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I'm going nowhere like a rat trapped in a maze ▬ Maxence

 :: Autour du monde :: Grande Bretagne :: — Angleterre :: — Logement de Fenella A. Monarvant
Ven 29 Déc 2023 - 16:03

Vendredi 10 Février 2017

Yeah, I struggle with this bullshit every day and it's probably 'cause my demons simultaneously rage. It obliterates me, disintegrates me, annihilates me 'Cause I'm about to break down.
Falling in reverse

Les poumons pleins d’air et les yeux clos, il n’y a qu’ici que les angoisses et la rage se taisent. Quand le monde au-dessus de la surface disparait pour laisser place à celui du silence j’oublie tout, comme un sentiment d’apesanteur qui rend le corps tellement moins lourd. La tête aussi, surtout.
Là-haut sur la terre ferme je ne sais plus qui être, comment faire, quoi dire. Esquiver les autres ne pourra pas durer éternellement, m’échapper de moi-même non plus, les seuls pour qui j’arrive encore à m’accrocher ont quatre pattes et dépendent entièrement de moi. Plus la force de rien, plus l’envie, ni de manger ni de dormir, encore moins de parler. Je me tape des phases pendant lesquelles je fixe le vide le temps d’interminables minutes, dès que je fous un pied dehors le monde m’agresse. Demain la lune sera pleine, mon cerveau trop plein n’a pas réussi à se décider sur l’endroit où je la passerai et … Je m’en fous. De ça comme du reste.
Assis au fond de la piscine je distingue la silhouette de Wax à la surface et devine son inquiétude, lui comme Lune ne me quittent plus depuis des jours. Le boulot, la fac, je sauve les meubles, bosse de la maison, assure que ça va quand on me pose la question. Teint cireux comme si j’avais pas vu la lumière du jour depuis des semaines, le ventre vide mais la tête trop pleine, je range la baraque d’un coup de baguette et regarde mes planches sans y toucher. Ça non plus, pas envie.

Une minute.
Deux.
Trois puis quatre.

Ça aboie en surface mais je n’ai pas envie de remonter. Ou simplement pour disparaitre dans les profondeurs de l’océan, une branchiflore coincée sous la langue pour être sûr de pouvoir y rester le plus longtemps possible.
Plus de Loup, plus vraiment d’humain non plus, coquille vide ou trop pleine je ne sais plus quoi foutre de moi.

Ce soir je n’aurai plus le choix, je compte les heures, ça devrait se faire le cœur en branle et le sourire aux lèvres. La vérité c’est que mon taux de cortisol est à son maximum. Je vais lui dire quoi ?

J’y arrive plus, c’est aussi simple que ça. A être fonctionnel, à ne pas essayer de me planquer. Le pire c’est que je ne sais même pas pourquoi j’agis comme ça. L’impression tenace que tout m’échappe m’asphyxie, mon rythme cardiaque est en permanence trop élevé. Mon cerveau m’envoie ce message : Tu vas claquer.

Et puis parfois, l’élétrochoc. Celui qui me fait remonter à la surface en poussant sur mes pieds jusqu’à retrouver l’oxygène qui commençait à manquer. Et mon chien, dansant d’une passe sur l’autre, éponge à émotions « J’suis là. » Les deux coudes sur le bord je noie une main dans son pelage et accepte l’inspection, sa truffe passe partout sur ma peau, appuie à certains endroits « Désolé. » Einstein s’y met aussi, ça me tire un sourire.

Dans ces moments-là la frustration est une lame chauffée à blanc.

I just want to feel ok.


Et puis il y a ceux où je ne contrôle plus rien, qui me font réagir impulsivement et surtout sans la moindre trace de rationalité. L’heure qui tourne, l’orage qui gronde, la fuite que je prends. L’égo en vrac j’ai plus grand-chose du mec qui gère ou de l’Apex prédateur, ça me fout dans des états que je ne gère pas. Entre l’envie de chialer et celle de tout détruire. J’me suis barré comme un lâche en sachant que d’ici moins d’une demi-heure il serait là, un truc totalement injuste pour lui et complètement con pour moi.

Mais voilà, j’ai peur.
Et ça ne s’en va pas.

De lui, des autres, de tous ceux qui pourraient voir clair en moi et me dire des trucs que j’suis visiblement pas prêt à entendre.

J’sais même pas comment je suis arrivé jusqu’ici, assis par terre dans le foin au fond d’une grange, le chanfrein d’un Sombral contre l’épaule. Dos et l'arrière du crane contre le bois derrière moi, une jambe étendue et l’autre repliée, le regard posé sur une des poutres de la charpente.
Nyx. Sa respiration et les bruits provoqués par des rongeurs partout autour sont les seules choses sur lesquelles je me focalise.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Sam 6 Jan 2024 - 14:06
Le regard droit, l’esprit chaloupé. Ça tangue. J’ai vu le branle-bas de combat, le regard de Néo, grave et dur, le mouvement général : quelque chose se passe. Quoi, j’en sais rien, et je ne le saurai pas, c’est établi. Mais les mains encore recouvertes du sang d’un patient, j’ai l’esprit en bascule. Vers l’ouverture qui se referme quelques semaines plus tôt et Jane qui fait exploser les briques pour nous libérer de là. Vers Néo, cendreuse, les soubresauts de son corps au bloc, la sueur sur son front, sa nonchalance au réveil et les risques qu’elle encoure sans jamais l’avoir évoqué. L’incompréhension de son coloc. Et puis les morts, les urgences récentes. C’est une chose d’intervenir sur le terrain, de faire le piquet en attendant que tombent les membres de la Garde ou les lycans raflés par le gouvernement ou attaquant aléatoirement la ville… c’est différent quand on attrape ici et là au passage l’implication de ceux qui appartiennent à d’autres sphères.
J’aurais peut être dû aller le voir. Ça n’a jamais marché comme ça, je le sais, je respecte son espace et je sais qui il est et ce qu’il est capable de gérer. Seul, souvent. Du moins qu’importe combien gravitent autour de soi, à un moment, on l’est forcément. Pour gérer les morts, ses actes, sa culpabilité.
Donc ça bascule. Par peur de ce qui arrive. Par conscience du passé aussi. Vers les chocs des combats, les patients perdus, les gamins enterrés, les absents, les décisions prises et les moments où les épaules s’affaissent un peu trop.

- Tu sais ce qu’il se passe ?
- Rien de bon.

Un regard en arrière et je reviens au présent.

- Constantes stables. Ça ira. Je recule, passe un bras sur mon front et inspire profondément. Encore une que la faucheuse ne prendra pas ce soir. Chaque vie gagnée est une victoire, le reste n’a rien d’une défaite : voilà un mantra sur lequel j’ai basé mon existence.
Pourtant l’espace d’un moment, ma poitrine se serre et je n’ai ni envie de rentrer où que ce soit, ni l’aspiration à prolonger mes nuits de garde. Pas plus qu’à savoir quelle merde est en cours. J’envisage de proposer à Jane un verre. De sortir avec Sanae. D’appeler Niall. Mais tout rejoint la Garde et je devine qu’au moins la première sera impliquée dans la gestion de crise.
Alors je me contente de m’assurer qu’il n’y a besoin d’aucun renfort et une fois fait, j’accepte de rentrer chez moi, épuisé par mes propres heures trop longues, mon besoin de manger quelque chose et de m’affaler quelque part.
C’est seulement là-bas, une fois de retour dans le calme de la maison de campagne de Fenella aux faux airs de refuges que je me rends compte ne pas avoir pensé à attendre Néo. Elle aussi, est de gestion de crise, bien sûr, mais ma réaction dépasse ça et je le sais. Un manque de confiance, la lâcheté quant aux conversations qu’on devrait avoir et qu’on esquive, la paresse de l’y confronter. Et l’angoisse, dévorante, qu’il y a derrière tout ça.

Un soupire fend l’air qui cristallise et forme des volutes rapidement envolées au loin. Dissoutes par mes pas lorsque j’avance dans les allées extérieures. La maison est calme au loin, les granges et les enclos bruissent du quotidien de leurs occupants. De la même manière que le reste, je pourrais rechercher la compagnie de Fenella mais je n’en fais rien.
La présence animale n’a jamais été quelque chose qui m’est propre. Elle est reliée aux amitiés, à une forme de stabilité tendre dans ma vie. Via Isma, Nella, Enzo aussi, Sovahnn dans une certaine mesure. J’y retrouve les moments passés près des enclos à Poudlard, avec les jeunes, à prolonger les moments entre amis.
C’est peut être là-bas que je devrais aller. Non pas à Poudlard bien sûr, mais chez Isma. Ça fait longtemps et parfois on a besoin d’amis. Se sortir la gueule de ce qui ne va pas. Parler d’autre chose.

J’aurais pu aller n’importe où ailleurs. J’aurais pu déroger à mon habituel tour des box. J’aurais pu aller partager une bière avec un ami, traverser le globe ou esquiver un certain coloc pour attendre retour et explications de Néo ou juste rester à l’hôpital de la Garde pour de nouvelles heures d’interventions, ou aux côtés de l’équipe de Jane malgré ma fatigue. J’aurais même pu, qui sait, contacter une certaine amie pour sortir de nouveau et oublier jusqu’à la pleine lune demain et l’inquiétude latente des possibles conséquences à venir.
J’aurais pu. Mais j’ai vérifié les box.

Et dans l’un d’eux, pas n’importe lequel, une ombre est assise. Presque recroquevillée. La carrure, les circonstances, Nyx. Beaucoup d’indices pour peu de déductions. Quelque chose se serre à l’intérieur.

Ouais. Parfois on a besoin d’un ami. Quand tout bascule et qu’on manque d’air.

Nyx lève le museau vers moi et sa peau sombre frémis quand ses prunelles luisent de quelque chose que je ne saurais interpréter. Je sais, pourtant. A ma façon, d’une manière obscure et incertaine. Un élan commun, similaire, qui la pousse, elle, à donner un petit coup sur l’épaule de l’humain et moi, à le rejoindre sans un mot. Je m’assois de l’autre côté. Pas si proche qu’elle, mais l’envie y est.
Il tient tout ce qu’il peut, mais dans le fond, c’est un gosse fracturé. Parfois je me demande qui ne l’est pas. Et en vérité ça n’a pas d’importance. Là tout de suite, c’est lui qui en a.

“Parfois je me demande dans quel monde on vit, quand j’interroge le vide pour savoir quand ceux qui ne devraient être que des gosses finiront par craquer.” Je ne le regarde pas tout à fait. De biais, tourné vers Nyx davantage que sur lui. Je l’entends encore, cette voix qui résonne au loin. “C’est ce que m’a dit ma mère, la première fois que je suis rentré du front.” La première fois que j’ai tant manqué d’air que ça a fini par se voir.

J’aimerai qu’elle soit là. J’aimerai que la tienne le soit aussi. J’aimerai que tu ne sois pas dans cet état. Mais j’suis content que tu sois là.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Mer 24 Jan 2024 - 17:04
Acte manqué.

C’est le terme qui vient se promener dans ma tête alors que j’entends les pas glisser sur le sol de la grange. Je ne m’attendais à rien, à personne, l’esprit complètement déconnecté j’ai simplement agis mais l’inconscient à fait son boulot. J’aurai pu atterrir dans bien des endroits qui auraient sans doute fait plus de sens mais c’est ici que j’ai échoué. Là où les repères sont suffisamment présents sans être une évidence. Là où la distance est juste ce qu’il faut pour un entre deux essentiel.
Pas besoin d’ouvrir les yeux pour savoir qui s’avance jusqu’à poser le regard sur moi. Sa respiration est tout aussi suffisante pour capter l’absence de surprise dans ce qui émane de lui. Non, il n’est pas réellement surpris de me trouver là.

Ça me serre le bide, ce même pincement qu’on ressent après avoir retenu ses larmes jusqu’à craquer parce que la personne en face apporte la sécurité nécessaire pour ouvrir le barrage. J’en suis pas là, pas encore, mais ça me fait serrer les poings comme les paupières. Je cherche un truc pour détourner mon attention, la focalise sur Nyx qui me pousse une nouvelle fois l’épaule de son chanfrein.
J’ai toujours pas ouvert les yeux quand je perçois sa présence plus franche, plus proche. Le froissement de la litière de paille m’apporte toutes les info dont je peux avoir besoin, je me fais la projection de ce qui se passe derrière mes paupières closes. Ça brûle. J’suis fatigué, tellement fatigué.

Rien que je ne connaisse pas déjà, pourtant.

« Parfois je me demande dans quel monde on vit, quand j’interroge le vide pour savoir quand ceux qui ne devraient être que des gosses finiront par craquer. »

Je me racle la gorge puis fronce les sourcils, me redresse un peu dans un enchaînement de réflexes plus physiologiques qu’autre chose. Dans ces moments là le corps prend le relais, si le cerveau continue de fonctionner c’est non sans laisser un peu de répit à l’esprit. Ses mots me parviennent de manière abstraite, ils sont pourtant on ne peut plus clairs. Un soupir, j’ouvre les yeux, croise son regard. Entre mes doigts quelques brins de paille, entre mes incisives ma lèvre inférieure « C’est ce que m’a dit ma mère, la première fois que je suis rentré du front. » Si je la relâche et quitte ce geste imprimé de nervosité c’est uniquement pour ravaler ma salive, percuté de plein fouet pour des tas de raison.
Il y a des choses qu’on oublie quand on se centre sur soi même, quand le quotidien est tellement chaotique qu’on n’a pas vraiment d’autre choix que de faire le tri. Son passé dans l’armée en fait partie, ça me fait la même chose pour Isma, pour Owen aussi. Peut être parce que je ne les ai pas connu à cette époque là, qu’ils sont avant tout des figures presque familiales pour moi. Ils ne sont même plus vraiment des prof, ou de ceux qui pansaient nos plaies entre les murs de Poudlard. Le décor a changé, d’un il est devenu multiple. Benjamin c’est différent, je ne l’ai pas connu autrement que ce qu’il est pour moi aujourd’hui alors son statut de militaire est sans doute mieux intégré. Si je pense à lui là tout de suite c’est parce que c’est la deuxième fois qu’on me fait se parallèle avec un retour du front. La première, c’était lui. Pas longtemps après qu’on m’ait diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique.

Tu crois que tu t’en sors, tu relèves suffisamment la tête pour en avoir l’impression mais encore une fois tu te fracasses. Je ne rejetterai pas ma part de responsabilité dans tout ça, j’ai fait des choix. Je crois que je me suis cru plus fort que je ne le suis.

J’suis pas un soldat … Un truc que j’ai pas arrêté de répéter et pourtant c’est droit dans la guerre que j’ai plongé. Mélange d’égoïsme et d’altruisme, y en a toujours qui souffre et qui tremble pendant que tu vas en sauver d’autre. Tenter de le faire en tout cas.

Le regard dans le vide je ne sais pas vraiment ce que j’y cherche, conscient que ça sera pas la solution qui pourrait stopper le tourbillon dans mon crane « J’savais pas où aller. » Pas totalement vrai, pas entièrement faux. J’savais où je ne voulais pas aller, là où je ne pouvais pas rester. J'crois que ça sonne un peu comme des excuses, d'avoir débarqué comme ça.
D’un soupir à un autre je baisse la tête « J’savais juste que j’pouvais pas leur faire face. » La pudeur, la honte, la lâcheté … J’arrive pas vraiment à défaire le nœuds qui tient sans doute tout ça ensemble.

Leur avouer que j’suis plus foutu de matérialiser correctement un Patronus c’est admettre que j’suis retombé au ras du sol.

« Si j’te dis que les seuls moments où je me sens en paix c’est quand j’ai la tête sous l’eau, à ton avis ça craint ? » Un genou remonté un peu plus haut, une main dans les cheveux, crane contre le bois je lâche un rire bref. Un truc qui transpire les nerfs à vif et l’angoisse, qui entremêle les émotions sans réussir à calmer leur course. Amertume, colère, peur … De la tristesse aussi sans doute. Une culpabilité étouffante, une frustration qui ronge les os.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Sam 3 Fév 2024 - 12:02
Les yeux ouverts, ne trouve pas l'sommeil, dans le lit tourne tout l'temps
Les phares des voitures balayent le plafond de leurs ombres dansantes
La nuit étouffe, la chaleur est lourde, l'orage est en suspens
Où sont les rêves, où sont nos rêves d'enfants ?

Gaël Faye

La surprise, ce sera pour plus tard. Pour un gosse qui ne se fait pas broyer jours après jours et qui ne prend pas la charge de responsabilités qui ne sont pas les siennes. Ailleurs, dans une vie plus posée, loin des horreurs, on parlerait de profil à burn-out. Ceux qui ne lâchent jamais rien. Qui prennent sur eux. Qui avancent, sans cesse, malgré tout. Ceux qu’on dit résilients.
Il n’ouvre pas les yeux, ne se retourne pas vers Maxence. Et pourtant ses poings et ses paupières se pressent comme s’ils pouvaient retenir tout ce qu’il garde à l’intérieur et l’empêcher de filtrer. Enzo résiste. Encore et toujours, pour ne pas sombrer. Il lutte contre ce qui se débat, a peut être peur que laisser venir signifiera se laisser emporter par les vagues qui déferlent pourtant bien sous la surface.
Lui aussi, serrait les poings et les paupières ainsi, cette fois-là. Quand sa mère est venue pour lui dire ces mots et le prendre par les épaules. Lui aussi, n’était qu’un gosse. Et à lui aussi, elle manque aujourd’hui. Enzo fini alors par ouvrir les paupières et les poser sur lui. Il dégluti, ajuste sa posture, reprend la crispation initiale. Mais le regard est là. Un détail suffisant pour initier le premier pas dans le présent.
La différence, c’est qu’il l’avait choisi. Bien sûr, Enzo prendra la responsabilité de ses choix, il l’a toujours fait. C’est du moins le cas depuis quelques années. Mais il n’empêche ; le premier des champs de batailles, il y a été projeté sans armes et sans préparation. Le reste n’est qu’une suite d’enchaînement.
Si Maxence l’observe, ça ne dure que quelques secondes avant de poser son propre regard sur le mur de bois, en face. Des outils sont accrochés. Un saut, un trousseau de clefs, un balai, un racloir. Un licol aussi, qui a pris la poussière. Inutile, pour l’heure. Au sol, un bac hermétique. L’intérieur est ensorcelé et donne l’espace à bien des types de nourriture.
Enfin, plus loin, des fioles sur une étagère. Des boites, des pots de gré.

« J’savais pas où aller. » Sa voix racle comme le métal sur la brique.
En douceur, le regard ambré du médicomage se pose sur celui pour qui il a des élan d’amour fraternel si régulier qu’il a cessé de les compter. “T’as trouvé le chemin, c’est l’important.” Semblent dire les prunelles, mais les mots ne sont pas prononcés. Inutile. Tout comme les excuses qu’il devine derrière les paroles d’Enzo n’ont pas corps ici. Pas avec lui. Pas dans ces conditions.

« J’savais juste que j’pouvais pas leur faire face. »

Ils pourraient voir ; c’est ça ? L’étendue des dégâts ? C’est toi qui n’est pas prêt à ça, ou c’est eux ?

Un instant, Maxence se refait le fil. Toutes ces fois où il l’a vu trébucher, manquer d’air, se perdre et se retrouver. Toutes les fois où il s’est reconstruit, où il a lâché prise ou où il a remis les choses dans le bon ordre. Est-ce qu’il aurait pu, lui, faire ça, à cet âge ? Sans doute pas. Peut être l’a-t-il fait malgré tout, pourtant, à son échelle. Il est difficile, quand on a la tête dans le guidon, de se prendre compte de ce qu’on accompli. Plus vrai encore, il est délicat de regarder en arrière pour véritablement en prendre la mesure.
On oublie. On se protège. Le cerveau bascule et mets le réel de côté.
Ils pensent souvent, ces jeunes, qu’ils leur doivent quelque chose. Imaginent-ils à quel point lui, Ismaelle, ou chacun de ceux qui ont croisé sa route à Poudlard, leur doivent tout autant ? Bien sûr Maxence se souvient du détraqueur, de cette joie qu’il a emporté, du baiser de la mort et de l’horreur d’un visage délabré s’emparant de son être. Il se souvient de l’intervention d’Enzo, forme sombre et indistincte qu’il lui a fallu un moment à analyser dans le basculement de son âme. Bien sûr. Mais ce qu’il a en tête à présent est bien plus large, bien plus quotidien que ça.

« Si j’te dis que les seuls moments où je me sens en paix c’est quand j’ai la tête sous l’eau, à ton avis ça craint ? »

Il songe, un instant, à ces plongeurs qui descendent dans les profondeurs. C’est ce que fait Enzo, l’ancien infirmier le sait. Il descend s’éloigne de la surface, délaisse la lumière trop vive du dehors pour gagner cette frange de l’océan, assez profonde pour que même les vagues n’aient plus de prise. On pense souvent que c’est calme, là en dessous, mais il a déjà entendu qu’en vérité, les bruits y sont multipliés. Ils portent loin, se décuplent et percutent le corps comme si l’ouïe n’était plus seule à jouer son rôle. Comme si l’univers aquatique résonnait avec les 70% de flotte qui constituent notre être. Là où la vie est tout autre. Là où les mètres parcourus sont plus meurtriers que la faune, quoi qu’on en pense. Où le manque d’air augmente le carbone dans le sang. L’acidose menace. Le corps entre en résistance. Remonter trop vite suffit à la décompression. Une bulle dans les veines et s’en est fini.
Une autre monde. Où l’on est bien davantage son propre ennemi que ne l’est l’environnement.
Un monde de vibrations pourtant. Où chaque mètre qui éloigne de la surface forme un rempart quasi solide contre les sollicitations extérieur.
Seul. Avec soi-même.

Est-il son meilleur allié ou son pire ennemi, ainsi soumis au face à face des profondeurs ?
Est-ce que t’envisage, parfois, de ne pas remonter ? Ou de remonter trop vite.
De poser un point final au brouhaha que l’eau ne masque sans doute pas autant que tu le sous-entends.

En douceur, Maxence détourne les yeux de ce jeune dont le rire est sec quand son crâne trouve les planches du box. Elles vibrent alors, jusqu’au dos du toubib. La fréquence de la détresse.

- Je crois que t’as la tête sous l’eau depuis un moment et que c’est pas vraiment la paix qui l’emporte…

Un euphémisme.

- C’est William, Sovahnn et les autres, à qui tu ne peux pas faire face ?

Pas de jugement là-dedans, ils se connaissent bien trop pour tomber dans ces travers-là. La question est frontale, c’est vrai, mais honnête. Elle transpire de cette neutralité qui peut tout entendre. Il n’est pas eux, la présence d’Enzo ici n’est pas anodine. Non. Si la réponse à cette question et ce qu’elle interroge en sous texte peut faire trembler quelqu’un, ce n’est pas lui mais bien Enzo. C’est ce qui l’inquiète.
Sans doute savent-ils ce qui s’est passé. Lui se refait la scène une fois de plus. C’est étrange ce que la vie nous réserve. Aurait-il imaginé cet avenir, la première fois que Ryans a passé les portes de l’infirmerie ? Jamais. Pourtant rien d’étonnant à le découvrir en lien avec Jane et la Garde. Quant au sang sur ses mains… il en appelle un autre, des années auparavant. L’histoire se répète sans se ressembler. Lui-même n’a jamais su ce qu’il s’était passé avec Logan ce jour-là, ni l’un ni l’autre n’en a parlé. Mais quelque chose a eu lieu. D’une certaine manière, il aurait aimé que l’enseignant ait été là, ces quelques jours plus tôt. Une pensée lâche, Maxence le sait. Mais s’il fait confiance en le jugement de l’homme, derrière ce que Logan s’acharne à montrer de lui, il a aussi la foi de penser qu’il serait à même d’éviter bien des drames s’il le voulait bien. C’est idiot. Logan n’est plus dans les parages et tout ça ne le concerne pas. Pourtant, oui, il aurait aimé qu’Enzo soit protégé de ce qu’il a dû faire et des conséquences. Qu’un autre, bien davantage à la frange des ténèbres, goûte ce sang à sa place.
Mais il n’en a pas été ainsi. Et c’est lui qui est assis dans la poussière et les brins de paille à présent. Personne d’autre. Pas même Jane ou quiconque de cette équipe à laquelle il appartient lui-même. Juste Enzo. En être admiratif n’a rien d’acceptable. Et ce monde fait refluer l’acide dans sa gorge quand il voit ce qu’il impose à ses enfants.
En silence, Maxence pose sa paume sur l’avant bras du garçon. Bien sûr qu’il manque d’air. Comment pourrait-il en être autrement ?
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Ven 9 Fév 2024 - 16:35
« Je crois que t’as la tête sous l’eau depuis un moment et que c’est pas vraiment la paix qui l’emporte… » Est-ce que je me suis leurré toutes ces années ? Je pensais les plaies guéries, pansées, les angoisses apaisées voir disparues sur bien des plans. Je ne sais pas si je me voile la face ou non mais j’ai du mal à comprendre l’escalade, du mal à comprendre comment j’ai pu en arriver là en ce qui me semble finalement être un temps minime. Quelques semaines, un mois … Mais à voir l’étendue des dégâts j’suis plus sûr de rien. C’est parti d’où ? De quoi ? Quand ? Cent fois je me suis refait le film de ce qui s’est passé depuis quelques temps, je suis remonté aussi loin que j’ai pu, j’ai listé chaque merde. Beaucoup de changements, d’adaptations, mais rien qui ne résulte pas de l’un de mes propres choix. Je crois que je ne suis pas aussi solide que je me l’imaginais et ça aussi, c’est vrai, j’ai du mal à l’admettre. Une question d’égo ou de fierté à la con sans doute mais la frustration prend tellement de place dans mes ressentis depuis quelques temps que je n’y vois probablement plus vraiment clair.
Ou alors je suis trop dur avec moi-même, parce que certaines choses pèsent depuis beaucoup trop longtemps en réalité. J’ai porté des œillères pendant longtemps mais le fil conducteur auquel je me suis accroché depuis maintenant plus d’un an m’a eu à l’usure. Le truc c’est que … Là encore, rien qui ne résulte pas d’un choix de ma part puisque personne ne m’a obligé à m’engager dans cette chasse aux Lycans qu’ils soient amis ou ennemis.

Mais les morts, les tentatives ratées, l’endurance qu’on a tous gardé comme on a pu.
Mais Maggie, la vérité, celle que j’ai cru encaisser sans dommage. La page était tournée.
Mais Ella, la Police Magique, le Gouvernement, les menaces et la pression qui vont avec.
Mais Gaby et tout ce qu’elle représente, la culpabilité en chef de file.
Mais de nouveau la mort, donnée cette fois. Je m’étais juré que ça n’arriverait plus jamais, je me pensais au-dessus de ça. L’absence de regret pèse sans doute plus lourd que je ne le croyais.
Mais Pawel, qui qu’il soit réellement. Ses mots qui m’ont déchiré l’âme et le doute qu’il a semé dans ma tête comme une mauvaise graine.
Mais Naveen, tout ce qu’il représente que ce soit pour Will ou pour Sovahnn.

Bien sûr que c’était trop.

« C’est William, Sovahnn et les autres, à qui tu ne peux pas faire face ? » Je pourrais presque m’entendre couiner comme un chiot qui se recroqueville sur lui-même parce qu’il a peur qu’on le frappe. Ça n’est pas de Max dont j’ai peur, l’évidence n’a pas besoin d’être exprimée. Non, j’ai peur de ses mots, ces vérités qu’il exprime à voix haute et que je me suis efforcé de ne pas entendre ni écouter depuis des jours, des semaines.
Sovahnn n’aura besoin que d’un regard pour comprendre, à vrai dire elle n’a même pas besoin de ça. Je sais qu’elle ressent chacune de mes angoisses, qu’elle donnerait tout ce qu’elle a pour me les enlever une par une comme si je portais trop de couches de vêtements. Si je l’évite elle c’est parce que j’ai peur de craquer, de tout lâcher, de m’effondrer.
Will c’est un peu différent, les angoisses qui me collent à la peau le concernant Sovahnn les connait aussi.

Alors oui, c’est eux, les autres par extension et aussi parce que je me planque comme un putain d’animal blessé qui a envie de sortir les crocs dès qu’on l’approche « Je sais, c’est ridicule. » Y a pas vraiment d’autres mots mais je l’ai dit, la rationalité c’est pas vraiment un truc que j’arrive à choper en ce moment. Et comme un entêté qui refuse de lâcher prise je sors la carte de l’ironie, celle du sarcasme aussi, les traits tirés par toutes ces émotions qui se bousculent et me drainent « Mais va savoir pourquoi j’suis pas hyper emballé à l’idée d’annoncer à mon mec que celui de ma meilleure amie est en fait l’un de ceux qui l’ont kidnappé et séquestré pendant des semaines l’année dernière. » Et encore, les termes sont faibles. Ils auront beau continuer à me dire qu’il a été bien traité je n’y vois rien d’autre que de la torture. Non, il n’a pas été bien traité. Ça n’est pas bien traiter quelqu’un que de l’arracher à sa famille, lui faire du chantage, menacer ses proches, l’enfermer jusqu’à le rendre fou, lui faire subir des putains de tests comme un putain de cobaye « Y a forcément un moment où ça sera trop. » Comme ta main sur mon bras, un simple contact qui m’envoie loin derrière mes retranchements. Un simple geste qui a tellement d’impact que je me tasse, évite son regard, baisse la tête et passe ma main dans mes cheveux jusqu’à les agripper comme si ça pouvait me permettre de tenir encore. A quoi ça rime ? A rien. J’ai suffisamment pris la vie en pleine gueule pour savoir que ça fait du bien de lâcher prise mais j’y arrive pas. J’enferme mes émotions dans un putain de coffre-fort « C’est surtout à moi que j’veux pas faire face. » Je crois, j’sais plus, de toute façon les paupières closes j’y vois plus rien tant mes yeux s’imbibent de larmes que je retiens. La voix tremble, gorge serrée, ventre nouée, poing fermé si fort que mes jointures deviennent blanches. J’me fais du mal comme si je n’arrivai plus à faire autrement « J’suis pas certain que j’me reconnaitrai. » J’suis pas certain de savoir encore qui je suis, qui j’ai envie d’être « J’sais plus où j’en suis, comment gérer. » Il est là ce putain de sanglot, celui qui menace d’éclater à tout moment et que je retiens encore et encore jusqu’à m’en couper le souffle, le corps tremblant des pieds à la tête et l'arrière du crane envoyé sèchement contre le bois derrière moi.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Mer 21 Fév 2024 - 8:09
Il perd le souffle, le cap. Il perd pied surtout, à trop vouloir en faire, à tenir jusqu’au bout de la corde et plus loin encore. A bout. A vif. Épuisé. Enzo a toujours fait preuve d’une résilience hors du commun. Un truc qui vous fait contempler le fil de son existence sans comprendre comment il a fait pour ne pas s’user jusqu’à rompre une bonne fois pour toute. Mais usé, il l’est. Le visage pâle, les cernes creusées, le teint rendu cireux par la pénombre de la grange et l’ensemble du corps tendu comme s’il pouvait retenir physiquement ce qui explose pourtant à l’intérieur de sa boite crânienne. Combien de crises Maxence a-t-il vu ? Combien de fois a-t-il vu ce regard ou deviné son ombre, quelque part sous la légèreté du quotidien ou la fulgurance de l’entêtement ? Combien de fois, depuis la mort de ses parents, Enzo a-t-il manqué de s’effondrer, gueule sur le béton, le cœur à vif ?
Trop.
La réponse est simple. Elle frappe comme le bruit d’une balle qui s’échappe du barillet. Sec. Dur. Implacable. Trop.
Il encaisse des trucs qu’un gosse de son âge ne devrait pas avoir à vivre. C’était vrai il y a cinq ans. Ça l’est toujours aujourd’hui… pas qu’il en soit un pourtant, d’enfant. Bien au contraire ; mais comme tous les mômes qui ont dû grandir trop vite, l’âge adulte est fissuré des saccades du passé. Le séisme n’en est pas un. Il est une réplique, un éveil qui ébranle les crevasse et les ouvre béante, chaque fois plus aisément que la précédente. Le môme d’hier et l’adulte d’aujourd’hui se confondent.
Et chacun manquent d’air.
Car ils savent à quel point il sera dur de tenir pour faire de nouveau surface…

« Je sais, c’est ridicule. »
S’il y a bien quelque chose qui ne l’est pas, pourtant, c’est ça. L’atrocité du chagrin, du trop plein, de la colère et des mots qui n’ont plus tant de sens puisque ce qu’ils cherchent à exprimer est trop grand pour se restreindre à quelques lettres éparpillées d’une voix de papier de verre. C’est pas ridicule. Mais y’a pas vraiment de mot pour tenter de minimiser ce qu’il ressent. Alors il faudrait se contenter de ça. Ce maigre “c’est ridicule” asséné d’une voix blanche comme s’il pouvait avec cette pauvre expression apaiser la violence de ce qu’il ressent.
Et ça marche pas. Pourquoi ça marcherait ?
« Mais va savoir pourquoi j’suis pas hyper emballé à l’idée d’annoncer à mon mec que celui de ma meilleure amie est en fait l’un de ceux qui l’ont kidnappé et séquestré pendant des semaines l’année dernière. » Un instant, Maxence sent son souffle se couper. Pas qu’il soit réellement sous le choc car pour le coup, ce sont ces mots là qui mettent un moment à faire sens pour lui. Sovahnn est - était ? - donc en couple, et le mec en question.. Wow. L’idée passe sur ses traits dans une grimace révulsée. En silence, son souffle s’écrase sous ses côtes à se figurer l’image de William là-bas, et de ces jeunes qui, encore une fois, doivent faire face à l’impensable. Bien sûr il a une pensée pour Sovahnn, qui ne mérite aucun des coups durs qu’elle mange mois après mois sans cesser de sourire avec une force qu’il peine à saisir. Mais ce n’est pas elle qui est là aujourd’hui et c’est donc naturellement qu’il met tout à la fois William et Sovahnn de côté pour rester centré sur lui.
Enzo semble ramener les mauvaises nouvelles comme on ramène le pain.
Et ça s’accumule.
« Y a forcément un moment où ça sera trop. » Comme si ça ne l’était pas déjà… trop. Ce sont des mots si simples qui passent ses lèvres et pourtant la réalité est dure à en couper le souffle. Cette gueule de mec qui s’effondre mais refuse de le faire, les séismes qui secouent son corps comme s’il pouvait tout retenir pour lui plutôt que de risquer… risquer quoi ? Que les autres ne prennent en pleine gueule ce qu’il vit ? Qu’ils s’effondrent à leur tour et que personne n’arrive à enrailler la perte de repère si tout le monde part en vrille ?
C’est pas la première fois. Ni qu’ils ont à encaisser l’horreur, ni qu’ils le feront. Mais oui. Il y a forcément un moment où ça sera trop. Ce n’est pas sans souligner que cette fois encore, chacun a sa part de balles perdues dans l’histoire. Je ne sais comment sont William et Sovahnn - ou même Riley, pensée parasite que je n’assume pas totalement - ni dans leur quotidien actuel, ni face à de telles nouvelles mais j’imagine bien qu’ils vont avoir chacun leur part à gérer. C’est là le risque. Que chacun se referme pour encaisser la merde de son côté tout en ayant besoin des autres. Qu’il y ait un déséquilibre. Que ce déséquilibre n’abîme quelque chose entre eux. C’est ça qu’il craint ? Ou c’est une manière de détourner le regard de lui-même. De fermer les yeux. De retenir le mal.
« C’est surtout à moi que j’veux pas faire face. »
Il s’échappe, sa main est passée, fébrile, dans sa nuque. Tout son corps n’est que remous. Qu’importe ce qui se passe en sous-marin, ça remonte jusque dans ses muscles et le secoue de part en part. « J’suis pas certain que j’me reconnaitrai. » Derrière ces mots, il y a quatre lettres. Tuer.
Quelque part, dans la matrice de ses pensées, l’image d’un jeune soldat en manque de souffle émerge. Les jointures blanches, le regard flou, les lèvres pâles. Et l’impression atroce de ne pas faire partie du bon camp.
Il connaît ça, le toubib qui n’a jamais eu ses galons, qui a lâché ses plans de carrière et a voulu quitter la guerre pour s’y enterrer davantage. Pris en otage de son propre besoin de recul.
« J’sais plus où j’en suis, comment gérer. » Ce qu’Enzo exprime lui bourre les tripes tant ça lui évoque ce moment de son existence. Comme l’impression d’être laissé sur le côté de la route, après un tsunami qu’il aurait en partie provoqué, les mains ouvertes d’un sang qu’il a choisi de verser tout en n’étant pas tout à fait certain d’avoir les cartes en main pour décider que faire. Et de ne pas savoir comment gérer, ensuite, la culpabilité de la vérité.
La situation est différente, bien sûr.
Mais lui, à ce moment-là… il n’a pas su faire face à sa famille plus de quelques semaines et a préféré prendre le premier poste qui passait. Poudlard. Droit dans la gueule des Supérieurs. Un choix de carrière discutable qu’il ne conseille pas. Mais le propos n’est pas là. S’éloigner, c’était protéger sa famille de son mal-être. C’était aussi se protéger de leur regard s’ils en venait à tout leur raconter.
Tout ce qu’il lui souhaite, c’est de ne pas perdre ses proches comme lui l’a fait. Alors Maxence ferme les paupières une seconde et ravale la boue dans sa gorge quand Enzo fait claquer son crâne contre le panneau de bois derrière lui.
- Le sentiment m’est assez familier... Un vague sourire sans joie se dessine sur ses lèvres et lorsque Maxence mobilise son dos pour changer légèrement de position, sa colonne appuie contre le bois au travers de la veste. Un mouvement fluide, calme, détaché de la tension grandissante qui émane d’Enzo. Un point d’équilibre, dans le non verbal. Si je te demande de me raconter ? Pour commencer. Tu serais “ok” avec ça ?
Remettre des mots sur ce bordel qui te tient par les tripes…
Bien sûr, Maxence sait pour Anton, tout comme il sait pour Will au travers des discussions qu’il a pu avoir à droite et à gauche. Enzo comme Riley. Mais le sujet n’est pas tant là que de reprendre tout à zéro. D’exprimer les choses, puisqu’Enzo semble incapable de se l’autoriser.
Sortir quelque chose, d’une manière ou d’une autre. Sous peine d’exploser.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Mar 27 Fév 2024 - 15:18
« Le sentiment m’est assez familier... » C’est le genre de phrase qui te rattrape, t’as beau te sentir noyé dans ta merde si t’as un minimum d’empathie tu raccroches. Au moins un peu, au moins une seconde ou deux. Ce type qui se tient à côté de moi et chez qui j’ai atterri sans y penser fait partie de cette catégorie rare de ceux qu’on laisse approcher. Là depuis le premier jour, jamais condescendant, il sait. Il a vu, plus fort encore il a compris. Les silences, les hurlements, les mots qui ne sortaient pas. Les secrets trop lourds à porter qu’on ne sait pas exprimer, qu’on garde précieusement comme une cargaison d’or. Il a pansé les plaies, visibles ou non, au risque de sa propre vie et tout ça sans jamais nous regarder comme si on était que des gosses. Y en a des tas qui le font ça, à nous prendre de haut sans même s’en rendre compte parce qu’ils ont deux fois notre âge mais probablement trois fois moins d’expérience en terme de saloperie que la vie peut te mettre sur ta route. C’est pas un concours et ils ne peuvent pas savoir mais comprenez bien qu’on prend sur nous pour pas vous dire d’aller vous faire foutre avec votre paternalisme.

Mais lui dans tout ça ? J’crois pas qu’on ait à s’en vouloir de ne pas avoir poussé plus loin, ou peut-être qu’on l’a fait j’sais plus vraiment. L’entraide, c’est ce qui nous a tous sauvé. Est-ce qu’il avait ça lui aussi ? Je crois. Isma, Logan à sa façon … D’autres ? Avant Poudlard, pendant, après … Il répond toujours présent mais de son côté, il se passe quoi ? Il se passe ça.
Ce qu’il ne laisse filtrer qu’à demi-mot mais qui résonne comme un cri dans le lointain. Là tout de suite j’peux pas faire plus et j’crois pas que ce soit ce qu’il attend de moi mais je le regarde, je vois son sourire qui n’a rien d’heureux, j’entends sans rien dire « Si je te demande de me raconter ? Pour commencer. Tu serais “ok” avec ça ? » Ça coince, j’me referme. Pas de sa faute, fondamentalement pas vraiment de la mienne non plus. Si j’suis là, dans cet état, c’est bien parce que j’y arrive pas. A dire les choses, à les comprendre, simplement à m’exprimer ou à accepter de ressentir tout ce qui me broie les côtes.
Alors non, j’suis pas « ok » avec ça, mais je ne serai pas là si j’avais pas au fond de moi cette envie, ce besoin de me faire violence et de dégueuler tout ce qui m’empêche d’avancer.

Regard dans le vide je remonte ma deuxième jambe vers moi et coince les deux entre mes bras comme si ça pouvait former des remparts autour de ma carcasse. Mila effleure ma joue de son chanfrein, son souffle me chatouille le cou, je ferme les yeux et cherche dans ce contact la paix nécessaire pour aller creuser au fond de moi-même.
Je voudrais avoir 5 ans, j’voudrais sentir le soleil Australien me taper sur les épaules et le regard plein d’amour de ma mère. Comment est-ce qu’on peut à la fois être un enfant et un adulte dans le même corps ? Il avait pas conscience de tout ça lui, il se doutait pas des vagues brutales et glaciales qu’il allait se prendre en pleine gueule à répétition « J’suis pas certain de savoir par où commencer. » C’est rauque, étranglé, j’me sens stupide. Elle est là cette envie de plaquer mes mains sur mes oreilles et de fermer les paupières jusqu’à m’en faire mal pour faire disparaitre ce monde-là. Si on en parle pas ça n’existe pas, non ? C’est bien ça le problème, moins on en parle plus ça creuse et l’entaille devient tellement profonde qu’elle ne se referme plus.

J’ai du mal à la prendre cette profonde inspiration qui me déchire les poumons et braque ma cage thoracique mais elle est nécessaire, vague tentative pour faire un reset sur les sensations désagréables qu’expérimente mon corps à cause de ma tête. Ma main gauche quitte mon poignet droit et vient se glisser sous l’auge de Mila, y cherche un contact réconfortant sans réel espoir que ça fonctionne. Son cœur est si tranquille à côté du mien, j’en ressens les battements au travers ses veines, ils résonnent dans tout mon bras jusqu’à mon crane. Je m’y cale, comme un métronome, un point d’ancrage « J’ai perdu le contrôle. » Pas sur moi, pas vraiment, mais sur ma façon d’encaisser et gérer les merdes les unes après les autres.
Quand ? Comment ? Tout ce que je sais c’est que j’ai fini par dérailler. Pourtant je trouve une logique à toutes mes réactions, si la culpabilité est là vis-à-vis de ce que j’impose à ma famille je suis en phase avec chacun de mes faits et gestes. Il est là le nœud du problème, j’le sais mais j’ignore comment le défaire sans me trahir et eux avec « Pas que ça soit une obsession d’le garder mais ces dernières semaines tout s’est enchainé trop vite. » Je sais qu’il m’a demandé de lui raconter mais j’ai pas la force de lui faire la liste. Il y a des choses qu’il sait, d’autres dont il a peut-être entendu parler, la vérité c’est que le cumul s’est déclenché depuis tellement longtemps que je ne saurai même pas où est l’origine. Cette foutue accélération ces dernières semaines m’a mise la tête sous l’eau, j’ai beau être plutôt costaud en terme d’apnée à force d’entrainement et d’habitude je me noie « J’ai l’impression d’être en permanence un funambule au-dessus du vide, à essayer de garder l’équilibre pour … » Ça bloque. Là, dans ma gorge, les mots sont coincés et je serre le poing à nouveau. Pourquoi je fais ça ? Pourquoi je m’impose ça alors que personne ne me demande rien ? Pas directement en tout cas. C’est la même rengaine à chaque fois, je tourne en rond, je promets de faire attention parce que j’y crois et ça finit toujours par merder. Je finis toujours par merder.
C’est pas tout le temps de ma faute c’est vrai mais personne ne m’a obligé à m’impliquer dans cette résistance, surtout personne ne m’a obligé à me lancer tout seul derrière un type qui aurait pu me buter aussi sûrement que l’ai fait. Personne ne m’a obligé à écouter parler un foutu Vampire qui est entré dans ma tête avec ses insinuations, encore moins à me battre avec lui.
Je voulais que ça s’arrête, je voulais que cet enfoiré de Lycan arrête de nous mettre tous dans une merde noire, pas une seconde je regrette mon geste. Ce que je regrette c’est d’avoir trahis la confiance de celui que j’ai pourtant simplement envie de rendre heureux. Il m’en laissera combien des chances avant de se rendre compte que je ne décrocherai jamais ? « J’ai le sentiment que si je tombe d’un côté, je perds ce qu’il y a de l’autre. » J’ai mal dans le cœur, effrayé comme un gamin qui a peur qu’on l’abandonne et qui se planque pour ne pas laisser de place à la réalité.
Je crois que j’ai perdu toute rationalité, empêtré dans mes angoisses et la myriades d’émotions qui me bousculent chaque jour. J’vois plus le bout du tunnel, j’vois plus le happy ending, j’vois plus les solutions et les compromis, l’équilibre possible sans que ça me demande d’aller puiser dans ce qu’il me reste de force. J’vois plus rien de tout ça, y a plus que du noir partout autour de moi et un monstre tapis dans les abysses, prêt à me choper par les chevilles pour m’entrainer plus profond encore.

Si j’tremble c’est pas à cause du froid, c’est à cause de tout ce qui déborde sans que je n’arrive vraiment à l’exprimer. Trop de pression autour de mon crane, autour de cage thoracique, plus de limite claire entre le vrai du faux. Tout se mélange et dans ma tête y a plus qu’un putain de brouillon, un brouhaha incessant « J’ai tout pour être heureux. » Ces mots-là sortent dans un sanglot étranglé, la voix plus aigüe qu’elle ne le devrait. Ça pu le désespoir, la détresse et un profond sentiment d'échec. J’ai le souffle court quand je glisse mes phalanges dans mes cheveux sous ma capuche « J’suis privilégié sur tellement d’aspects que c’en est indécent. » Y en a qui galèrent toute la vie à boucler les fins de mois quand je me dore la pilule sur le bord de ma piscine. J’aurai jamais à m’inquiéter de où je vais dormir et ce que je vais manger. Je suis entouré, j’ai la chance d’avoir un taf que j’adore, je suis en bonne santé et mes proches aussi si on laisse de côté les conséquences psychologiques laissées par des années de carafes dans la gueule. J’suis aimé, par un mec qui a rendu ma vie plus douce, par des potes qui sont devenus bien plus une famille que celle avec qui je partage mon sang, par ceux qui sans le vouloir sont devenus des figures parentales et m’ont permis de savoir ce que c’est d’avoir un p’tit frère et une petite sœur. Par mon frère, qui a su mettre de côté pour moi ce qui le ronge de haine envers d’autres. Je coche toutes les cases, j’vois pas ce que je pourrais demander de plus. J’ai même le luxe de claquer la bise à l’océan tous les matins en me levant.

Alors pourquoi ? Pourquoi tu bousilles tout comme ça ?
Parce que j’sais pas faire à moitié.

Faut que je relativise, c’est normal de pas marcher toujours droit quand on a grandi comme ça. J’sais plus. Je ne sais plus rien sur rien et j’ai l’impression d’être en train de crever « J’le suis, heureux j’veux dire, mais au-delà d’être un foutu chat noir je sais que j’prends des risques qui foutent trop souvent mes proches en tachycardie. » Dans ces moments-là je déconnecte, je deviens un autre et il n’y a plus une seule trace de chaleur en moi. On me dira peut-être que c’est à cause de la Lycanthropie mais je sais que ça n’est pas ça, pas que ça. Je la sens cette part d’ombre, celle qui est là depuis toujours malgré mon enfance dorée et que ma vie d’adolescent a fait exploser. Rarement à la surface elle serpente dans mes veines comme un prédateur à l’affut, le sentiment de puissance qui l’accompagne n’est pas un truc que je peux nier.
J’aime ça, j’aime ce froid, cette impression que plus rien ne peut m’atteindre. Je pensais avoir apprivoisé cette dualité pourtant et puis dans tout ça il y a un besoin de justice indéniable. Le problème c’est que j’suis qui pour la faire moi-même ? Un putain de samaritain, ça on le savait déjà mais aussi un tueur de sang-froid. Est-ce que c’est une excuse de vivre dans un monde qui n’a aucun sens et dont la violence nous a imprégné comme l’encre d’un tatouage sur la peau ? « Y a sûrement un juste milieu à trouver mais j’y arrive pas et ça m’étouffe. » Et c’est cette frustration-là qui fait rouler les larmes sur mes joues. Je peux toujours les essuyer d’un revers de manche elles ne s’arrêtent plus, les doigts autour de la gorge à m’en griffer la peau.

J’ai peur, j'ai honte, je suis en colère, tout ce que je ressens est décuplé et m’écorche avant de me broyer. Les angoisses me bouffent, la rage me brûle, le silence m’oppresse autant qu’il me donne l’illusion de paix que je cherche comme un camé traque sa prochaine dose « Pourquoi j’suis pas juste capable de prendre le bon et laisser le reste ? » Qu’est ce qui va pas chez moi ?
Pourquoi j’arrive pas à m’éloigner des ombres ? Pourquoi je continue de les attirer ? Est-ce que je suis capable de fonctionner sans plonger droit dans la merde ? J’pensais que c’était le cas, j’suis plus certain de rien.

En fait si, d’une chose.
Ou plutôt deux.

J’vais crever, là sur la paille dans une foutue grange entre un Sombral et un visage familier parce que j’arrive plus à respirer.

Et j’suis un putain d’égoïste qui ne leur laisse aucune chance.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Sam 2 Mar 2024 - 10:16
Pourra-il seulement dégueuler la boue qui menace de sortir sans réussir à percer la surface ? Elle ronge. Viciée. Elle creuse des sillons dans un gamin qui a déjà eu la tête sous l’eau beaucoup trop souvent pour que ce soit acceptable. Il n’y a rien d’autre qu’une forme d’injustice profonde à cette âme qu’on ballotte de drames en drames. Qui s’y accroche. Apprend à gérer. Apprend… si ce n’est à s’y plaire, du moins en tirer parti. Comment, alors, sortir du carcan imposé ? Comment refuser certains chemins, en emprunter d’autres, creuser son propre sillage. Enzo est pourtant un équilibriste. Il joue avec les vents depuis bien longtemps. Quoi de plus étonnant à ce que certaines des bourrasques l’emportent par moment ? On l’a trop souvent attiré en eaux profondes. Emporté par les lames de fond. Il est enfant de l’eau pourtant. Enfant des grands fonds. Même lui pourtant, manque d’air parfois.
Maxence l’a toujours admiré.
Il est de ces jeunes qu’il a vu se prendre des coups qui auraient assommé n’importe quel adulte. Il s’est vu, protégé par son statut, observer de loin chacun de ces impacts. N’en percevoir que les hématomes parfois. Que le son lourd et mat d’un corps qui tombe au sol. De haine ou d’épuisement. Il les a vu, ces jours de trop plein et ces jours de vide.
Ils ont toujours fait écho ; comme ils le font aujourd’hui.
Il voit ce regard. Cette attention qui passe en silence. Ces maux qu’on entend, même sans véritablement les évoquer. Non, Maxence n’en parlera pas, n’attend pas quoi que ce soit de qui que ce soit et certainement pas dans cette situation-là. Il sent simplement que certaines choses sont alignées. Qu’elles se répondent. Qu’elles se comprennent dans le silence des âmes qui ne parlent pas assez.
Une entente solidaire qui n’a de vocation qu’à ça. A s’entendre. Un moment à la teinte bien spécifique avant de proposer d’y poser des paroles.

Enzo se referme, bien sûr. Maxence pourrait le voir même s’il se refusait à bouger totalement. Il émane de lui autant de crispations que chez un animal blessé. Mais le mouvement est pire encore. Enzo ramène sa seconde jambe, enferme son être entre les murailles de ces tensions qu’il devient petit à petit. Peut être pourrait-il devenir pierre, ainsi. Rocaille. Sa voix, déjà, commence la mue. « J’suis pas certain de savoir par où commencer. » Et Maxence ne dit rien. Il suit cette difficulté d’initier la parole, la voit jusque dans la douleur des poumons qui s’ouvrent lorsqu’Enzo inspire. Un simple mouvement, effectué 36 000 fois en une journée en moyenne. 252 000 fois sur une semaine. Sans compter les activités sportives. Rien de plus basique. Rien de plus commun. Rien de plus douloureux pourtant, quand Enzo gonfle sa cage thoracique et qu’il passe une main sur Mila. Y trouve-t-il de la force ? Un moyen de puiser dans le calme d’un animal qui entend sans doute bien mieux les crissements du corps que ne le fait Maxence.

« J’ai perdu le contrôle. » Sans mot dire, Maxence passe à son tour une cheville sous son genou. Il soulève la poussière qui s’accroche à son talon. Son mollet emporte quelques brins de paille. Peut on véritablement le garder, le contrôle ? Sur le monde certainement pas. Sur soi… c’est une autre histoire. Faire barrière entre soi et les émotions. Les empêcher de se faire du mal. Trouver moyen de dealer avec et en endiguer les débordements. Savoir c’est une chose. Et puis il y a la réalité. « Pas que ça soit une obsession d’le garder mais ces dernières semaines tout s’est enchaîné trop vite. »   Ces dernières semaines. Comme si le problème se limitait à des semaines. Maxence cligne du regard, fixe un moment les baskets d’Enzo, la forme que leurs semelles laisse dans la poussière pourtant balayée tous les jours. Un peu tard, ce soir. Peut être était-ce à lui de le faire ? Peut être. Sauf que… ces dernières semaines tout s’est enchaîné trop vite. Il songe un instant à Riley. A ces moments échangés. A ce qu’il sait des autres parce qu’il glane l’horreur de proche en proche. De crises en crises.
Ce ne sont pas des semaines qui portent l’enfer, ce sont les mois. Les années. Mais là encore, la distance fait son office. Par moment il est en haut de la vague. Il gère les éclaboussures. A d’autres, c’est le creux. L’ombre. L’impression que la lumière est trop loin. Elle revient, pourtant. Chaque fois.
Il suffit de lui faire confiance. Il est enfant des grands fonds après tout.

« J’ai l’impression d’être en permanence un funambule au-dessus du vide, à essayer de garder l’équilibre pour … »   ça bloque. Les mots s’écrasent sur la barrière de ses dents et le silence le rattrape.
Pour ? Faire ce qu’il faut, vis à vis des autres et de soi ? Pour ce qui compte ? Est-ce là ce qu’il voulait dire ? Ou bien est-il totalement à côté du propos ? Ce que Maxence voit, du moins, en redressant un instant le regard sur le garçon, c’est le vide. Profond, immense. Le vide qui l’aspire. Qu’il craint. Qui siffle sous ses pieds. Il serre le poing, remarque Maxence. Comme s’il y avait quelque chose, quelque part, auquel se raccrocher pour ne pas chuter. « J’ai le sentiment que si je tombe d’un côté, je perds ce qu’il y a de l’autre. » Attentif. Maxence ne l’observe pas, parce qu’il trouverait ça étouffant si l’inverse était le cas. Là encore, une sensation qui lui parle. Un vertige qu’il connaît. Une plaie, qui a fini par s’ouvrir en grand et dont il n’a plus aucun retour possible. Une issue qu’il ne souhaite à personne, et certainement pas à Enzo. L’avantage, c’est que ce dernier est souvent bien plus lucide qu’il ne l’est lui-même. Moins lâche aussi peut-être.
Il relève le regard et le laisse courir sur les plinthes de bois du bâtiment.
Quoi qu’il en pense.

Son menton se tourne vers Enzo. Pourtant il ne le regarde pas. Il l’entend, par chacun de ses sens. Le perçoit, jusqu’à ces tremblements qui l’agitent et font trembler le box derrière eux. Il voit, surtout, la profondeur des abysses qui le menacent. La pression qu’il se met. Les attentes impossibles à accorder. Enzo se scinde, il se tord, il s’écartèle.

« J’ai tout pour être heureux. » Cinq mots qu’il a déjà entendu de sa part. Cinq mots qui devraient être clamés mais qui débordent dans un sanglot étranglé qui écrase le plexus de Maxence d’une empathie évidente. Ces mots, ce sanglot, c’auraient pu être les siens en d’autres temps. J’ai tout. Mais je foire. J’ai tout. Et j’le fous en l’air. L’écho, de nouveau, n’en fini par de gronder. Mais il ne repousse. C’est vrai, Enzo a beaucoup de choses. Il a l’argent, les amis. La situation. Il a le job, la passion. Mais ces quelques mots minimisent brutalement ce qu’il vit. Comme s’il n’y avait pas de légitimité à souffrir de ce qu’il traverse. Comme si les tempêtes à traverser ne devraient faire que l’effleurer sous prétexte qu’il a de l’argent sur un compte et des proches pour se tenir à ses côtés. « J’suis privilégié sur tellement d’aspects que c’en est indécent. »  Maxence se tait, mais voudrait le protéger de lui-même. De ce discours pétri de culpabilité. Que dit sa voix intérieure, quand le discours externe est celui-ci ? « J’le suis, heureux j’veux dire, mais au-delà d’être un foutu chat noir je sais que j’prends des risques qui foutent trop souvent mes proches en tachycardie. » Derrière l’écho ronflent des flammes et l’odeur acide de corps calcinés. Derrière l’écho, son cœur palpite plus fort et par habitude davantage que d’une manière conscience, Maxence cale ses respirations sur la visualisation d’un cube. Un temps pour monter sur l’arrête droite. Un temps sans laisser passer d’air : la surface du cube. Un temps pour souffler doucement, l’arrête gauche. Un temps de suspens. Et le cycle reprend, de plus en plus lentement. Il devrait sans doute lui dire de tout lâcher. De rester avec ses proches. De les protéger. Quel type ça ferait de lui, de penser autrement ? Mais se trahir soi-même est tout aussi indécent. Sans doute est-ce pour ça qu’il a lui-même fait les choix qu’il a fait. Ou bien sont-ils simplement deux connards dans une grange. Deux connards aux meilleurs intentions. L’enfer en est pavé.
Leur quotidien, tout autant.

« Y a sûrement un juste milieu à trouver mais j’y arrive pas et ça m’étouffe. »   Elles auront mis du temps à couler ces larmes. Celles qu’il efface sans cesse du revers de la manche, comme si ça y changeait quelque chose. Comme s’il pouvait en endiguer la houle. Un regard vers lui. Comme s’il pouvait serrer sa gorge pour stopper ce qui s’en échappe. Ou mettre fin à quelque chose. Lui ? Ou l’une des parts de lui ? La culpabilité l’étreint, se resserre, force encore. Et Maxence voit l’angoisse monter en crise. « Pourquoi j’suis pas juste capable de prendre le bon et laisser le reste ? »  Il s’étrangle. De ses mots, de sa culpabilité, du trop plein, des mots qui sortent et des larmes qui débordent. Il étouffe, peut être très littéralement. Des années qu’il la voit, cette ambivalence. Le gamin qui fait le con en skate dans les escaliers et fait rager Isma de risquer la chute pour des conneries. Combien de fois a-t-il lui-même pensé le retrouver à l’infirmerie pour ce genre de bêtises d’enfants ? Combien de fois y est-il venu véritablement ? Et combien de fois a-t-il eu un tout autre regard. L’adulte qui croise la bête. L’enfant joyeux qui disparaît pour se noyer dans les ombres. Rien d’étonnant à ce que Logan et lui aient eu une relation particulière.
Pas si courants, les soldats chez qui il a lui-même vu ce regard. Rare, pour lui, de le voir dans le miroir. Deux fois. La première le jour où il a décidé de raccrocher les armes. La seconde, le jour du meurtre de ses parents, dans la salle de bain d’Ismaelle. Dire qu’il ne connaît pas le besoin de justice et la violence de l’Homme serait mentir.
Une seconde, il se souvient des regards échangés entre Enzo, Logan et lui. Le silence qui suffit à la prise de décision. Mise en sécurité, disparition d’un corps, écoute.
On peut se demander comment un gamin en arrive là. Et un soignant pourrait se demander comment il en arrive lui-même à la froideur dure, voire vengeresse, éprouvée à ces instants. On peut se le demander. Mais il ne le fait pas.

Maxence réagi doucement et pivote vers Enzo. Sous sa poitrine, le cœur a ralenti. Ça semble absurde, dit comme ça, face à l’angoisse d’un autre, d’en ressentir une chape de calme. Il pourrait se croire déconnecté des émotions de l’autre. C’est le contraire. Le corps réagi pour lui permettre d’être à même de prendre certaines décisions. Un mécanisme de protection appris en chambre d’opération mais cristallisé sur le front. Dissociation ; répondrait le psy. Habitude ; répondrait le cynique.
Une réponse, surtout, aux besoins de l’autre ; affirmerait Maxence.

- Parce qu’il existe. Le reste. Parce que c’est humain de ne pouvoir ignorer ce qui ne va pas. Parce que t’es pas le genre qui ferme les yeux et se replie sur soi. Parce que t’as appris à agir, très jeune, puisqu’il n’y avait personne pour le faire à ta place. Et que ça c’est pas juste.
D’une jambe, il se cale contre lui, l’un contre l’autre mais face à face. Le genou à hauteur de son torse, son propre bassin à quelques centimètres des baskets plantées dans la poussière secouées des ondes agitées du corps d’Enzo. Un contact. De par sa jambe, déjà. Tandis que la seconde reste pliée à cause de la paroi du box devant lui. Mais un second, aussi, alors qu’il passe un bras dans la forteresse de replis que l’ex Griffondor devient tant il se crispe sur lui-même. Ça pourrait être vécu comme intrusif, c’est vrai, mais il force par petite touches le retour au réel. Il y prend l’une de ces mains si fort crispées sur sa gorge et la pose sur son propre poignet. Rien de plus. Il ne le force pas à étendre son bras, pose lui même le sien quelque part sur sa propre jambe. Il y maintient la paume de la sienne. Un contact serein où le sang pulse avec calme. Une manière de l’entourer, aussi, d’une certaine manière et sans l’étouffer plus encore.

- Trouver le juste milieu c’est aussi osciller autour. C’est ok. Tu l’as déjà fait. Tu connais cette voie. Osciller c’est pas tomber d’un côté. C’est pas perdre le reste. C’est juste osciller.
Un moment, Maxence laisse couler ces mots. Il presse doucement la paume qui tremble sous sa peau. Il sait, cette impression de crever sur place, il la connaît. Mais il n’y a aucune trace d’inquiétude chez le soignant qu’il est. De l’empathie, oui,
- Et l’équilibre... ça n’a rien de facile, encore moins dans la situation actuelle… et pour être honnête, il faudra me présenter celui ou celle qui l’a trouvé sans trébucher parce que je ne l’ai pas encore rencontré. T’es pas égoïste, tu fais ce que tu peux.
Un petit sourire passe et il se figure le jeune qui a débarqué ici quelques mois plus tôt, avec un lycan blessé. Celui qui s’est assis pour tendre son bras sans une fraction d’hésitation, pour que Maxence puisse utiliser son sang pour soigner le blessé. Celui sur l’épaule de qui il a posé une paume amicale. Fraternelle ; pour être très honnête.
‘Un putain de chat noir’…
De nouveau une pause.
- Ces choix et leurs conséquences, sans mettre qui que ce soit d’autre que toi dans l’équation. T’es comment avec ? Ensuite on parlera des autres. Mais t’es pas le meilleur pour faire de toi ta priorité.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Ven 8 Mar 2024 - 16:37
Le juste milieu. Quelque part entre s’en foutre et en crever. Entre s’enfermer à double tour et laisser entrer le monde entier. Ne pas se durcir, mais ne pas se laisser détruire non plus. Très difficileRomain GARY

Gamin y avait personne, personne d’autre que mes parents, mon frère, quelques autres noms plutôt rares. Lea, Olivia, Joff aléatoirement. J’me souviens plus trop à quel moment on est entré dans la vie l’un de l’autre et là tout de suite je me dis qu’encore une fois je joue les fantômes. Ça me manque tout ça. Parfois. Souvent. Surtout ces derniers temps.
Ça veut pas dire que j’aime pas les autres, tous ceux que j’ai vu entrer dans ma vie au fil du temps alors que j’ai appris à m’ouvrir un peu plus à ce qui se passait autour de moi. C’est vrai, jusqu’à tard ça ne m’intéressait pas. Ils ne m’intéressaient pas. Pourquoi j’aurai eu besoin de plus que c’que j’avais déjà ? Une maison au bord de l’océan, suffisamment de planches pour en péter trois par ans, un frangin sacrément connard mais deux parents qui occupaient toute la place. S’ils étaient encore là il se serait passé quoi pour moi ? Est-ce que j’aurai continué d’avancer sans vraiment poser mon regard sur les autres ?
Pas de déménagement en Angleterre, pas de Poudlard, pas de tous ceux sans qui j’me vois pas exister entièrement aujourd’hui. Pas d’Isma, de Jill, de Sova. Pas de Kyle, de Takuma, de Mateo ni de Caem. Pas de Lycans non plus. Pas de Liam, de Leiv, d’Adrian ni de Marcia. Pas de Liya. Pas de Maxence.
J’aurai pu me réfugier à des tas d’endroits, sur ce continent là ou un autre, mais je suis là. A me fissurer sous ses yeux sans me souvenir si c’est déjà arrivé. J’sais pas si c’est une capacité ou un poids d’oublier ce par quoi on est passé, pas sûr de vraiment vouloir creuser la question.

Combien de fois je me suis réparé ? Combien de fois j’y ai cru ? J’ai arrêté de compter en acceptant une certaine forme de fatalité planquée derrière des rires et une vie de rêve. Sérieusement, il manque quoi dans ce tableau ? Mes parents, oui, mais j’ai appris à vivre sans. Ils sont sans doute nombreux ceux qui tueraient pour avoir ne serait-ce qu’un quart de ce que j’ai et en disant ça j’parle pas uniquement de thunes, de baraque ou de tous ces trucs matériels parce que c’est pas ça ma plus grande richesse. Je sais, y a que les connards de riches qui balancent des trucs pareils. Facile à dire quand on n’a pas à s’inquiéter de savoir ce qu’on va manger demain ni où on va dormir, comment on va payer les factures. J’ai arrêté de m’excuser pour ça, ma vie est ce qu’elle est et j’dois rien à personne.

Il était où le point de bascule ? Celui qui a transformé ce que j’ai de plus précieux en ce qu’il y a de plus lourd dans mon existence. Celui qui me pousse aujourd’hui à me mettre dans des états pareils, à deux doigts de m’effondrer sans le moindre souffle d’air dans les poumons. Peut-être que demain ça me semblera ridicule, ça me semble déjà profondément injuste en tout cas.

Pour eux.

« Parce qu’il existe. » J’ai perdu le fil, noyé dans mes pensées comme dans ce corps que je ne sais plus comment gérer. J’ai appris pourtant, réappris même, mais ça déborde. Le barrage a sauté et les digues ne font plus leur taf, je me noie.
J’suis presque certain d’avoir pourtant su nager avant de savoir marcher.

Le reste.

Tout ce qui se mélange pour ne donner qu’un épais nuage de cendre au travers duquel je ne vois plus rien. Est-ce que j’ai les yeux encore ouverts ? Je crois Mila s’est écartée mais même ça, je n’en suis pas sûr.
Jusqu’à ce que ça se calme. C’est ténu bien sûr, progressif, mais présent. D’abord ça me fait sursauter mais ça a le mérite de détourner mon attention ou plutôt de la focaliser sur du concret. Là, contre moi, un contact que j’aurai pu brutalement rejeter. Et cette main qui attrape la mienne comme pour m’empêcher de tomber, stopper la chute, me rattraper. M’empêcher de me faire plus de mal, puis m’ancrer.

D’un simple geste qui vaut un tas de mots parce que parfois il n’y a que ça qui fonctionne, que ça pour faire taire les voies. Une pression, une attache, je crois que mes doigts s’accrochent à son poignet alors que j’ai ce réflexe de focus mes sens sur ce qu’il m’offre. Le sang là dans ses veines, ce qui fait battre calmement son myocarde. Le toucher, l’ouïe, lentement je quitte le chaos, m’en extirpe pour ne plus me concentrer que sur ça. Le métronome. Différent, plus régulier, sa peau est aussi plus chaude que celle de la Sombral dont je sens de nouveau le souffle contre mon front « Trouver le juste milieu c’est aussi osciller autour. » J’écoute pas vraiment, j’entends mais sans me concentrer sur les mots comme si ça m’était impossible. Comme si de toute façon ils ne pouvaient pas avoir plus d’impact que ce langage mutique de la vie qui s’exprime sous la peau. C’est ça que j’écoute, ce qu’un humain normal ne pourrait ni entendre ni ressentir. C’est le sang qui voyage dans les veines comme une rivière dans son lit, le rythme sourd tel un tambour du cœur dans la cage thoracique. C’est comme poser un coquillage contre son oreille, prétendre entendre la mer, n’écouter en fait que ce qui se passe à l’intérieur de son propre corps « Et l’équilibre... ça n’a rien de facile, encore moins dans la situation actuelle… et pour être honnête, il faudra me présenter celui ou celle qui l’a trouvé sans trébucher parce que je ne l’ai pas encore rencontré. » La perspective, c’est ça ? Ce recul qu’on n’a pas sur soi-même mais qu’on accorde aux autres sans se poser des questions. L’indulgence aussi, sans doute « Ces choix et leurs conséquences, sans mettre qui que ce soit d’autre que toi dans l’équation. T’es comment avec ? » Ça me surprend alors je fronce les sourcils, soudainement un peu gêné par ce contact entre nous sans pour autant chercher à m’en défaire. De la pudeur, rien de plus, aussi la sensation de raccrocher, de revenir sur terre, de me sortir petit à petit de ce maelstrom d’émotions dans lesquels je m’étais enlisé.
Mon rythme cardiaque s’est calmé et mon souffle se tranquillise, le gros de la crise passé ou en train de le faire. Le truc c’est que maintenant faut faire face, retrouver la réalité et cette terreur qui m’enserrait la gorge avant de me laisser un peu mieux respirer. Faut que je la regarde droit dans les yeux, que je comprenne ce que je dois en faire, peut être que ça passe par ça. Par essayer de comprendre qui je suis avant de m’inquiéter sur l’incidence que ça peut avoir sur mes proches.

Les paupières ouvertes et le regard rivé devant moi je prends le temps, me focalise sur ma respiration jusqu’à ce qu’elle soit le plus calme possible en atteignant un état d’esprit bien différent. Seconde après seconde les barricades s’érigent à nouveau mais elles ne sont plus là pour me couper du monde. C’est autre chose qui s’exprime, dans mes veines une sorte de gravité plus froide s’invite. Pas vraiment un switch mais une autre facette de celui que je suis. L’ombre et la lumière, l’enfant et l’adulte, celui qui rêve et l’autre qui affronte la noirceur, s’y mêle. Ma jambe gauche reste pliée, la droite retrouve le sol contre Maxence, comme souvent après un tel épisode j’ai mal partout et surtout à la tête mais je le sais, mon regard n’est plus le même « J’ai toujours été en phase avec ces décisions. » Demi mensonge, les premières fois n’ont probablement pas été aussi simples à encaisser mais le temps en a effacé les preuves. Je parle essentiellement des meurtres c’est vrai mais la plus part du temps les plus gros risques que j’ai pris ce sont terminés de cette manière. Aujourd’hui c’est moi qui suis encore là, pas eux, une pensée qui fait flamber quelque chose dans le creux mon ventre et inonde mes veines « Et j’regrette pas. » Si mes mains tremblent encore c’est d’autre chose, d’épuisement essentiellement. Les mots roulent dans ma gorge comme un éboulis de roche en montagne « Le monde déconne, j’y suis pas pour grand-chose. Je m’y suis juste adapté et le curseur de la morale peut pas être le même que si tout allait bien. » On pourrait penser que j’essaie de me donner bonne conscience mais c’est pas le cas, chaque mot prononcé l’est avec une franchise qui ne m’ébranle pas. Mes premiers pas dans l’obscurité ont commencé dans le fond d’un ravin, ce sont les Supérieurs qui en ont attisé les flammes. J’étais persuadé avoir toujours eu ça en moi, un truc qui rodait dans des recoins où je ne m’égarais jamais, mais si j’étais en fait un pur produit de toute la crasse qu’ils ont balancé sur moi par pelleté ? Humilié, abusé, torturé, j’en ai versé des litres de sang et de larmes alors que j’avais 16 ou 17 ans et aujourd’hui je dois faire avec « Y a eu des accidents, des choses que j’ai pas contrôlé ou qu'on m'a poussé à faire, mais dans l’ensemble j’ai buté que des connards qui eux même ne se sont jamais gênés pour prendre des vies ou en faire un enfer. » Y compris la mienne. Avant d’être un putain de Samaritain j’ai surtout été un gosse poussé dans les flammes jusqu’à ce que les brulures le poussent à vouloir se venger. Qu’est ce qui pesait le plus lourd ? Ça ou le besoin de protéger les miens ? Est-ce que c’est nécessaire de choisir ? Est-ce qu’on ne peut pas être les deux ?

Tu te demandes si tu es une bête féroce ou bien un saint, Mais tu es l'un, et l'autreFAUVE

« J’suis pas parfait, parfois je réagis sur un coup de sang c’est vrai et j’ai souvent le réflexe de gérer par moi-même mais c’est aussi parce que je m’en sens capable. » Arrogance ou véritable fait ? J’me répète mais je suis toujours là aujourd’hui et tous ne peuvent pas en dire autant. C’était complètement con de me lancer après un Lycan de deux fois mon âge dans la Forêt Interdite, complètement con de recommencer sur les docks, de considérer un duel avec un Vampire et tant d’autres « faits d’armes » encore … Mais je suis toujours là. Cabossé, boiteux, mais vivant « Mais c’est vrai, j’pense pas aux conséquences que ça peut avoir sur moi, peu importe ce que ça peut vouloir dire du type que j’suis. » Je pince les lèvres, baisse le regard sans que ça signifie grand-chose de plus que le corps qui prend le relais l’espace d’une seconde. J’ai sans doute les traits durs, tirés, graves, plus grand-chose à voir avec ce que j’affichai y de ça deux minutes. Dissociation, comme toi-même si c’est vrai je ne m’en rends pas compte. T’as jamais flanché devant nous alors comment je pourrais m’imaginer ce qui crame aussi en toi ? D’ailleurs est ce que tu te l’autorise parfois ? A lâcher prise, à être autre chose que le sauver « La noirceur qui se balade parfois dans mes veines me donne de la force, une puissance que j’regarde pas en face 98% du temps mais elle est là. » Dans mon corps, dans ma tête, dans la Magie que je maitrise de façon efficace. J’ai pas l’expérience d’un type comme Logan c’est évident mais j’suis pas sans ressource, loin de là « Dans ces moments-là je déconnecte, j’pense plus à rien ni à personne. J’deviens froid, je m’encombre plus de quoi que ce soit. Si sur le coup je ne l’analyse pas je sais que ça me fait du bien. » C’est moche, non ? De sous-entendre que son entourage est un poids. Tout ça c’est moi qui l’ait créé, eux n’y sont strictement pour rien mais c'est comme ça que je ressens les choses si je ne pense qu'à moi « Que plus rien ne compte. » La famille, les amis, mais plus largement ces choses qui me tiennent à cœur et dans lesquelles je me suis engagé. Tout ce qui concerne les Lycans. Bien sûr que c’est moi qui ai merdé pour en arriver là.

Pour la première fois depuis des heures j’arrive à prendre une profonde inspiration et il n’y a que lorsque tout l’air accumulé s’échappe de mes poumons que je tourne la tête suffisamment pour capter le regard de Maxence « J’veux pas que cette partie de moi prenne toute la place mais j’veux plus la nier non plus. » Parce qu’il est peut-être justement là, cet équilibre que je cherche comme un Attrapeur vole après un Vif d’Or. Rien que des mots mais le soulagement de les savoir exprimés est indéniable.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Sam 23 Mar 2024 - 15:07
Il existe des petits gestes. Des petits riens qui témoignent de contacts loin d’être anodins. Parfois ils résument des moments de bascule. Des instants volés où l’on pourrait tomber d’un côté ou de l’autre. Maxence se souvient. Il se souvient de la panique d’un petit garçon, bien des années en arrière. Il se souvient du grand jardin, du puits au centre de deux allées, du verger dans le fond, derrière un muret. Il se souvient. Des jouets du grand père. De Léon qu’il portait pour lui donner accès aux fruits. Des leçons de bricolage, de l’odeur de la lessive et des sessions jardinage. Il se souvient, aussi, de la crise de nerf d’un ado qui se croyait seul, loin de tout regard extérieur. Les yeux verts du grand père. De l’odeur de l’espèce de colle blanche, qu’il mettait sur le tronc des arbres et qui lui imprégnait la manche, ce jour-là. De l’impression de déraper, d’être enfermé en lui-même, de perdre pied.
Il se souvient, de la nausée lorsqu’on lui a annoncé qu’il devrait partir, que la décision du juge était tombée, qu’ils re-tentaient un retour auprès de sa mère biologique.
Il se souvient, du visage stoïque quand sous sa cage thoracique, le brouhaha brouillait son corps entier, jusqu’à cacher les paroles de ses grands parents. De ceux de Léon, plus exactement.
Il se souvient, de l’air buté du gamin, sans qu’il ne sache trop pourquoi. Puis de son rire, un peu trop sec. Du départ dans le jardin, puis dans la rue. D’avoir marché. Un peu. Trop. Puis d’avoir perdu le cours de ses pensées, s’être mis à tremblé, ne plus avoir su respirer.
Le panneau publicitaire sur lequel il s’est appuyé en envoyant chier la mère et son enfant venus lui demander s’il allait bien.
Le contact des graviers, sous ses paumes. De ses ongles contre son crâne. Puis d’une main qui lui prend le poignet.
Et des yeux verts, un peu délavés et cerclés de rides, venus le dévisager.

Et ces quelques mots.

- Par moment, je me demande ce qu’il y a derrière tes sourires Maxence…

Puis les suivants.

- Tu seras toujours le bienvenu chez nous. Qu’importe la situation, l’heure ou la raison. Tu fais partie de la famille, et ne laisse pas un type en robe te dire le contraire.

Des mots simples, presque trop, presque bateaux, mais qu’il avait besoin d’entendre énoncés clairement.

Ses bras, aussi. Il se souvient de ses bras. Sa peau de parchemin, râpeuse et fine. L’odeur de la colle blanche. Le petit trait, au dessus de chacune de ses lèvres, comme si elles s’étaient affaissées à un moment donné de sa vie.

- T’es un bon gamin Maxence.

Quel “bon” gamin aurait ainsi réagi à l’idée de retourner chez sa mère ? Avait-il alors songé. Mais ces considérations étaient loin maintenant. Elles se télescopaient à d’autres souvenirs. Celles d’une autre main qu’on saisi, le jour d’un enterrement. Celle d’un petit frère qui met en terre son grand père. Ni colle blanche, ni arbres fruitiers, pas d’allée de graviers, de puits ou de session bricolage. Seulement le silence de la pièce, les bouquins de médecine et de médicomagie entassés dans un coin, le petit frère qui trouve le chemin d’une chambre qui n’est pas la sienne. Les préparatifs, les vêtements enfilés, l’écart d’âge qui rappelle que dans le fond, Maxence en a peut être davantage profité, de ce grand père à qui il faut dire au revoir.
Il se souvient. Du silence gardé par le pré-ado qu’était Léon. De son air buté, le même qu’à quatre ans. De s’être assis en tailleurs à côté de lui, d’avoir pris sa main, d’être resté là. Puis, un mot après l’autre, de lui avoir arraché quelques rires étranglés, des larmes vite effacées qu’il avait fait mine de ne pas voir. De ces mots, ni très corrects ni très acceptables, qu’ils ont échangé alors, à coup d’humour noir, rapidement remplacés par quelques souvenirs plus doux, lâchés avec une pudeur naïve.

L’un des derniers moments de véritable partage avec son frère. Presque arraché à la bouderie adolescente qui s’installe. Un moment douloureux mais commun. Entier. Avant de partir pour Londres, ses stages, l’internat, le front, Poudlard.

Le parallèle met un moment à se faire et s’arrête à la paume qu’il appose sur son propre poignet pour ancrer le jeune homme à d’autres sensations que les siennes. Comme si bien des fantômes persistaient en arrière de ce geste. Mère et grand-père. Ados d’hier. Présences rassurantes d’une vie détruite.

On a beau être seul, chaque pas imprègne parfois les décisions des autres. Les mots qu’ils disent ou taisent, les jours de beau temps et les graviers qu’on presse pour s’ancrer au sol. Parfois la personne vers qui on se tourne n’est pas la première à laquelle on aurait pensé. Parfois même, elle nous trouve sans que rien ne soit demandé. Ces moments résonnent et traversent les époques.
D’un orphelin à l’autre, c’est peut être plus simple d’accorder sa bienveillance.

Bien sûr Maxence aurait pu songer à la guerre, à ses propres mains couleur vermeil. Bien sûr il aurait pu penser à la première nuit sur le terrain, à ceux qu’il aura laissé en arrière, aux erreurs commises et aux décisions qu’il porterait toute sa vie. Mais dans les entrelacs de ces décisions, se trouve justement la famille.
La sienne, celle d’Enzo. Celle de milliers d’autres personnes qui, un jour, auront dû choisir entre leurs valeurs, leurs besoins, leurs batailles. Et toutes celles qui, un jour, en ont été éclaboussées.
Comment ne pas se prendre les pieds ? Comment ne pas s’emmêler soi-même ? Si Maxence avait la solution, il la lui donnerait. Mais c’est sans doute une cheminement qui se doit d’être propre. Nulle nécessité, en revanche, d’être solitaire.

Petit à petit, Enzo refait face. Aucun humour cette fois, pas de cynisme déplacé, pas d’appel aux souvenirs, et pourtant le parallèle ne manque pas de se faire pour Maxence. Un lien évident, qui frôle depuis bien longtemps le fraternel. Pas qu’Enzo ait quoi que ce soit à voir avec Léon, en vérité. Mais il l’imagine aisément avoir déjà eu ce même air buté. Plus jeune. Moins sociable. Peut être dans un monde différent. Mais pour l’heure, cet univers-là est le seul qu’ils aient à leur disposition et cette relation, mise en place d’année en années jusqu’à pulvériser le cadre professionnel… le touche. Aussi bêtement que ça. Ça le touche qu’il soit venu ici, qu’il se confie, qu’il accepte de craquer, qu’ils parlent, qu’ils s’écoutent. Peut être parce qu’un autre ne l’a jamais fait depuis que l’heure de l’acné et des grands changements l’a rattrapé. Peut être parce que Maxence sait avoir fait trop d’erreurs, traîné trop de boulets dans son sillage. Qu’il n’est pas ce mec-là pour Enzo. Que l’illusion est plaisante. Peut être seulement parce que c’est ainsi, et que parallèles ou pas, il n’y a rien d’autre à interroger qu’affection et respect. Qu’on n’a pas besoin de psychologie de comptoir pour définir les gens. Que celui-là compte, aussi simplement que ça.

Le regard droit devant, sa poitrine se soulève par à-coups d’abord, puis fini par retrouver un rythme plus posé. Ses prunelles aussi changent. Les pupilles se dilatent puis se rétractent. Elles font le point sur le monde qui l’entoure, l’y positionne de nouveau. S’arrache-t-il de ces questions qui tournoient au point de l’étouffer ? Trouve-t-il, petit à petit, la voie vers la possibilité, peut être balbutiante, de faire la paix avec lui-même ? Des questionnements trop actuels, sans doute. Que Maxence comprend trop.

« J’ai toujours été en phase avec ces décisions. »  Ce qui n’est pas tout à fait vrai, Maxence le devine comme le regard de l’adulte sur l’enfant. Celui qui a fait avec. Dans un monde où la justice a dû être reprise à coup de larmes et d’hémoglobine.

“Parfois je me demande dans quel monde on vit, quand j’interroge le vide pour savoir quand ceux qui ne devraient être que des gosses finiront par craquer.”

On fait comment, pour tenir droit, quand le terrain est miné ?

« Et j’regrette pas. » Ses mains tremblent pourtant. Ébranlé ? Peut être. Épuisé, c’est certain. « Le monde déconne, j’y suis pas pour grand-chose. Je m’y suis juste adapté et le curseur de la morale peut pas être le même que si tout allait bien. » Un sourire triste passe sur les lèvres du soldat. Parfois il est nécessaire d’accepter l’insupportable, pour faire de la place au reste. Pour s’y ménager un espace. « Y a eu des accidents, des choses que j’ai pas contrôlé ou qu'on m'a poussé à faire, mais dans l’ensemble j’ai buté que des connards qui eux même ne se sont jamais gênés pour prendre des vies ou en faire un enfer. »   Et ajuster le curseur de sa propre morale.

Peut être lui-même aurait-il dû être critique face à tout ça. Mais il n’y a pas de manuels pour gérer l’horreur. Il n’y a que des humains qui se débattent et font comme ils peuvent. Lui a caché des gosses, soigné des patients, offert des mains ouvertes et tendu l’oreille. Il a menti, en face à face avec le mal. Et puis quand le moment s’est présenté, il a demandé aux gosses de s’asseoir, de laver leurs mains, a appelé un ami. Et planqué des cadavres.
Et s’il fallait pleurer quelqu’un, alors il pleurait l’innocence dévoyée. Il pleurait les rires dans les couloirs, les skates qui raclent sur les rambardes et les regards trop droits. Trop froids.
Un instant, Maxence comprends fixer le bois du box et remonte le regard jusqu’à Enzo. Il revoit leur silence. Celui de chaque adulte. Que dire ? Que faire ? Parfois, ils ont songé ensemble, échouer chaque jour à protéger ces gamins. Quand la bienveillance fout le camp, à tant en verser qu’on en manque pour soi. Quand la fatigue rattrape, que les terreurs des uns résonne avec la culpabilité des autres. Quand la nuit souligne l’innocence des assassins et l’impunité des coupables.

Une relation sans sillage ? Certainement pas. Un lien tissé en enfer.
Et parfois l’enfer c’est se taire.

« J’suis pas parfait, parfois je réagis sur un coup de sang c’est vrai et j’ai souvent le réflexe de gérer par moi-même mais c’est aussi parce que je m’en sens capable. »
Force est de constater qu’il s’en sort. Malgré tout et contre chaque pronostics. Il faut dire qu’ils ne sont pas tant à avoir misé sur le canard boiteux aux sorties de route cahoteuses. Ils persistent, pourtant. Le réel leur donne raison.
Pourtant, est-ce une bonne chose ? Pas son histoire, pas son rôle que d’en décider quoi que ce soit. Enzo n’est plus un gamin dont il a la charge. Il est un homme qui prend ses décisions et doit les assumer. Un statut qu’il a gagné très vite, projeté dans un monde qui ne lui a laissé aucune chance. Peut-être le faudrait-il ? Être l’adulte qui met un stop. Peut-être devrait-il avoir le cran de s’inclure dans cette posture. Ou peut-être au contraire que trop se perçoivent ainsi. L’adulte versus l’enfant. Or ces “gosses” qu’il a vu grandir ont souvent eu à gérer bien plus que les adultes qui se prennent à leur dispenser quelques conseils. Et parfois se prend-il à penser que lui-même n’est rien d’autre que l’un de ces spécimens de gamins devenu adulte. Ou d’adulte qui se sait gamin. Mais puisqu’on ne se sent sans doute jamais aussi affirmé qu’on l’espère, sans doute est-ce là un non sujet.

« Mais c’est vrai, j’pense pas aux conséquences que ça peut avoir sur moi, peu importe ce que ça peut vouloir dire du type que j’suis. »  Non, tu fais. Parce qu’il faut faire, parce que ça te tient à cœur, parce que cette guerre est la tienne par valeurs ou hasard.
Un sentiment que Maxence connaît, là encore. Un sentiment qui l’a poussé à renoncer à son statut de soldat tout en ayant conscience, finalement, d’y retourner. Encore et encore. Bien sûr qu’il aurait pu jouer le petit infirmier aux ordres, face aux deux harpies qui géraient l’infirmerie au début. Il aurait pu renoncer, ne pas y songer ; se préserver. Plutôt que de manœuvrer pour récupérer la gestion de l’infirmerie, pas à pas, avec une patience d’orfèvre. Il aurait pu abandonner, pourquoi pas partir en Norvège, tout larguer avant le drame ? Ou après, une fois sa vie en cendre et le monceau de ses erreurs trop épais pour l’ignorer. Lui non plus n’a pas toujours pensé aux conséquences et refuse de s’arrêter sur ce que ça veut dire du type qu’il est.
Parfois on se protège comme on peut.

« La noirceur qui se balade parfois dans mes veines me donne de la force, une puissance que j’regarde pas en face 98% du temps mais elle est là. »   En ça en revanche, ils ne se ressemblent pas. Pourtant il comprend. Comme il comprend cette forme de rage sauvage qu’il a toujours vu chez Logan, bien moins maîtrisée qu’elle l’est chez Enzo. Ce qu’il pense, c’est que le monde a besoin de personnes comme ça, d’une manière ou d’une autre. C’est sans doute sain, une telle colère, dans un monde qui fout le camp. Plus chez l’un que chez l’autre, là aussi. « Dans ces moments-là je déconnecte, j’pense plus à rien ni à personne. J’deviens froid, je m’encombre plus de quoi que ce soit. Si sur le coup je ne l’analyse pas je sais que ça me fait du bien. » De nouveau, les lèvres de Maxence se pincent mais le jugement en est absent. C’est le sourire sans joie qui revient sur le devant de la scène tandis qu’il contemple un instant les brins de paille au sol et s’abîme dans les odeurs animales, de poussière et de foin. Là encore, il comprend et lorsque son regard remonte vers le jeune homme, il pourrait presque entendre un “c’est moche, n’est-ce pas ?” qu’il pense lui-même sans doute trop fort pour que ce soit innocent. La famille, les amis, tous ont toujours été un pilier de sa vie. « Que plus rien ne compte. » Pourtant, comme Enzo, il se prend parfois à vibrer de cette sensation. D’y trouver du plaisir.

« J’veux pas que cette partie de moi prenne toute la place mais j’veux plus la nier non plus. »   En silence, Maxence acquiesce. Ça parait nécessaire effectivement.
Un instant, il presse seulement sa paume sur le dos de la main du garçon. Étrangement large autour de son poignet. Puis s’en détache doucement pour tirer d’une de ses poches une barre de chocolat et la lui tendre. Un sourire passe, vieux rappel de quelques souvenir de Poudlard, puis d’une voix posée, répond.

- Tu as tant nié cette part de toi ? Et ajoute, tout en ramenant son bras sur le haut de son genou : Et question qui découle de la première : ils l’ignorent, les autres ?
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Ven 5 Avr 2024 - 15:46
J’ai cette impression d’ouvrir les yeux, un truc un peu étrange qui me ramène sur terre alors que d’un point de vue extérieur je donne sûrement l’impression de switcher d’un état à l’autre. La dualité fait partie de moi, je vis avec au quotidien et si la plus part du temps elle ne se matérialise pas, si elle est invisible aux autres, je la sens en permanence. Ce truc qui rôde dans les abîmes, frôle la surface, une présence fantôme pourtant bien palpable. Mon ombre, celle qui me colle à la peau depuis que ma vie a basculé dans le fond d’un ravin y a de ça bientôt 5 ans maintenant. Une part de mon âme, aussi obscure soi-elle. Ma résilience, le mordant qu’il a fallu avoir pour survivre dans ce chaos. Funambule je marche sur une corde au-dessus du vide, c’est le principe. D’un côté il y a la fierté, de l’autre la honte. Des tas d’autres contraires en réalité et moi je vacille comme les lignes d’un oscilloscope.

Les gestes sont abstraits, la pression de sa main et la mienne qui se retire tout autant dans un élan de gêne venu de je ne sais trop où. Le sourire lui est bien présent, sincère même s’il est mince, bref comme le rire qui secoue mes épaules quand il me tend une barre de chocolat que j’attrape pour la triturer entre les doigts sans réelle intention de la manger. Pas envie, pas l’appétit pour ça.
Pendant quelques secondes je me retrouve à Poudlard et c’est de la douceur qui étreint ma cage thoracique quand je regarde le sol parsemé de paille sans vraiment le voir. Mila a dû juger qu’elle pouvait s’éloigner, pas trop, juste de quoi somnoler à quelques dizaines de centimètres de là « Tu as tant nié cette part de toi ? » J’pensais pas mais quand je me vois dans cet état la question se pose tu crois pas ? « Et question qui découle de la première : ils l’ignorent, les autres ? » Les autres. Comme un bouclier pour ne pas faire face au plus évident parce qu’il n’est pas encore entièrement assumé. Je me planque derrière ce mot, je crois que je cherche sans doute à protéger aussi.

A le protéger.

L’espace d’un soupir j’écoute mon cœur battre sourdement mais calmement dans mes tempes. Quoi que ça puisse vouloir dire pour un Lycan, ce calmement. Ça cogne toujours plus vite qu’un humain qui n’aurait pas été changé, toujours plus irrégulier. Tu vois, je cherche encore à noyer le poisson et entre mes doigts le papier plastifié ou peu importe ce que c’est grince un peu « Je l’ai jusqu’ici jamais entièrement acceptée en tout cas. » Aucun terme ne me semble juste. Accepter, nier … C’est autre chose mais j’mets pas le doigt dessus, je trouve pas les mots pour le moment. J’ai mal partout putain, l’arrière du crane posé contre le bois je rêve de dormir pendant des heures. Pas pour fuir cette discussion mais simplement parce que mon corps tout entier le réclame. Peut-être un peu des deux en réalité « Plutôt … comme si je me contentais de la surface sans jamais affirmer qui je suis. » Un mec qui a appris à survivre de la plus violente des manières, marqué au fer rouge par les ombres qu’il a réussi à apprivoiser au fil du temps pour en faire des alliées. Un type qui se jette dans le vide sans parachute parce qu’au fond il sait qu’il a les capacités pour se rattraper aux branches avant l’impact. Peut-être qu’un jour ça me sera fatal, j’en ai conscience et je ne me surestime pas mais quand on attaque les votre de toute part, quand vous êtes une cible depuis des années pour cause d’intolérance mortifère, est ce que ça ne justifie pas de telles réactions ?

Les mots ne viennent pas, mon regard fixe le vide, les évidences qui tournent dans mon crane me font mal. J’arrête pas de dire qu’un jour ça sera trop, ce que je n’avais pas envisagé jusqu’ici c’est que ce fameux « trop » puisse l’être pour moi aussi.
Ça me déchire le cœur autant que l’âme, à deux doigts de sentir de nouveau l’humidité s’emparer de l’espace entre mes yeux et le couvert de mes paupières. Rien de simple à faire face, à considérer le problème comme on s’est toujours refusé à le faire en pensant sauver les meubles. Dans mes veines s’entremêlent la colère et la peine, un profond sentiment d’injustice. Pour lui, pour moi, pour cette situation qui nous dépasse et contre laquelle on se débat depuis des mois. Parce que son passé pèse lourd et que mon présent à le goût du danger, parce qu’on s’aime tellement, parce que j’imagine pas ma vie sans lui et réciproquement. Je le sais, j’ai aucun doute là-dessus, je sais aussi qu’aucun de nous deux n’est naïf. Ça ne suffit pas de s’aimer, pas quand le monde à ces couleurs et que trembler pour l’autre devient la faille du quotidien. Certaines réalités sont douloureuses à affronter, celle qui vient me frapper droit dans le cœur est de celle-là.

La tête baissée, un soupir silencieux pour compagnie, j’encaisse le coup avec une mélancolie doucereuse « Il a déjà beaucoup perdu et il me l’a dit clairement, s’il m’arrive quelque chose il ne s’en remettra pas. » Il. Je sais que Maxence comprendra de qui je parle. Mais moi je fais quoi de ça ? De Jude. De son fantôme qui plane au-dessus de notre histoire même si on a voulu se persuader du contraire.
Sa crainte est légitime, j’ai vu l’impact que ma disparition a eu sur lui mais notre problème c’est qu’on est depuis coincé dans un foutu marathon sans jamais voir s’annoncer la ligne d’arrivée. Et que lui comme moi on ne pourra pas courir indéfiniment.

Une main sur la nuque, puis dans les cheveux, l’autre est occupée à faire tourner la barre de chocolat sur elle-même. Y a que ce qui compte vraiment qui peut rendre aussi fébrile.
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Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
Jeu 11 Avr 2024 - 19:26
Il refait surface. Le processus pourrait sembler complexe mais il n’y parait pas. Le corps passe d’un extrême à l’autre, un instant noyé par les ombres, l’autre à s’en extraire qu’importe l’épaisseur des abysses.  Il a des mécanismes de protections dans cette manière d’être. L’assurance du corps qui reprend le dessus face au risque de basculement total. Il suit la ligne de vie dans les ténèbres, retrouve par un procédé presque mécanique, à la limite du mimétisme, le mode d’emploi.
Il se reprend. Trouve la voie. Parce qu’on lui indique le chemin, certes, mais pas tant que ça. Comme s’il ne lui fallait qu’un accompagnement de quelques pas pour retrouver non pas ses aises mais quelques réflexes intégrés depuis longtemps. Grandir dans un monde trop dur, c’est apprendre à courir avant de marcher. Une réflexion qui s’adresse sans doute bien autant à sa meilleure amie qu’à lui mais qui fait sens malgré tout. Il trébuche, c’est vrai. Qui ne trébuche pas ?

Un sourire passe et les réuni un instant dans le moment présent tout en projetant leurs esprit quelque part en arrière. Qu’il le mange ou non, la barre de chocolat fait ancrage dès lors qu’elle passe d’une main à l’autre. Un instant, l’odeur des murs de pierre de Poudlard, des torches au mur et des produits de l’infirmerie flottent dans l’air. Peut être est-il le seul à y penser mais Maxence en doute. Il y a des choses qui réunissent. Des moments de liens sur lesquels on se construit sans doute à fait s’en rendre compte dans l’instant. Adultes. Enfants. Qu’importe.

Quand à s’appartenir tout à fait, s’accepter, avec ses forces et ses faiblesses, ses parts d’ombre et de lumières… c’est là le travail d’une vie. Pas que le médicomage ait les réponses. Ni pour lui ni pour d’autres. Mais Enzo trouvera toujours chez lui une oreille attentive. De quoi dénouer ce qui étouffe et envisager, peut être, à terme, une solution qui lui ressemble.

« Je l’ai jusqu’ici jamais entièrement acceptée en tout cas. » C’est là quelque chose qui l’étonne, pour être très honnête. S’il y a bien quelqu’un qui a dû avancer et faire face à des parts de lui difficilement acceptables, c’est bien Enzo. Mais entre ce que l’on perçois de l’extérieur, ce que l’on masque et ce que l’on feint, il y a souvent des ravins de faux-semblants. Que ça l’étonne n’a donc pas d’importance. « Plutôt … comme si je me contentais de la surface sans jamais affirmer qui je suis. » Un instant, Maxence l’observe comme s’il le découvrait. De loin, on pourrait y voir des failles de l’adolescence. Apprendre à vivre en étant soi. Tout le monde passe par là. Mais le concernant le propos est bien plus profond et complexe. Exprimé, pourtant, avec des mots si simples qu’il pourrait s’agir de n’importe qui. Un sourire s’esquisse chez l’ex infirmier. Il y flotte une affection qu’il ne cherche plus à cacher depuis un moment.

Ces jeunes ont grandit dans un monde prêt à les broyer. Ils doivent inventer une réalité qui n’aurait pas dû être la leur. Aucun adulte n’a à vivre ce qu’ils ont traversé.
Personne ne les a, les réponses.

Que lui dire, quand lui-même n’expérimente l’impression d’être traqué pour ce qu’il est que depuis quelques années ? Quelques mois, même, ayant bénéficié d’une position favorisée par ses aptitudes à la médecine.
Mais alors ? Qu’est-ce qui justifie quoi ?
Est-ce que l’ensemble de ses propres valeurs justifie la mort de ses parents ? Est-ce que l’idée de se dresser contre l’intolérable vaut l’idée de tracer une cible sur le front des siens ? Est-ce que se placer en figure de sécurité pour des mômes, vaut la lâcheté d’en délaisser un autre, en cours de route ?
Et à la fin, on fait comment pour se regarder dans le miroir ?

Questions après questions, le sourire de Maxence s’efface et il déporte son regard vers Mila.
Les mots ne viennent pas, non. Ni ceux d’Enzo, ni les siens. Encore une fois, les solutions, Maxence voudrait les avoir mais n’a à la place que ses propres défaites pour faire face à l’adversité. Il a dans la chair des certitudes qui s’opposent à ses plaies. Et les mêmes craintes que le jeune homme en détresse qui cherche avec tant de force une ligne de conduite dans un monde amoral.

Alors ? C’est quoi le prix de ses proches ? Combien vaut la famille ou l’amour, face à ce qu’on se doit d’être ? Quel est le poids des belles paroles quand on se tient seul face au marbre des tombes ?

Nan. L’amour ne suffit pas, Maxence le sait.
Et un jour, il faut répondre de ses actes. Même lorsqu’ils sont faits avec les meilleures intentions du monde.

« Il a déjà beaucoup perdu et il me l’a dit clairement, s’il m’arrive quelque chose il ne s’en remettra pas. »

Un instant, Maxence ne détache pas le regard de l’animal. S’il n’y a que ce qui compte qui rend si fébrile, il n’y a qu’un effet d’échos douloureux qui joue sur ses côtes et résonne dans sa poitrine. Il pourrait s’abîmer, ici, dans la contemplation des poils drus, si courts par endroits qu’on croirait la peau à nue. Mais de près, il est possible de distinguer ces endroits où l’implantation du pelage dessine des volutes de formes sombres.

En abaissant le regard vers les brins de paille, le sorcier soupire à son tour et redresse les yeux vers Enzo après un temps qui lui semble infini.

- Si j’avais les réponses, je te les donnerai je te promets. Et à contempler un instant ces prunelles d’automne, le manque de son frère creuse son estomac et lui arrache un nouveau soupire. C’est pas juste. De vous trouver tous les deux dans cette situation. C’est pas juste pour lui et c’est pas juste pour toi. Mais ça t’avance pas à grand chose.. Un sourire navré appuie sa pommette gauche et Maxence inspire doucement avant de reprendre. Je pense malgré tout que c’est important de suivre ce qu’on est. De s’impliquer dans ce à quoi on croit. Mais je crois aussi… je sais qu’il faut aussi être prêt à en gérer les conséquences. Et que c’est plus simple de les envisager sur soi que sur les autres.

L’odeur de brûler, la sensation de la cendre dans ses poumons, les contours de ses parents. Tout danse l’espace d’un instant en arrière de sa conscience.

- Mais c’est pas forcément ce qu’il se passe. Et c’est à réfléchir. Ensembles. Ca pourrait sembler prématuré de parler ainsi à des jeunes gens de leurs âges. Certains n’y songeraient même pas. La question n’a pas à être posée pour Maxence tant elle coule de source. Ceux-là marchent sur le même chemin et … fonctionnent sans doute bien davantage en couple qu’il ne le fait avec Néolina. Alors considérer ça comme une amourette de jeunes gens ne fait pas parti du champ des possibles.
- Les deux points de vue sont légitimes. Et peut être qu’ils s’opposent, dans une certaine proportion. Je pense que vous fonctionnez ensembles depuis trop longtemps pour ne pas… au moins essayer de trouver une forme d’équilibre dans vos besoins respectifs. Il sait qui tu es Enzo. Je pense pas me planter en disant ça. Il a pas cessé d’être là pour autant. S’il y a une petite fenêtre, même minime, qui vous permet de vous accorder sur un truc qui matche pour vous deux.. Alors ‘faut la tenter.

Et ça passe par en parler.
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Maxence Lukas Wargrave
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Maxence Lukas Wargrave
Mar 16 Avr 2024 - 16:08
Le calme après la tempête, le silence tant dans la grange que dans le cœur même s’il est lourd, y a comme un truc qui s’est débloqué. J’suis le premier à dire que communiquer est la première chose à laquelle on devrait penser, la première à chose à faire surtout, quand un truc coince. C’est évident, pas pour autant que c’est facile et laisser échapper ces mots-là me lacère l’intérieur de la cage thoracique sans faire de bruit.
Ça soulage pourtant, mon corps tout entier me transmet ce message et l’espèce de tranquillité qui flirte avec mon âme ne fait que confirmer son propos silencieux. Et puis ça pousse une nouvelle porte, derrière laquelle se trouve une réalité qu’il va falloir affronter.

J’sais pas qui de lui ou moi lâche un soupir avant l’autre mais je crois qu’instinctivement je comprends que ce moment de pause prend fin.

Nos regards se croisent, je me demande où tu te situes dans tout ça, si t’en arrive à te faire des parallèles avec ta propre vie. C’est vrai qu’on a tendance à facilement se braquer quand un adulte plus âgé nous partage son expérience mais je me rends compte qu’avec certains, ceux qu’on a connu là-bas à vrai dire, on garde notre place de gosses. J’aurai probablement pas le réflexe de lui demander comment ça se passe pour lui, comme si j’avais pas à y mettre les pieds à cause de mon âge et du sien. A ce stade c’est sans doute stupide mais la pudeur est tenace je crois, une sorte d’habitude « Si j’avais les réponses, je te les donnerai je te promets. » Et s’il n’y en avait pas ? J’suis même pas trop certain de cerner les questions que je me pose. Engourdi, alourdi, j’ai envie de lâcher prise et me laisser emporter par le poids de la fatigue alors mon esprit divague un peu c’est vrai « C’est pas juste. De vous trouver tous les deux dans cette situation. C’est pas juste pour lui et c’est pas juste pour toi. Mais ça t’avance pas à grand-chose.. » Non, mais ça fait du bien de l’entendre.
Bien sûr que non ça n’est pas juste et je me demande à quel moment cette force qu’on avait fait notre s’est transformée en une faiblesse qui me paralyse. J’extrapole ses propres sentiments en barricadant les miens, pris en tenaille entre la peur et la colère de devoir faire face à des situations qui nous dépassent. On a tous les deux été plongés dans l’horreur de l’humanité très jeune, chacun à sa manière, chacun dans sa façon de le gérer aussi. C’est ce qui l’a poussé à s’éloigner de moi quand je suis revenu d’entre les morts et je sais à quel point il s’en est voulu pour ça. C’est aussi ce qui m’a poussé à lui mentir parfois, plutôt à ne pas tout lui dire. J’en suis devenu maladroit dans ma façon de vouloir le protéger mais ce stade là on l’a dépassé, on a posé des mots là-dessus sans chercher à s’esquiver.

Malgré ça je me sens pris dans les grandes marées, à bout de souffle, fragilisé à force d’être happé puis recraché par les vagues. Une foutu ironie, une métaphore un peu idiote pour un mec comme moi bien souvent plus à l’aise dans l’eau que sur la terre ferme « Je pense malgré tout que c’est important de suivre ce qu’on est. De s’impliquer dans ce à quoi on croit. Mais je crois aussi… je sais qu’il faut aussi être prêt à en gérer les conséquences. Et que c’est plus simple de les envisager sur soi que sur les autres. » J’me demande si Max parle en connaissance de cause avant de me souvenir des choix qu’il a lui-même fait dans sa vie. J’en ai pas les détails, j’ai jamais poussé jusque-là mais on parle d’un type qui a bossé sur le front, qui a rejoint une école assiégée et y est resté, qui aujourd’hui continue de se battre. C’est peut-être pas pour rien si j’ai cette impression de ne pas connaître sa vie, son entourage au-delà des personnes qu’on a en commun. Peut-être qu’au fond y a personne d’autre et ça vient me frapper en plein plexus alors que je le regarde et que ces mots se fraient un chemin jusqu’à ma conscience « Mais c’est pas forcément ce qu’il se passe. Et c’est à réfléchir. Ensembles. » Un clignement de paupières et c’est moi que je reviens, à nous, à Will et moi. Le pire dans tout ça, le mieux en fait, c’est qu’au fond je sais qu’on veut la même chose. Être heureux, l’être ensemble, s’accorder le droit de vivre une vie paisible sans pour autant oublier qui on est. Il y a certains de ses mots un peu maladroits que je n’oublie pas, des regards que je comprends, une lassitude dont j’ai conscience vis à vis d’une de nos plus grosses différences qui n’en est finalement pas une. Il ferait n’importe quoi pour sa famille, la mienne est sans doute seulement un peu plus large que la sienne et ça n’a rien d’un jugement. Surtout les causes pour lesquelles ils s’impliquent sont moins dangereuses mais j’peux pas changer ce qui coule dans mes veines depuis 5 ans, un sang un peu différent du sien « Les deux points de vue sont légitimes. Et peut être qu’ils s’opposent, dans une certaine proportion. Je pense que vous fonctionnez ensembles depuis trop longtemps pour ne pas… au moins essayer de trouver une forme d’équilibre dans vos besoins respectifs. Il sait qui tu es Enzo. Je pense pas me planter en disant ça. Il a pas cessé d’être là pour autant. S’il y a une petite fenêtre, même minime, qui vous permet de vous accorder sur un truc qui matche pour vous deux.. Alors ‘faut la tenter. » On ne se rend pas compte à quel point on peut avoir besoin d’entendre certaines choses parfois. Ça, précisément ça, ces mots qui viennent me choper les tripes autant que le cœur jusqu’à faire briller mon regard à nouveau. J’ai laissé à personne la possibilité de me les formuler ces derniers temps, pas même à celui que j’aime et que j’ai choisir de fuir comme un lâche ce soir.

J’renifle, passe un revers de main sous mon nez et le tranchant de l’autre sur ma pommette comme un réflexe, un ensemble de geste qui laisse un peu de temps pour souffler une fois encore. C’est vrai j’ai fui mais je me rends compte maintenant que c’était sûrement la meilleure chose à faire. Prendre du recul, souffler, faire le tri dans tout ce putain de bordel qu’étaient mes émotions. J’y serai probablement pas arrivé tout seul mais ça devient plus clair, plus franc. J’dois me faire confiance, c’est ça ? Après tout, c’est l’instinct qui m’a fait venir ici. L’instinct qui me sauve la peau depuis toutes ces années.
Si mon cœur s’emballe à nouveau il le fait différemment, c’est comme une nouvelle impulsion de vie, un truc qui rend les choses de plus en plus limpides et évidentes. Ça ne fait pas taire les angoisses, les plus terre à terre, mais ça les rend plus acceptables alors la peur se change en autre chose, la colère s’évapore « Faut que j’rentre. » Même ma voix ne tremble plus.
Une main dans les cheveux, la paume opposée à plat sur le sol. Le regard cherche un repère alentour, le corps hésite. Fébrile, fourbu, mais soumis aux décisions prises par le centre névralgique. L’appuie se fait contre la terre battue parsemée de paille, contre la paroi de bois du box, ça me semble durer une éternité avant de parvenir à dérouler toute ma carcasse. Ma mère me manque. Pas vraiment de sens, ça se présente juste comme ça sans que je cherche à comprendre pourquoi alors que je me demande ce qu’elle penserait de son fils aujourd’hui. Quand ils sont partis j’avais 15 ans, pas vraiment la même carrure, je donnerai n’importe quoi pour l’entendre me dire que je ne serai jamais trop grand pour qu’elle m’embrasse le front.  

Un regard posé sur Nyx, une main qui caresse son encolure alors qu’elle respire calmement les paupières closes. La barre de chocolat est toujours coincée entre ma paume et mes doigts, je laisse mes yeux glisser dessus et c’est ce qui me ramène à Maxence, à sa présence, à ce moment un peu étrange où faut se dire au revoir. Je ne trouve rien de juste à lui dire comme bien souvent, ça serait soit trop soit pas assez alors je me contente de ça « Merci. » Un truc basique mais qui transmet bien plus. Je sais que tu sais, que t’entends les mots que je ne prononce pas, que tu perçois la vibration, l’onde qui travers mon regard alors que je m’en veux un peu de partir comme ça. D’avoir vidé mon sac en te laissant tout ça, comme ça, sans tendre la main pour savoir si toi aussi t’aurais pas besoin d’aide pour porter ce qui pèse lourd sur tes épaules. Sans doute pas mon rôle mais c’est là, je sais pas faire autrement quand je laisse entrer les gens.

Pas de bon moment, pas de signal à attendre si ce n’est un sourire qui s’esquisse ou un imperceptible mouvement du menton. J’attends pas d’approbation, juste l’oscillation dans l’atmosphère qui me fera glisser les doigts jusqu’à ma baguette, puis disparaitre.

¥

A chaque fois que je pose les pieds ici il se passe quelque chose. C’est ténu, tellement intégré que je n’y fais plus attention dans le quotidien mais ce soir ça m’explose contre le cœur avec force. La sensibilité à vif explique cette sensation, tout est calme, entre deux Portoloins j’ai senti mon téléphone vibrer dans ma poche sans pour autant décrocher.
Pas de trace des chiens quand je pousse la porte, entre dans la maison et laisse mon regard faire un tour d’horizon. La baie vitrée est grande ouverte, les rideaux dansent dans le courant d’air. Le soleil n’est plus qu’une tache rouge vif coincée entre les nuages et la surface de l’eau. Aucun bruit si ce n’est celui du vent dans les arbres ou les pages d’un magasine posé en travers de la table basse. Un vague hululement, celui de Lazy je crois, et Lune qui miaule quelque part en haut des escaliers en bois amorçant la descente vers la plage. Je ferme les yeux, pousse mes autres sens dans ce qu’ils savent faire, capte son odeur presque comme si je pouvais en suivre les marqueurs sur le chemin qu’il a emprunté après avoir posé son sac dans l’entrée.

J’suis noué mais déterminé, dans ma tête les pensées fusent puis se calment, s’organisent, mains dans les poches je fais un pas puis un autre, pose la barre de chocolat sur un meuble et dégage mes pompes, remonte finalement les ourlets de mon jean avant de sentir le bois de la terrasse sous la plante de mes pieds. Le clapotis de l’eau de la piscine ne rivalise pas avec le fracas du ressac entre contre bas, bientôt c’est le sable qui s’invite contre ma peau et sa silhouette que je devine entourée de celles de Wax et Einstein. Les couleurs du soir s’amusent avec les nuances de leur pelage, je sens mon ventre qui se serre à mesure que son image se fait plus nette. Il pensait me trouver là, sans doute les pieds dans l’eau à regarder le soleil se coucher. Rares sont les jours où ça ne se passe pas comme ça, une habitude, presque un rituel qui me berce l’âme.

C’est Wax qui me perçoit en premier, j’ai vu ses oreilles se redresser et son museau se lever vers le ciel avant même qu’il ne se retourne. Ça me fait sourire parce que j’en comprends les mécanismes et en quelques secondes je me retrouve assaillit par quatre pattes avants qui maculent mon jean de sable mouillé. Pourtant dans tout ce chaos c’est lui que je regarde, son allure nonchalante, le sourire qui étire le coin de ses lèvres et son torse qui cache les battements de son cœur que je pourrais entendre s’il était plus proche, que le vent ne me soufflait pas dans le dos.

Quand sombres sont mes pensées
La lumière jaillit du noir comme son sourire éclaire mes journées

Lombre

Une semaine.

Une semaine que je n’avais pas vu les larges boucles couleur châtain de ses cheveux se balancer autrement qu’au travers d’un écran de téléphone. Une semaine sans le poids de son corps sur le matelas. Sept jours sans le grain de sa peau sous mes doigts.
Pas de sentiment d’urgence dans les veines alors mes pas sont lents mais je me nourris de tout ce que je ressens, de tout ce que je vois, conscient de ce qui se trame dans mon esprit.

J’vais partir à mon tour, j’en ai besoin.
Pour moi. Peut-être aussi un peu pour nous.

« T’es là. » Aucun reproche dans sa voix, juste un constat alors ses pas comme les miens nous rapprochent l’un de l’autre. Je le regarde plisser les yeux alors que les dernières lueurs du jour viennent l’aveugler, je sais que lui captera mes cernes, les traits de mon visage tirés par la fatigue. Rien de tout ça ne lui échappera malgré ma capuche qui fait jouer les ombres sur mes joues, l’arrête de mon nez et mes pommettes « J’ai cru que tu m’avais planté avec les gosses. » Lune, Wax et Einstein. C’est toujours comme ça qu’on se retrouve, en se balançant un truc loin d’être sérieux, en se provoquant un peu, mais ce soir quand son regard cherche le mien et que ses mains glissent sur mes hanches comme elles l’ont fait des centaines de fois je ne joue pas vraiment « Jamais. » Un seul mot sans doute à peine audible alors que mon visage vient chercher instinctivement le creux de son épaule et que j’inspire son odeur à plein poumons. Un peu trop sérieux, trop grave sans doute, mais je connais la douleur d’être celui qui reste les bras ballants et le cœur en miette de ne pas comprendre pourquoi l’autre est parti sans même un au revoir. Alors non, jamais je ne ferai ça et je m’en veux encore parfois d’avoir douté de toi, d’avoir cru que tu pouvais me faire aussi mal.
Pour autant va falloir affronter les choses et je n’ai aucune autre intention mais le sentir contre moi referme des plaies dont j’ignorai l’existence « Tu m’as manqué. » Chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. J’suis pas dépendant, pas comme j’ai pu l’être plus jeune quand je confondais l’amour avec autre chose de plus dangereux, mais même si mes angoisses les plus lourdes ont un lien avec lui c’est ce que je ressens là tout de suite. Ça me percute dans une sorte de soulagement silencieux alors que ses bras m’entourent et que sa main passe de ma nuque à mes cheveux en glissant sous ma capuche jusqu’à la faire retomber contre mes omoplates « Toi aussi. » Le langage du corps plus que celui des mots, ce qui passe entre nos deux enveloppes est une chose qui ne s’explique pas et qui n’a pas besoin de le faire. Et ça dure le temps que ça doit durer, l’impact de ses lèvres que je sens contre mon cou fait frissonner ma peau. Les choses sont ce qu’elles sont et il faudra plus qu’une étreinte pour les régler mais sa proximité immédiate calme mon rythme cardiaque comme elle l’a toujours fait et je sais que c’est réciproque.

Le silence, un soupir long et profond, nos deux corps se désolidarisent en douceur comme la mer recule sur le sable.

« T’étais où ? » Rien d’inquisiteur juste de la curiosité, de l’intérêt « Chez Maxence et Fenella. » Pourquoi mentir ? D’autant que ça n’a rien d’improbable même si mes visites là-bas se sont fait rares ces derniers mois et qu’elles riment souvent avec gestion de crise quand on y pense. Tristan, la morsure d’Hailey … J’le vois que ça traverse son regard aux reflets d’océan, parfois j’me dis que c’est la même exacte couleur qu’on aperçoit le matin au lever du soleil, juste au moment où ses rayons touchent la surface de l’eau. J’pourrais m’y plonger pendant des heures dans ces yeux-là, m’y noyer sans chercher à retrouver la surface, tout ça tu le sais déjà. Même quand tu te moques de moi je sais qu’au fond ça te fait quelque chose, je le sens là quand ton cœur accélère. Juste un peu, juste parce que ça te l’électrise toujours de me savoir aussi amoureux. J’sais pas faire à moitié et c’est ce qui te fait autant vibrer que trembler.

C’est pour ça que toi, moi, j’peux pas accepter que la vie nous l’arrache. Pas sans qu’on se batte encore une fois. J’aimerai tellement que tu me racontes ce que t’as fait ces derniers jours loin d’ici avec ceux que tu considères comme ta famille mais tu le vois bien dans le fond de mes yeux que quelque chose rode dans les ombres « Ça va ? » Ma main attrape la sienne, nos doigts s’entremêlent jusqu’à se nouer les uns aux autres « J’ai besoin de te parler. » J’ai peur, mais je t’aime. Et j'ai envie de croire qu'on va s'en tirer encore une fois.

▬ FINI POUR MOI ▬
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Enzo S. Ryans
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