hey oh ! Au boulot - Rain

Samedi 18 juin, en fin de journée.

Est-ce que l'ambassadrice allait bien ? Et surtout si elle avait fait un malaise chez elle est-ce que quelqu'un l'aurait trouvée ? On ne pouvait pas dire qu'elle semblait très appréciée ou même avoir des amis qui s’inquiéteraient de ne pas avoir de ses nouvelles. Qu'est-ce que tu es encore en train de faire là, Evans ? Est-ce que tu comptes vraiment vérifier que tout va bien pour elle et qu'elle n'ait pas en train d'agoniser seule dans son appartement ? La réponse était visiblement oui. Pourquoi s'emmerder pour quelqu'un qui semblait le considérer comme un moins que rien ? Pourquoi faire un détour plutôt que de retourner se reposer ? Hey, pourquoi pas ? La réponse, il ne l'avait pas réellement, pour lui c'était juste comme ça, juste logique. Ce n'était qu'un peu de temps VS peut-être une vie de sauvée... alors ce n'était pas grand chose. Son binôme avait levé les yeux au ciel avait de grommeler un truc incompréhensible qui devait signifier qu'il trouvait cette entreprise totalement stupide et inutile, qu'il allait encore se fatiguer pour rien et qu'il ferait mieux de s'occuper de lui ? Ouais, non merci. C'était plus intéressant d'aider les autres.


Après le travail, il s 'était donc dirigé vers l'ambassade, pendant un moment il avait hésité à aller vers son immeuble … mais ça c'était vraiment trop bizarre. Au moins à son travail, il allait juste aller à l'accueil, le réceptionniste -il devait bien il y en avoir un- devait bien la voir passer. On ne pouvait pas dire qu'elle devait passer inaperçue et vu son caractère... le bas personnel la connaissait forcément – et pas en bien-. Tu vas te ridiculiser... ou alors ils vont croire des choses totalement fausses. Oui, et alors ? Ce n'était pas vraiment son problème... et puis d'un côté, ça pouvait être drôle que des bruits de couloirs courent dans l'ambassade... enfin drôle n'était pas le mot approprié. Non, ça serait même probablement moche pour elle.

Il s'était engagé pour arriver à ce qui servait d'accueil, comme il l'avait prévu, il y avait bien quelqu'un – une standardiste- et il s'adressa directement à elle, essayant de voir si elle l'avait vu ou pas ces deux derniers jours. Peut-être qu'elle avait pris un ou deux jours de repos, ou même qu'elle ne bossait pas le samedi. Et genre, du con, tu ne pouvais pas y penser à ça? Visiblement non, son esprit s'était focalisé sur autre chose : être rassuré. Elle le regarda un peu étrangement la dame, mais lui affirma qu'elle l'avait vue passer, qu'elle était bien présente aujourd'hui dans ces murs. Tout allait bien donc, pas besoin d'aller beaucoup plus loin, il la remercia chaleureusement et allait partir lorsque soudain.

 « Oh bah justement la voilà ! MADAME GODWIN vous avez un visiteur ?»

Quoi ? Non ?! Mais non ! Son but n'était pas de la voir ! Mon dieu, la honte. Il s'empêcha de passer une main sur le visage de gêne. Forcément, il avait fallu qu'elle sorte PILE à ce moment-là. Comme si elle n'aurait pu pu attendre genre 5 minutes de plus sur son planning. Bon ben maintenant, il allait devoir improviser et il se sentait sacrément con.
Il se racla la gorge et finalement se dirigea vers l'ambassadrice avec un vague sourire sur les lèvres.

 « B'jour ! Je ne vais pas vous importuner très longtemps, je venais juste vérifier que vous alliez bien et que vous n'aviez pas eu de souci particulier...» silence... et comme il était certain qu'elle allait comme d'habitude lui sortir une vacherie, il décida de faire le premier pas et de déclencher les hostilités  « … vous que vous semblez bien seule, je craignais qu'en cas de souci majeur personne de savoir où vous étiez...»

Sourire en coin, plus taquin qu'autre chose et il savait qu'il allait la payer chère, la vanne, la boutade – si véridique pourtant-.

Cette courte mésaventure passée à l’hôpital et raccompagnée à moto jusqu’à chez elle par un secouriste insupportable, était derrière l’ambassadrice à présent. Tout était rentré dans l’ordre et il valait mieux oublier, comme tout le reste d’ailleurs. La fin de semaine ne s’annonçait guère reposante pour Rain Godwin. De retour du quartier général, elle s’était imaginée rentrer chez elle afin de cogiter sur le plan du lundi matin à venir, sans oublier de soulager sa conscience. Mais son titre d’Ambassadrice ne lui permettait pas d’être totalement libre et de faire ce qu’elle voulait. Réquisitionnée à l’ambassade moldue pour terminer un dossier d’urgence, suite à l’absence d’un collaborateur diplomate, la brune avait rapidement transplané non loin de Nine Elms Ln.

Travailler cet après-midi ne lui déplaisait pas, même si l’affaire en question n’était pas très intéressante, cela lui permettrait au moins de penser à autre chose. Merlin savait pourtant que la vie d’un ambassadeur était semée d’embûches, que personne n’y parvenait sans mensonges, trahisons et disgrâces. Et qu’une fois propulsés au sommet, le succès et la prestance leur montaient à la tête, les magouilles ne faisaient que commencer, pire encore au sein d’un gouvernement corrompu, car c’était la seule option pour ne pas se faire dévorer par ces innombrables serpents. Godwin, bien qu’engagée auprès des résistants, ne faisait pas exception à la règle. Couronnée de succès et d’excellence dans son domaine, il était tout naturel que son arrogance atteigne un haut niveau. Et que par conséquent, elle n’était effectivement guère appréciée du « petit » personnel de l’ambassade. Mais, tout comme au Ministère, ceux-ci étaient habitués aux grands airs des ambassadeurs qui travaillaient ici. L’attitude de Rain, bien que fort déplaisante, n’était pas une exception.

La réceptionniste, Miss Morton, ne fut donc pas étonnée lorsque l’ambassadrice s’offusqua de ne pas avoir le dossier prêt à étudier sur son bureau. La demoiselle lui avoua que ses collaborateurs n’avaient pas tout à fait fini leur partie mais qu’ils n’en auraient plus pour longtemps. La brune, pour une fois, n’en fit pas de cas et retourna dans son bureau. Le café lui manquait. Elle n’en avait bu qu’un ce matin. Alors qu’habituellement elle tournait autour de trois ou quatre à l’heure qu’il était. Rain finit par craquer et s’en prépara un, il fallait bien qu’elle s’occupe en attendant le dossier. Bien sûr elle aurait pu exiger le dossier plus rapidement, mais ce n’était pas comme si elle avait autre chose à faire aujourd’hui. Et ici, à l’ambassade moldue, elle ne pouvait pas utiliser les moyens magiques du Ministère pour se faire livrer ses dossiers, elle décida alors de retourner voir Miss Morton pour voir où ça en était. Quant à son café, Rain n’aurait qu’à utiliser l’appareil étrange qu’il y avait dans les bureaux de l’ambassade, pour faire réchauffer les boissons et aliments. Drôle d’invention, ces « micro-ondes » mais très utiles.

À peine sortie de son bureau, l’ambassadrice croisa deux assistantes qui semblaient chuchoter en regardant Godwin. Celle-ci n’y prêta aucune attention, trop habituée à entendre des plaintes et diverses insultes à son sujet. Mais cette fois c’était bien différent, elle avait entendu « Godwin » et « admirateur secret ». Puis, les deux dindes s’éloignaient en pouffant de rire comme des idiotes. Qu’était-ce donc que cette diablerie ? La brune haussa un sourcil et accéléra le pas vers la réception, ses talons claquant sur le carrelage et annonçant son arrivée.
Elle le vit, elle le reconnût tout de suite. Naveen, l’insupportable secouriste. Et cette Miss Morton qui s’empressa de lui faire savoir que Rain venait d’arriver. Le voilà donc, le fameux admirateur secret. Cet imbécile tenta de justifier sa présence ici, qu’elle était seule, sans amis pour veiller sur elle suite à son malaise, qu’il voulait des nouvelles, etc. L’ambassadrice soupira lourdement et plaqua sa main sur son visage en secouant la tête. Mais qu’avait-il donc en tête pour oser venir ici. Il avait encore de la chance que Rain soit venue ici aujourd’hui, étant donné qu’elle travaillait la plupart du temps au Ministère. Voire même, de l’autre côté de l’Atlantique. Elle était maudite. Elle retira sa main et força un sourire. Oui, un sourire.

« Monsieur Evans, qu’elle réjouissante surprise. Avancez donc jusqu’à mon bureau, je vous y rejoins dans un instant. »

Fausse, absolument. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure, et c’était fait exprès. L’ambassadrice récupéra simplement le dossier prêt auprès de Miss Morton, qui osa demander, curieuse :

« Qui est-ce ? C’est rare que vous receviez de la visite... »

« Mêlez-vous de vos affaires et estimez-vous heureuse que je ne relève pas votre retard à vos supérieurs. » répondit sèchement Godwin, son sourire ayant totalement disparu.

Elle récupéra simplement son dossier et repartit vers son bureau, suivie par Evans qui n’avait de toute évidence pas compris sa réaction. Il était sensé venu demander des nouvelles de l’ambassadrice, et voilà qu’il allait passer un moment dans son bureau. Les rares personnes qu’ils avaient croisées, le dévisageaient comme un extra-terrestre.
Très bien, pensa Rain. Avant de faire entrer Naveen dans son bureau et de fermer la porte derrière elle. Qu’il ait pensé qu’elle n’était plus la même personne, il se trompait. Aussitôt seuls, elle le fusilla du regard.

« Maintenant vous allez m’expliquer ce que tout cela signifie. Venir sur mon lieu de travail pour prendre des « nouvelles », vraiment ? »

Elle jeta sèchement le dossier sur son bureau.

« Vous voulez me harceler, ou bien êtes-vous encore plus stupide que je ne le pensais... »

Cette deuxième option ne l’a surprendrait pas...

Voilà, il était clair qu'il était puni pour son idée de merde qui partait pourtant au départ d'une bonne intention. Pourquoi est-ce qu'il avait fallu qu'elle débarque alors qu'il avait eu la réponse souhaité. Vu qu'il n'allait quand même pas l'ignorer et faire comme s'il ne l'avait vu – impossible avec la dame de l'accueil-, il s'était donc dirigé vers elle avec son plus beau sourire pour tenter de... de quoi d'ailleurs ? De se sentir moins con ? Possible, mais c'était mal barré. Probablement plus de lui donner plus d'explications sur ce qu'il foutait ici... même si pour lui ça semblait juste logique. Et c'est qu'elle lui fit un sourire. LOUCHE ! Super louche, il ne la connaissait pas beaucoup mais ça n'avait pas l'air d'être une mimique faciale qu'elle pratiquait tous les jours ! Néanmoins il arriva à ne pas froncer les sourcils et à se contenter de continuer de sourire tandis qu'elle prenait la parole

« Monsieur Evans, qu’elle réjouissante surprise. Avancez donc jusqu’à mon bureau, je vous y rejoins dans un instant. »

Son bureau ? Pourquoi faire ? Non, non, il pouvait bien repartir maintenant, surtout vu le ton faux qu'elle avait utilisé et qu'elle n'avait visiblement même pas chercher à cacher. A la limite un connard qu'est-ce que tu viens me faire chier aurait-il un équivalent assez juste. Il avait hésité à refuser et lui dire qu'il était pressé, mais... mais il avait ce mais, ce quelque chose qui faisait qu'il était quand même un peu curieux de savoir ce qui allait bien pouvoir se passer. Joueur, le Evans ? Peut-être un peu ! Il attendit donc qu'elle lui indique lequel était son bureau, n'ayant pas envie de s'aventurer tout seul dans les bureaux, et il ne perdit pas une miette de qu'elle disait à sa … secrétaire ? Cette femme n'était pas possible tant elle était désagréable, il tenta de faire un sourire navré à cette pauvre sous-fifre. Ouais, on est les gens d'en bas. On est rien pour elle, mais fous-toi comme je le fais, ça n'en vaut pas la peine. Néanmoins, la mégère avait bientôt repris la route de son bureau et il l'avait suivi... et une fois dans son antre,  elle avait fermé la porte derrière eux. Et voilà qu'elle le fusillait du regard. OOUUHHHH, comme si ça allait le faire trembler. Ce regard eut tendance à le faire sourire encore plus. Vilain garçon un peu moqueur, il faut se tenir, Nav'.

Et ce qui suivit lui perdre un peu son sourire, avant qu'il explose de rire. Sérieusement, lui la harceler, elle ? Pour quelle raison ? Qu'est-ce qu'elle pensait qu'elle pouvait avoir de si intéressant pour qu'il veuille faire un truc aussi con et naze. Non vraiment. Qu'est-ce qu'elle ne croyait pas ou ne comprenait pas dans ce qu'il avait dit ? Peut-être que ce n'était pas dans les habitudes des gens de s'inquiéter pour elle tant elle était insupportable et vu comme elle le recevait, effectivement ça coupait rapidement l'envie de recommencer. Il haussa finalement les épaules avant de répliquer.

 « Vu comme vous traitez les gens en général, et je viens encore d'en avoir la preuve, si vous aviez fait un malaise dans votre appartement, personne ne s'en serait inquiété. Tout comme il y avait personne pour venir vous chercher je suppose ? Alors j'ai juste voulu m'assurer que vous étiez venu travailler.» avait-il répliqué, avant de continuer sur un ton un peu plus moqueur  « Mais c'est vrai que vous étiez moins exigeante quand je suis venu vous chercher en pleine nuit pour vous ramener chez vous. C'est quand même fou, ça... »

Il se passa une main dans les cheveux avant de  reprendre un peu plus sérieux.

 « Je ne comptais même pas vous voir, juste être certain que vous étiez là. Point. C'est tout.  Je peux ouvrir la porte où vous comptez me séquestrer pour mon accès de zèle ? Non, par ce qu'en faisant ça … ça paraît encore plus suspect, vous savez une porte fermée.»

Sourire taquin en coin. Alors les bruits de couloir, comment ça va ?

Ce n’était donc pas du harcèlement qui avait conduit le secouriste Evans à venir jusqu’à l’ambassade, mais simplement un acte héroïque de preux chevalier prêt à braver mille dangers pour sauver, tout aussi bien une demoiselle en détresse, qu’une Ambassadrice hautaine. Ce qui, du point de vue de cette dernière, s’apparentait donc bien à de la stupidité. Elle ne prêta même pas attention au sarcasme qui accompagnait la tentative de Naveen de se justifier, sans doute était-il juste venu là pour rappeler à Rain qu’elle était seule, méchante, sans amis, et qu’ainsi personne ne serait venu vérifier si elle avait pu marcher les quelques mètres qui séparaient le trottoir de l’entrée de sa résidence sans faire d’autre malaise.
L’intention était honorable, il fallait bien l’admettre. En réalité il n’était pas si difficile de toucher le cœur de l’ambassadrice aussi froide et aimable qu’une porte d’Azkaban, et si elle n’avait pas croisé Naveen, qu’il était juste passé demander si Godwin allait bien et était venue travailler, sans doute aurait-elle été touchée par l’intention...

Seulement voilà, le secouriste essayait encore et toujours de descendre la brune de son piédestal, ce qui était peine perdue. Car, loin d’être agacée ou vexée, Rain avait aussitôt lâché un rire. Inutile d’engager un pugilat verbal et sarcastique avec elle, Naveen aurait peut-être le dernier mot, étant donné qu’il n’avait pas l’air du genre à lâcher l’affaire, mais il ne l’a vexerait pas. Pas tant qu’il restait sur ce registre, et en terrain conquis qu’était l’ambassade des États-Unis. Face à lui, elle secoua la tête en soupirant, toujours amusée.

« C’est donc bien ce que je pensais, vous êtes stupide. »

Non, vraiment, ce secouriste était plus amusant que réellement agaçant. Après lui avoir répondu ça en riant, la brune alla s’installer derrière son bureau, tout en se pavanant telle la maîtresse des lieux qu’elle était. Elle jeta un rapide coup d’œil au dossier qu’elle avait balancé, qu’elle commença à lire en diagonale, tandis qu’elle s’adressait de nouveau à Naveen d’un air suffisant.

« Vous l’ignorez, bien sûr, mais je vous rappelle que je ne suis pas n’importe qui. J’ai des gardes du corps, je n’ai pas besoin de vous. » Et voilà, il ne s’y attendait probablement pas. « C’est une notion très éloignée de votre bas-rang social, alors, que vous n’ayez pas réfléchi à cela, n’est guère étonnant. »

Encore faudrait-il qu’il réfléchisse, tout court. L’ambassadrice esquissa un nouveau sourire amusé et releva la tête vers le secouriste après avoir fini la lecture de la première page du dossier.

« Et je vous l’ai déjà dit, vous n’étiez qu’un taxi. »

En attendant, Rain en avait presque oublié le café qui refroidissait sur un coin du bureau. Elle hésita un instant à exiger de Naveen qu’il mette la tasse au micro-onde, mais après tout il ne travaillait pas pour elle, ici. Alors qu’elle s’était à peine assise, elle dû se relever, pris sa tasse et alla la mettre dans l’appareil moldu qui servait à réchauffer les boissons.
Le secouriste voulut également ouvrir la porte, car après tout il n’était pas venu pour la voir réellement. Amusant, une nouvelle fois. Tant pis pour lui, puisque maintenant il allait contribuer à alimenter la rumeur d’une relation hétéro-normée qui ne ferait pas de mal à l’ambassadrice.

« Faites-vous un café, ou autre chose, et laissez cette porte fermée. Je n’aime pas les bruits intempestifs de couloir. » fît-elle, tout en récupérant sa tasse qui avait fini de réchauffer. Elle regagna ensuite son bureau pour continuer sa lecture, puis ajouta, le nez dans son dossier.

« Ceci dit, je ne vous retiens pas non plus. »

Tant pis pour la rumeur, mais étrangement, Rain doutait que Naveen s’en irait aussi facilement. Il était bien trop collant pour cela, tel une huître accrochée à son rocher. Avec une cervelle de la même taille que la dite huître.

Il aurait juste pu être sympathique ? Probablement que oui, mais à chaque fois qu'il avait essayé, il s'était pris des répliques tout aussi sèches et désagréables, alors, il préférait dire les choses tout en insistant sur certains autres points. L'intention était néanmoins-là... il espérait juste qu'à un moment donné elle arrive à comprendre que se comporter de façon si hautaine ce n'était pas une solution. Alors, ils échangeaient en se lançant des piques comme si ce n'était qu'un simple jeu. Elle n'avait pas tardé à répliquer d'ailleurs. Elle jugeait donc qu'il était stupide, ce qui l'amusait grandement lui. Bien sûr, il était stupide, s'il n'y avait que ça pour lui faire plaisir, n'avait-elle pas encore compris que ce n'était pas comme ça qu'elle arriverait à le gonfler. Alors au lieu de lui répondre, il se contenta d'un petit sourire en coin tandis qu'elle reprenait la parole d'un air toujours suffisant qui devait mettre les nerfs à rude épreuve de plus d'une personne. Cette fois il arqua un sourcil tandis qu'elle continuait avec ses propos de rang social. Blablabla.

 « Vous savez que vous pouvez aussi changer de disque. Si j'étais si répugnant que cela vous ne m'auriez pas fait entrer dans votre bureau et vous auriez appelé la sécurité ou vos gardes du corps peu importe pour m'extraire de l'Ambassade.» Sourire taquin tandis qu'il reprenait  « Et oui bien sûr que vous avez vos gardes du corps... mais je suis étonné, même chez vous ? Vous vivez H24 avec eux ... » Bien sûr qu'il avait compris qu'ils auraient pu la récupérer le lendemain matin.  « … dommage qu'ils ne fassent pas taxi aussi, ce n'est pas dans leur attribution. Vous vous rendez-compte, j'espère du ridicule de la situation ?»

Elle ne faisait parler que de son rang, de ses gardes du corps qui avaient été des plus absents. Il aurait pu lui arriver n'importe quoi, la voilà la vérité. Alors il s'inquiétait pour elle non pas par ce que c'était son métier de la protéger, mais par ce que c'était juste humain à ses yeux de s'en faire pour son prochain. Stupide ? Peut-être, mais il n'en avait rien à faire. Si jusque-là tout ce qui se passait ne l'étonnait guère bientôt Godwin avait eu un geste, une parole à laquelle il ne s'était pas franchement attendu

« Faites-vous un café, ou autre chose, et laissez cette porte fermée. Je n’aime pas les bruits intempestifs de couloir. »

Merde. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Il fronça les sourcils, un peu curieux. C'était le genre de moment où l'on pouvait se demander à quelle sauce est-ce que l'on pouvait être manger. Intéressant cependant.

« Ceci dit, je ne vous retiens pas non plus. »

Toute odieuse qu'elle était, si elle l'invitait clairement à rester c'est que sa présence ne la dérangeait pas trop, voire même qu'elle l'appréciait : peut-être par ce qu'il ne se laissait pas démonter, peut-être pour tout autre chose qui lui échappait totalement. Qui sait ? Peut-être qu'en restant il finirait par découvrir une facette un peu plus plaisante de l'ambassadrice, même si l'on pouvait toujours rêver... Il prit donc une tasse pour se faire un café avant de s'installer face à la femme, pour l'instant toujours en silence...

 « Je vais finir par croire que vous m'appréciez... Est-ce que votre réputation de dame hautaine s'en relèvera  dans ces murs où les bruits de couloirs doivent pleuvoir ?» la taquina-t-il jovialement avant qu'il ne reprenne un peu plus sérieusement  « Merci pour le café... Plus sérieusement, vous allez vraiment bien, aucune séquelle, vertiges ou autres ?»

Par ce que oui, il était certain qu'elle était du genre à aller travailler quand même, et à ne pas trop s'écouter. Il lui semblait qu'elle était le genre de femme hautaine voire acariâtre mais qui ne s'écoutait pas sur ses petits bobos... Ceci dit, il pouvait se tromper... Dans tous les cas c'était intéressant de découvrir un peu plus la femme.

Ridicule moldu du petit peuple qu’il était. Il trouvait Godwin ridicule avec ses airs supérieurs, mais lui l’était autant à vouloir à tout prix lui prouver qu’elle avait tort, à le considérer comme un moins que rien et penser qu’elle valait mieux. Ou bien essayait-il de la faire descendre de son piédestal entretenu depuis des années, ou encore souhaitait-il en apprendre d’avantage sur elle en usant de questions déguisées pour déceler un point faible ? Cette dernière proposition semblait peu probable, Naveen n’avait pas le profil à agir de la sorte, contrairement aux vautours qui peuplaient les Hautes Sphères, que Rain côtoyait au quotidien. Mais, depuis l’irruption de son collaborateur américain dans son appartement de Manhattan, l’ambassadrice restait sur ses gardes.

Plus elle regardait et écoutait ce secouriste énervant, plus elle se disait qu’elle n’avait rien à craindre. Elle en était venue finalement à la conclusion qu’il était juste un pauvre bougre qui n’avait rien d’autre à faire de son samedi, qui souffrait même peut-être aussi d’un complexe d’infériorité par rapport à l’importance de la dame qui se trouvait en face de lui. Toutefois, Rain gardait toutes ces suppositions pour elle. Naveen déblatérait déjà beaucoup trop à son goût, inutile de le lancer sur un autre sujet interminable en l’interrogeant sur ce possible complexe. La brune soupira longuement tandis qu’elle se surprenait encore à écouter ce qu’il avait à dire. Pourquoi parler autant, quel en était l’intérêt. Alors, elle ne lui répondit pas directement mais elle eut tout de même une réflexion, pour elle-même, en secouant la tête.

« Ridicule, oui. Vous m’en direz tant... »

Godwin lui renvoyait la réflexion. Et elle n’irait pas plus loin, elle n’avait guère envie d’étaler sa vie et celles de ses gardes du corps. À moins de lui prouver qu’en effet, elle vivait seule, voilà. Et après ? C’était bien le cas de beaucoup de gens.
Le secouriste s’était quand même servi un café, comme Rain le lui avait indiqué. Donc, il n’était pas contre l’idée de rester, bien qu’elle lui avait proposé de repartir, également. Il avait recommencé à déblatérer. Pour rien. Ce qui fit soupirer une fois de plus l’ambassadrice, qui avait commencé à travailler sur son dossier. Naveen se demandait bien sûr ce qui pouvait la pousser à l’avoir invité dans son bureau, mais bien entendu il ne le saurait jamais. Alors, en guise de réponse, elle esquissa un sourire sarcastique. Encore une fois, ridicule moldu qu’il était, à continuer à vouloir lancer des piques qui n’auraient certainement pas l’effet de la vexer.
Mais il insista tout de même, pour savoir si Rain avait réellement recouvré ses forces. À vrai dire, elle n’allait pas vraiment bien. Certes, les médecins n’avaient rien trouvé de grave cette fois, mais ça aurait pu. Quant à sa blessure, elle n’avait qu’un hématome et toujours une éraflure sur la lèvre. La troisième « agression » en quelques mois, qui à chaque fois s’était bien terminée. Aussi hautaine et arrogante qu’elle était, Godwin avait eu beaucoup de chance jusqu’à présent. Encore une fois, elle n’aimait pas parler d’elle, mais elle répondit simplement :

« Ça va. Merci. »

Alors, Monsieur le secouriste, qu’allez-vous faire maintenant que Madame l’ambassadrice a décidé de ne pas répondre à toutes ces provocations qui lui passaient au-dessus ? Elle releva la tête de son dossier pour le fixer dans les yeux.

« Je vois que vous avez décidé de rester. Je suppose que vous vous demandez pourquoi je vous ai fait venir ici. »

Rain avait annoncé la chose d’un air de vouloir lui donner des explications sur ses raisons. Mais il n’en était rien, car elle reprit tout aussi sérieusement :

« Et bien, vous ne le saurez pas. » Elle esquissa un nouveau sourire sarcastique. « Alors, j’ose espérer que vous avez autre chose de plus intéressant à raconter, plutôt que de parler autant pour ne rien dire. »

À présent, l’ambassadrice ne regardait plus Naveen comme un insecte, mais plutôt comme un pauvre ère pathétique. Et elle gardait affiché sur ces lèvres ce sourire agaçant.

« Vraiment, vous ne vous fatiguez jamais ? »

Non, visiblement, elle ne se rendait pas compte du ridicule de la situation vu sa réponse plus qu'évasive. Tant pis, il n'avait pas envie d'épiloguer de toute manière pendant trois heures, alors il préféra juste passer à quelque chose d'autres... et puis si ça se trouve c'était juste une donnée qu'il n'avait pas et qui tronquait donc son avis.

Naveen, après la proposition de Godwin s'était même servi un café . Après tout, elle lui avait proposé et quelque part si elle ne l'avait pas jeté dehors c'est que ça ne la dérangeait pas trop qu'il reste. Elle ne semblait pas être le genre de femme qui faisait trop attention à ce que l'on pouvait penser d'aller et donc, si elle avait envie de jeter dehors quelqu'un qui l'ennuyait, elle le ferait sans aucune crainte des répercussions. Lui pouvait rester, même si c'était un schéma un peu simplifié, ça voulait quand même dire beaucoup : peut-être que tout comme lui, elle s'amusait un peu en sa présence et c'était une distraction comme une autre, peut-être qu'il y avait de la curiosité ou bien encore totalement autre chose. Il avait néanmoins, à un moment donné, retrouvé un tant soit peu de sérieux et avait finalement demandé de vraies nouvelles de l'ambassadrice, voulant s'assurer, maintenant qu'ils étaient en tête à tête, que tout allait vraiment bien pour elle, qu'il n'y avait aucun souci – vertiges, nausées ou autres-. Elle avait fini par répliqué un nouveau ça va... qu'il était du coup bien obligé de croire.

Bientôt, elle avait relevé la tête de son dossier pour lui poser une question dont la réponse était oui. Il se demandait pourquoi est-ce qu'elle l'avait emmené ici... Il n'eut même pas le temps d'opiner de la tête pour montrer qu'elle avait raison que déjà elle avait repris... avec un « vous ne le saurez pas ». Whhouu, quelle répartie digne d'une enfant joueuse, il eut un léger, très léger rire ainsi qu'un petit sourire en coin tandis qu'elle continuait à sa façon... le tout en le regardant comme s'il était juste pathétique. Est-ce qu'elle croyait que cela allait le toucher ? Il fallait espérer que non, sinon elle risquait fort d'être déçue... d'ailleurs cette fois, il avait gardé le silence jusqu'au moment où elle avait posé une autre question... qui le fit encore une fois sourire ! C'est qu'elle était drôle, la dame quand même !

 « Me fatiguez de quoi ? » fit-il innocemment juste pour voir ce qu'elle allait bien pouvoir lui répliquer. Il avait même laissé passer quelques instants avant de continuer  « J'espère que vous n'espériez pas que j'allais râler et pester par ce que vous ne voulez rien le dire ?» Petit sourire de merdeux amusé  « Même si ça aurait été intéressant... Enfin bref. Qu'est-ce que vous trouvez intéressant dans la vie à part votre  personne-si-supérieure et votre boulot ?»

C'est vrai qu'elle ne faisait que dire qu'elle était supérieure de part sa part, son boulot et compagnie, alors, voilà, quel était le genre de conversation appréciée par ces personnes-là ? On pouvait au moins dire qu'il lui avait posé une colle, vu qu'il ne savait pas franchement comment embrayer la conversation ; il aurait pu continuer de la chercher ou dire encore deux ou trois banalités... Il en profita pour prendre une gorgée de café l'air de rien. Voilà qu'elle l'incitait à parler maintenant, même s'il y avait quelques mesquineries là-dessous en lui faisant comprendre qu'il était inintéressant, encore une fois il voyait quand même le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.

Moldus ou sorciers, aucune importance, ces gens-là étaient tous les mêmes. Trop altruistes, trop humanistes, trop utopistes...Naveen ressemblait bien à cette définition, et sa fâcheuse tendance à vouloir à tout prix faire éclater la petite bulle de Rain pour la ramener dans la réalité. Ou plutôt, dans la réalité de ce secouriste, qui n’était pas la même. Dans quel but ? Pour prouver qu’il avait raison, peut-être. Ou bien il s’inquiétait réellement pour la santé et la sécurité de l’ambassadrice, ce qui n’était pas non plus impossible étant donné son métier, mais encore une fois cette raison lui échappait. Elle avait toujours pensé que leurs patients, une fois sortis du système de soins, n’étaient justement plus leurs patients. Rain aurait probablement fini par rappeler à Naveen sa condition, et son rôle, par rapport aux siens, encore une fois. Bien sûr cela n’aurait servi à rien puisque ce dernier serait encore et toujours dans la provocation. Voilà pourquoi l’arrogante brunette s’était résignée, elle n’était pas rentrée dans le jeu, mis à part pour lui demander si il ne se fatiguait jamais à la provoquer. Naveen avait alors pris un faux air innocent, faisant mine de ne pas comprendre ce qu’elle voulait dire. Était-ce vrai ou encore une provocation, cette deuxième option était plus plausible.

Mais Godwin, imperturbable lorsqu’elle était focalisée sur son travail, et en ce moment même elle l’était puisqu’elle souhaitait tout de même terminer ce dossier rapidement afin de profiter du reste du week-end pour essayer de se détendre avant l’éprouvante mission de lundi. Et maintenant qu’elle avait le nez dans ses affaires, elle n’accordait même plus un regard à Naveen.

« Vous fatiguer à me provoquer. Vous savez pourtant que c’est inutile, vous pourriez tout aussi bien épargner votre salive et cesser de parler pour ne rien dire, mais pourtant, vous continuez. »

Elle marqua une pause, un instant elle se mordilla la lèvre inférieure en cherchant un terme à utiliser pour son dossier. Ensuite, elle reprit, sérieusement, mais sans pour autant relever la tête.

« C’est moi qui vous amuse à ce point ? Ou vous voulez vous vanter d’avoir fait tomber une Ambassadrice renommée de son soit-disant piédestal ? » Elle secoua la tête et laissa échapper un rire. « Pathétique... »

Machinalement, Rain continuait d’écrire. Chaque mot était minutieusement choisi et utilisé à bon escient. Elle écoutait Naveen en même temps, mais pour ce qu’il avait à dire de toute façon, l’ambassadrice n’avait pas besoin de faire grand effort de concentration. Comme d’habitude, il n’avait pas compris. Elle se fichait de vouloir faire râler ou pester le secouriste, elle savait suffisamment ce qu’il pensait d’elle et de son attitude supérieure. Aussi, elle ne s’abaisserait certainement pas à son niveau. Alors, cette réflexion l’amusa plus qu’autre chose.

« Cela signifiait simplement que ce n’est pas la peine de le demander. Je me fiche que vous pestiez, et de votre ressenti en général. »

Haussement d’épaules. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire après tout. La brune se demandait même encore pourquoi est-ce qu’il avait accepté de rester, ce n’était sûrement pas pour le café, même si il lui donnait une excuse pour prolonger cette entrevue qui ne sortait de nulle part et imprévue. Pourtant, Naveen avait l’air de vouloir étoffer la conversation. Il demanda à Rain ce qui l’intéressait d’autre dans la vie mis à part sa personne et son travail. Cette fois, cette dernière soupira et posa son stylo. Elle ne serait décidément pas tranquille. Elle leva finalement les yeux vers le secouriste et soupira légèrement. Il devait penser qu’elle ne s’intéressait à rien d’autre qu’à elle mais il était loin de la vérité. Elle ne serait pas là où elle est aujourd’hui, sinon. Néanmoins cette question n’était pas inintéressante, pour une fois. Même si Rain n’aimait pas parler d’elle, échanger sur ses loisirs ne la dérangeait pas. Elle s’adossa à son fauteuil de bureau, et commença machinalement à faire tourner son stylo entre ses doigts.

« Je m’intéresse à la culture, principalement au travers de livres et musées, ou expositions diverses. Mon métier nécessite une perpétuelle actualisation de mes connaissances sur le monde. Alors voilà, j’étudie. »

La convention sociale voudrait que l’ambassadrice lui renvoie la question. Elle se mordilla de nouveau la lèvre inférieure. Elle était tentée de supposer que les loisirs de Naveen n’avaient rien d’intéressant. À quoi pouvait-il bien s’intéresser, lui ? Et pourquoi, surtout, Rain voudrait-elle également en savoir plus ? Depuis quand est-ce qu’elle lui témoignait un minimum d’intérêt ? Et bien, la curiosité était plus forte. Elle rajouta également un détail.

« Et aussi, j’aime les chats. Et vous, qu’est-ce qui vous intéresse mis à part le harcèlement des ambassadrices ? »

Enfin, Godwin aimait surtout son propre chat. Et elle esquissa un sourire sarcastique. Mais elle avait raison en partie, n’importe qui à l’ambassade aurait pu considérer Naveen comme un stalker...

Il était clair qu'ils ne se comprenaient pas, qu'ils ne se comprendraient jamais. Deux mondes totalement différents, diamétralement opposés... mais quelque part, il trouvait quand même qu'il y avait une part de quelque chose d'intéressant là-dedans comme s'ils pourraient en retirer l'un et l'autre quelque chose de cet échange dans la finalité... Pourtant, elle ne semblait pas bien le voir de cette façon, dommage. Peut-être aussi, qu'il abusait un peu trop sur certains points, mais elle était parfois si caricaturale qu'il ne pouvait pas s'en empêcher. Et effectivement, si elle lui répondait, il voyait bien que c'était inutile de la provoquer comme elle le disait si bien. Il eut un bref soupir avant d'hausser un peu les épaules tandis qu'elle n'avait pas tardé à prendre la parole... tout en continuant de travailler. Cette fois, ce fut lui qui leva les yeux au ciel un peu désabusé.

 « Sur certains points, oui, vous êtes amusantes mais non mon but ce n'est pas de vous faire tomber de votre piédestal, juste que vous compreniez qu'être sympa avec les gens qui ont moins de bagages que vous, ça serait pas mal... même sans faire ami-ami avec eux. Juste être polie et moins hautaine.»

Mais il se doutait quand même que c'était comme parler à un mur. Elle ne comprendrait pas vraiment à quoi ça servirait et elle était si... hautaine, si haut-placée qu'elle ne devait même pas savoir comment faire autrement ce qui était assez agaçant et lui donnait envie de la secouer. Pourtant sous ses grands airs, et même si elle ne semblait pas forcément aimée du petit personnel, il voyait bien qu'elle n'avait pas un fond méchant, réellement désagréable : est-ce que c'était une image pour se sentir plus forte qu'elle se donnait ? Ou alors est-ce que c'était juste par ce qu'elle ne savait pas faire autrement comme si c'était quelque chose d'inné ? C'était dommage, par ce qu'au fond, elle avait l'air quelqu'un d'intéressant, et surtout vu son métier, elle devait en savoir beaucoup sur beaucoup de choses, avoir une culture générale assez ahurissante et c'était toujours agréable de parler avec ce genre de personnes du moment qu'elles n'étalaient pas leur science à tout instant de la journée. La provocation n'avait pas marché et ne marcherait probablement jamais, alors il devait essayer d'abandonner cette idée et aller vers autre chose, essayer de la comprendre. Et il lui posa une nouvelle question – provocatrice ? Oui bon ok-. Désolé... Mais le fond avait le mérité d'être sincère. Cette fois, il avait bien que même si elle semblait agacée, il avait réattiré un poil son attention. Pourquoi vouloir à tout prix cette information ? Peut-être par ce que sous leurs chamailleries, il y avait quelque chose en elle qu'il appréciait.

« Je m’intéresse à la culture, principalement au travers de livres et musées, ou expositions diverses. Mon métier nécessite une perpétuelle actualisation de mes connaissances sur le monde. Alors voilà, j’étudie. »

Logique, jusque-là. Elle s'entendrait peut-être bien avec Ruben sur ce point-là... Lui, beaucoup moins. Il n'était pas fait pour rester derrière un bureau, le cul assis sur une chaise. Déjà chez lui, il avait bien du mal à réellement se poser ou se reposer, alors en plus au boulot, non merci. Et il ne savait comment comment est-ce qu'elle pouvait arriver à le faire.

«  Et aussi, j’aime les chats. Et vous, qu’est-ce qui vous intéresse mis à part le harcèlement des ambassadrices ? »

Est-ce qu'il avait eu un réel rire amusé, même si elle était plus sarcastique qu'autre chose ? Tout à fait. Il venait juste prendre de ses nouvelles, mais elle ne semblait pas vouloir le croire, alors il n'insista pas. A quoi bon ? Mais vraiment, s'il voulait la harceler comme elle le clamait, il ne serait pas venu ici, à visage découvert à donner son vrai nom... ca aurait été bien con de sa part. Mais là n'était pas le sujet de toute manière.

 « Beaucoup de choses, aussi bien des activité culturelles que sportives, en passant par celles associatives. Du moment que je n'ai pas à rester derrière un bureau et que l'on peut bouger, beaucoup de choses me conviennent. J'ai probablement loin d'avoir votre attrait pour les musées et expositions ceci dit ; mais j'aime quand même découvrir de nouvelles choses, de nouvelles cultures et tout ce qui s'en suit. » il eut un petit sourire.  « Et j'aime aussi les animaux...»

Silence, d'avoir un sourire amusé, mais il préféra ne rien rajouter et attendre de voir ce qu'elle allait bien pouvoir répondre.

Amusante...Voilà bien un qualificatif que l’on n’octroyait pas souvent à Godwin, voire même, jamais sans lui avouer ainsi. Mais maintenant que Naveen était là, il n’avait plus rien à perdre à lui dire le fond de sa pensée. Le fait qu’il lui trouve un petit côté amusant n’arrangeait en rien les affaires de l’ambassadrice. Là ce n’était que Naveen donc aucune importance, mais si il s’agissait d’un ennemi ou personne de son milieu, il ne valait mieux que qu’on la trouve amusante, bien au contraire. Rain soupira, non pas parce qu’elle était agacée par les réflexions du secouriste, mais bien parce qu’il lui avait, sans le savoir, confirmé ce qu’elle pensait depuis plusieurs semaines maintenant. Elle s’était ramollie et tout ce qu’il s’était passé au MACUSA ce mois-ci le prouvait. Ou bien était-elle tout simplement trop difficile avec elle-même et devait se rendre à l’évidence que ce n’était pas sa faute, mais elle se refusait d’y croire. Johnson le lui avait dit également, même si son attitude était louche à ce moment-là. L’ambassadrice n’avait aucune solution à portée de main, aucune issue possible et cette idée la rendait encore plus aigrie qu’à l’accoutumée. La capture de Walters qui aurait lieu lundi l’aiderait à redorer son blason auprès de la Garde, mais au final c’était ce qui lui importait le moins.

Tandis que Godwin imaginait son avenir au sein du MACUSA sombrer aussi vite que le Titanic, Naveen, lui, s’inquiétait qu’elle s’attire des ennuis à cause de son comportement. Encore une fois, il lui rappela qu’il fallait être polie et courtoise. Bien entendu. Que ce soit dans son monde ou celui de Rain, c’était la meilleure façon de se faire bien voir. La seule différence était que le jeune homme était réellement sincère et altruiste. L’ambassadrice, elle, ne l’était pas, elle respectait simplement les codes de la diplomatie. Avec les gens comme Naveen, le petit peuple, nul besoin de respecter le moindre code. Déjà, il avait le privilège d’être dans son bureau présentement. Alors, il ne fallait pas trop en demander non plus. La brune soupira une nouvelle fois, puis esquissa une once de sourire, levant les yeux au ciel.

« Voyez-vous cela...Le retour des leçons de morale. » Blasée, ça pour l’être, elle l’était. Elle redevint même sarcastique. « Comme si j’en avais à recevoir d’un simple secouriste. »

Et le mépris revint également, car à force des années, c’était devenu habituel pour Rain. Elle n’avait pas à réfléchir, ce genre de réflexion sortait le plus naturellement du monde. Au contraire même, elle devait presque se forcer pour ne pas être méprisante. Et dire que si elle avait simplement remercié Naveen pour son intention, il serait rentré chez lui, et fin de l’histoire. Mais non, l’ambassadrice était rentrée dans le jeu et hélas il était toujours là, à faire la conversation. Lui aurait pu prendre la mouche, l’envoyer méchamment promener comme l’aurait fait beaucoup de gens, et Rain aurait eu définitivement la paix. D’ailleurs, qu’est-ce que cette attitude pouvait bien lui faire ? Elle ricana.

« Et qu’est-ce que ça m’apporterait ? Leur sympathie ? Je n’en ai rien à faire. Le respect ? Je l’ai déjà dans les hautes sphères. »

En effet, elle était reconnue dans son domaine, et cela lui suffisait.

Naveen n’avait plus qu’à laisser ses leçons de morale dans son placard, car avec l’ambassadrice c’était peine perdue. La suite de la conversation avait pris un autre tournant, le secouriste s’était renseigné sur les loisirs de la grande dame, encore une étrangeté à laquelle elle ne s’attendait pas, mais puisqu’il fallait passer le temps alors pourquoi pas. Encore une fois, Rain avait pris ses grands airs et avait exposé ce qu’elle aimait faire dans la vie, mis à part son travail. Et comme elle était de nature curieuse, elle lui avait renvoyé la question. La réponse lui fit hausser un sourcil. Lui aussi prétendait s’intéresser à la culture, mais aussi aux activités sportives et associatives. Rain ne pouvait pas en dire autant sur ces deux points, mais elle était agréablement surprise d’une telle réponse. Naveen insista aussi sur le fait qu’il n’aimait pas vraiment les musées, en revanche. Mais qu’il aimait aussi les animaux. D’accord, très bien, et après ? La brune ne sut que lui répondre, après tout elle avait juste voulu savoir comme ça, et ne pas s’étendre sur le sujet. Elle haussa simplement les épaules tout en continuant de rédiger le rapport de son dossier.

« D’accord. C’est bien. »

Un temps de silence à présent. Même si Rain était rapide pour rédiger et qu’elle n’avait pas besoin de réfléchir trop longtemps, il lui restait tout de même quelques pages à écrire. Naveen pouvait bien lui parler de ce qu’il voulait, il ne réussirait pas à la perturber dans sa besogne. Tandis qu’elle écrivait, son téléphone moldu se mit à vibrer. Elle appréciait pouvoir lire les actualités sur son téléphone, qui plus est à l’ambassade. Car que ce soit au Ministère ou au MACUSA, elle ne pouvait guère l’utiliser. Alors, l’ambassadrice releva finalement le nez de son dossier et regarda sur son téléphone. En réalité ce n’était pas une actualité, mais l’un de ses gardes du corps qui la prévenait que la situation de jeudi dernier avait été maîtrisée. Les manifestants qui avaient déclenché l’esclandre, faute de quoi Godwin s’était retrouvée à l’hôpital, avaient été arrêtés et mis en garde à vue. Elle serait donc probablement amenée à témoigner dans les jours à venir. Comme si elle n’avait pas autre chose à faire.
Mais ? Et si Naveen s’en chargeait ? Après tout il avait assisté à l’étendue des dégâts sur Rain. Au moins, elle lui donnerait une bonne raison de lui coller aux basques. L’expression sur le visage de Godwin changea alors du tout au tout, un franc sourire apparût et elle releva le nez de son dossier. Elle ne chercha pas à dissimuler le fait qu’elle avait une chose à demander à Naveen, il avait dû le comprendre.

« Dîtes Naveen, vous savez que je suis une femme très occupée. » Elle marqua une pause et planta son regard dans celui du secouriste, et sans lui laisser le temps de répondre, elle enchaîna : « Il se trouve que les manifestants de jeudi dernier ont été arrêtés, mais il va falloir que les victimes potentielles témoignent pour leur inculpation. »

L’ambassadrice marqua une nouvelle pause et observait Naveen, qui devait sûrement commencer à comprendre où elle voulait en venir.

« Je me disais que vous pourriez témoigner à ma place. En insistant bien sur les coups et blessures que j’ai malencontreusement subi. »

Insister signifiait, exagérer. Le secouriste n’avait aucune raison de refuser la proposition, il avait lui-même vu Godwin dans un piteux état.

« Et qu’à cause de ces altermondialistes dégénérés, vous avez dû m’envoyer à l’hôpital parce que j’ai eu un traumatisme crânien. »

Rain arrêta là ses explications, pour le reste, Naveen n’avait qu’à meubler et blablater comme il lui plairait. Mais tout de même, elle n’était pas sans aucune manière, alors elle termina :

« Alors ? »

Leçons de morales ? Non pas vraiment... Quoique si, peut-être un peu, il fallait quand même bien l'avouer. Ce n'était pas vraiment le but en soi, il aurait juste voulu qu'elle comprenne certaines choses mais c'était peine perdue. Il en avait conscience, mais tant pis, peut-être qu tout ça resterait dans un coin de son esprit … et que ça lui servirait pour plus tard. Forcément, comme elle ne semblait pas avoir de réels arguments, il avait fallu qu'elle revienne à son pauvre « simple secouriste » et compagnie, à sa manière de le rabaisser constamment pour lui rappeler qu'elle était supérieure. Vraiment, il allait falloir qu'elle change de registre par ce que là, ça commençait à devenir un peu redondant. Il failli lui demander de renouvelle son stock d'insultes pour se diversifier un peu, mais au dernier moment il se ravisa. Il ne fallait quand même pas qu'il pousse le bouchon un peu trop loin... alors il essayait au maximum de la comprendre... mais non. Juste non, voilà ce qu'il se disait avec sa réponse et il se contenta de pousser un bref soupir à cette constatation.

C'est donc tout naturellement qu'il avait préféré changer finalement de sujet pour essayer d'en savoir plus sur elle, sur ses passions et compagnie. Promis, le but n'était pas de trouver un point faible à exploiter même si ça aurait pu être utile, il voulait juste faire la discussion. Comme deux êtres humains normaux ; lui montrer peut-être aussi que ce n'était pas par ce qu'on avait pas ses diplômes que l'on était un ignare qui ne s'intéressait pas à la culture ou autres. Ce genre d'à priori avait tendance à l'agacer au maximum et il se doutait qu'il devrait peut-être à un moment donné se canaliser. Ainsi, à son tour, il n'avait pas tardé à lui faire de ses loisirs – pas si nombreux que ça en réalité, le temps lui manquait toujours-, et la réponse de la femme le laissa de nouveau assez perplexe

« D’accord. C’est bien. »

Bien. D'accord. Bon, raté pour discuter avec elle sur ça du coup... Il aurait pensé qu'elle aurait moins essayé de lui poser d'autres questions, voire même de le piéger... mais non... elle en avait tout simplement rien à foutre. Le portable de la femme avait vibré et elle avait enfin relevé le nez de ses dossiers pour regarder celui-ci. Vu la tronche qu'elle faisait ça n'avait pas l'air d'être spécialement une bonne nouvelle ; mais il ne dit rien. C'était peut-être le moment de partir, il ne fallait pas non plus abuser des bonnes choses.

« Dîtes Naveen, vous savez que je suis une femme très occupée. » ca, ça ne sentait pas franchement bon, mais il ne bougea pas et se contenta de la regarder tandis qu'elle ancrait son regard dans le sien. « Il se trouve que les manifestants de jeudi dernier ont été arrêtés, mais il va falloir que les victimes potentielles témoignent pour leur inculpation. »

Oui, ça sentait franchement mauvais, il n'y avait pas d'autres mots, elle n'avait pas prononcé la suite que déjà, il pensait savoir ce qu'elle allait lui demander et elle ne manquait pas d'air. Néanmoins il n'avait pas envie de l’interrompre maintenant et préférait la laisser aller jusqu'à la fin, même si sa réponse était déjà toute faite. Il n'était pas à acheter d'une manière ou d'une autre et il ne mentirait pas pour elle. La vérité, juste la vérité. Voilà ce qui serait l'essentiel.

« Je me disais que vous pourriez témoigner à ma place. En insistant bien sur les coups et blessures que j’ai malencontreusement subi. Et qu’à cause de ces altermondialistes dégénérés, vous avez dû m’envoyer à l’hôpital parce que j’ai eu un traumatisme crânien.  Alors ?»
 « Vous ne vouliez même pas aller à l'hôpital, par ce que vous n'aviez soi-disant rien.» Il ne pouvait nier qu'elle avait reçu des coups.  « Mais voyez-vous, je serai dans l'obligation de dépeindre la situation dans l'ensemble et rien ne prouvera que c'est quelqu'un que vous avez humilié à un autre moment qui s'est vengé. Par ailleurs, mon binome devra aussi témoigner. Et il fera comme moi, décrira strictement la vérité. Êtes vous certaine de vouloir cela, ça pourrait tout aussi bien se retourner contre vous.» Il se tut quelques instants  « Et vous devriez y aller vous-même. Vous trouverez probablement beaucoup mieux les mots les justes qu'un petit secouriste comme moi.»

En gros, tu as compris que c'était un non. Oui, il devait il y avoir des conséquences à ce qui s'était passé, et s'il devait témoigner il dirait simplement ce qu'il avait vu, ce qu'il pensait, sans prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Et il se doutait que ce non, ne lui plairait à la femme, mais il n'en avait pas grand chose à faire, il fallait bien l'avouer... Il n'avait pas vu toute la scène de toute manière et ne serait donc pas un bon témoin, ce n'était pas sa partie. Si elle n'avait pas essayé de se faire plaindre, d'abuser clairement de la situation... peut-être que les choses auraient pu tourner autrement – ou pas-.

Après avoir fait comprendre à Naveen qu’elle se fichait bien de ses loisirs, ce fut au tour de Rain de changer de sujet de conversation. En réalité, elle ne s’était pas imaginée que le secouriste s’intéressait également à des activités culturelles, mais elle ne se voyait vraiment pas échanger avec lui sur ce point, cela lui donnerait trop l’impression que l’ambassadrice en avait réellement quelque chose à faire de sa vie. Non, à la place, elle avait reçu une notification sur son téléphone moldu lui indiquant l’arrestation des altermondialistes. Naveen ne pouvait imaginer à quel point c’était plaisant pour elle de pouvoir se servir de son téléphone au travail, étant donné qu’au Ministère, les objets moldus ne pouvaient fonctionner. Autant dire que cette notification tombait parfaitement bien, sinon la brune avait comme projet de proposer à Naveen de s’en aller, suffisamment de temps s’étant écoulé. Seulement, elle avait eu une dernière proposition pour lui. Si il trouvait le temps de venir lui casser les pieds un samedi après-midi, il trouverait sans doute du temps pour se rendre au tribunal et ainsi se rendre véritablement utile, pour une fois. En réalité, Rain lui donnait une superbe occasion, car elle avait l’intention de grassement le dédommager pour ce service rendu, ce qui lui aurait rapporté bien plus que toutes ses primes réunies sur cinq ans !

Mais contre toute attente, le secouriste n’eut même pas à réfléchir à la proposition. Il répondit aussitôt, insistant tout d’abord sur le fait qu’il décrirait sa propre vision des événements, ce qui jouerait d’après lui, en la défaveur de l’ambassadrice. Celle-ci prit la peine de l’écouter, mais elle ne se retint pas de de payer ouvertement sa tête. Elle laissa échapper un rire, secoua légèrement la tête tout en levant les yeux au ciel. Naveen pensait-il réellement que la simple supposition d’une marque de mépris envers un manifestant, pouvait excuser la violence envers un représentant d’État ? Il n’y avait vraiment que les gens du petit peuple pour penser ainsi. Naïf, crédule...Effectivement, il valait peut-être mieux que Rain s’en charge toute seule, après tout. Une fois que le secouriste eut terminé son discours, il précisa tout de même à l’ambassadrice qu’il s’agissait d’un non. Sans blague. Ceci dit, elle pouvait au moins lui reconnaître son sens de l’auto-dérision, il commençait lui-même à se qualifier de petit secouriste. Ce qu’il était, donc. La brune arrogante attendit que Naveen eut terminé, puis elle lâcha un nouveau rire. Profondément sarcastique et moqueuse, il fallait avouer que le jeune homme l’amusait bien.

« Si je comprends bien...Je peux compter sur vous pour faire des choses totalement stupides... » Rain marqua une pause, faisant bien évidemment référence au fait qu’il était venu la cueillir aux urgences en pleine nuit. « Mais lorsqu’il s’agit de faire quelque chose d’utile, vous vous défilez. »

Elle avait momentanément relever le nez de son dossier, mais à présent elle y retournait, il ne lui restait plus que quelques pages. Elle secoua de nouveau la tête, un sourire sarcastique toujours sur les lèvres.

« C’est affligeant. »

Godwin griffonnait machinalement sur le dossier, maintenant qu’elle approchait de la fin, elle avait hâte de terminer. L’avantage était que le travail l’empêchait de ressasser que tout ce qui pouvait la tracasser en ce moment. Et rabaisser un peu Naveen ne lui faisait pas de mal non plus. Puisque de toute évidence, il était inculte sur la question, Rain décida de lui expliquer ce qui lui échappait, de toute évidence. Ses airs de Madame je-sais-tout pédante l’agaçaient peut-être, mais elle n’en avait jamais rien eu à faire. D’ailleurs, elle ne releva même pas la tête.

« Voyons, réfléchissez un peu. J’ai un diplôme de Droit je vous rappelle, et rien ne justifie la violence, en particulier contre un représentant d’État. »

Et la voilà qui continuait d’étaler son savoir. Pauvre Naveen, les petites gens comme lui étaient à mille lieux de se douter de tout ce qu’il se passait dans les hautes sphères. Face à une poignée d’individus lambda, le plus haut placé aura forcément gain de cause.

« Votre témoignage et celui de votre collègue, quelqu’ils soient, joueront incontestablement en ma faveur. »

L’ambassadrice continuait d’écrire, sans relever les yeux. Elle écrivait de plus en plus vite, les mots et les tournures de phrases lui vinrent sans difficulté. Enfin, elle marqua le point final à son dossier. À présent, il ne lui restait plus qu’à se relire. Maintenant qu’elle avait fini, elle se redressa finalement, et acheva la conversation.

« Tant pis. Vous venez de rater une belle prime. »

Rain haussa les épaules. Elle devrait aller témoigner elle-même. Cela ne faisait aucune importance, puisqu’elle était sûre de gagner. Comment prouver qu’elle avait subi des représailles suite à une insulte ou une marque de mépris envers autrui ? Impossible, car ce serait sa parole contre celle d’un hippie né à la mauvaise époque. Si Naveen y était allé, elle aurait gagné du temps. Mais tant pis.
Elle n’avait en tout cas plus rien à lui demander. Alors, tandis qu’elle relisait son dossier complété, elle s’adressa une nouvelle fois au secouriste.

« Si vous n’avez plus rien à dire, vous pouvez partir. »

Il n’allait pas rester ici toute l’après-midi, non plus.

Est-ce qu'il trouvait qu'elle avait du toupet de lui demander une telle chose ? Tout à fait. Elle pouvait quand même se déplacer, il n'était pas son porte parole, surtout pour une chose aussi importante et en plus il n'avait pas franchement envie de témoigner en la faveur de la Dame en enfonçant les autres gus. Il n'irait pas non plus les défendre, il ne faut pas exagérer ! Il voulait juste donner sa vision des choses, et il n'était pas certain que le portrait qu'il dépeindrait de l'ambassadrice jouerait en sa faveur et il voulait insister sur ce point-là. Est-ce que cela ferait une différence, alors qu'elle était une femme puissante, ayant de l'argent ? Non, c'était même probablement une cause perdue, mais il s'en fichait. Il n'allait pas dire des choses fausses sous-prétexte qu'elle avait du pouvoir, de l'argent et encore plein d'autres choses. Ce n'était pas son point de vue, sa mentalité. Si certains voulaient se laisser acheter, grand bien leur fasse mais ça ne serait pas son cas, ni celui de son binôme. Est-ce qu'il s'attendait à des remontrances à deux balles ? La réponse était encore une fois oui. Pourtant, probablement qu'il aurait pu négocier quelque chose d'intéressant pour la caserne si elle avait tant de pouvoirs qu'elle semblait le dire. Peut-être qu'il devait y réfléchir, plus sur ce point-là.

 « Ca sera toujours utile vu que je dirai la vérité, je ne veux juste pas déformer la vérité pour vous. Et personnellement, je ne trouve pas ça plus affligeant que ce que vous me demander. Une personne de la Haute autorité qui demande à ce que l'on accentue des traits, je ne trouve pas ni très joli, ni très honorable.»

Mais bon l'honneur, elle ne devait pas trop savoir ce que c'était de toute façon, alors, c'était comme de pisser dans un violon, ça ne servait à rien. Néanmoins, il ne comptait pas la laisser avoir le dernier aussi facilement, il savait qu'elle l'aurait d'une manière ou d'une autre de toute façon. Et puis, bien sûr, qu'il dirait ce qu'il avait vu, qu'elle était blessée et compagnie. Bien sûr, qu'il ne minimiserait pas ça... Cependant traiter les gens comme de la merde, ça entraîne toujours à un moment donné des soucis. Et il ne savait pas ce qui s'était passé avant qu'ils arrivent, il ne pouvait donc pas dire le moindre mot. C'était aussi simple que cela.

 «Rien ne justifie la violence tout court... mais certains comportements exacerbent plus facilement la haine, et traiter les gens comme de la merde en fait parti.» Il haussa un peu les épaules avant de dire  « De toute façon, on sait déjà comment se passent tous ces procès dès qu'il y a une personne importante dans l'histoire. Bien sûr que vous gagnerez. Pas besoin de mon témoignage, ou de celui d'une autre personne. L'argent et l’autorité font déjà beaucoup de choses.»

Oui, les témoignages des deux secouristes joueraient en partie en sa faveur, il en avait conscience et d'un côté heureusement vu que pour l'agression elle était la victime, pour le reste par contre, ça en était moins sûr... Et bientôt elle avait repris avec cette histoire de prime et il eut un rire plus amer qu'autre chose.

 « Vous avez l'habitude d'essayer d'acheter les gens comme ça ? Ca marche ou pas ?»

Probablement que oui, d'ailleurs. Mais il ne pouvait accepter de témoigner totalement pour elle alors qu'il n'avait pas tous les tenants et aboutissants de cette histoire, juste pour que Madame gagne quelques heures. C'était ça, par ce qu'elle considérait que son temps était précieux, bien plus précieux que tous ceux des autres qui faisait qu'il avait dit non. Et si elle lui avait demandé de l'accompagner et juste témoigner de ce qu'ils lui avaient fait les agresseurs en se basant sur la vérité, bien sûr que oui, il aurait accepté. Elle était la, la différence que Rain ne semblait pas bien comprendre...

« Si vous n’avez plus rien à dire, vous pouvez partir. »
 « Bonne journée, madame. Je suppose que l'on se reverra au procès si nous sommes appelés avec nos collègues... même si les rapports médicaux suffiront peut-être.»

Après tout, c'est vrai, il devait tout il y avoir dans les rapports des médecins, dans celui de son collègue et le sien, alors peut-être qu'ils n'auraient pas à se déplacer pour ça ? Il n'en savait encore trop rien, et verrait bien, dans les deux cas, ça lui allait bien et ça ne changerait de tout manière rien dans l'affaire. Elle était déjà bouclée avant d'être commencée.
Alors il se leva commença à aller vers la porte, avant de se retourner, de lui faire un léger sourire.

 « Et merci, pour ce café.» avait-il dit, avant de repartir un peu éberlué par tout ce qu'ils venaient de se dire.

L’honnêteté et la loyauté, deux qualités que Rain reconnaissait à Naveen, mais qui étaient loin de lui plaire ou de lui être utiles, voilà pourquoi elle ne côtoyait jamais au quotidien des gens comme le secouriste. Des êtres beaucoup trop aimables pour l’ambassadrice, altruistes et toujours là pour autrui, incontestablement entouré de bons amis toujours prêts à rendre service, tout en déversant à chaque seconde un flot de bons sentiments niais. Rain ne se sentait pas du tout en phase avec ce genre de personne, et, même si elle pouvait comprendre le point de vue de Naveen sur certains points, elle peinait à le partager. Elle avait toujours considéré n’être jamais mieux servie que par elle-même. De nature individualiste, égocentrique et ambitieuse, Godwin avait souvent été amenée à tenter d’acheter certaines de personnes de la sorte, afin de faire avancer ses affaires. Mais les personnes en question fonctionnaient la plupart du temps de la même façon, flirtant dans les hautes sphères, ce genre d’accord n’était pas rare. Ou bien, ils étaient désespérés et avec un grand besoin d’argent. Dans le cas de Naveen, l’ambassadrice était persuadée que même en cruel manque de quoique ce soit, il n’accepterait jamais de mentir. Parce qu’il était comme ça, elle l’avait bien compris. Et encore, dans le cas présent il ne s’agissait pas vraiment d’un mensonge, mais plutôt d’accentuer un aspect des faits, donc rien de compliqué.
Toujours est-il que c’était déjà trop pour monsieur le secouriste, parfait citoyen, modèle de vertu, toujours honnête et qui se refusait à mentir. Il aurait incontestablement fait un parfait Poufsouffle à Poudlard. Sa loyauté avait l’air tellement exacerbée que ‘en était risible, et Rain leva les yeux au ciel en se payant ouvertement sa tête. Sarcastique, elle acquiesça aux propos de Naveen.

« C’est bien, vos parents vous ont bien éduqué. » Parents, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, elle s’en fichait. « Mais vous savez, vous n’auriez pas perdu votre place au Paradis pour autant... »

L’ambassadrice retint un rire. Qu’il était mignon, cet Evans. Il était si éloigné du monde de Rain qu’il ne trouvait pas sa façon de faire très honorable, ni très jolie, alors que c’était selon elle plutôt léger, ce qu’elle lui avait demandé. Définitivement, il ne valait mieux pas pour lui qu’il apprenne la vérité sur ce qu’elle était capable de faire. En attendant, la brune lui avait rappelé que même si Naveen parlait du comportement méprisant des diplomates présents à ce moment-là, cela n’excusait en rien la violence qui en avait découlé.
Qui plus était, Naveen prenait presque la défense de manifestants, qu’il pouvait comprendre qu’une attitude maltraitante entraînait une réponse violente. C’était évident, mais après tout ils n’avaient qu’à apprendre à se maîtriser. Une blessure suite à un coup était plus difficile à camoufler, que de prouver un comportement méprisant. Voilà pourquoi, lors du procès qui aurait lieu dans les prochains jours, les manifestants arrêtés n’avaient aucune chance. Et le secouriste marquait un point sur le fait que lorsqu’une personne importante était impliquée, elle gagnerait forcément. Triomphante, le sourire de Godwin s’élargit sur ses lèvres.

« Vous marquez un point. »

Naveen lui demanda aussitôt après si c’était une habitude chez elle d’acheter les gens ainsi, mais la réponse que la brune avait en tête à ce moment-là ne lui plairait sans doute pas. Elle préféra donc ne pas répondre et se remit sur son dossier, il ne lui restait plus beaucoup de pages à remplir, à présent.

« Bien, bien, j’ai compris. Laissez tomber. »

Avoir du temps à perdre en venant dans une ambassade, cela semblait normal pour Naveen, mais se rendre dans un tribunal pour témoigner en faveur d’une innocente, service payant qui plus est, ça non, Naveen n’avait pas voulu. Certains comportements humains échappaient encore et toujours à l’ambassadrice. Cela ne faisait que confirmer ce qu’elle pensait du secouriste depuis le début, sa trop grande bonté aurait tôt ou tard raison de lui. Des Supérieurs mal intentionnés par exemple, n’en auraient fait qu’une bouchée après s’être bien amusés. Dommage.
Maintenant que Naveen avait fini son café et que la conversation arrivait à son terme, Rain l’avait prié de s’en aller, à présent. Il se leva alors et souhaita à son hôte une bonne journée, mais celle-ci ne leva même pas le nez de son dossier.

« Non, vous ne m’y verrez pas. J’ai d’autres choses à faire. Bonne journée. »

Elle agita la main en la direction du secouriste, lui sommant de manière très hautaine, de quitter son bureau tout de suite.