Bleeding heart - one shot

Elle était là. Il y avait quelques instants, il aurait pu sentir la chaleur de sa peau, son odeur et même entendre son rire. Elle et son regard pétillant. Oui, il avait beaucoup ouvrir ses paupières et planter son regard sur le plafond sombre, loin d’elle, isolé de tout ce qui avait pu faire qu’ils étaient ensemble ; il avait beau être là, si loin, pourtant il lui semblait qu’elle était bien là la seconde précédente. Tremblant, il s’était retourné, sentant le vide sous son corps tandis qu’il se tendait totalement pour rattraper le dossier du canapé. Ouais, un sofa, comme dans la salle commune. Pourtant, il n’était ni là bas ni dans l’hôtel où ils avaient passé l’été. Tout ça, c’était passé. Les soirées bourrées de fou rire, enveloppés l’un contre l’autre auprès du feu. Tout ça n’existerait plus jamais. Sa main dans la sienne, la sensation grisante de sa peau qui glissait contre lui. La profondeur de ses yeux gris. La chaleur de sa voix.

« Putain… »

Lâchant un grognement, le jeune homme avait voulu se redresser mais déjà, le chiot lui sautait dessus, tout heureux de voir que l’humain était déjà réveillé. Cette petite boule de poils ravie qui lui plantait ses pattes dans le torse n’avait finalement fait que déclencher ces larmes, ces putains de larmes qui restaient bloquées en lui depuis des semaines, des mois. Enfouissant son visage dans la fourrure du petit loup qui se calma immédiatement, conscient que quelque chose clochait. Le petit animal restait contre lui tandis que Takuma, lui, repartait loin en arrière, enlaçant tout ce qu’il avait pu prendre, embrassant ses démons, ses abandons, ses erreurs. Ses fantômes. Son fantôme. Ce fantôme merveilleux aux cheveux couleur de blé qui lui manquait à lui donner l’impression de ne plus pouvoir respirer. Il n’avait pas de nouvelles malgré tout ce qu’il avait pu faire pour renouer le contact.

La jeune femme avait besoin de se reconstruire, ça, il pouvait le comprendre. Pourtant, en parallèle, il lui semblait que, lui, se déconstruisait. Ou bien était-ce juste cet instant de désespoir, de solitude immense qui passerait bien à un moment donné. Ce moment où la peine est tellement forte qu’on ne sait pas si on pourra s’en remettre un jour. Comme si ce vide, cette douleur impossible qui vous étreint la poitrine ne pouvait que vous aspirer, comme un trou noir qui ferait s’écrouler l’univers de l’intérieur.

Son univers à lui, c’était elle. Et elle n’était plus là. Elle ne reviendrait pas.

Le souffle court et les dents serrées, il s’était redressé, faisant glisser le chiot sur ses jambes tandis que penché en avant, il laissait couler ses lourdes larmes dans les poils du petit animal. Heureusement qu’il était là ce petit.

La crise avait fini par passer. Inspirant à fond, soufflant de même, Takuma s’était redressé paupières closes, tête rabattue en arrière.

« Bordel… »

Ça faisait beaucoup de gros mots. Sans doute trop. Trop comme cette envie d’oublie, d’alcool ou de poudre, qui bouffait ses entrailles.

Le chiot redressa la tête, lui léchant les joues avec sa bouille de petit père préoccupé par les émotions de son maitre. Peut-être inventait-il tout ça ? C’était possible, bien sûr, mais cette impression lui faisait du bien. L’impression que quelqu’un était là pour lui, pour s’inquiéter de ses souffrances. Pour les boire aussi peut-être. Torse nu, le jeune homme était allé se reposer à la fenêtre, le regard perdu dans les ombres de la nuit, inspirant à fond la fraicheur de la nuit pour s’emplir de son calme afin de retrouver sa sérénité. Il la lui fallait pour continuer. Pour avancer.