncles et tantes. De ses parents. De son frère. Parmi la liste, trop d’absents.
En lâchant un soupir, posa une main sur son épaule et celle-ci lui sembla étrangement grande par rapport à son épaule. « Pardon je n’parles pas beaucoup ça doit être angoissant. » Nouveau soupir, le regard dans le sien, conscient qu’elle refusait obstinément de le baisser. « On devrait s’asseoir pour parler tu crois pas ? » D’un mouvement il lui désigna les chaises en rotin, le thé infusé, la petite table de bois. L’incitant à s’asseoir en face de lui, il s’y posa, enroulant une main autour du thé chaud sans pour autant le porter à ses lèvres. Juste un besoin de chaleur. Un truc très animal ; tout autant que le fut le geste qui rapprocha sa chaise de celle d’Aurea. Un moyen de ne plus être bien loin, de ne rien placer entre eux, pas même une table. « Écoute j’crois que je suis bien placé pour savoir que cacher ça à sa famille c’est douloureux et je comprends tout ça mais.... »Pourquoi tu m’en as pas parlé ?

La question se tarit dans sa gorge, jugée mal venue. « Je sais que c’est pas mon histoire et t’as tous les droits de pas me répondre.. mais c’est mon cousin, et .. enfin c’est pas simple. » Lui même n’était pas certain de ce qu’il risquait de sous entendre s’il terminait cette phrase. Que Ruben pourrait le mettre en danger ? Vraiment ? Le mec qui le regardait de biais quand il rentrait en douce au matin, le couvrant face à sa tante ? Ce mec là ? « Quand tu dis que c’était compliqué… à quel point c’était compliqué ? » T’as eu peur de lui. T’as eu peur pour toi, pour tes gamins. Physiquement ? Moralement ? T’as eu peur de quoi ?

Dans sa poitrine, son cœur s’oppressait, incapable de savoir qui il défendait dans l’histoire ou s’il y avait vraiment un coupable. Seulement inquiet de ce qu’elle avait pu vivre et affreusement coupable de penser une telle chose d’un homme qu’il aimait comme un frère.

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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Dim 18 Sep 2022 - 22:21

« Effacé sa mémoire. » La fin de sa phrase qu’il venait de compléter semblait résonner dans toute la boutique. Elle en eut des frissons. Cela sonnait encore plus horrible lorsque quelqu’un d’autre le disait. Elle savait que rien de ce que disait Maxence ne cherchait à blesser, à juger qui que ce soit, et encore moins elle, ni rien de ce qu’il allait lui dire, mais malgré tout, effacer la mémoire de quelqu’un…. cela semblait si irréel en y repensant. Loin d’être insensible, Aurea essayait de se protéger de la culpabilité d’avoir fait cela, et la seule raison qui faisait qu’elle restait saine d’esprit malgré les événements qu’elle avait vécus en tant que sorcière au sein d’une famille moldue, à devoir effacer la mémoire de personnes qu’elle aimait sincèrement, la seule raison était ses enfants, et le sera toujours.

Elle se souvenait parfaitement de la première fois où elle avait dû lui effacer la mémoire, dans quelles circonstances, ce qu’elle pensait exactement à ce moment, la comptine qu’elle chantonnait, et le regard de sa fille adorée devant cette peluche qui voletait au-dessus d’elle. Alice peinait à s’endormir, elle avait à peine un an et Aurea se rappelait de ce que sa mère lui racontait à propos de son enfance, qu’elle aussi avait eu des problèmes de sommeil et que la seule chose qui parvenait à l’endormir, à la calmer, était de voir voleter au-dessus d’elle la peluche d’un petit gecko que son père lui avait ramené d’un voyage passé. Ils avaient été si surpris de la réaction immédiate de la très jeune Aurea qu’ils lui avaient raconté cela des centaines de fois et avaient offert un petit gecko en peluche à leur petite-fille à sa naissance. C’est là que tout avait basculé, pour la première fois. Se sentant impuissante devant sa fille en larmes, Aurea avait cédé à la tentation de marcher sur les traces de sa mère et d’essayer par tous les moyens de calmer la petite. Elle pensait Ruben endormi mais visiblement la petite l’avait également réveillé, et Aurea ne l’avait pas entendu entrer. Elle se souvient encore de sa manière de prononcer son nom « Aurea, qu’est-ce que tu fais ? ». Le gecko était retombé dans le berceau mais il était trop tard, il avait tout vu. Elle n’avait pas pris le temps ce jour-là de lui expliquer quoi que ce soit, elle avait immédiatement orienté sa baguette sur lui et avait prononcé Obliviate. Puis plus rien jusqu’à des mois plus tard.

« Avant les enfants, ça allait, j’arrivais à me limiter d’utiliser la magie que lorsque j’étais à l’hôpital, mais dès qu’Alice est née, quelque chose s’est passé en moi. L’arrivée d’Alice a allumé en moi une magie que je ne connaissais pas, mon instinct maternel m’a rapproché de ma mère et de tout ce qu’elle avait fait pour moi étant gamine. Des souvenirs, des ressentis d’enfance revenaient jours après jours et, même si au début une vie sans magie auprès de Ruben me semblait plausible, j’ai eu de plus en plus de mal à me contrôler par la suite. Je voulais le meilleur pour mes enfants et ma mère avait été une mère exceptionnelle. Et je voulais que la magie fasse partie d’eux aussi. »

Tous les souvenirs de cette époque lui revinrent en mémoire, non seulement cette première fois où elle avait utilisé sa baguette sur Ruben, mais les fois d’après et quand elle avait essayé de lui parler, de se confier sur la vraie nature. Elle se rappela le déclic qu’elle avait eu avant même d’accoucher d’Alice, alors que sa fille n’était encore qu’une petite crevette qui grandissait en elle. Elle avait pris quelques temps avant de l’accepter, elle qui avait décidé que Ruben méritait une vie sans magie, mais elle avait senti le besoin de s’occuper de sa fille comme sa mère l’avait fait pour elle, de revenir aux sources de ses pouvoirs. C’était la première fois qu’elle parlait de tout cela, même ses parents n’étaient pas au courant de tout ce qu’il s’était passé, comment elle en était venue à fuir son propre foyer. Mais maintenant qu’elle avait commencé, elle ne pouvait s’arrêter là, elle avait besoin d’en parler à quelqu’un.

« Je croyais pouvoir vivre sans magie auprès de Ruben mais Alice et Owen ont tout changé. J’ai tout remis en question, et après quelques gaffes où je n’ai même pas cherché à discuter avec lui, j’ai décidé d’en parler à Ruben, de lui avouer qui j’étais, ce que j’étais. Au début, ça a été terrible, j’ai cru que j’allais avoir à l’oublietter à nouveau, et que j’avais fait une erreur de croire qu’il pourrait m’accepter mais étrangement, il semblait vraiment chercher à comprendre, à me comprendre, à s’intéresser au fonctionnement même de ma magie. Mais dès qu’il me voyait l’utiliser devant les enfants ou pire, pour les enfants, je le sentais se crisper. Un jour, il m’a demandé si j’avais utilisé ma baguette sur les enfants avant, avant qu’il sache. Bien évidemment je ne voulais pas lui dire ce que j’avais fait sur lui, que j’avais retiré de ses souvenirs les fois où il m’avait vu l’utiliser, mais il insistait, il ne comprenait pas comment il avait pu ne rien remarquer. Lorsqu’il a commencé à mettre en doute son attention envers ses enfants et moi, j’ai fini par lui dire, qu’il m’était arrivé une fois ou deux d’exercer ce sort sur lui. Je ne voulais pas qu’il pense qu’il était un mauvais père ou un mauvais mari, alors que c’était moi qui l’empêchait d’avoir ces souvenirs-là. Il l’a très mal pris mais à nouveau, les choses se sont calmées entre nous, il semblait comprendre les raisons qui m’avaient poussées à faire, il semblait conciliant. Nous nous sommes assis tous les deux et je lui ai dit que je répondrais à toutes ses questions, que je ne lui cacherai plus rien. Ça a été très dur pour moi d’admettre que ça avait été mal de lui cacher tout ça, de l’avoir oublietté, mais encore une fois nous avions réussi à passer cette tempête. »

Son monologue lui semblait interminable. Elle avait envie de couper son récit, mais elle avait aussi envie que Maxence comprenne. Elle voulait qu’il ait suffisamment d’informations pour comprendre ce qui l’avait poussé à faire ça. Qu’il lui pardonne. Elle fit une pause. Maxence ne laissait rien paraître. Elle décida de continuer, que ça se termine une bonne fois pour toute.

« Plusieurs fois j’ai voulu t’en parler, toi qui vivais dans une famille moldue, qui aurait pu lui parler également, c’était à toi de décider bien sûr, mais j’ai même pensé que ça aurait pu être plus simple pour toi de lui dire qui tu étais. Mais… »

C’était la partie la plus délicate. Celle qui justifiait sa fuite, la raison pour laquelle elle avait séparé Alice et Owen de leur père.

« Le mois qui a précédé mon départ a été très compliqué. Owen faisait ses dents et Alice avait du mal à dormir à cause des pleurs de son frère. J’ai utilisé une potion que ma mère me donnait quand j’avais été dans la même situation, Ruben est entré dans la cuisine pendant que je la préparais et je sentais dans son regard qu’il n’approuvait pas. Au début il ne disait rien, rien du tout, il me regardait, regardait le chaudron et partait sans un mot. Un jour il m’a demandé si la potion était réellement nécessaire, mettant en avant que chez les gens normaux, il existait des remèdes très simples et que les enfants survivaient très bien. C’est exactement les mots qu’il avait utilisés les gens normaux. Comme si moi, je n’étais pas normale. Il était pas très bien luné ce jour-là et il a continué, il me disait qu’il trouvait que j’abusais de la magie sur les enfants, que j’en faisais trop. Quand je lui disais que les potions n’étaient pas si différentes de la cuisine et que les sorts étaient tout à fait inoffensifs, il coupait court à la discussion et partait en disant que de toute manière il ne pouvait pas comprendre. Qu’il n’était pas comme moi. Et puis il y a eu cette nuit-là. Les enfants étaient très agités, j’étais épuisée d’avoir veillée toute la nuit Owen dans les bras, je cherchais le petit gecko d’Alice partout, mais je ne le trouvais pas. J’ai sorti ma baguette et j’ai lancé un accio. La peluche était derrière un meuble mal fixé, quand j’ai attiré le gecko vers moi, le meuble s’est mis à bouger. Je n’ai pas tout contrôlé et des livres sont tombés. Je pense que Ruben a entendu parce que quand j’ai voulu entrer dans la cuisine pour prendre des potions pour Owen, il est resté à la porte pour m’empêcher de passer. Il avait des médicaments à la main, me disait que c’était aussi adapté pour les enfants, que le pédiatre lui avait conseillé ça pour la poussée des dents, que c’était plus sûr. Il me répétait encore et encore que j’abusais de la magie sur les enfants, que ça n’était pas bon pour eux. J’avais l’impression d’être un monstre, d’être une mauvaise mère. J’ai réussi à passer, malgré tout, mais il continuait. J’ai fini par lui demander comment il réagirait si Owen et Alice avaient hérité de mes pouvoirs. Comment il réagirait si ses deux enfants étaient comme moi, différents de lui. Il me disait que ça n’était pas le sujet, que c’était moi qui abusais, qui profitais même de lui en lui retirant des souvenirs, que si ça continuait, je ne ferai que ça, retirer les souvenirs des gens. De mes enfants quand ils auraient vécu quelque chose de trop intense. Il me disait que j’étais irresponsable avec la magie. Qu’il ne pouvait plus me faire confiance. Qu’il n’avait plus confiance.»

Dès lors qu’elle avait commencé à énumérer les horreurs que Ruben lui avait dites cette nuit-là, elle avait senti les sanglots mêlés à de la peur, de la rage lui monter au visage. Ses joues avaient pris une teinte rosé foncé et la chaleur était montée également. Elle faisait plus que raconter cette nuit-là, elle la revivait. Elle ressentait la même peur qu’elle avait eu à ce moment-là, la honte que Ruben lui avait renvoyé, ce mépris et cette haine qu’il lui avait crachés à la figure. Heureusement que son récit était sur sa fin, car elle commençait à avoir les mâchoires serrées et peinait à ouvrir sa bouche.

« J’avais peur qu’il parte avec eux, qu’il me les retire et qu’il n’accepte jamais ce que j’étais et ce que ses enfants allaient très sûrement être. Alors le lendemain, je partais. Il ne m’a pas fallu plus longtemps pour réaliser que j’avais fait une erreur en croyant qu’il pouvait vivre avec la vérité. J’ai utilisé la magie sur lui une dernière fois, sur les enfants aussi pour qu’ils ne ressentent pas un manque, et je suis partie en ne laissant aucune trace derrière moi. »

Aurea ignorait ce que Maxence allait faire de tout ça, mais il savait à présent. La jeune femme avait le souffle court, comme si elle venait de courir pour sauver sa peau, c’était l’impression que tout cela lui donnait, avoir couru un marathon pour sauver sa peau et celle de ses enfants. Elle espérait que Maxence comprendrait, ce qu’elle avait vécu, ce qui l’avait poussé à faire ce qu’elle avait fait.
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Lun 26 Sep 2022 - 19:06


  13 Aout 2016 ?


Auréa n’avait jamais été le genre de femmes à réagir sur un coup de tête, pas plus qu’elle n’était de celles qui s’étale sur son quotidien. Peut être si tel avait été le cas, Maxence aurait compris bien plus tôt qu’un drame se déroulait au sein de sa propre famille. Ruben était un cousin mais avait bien souvent davantage agit en frère qu’en cousin. Et Aurea tenait depuis bien longtemps le statut d’ami plus que de femme éloignée d’un cousin qui l’était tout autant. Et pourtant à vivre sur des continents différents, à vivre les stigmates des distances prises par les générations précédentes de la famille, ils auraient pu n’être rien de plus qu’un visage qu’on ne croise qu’une fois de temps en temps. Et à vrai dire à cause de la magie crépitant dans les veines du gosse adopté des Wargrave.. c’était exactement ce qu’ils avaient été amenés à devenir. Et ce qu’ils étaient devenus au fil de ses missions militaires. La pensée n’était pas nouvelle, elle avait germé le jour de l’enterrement de ses parents alors qu’il croisait pour la première fois depuis des années le regard de son cousin et se rendait brutalement compte qu’ils n’avaient plus grand-chose à se dire et que leurs existences s’étaient creusées de secrets et de sujets tabous. La magie en était un ; Auréa aussi.

Ainsi, lorsqu’assit face à elle, Maxence la vit entrouvrir les lèvres pour entreprendre une véritable réponse qui lui permettrait de reconstituer le puzzle, il en était tout à la fois soulagé et angoissé de ce qui allait suivre. Et pourtant autre chose survenait. Le pincement au cœur fracassant de savoir qu’on ne trouverait plus personne dans la maison de son enfance et encore moins une oreille attentive mais également une nostalgie un peu étrange et déplacée. De manière purement ironique, entendre Aurea raconter son histoire le raccrochait un peu à la famille qu’il n’avait plus. Un deuil qu’ils avaient en commun.

« Avant les enfants, ça allait, j’arrivais à me limiter d’utiliser la magie que lorsque j’étais à l’hôpital, mais dès qu’Alice est née, quelque chose s’est passé en moi. L’arrivée d’Alice a allumé en moi une magie que je ne connaissais pas, mon instinct maternel m’a rapproché de ma mère et de tout ce qu’elle avait fait pour moi étant gamine. Des souvenirs, des ressentis d’enfance revenaient jours après jours et, même si au début une vie sans magie auprès de Ruben me semblait plausible, j’ai eu de plus en plus de mal à me contrôler par la suite. Je voulais le meilleur pour mes enfants et ma mère avait été une mère exceptionnelle. Et je voulais que la magie fasse partie d’eux aussi. » Pas qu’il puisse véritablement comprendre sans avoir d’enfants, Maxence en avait conscience. En revanche le fait d’appartenir à un monde dont on se voit privé, de se sentir apatride, de ne jamais être pleinement soi-même auprès de ses proches… ça il connaissait. Et il n’était pas certain de le souhaiter à ses enfants s’il en avait. Chose qui n’arriverait certainement jamais mais ça n’était pas le sujet.

Alors Auréa repris, retraçait l’histoire de sa vie, de sa vie de jeune maman au prise avec un système qui n’était pas le sien et l’envie et le besoin d’user des trucs et astuces de sa mère avant elle. Ça pouvait sembler dérisoire bien sûr, mais c’était là une manière d’être proche des siens, en adéquation avec soi-même. Derrière son silence, Maxence pouvait l’entendre. Tout comme il comprenait les réticences de son cousin à faire face à l’inconnu. Était-ce là qu’il s’était braqué ? A découvrir que sa femme l’avait manipulé, effaçant une part de ses souvenirs et de ses interactions avec ses propres enfants ? Mutique, Maxence porta à ses lèvres la tasse dans lequel le thé refroidissait, déglutissant les saveurs sucrées et bruités que le breuvage avait à lui apporter. Le réconfort n’était pas au rendez-vous, pas plus qu’il ne notait la manière toute particulière qu’avait l’infusion de pétiller en arrière de la gorge. Un truc sorcier auquel il ne prêtait pas attention, trop absorbé par les dires de son amie pour se concentrer véritablement sur ce qu’il faisait.

Le couple s’était donc remis, Aurea avait admis ses tors, compris qu’elle pouvait s’ouvrir et gérer les choses à deux comme ils s’étaient promis de le faire plutôt que d’user de magie dans son coin et de balayer cette part de la réalité d’un revers de baguette. Une bonne chose non ? Alors pourquoi percevait-il déjà qu’elle n’en était qu’à la partie émergée de l’iceberg et que dormaient encore derrière ses lèvres pincées bien des vérités douloureuses à formuler ?

« Plusieurs fois j’ai voulu t’en parler, toi qui vivais dans une famille moldue, qui aurait pu lui parler également, c’était à toi de décider bien sûr, mais j’ai même pensé que ça aurait pu être plus simple pour toi de lui dire qui tu étais. Mais… »
Toujours en silence, Maxence pinça des lèvres, baissa les yeux un instant avant de les relever. Évidemment que ce secret lui appartenait et que c’était à lui de décider à qui il annoncerait les choses dans sa famille. Mais dans le fond, jamais il n’avait pu faire ce choix. Ses parents lui avaient demandé de se taire et il l’avait fait. C’était aussi simple que ça. Ça semblait sans doute ridicule mais Maxence avait toujours eu pour ses parents l’image d’une certaine perfection qu’il n’avait jamais voulu briser. Lorsqu’il était enfant, jamais ils n’avaient eu vent de ses bêtises, le gamin étant trop malin pour se faire choper. Ainsi il avait développé deux attitudes bien différentes : le clown toujours prêt à allumer la galerie… et ce même s’il se faisait allumé, justement. Et puis l’autre, la gueule d’ange. En grandissant cette recherche affamée de plaire à ceux qui l’avaient adopté s’était apaisé dans la certitude plus calme de ne plus être abandonnée… mais dans le fond le gosse angoissé était toujours là. Ce gosse, il n’avait simplement jamais remis en question la demande qu’on lui avait fait de garder le secret, ainsi Maxence ne l’avait jamais véritablement envisagé. C’était ainsi, un truc immuable avec lequel il dealait sans se plaindre. Et si les choses avaient été différentes ? Et si Ruben avait eu d’autres exemples dans son quotidien, qu’il ne s’était pas pris cette réalité de plein fouet,  qu’Aurea était arrivée dans une famille déjà implantée dans le secret du monde magique ?

Et lui ? S’il l’avait dit ? Aurait-il perdu son cousin et une partie de sa famille ? Aurait-il fait exploser le noyau central de ceux qui l’avaient accueilli à bras ouverts ?

Un trait de peine vint rayer l’éclat noisette de son regard tandis qu’il croisait le sien, la laissant poursuivre le fil de son récit. Contre l’émail de sa tasse ses doigts s’étaient légèrement crispés.

Au fil des mots, leur quotidien se tissa derrière ses rétines. Il imaginait chaque scène, des pleurs des petits au manque de sommeil en passant par les reproches, les silences tendus, les insinuations néfastes et finalement, les engueulades franches. Dur de se projeter là-dedans, d’imaginer son cousin en telle position, de savoir trancher l’interprétation de la réalité. Dur, surtout, de se sentir brusquement projeté dans une vie qui n’était pas la sienne, comme un voyeur s’introduisant dans une intimité qui ne le concernait pas. Maxence se sentit brusquement intrusif alors même qu’il était celui qui avait demandé à comprendre. Il imaginait la violence des gestes, grinçait des dents à imaginer la scène, mu d’une envie de s’impliquer alors même que rien de tout ça ne lui appartenait ni le concernait. Moins simple, sans doute, de garder un réel recul quand il s’agit des siens.

Encore moins après avoir vécu des années sous l’égide de la haine, avoir dû encaisser jour après jours les discours discriminatoires d’Hommes violents, de les voir et les sentir de nouveau au quotidien jusqu’entre les lèvres de gamins… et d’entendre les mêmes mots de la part de sa propre famille. Anormal. Monstre. Voilà bien les mots dont ses parents l’avaient préservé en lui demandant de garder le secret. Mais imaginer Ruben dans le rôle de cet agresseur-là ?!

Crispé, Maxence dégluti, comprenant que l’histoire arrivait à son terme, que son cousin était allé trop loin. D’ailleurs, pour être honnête, s’il ne s’était pas s’agit de sa famille, son premier conseil dans une telle situation, face à un accès soudain de violence tant physique que verbale, le premier réflexe de l’ancien infirmier aurait été simple : « barres-toi. »
Et Aurea s’était barrée.

« Le lendemain je partais. Il ne m’a pas fallu plus longtemps pour réaliser que j’avais fait une erreur en croyant qu’il pouvait vivre avec la vérité. J’ai utilisé la magie sur lui une dernière fois, sur les enfants aussi pour qu’ils ne ressentent pas un manque, et je suis partie en ne laissant aucune trace derrière moi. »

Ainsi le récit s’achevait, lui laissant une violente impression de poids sur l’estomac et d’enclume dans la gorge. Un instant en silence, comme pour laisser retomber toute cette histoire et avec elle, l’impression poisseuse qui lui collait aux sens, Maxence observa son amie. Les joues rosies par la colère, les lèvres pincées et le regard dans lequel passaient les ombres de son orage interne, elle avait le souffle court et les muscles crispés. Aucun doute, tout était encore à vif dans ses pensées.

Inspirant profondément, Maxence finit par passer ses doigts dans ses cheveux en s’étirant en arrière. D’une certaine manière il avait envie et besoin de s’arracher à cet espèce de mutisme poisseux dans lequel il s’était enfermé tout au long du récit. Les paupières fermées une seconde, c’est dans un soupir qu’il ramena son corps dans sa position initiale et posa de nouveau les yeux sur elle.

 « C’est extrêmement lourd tout ce que vous avez eu à vivre. » Sans véritablement savoir s’il parlait d’elle et de Ruben ou d’elle et les enfants. Ce qu’il savait c’est qu’il avait été là pour la naissance d’Alice, avait passé bien des heures avec la petite dans les bras. Son premier contact avec un bébé, à l’aimer plus que tout et à grincer en silence de n’être plus pour cette enfant qu’un cousin éloigné. D’autres avaient été choisis comme parrains et marraine et lui s’était dit que ça, cette petite bulle de douceur… était la meilleure des raisons pour vivre de la plus belle des façons. Et sans doute, dans le fond, que ça aurait été là une bien chouette manière de retrouver cette part de la famille dont il était excentré de part sa nature de sang. Ce qu’il savait, c’était qu’il n’avait pu être présent qu’après le quatrième mois d’Owen que sa permission n’avait pas duré deux semaines avant qu’il ne reparte. Ce qu’il savait, c’était qu’en rentrant, il avait compris que ces enfants, il ne les reverraient plus jamais de sa vie.
A présent, il savait pourquoi les petits avaient été privés d’un père, pourquoi elle avait manifestement disparu du jour au lendemain, emportant la chair de sa chair avec elle sans mot dire. Et pourquoi ce sujet était devenu un incommensurable tabou dans la famille. Car il était le seul à se souvenir.

Sauf que Ruben savait. Le nom d’Aurea lui était familier et connu.

« J’aurai aimé avoir été là. Et j’aurai aimé que tu n’ai pas à vivre ça toute seule.. » De nouveau il eut un soupir et l’envie de marcher pour se défaire de la crispation qui s’était enroulée autour de lui depuis le premier évènement relaté. Ainsi son talon tapotait-il sur le sol et son regard se détachait à intervalles plus ou moins régulier de son interlocutrice pour y revenir l’instant suivant. « Écoute je suis personne pour te juger. J’étais pas là, j’ai pas été dans ta situation pas plus que dans celle de Ruben, je sais pas ce que c’était et je sais pas ce que j’aurai fait à vos places. Mais je sais que je suis dans le clan des « monstres » pour les uns et des « sangs-de-bourbe » pour les autres. Et que je suis loin d’être irréprochable. Alors je comprends. T’as essayé d’être toi même, ça a merdé, t’as eu peur et essayé de protéger tes enfants… c’était peut être pas la meilleure manière mais c’est ce qui est venu. J’peux le comprendre. » Avait-il lui-même toujours eu les meilleures réponses qu’il faille ? Clairement pas. Et ce alors qu’il avait eu bien des fois de nombreuses vies au creux des mains. Peut être sans ça, sans les erreurs accumulées et les épreuves traversées n’aurait-il pas réagi ainsi. Ou peut être était-ce seulement dans sa nature profonde. « J’ai envie de te demander comment ça va, comment vont les petits, comment vous avez tous géré tout ça… mais j’ai aussi envie de te demander ce qu’il se serait passé si j’avais été là. On aurait parlé ou t’aurai simplement tenté de m’effacer moi aussi ? Sous-entendu : c’est ce que tu envisages de faire maintenant ou pas ? »

Il n’y avait pas la moindre trace d’agressivité dans sa question, seulement une profonde lassitude. Quelque chose de douloureux à l’idée qu’il puisse être mis sur le même plan. Celui de l’agresseur, quoi qu’en pense Ruben. Le regard d’un gamin lui revenait en tête, un gosse moldu qui lui avait décoché une droite après l’avoir insulté copieusement quelques semaines auparavant. Lui qui avait été soignant, qui avait risqué sa peau et celle de ses proches pour l’aider, qui était descendu de nombreuses fois pour soigner en douce les prisonniers de Poudlard qu’importe leur sang. L’angoisse qui sillonnait ses veines était la même : celle d’être considéré comme l’ennemi par ceux qu’il estimait et à qui il tendait la main. Ceux pour qui il se battait.

Ou simplement ceux qu’il aimait.

Le considérait-elle ainsi ? Comme une menace à sa manière ou avait-elle toujours confiance en lui ? Ou autrement dit : à quel point était-il devenu, sans véritablement le comprendre ; un "étranger" ?

Pouvaient-ils simplement reprendre malgré l'absence, sans qu'elle ne fuit ou ne riposte ?

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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Lun 31 Oct 2022 - 9:43


Tout au long de son récit, Aurea choisissait avec soin chacun de ses mots, et elle le sentait. Elle revivait ces derniers jours auprès de Ruben, dans le monde moldu, et tout son corps en frissonnait. Elle n’appréhendait plus la réaction de Maxence, partie sur sa lancée, racontant enfin toute l’histoire à quelqu’un, elle n’appréhendait plus rien, elle se rendait compte qu’elle en avait même terriblement besoin. Il semblait très attentif à ce qu’elle disait, en buvait chaque mot comme il buvait son thé. Lorsqu’elle eut terminé, ses paroles lui firent chaud au cœur. Si elle n’appréhendait plus, elle appréciait sa réponse. Il n’avait pas changé, il était resté le Maxence qu’elle avait connu, attentionné.
Lorsqu’il aborda ce qu’Aurea aurait fait de lui si il avait été dans les parages, elle hésita. Elle savait parfaitement répondre à sa question, mais ne savait pas exactement comment le tourner. Il avait été sur sa liste, oui, les premiers temps, le premier jour où elle cherchait à tout prix à effacer sa présence du monde moldu, mais il est vite devenu quelqu’un en qui elle avait appris à faire confiance. A quel point pouvait-elle être honnête avec lui ?

« Les enfants vont bien, Maxence. Le choix que j’ai fait pour eux, je veux dire, je n’en suis pas très fière, mais je sais que je l’ai fait pour leur bien. Ruben ne comprendrait pas, et nous aurions eu une énième dispute très probablement s’il l’avait découvert,  mais si je l’ai fait c’est avant tout pour eux, j’essaye de m’en convaincre le mieux possible, sinon je deviens folle. »

Qu’en était-il de Maxence ? Aurait-elle effacé ses souvenirs à lui aussi ? Aujourd’hui elle sait que non, elle le sent qu’elle a pris la bonne décision d’abandonner à l’époque. Mais cette lettre qu’elle a écrite et n’a jamais envoyée. Cette lettre qui lui expliquait tout, à cœur ouvert, mais qui n’a jamais quitté le tiroir de son bureau.

« Je t’avais écrit une lettre lorsque je suis partie, où je t’expliquais tout, où je m’excusais de la situation dans laquelle je te mettais en te révélant tout ça, mais je n’ai jamais eu le courage de l’envoyer. Elle est dans mon bureau depuis le jour où j’ai monté cette boutique. Je venais d’oublietter ta famille et je me demandais quoi faire avec toi. Je ne savais pas. J’ai profité du fait que tu étais loin pour repousser le moment de prendre une décision, c’était plutôt arrangeant. »

La boule qu’elle avait au ventre en faisant ces révélations lui rappela le mal-être qu’elle avait ressenti au moment d’oublietter la famille de Maxence ainsi que celle de Ruben. Pour Ruben, elle s’était faite à l’idée, c’était plus simple, elle n’en était pas à sa première fois, et puis elle était encore sous le choc de leur énième dispute, bien décidée à s’enfuir. Mais les jours qui avaient suivis, elle avait dû s’occuper très rapidement de tous les autres, des personnes qui ne lui avaient rien fait directement. Des personnes qui n’étaient tout simplement pas du même monde qu’elle.

« Cette lettre, si je ne l’ai pas envoyée, ça n’était pas parce que je doutais encore de toi, de la confiance que je pouvais avoir en toi, mais j’avais peur qu’elle finisse entre de mauvaises mains, celles de tes parents s’il t’arrivait quelque chose par exemple et qu’elle finisse par remonter jusqu’à Ruben. J’en étais terrifiée. Écrire cette lettre m’a permis de comprendre la place que je voulais t’accorder, même si choisir pour toi a été un acte plutôt égoïste en soi, je voulais que tu sois mon confident, pas un étranger. Quand je t’ai vu dans la rue, j’ai paniqué, tout est revenu d’un coup, je ne savais pas ce que tu savais, comment tu réagirais en me voyant après tout ce temps et après ce que j’avais fait, j’ai eu peur que Ruben ne soit avec toi, je ne savais pas si j’aurais réussi à l’affronter, même après toutes ces années. »

Elle attendait sa réaction, qu’il lui parle, qu’il la rassure. Elle en avait terriblement besoin. Parler des faits était une chose, mais révéler à Maxence à quel point il était important pour elle et les choix qu’elle avait dû faire à sa place était une chose bien différente. Pour la première fois depuis qu’elle connaissait Maxence, elle avait peur qu’il la rejette, que la seule personne qui lui faisait sentir elle-même aux repas de famille, qui lui avait permis de se détendre et de sourire lorsqu’elle ne trouvait pas sa place ne veuille plus d’elle. Si se confier avait été un soulagement pour elle, l’attente de savoir si Maxence allait accepter ses excuses était une réelle torture.

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Ven 11 Nov 2022 - 1:19


  13 Aout 2016 ?


Maxence sentit son myocarde s’affoler dans sa poitrine durant toute la durée du récit. Il avait beau avoir traversé bien des épreuves, s’être démarqué plusieurs fois dans des situations critiques, avoir assisté à des horreurs ou été le seul référent pour prendre des décisions dans ces drames… une part de lui était encore le jeune homme qu’Aurea avait rencontré la première fois. Il y avait toujours en lui un gamin un peu bancal qui ramait parfois pour se sentir tout à fait légitime, trouver sa place ou assumer d’être ce que d’autres ne voulaient pas voir de lui. C’était ce gosse-là qui avait peur d’entendre les réponses. Celui-là qui craignait de ne jamais vraiment appartenir à cette famille qu’il aimait pourtant de tout son cœur. Celui-là que ça arrangeait, finalement, de devoir garder le “grand secret de la magie” éloigné de toutes autres oreilles que celles du noyau familial proche. Cette peur du rejet, Maxence n’en avait pas vraiment conscience et ne l’assumerait pas tout à fait s’il la concevait ainsi. Malgré tout elle était là, elle battait ses veines de cette angoisse mal placée, balayait étrangement les épreuves passées pour onduler sous sa chair comme un serpent. Elle mordait et il se laissait mordre. Car dans le fond, si cette peur existait, c’est qu’il considérait trop cette femme pour que son opinion n’ait pas d’importance.

« Les enfants vont bien, Maxence. Le choix que j’ai fait pour eux, je veux dire, je n’en suis pas très fière, mais je sais que je l’ai fait pour leur bien. Ruben ne comprendrait pas, et nous aurions eu une énième dispute très probablement s’il l’avait découvert,  mais si je l’ai fait c’est avant tout pour eux, j’essaye de m’en convaincre le mieux possible, sinon je deviens folle. »

Ce qu’il comprenait bien. Maxence avait beau appartenir à cette famille et être par défaut en empathie avec son cousin, il l’était tout autant de sa femme. Quand aux enfants… ils étaient ses petits cousins. Il les avait bercé, nourris, langés. Il avait observé ce petit noyau familial avec autant de tendresse que d’admiration. Et une part d’envie qu’il n’avait même plus envie de cacher. Pas de jalousie, seulement un désir de s’inscrire un jour dans une situation similaire. Des besoins bien simples concernant le futur dont il avait toujours eu conscience et qui l’avaient séparé de Néolina lorsqu’il était devenu évident que leurs avenirs ne serait pas le même. Elle n’avait pas ces envies-là, ça lui appartenait. Maintenant… eh bien maintenant tout était différent et lui-même savait qu’il n’aurait sans doute jamais la possibilité d’accéder à ce qu’il désirait vraiment. A se faire bouffer par une guerre qui écrasait chacun, il savait qu’il avait perdu le luxe de la tranquillité. Un jour peut être que s’il y survivait, les choses seraient différentes. Pour l’heure pourtant, tout lui semblait profondément inatteignable. Alors oui, le caractère dramatique de cette situation, Maxence le ressentait véritablement. D’un côté pour celle qui avait dû se battre pour avoir le droit d’exister pleinement et de faire vivre leur différence à ses enfants. De l’autre pour celui dont la peur l’avait grignoté jusqu’à ce que les circonstances lui donnent raison. Et donc pour un père qui ne reverrait plus ses enfants. Et une mère qui devrait vivre avec le poids de cette décision.

« Je t’avais écrit une lettre lorsque je suis partie, où je t’expliquais tout, où je m’excusais de la situation dans laquelle je te mettais en te révélant tout ça, mais je n’ai jamais eu le courage de l’envoyer.  » Portant la tasse à ses lèvres, Maxence s’était arrêté un instant, le regard plongé dans celui de la jeune femme tandis qu’elle reprenait. « Elle est dans mon bureau depuis le jour où j’ai monté cette boutique.  » Sans vraiment savoir vers où il regardait, Maxence eut un mouvement en arrière vers une porte qu’il avait cru comprendre comme étant celle de son bureau. « Je venais d’oublietter ta famille et je me demandais quoi faire avec toi. Je ne savais pas. J’ai profité du fait que tu étais loin pour repousser le moment de prendre une décision, c’était plutôt arrangeant. »

Que sa situation ait pu être arrangeante pour quelqu’un fit glisser une impression d’étrangeté sous sa peau. Chacun vivait ses drames et ses joies mais le croisement des timelines avait ici quelque chose d’un peu bizarre. S’il l’avait compris il y avait de ça quelques semaines, Maxence avait du mal à imaginer Aurea rencontrer chacun des membres de sa famille pour leur arracher une part de leur mémoire tandis que lui… était en plein chaos moral. De cette période de sa vie, il cherchait à rester éloigner. C’était là pourtant.  Agir pour le gouvernement, penser protéger le monde sorcier, les pays qui l’avaient hébergé, accueilli ou vu grandir. Et puis comprendre que quelque chose clochait, que les informations étaient erronées. Comprendre qu’on n’est pas du bon côté de la ligne. S’en assurer, enquêter, contrer, braver, puis plier face à la pression, s’inquiéter pour soi, pour ses proches, pour sa carrière. Et puis passer le pas. Tout avait pris tant de temps, tant d’énergie. Avait-il loupé durant cette période des choses dont il aurait dû avoir conscience ?
Étrange de penser que cette période de sa vie, que la séquestration qui avait suivie puissent avoir été perçues comme arrangeantes. Un léger rire cynique agita sa cage thoracique sans que l’ancien infirmier de Poudlard ne commente davantage. Il y avait une chose qu’il n’avait cependant pas considéré, pas imaginé. La situation dans laquelle elle le mettait en lui révélant tout ça. Que faire de tout ce bordel maintenant ? Comment faire face à Ruben en sachant ce qu’il savait ? Et comment aurait-il vécu tout ça s’il avait été enfermé à Poudlard avec toutes ces informations ? Auréa ne connaissait pas un dixième de ce qu’il avait vécu ces dernières années et devait même ignorer que ceux à qui elle avait déjà confié ses enfants, qui l’avaient invitée pour Noël et lui avaient légué bien des fringues pour les petits… n’étaient plus.

Le cœur serré de tant de données entremêlées, Maxence déglutit la gorgée de son thé, changea de position sur sa chaise et écouta la suite.

« Cette lettre, si je ne l’ai pas envoyée, ça n’était pas parce que je doutais encore de toi, de la confiance que je pouvais avoir en toi, mais j’avais peur qu’elle finisse entre de mauvaises mains, celles de tes parents s’il t’arrivait quelque chose par exemple et qu’elle finisse par remonter jusqu’à Ruben.» C’était égoïste mais il en éprouva une forme de soulagement sans doute un peu malsain. Déplacé en tout cas, c’était certain. « J’en étais terrifiée. Écrire cette lettre m’a permis de comprendre la place que je voulais t’accorder, même si choisir pour toi a été un acte plutôt égoïste en soi, je voulais que tu sois mon confident, pas un étranger.» Un petit sourire tendre fit son apparition sur ses lèvres, glissant jusqu’au regard qu’il avait arrimé au sien. Sans doute cette conversation était-elle profondément injuste pour Ruben. Sans doute y avait-il même une forme de trahison de leur part à tous les deux. Pourtant cette amitié n’avait jamais été autre chose que profondément sincère et oui, l’idée qu’elle aurait pu le larguer sur le bord de la route sans lui donner l’occasion de ne serait-ce que comprendre la situation faisait mal. Egoïstement mal, mais sincèrement mal. Alors qu’elle ait pu vouloir lui dire les choses et le laisser volontairement dernier détenteur de la situation était égoïstement rassurant. Voir étrangement plaisant. « Quand je t’ai vu dans la rue, j’ai paniqué, tout est revenu d’un coup, je ne savais pas ce que tu savais, comment tu réagirais en me voyant après tout ce temps et après ce que j’avais fait, j’ai eu peur que Ruben ne soit avec toi, je ne savais pas si j’aurais réussi à l’affronter, même après toutes ces années. »

Au vu de la présence de Naveen, Ruben aurait effectivement pu être dans le coin, c’était un fait certain. “ Il n’était pas là, mais ça aurait pu, c’est vrai…” En se laissant retomber sur l’arrière de son siège, le dos claquant contre le dossier, Maxence eut un profond soupir. D’une main, il retira les lunettes qu’il portait parfois et de l’autre, la passa sur son visage. “Je ne t’en veux pas Aurea, et j’imagine bien que ça a dû être compliqué à gérer tout ça.. ” C’était vrai. Il aurait dû lui en vouloir, être en colère ou dépité, il aurait sans doute dû défendre son cousin et affirmer que personne ne peut choisir pour l’autre une chose pareille mais… “Le choix que tu as fait me concerne pas. C’est votre histoire, c’est entre vous que ça doit se régler.” Peut être une manière de penser lâche, c’était vrai, mais Maxence avait déjà porté bien trop de responsabilités pour supporter celles qui ne lui revenaient pas. “Pour ce qui est de moi en revanche… ouais, j’aurai bien aimé la recevoir cette lettre. Éviter de rentrer chez moi et de choper à coup de non-dits une semi-vérité … J’ai vite compris qu’il y avait eu un obliviate dans l’histoire mais de là à comprendre l’intégralité de la situation…. Sauf qu’en vérité, vu la situation dans laquelle je me suis foutu durant ces années-là.. Ça aurait fait que compliquer la tâche. Donc ça m’ennuies de l’admettre mais c’est mieux comme ça…”

Maxence eut un petit sourire las, posant le regard sur son amie avec une part de dépit. Savoir se positionner dans tout ça demanderait du temps, d’autant qu’il côtoyait à présent de nouveau Ruben - et sa chienne mal-embouchée - plus ou moins régulièrement. C’était vrai, Maxence avait toujours été son confident, la seule caution magique de cette famille et à ce titre, ils étaient devenus proches très vite. Il pouvait aisément comprendre que ce soit mal perçu mais c’était ainsi et à l’époque, ils faisaient un bon trio. Qu’en serait-il à présent, maintenant que lui seul… “Mais attends… tu as effacé quoi à Ruben ? Tout, jusqu’à ton existence et votre vie de couple ou ‘simplement’ les enfants ?” Les sourcils froncés, Maxence venait brusquement de voir une faille dans toute cette histoire. Une faille énorme et violente qui risquait bien d’avoir des conséquences qu’aucun des deux n’avait anticipé.

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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Sam 10 Déc 2022 - 23:08


Tout le long de son propre récit, le regard d’Aurea alternait entre Maxence et un bouchon de flacon qu’elle tripotait du bout de ses doigts. Elle faisait souvent cela lorsqu’elle était un peu gênée ou qu’elle se sentait nerveuse, ou juste pour se concentrer sur autre chose que ses propres émotions. Elle se sentait passer par tout un tas d’émotions différentes, certaines qu’elle ressentait rarement. Elle avait le sentiment cependant que les choses n’allaient pas mal tourner avec Maxence, sa voix l’avait rassurée et bien que ce soit un peu prématuré, elle se disait qu’au moins, avec lui, peu de choses allaient changé. Que ce qu’ils ressentaient l’un envers l’autre n’avait pas trop bougé. Maxence commença à raconter sa version des faits, son retour en Angleterre, et sa compréhension petit à petit de ce qui avait bien pu se passer. Elle était heureuse qu’il ne lui en veuille pas, maintenant qu’il lui racontait tout cela, elle se rendait compte dans quelle situation elle l’avait mise en prenant la décision de ne pas lui envoyer la lettre. Comment aurait-elle réagit, à sa place, si elle s’apercevait qu’une personne avait disparu de sa vie, de la vie des proches, et qu’elle était d’ailleurs inexistante à présent dans la mémoire des siens ? Comment aurait-elle réagit par exemple si elle avait été à la place de Maxence, à son retour, à découvrir qu’une personne qui comptait à ses yeux était partie sans laisser de traces, laissant uniquement derrière elle une absence de souvenirs ?

Bien que la voix de Maxence soit suffisamment douce, la culpabilité refit surface petit à petit. Comment n’avait-elle pas pu penser à cela ? Au retour de Maxence ? Aux questions qu’il allait poser ? S’il avait posé trop de questions, que se serait-il passé ? La famille de Ruben aurait-elle eu des soupçons ? L’auraient-ils pris pour un fou s’il avait insisté ? Toutes ces questions qu’Aurea avait égoïstement évité de se poser. Elle avait juste fourré sa lettre dans un tiroir en repoussant le moment où elle aurait à affronter ses démons. Et ce jour était aujourd’hui. Elle était rassurée, bien sûr, de comprendre que Maxence n’avait pas tellement insisté et qu’il avait vite compris ce qui avait pu se passer, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser aujourd’hui aux mille questions qui avaient dû fleurir dans l’esprit du jeune homme. Elle se demandait même comment il pouvait être si calme. C’était une partie de lui qu’elle appréciait particulièrement, et une partie de leur relation également. Ils se canalisaient l’un l’autre, se confortant d’un regard. La culpabilité refaisant surface, Aurea aurait préféré garder son regard entre ses doigts à jouer avec le bouchon qui perdait et reprenait sa forme sous les mouvements d’index, de pouce et d’annulaire de la jeune femme, mais par respect, elle se devait lever la tête et le regarder. C’était un minimum. Dire qu’elle assumait entièrement cette partie de l’histoire était un mensonge, il était temps qu’elle y fasse face et qu’elle en assume les conséquences cependant. Elle n’osait l’interrompre, c’était à son tour de s’exprimer, mais ses mots la touchèrent sincèrement. Elle sentait une sincérité et une délicatesse dans les pensées de Maxence qui lui avaient énormément manqué.

Elle se rendit compte de quelque chose cependant. Alors qu’elle avait rêvé de nombreuses fois de retrouvailles malencontreuses avec Ruben, elle n’avait jamais trop imaginé cette conversation. Elle avait eu peur, bien évidemment, que sa famille l’apprenne et que cela revienne aux oreilles de son ex-mari, mais elle n’avait jamais pensé à ce qui aurait pu se passer le jour où elle reverrait Maxence pour de vrai. Peut-être s’était-elle suffisamment voilé la face pour se dire qu’ils ne se reverraient jamais et que son secret ne serait jamais révélé, peut-être était-ce pour ça qu’aujourd’hui elle ressentait de la culpabilité, parce qu’elle n’avait jamais pensé au retour de Maxence en terres britanniques, elle avait eu l’impression qu’il les avait quittés pour toujours, qu’il les avait abandonnés. Oui elle s’était sentie abandonnée. Qu’aurait-il pu se passer s’il n’était pas parti ? Personne ne le saura jamais. Peut-être que cela aurait tout changé comme absolument rien. Alors que Maxence terminait son récit, elle baissa les yeux en cherchant de l’inspiration dans ce petit bout de matière difforme qu’elle tenait encore, lorsqu’une phrase l’interpella. « Mais attends… tu as effacé quoi à Ruben ? Tout, jusqu’à ton existence et votre vie de couple ou ‘simplement’ les enfants ?” » Pourquoi posait-il cette question ? Elle s’arrêta net, un ongle enfoncé dans son pouce, un autre dans le bouchon. Pourquoi diable demandait-il des précisions à ce propos ? Elle avait le sentiment que quelque chose l’inquiétait, clochait. Quelque chose clochait, assurément.

« Je… » Cette dernière phrase l’avait clairement perturbée. « Je l’ai oublietté sur tout, ses enfants, notre vie commune, jusqu’à notre rencontre. C’était la première fois que j’allais aussi loin dans ses souvenirs. » C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cela avait été si éprouvant pour elle. Il fallait revenir quelques années auparavant, bien avant la naissance des enfants. Faire le tour de la maison et y retirer le moindre détail qui aurait pu trahir cette histoire. Que voulait dire Maxence en disant « simplement » ? « Que se passe-t-il Maxence ? Quelque chose ne va pas ? »
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Dim 11 Déc 2022 - 9:43


  13 Aout 2016 ?


Parfois la vie est injuste et égoïste. Les décisions se font, sans entendre le reste, parce qu’elles sont ainsi. Et qu’ainsi, elles doivent vous éloigner de ce qui compte. En regardant en arrière, Maxence se rendait compte que cette période lui était complètement confuse. Quand Néolina avait-elle rompue ? Quand était ce dernier repas de famille où il avait annoncé partir pour ses classes, prêt à devenir “médecin” militaire. Quitter Londres, laisser en arrière les premières Unités d’Enseignement validées, les amis, les habitudes. L’appartement et les sorties, les contacts avec ses tuteurs, les réussites à l’hôpital. Et l’impression putride de croiser à chaque croisement de rue un amant ou une amante de Néolina. Quoi que ce terme ne soit pas adapté, bien sûr. Pourtant c’était ce qu’il lui restait sous la peau et Maxence, à l’époque, ne savait s’en défaire. L’ombre du roulement qui lui étreignait le cœur était toujours là, à chaque fois qu’il passait la porte de l’appartement et s’adressait à Gary. Même aujourd’hui, ça ne partait pas. Avait-il pensé à qui que ce soit en partant ? Non. Comme pour Auréa, c’était plus simple ainsi. Partir au bout du monde, retrouver les plans de carrière que le gosse qu’il était avait un jour assuré comme vérité vraie. S’en convaincre. S’en persuader. Avancer. Il y a des périodes dans la vie où c’est bien tout ce qui compte. Prendre des décisions, se lever le matin, avancer, finir la journée, ne pas douter. Se lever le lendemain et recommencer. Le moindre doute devient synonyme de chute brutale. Qu’importent les doutes d’ailleurs, on ne revient pas en arrière. Alors les regrets sont évacués. On fait ce qu’il faut. On ne se retourne pas.

Pourtant à l’instant, tous deux s’étaient retournés pour se faire face.

Maxence observait les petits gestes nerveux qui lui permettaient de se maintenir à flot. Quelque part derrière ses prunelles noisettes se déroulaient bien des scènes. Quand elle était arrivée et qu’elle avait laissé échappé un mot à sa belle famille la trahissant et qu’elle s’était retranchée derrière l’idée de servir le café. Ce jour-là, elle avait tripoté un bouchon sous la table toute la soirée tandis que Maxence redirigeait les choses avec l’habileté de celui qui vit entre deux mondes depuis toujours. Elle avait eu ce même geste également le jour où il avait fallu annoncer la grossesse. Un ongle enfoncé dans le pouce, à en tâter la pulpe. L’ancien soldat se souvenait que son regard s’y était arrêté avant de remonter jusqu’à son regard, de s’y arrêter un long moment. Elle ne l’avait pas immédiatement remarqué et lorsqu’elle l’avait fait, ses lèvres s’étaient légèrement relevées. Alors un regard s’était échangé entre elle et son mari donc le regard, immédiatement, s’était mis à pétiller en tombant sur son cousin. Bien avant tout le monde, Maxence avait pincé les lèvres pour s’empêcher de sourire. Ses yeux, pourtant, l’avaient trahis. Tous trois avaient dû esquiver leur regard jusqu’à ce que les choses soient dites. Sous peine de laisser éclater le vif secret de ... polichinelle.
A présent lui même se rendait compte à rebours de laisser son doigt glisser le long de la porcelaine. Le second traînait en tapotant son genoux. En science, on appelle ça des gestes de réassurance ou de toilettage. Tous deux avaient tant à assurer dans cette situation…

Dans sa poitrine tonnait le séisme d’une révélation à venir. A peine avait-il posé la question qu’à la réaction d’Auréa, Maxence connaissait déjà la réponse. Elle avait tout pris. Elle lui avait tout pris. Et malgré tout, Ruben se rappelait.
Au centre du conflit, son cousin se trouvait alors là, avec dans le crâne le petit grain de sable qui pouvait de nouveau faire dérailler la machine. Alors que faire ? Qui prévenir ?

« Je…  Je l’ai oublietté sur tout, ses enfants, notre vie commune, jusqu’à notre rencontre. C’était la première fois que j’allais aussi loin dans ses souvenirs. » Fermant les paupières une seconde, le médicomage encaissa le choc.

Soudainement, il lui semblait se trouver dans la désagréable position de celui qui doit faire un choix entre deux amis. Qu’importe où il pouvait se trouver, il lui semblait sentir le vent glacé de la trahison lui fouetter les sens.

« Que se passe-t-il Maxence ? Quelque chose ne va pas ? »

S’il se taisait ou s’il parlait ; qu’importe, la Peine toquait à la porte.

Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. Songea-t-il, cynique, en posant en silence un regard droit sur Aurea. Toutes ces années. Et malgré tout, l’histoire n’en finissait pas. Les non-dits et les séismes n’en finissaient pas de trembler entre eux. Et lui se retrouvait au centre sans trop savoir ce qu’il fichait là.
Ou peut être était-il à l’origine d’une première trahison, plus ancienne, quand certains doutes s’étaient glissés entre eux. Quelques pensées déplacées, une connivence évidente. On récolte ce que l’on sème parait-il. Peut être s’était-il foutu là tout seul.
En attendant le séisme risquait de tonner de nouveau et il en craignait les conséquences. Qu’il s’agisse d’Auréa, de Ruben ou de leurs enfants.

“Auréa.. Il se souvient de toi.”

Vrombit, le vent glacial.
Contre la tasse, Maxence pressa ses doigts soudainement gelés. Dans un frisson, il serra les mâchoires, incapable de savoir s’il faisait là le pire choix qu’il soit.

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Sam 7 Jan 2023 - 16:18


Au fond, avait-il vraiment eu besoin de l’articuler ? Son visage en avait déjà dit long bien avant qu’il s’exprime verbalement. Il savait. Ruben savait. Il savait qu’elle existait et nul doute qu’il devait se souvenir de ses enfants aussi. Il n’y avait pas de raison. Elle se leva lentement, digérant l’information comme elle le pouvait. Elle détourna son regard de Maxence et tenta de trouver un endroit dans la boutique où le fixer mais il n’y avait rien à faire. Sa vue se brouillait petit à petit. De choc tout d’abord. Sa vue se brouillait de souvenirs, de ce jour-là précisément où elle avait pointé sa baguette sur lui avec la détermination d’éliminer tout souvenir de sa vie avec elle. Ce moment, qu’elle n’avait juste qu’abordé mais qu’elle revoyait plus clair encore comme si on lui passait un film devant les yeux.

Ils étaient dans l’entrée de la maison, elle avait pris son courage à deux mains, caché les enfants chez ses parents, rassemblé des objets qu’elle souhaitait garder auprès d’elle et éliminé le reste d’un coup de baguette. Et lui, face à elle, se questionnant sur sa présence et l’absence des enfants. Une fraction de seconde où elle avait rassemblé toute son énergie, sa foi dans ce qu’elle pensait juste, ses compétences magiques, son amour pour lui, son amour pour ses enfants, son amour pour tout ce qu’elle s’apprêtait à éliminer. Elle l’avait regardé droit dans les yeux, sa baguette à la main, devant ce moldu impuissant qu’elle aimait si fort qui n’osait franchir les quelques mètres qui les séparaient. Sa vue s’était brouillée ce jour-là aussi, par des larmes qui s’attroupaient sous ses paupières mais qu’elle refusait de libérer de peur de flancher. Ce n’était pas le moment de flancher. Sa main ne tremblait pas, elle était agrippée à ce morceau de bois qui constituait l’éternel problème de vivre libre entre sorciers et moldus, de vivre une liberté d’aimer qui on le souhaite, une liberté de juste vouloir partager une vie équilibrée entre magie et vie moldue. Elle se rappelle qu’avant même de prononcer les mots qui allaient mettre un terme à tout ça, elle avait lu dans son regard qu’il avait compris, qu’il savait ce qu’elle s’apprêtait à faire, mais qu’il n’a pas bougé, il n’a pas parlé. Elle se rappelle qu’elle avait revu en lui l’homme qu’elle aimait, malgré ces quelques jours de chaos qui s’étaient accumulés dans leur vie sentimentale et leur vie de famille. Elle se rappelle qu’elle avait ressenti un élan d’amour inconditionnel pour lui, qu’elle avait eu envie de se blottir dans ses bras pour lui dire au revoir, pleurer dans ses bras comme un couple qui décide qu’il est préférable de se séparer parfois, pour être plus heureux, pour se retrouver, soi-même. Elle avait eu envie de l’embrasser et lui dire qu’elle l’aimait. Qu’elle faisait ça pour lui aussi, pour qu’il ne souffre pas de leur absence. Pour que ce soit plus simple. Pour qu’il refasse sa vie, qu’il soit heureux, qu’il forme une famille « normale » avec une moldue. Mais en avait-elle vraiment envie au fond d’elle ? Elle avait resserré l’étreinte de ses doigts, avait lancé le sort et avait regardé Ruben se le prendre de plein fouet. Elle était restée une seconde de plus pour voir le sort prendre effet et avait transplané. A la seconde près où elle était apparue dans la chambre d’amis chez ses parents, elle s’était écroulée à terre et avait libéré les épées tranchantes contenues dans ses paupières qui s’écoulaient le long de ses joues et s’écrasaient au sol.

Revenue dans la boutique, Aurea sentait ses paupières, impuissantes, laisser couler le flot de larmes incontrôlable. Il n’y avait plus un son dans la pièce, elle pouvait entendre les gouttes qui s’écrasaient au sol après un long trajet d’un mètre cinquante.

« Je… Je… voulais qu’il se souvienne de moi. » Elle avait articulé ces mots dans un murmure, plus pour elle que pour quiconque. Elle ressentait cette dernière pensée qu’elle avait eue, une pensée égoïste, terriblement égoïste, qui avait dû affecter sa magie. Cette dernière pensée qui avait ébranlé sa conviction dans l’acte d’effacer sa mémoire. Elle en était certaine. « J’ai eu un doute, Maxence, une fraction de seconde avant de lancer le sort, j’ai eu une envie, minime, qu’il se souvienne de moi, une envie égoïste que notre amour soit plus fort que la magie. Je n’en ai jamais eu vraiment conscience, j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre et je n’y ai pas repensé une seule seconde avant aujourd’hui à ça. Je pensais tellement à me reconstruire après ça, après ce sentiment déséquilibré de liberté et de culpabilité, que je n’ai pas pensé une seule seconde que mon sort ait pu échouer, même sur du long terme. » Sa voix s’était calmée. Elle tentait d’articuler de manière censée et intelligible pour que Maxence comprenne ce qu’elle essayait d’exprimer.

Au final, peu importait la raison qui les mettait dans cette situation aujourd’hui, le mal était fait. Ruben se souvenait.

« Comment sais-tu qu’il se souvient de moi ? Comment va-t-il ? » Deux questions liées entre elles peut-être.
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Mer 11 Jan 2023 - 20:06


  13 Aout 2016 ?


Combien de fois avait-il été cet homme-là ? Celui qui arrive auprès d’une personne, d’un enfant, d’une famille. Celui qui possède dans la gorge les paroles qui bouleverseront des vies. Celui qui a tenu le poignet d’un proche sans plus en percevoir le pouls, donné l’heure du décès, contemplé le corps souvent violenté avec lequel il a fait front contre la mort pendant parfois des heures avant de finalement rester seul à la contempler.
C’est ainsi, ça fait partie de son métier. C’est en lui alors même que sa carrière s’est écrasée en plein envol. Là, parce que la vie a fait de lui le messager de la mort. Là parce qu’il aura été celui qui traverse bien des champs de batailles pour finalement se trouver sans cesse face aux restants. A ceux à qui il faut annoncer les choses. Sans doute n’est-il pas parfait. Sans doute aurait-il pu mieux faire à de nombreuses reprises. Dans le fond, lorsqu’on possède ainsi une annonce destinée à tout changer, il n’y a pas de véritable bonne manière de dire les choses. Elles doivent être énoncées, voilà tout.

Mais là, lorsqu’à faire vibrer ces mots, il faisait trembler le monde d’une amie perdue, ne venait-il pas par là-même de trahir un cousin ? Depuis plusieurs mois, Maxence tentait de renouer avec cette famille qui lui restait depuis la mort de ses parents quelques mois plus tôt et la disparition de son petit frère. Venait-il par ces mots de gâcher les efforts entrepris par les deux hommes ?
Il lui semblait parfois n’avoir de sa vie qu’un tissu de mensonge à présenter à ceux qui, hier, faisaient son quotidien. Venait-il de choisir un camp sans y prêter gare ?

Auréa s’était levée, le regard braqué sur l’avant, les doigts trop droits, la vue troublée. Son visage avait pâli un instant avant de rougir légèrement. Maxence, en silence, détourna juste le regard. Déglutissant en observant un moment le liquide cuivré de son thé, il mit un moment à peser ce qu’une telle annonce changeait pour elle. Le temps passé dans le mensonge, la manière dont Ruben l’accueillerait le… et lui ? Qu’avait-il en tête ? Le souvenir brouillé d’une vie passé, des certitudes, des assurances ? Son cousin n’avait-il pas vendu bien des informations sur lui-même en réagissant au prénom d’Auréa ? Les questions de Ruben ce jour-là lui revinrent en tête. Avec elle, sa suspicion. Que pensait-il ? Qui était-il, lui qui n’avait peut être pas toutes les clefs pour comprendre la situation. Lui, surtout, qui n’avait pas sauté sur l’occasion pour en savoir plus. Un frisson d’angoisse saisi le médecin alors qu’une suspicion immonde traçait sa route dans son esprit. Qui réagissait avec un tel calme, si ce n’était ceux qui en savaient bien davantage ? Ceux qui, peut être, participaient à cette guerre depuis longtemps.

Un tremblement bloqua ses réflexions, l’extrayant au passé pour le ramener au présent. Auréa pleurait.

« Je… Je… voulais qu’il se souvienne de moi. » Une pierre lui tomba dans l’estomac, un lasso autour de la gorge. Qu’importent les années et la distance, l’absence ou le silence, Maxence détestait toujours autant la voir dans cet état. En douceur, il se leva alors qu’elle reprit la parole. « J’ai eu un doute, Maxence, une fraction de seconde avant de lancer le sort, j’ai eu une envie, minime, qu’il se souvienne de moi, une envie égoïste que notre amour soit plus fort que la magie. Je n’en ai jamais eu vraiment conscience, j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre et je n’y ai pas repensé une seule seconde avant aujourd’hui à ça. Je pensais tellement à me reconstruire après ça, après ce sentiment déséquilibré de liberté et de culpabilité, que je n’ai pas pensé une seule seconde que mon sort ait pu échouer, même sur du long terme. » Les lèvres du médicomage s’étaient pressées l’une contre l’autre tandis qu’il la rejoint. Son regard s’échoua sur elle et toute la teneur de son amour violenté. Il y avait dans ses mots quelque chose d’affreusement déchirant. Un cri du coeur, une plaie béante jamais cicatrisée. Jamais il n’aurait pu imaginer ce qu’ils vivaient tous les deux. L’un comme l’autre passaient par l’enfer et tout ce qu’il pouvait faire, lui, était d’être le confident à la mine désolée. Un rôle dont il ne savait que faire, mais qui l’amena jusqu’à ses côtés en douceur.
Etait-ce ça ? Le sort s’était-il disloqué au fil du temps ? Ruben avait-il été seul pour affronter une situation dont il ne comprenait rien ? Au vu de sa réaction… à présent l’anglais avait eu des réponses. Son calme inquiétait Maxence mais tel n’était pour l’heure pas le sujet.

Auréa avait réussi à retrouver la maîtrise de sa voix mais celle-ci tremblait toujours un peu. Les larges traînées humides sur ses joues lui serraient le coeur, le regard droit et perdu qui était le sien le peinait tout autant. D’une main, il lui effleura le bras sans oser la prendre dans ses bras de peur de briser ses dernières résistances.

« Comment sais-tu qu’il se souvient de moi ? Comment va-t-il ? »
“Il… va.” Comment répondre véritablement à une telle question ? En avait-il seulement la légitimité ? A l’instant, il lui semblait être autant l’étranger de son cousin qu’il était le sien. “En fait j’en sais rien, j’ai pas imaginé tout ça. C’était à son anniversaire il y a quelques mois. Je sais plus, ya eu une vanne, j’ai prononcé ton nom. J’ai toujours pensé que c’était juste un tabou dans la famille et qu’il fallait le préserver. Je t’avais envoyé un hibou un jour, mais je crois qu’il s’est fait tué.” Pas besoin de préciser, sur le champ de bataille, les émissaires ne sont pas les mieux accueillis. “Je suis désolé d’apporter ces nouvelles, j’imagine que t’avais pas besoin que la situation s’empire..” Pinçant des lèvres, Maxence glissa sa paume sur son avant-bras. “Je vais être honnête, je sais pas comment il va. Ça semble aller mais on est comme qui dirait sur une situation de crise familiale. Une autre, du coup. La mienne : mes parents sont morts, ils ont été assassinés. Officiellement il y a eu un incendie, tragique et imprévisible. Mon frère est porté disparu. On s’est revus à l’enterrement, je lui ai dit que j’étais sur Londres donc on se voit régulièrement depuis. Je sais pas comment il va parce qu’il marche sur des œufs avec moi et que je suis parfois un peu côté de la plaque je pense. Je me rends compte qu’il m’a finalement pas dit grand chose de personnel. Mais… il a été calme quand j’en ai parlé. Il a pas paniqué, m’a pas interrogé mille fois. Il a juste.. Je sais pas. Balayé le truc. Mais ça fait pas le moindre doute, il savait de qui je parlais. Et maintenant je trouve ça bizarre. Mais tout ça ça commence à être vieux alors je sais pas… enfin je suis pas sûr de moi.”

Cette fois, c’était lui, le roc, qui hésitait sans trop savoir ni se situer, ni comment évoquer ses propres failles, pourtant largement ouvertes. Pas qu’il veuille ramener le sujet à lui mais Aurea avait besoin d’un minimum de contexte. Ou bien lui-même avait-il seulement bien trop honte pour assumer qu’il était passé à côté de tels indices. Qu’il n’avait même pas compris que son cousin vivait quelque chose de grave pour lequel il aurait pu lui apporter réconfort, sécurité et réponses… mais à côté il était parfaitement passé, trop obnubilé par ses propres problèmes. “J’aurais dû.. J’suis désolé Auréa, j’ai pas été bon sur ce coup-là.” S’il y en avait bien un qui aurait dû comprendre, c’était lui. Mais à force de cloisonner les parts de sa vie, celles-ci semblaient peiner à se mêler de nouveau.

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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Sam 4 Fév 2023 - 17:37


Elle l’écoutait à peine. Si elle souhaitait avoir des nouvelles de Ruben, mille questions s’entrechoquaient à présent dans son esprit. Comme une voix lointaine, Aurea comprit que Maxence n’en savait que trop peu pour satisfaire sa curiosité. Elle avait décroché après son En fait, j’en sais rien. Elle n’entendait que des mots-clés un peu random. Anniversaire. Vanne. Tabou. Hibou. On aurait dit un peu un jeu télévisé moldu où des candidats devaient trouver le bon mot. Jusqu’à ce qu’il reprenne avec un Je sais pas comment il va. Encore des informations qui ne lui plaisaient guère. Il semblait sincèrement peiné de ne pouvoir lui apporter plus d’informations. Et elle s’en voulait de chercher à lui en demander toujours plus. Sans lui, elle n’aurait jamais su la situation de Ruben vis-à-vis d’elle, et combien d’années encore aurait-il eu à vivre dans ce secret ? Elle n’avait pas la moindre idée de comment gérer la situation, tout de suite, mais peu importait en réalité, elle était au moins soulagée d’être dans la confidence et d’être consciente de la réalité. Elle sentit sa respiration prendre une autre tournure, elle s’apaisait petit à petit, tandis que ses pensées, elles, se multipliaient.

Aurea était une jeune femme assez énergique de caractère, une petite boule d’énergie pleine de vie. L’annonce que Ruben connaissait son existence était rude à encaisser, mais voilà que son caractère prenait le dessus, en quelques instants. C’était sa manière à elle d’avancer, de ne pas céder à la panique. C’était une des valeurs qu’elle avait soigneusement inculquée à ses enfants : ne reste pas au sol, abattu, lorsque le monde continue de tourner autour de toi. Il fallait à présent faire face à la réalité et rattraper ce monde qui tournait autour d’elle et sortir du déni : il savait. Inutile de s’apitoyer sur son sort, celui de Ruben avait certainement était plus rude que le sien. Et maintenant ? Beaucoup de zones d’ombres l’empêchaient de réfléchir correctement, depuis quand savait-il ? Que savait-il ? Était-ce que le sort avait échoué depuis le premier jour ou avait-il petit à petit repris conscience de sa vie auprès d’Aurea ? Et Alice ? Et Owen ? Comment avait-il fait ces dernières années pour vivre dans ce secret ? S’était-il mis en difficulté par sa faute ? Avait-il cherché à la retrouver, à retrouver ses enfants ? Auprès de ses proches ? Ses parents avaient-ils également survécu au sort ? Était-il le seul ? Avait-il donc vécu seul avec ce souvenir ? Autant de questions que d’absences de réponses.

Elle sécha les vestiges humides de ses larmes d’antan et son visage changea radicalement, laissant apparaître sur son front quelques rides fins de réflexion. Elle s’apprêta à dire quelque chose par rapport
à tout ce questionnement interne lorsqu’elle revint à la réalité sur ce que Maxence lui disait.

« Oh Maxence, je suis désolée pour tes parents. » Elle ne savait trop quoi rajouter, la dernière fois qu’elle les avait vu, elle avait exercé sur eux un sort d’oubli, inutile de revenir là-dessus. Tout ce temps à parler de Ruben, de ces souvenirs, d’exprimer ce qu’elle ressentait, qu’elle en avait oublié Maxence. Il n’avait pas l’air abattu, elle avait toujours pensé que c’était une personne qui devait avoir l’esprit solide. Que ses parents soient morts étaient une chose, c’était l’ordre des choses de voir un parent décéder, bien que ce soit également difficile à vivre, mais morts assassinés ? C’était encore autre chose. Qui en voudrait à ce point à deux moldus pour mettre fin à leur jour ? Des moldus ? Des sorciers ? Les allusions de Maxence semblaient imaginer une mort cachée par des faits naturels. Elle mit de côté ses pensées sur Ruben, cela pouvait bien attendre encore un peu, et se concentra cette fois-ci sur son ami. De toute manière, elle avait besoin de se retrouver seule pour y penser, une journée ou deux, pour avoir les idées claires. « Non, ne sois pas désolé, tu ne pouvais pas savoir. C’est… c’est moi qui m’en veux, Maxence, je ne t’ai même pas demandé comment toi tu allais toi. Où est-ce que tu en es dans tout ça ? » Dans la vie en général. Dans sa vie à lui.

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Mer 15 Fév 2023 - 20:34


  13 Aout 2016 ?


S’il avait pu éviter de donner ces précisions-là, Maxence l’aurait fait de bon cœur. A vrai dire, l’ancien médicomage n’évoquait guère cet évènement, à qui que ce soit d’ailleurs. Une fois, oui, si l’empilement des difficultés l’amenait à craquer. Autrement, les choses étaient évoquées de manière factuelles. Pas froides, seulement énoncées avec le faux détachement du professionnel qui se doit de gérer ses émotions pour pouvoir dealer avec celles des autres. Celles des familles à qui il annonce les drames à venir. Celles des gosses qui se réfugient à l’infirmerie, rongés par la crainte d’hommes et de femmes qui, ils le savent, pourraient leur faire tout le mal du monde. Celles des proches, des patients, de ceux qu’on emmène à la bataille et de ceux qui restent en arrière. Des mères et des fils, des pères et des filles. De ceux dont on sait qu’ils ne reviendront pas. C’est une longue expérience qui modère ses propos et tempère sa voix. Une habitude de garder le contrôle dans les situations de crise.
Comme si elle n’allait pas s’arrêter dessus. Comme si une telle annonce risquait de passer inaperçu. « Oh Maxence, je suis désolée pour tes parents. » Le débordement d’émotions avait fini par passer pour laisser place à la réalisation de ce qu’impliquaient ces quelques mots. Pourtant là n’était pas son propos mais bien sûr, c’était ce sur quoi elle s’arrêtait. Ces gens qu’elle avait connu, côtoyé, aimé aussi sans doute. Ceux qu’elle avait privé de leurs souvenirs et qui demeureraient à jamais telle qu’elle les avaient modelés. Ceux, surtout, dont il ne voulait pas entendre parler. Ne voulait pas évoquer. Ne voulait pas. Tout simplement. Aussi immature et enfantine soit cette pensée.  « Non, ne sois pas désolé, tu ne pouvais pas savoir. C’est… c’est moi qui m’en veux, Maxence, je ne t’ai même pas demandé comment toi tu allais toi. Où est-ce que tu en es dans tout ça ? » Et de ça non plus il ne voulait parler. Déjà parce que ça n’était pas le sujet, que sa relation avec Ruben aurait dû accaparer le moment. Qu’il ne pouvait lui demander de switcher d’émotions comme il le faisait en cet instant. Et, surtout, que la conversation était bien assez lourde comme ça pour en rajouter.

“C’est..” ainsi.

Pas le temps d’ajouter quoi que ce soit ou de trouver un moyen de minimiser les sujets qu’une telle question soulevait que le duo se retournait. Une femme venait de tambouriner sur la fenêtre de la boutique close. “J’ai l’impression que t’as des clients un peu énervés pour un thé aujourd’hui…” En douceur, sa paume glissa le long du bras de son amie jusqu’à se refermer dans le vide. “Pour faire court, mes projets de carrière ont eu de légers loupés et je ne suis pas très pote avec le gouvernement actuel. Sans longer les murs, j’évite les zones bondées disons.” Dans un petit sourire, il s’interrogeait pourtant de la manière dont ces mots pourraient être pris. “Et les clients impromptus.” Elle ne pouvait ignorer ce qui s’était passé à Poudlard, ni les rumeurs qui circulaient sur le gouvernement. Encore moins la violence dont les sorciers étaient la cible, encore pire, tous ceux étant affiliés au monde moldu ou à une forme de magie plus bestiale comme les lycans ou les vampires. Pourtant, bien sûr, elle pouvait le rejeter pour ça, avoir des opinions politiques loin des siennes ou ignorer ce qui se tramait en vérité derrière le vernis des médias. Et, surtout, elle pouvait ne pas faire confiance à celui qui avait été un être cher mais qui, aujourd’hui, était une figure du passé.
La femme frappa plus fort, hélant la propriétaire des lieux. “Aurea.. J’espère qu’on va se revoir et que ça ne prendra pas dix ans de plus.” D’un geste de baguette, il lui laissait son numéro sur l’une des serviettes de l’échoppe. Un geste purement symbolique puisqu’un hibou suffirait et que ceux-là savaient trouver leur chemin. “ça va aller pour toi ?” Une dernière question le regard ancré dans le sien. Bien légitime interrogation, avant d’envisager de la laisser avec sa cliente casse-pied et d’encaisser dans son coin, les évènements du jour.

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Jeu 23 Mar 2023 - 23:24


Attentive à toute émotion émanant de Maxence, Aurea sursauta lorsque plusieurs coups à la porte d’entrée de la boutique retentirent. Maxence venait à peine d’ouvrir la bouche qu’il la referma presque aussitôt, le visage à présent tourné vers l’origine du bruit. D’abord surprise de cette interpellation, Aurea reprit finalement ses esprits, redevint l’apothicaire du Chemin de Travers et ces coups à la porte prirent soudain un sens pour elle. Cela ne ressemblait pas du tout à la jeune femme d’oublier des rendez-vous, des responsabilités, elle était connue pour être très professionnelle, autant avec les habitués que les clients plus ponctuels, mais avec l’émotion de la journée, elle ne se sentait plus vraiment elle-même. Une fois l’effet passé, elle reprendrait les rênes de sa vie.

« Madame Hendry ! Je suis désolée Maxence, ça m’était complètement sorti de la tête, j’ai une cliente qui devait passer dans l’après-midi pour tester des potions sur ses plantes. Elle est spécialisée dans les croisements de fleurs et dernièrement, elle vient tester certaines potions directement à la boutique, ça m’évite d’avoir à déplacer tous mes flacons. »

Inconsciemment, Aurea avait baissé le ton de sa voix malgré toutes les protections qu’elle avait infligées à la boutique. Les rapides révélations de Maxence l’encouragèrent dans cette discrétion inutile. La jeune femme marqua un temps d’hésitations comme pour espérer que pour une fois, la petite dame qui attendait dehors rebrousserait chemin et reviendrait le lendemain. Plusieurs coups retentirent à nouveau, accompagnés d’un petite voix.

« Aurea, c’est moi ! » Quasiment inaudible, la petite voix prit un ton quelque peu agacé et sembla se parler à soi-même. « Il me semblait pourtant bien qu’elle m’avait dit de passer dans l’après-midi, pas vrai mon petit Sushi ? »

Au nom de Sushi, Aurea se surprit à sourire. Elle ne s’en irait pas. Sushi n’était autre qu’un chat roux et blanc, étrangement petit pour un chat adulte, que Madame Hendry trimballait partout comme un petit chien. Il la suivait aveuglément, qu’importe où elle se déplaçait. Aurea ouvrit la bouche comme pour crier à sa cliente qu’elle arrivait dans une seconde, qu’elle se rappela que les sorts qu’elle avait lancés précédemment lui empêcheraient de se faire entendre. Elle se retourna vers Maxence et le vit dessiner à la baguette des numéros sur une de ses serviettes. Elle fut vite prise d’une émotion lorsqu’il chercha à s’assurer que tout irait bien pour elle. Elle n’en savait rien, elle était encore dans une forme de déni, tant qu’elle ne serait pas seule, face à ses pensées, affrontant ses démons, elle ne réaliserait pas forcément la teneur de leur conversation. Certes, parler lui avait fait remonter bon nombre de souvenirs, un goût doux et amer enfoui dans sa mémoire depuis bien trop longtemps, mais elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle se rendait compte. Elle avait besoin de temps devant elle, prendre d’éventuelles décisions, ou justement ne pas les prendre. Il était encore tellement tôt pour y réfléchir, pour savoir où elle se trouvait dans tout ce micmac. Elle leva son regard, croisant celui de son ami, de son confident et, sans réfléchir un instant, comme une pulsion, l’entoura de ses bras et enfouit son visage dans son torse. Elle n’avait pas de mots, là pour exprimer ce qu’elle ressentait. Elle voyait bien que l’intrusion de sa cliente venait de mettre un terme à leur conversation, que Maxence ne semblait pas vraiment apte à se confier pour le moment, mais elle appréhendait leur séparation. Elle espérait également le revoir bien plus tôt que ces dix ans qui les avaient séparés, mais la situation semblait bien incertaine et le peu que le jeune homme lui avait soufflé l’inquiétait. Maxence semblait soucieux, même s’il ne voulait clairement pas transmettre son état d’esprit. Aurea le percevait mais décida de ne pas insister, le moment aurait été clairement mal choisi.

« J’espère te revoir bientôt. »

Elle avait relâché son étreinte, lui lança alors un regard affectueux, presque maternelle. À la fois inquiet et confiant. Il comprendrait. Aurea savait qu’il arrivait à lire facilement en elle, qu’elle ne pouvait pas lui cacher grand-chose. C’était comme s’ils s’étaient quittés hier, cette relation non-verbale ne semblait pas avoir été altérée par le poids des années. Deux coups à la porte et Aurea commença à s’affoler. Il était sérieusement temps qu’elle se remette au travail, même si cela voulait dire qu’il devait partir. Si la vue à l’intérieur était brouillé par charmes et sortilèges, il était aisé de voir la rue derrière un rideau mal tiré et particulièrement cette petite dame toute fine dans sa longue robe de sorcière entourée de ses cinq pots de fleurs flottants aux couleurs enchanteresses. D’un geste de baguette en direction d’une petite étagère à droite de la porte de son bureau, Aurea fit venir vers elle une ribambelle de sachets et de flacons de toutes les couleurs et les disposa les uns à côté des autres sur le rebord de la vitrine, laissé libre par le rideau qu’elle tira de sa main libre. Elle était épuisée émotionnellement, mais rien de mieux que son travail pour lui redonner l’énergie dont elle avait besoin. Elle avait souvent l’impression que son travail avait été une échappatoire à ses douleurs, une excuse à son déni, là encore l’impression se confirmait, mais tout simplement parce que son métier avait toujours été plus qu’une machine à gallions, il était son bébé, son confident, son cocon. Il était ce qui lui avait permis de ne pas perdre la tête des années auparavant, d’être une bonne mère pour Alice et Owen, saine d’esprit. Elle plaça une main sur la poignée de la porte et accorda un geste de tête à Maxence.

« Promets-moi que tu prendras soin de toi. »

Ça n’était pas une question, ni même une proposition, c’était un ordre. Son ton était à la fois ferme et doux. Un ordre qui exprimait beaucoup d’amour et d’appréhension. Il avait ordre de promettre, ordre de faire attention. Ordre de revenir par-dessus tout. Son regard maternel se fit de plus en insistant tandis que son cœur se serrait davantage.

- Terminé pour moi -
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Ven 24 Mar 2023 - 20:26


  @Aurea Lillis - 13 Aout 2016 ?


La simple présence d’autrui n’aurait pas dû l’inquiéter ainsi et pourtant Maxence n’était pas à l’aise à l’idée d’une sorcière inconnue passant la porte de la boutique. Il n’était allé jusqu’au Veaudelune qu’une fois, découvrant l’organisation de son ancien apprenti et comprenant les anticipations mutiques de celui-ci. Le petit génie de Poudlard, caché derrière ses faux airs de joyeux benêt prenait doucement sa mesure. Le garçon lui manquait, bien sûr. Après tout ce qu’ils avaient vécu, jamais Takuma Enzo ou d’autres anciens élèves ne pourraient être considérés qu’ainsi. Encore moins depuis que certaines limites s’étaient trouvées franchies et brouillant plus encore les contours de ce qui était pourtant net quelques années auparavant. Pour autant s’imaginer évoluer ainsi régulièrement dans le monde sorcier n’était pas envisageable pour Maxence. Repousser le rendez-vous d’Aurea pour lui expliquer la situation ? L’idée ne l’effleura pas. Non, trop de choses avaient été abordées cet après midi là et l’ensemble méritait un peu d’espace pour être digéré. La suite viendrait, un jour peut être. Si Aurea lui laissait cette place-là. L’inquiétude ne se lisait sans doute pas tant sur ses traits, mais elle le rongeait pourtant. Peut être serait-ce la dernière fois qu’il la voyait ? Malgré les belles paroles et les promesses. L’évocation du passé, l’affection pourtant apparente. Les gens se rétractent bien vite parfois et c’était là une crainte que Maxence ne nierait pas s’il fallait l’admettre.

Pourtant, alors qu’il notait son numéro sur une serviette, il y eut une ombre dans le regard de son amie. L’instant suivant, elle se glissait contre lui, enfouissait son visage dans son torse et écharpait de tendresse son cœur sans doute trop sensible quand il s’agissait de cette femme. Comment le blâmer, après la conversation qu’ils venaient d’avoir ? Un léger sourire atteint donc ses lèvres dans un souffle échappé sur sa nuque. Doucement, l’homme se sentit perdre en tension et couler contre la femme de son cousin. Ses bras l’entourèrent à son tour, ses lèvres se posèrent sur le haut de son crâne et un instant, il lui rendit en silence son étreinte. Si Aurea ne savais avoir les mots ; ils échappèrent tout autant à Maxence qui s’emplit simplement un instant de ce que leur mutisme nourrissait en sous-texte.

Sans plus trouver l’inspiration, tous deux se séparèrent dans un sourire un peu tremblant.



“Moi aussi.”
Tout ça pourrait bien sonner très banal. Pourtant niché au cœur de ces quelques mots si communs, se trouvait une promesse plus solide qu’on l’eut cru.
En douceur, l’espace revint entre eux et le moment du départ se fit sentir.



La tendresse du sourire de l’ancien militaire lui répondit un instant en silence avant qu’il ne consente à un pas en arrière. Un seul, tandis qu’il sortait sa baguette. “Toi aussi Aurea. N’hésite jamais d’accord ? J’ai relocalisé mes batailles. Je ne suis plus très loin.”
Peut être pourraient-ils à présent être là l’un pour l’autre. Du moins si chacun y mettait du sien pour reconstruire ce qui n’aurait jamais dû être brisé. “Vas-y, elle va finir par te briser ta devanture.” Effectivement, la maîtresse de Sushi n’en finissait plus de s’acharner sur la vitre enchantée. Ainsi, dans un dernier sourire, Maxence quitta l’espace pour n’y laisser que son odeur, un craquement sec, et quelques secrets enfin déterrés.

- Fini pour moi :boom: -

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