E' la follia che lentamente ti pervade - Logan

Mercredi 16 décembre, en fin de journée.


Il détestait ne rien faire. Rester là sans trop pouvoir bouger. Ça ne lui avait réussi et cette dizaine de jours enfermé -séquestré- avait encore exacerbé ce genre de sentiments. Il était de mauvais poil, ce qui était, relativement rare ; il avait envie de tout envoyer balader en disant qu'il allait bien, qu'il pouvait sortir. Ce qu'il savait faux. Totalement faux. Il allait mieux que 48h00 auparavant certes, mais il restait quand même quelques séquelles non négligeables, notamment le mal de crâne persistant depuis son énucléation. Il avait choisi l'option de l’œil de verre, sans réellement trop y réfléchir, d toute manière le résultat serait le même : il n'y verrait plus que d'un œil et c'était pour l'instant assez compliqué pour lui cette nouvelle vision des choses. Son corps, ses sens ne semblaient pas habitués, ou voulaient peut-être juste le troller.

Il savait qu'il devait essayer de faire abstraction à ces dix jours, à tout cela. Y voir là, une simple parenthèse presque logique. Un nouveau départ. Il devait être positif. Il n'y a que comme ça qu'ils pourraient tous s'en sortir. Après tout, il avait toujours sû ce qu'il risquait en s'engageant dans la Garde, tout comme il s'était douté qu'il y aurait des représailles en s'attaquant à un de ses geôliers. Il avait essayé, à bout de nerfs ; un peu trop perturbé par ce qu'il avait appris sur sa femme. Il avait joué. Il avait perdu. Lamentablement. Simple logique.
Il essayait de s'en convaincre, mais la théorie est plus simple que la pratique.
Les traumatismes étaient bien là, bien présents. Et la parano serait probablement encore un petit moment. Il devrait s'y habituer.

Se réentraîner surtout, dès qu'il aurait repris un peu du poil de la bête, lorsqu'il serait certain que sa grève de la faim forcée et sa déshydratation ne seraient que plus de mauvais souvenirs. Sans compter le reste. Oui, il faudrait qu'il s’entraîner, qu'il s'adapte à cette nouvelle « vision », réapprendre à viser, et surtout trouver une baguette qui lui corresponde un peu mieux. Celle qu'il avait trouvé par terre n'était pas si mal, mais un peu trop capricieuse pour lui, il avait moins de fluidité dans ce qu'il pouvait faire.

Il se retint une nouvelle fois de se lever de faire les cent pas dans la chambre. Ce n'était visiblement pas souhaitable, pas encore. Du repos. Du repos. C'est ce qu'il lui fallait. Probablement calmer aussi ses nerfs à vif. Il avait vaguement l'impression que l'adrénaline coulait toujours de manière inexpliquée dans son sang. Mais ça, c'était probablement par ce qu'il pensait trop à elle. A Prune. Qu'il réfléchissait, trop à comment il allait pouvoir la retrouver. Mettre fin à son calvaire. Est—ce qu'il en serait capable ? Est-ce qu'il en aurait le courage, ou est-ce qu'il craquerait et se comporterait lâchement ? Est-ce que personne ne l'attendrait ou est-ce qu'il aurait un joli comité d'accueil ? Trop de questions qui pour l'instant n'avaient pas de réponse.
Tout comme, qu'est-ce qu'il allait dire à son fils ? A la famille de son épouse ?
Est-ce qu'il ne devrait pas partir quelque temps en Russie, chez sa famille, le temps que tout se calme un peu pour lui. Pour ne pas mettre Adam en danger ?
Est-ce qu'il ne devrait pas abandonner la Garde ?
La logique voudrait que oui. La raison, probablement aussi. Il avait un petit bout qui avait besoin de lui. Mais il savait aussi qu'il ne pourrait plus se regarder en face s'il abandonnait ses amis, la garde, ce combat nécessaire. Il y aurait toujours des gens pour veiller pour son fils. Il avait pas mal d'oncles et tantes, sans compter les gens de la Garde qui feraient probablement tous en sorte que tout aille bien pour lui.

Alors oui. Il resterait dans ce mouvement, sans hésiter l'ombre d'une seconde. S'il à présent presque certain d'abandonner les Aurors pour trouver quelque chose de plus calme (probablement à la boutique de ses beaux-parents) ; il ne pouvait pas abandonner la Garde.


Il ferma l’œil valide pour essayer de se changer les idées, de s’endormir un peu, histoire de faire passer le temps, et puis dormir aidait à reprendre des forces.

Et soudain, dans une chambre non loin de lui, il sembla d'il y avoir de l'agitation, pour ne pas dire des cris. Il reconnut sans trop de mal la voix de son ami Rivers. Il se leva sans plus trop réfléchir aux recommandations du médecin, prenant bien soin de prendre sa baguette... juste au cas où. Il entra sans prendre le temps de frapper – il n'allait pas utiliser de ce genre de politesses dans de tel moment-.

 « Logan ? » Ils étaient visiblement seuls dans la chambre, gardant sa baguette à portée de main il s'approcha doucement de son ami, essayant de ne pas faire de gestes brusques. Ne sachant pas trop ce qui pouvait se passer dans le crâne de Rivers : folie ou autre ?  « C'est Dorofei.» ajouta-t-il en essayant de garder le ton le plus neutre : paniquer, hurler, sentir de l'angoisse, ou tout autre sentiment pourrait être mal perçu.

Il ne savait pas franchement quoi rajouter en plus. Est-ce qu'il y avait quelque chose à dire ? Il préférait d'abord essayer de comprendre ce qui se passe histoire de ne pas faire une erreur ridicule.

[HRP : je ne savais pas trop où était l'hopital clandestin, je me suis dis que le plus logique était du coup dans le QG de la garde, n'hésitez pas à déplacer mon sujet ]

Il était resté là, assis sur le lit le regard dans le vague depuis son arrivée ici. Ses grandes jambes malingres repliées, ses genoux semblant pointer vers le plafond. Son regard était resté fixe la première journée tandis que Logan demeurait muet à toute tentative d’interactions sociales. Sa raison n’avait fait que basculer depuis qu’il avait été apporté sur scène pour y affronter les horreurs de son ancien ami d’enfance. Il avait cherché à rester digne, à avancer, à aider même mais sans réel succès. Heureusement, on l’avait tiré de là mais tous ces bouleversements… il lui avait semblé que son corps lâchait d’être ainsi balloter après les tortures qu’on lui avait infligé. Mais c’était sans doute l’esprit qui lâchait. Qui fuyait. Qui se cachait dans ses derniers retranchements, incapable d’imaginer « la suite ». Comment se retrouver dans le monde extérieur quand on n’avait connu que l’enfer des cachots pendant plus de deux mois ? Sous sa chair, le serpent de feu était resté là, brûlant ses muscles, ses tendons, son épiderme centimètre après centimètre, laissant des traînées noirâtres. Il aurait dû rester allongé et dormir, bien entendu. Mais il ne bougeait pas, l’esprit agité, le regard fixe, semblant insensible à tout ce qu’on pouvait lui dire ou faire. Il refusait d’avaler quoi que ce soit, mais mis à part ça, il n’y avait chez lui aucune agressivité. Juste de l’apathie. Juste une envie d’être simplement… nulle part. De ne plus bouger, de ne plus rien sentir. Il aurait aimé fermer les yeux et juste dormir, mais ça ne venait pas. Tout son corps restait en alerte, refusant de se détendre dans ce lieu étrangement trop bruyant pour lui, trop agité. Il lui semblait que derrière chaque passant se cachait un danger. Chaque mouvement était une agression. Alors son regard s’était mis à sauter de mouvement en mouvement, son attention glissait de bruits en bruits, incapable pourtant de regarder les proches qui étaient venus de voir, s’adressant doucement à lui. Il n’avait qu’une envie : les faire taire. Ecraser ces gorges d’où sortait ce foutu son, briser ces corps qui ne faisaient que bouger encore et encore.

Alors quand on avait voulu revenir le forcer à prendre certains remèdes, il avait soudainement explosé, les couleurs vriant devant ses yeux, la noirceur marquant sa chaire, les sons surréalistes parvenant à ses oreilles. C’étaient des cris inhumains, des râles d’angoisse, de violence, de rage qui étaient sortis de sa gorge. Il ne distinguait plus rien, ne comprenait plus où il se trouvait, refusait la présence de tous et de toute chose dans son environnement proche. La femme qui était là, qui avait tenté de le soigner s’était éloigné immédiatement, tentant d’abord de le calmer avant de s’éloigner rapidement, partant chercher à l’aide tandis que Logan restait là, les mains tremblantes, comme un démon enchaîné dans son corps qui s’agitait soudainement, cherchant à sortir de là.

Comme il voudrait sortir… Comme il voudrait être au calme, loin de tout ça. Mais il était toujours enfermé. Ça ne changeait pas. Ça ne changeait rien.

Et une nouvelle forme était entrée, s’approchant elle aussi, trop près, trop bruyante. Elle faisait bien de se présenter car il ne reconnaissait pas en elle un ami, un ami blessé, humilié, heurté dans sa chair mais rien qu’un danger. Un putain de monstre dangereux.

Il n’avait même pas cherché à faire ça. Cette fois-ci encore, comme lors de sa première sortie des cachots quand Aileen s’était approchée. Mais à peine Dorofei avait-il parlé, s’était-il approché qu’un nouveau râle de rage guttural s’était élevé de nouveau du fond de sa gorge alors qu’il se levait, encore tremblant mais pourtant prêt à frapper. Il n’avait même pas compris que son esprit s’était soudainement ouvert, se refermant sur celui de son ami, forçant l’entrée, prêt à y déceler tout ce qu’il pouvait y trouver, prêt à tout y détruire. Tout autour de lui, tout devenait noir, et ça n’était pas qu’une sensation du fait de son incapacité à analyser la situation mais une réalité, sa magie explosait soudain, semblant absorber la lumière alors même que la membre de la Garde de tout à l’heure entrait de nouveau, tentant d’apaiser les choses par des paroles qu’il ne comprenait pas.
Et à l’image du serpent de feu sous sa peau qui était venu le grignoter jour après jour, son esprit entrait toujours plus profondément, cherchant chaque souvenir récent de Dorofei, entrant de plus en plus loin, violant sa mémoire. Il fallait qu’il sorte de là avant de se mettre à tout détruire. Mais il n’en avait pas conscience. La femme de la garde, si.

Alors elle avait cherché à l’immobiliser. Et il avait répliqué, violemment. Son attention avait été déplacée, c’était vrai. Alors l’étau qui s’était emparé de Dorofei le lâcha… pour s’attaquer à l’esprit de la jeune femme tandis qu’il la repoussait, frappait, hurlait. Quelque chose avait craqué. Son bras. Puis sa gorge. Puis son crâne.

Et bientôt, la femme s’était écroulée, poupée de chiffon désarticulée.

Et il se retourna vers Dorofei. Bête sauvage, incapable de gérer la présence de qui que ce soit. Animal en cage qui frappait et tuait tout ce qu’il voyait.

Est-ce qu'il se rendait compte du danger qu'il courait ? Probablement que oui. Il savait que c'était peut-être dangereux, mais en même temps, il ne pouvait pas rester là, sans rien faire, laisser les médecins/infirmiers de la Garde se décarcasser en les observer, juste comme ça. Ce n'était pas lui, surtout pas lorsque cela touchait des gens proches, et Logan en faisait parti. Au nouveau râle de son ami, il s'était arrêté d'avancer, histoire d'éviter d'être trop perçu comme un danger. Il essayait de se montrer autant prévenant que possible, essayer d'être un peu serein. Il ne savait pas jusqu'où s'étendaient les capacités de son camarade, mais il n'avait pas envie qu'il ressente quelque chose de négatif de sa part. Il ne voulait pas le blesser plus ; ou l'effrayer . Dorofei savait qu'il était comme la plupart des personnes, il avait plus ou moins les mêmes barrières psychiques. Faible, fragile pour les gens doués. Il essaya néanmoins de se concentrer pour ne pas être trop perçu, mais en vain ; Avant même qu'il ait pu comprendre ou même dire ouf, il s'était senti.... bizarre. Transformé. Violé dans son intimité d'une certaine façon et pas d'une façon discrète. Un éléphant aurait pu avoir le même effet. Sa parano se réveilla presque aussitôt. Esprit affaibli mais à l’affût ne faisait pas forcément bon ménage avec ce qu'il y avait dans son esprit. S'il y avait quelque chose.
Et la migraine augmenta, de façon foudroyante, il s'en pliait presque de douleur . Illusion ou réalité ? Sil se tint la tête. Jurant faiblement en russe. Ayant quand même du mal à comprendre ce qui se passait réellement, à raisonner en fonction.
De nouveau il se sentait faible. Si faible. Si vulnérable.
Il vacilla tandis qu'une des femmes de la Garde arriva... et rapidement cet étau infernal le lâcha,aussi rapidement qu'il était arriva. Il eut l'impression de pouvoir repenser, malgré le mal de crâne persistant, laissant un arrière goût étrange et amer. Mais il ne fallait pas être devin pour comprendre ce qui se passait réellement.

Le temps qu'il s'en remette totalement, qu’il y voit un peu plus clairement, qu'il tienne de nouveau sur ses jambes, il y avait eu un bruit, de craquement et la femme s’était retrouvée au sol. Sans vie, probablement. Ce n'était même plus la peine de porter attention à elle, vu la façon dont l'autre s'était retourné, il serait la prochaine victime et ça serait un peu con de mourir maintenant. Il déglutit difficilement néanmoins, il n'y avait pas trente six mille solutions. Parler ne servirait à rien pour le calmer et sa faculté à entrer dans les esprits était un désavantage pour l'ex Auror. Il le savait pertinemment. Il ne pouvait pas qu'utiliser un sort immobilisant par exemple.

Première étage, le plus logique, cette fois se protéger mentalement. Il glissa quelques mots d'un sort, mais surtout essayait de se retenir prêt à le repousser/ S'il le fallait il lui lancerait un sort pour l'étourdir mais en dernier recours.
Il voulait, malgré tout, essayer de nouveau de parler, soit normalement, soit peut-être de façon plus abrupte pour attirer surtout son attention sur ses paroles que sur le reste. Les deux étaient risqués et on ne pouvait âs dire qu'il était franchement doué là-dedans.

 «  hey Rivers ! Mon pote. Ce n'est pas le moment de flancher et de les laisser gagner. Tu e crois pas qu'ils seraient bien trio ravis de te voir comme ça ?» Comme si ce pauvre Logan y pouvait quelque chose, vraiment c’était n'importe quoi ce qu'il disait.  « Tu sais quoi ? Je suis content de te revoir, tu n'as jamais été très loquace, mais là c'est quand même le pompon de la pompon,ette, tu veux pas essayer de dire un ou deux genre plutôt que ces grognements de zombies. Ca serait dommage, si tu restes comme ça, tu ne pourras plus que faire des doublures dans des films d'horreurs de deuxième catégorie. Allez Logan, reviens.»

C'était vraiment de pire en pire ce qu'il disait, mais déjà ne serait-ce qu'une insulte serait la bienvenue et un bon point. En attendant il restait attentif à chacun de ces mouvements, prêt à lui jeter un court sort de sommeil si jamais l'autre tentait quoi que ce soir qu'il ne puisse parer.Il claque doucement des doigts, comme pour attirer son attention, celle de son amie, pas celle de la Bête qui semblait sommeiller en lui.

Le monde vrillait tout autour de lui, mélange de sons, d’odeurs, de couleurs agressives, brutales, dangereuses. Il n’y avait plus de logique, simplement des ressentis forts et violents. Plus la moindre conscience, seuls des réflexes, des envies, des peurs. Il était là pourtant, quelque part, dans le fond, retranché, roulé sur lui-même au fond de sa propre conscience, ayant l’impression qu’il n’y avait plus d’alliés autour de lui, seulement l’enfermement, et toute cette foule. Cette putain de foule qui sortait de nulle part. Des gens entraient et sortaient, lui parlaient pourtant, après plus de deux mois isolé ça aurait dû être une bonne chose. Mais ça n’était qu’un truc en plus, un truc qui faisait trop, comme si la simple présence de tous ces gens pouvait le mettre dans un état second. Les savoir à côté, tout près, alors qu’à chaque fois qu’il entendait quelqu’un arriver là bas, c’était soit pour le forcer à manger, soit pour lui infliger une peine supplémentaire qu’elle soit physique ou psychologique. Alors chacun des bruits, chacun des pas, chaque parole était à présent simplement insupportable.
Logan avait toujours vécu à l’écart des autres, il s’était lui-même isolé très rapidement lorsque son don s’était révélé. Au fur et à mesure, il avait apprit à le contrôler, mais ce besoin d’être loin des autres était resté.

Dans un état second, il n’avait pas comprit ce qu’il faisait, cherchant simplement à se défendre, n’ayant qu’une envie : courir loin en brisant tout ce qui pouvait s’approcher de lui. Et une chose était certaine : le corps inanimé, inutile, et donc… inoffensif lui était rassurant. L’autre en revanche, qui se mettait à déblatérer des paroles qui ne faisaient qu’effleurer la surface, loin encore d’une réelle conscience. Pourtant, il avait été dans la sienne quelques secondes ou minutes plus tôt. Il y avait vu sa femme, son fils, son amour… mais aussi et surtout la torture, la peur, l’angoisse et les doutes. Cet homme n’était plus son ami à l’heure actuelle. Il appartenait seulement à ce monde de ténèbres. Et pour ça, il devait disparaitre d’ici.

Logan se jeta en avant, droit sur Dorofei.

Le mur derrière son ami trembla, secoué par la déferlante de magie qui émanait de Logan. Il avait espéré quelques fois qu’il arriverait à s’en servir dans les geôles. Mais sans résultats. Pas moyen de contrôler quoi que ce soit et, surtout, son épuisement avait rapidement agit sur la puissance de plus en plus affaiblie de cette magie primaire qu’il avait tenté de maîtriser afin de sortir de là sans baguette. Et puis, les Supérieurs avaient trouvé la parade.

Là aussi. Tout ce bouquant, ses cris, les râles de la femme qu’il venait de tuer puis les murs … tout ça avait évidemment alerté d’autres membres de la Garde. Il ne s’était passé que quelques minutes depuis l’entrée de Dorofei dans la pièce et Logan n’aurait pas pu dire si c’était lui qui l’avait stoppé en plein élan ou le groupe qui était entré, armé, dans la pièce. Le « qui » n’avait pas d’importance de toute façon : il s’écroula.

« Bordel mais il s’est passé quoi ici ? »

Un homme avait soulevé le corps de l’ancien directeur pour le remettre dans le lit tandis qu’une femme allait s’assurer que Dorofei allait bien et qu’une autre, mâchoires serrées, se précipitait sur le corps sans vie, balançant immédiatement des ordres à la volée pour gérer la crise.
Et il y avait une quatrième personne, qui n’avait pas bougé de là, restant interdit face à la violence de la scène, mâchoires serrées, incapable de trouver la façon la plus adéquate d’agir : Alec.
Les trois membres de la Garde s’étaient mis à échanger sur les démarches à suivre, l’un affirmant qu’il lui fallait une contention, l’autre que ça ne ferait qu’empirer les choses, la dernière enjoignant Dorofei à sortir de là. Un vrai merdier. Il avait fallu un instant avant qu’Alec se rapproche et parle, d’une voix vibrante d’émotion mais forte, se rangeant du côté de l’homme qui avait ramené son cousin dans son lit.

« Vous avez l’autorisation de la famille. Pour le coma. Pas la contention. Uniquement le temps des soins. On verra la suite après. »

Logan avait entendu, reconnu la voix, mais sans vraiment comprendre quoi que ce soit d’autre que l’angoisse sourde de tout ce bordel autour de lui et l’impossibilité totale de bouger. L’instant suivant, tout était noir.

Bestial, encore et toujours ! Voilà comment il ressentait cette situation vis-à-vis de son ami ! il ne savait pas trop comment le prendre, il ne savait pas comment le gérer, s’il y avait une façon meilleure que l’autre. Il voulait juste l’aider. Peut-être qu’entouré de voix qu’il connaissait, il pourrait faire plus la part des choses, redevenir lui-même qu’entouré de gens bienveillants mais des inconnus. Théoriquement cela semblait une bonne idée, mais dans les faits, c’était quand même tout autre chose !
Et soudain, il se jeta sur lui ; il eut juste le temps de faire un pas sur le côté, leva sa baguette commença un sortilège pour l’endormir tandis que le mur derrière lui était secoué par une déferlante de magie. Dans le même temps étaient arrivés d’autres personnes à qui il n’avait pas franchement eu le temps de réellement de faire attention. Tout bien réfléchi ce n’était peut-être pas son sort qui venait de faire s’écrouler Logan à terre. A regrets. Il s’en voulait, mais l’homme aurait été capable de faire d’autres victimes, et ça, ce n’était pas envisageable. Un des hommes avait posé une question, Dorofei haussa un peu les épaules, ne sachant pas franchement l’expliquer.

«Il a fait un bruit bizarre je suis venu voir et …. Il est devenu comme ça. La tuant.»

Comment exactement il n’en savait trop rien. Il avait l’esprit trop flou, lorsque l’homme avait eu une emprise sur lui. Et soudain, il se sentit de nouveau crevé. Il s’en voulait de ne pas pouvoir faire quelque chose d’autres, d’être aussi inutile pour Rivers, ou même pour les médecins, ne pouvant pas expliquer réellement plus ce qui c’était passé.

« Oui. Oui, ça va, merci.» souffla-t-il à une de ses collègues de la garde, d’une voix probablement plus fatiguée qu’il n’aurait dû.

Il avait du mal à quitter son ami des yeux écoutant à moitié le nouveau débat qui s’élever. Les contentions ne l’aideraient pas lorsqu’il se réveillerait. Cela risquait de le traumatiser surtout plus qu’autre chose de son point de vue, mais il n’était pas médecin. Il avait fini par obéir à celle qui lui avait demandé de partir, il avait fait quelques pas simplement lorsque qu’il remarqua enfin la présence d’Alec. Il préféra l’attendre au dehors, se rongeant nerveusement un ongle ce qui ne lui ressemblait pas spécialement. Il espérait que l’autre Rivers aurait plus de renseignements… et voir également comment est-ce qu’il allait voir son cousin après autant de temps ça ne devait pas être simple.
Et s’il trouvait Prune dans cet état ? il ferma les yeux quelques instants… à vrai dire jusqu’au moment où il entendit le pas d’Alec sortir de la chambre.

« Excuse-moi, tu as deux minutes à m’accorder ? ;.. et salut.»

Bon, il passera pour l’instant la question du « hey ça va comment mec ? », par ce qu’il se doutait que ce n’était pas franchement la joie, tout comme pour lui. Il n’avait pas non plus envie de le retarder s’il avait autre chose à faire. Il pouvait attendre.

Alec s’était précipité dès qu’il avait eu des nouvelles de Logan. Mâchoires fermées, regard affecté, lourdeur dans l’estomac et brûlure dans la poitrine étaient ses compagnes depuis deux jours. Il restait là, se contentant de rentrer pour prendre une douche et effectuer quelques heures au travail avant de revenir et d’attendre. Logan était prostré, refusait de lever les yeux vers lui ou qui que ce soit d’autre. Il n’était pas là. Du moins pas vraiment. Pourtant, il était en vie. A peine du moins. Son corps avait fondu, très amaigris, il était émacié et marqué par ce qu’il avait dû subir là-bas. Des cernes noires marquaient ses yeux. Certains de ses doigts avaient été sectionnés, sans parler des plaies béantes dans ses paumes et ses pieds. Des marques ocre et violacées marquaient son corps de toute part. Pourtant la garde ne cessait de tout faire pour le soigner au mieux mais certaines blessures mettraient un moment à être soignées. Le « serpent de feu » qui courrait sous sa peau avait été neutralisé, il ne restait plus qu’à enrailler la brûlure qui ne cessait de s’étendre. Il s’agissait d’un sort de magie noire particulièrement aboutit. Pas si simple à endiguer. Les plaies avaient été refermées, les os se ressoudaient doucement. Pourtant, pour cela, il fallait lui faire avaler les potions et ça n’était pas toujours chose aisée. Loin de là. Si Alec avait explosé au début, à l’heure actuelle, il était un peu comme son cousin : apathique.

Il avait tenté d’aller prendre des nouvelles de Kezabel mais s’était retrouvé face à une porte close. Ses seuls essais pour la voir s’étaient soldés par des échecs cuisants. Alors il avait apporté un petit cadeau par jour. Des trucs cons, souvent magique, généralement réconfortants. Il ferait ça même lorsqu’elle serait rentrée et jusqu’elle accepte de voir quelqu’un. Juste lui déposer, sans forcer. Juste indiquer qu’il était là.

Cette fois, Alec avait assisté à la scène, se précipitant pour voir Logan péter littéralement un boulon, agressant tout ce qui passait à proximité pour finalement se retrouver contraint par magie au calme. Sauf que ça n’était pas le meilleur plan qu’il soit. Alors, mâchoires serrées, voix un peu tremblante mais affirmée, il avait prit la décision qui s’imposait. Il le connaissait, Logan, contrairement à tous ces gens. Et la présence du monde tout autour de lui ne pouvait qu’être néfaste, surtout dans un tel moment. Il l’avait vu, il avait déjà été là lors de la première incarcération dans les cachots. Logan avait attaqué Aileen quand elle s’était approchée. Il n’avait plus supporté les visites et il avait fallu lui laisser du temps. Alors le contraindre au calme par magie ne pouvait être une bonne décision. Celle de Maxence il y avait quelques années semblait avoir été la bonne. Alors le jeune Rivers avait donné son autorisation, conscient que le coma artificiel serait sans doute une meilleure option pour la santé mentale de Logan. Les autres en seraient sans doute arrivés à cette conclusion également, mais dans tous les cas, ils avaient besoin de son autorisation pour ça. Autant prendre les devants.

Ils s’étaient donc mis à l’ouvrage tandis qu’Alec faisait demi-tour. Logan avait perdu conscience. Et lui… lui n’en pouvait plus d’être ici. Alors il n’osait pas imaginer l’état dans lequel pouvaient être les rescapés.

« Excuse-moi, tu as deux minutes à m’accorder ? ;.. et salut.»

On l’avait interpelé à sa sortie de la pièce. D’un œil morne mais nerveux, Alec avait reconnu Dorofei. Un Dorofei abîmé, épuisé, énucléé, mais Dorofei. On dit quoi à un mec qui avait subit de telles horreurs ? Il faudrait trouver. Si ça n’était pas pour lui, ce serait pour son cousin et son amie au moins.

« Salut… »

C’est un début.

« Ouais, j’ai tout le temps que tu veux. »

Il n’avait pas tout à fait intégré sa présence tout à l’heure, mais à présent, Alec se rendait compte qu’en effet, Dorofei était là bien avant lui et avait dû quitter les lieux entre temps. Il était son ami. Ou du moins, ce qui s’en rapprochait le plus, au même titre qu’Ismaelle ou Maxence. Pire encore, il avait été là bas. Au même moment. Leurs souffrances mutuelles exposées en spectacle. Une sordide exposition de la misère humaine. On lui avait raconté. Mais il n’arrivait pas réellement à réaliser.

« Comment… tu te sens ? Ils ont réussi à enrailler la douleur ? »

C’était tout ce qui lui était venu.

Il n’était pas certain que ce soit une bonne idée. Pas certain du tout même, mais il n’avait pas pu s’empêcher d’accoster Alec. Qu’est-ce qu’ils allaient bien pouvoir sérieusement se dire ? pas des banalités. A vrai dire, il ne savait plus trop pourquoi est-ce qu’il voulait lui parler, comme si, tout d’un coup il avait oublié le pourquoi du comment ? Ah oui, lui demander des informations sur Logan, savoir comment il allait…. Avoir un peu plus de renseignements ; C’était simple, mais au final, est-ce que c’était judicieux ? est-ce qu’il pouvait lui demander une telle chose ? Il se racla un peu la gorge, tandis que l’autre prenait finalement la parole, comme s’ils marchaient aussi bien l’un que l’autre sur des œufs.

[colo=tomato] « Salut…Ouais, j’ai tout le temps que tu veux. »[/color]

Lui aussi, en théorie avait tout le temps qu’il voulait, sauf qu’il se sentait toujours fatigué après cette rencontre avec l’ex directeur. Faible. Allez Doro, c’est le moment de dire quelque chose, c’est quand même toi qui l’a abordé le Rivers. Ce n’était pas compliqué de parler à un ami en plus, mais il avait l’impression, pour l’instant que ces choses simples étaient devenues beaucoup plus compliquées, comme s’il était un peu cassé. Et il détestait cette idée, même si c’était au final normal. Les traumatismes psychologiques, ça ne se contrôle pas, il n’y aurait que le temps qui pourrait l’aider.

« Comment… tu te sens ? Ils ont réussi à enrailler la douleur ? »
« Si on enlève cette foutue migraine qui ne passe pas et que je me sens déséquilibré, ça peut aller. » Pas forcément moralement, mais ça c’était encore autre chose, et il n’avait pas besoin de le préciser. C’était juste logique. « Pour ça, comme pour le reste, de toute manière, ça ne pourra qu’aller mieux avec le temps.»

Est-ce qu’il devait lui parler de Prune ? Par ce qu’au final, c’était plus ça qui le rongeait. Savoir qu’elle était en vie, peut-être en train de souffrir, ou totalement transformée. C’était tout ce qu’il craignait, le plus. Ça avait été sa hantise depuis sa disparition. Alors ses propos blessures cicatriseraient, d’une certaine manière probablement plus rapidement que pour Keza et Kim, l’entrainement d’Auror aidant. Il faudrait qu’il prenne le temps d’aller les voir ; ou pas. Là non plus, il n’était pas certain que ce soit une bonne idée. Le principal, c’était probablement qu’ils soient en vie, contrairement à d’autres de leurs collègues.
Dès qu’il le pourrait, dès qu’il sortirait il irait au QG. Ils allaient probablement tous devoir redoubler de vigilance. Clairement, les Supérieurs avaient utilisé une faille. Il ne fallait pas que cela puisse se reproduire. Il faudrait également probablement qu’ils voient si certains avaient pu apprendre des choses sur les méthodes des supérieurs : chaque personne faisait des interrogatoires de façons différentes et cela pouvait en dire long.
Dorofei se racla de nouveau la gorge.

« Ca ira. Je vais pouvoir retrouver mon fils et c’est tout ce qui m’importe. Ressasser le passé n’a jamais servi à rien, il faut qu’on aille de l’avant. Notre temps à tous est compté. Ils gagnent en force.» Il se tut quelques instants « Mais je voulais savoir comment Il allait, est-ce que tu as plus d’informations que ce que j’ai vu voir ou entendre ? »

La situation n’était pas simple à aborder, c’était clair. Ni l’un ni l’autre ne savaient vraiment quoi dire, mal à l’aise avec ce que vivait l’autre. Alec n’avait pas la moindre idée de comment aborder Dorofei, pour une fois qu’il s’en souciait. A vrai dire, il était épuisé de toute cette situation, de l’état dans lequel se trouvait son roc, de devoir prendre des décisions… il essayait de faire bonne mesure mais aurait aimé hurler un bon coup, se planquer dans un coin et simplement cesser de vivre tout ça. Mais à priori, ça n’était pas une solution envisageable. Alors il prenait les choses en main, tentait de parler distinctement et s’efforçait de  ne pas s’écrouler, prenant chaque jour sans réellement se poser de questions. Il fallait vivre, c’était tout. Il fallait avancer, un pas après l’autre, en espérant que le lendemain serait un peu moins merdique.

« Si on enlève cette foutue migraine qui ne passe pas et que je me sens déséquilibré, ça peut aller. »

Il doutait que ce soit tout mais ne fit pas plus de commentaires que cela.

« C’est plutôt une bonne chose je suppose. »

Quoi dire d’autre ? Ce qui lui était arrivé était affreux et Alec ne savait vraiment pas comment il faisait pour encaisser ainsi. Il ne savait pas dans quel état il aurait été si ça avait été lui sur cette fameuse estrade.  Alors Alec ne cessait de se dire que ça n’était pas lui. Qu’il devait se la fermer et encaisser. Encaisser l’état de son ami, l’état de son cousin et mentor. Encaisser, c’était tout. Ça n’était pas à lui de craquer. Pas à lui d’être injuste, d’être immature. Pour une fois, il devait prendre sur lui, c’était comme ça.

« Pour ça, comme pour le reste, de toute manière, ça ne pourra qu’aller mieux avec le temps.»

Hochement discret de tête.

« Oui… On va tous laisser faire le temps, il parait qu’il est le seul à guérir un tas de trucs celui-là. »

Que faire d’autre ? Il avait vu l’état de Logan. Il ne pouvait rester comme ça. Il devait récupérer, cesser d’avoir mal. La suite viendrait plus tard. Autre part sans doute. En tout cas, Alec ne l’imaginait vraiment pas rester ici, mais ça il s’en soucierait dans les jours qui viendraient.

« Ca ira. Je vais pouvoir retrouver mon fils et c’est tout ce qui m’importe. Ressasser le passé n’a jamais servi à rien, il faut qu’on aille de l’avant. Notre temps à tous est compté. Ils gagnent en force.»

Le jeune homme avait hoché de la tête, s’imprégnant de ces paroles. Il avait raison. Il devait intégrer tout ça.

« Mais je voulais savoir comment Il allait, est-ce que tu as plus d’informations que ce que j’ai vu voir ou entendre ? »

La question le surprit. Comme souvent de la part de Dorofei. Bien sûr, celui-ci était un ami de Logan, mais il semblait toujours attendre de lui qu’il sache des tas de choses. Choses qu’il ignorait intégralement.

« Comment veux-tu que j’en sache quoi que ce soit ? »

Ça, c’est abrupt, monsieur Alec qui se disait-il y a quelques instants qu’il devait être celui qui encaisse et ne pas agir comme un gamin capricieux. Un gamin blessé. Mais un gamin quand même.

« Pardon. Tu ne veux pas aller t’allonger ? T’as besoin de repos. Et moi… » Soupire « Moi j’ai besoin d’arrêter de voir du monde grouiller autour de cette putain de chambre morbide, ça me rend dingue. »

Il n’y avait rien à attendre pour l’instant de toute façon. Ils étaient en train de l’endormir pour lui faire des soins sans l’angoisser plus que ça. Il n’y avait aucune raison de rester là. A moins qu’il craigne qu’on s’en prenne à lui dans cet état. Mais il ne voulait pas penser à ça.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’étais un peu plus loin en train de discuter avec une magicomage quand j’ai entendu le bordel ? J’crois que tu en sais plus que moi sur le coup. Il s’est passé quelque chose pour qu’il pète un plomb comme ça ? »

Sans doute. Sans doute pas. Son esprit dérivait, alors c’était dur à dire.

« Il l’a vraiment tuée hein. J’ai pas regardé quand on l’a sortie de la pièce mais vu que t’étais dehors… »

Grognement.

« Ya déjà pas grand monde dans notre camp mais si en plus les blessés tuent les guerriers qui les sauvent et les mages qui les soignent on est foutus. »

Notre camp.

C’était sans doute une tentative d’humour assez vaseuse.

« C’est plutôt une bonne chose je suppose. »
 « Ouais, il faut croire.»

Positiver. Ne penser qu'aux bons côtés. Ne pas fléchir. Ne pas trop penser au passé, à ces quelques jours. Rester dans l'optique du futur, qu'il était en vie grâce à beaucoup de chance, grâce à Margo, à ses collègues. Les,douleurs physiques, psychiques passeraient. Il y avait plus grave. L'avenir du monde de la magie était en jeu. Comme lorsque Prune était encore là, il faisait passer son boulot avant le reste ; là il reproduisait sans réellement s'en rendre compte vu que c'était sa façon d'agir, intuitive, que c'était le monde qui primait avant ses propres blessures. Probablement qu'il y avait aussi une bonne part de déni là-dedans ; il y avait aussi son passif d'Auror qui aidait mais quand même. Un mélange, probablement qui lui exploserait tôt ou tard à la gueule. Un malaise qu'il ne montrerait à personne s'il surgissait comme ça. Mais il était en vie, c'était le principal, il sortirait d'ici dans quelques jours, devrait mener la vie la plus normale pour son fils, alors autant commencer ici. Et de toute manière, comme il le dit juste après, c'était surtout le temps qui serait son allié pour que tout se referme correctement.

« Oui… On va tous laisser faire le temps, il parait qu’il est le seul à guérir un tas de trucs celui-là. »
 « Seul l'avenir pourra le dire., effectivement. Alors je verrai bien, ce n'est pas comme si j'avais le choix.»

Il avait essayé de toujours rester positif dans la suite de ses propos, sauf en lui faisant clairement comprendre que pour lui, leur temps était compté. Ils devaient se battre, combattre se mal vite et bien avant qu'il ne continue à s'étendre comme un véritable fléau. Et finalement, il avait parlé de Logan. Probablement pas de la manière dont il fallait, probablement un peu trop maladroitement, mais on mettra ça sur le compte de la fatigue -etdelamauvaisefoie-.

« Comment veux-tu que j’en sache quoi que ce soit ? »

Il arqua un peu un sourcil -celui de son œil valide-, un peu perplexe. Ben, il demandait, il pouvait juste aussi dire non. C'était que bonne réponse, pas la peine de monter direct limite sur ses grands chevaux ! Il ne fit cependant aucun commentaire, se doutant que la scène à laquelle il venait d'assister l'avait chamboulé.

« Pardon. Tu ne veux pas aller t’allonger ? T’as besoin de repos. Et moi…Moi j’ai besoin d’arrêter de voir du monde grouiller autour de cette putain de chambre morbide, ça me rend dingue. »

Dorofei se contenta d'acquiescer bien sagement et de se tourner vers sa chambre, de commencer à aller vers cette dernière, lui faisant un geste pour que l'autre le suive s'il le souhaitait.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’étais un peu plus loin en train de discuter avec une magicomage quand j’ai entendu le bordel ? J’crois que tu en sais plus que moi sur le coup. Il s’est passé quelque chose pour qu’il pète un plomb comme ça ? Il l’a vraiment tuée hein. J’ai pas regardé quand on l’a sortie de la pièce mais vu que t’étais dehors…Ya déjà pas grand monde dans notre camp mais si en plus les blessés tuent les guerriers qui les sauvent et les mages qui les soignent on est foutus. »

Il espérait pouvoir se souvenir de tout. Mais il n'en était pas franchement certain. Il se passa une main sur le visage en essayant de trouver les mots les plus adéquats à cette situation. Il fallait croire qu'il n'y en avait pas vraiment, malheureusement.

 «J'ai entendu... disons un truc bizarre, je suis venu voir dans sa chambre du coup... et il... disons entrer dans ma tête. Tout est un peu flou à partir de là, mais je crois que la Médicomage est arrivée pour m'aider, l'aider, ou je ne sais quoi. Et il l'a tuée. Comment, je ne pourrai pas te dire, j'étais plus dans le flou qu'autre chose à ce moment-là, mais je crois, qu'il y a eu des craquements... et après vous êtes tous arrivés. » Il soupira doucement  « Il ne s'est réellement « rien », passé...»

Il aurait bien voulu répliquer quelque chose sur la dernière phrase, mais il ne savait pas trop quoi. Il ouvrit la porte de sa propre chambre.

 « Tu veux rentrer et te poser un peu-là ou pas du tout ? Ca ne me gêne pas, ne t'inquiètes pas, si je te le propose tu peux.»

« Seul l'avenir pourra le dire., effectivement. Alors je verrai bien, ce n'est pas comme si j'avais le choix.»

Non, en effet. Alec n’avait rien dit. Ils en étaient tous là, certains plus que d’autres, à attendre que le temps fasse son œuvre. A vrai dire, il ne savait pas réellement ce qu’il aurait pu dire. Il aurait dû trouver des choses rassurantes et positives à dire, mais sincèrement, là il n’en avait pas. Il était dans l’angoisse, dans la peur, dans la peine. Il n’avait pas cette capacité à se dire « le monde a besoin de moi, le reste peut attendre ». Peut-être était-ce parce que ça n’était pas lui qui était touché. Dorofei serait-il à ce point capable de faire face s’il s’agissait de sa femme ? Si son fils était allongé dans ce lit, totalement hagard, au bord de la folie ? A vrai dire, Logan avait sans doute déjà atteint la folie. Il l’avait perdu. Il était déjà perdu. Une boule de rage et de sanglots s’était formée dans la gorge d’Alec à cette pensée, tentant comme il le pouvait de repousser tout ça. D’envoyer la peine et l’angoisse au plus loin possible. Mais il n’en était pas capable. A fleur de peau, blessé, épuisé, angoissé, il était tantôt dur, tantôt apathique, sentant qu’il ne se maîtrisait qu’à grand peine. Alors il s’était repris face à Dorofei, s’excusant pour son comportement.

Non, il n’avait pas d’infos. Il n’était pas là. Il n’était informé de rien de la part de la Garde. Lui, il était le connard qui attendait de voir. L’abruti qui regardait son cousin sombrer sans rien pouvoir faire, le pauvre sire qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils avaient vécu et qui tentait simplement… d’empêcher les autres de se noyer. Il avait l’impression qu’il était face à un barrage brisé de partout et qu’il était comme un con à tenter de combler quelques petites brèches avec ses doigts tandis que l’ensemble de l’édifice se fracturait autour de lui et que dans quelques instants, il allait être importé avec les blocs de ciment, englouti dans les ombres.

«J'ai entendu... disons un truc bizarre, je suis venu voir dans sa chambre du coup... et il... disons entrer dans ma tête. Tout est un peu flou à partir de là, mais je crois que la Médicomage est arrivée pour m'aider, l'aider, ou je ne sais quoi. Et il l'a tuée. Comment, je ne pourrai pas te dire, j'étais plus dans le flou qu'autre chose à ce moment-là, mais je crois, qu'il y a eu des craquements... et après vous êtes tous arrivés. Il ne s'est réellement « rien », passé...»

Retour de la boule qui lui nouait la gorge.

« Ouais… Logan est légimen. C’est pour ça qu’il évite les autres. Il le maîtrise globalement, sauf quand… bah. Son esprit vacille. Quand il est emporté par ses émotions. »

La suite lui avait arraché la gorge.

« Et là je doute qu’il soit encore là pour gérer quoi que ce soit. »

Il avait dû fermer les paupières une seconde de trop car il lui avait semblé que le monde tournait, ne s’arrêtant que lorsque la voix de Dorofei s’était de nouveau élevée, l’arrachant à cette impression étrange de flottement.

« Tu veux rentrer et te poser un peu-là ou pas du tout ? Ca ne me gêne pas, ne t'inquiètes pas, si je te le propose tu peux.»
« Ouais… ok. Tant que tu vas t’allonger toi. T’en as plus besoin que moi. »

Il commençait à le connaître, le loustic. S’il était debout et avait débarqué dans la chambre de Logan, ça n’était sans doute pas pour rien. Mais il devait récupérer, ça se lisait sur son visage. Il ne l’admettrait pourtant sans doute pas, cédant au besoin de bouger. Alors Alec avait fini par lui désigner le lit d’un coup de tête, l’air de dire « je déconne pas : couché ! », avant de s’assoir sur une petite chaise, les avants bras sur les genoux, la tête vers le bas, mâchoire serrée. Il avait inspiré à fond avant de se redresser, balançant son crâne en arrière quelques secondes.

« J’suis tenu informé de rien. Je sais pas ce que vous avez vécu là-bas. Je sais pas ce qu’il lui est arrivé, je sais pas comment vous êtes sortis de là. Même Sovahnn qui est sortie n’a pas réellement voulu me donner de détails. J’crois qu’elle a envie d’éloigner tout ça d’elle, ce que je comprends mais… Kezabel est mon amie, Logan mon cousin, voire sans doute largement plus que ça et… »

Inspiration, expiration.

« J’en peux plus d’être qu’un connard inutile là. Désolé, t’a pas à subir mes états d’âme. »

Dorofei avait finalement essayé de lui expliquer ce qui s’était passé dans la chambre, aussi simplement que possible. Le souci, c’est qu’au final, il n’avait pas vu grand-chose bien trop pris dans cet étau provoqué par Rivers. Il avait plus subi qu’autre chose. Clairement.

« Ouais… Logan est légimen. C’est pour ça qu’il évite les autres. Il le maîtrise globalement, sauf quand… bah. Son esprit vacille. Quand il est emporté par ses émotions. Et là je doute qu’il soit encore là pour gérer quoi que ce soit.  »

Il avait failli répliquer qu’il avait bien compris ce qu’il était, mais à quoi bon ? Vu l’état du garçon face à lui, il préférait ne pas trop commenter et ne savait pas quoi dire de toute manière. Il n’avait pas envie de faire une quelconque gaffe ! Il avait donc préféré laisser le truc couler, de peur de se montrer trop maladroit, trop empathique ou pas assez, et il fallait bien avoué qu’il avait un peu trop crevé pour assumer une quelconque conséquence !

« Ouais… ok. Tant que tu vas t’allonger toi. T’en as plus besoin que moi. »
« Ouais, ouais, compris, Doro va faire cou-couche panier !»

Malgré tout, il y retourna dans son lit et c’est vrai, même s’il ne l’avouerait pas par ce que ça avait tendance à l’agacer, qu’il était bien mieux allongé ! Pour un peu, il lui aurait répliqué un petit « niahniahniahn », mais il se rappela qu’à son âge on devait éviter de faire ce genre de chose, ça c’était plutôt de l’âge de son gamin ! Pour le coup, le garçon s’était mis à fixer le plafond, néanmoins attentif à ce que disait son interlocuteur, c’était juste une position un brin plus confortable pour lui !

« J’suis tenu informé de rien. Je sais pas ce que vous avez vécu là-bas. Je sais pas ce qu’il lui est arrivé, je sais pas comment vous êtes sortis de là. Même Sovahnn qui est sortie n’a pas réellement voulu me donner de détails. J’crois qu’elle a envie d’éloigner tout ça d’elle, ce que je comprends mais… Kezabel est mon amie, Logan mon cousin, voire sans doute largement plus que ça et…  J’en peux plus d’être qu’un connard inutile là. Désolé, t’a pas à subir mes états d’âme. »

Non, il ne tenait pas spécialement à lui raconter ce qui était arrivé. C’était probablement mieux pour Rivers. Cela ne servait à rien de parler de ce genre de choses, des horreurs. Lui donner plus de haine ? Plus de rancœur ? A quoi bon ? Il n’en tirerait rien de bon, selon lui. Il devait savoir le minimum. Il se passa une main dans les cheveux avant de reprendre la parole. Il ne savait sincèrement pas quoi répondre à cela ... à part que réfléchir lui donnait encore plus mal au crane !

« T’excuses pas, je peux comprendre.. . mais j’avoue que… que je ne sais pas trop quoi te répondre. Je ne suis pas certain d’être d’un grand réconfort là.  Et tu n’es pas inutile, Alec. Tu ne pouvais rien faire, ni pour Kezabel, ni pour ton cousin ; qu’est-ce que tu aurais pu faire qui aurait pu changer réellement les choses ? Rien. Alors ne te sous-estime, s’il te plait !»

« Ouais, ouais, compris, Doro va faire cou-couche panier !»

C’était tellement sorti de nulle part qu’Alec avait lâché un petit rire amusé.

« C’est un peu ça oui j’avoue. »

Mais Dorofei avait besoin de se reposer. Alec n’avait pas tous les détails, mais de ce qu’il avait entendu et de ce qu’il voyait, l’auror avait réellement besoin de se poser, même si de rester immobile était insupportable. Il le comprenait, il était pareil. Incapable de rester immobile à prendre soin de loin. D’autant que pour le coup, Alec n’avait pas tout à fait été élevé dans une ambiance lui permettant de s’écouter et d’apprendre à se laisser le temps de se remettre des coups. Non, il fallait faire comme si tout allait bien et serrer les dents, respirer un grand coup et passer à autre chose. Alors ça n’était simplement pas dans son ADN (inné, acquis, la joueuse grince des dents mais disons que c’est juste une expression).

Le jeune homme était épuisé. Par l’état de ses proches, par les jours d’angoisse, par les décès, par tout ce qui restait en suspens. Par un peu tout à vrai dire. Et surtout par cette sensation affreuse d’avoir perdu son seul guide. La seule personne sur qui il acceptait réellement de se reposer. La seule pour qui il ne pouvait strictement rien faire. Dorofei était son ami. Ils avaient subi l’horreur ensemble… Mais manifestement, il n’avait pas décidé d’en dire plus.

« T’excuses pas, je peux comprendre.. . mais j’avoue que… que je ne sais pas trop quoi te répondre. Je ne suis pas certain d’être d’un grand réconfort là.  Et tu n’es pas inutile, Alec. Tu ne pouvais rien faire, ni pour Kezabel, ni pour ton cousin ; qu’est-ce que tu aurais pu faire qui aurait pu changer réellement les choses ? Rien. Alors ne te sous-estime, s’il te plait !»
« Hm… c’est pourtant exactement la définition de l’inutilité. »

Il était inutile, c’était un fait. Il n’y avait rien qu’il puisse faire et rien qu’il aurait pu faire pour améliorer la situation. Le savoir n’abaissait pas sa frustration. Il s’agissait là d’une ancienne blessure, d’un ancien démon qui revenait le blesser à présent, toujours aussi brutal lorsqu’il apparaissait. Logan et Kezabel n’étaient pas les premiers pour qui il n’avait rien pu faire.

Inspiration, expiration. Pourtant, ces quelques mots lui avaient fait un peu de bien.

« Enfin bref, si je résume, je ne sais pas ce qu’il s’est passé et je ne saurais pas, j’avancerai donc complètement à l’aveuglette si d’aventure mon cousin rouvre les yeux et est de nouveau conscient un jour. Niquel. »

Amertume ? Oui, sans doute. Et oui, il ne devrait pas la sortir sur Dorofei, mais celui-ci était sa dernière carte pour en savoir plus.

« Mais je comprends que tu ne veuille pas en parler ; vraiment. »

Inspiration. Alec s’était relevé de sa chaise, offrant un petit sourire à l’auror.

« Essaye de te reposer. C’est lourd ce que tu as vécu et même si c’est insupportable de rester immobile et de prendre soin de soi, tu en as besoin et ton fils aura besoin que tu ais pris ce moment là juste pour toi. »

Parfois, on ne s’en rend pas compte, et ce qu’on a vécu ressort sur les gamins, Alec était bien placé pour le savoir. Alors oui, en tant que papa, et même s’il avait hâte de sortir et de le retrouver, Dorofei ferait mieux de profiter de ce temps pour lui.

« T’façon t’es bloqué là alors bon… coincé pour coincé... »

Il lui avait offert un clin d’œil avant d’amorcer sa sortie de la pièce.

« Autant mettre ce temps à profit non ? Bon courage Dorofei. »

« C’est un peu ça oui j’avoue. »

Ouais, ça il l’avait bien compris. Soit, il irait se coucher, se reposer. Il essayait néanmoins avec les moyens du bord, avec sa cervelle à moitié en bouilli de rassurer l’autre garçon mais ce n’était pas évident ; probablement par ce que lui était plus du genre fonceur, à tenter se relever que d’être diplomate, même si dans certaines occasions il pouvait l’être. Là, il ne se sentait pas franchement le courage de faire ce genre de choses, il essayait néanmoins.

« Hm… c’est pourtant exactement la définition de l’inutilité. »
« Non, par ce que tu aurais fais quelque chose, si tu avais pu, c’est là toute la différence. »

Ou pas.

« Enfin bref, si je résume, je ne sais pas ce qu’il s’est passé et je ne saurais pas, j’avancerai donc complètement à l’aveuglette si d’aventure mon cousin rouvre les yeux et est de nouveau conscient un jour. Niquel. Mais je comprends que tu ne veuille pas en parler ; vraiment. »

Non, effectivement, il n’avait pas envie d’en parler mais surtout personne n’avait probablement vécu la même chose. C’était donc un peu compliqué ; Est-ce qu’il aurait voulu l’aider ? Oui, mais pas en expliquant ce qui s’était passé. Pas avec Alec. Ni probablement avec la plupart des personnes de cette terre.

« Essaye de te reposer. C’est lourd ce que tu as vécu et même si c’est insupportable de rester immobile et de prendre soin de soi, tu en as besoin et ton fils aura besoin que tu ais pris ce moment là juste pour toi. T’façon t’es bloqué là alors bon… coincé pour coincé…. Autant mettre ce temps à profit non ? Bon courage Dorofei. »

Mouais. Là encore il n’était pas franchement certain de lui. Comment est-ce qu’il pouvait prendre ce temps pour lui, alors qu’il était inquiet pour son fils, qu’il ne faisait que penser à Prune ? Alors qu’il savait que chaque jour les Supérieurs gagnaient en puissance. Comment est-ce qu’il pouvait agir pour aider les autres Gardiens ? Pour essayer d’enrayer ces foutus Supérieurs, pour éviter que plus de gamins tombent dans leur cause. Il ne pouvait pas juste rester là à se reposer, son esprit bouillonait trop, mais il ne pouvait pas non plus répliquer ça à son interlocuteur. Alors il se contenta de lever un peu sa main en signe d’aurevoir.

« A plus ! alec, merci de cette …. Disons petite visite, et toi aussi va te reposer ! A la prochaine.»

Parce qu’ils se reverraient, c’était certain. Bientôt probablement. Maintenant que Logan était dehors, maintenant qu’ils avaient plus de choses en commun. Il se passa une main dans les cheveux et essaya de fermer l’œil pour se reposer, pour se déconnecter, mais il restait quand même encore et toujours beaucoup trop agité !