Les gouttes s’écrasent et résonnent sur les murs de pierre. À chaque chute, le son fait écho et claque sur chaque brique, chaque flaque, chaque foutue fissure de cette cellule. J’en connais par cœur les rainures, les creux, les bosses. Je sais la texture de la corde et l’odeur de vase de la geôle. Elle est devenue mienne autant qu’elle m’a fait prisonnier. Alors je sens la fibre sous mes doigts blessés. Chacune de mes plaies s’y accroche alors que j’y passe les phalanges. La douleur y est devenue une alliée, je l’attise ou la calme, j’interroge le chemin du serpent de flammes sans ma chair, je perçois chaque parcelle de peau qu’il brûle lorsque le sort avance au hasard pour me dévorer vivant. Ils font ça pour me rendre fou. Le hasard de la douleur, la faim, la soif, les gouttes qui tombent au loin et résonnent sur les nerfs de mon corps attaché. Je pourrais tracer chaque contour de ce trou sans en ouvrir les paupières, je l’ai tant fait. Je connais l’endroit exact où les arches brisées qui constituent le plafond perdent de leur inclinaison : l’eau s’y écoule en rigoles et durant le premier mois, je n’ai fait que compter le temps entre chaque goutte. Vingt-sept secondes exactement. A la fin, la durée s’était abaissée à treize secondes. L’hiver. J’étais là depuis six mois.
Six mois…
Et je parle au passé. Pourtant les gouttes s’écrasent. Leur bruit se brouille, le son enfle à mes oreilles. Mes bras tremblent, mes jambes ne me tiennent plus, la douleur pulse dans mes paumes percées. Ça vient par vagues, remonte mes nerfs, décale chaque os, tors chaque tendon, arrache la chair. Il y a vingt sept os. Les métacarpes humains… Lunatum, triquetum, hamatum, capitatum. Je le sais. Je le sais aussi bien que je revois la lumière des torches dans le couloir, l’oscillation fébrile des lumos quand on vient me trouver pour une nouvelle séance et le son des bottes sur les pavés de Poudlard.
Je le sais. Car je ne suis pas là.
Pourtant la lumière passe sous la petite porte, elle balaye l’espace puis se picte de deux longues traînées sombres. Et le battant s’ouvre. Ça tremble sur les murs. Ça ne tremblait pas sur les murs. Trois gouttes se crashent sur mes épaules et encore une fois, il me semble qu’elle me percent et relancent la douleur dans mes paumes. Que j’ai mal putain… J’ai mal à m’en damner. Sous la peau du torse, les doigts, les paumes, la mâchoire, les poumons. Ça me brûle jusque dans mes prunelles et sillonne mes veines d’un feu infernal. J’ai mal. J’ai mal à en crever mais ils ne me laisseront pas faire. L’ombre entre, m’aveugle et le feu se change en marteau sous ma cornée. Ça me frappe, ça vrille sur le nerf optique et sans raison apparente, j’ai l’impression de me noyer. L’homme entre. S’approche. Il souffle un rire sur ma gorge et dans ma chair, le serpent s’agite comme s’il reconnaissait son maître. Mais ses maîtres sont légions et mon corps ne répond plus. Alors l’homme me fait face et sourit. Aucun visage n’est là pour me le confirmer, pourtant c’est certain, il sourit. Sa face lisse me rit à la gueule. Elle se délecte de mes plaies avec tant d’insistance que je sens la langue de son regard les lécher. Ça pulse plus fort de douleur, les pans de la peau se soulèvent, mon esprit vacille et les abysses de mon âme appellent à m’engloutir pou y échapper. Mais je ne le fais pas. Car le bourreau ne bouge pas. La douleur est fantôme. L’humidité des geôles, le souffle du boucher, la faim atroce sous mes côtes, la soif mordante sur ma langue, la plaie des chaînes et la menace des supplices à venir. Tout ça n’est que strige de mes sens malmenés par un esprit malade. Je reste immobile, contient la violence de la réponse qui boue dans mes veines. Combien d’hommes et de femmes pourrais-je tuer si je laissais cours à ce qui bouillonne en moi ? Quel massacre le bâtard Rivers pourrait-il commettre ? A quel point pourrais-je être le monstre dont ils m’accusent depuis l’enfance ? Oh je pourrais. Je pourrais arracher tant de complaintes et de sang, je pourrais rendre palpable le regret de ne m’avoir tué quand j’étais à leur merci. Car ils m’ont eu. Faible et tremblant. Je n’ai jamais lâché un mot, craché autre chose que sang et rires saccadés. Mais il m’ont eu.
Et ils m’ont encore. Sinon je ne serais pas là, à contempler le visage du vice quand en moi la peur résonne. Le cœur s’affole, les oreilles bourdonnent, la douleur tonne. Ils m’enfoncent mille pieux dans les paumes, tranchent mes phalanges, calcinent ma chair. Alors je tremble encore, incapable de déterminer le temps qui me sépare des pierres humides de ma cellule du confort d’un lit dans la vieille Angleterre. Je cherche pourtant. Personne n’a idée du labyrinthe qu’est devenu mon esprit au fil des ans. Il m’a permis de m’y camoufler, d’endurer la douleur, de me sortir des geôles.
Alors comment avouer que j’y retourne ? C’est cyclique. Le clapotis des gouttelettes me rattrape et d’un souffle sur ma nuque je me noie en enfer.
Lunatum, triquetum, hamatum, capitatum…
Je suis sorti de là. Ils m’ont sorti de là. J’ai ouvert les yeux à la Garde, pris une vie, on m’a immobilisé, paralysé. J’ai refait surface sans vraiment m’éveiller. J’ai mis des mois à refuser la lumière. Des mois à prévoir la fin. A jurer en silence de sauver Alec, d’achever mon existence par quelque chose de bien. Mais j’ai renoncé, par lâcheté et affection, pour un goût de la vie que je n’ai jamais eu et une rage de me battre qui m’avait pourtant quitté. Je suis en vie. Ailleurs.
Lunatum, triquetum, hamatum, capitatum…
J’ai appris d’autres choses que je ne savais pas à l’époque. Alors je me refais les livres de Sanae. Comment connaîtrais-je les potions adaptées au soin de la Scrofulite ou de la variole du dragon ? La physiologie moldue. Je connaissais les soins utiles aux blessures des jeunes, aux miennes, aux dangers quotidiens des duels. Mais pas ça. Non. Où aurais-je appris ce qu’est la cytokinine si Sanae n’existait pas ? Ça je le sais parce que je suis dehors. J’ai lu des auteurs moldus ces dernières semaines. J’ai vu des films. Regardé des séries. Je ne suis pas enfermé dans cette foutue tombe. J’ai seulement scindé mon esprit d’abysses et de recoins. J’y ai creusé des caves et des douves, j’ai sillonné mon âme de dédales pour y stocker chaque parcelle de moi. Et tant de légilimens s’y sont perdus. Derrière les murailles se trouve l’abyme. S’ils ne se sont pas fracassés sur les premières, il se sont perdus ensuite pour revenir bredouilles des donnés qu’ils venaient me voler. Certains s’y sont même égarés, peinant à revenir en eux-mêmes. En aurais-je rendu fous, même sans les attaquer à mon tour ? Oui… oui, j’ai fait ça. J’ai brisé tant d’âmes. Rendu coup sur coup. Ils ont enfermé le monstre mais ne l’ont pas dompté. Vous ne m’avez pas. Vous ne m’avez pas. Vous ne m’aurez pas. Jamais.
Alors lentement les cachots s’effacent et mon corps re-parait. Le cottage est calme, noyé dans les ombres. Les bruits de la nuit ne me parviennent pas, seules les gouttes tombes des caveaux quelque part dans mes souvenirs. Mais ça va revenir. Pas ma première excursion en enfer. Pas la dernière. Ça reviendra. Ça coule dans mon dos quand je me redresse. Et je crois que je serais incapable de savoir s’il s’agit de sueurs froides ou d’une vue de l’esprit. J’essaie de rester rationnel. Je crois l’être d’ailleurs.
Je crois l’être, toute la journée.
Je me suis levé, ai pris ma douche, raccroché petit à petit avec la réalité. Mais le bourreau n’est jamais loin. Son souffle sur ma gorge. Le clapotis de l’eau, l’humidité sur ma peau. Horaires ou problèmes au boulot : qu’importe, de la journée, Sanae n’a pas eu beaucoup de temps libres. Et je n’ai eu que le temps de m’interroger de sa présence. Etait-elle véritable ? N’était-ce pas ça le jeu de mon esprit ? Aurais-je inventé toute l’histoire avec Kezabel, l’accident avec le vampire, voire même la relation entre Sanae et Margo, une femme que j’ai engagé trois ans auparavant, et qui faisait partie des gardiens que j’ai instauré à Poudlard. La Garde ne découle-t-elle pas de cet ordre là ? N’ai-je pas inventé tout un monde pour me maintenir à flot pendant que mon corps, lui, est soumis à la torture ? Chaque interrogation a pris sa place dans mon subconscient. Contre chacune, je me suis battu. A chaque fois, j’ai trouvé la parade, forcé le réel à revenir, choisi lequel était celui qui me convenait le mieux. C’est un procédé aliéné, j’en ai conscience. Alors durant toute la journée, je me suis accroché à ce qui faisait sens. Pourquoi j’aurais imaginé une telle relation avec une femme que je n’ai jamais vu ? Pourquoi lui aurais-je instigué une relation avec une employée pour qui j’éprouve du respect ? La situation d’Alec ou même le départ d’Aileen, celle avec qui j’ai partagé un semblant de relation durant six ans, ça ça fait sens, même pour un esprit malade. Mais pas le reste. Je me suis accroché, jusqu’à ce que le réel ne me rattrape par lui-même : elle seule sera capable de comprendre à quel point je perds pied par moment. Avant son retour, il me faudrait retrouver la stabilité, percer la surface, me réaligner.
Alors j’ai fait ce que je n’aurai pas dû faire.
J’ai pris le large, rassemblé les informations que j’avais, déterré mes démons et rejoint les quartiers sombres de Londres. J’ai juré. Non avec les mots, mais avec sincérité malgré tout, de ne plus laisser Sanae de côté. De lui laisser un espace, une place auprès de moi. C’est là sans doute la pire des hypocrisie. La pensée est venue puis repartie. Je pourrais affirmer avoir été parfaitement ailleurs, bien trop profondément enfouis que je n’ai jamais trouvé le chemin vers ces pensées. Ce serait faux. Elles ont existé, aussi bien que j’ai su faire comme si durant le peu de temps où nous nous sommes croisés. Ces mots-là, ces sensations d’appartenance et de responsabilité vis à vis de l’autre n’ont pourtant jamais réussi à surnager. Ils ont été engloutis, rongés, happés par le bruit des gouttes qui éclatent la pierre et les os. Ils m’ont brûlé à l’acide chaque fois que j’ai tenté de m’y accrocher. M’ont noyé, chaque fois que je les aient entraperçus. Mais ils étaient là. Je n’ai simplement pas eu la force d’y croire. Ou le désir de le vouloir. Pourtant de désir, il y en a eu.
Celui de détruire.
Lunatum, triquetum, hamatum, capitatum…
Le bruit de l’eau cogne sur la pierre. Mes talons l’amplifie, brouillent les flaques, fissurent les pavés. Si je baissais les yeux, je verrais la chaussée londonienne intacte. Sans doute sèche, d’ailleurs. Mais je suis incapable d’y penser. Incapable de voir véritablement les hautes bâtisses entrelacées ou les sorciers qui passent ici et là, capuches rabaissées - il pleut peut être finalement - regards fuyants. Si je fixais leurs visages, j’y verrais le même, sans cesse. Je sais. J’ai essayé. Alors j’avance. Je plonge mes mains dans mes poches comme le môme que je ne sais protéger. Comme si je pouvais cacher du regard d’autrui le sang qui les maculent. Mais si des morts jonchent bien une maison un peu plus haut dans la rue, les gouttes ne m’ont pas atteint. Tout au plus quelques unes, sur la joue, que j’ai effacées je crois. Je crois. Peut être pas. J’avance dans une des venelles aux abords de l’allée des embrumes. C’est pas ce qui perturbera le plus les passants. La gueule du type le plus recherché du coin, sans doute un peu plus. On m’arrête, d’ailleurs. Une main sur l’épaule, ma tronche placardée sur un mur non loin. Le type recule, comme électrocuté. Ça brûle dans mes mains, vibre dans mes veines. L’électrocution n’était pas feinte. Je me dégage, le pousse, frappe le pavé et bifurque. Les ombres me happent, je passe une arche, puis une autre, emprunte une ruelle et la suivante jusqu’à m’arrêter dans une traboule. Une porte. Un hall. Trois couloirs. De l’eau au sol. Le ploc régulier. La force de l’habitude.
Je sais que je confonds tout. Réel et passé. Méandres et abîmes. Je sais. Tout autant que j’ai conscience que le temps m’atteint de façon anarchique. Un peu comme lorsque le pur feu vous inonde les veines et que le cerveau n’arrive plus à suivre. Ma journée n’est qu’un enchaînement de flashs informes sans grande continuité. Sans doute un jour a-t-elle été continue et logique. Ou peut être le deviendra-t-elle demain. Pour l’heure, tout est haché et j’atteins la gorge d’un type sans véritablement savoir comment j’en suis arrivé là.
J’ai la sensation d’une rigole d’eau dans le dos. Illusoire, je m’en doute, mais elle me vrille les nerfs malgré tout. Deux hommes au sol, l’un d’eux ne se relèvera pas, le second tremble dans un coin, le regard vague, la peau si grise qu’elle en a pris des teintes olives. Et puis il y a lui. Son visage tremble, semble par moment se décoller de ses propres os. Ridicule petite chose. Ils sont étranges, ces bourreaux. La pièce a beau s’étendre vers le haut, s’étirer et perdre ses murs peints de rouge pour m’être perçu comme le boyau d’une grotte sombre et humide, lui ne change pas. Et oui, ils sont étranges ces bourreaux. Là-bas, ils souriants ou crachaient. Ils suintaient - comme les murs - et rougissaient de rage. Mais là… là… là il n’est rien. Ce visage pourtant, je pourrais le dessiner avec toute la précision d’un peintre, bien que je n’en ai pas le talent. Les dents en avant, étrangement petites, deux yeux enfoncés dans leur orbite, un liseret doré sur des prunelles de jade, étrangement beau derrière la rage tonique qu’ils ne cessent d’exulter. Menton pointu assorti d’une fossette, cheveux châtains, toujours rejetés en arrière, larges fentes dessinées par le creux des joues. J’y enfoncé à présent un pouce, presse la peau meuble, y voir le sang refluer. L’homme semble chétif à présent. Et pourtant je n’ai jamais été particulièrement massif, moins encore après six mois privé de mouvement et d’alimentation et ce… ce même si tout ça date d’un an. Un an. Tu m’as tenu en joug pendant un an. Tes yeux de fouine, ton pas alangui, tes sifflements qui claquent sur les murs de pierre à chaque arrivée. Un parmi d’autres.
Un parmi d’autres qui ne verra pas la lumière se lever à l’aube.
Sauf qu’avant d’être mon bourreau, il a été l’un des types qu’enfant, j’ai tenté d’impressionner. Le genre à agir sous les ordres de mon père, donc à m’en donner tout autant. Le genre qui me faisait peur. Qui m’a toujours fait peur. Même dans ce cachot. Surtout dans ce cachot.
Et qui tremble maintenant. Qui tremble si fort sous mes doigts blessés. Sa gorge se tord, sa glotte se soulève. Il geint. Supplie. J’entends pas mais il le fait. J’entends rien en vérité, mais je me vois sourire. Je sens mon esprit se glisser comme une langue dans le sien. Il sait ce dont je suis capable. La violence avec laquelle je vais faire imploser chacun de ses souvenirs, chacune de ses pensées. Je serais dans ses joies et ses peines, ses échecs et ses réussites. De son enfance à ses rêves les plus secrets. Et j’y détruirai tout.
Jusqu’à ce qu’il ne reste pas la moindre parcelle d’âme en lui. Je serais partout. J’exterminerai la moindre forme d’humanité en lui.
Alors la glotte tressaute plus vivement encore sous ma paume. C’est lui qui les a percées, lui qui m’a hissé sur une croix pour me crucifier. Lui qui a coupé ma première phalange, arraché mon premier ongle. Lui… Qui halète pourtant sous ma poigne. Le plus amusant dans tout ça, c’est que je n’ai pas de poigne. Je lâche les verres quand je les porte à mes lèvres, je suis incapable d’écrire et tenir une baguette me demande une concentration de chaque instant. Je n’aurais que deux mains inertes et inutiles si je n’avais pas appris durant ces FOUTUS six longs mois à projeter ce qui palpite actuellement sous le bois. La magie, ça s’utilise autrement. Eux m’ont appris à le faire.
Alors ils mourront par elle.
Il y a autour de son corps des stries d’argent. Bloqué, ciselé, ça s’enfonce à chaque instant un peu plus profondément dans sa chair comme il me l’a fait durant les premières semaines d’enfermement. La peau tire, lutte, les muscles s’écartent, les os grincent. Et puis ça fini par lâcher. Ça se fend comme une lame. Il le sait, l’a vu, devine les marques sous mes vêtements, imagine son corps d’ici quelques minutes. Il sait que je pourrais utiliser le serpent de flammes, que je pourrais tordre chaque foutue parcelle de son corps pour rendre justice au mien. Mais il sait aussi que son âme entière explosera avant que la viande de sa carcasse ne le fasse. Les murs sont de nouveau des murs. Mes doigts se resserrent sur la baguette, son corps se crispe, je coule jusque dans ses pensées les plus intime et vole chaque morceau de son existence. Puis je m’ébroue, fouette son âme, la lacère. Il hoquette. Hurle.
Et se tait.
Non pas happé par la mort, mais seulement par la surprise ; la mienne.
Un homme est entré.
La rage me poignarde les côtes d’une frustration atroce tandis que les gouttes cognent de nouveau mes tempes. Une fraction de seconde suffit avant qu’un sort ne fuse vers le type, offrant à mon bourreau quelques battements de cœur supplémentaires.
Lunatum, triquetum, hamatum, capitatum…
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Âge personnage : 37 ans Hiboux postés. : 375 Date d'inscription : 14/01/2023Crédits : awonaa Double Compte : Shura, Gaby & Rachel
Ajay « Aldric » Tivari
Jeu 8 Juin 2023 - 14:27
06 décembre 2016
Derrière, la porte s’ouvre. Les murs rouges s’allongent, le battant fait un bruit de ferraille, l’ombre se projette un instant sur de la terre qui n’existe pas sous mes semelles. Je le sais par Morgane ! Alors pourquoi mes yeux se refusent-ils d’y voir autre chose que de la terre battue ? Les murs suintent, l’eau me pique la peau. Rien de tout ça n’existe. Seule cette glotte qui bat ma paume à mesure qu’elle tressaute, seule elle existe véritablement. Pas d’eau qui suinte du plafond, pas à l’intérieur d’une habitation. A droite, j’ai distingué des chaudrons, on doit être dans un vestibule, une pièce organisée pour les potions. Qu’importe, seul ce type m’importe. Les deux autres étaient là au mauvais endroit au mauvais moment. Peut être ne sont-ils même pas des hommes. Peut-être est-ce sa femme, sa fille. Qu’importe, ils n’auraient pas dû être là. Leur faute. Petites choses sans cervelle. Volte face. L’ombre devient homme. Un homme armé.
Arme à feu, non loin de l’allée des embrumes ? Y suis-je seulement ? Un instant le sens m’échappe, l’instantané prend le dessus : un sort part, l’autre esquive, engage la crosse, le canon. Tire. Pas la première fois, j’espère pas la dernière. Pas vraiment une habitude non plus cela dit. Malgré tout, lorsque la détonation tremble dans l’air, j’apparais à un mètre d’écart et c’est mon bourreau que traverse la balle. Seconde. Le temps de rien : coup de chance, mal visé, c’est un meuble qui prend derrière moi. Un meuble. La pièce redevient pièce, la grotte disparaît. Alors tant que l’autre dégaine sa baguette et tire une fois de plus, il y a un sourire pour conquérir mes lèvres. Un feu à brûler mes entrailles. Comme celui qui s’engage dans le canon pour la troisième fois, il crame d’un plaisir sournois dans mes rétines. De nouveau, je disparais, pour apparaître plus loin. De nouveau, la balle se fiche dans le plâtre d’un mur. Derrière lui, les surfaces rouges brillent encore mais ont retrouvé une taille plus habituelle. Une texture plus ordinaire. La geôle n’est pas loin, mais elle recule. Le battement des gouttes sur le sol n’existe plus : il n’y a que l’odeur du souffre, celle de la poudre, le sifflement des coups de feu que les murs renvoient encore. Alors je projette, la magie part comme part d’ordinaire la légilimencie. Meilleur espoir de sa génération ont-ils dit. Plus forte puissance de feu, certain l’ont clamé. Tous, ont fini par craindre ce qu’ils ont désiré. Non, ce type je ne le reconnais pas, mais sortilège informulé, sans aucun usage de baguette : l’invisible magie part, passe dans la glissière, remonte le canon, fusionne la plaque d’impulsion et la prochaine balle. S’il tire : l’ensemble lui explose à la gueule. Ses balles, j’aurais été incapable de les arrêter autrement. Trop rapide, trop puissant. Trop précis surtout. Garder ma mobilité et construire un bouclier serait incompatible, quant à dévier leurs trajectoires, je n’en ai pas l’habileté. Pas sans baguette. Alors ma main vole déjà pour l’attraper et la luminosité baisse d’un cran dès que mes doigts s’enroulent autour. T’as aucun moyen de deviner la métamorphose dans la chambre de ton arme. Aucun moyen de me devancer. J’te connais pas, mais par défaut tu es un ennemi. Un ennemi que j’apprécie. Il fait fuir mes démons les plus profonds et réveille la flamme de l’affrontement dans mes veines.
Es-tu avec lui ? Avec mon père ? Les Supérieurs ?
A vrai dire ça ne fait pas la moindre importance. Le temps d’échanger quelques sorts offensifs avec toi, autre chose se trame dans ta nuque. De larges fumerolles glacés ont enroulé tes membres et glissé autour de tes jambes, sous ta chemise ils passent leurs doigts, brûlent ta chair, glissent jusqu’au tour de ta gorge. Plus que quelques mètres hein ? Mais ça, ça s’accroche à ta peau et la tire comme des hameçons, ça déphase chacun de tes sorts, désamorce les premiers sorts auxquels tu penses pour les défaire. Magie noire. Le genre qu’on n’apprend pas si aisément. Le sourire s’élargit. T’es à quelques pas du type qui geint au sol, rampe vers sa baguette. Tu veux poser ta main sur lui et transplaner au loin, c’est ça ? Le sauver ?
Je lève la baguette. Et soudainement ce ne sont plus les coups de feu qui emplissent l’air : c’est un craquement mat, puis humide. Ça part des cuisses du type, remonte sur son coccyx puis gravit toute sa colonne vertébrale comme le ferait une fermeture éclair : les vertèbres du type viennent de se fendre les unes après les autres.
“M’empêcher de profiter de sa mort est criminel.”
Sans cesse, les sorts partent, s'échangent, s'enchaînent.
Vas-y, tire ta quatrième balle.
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Ajay « Aldric » Tivari
Lun 10 Juil 2023 - 15:03
06 décembre 2016
Je le tiens. Il n’en sait rien encore, mais les sorts se referment sur lui. Chaque erreur nourrit ma réponse. Chaque coup se retournera contre lui. Tout de suite ou dans quelques minutes, moi blessé ou non, qu’importe : je le tiens. C’est dans mes veines une lave froide, un désir brûlant de briser l’autre, de tordre le fer et de relever le défi. Malsain, oui, sans doute. Mais tu ne m’auras pas. Ni toi ni les autres : je passerai de nouveau au travers des balles et des morts.
Sur ce champ de bataille, je contemplerai les morts.
Ils sont si nombreux, ceux qui ont cru m’enfermer. A enfermer mes poignets, exploiter jusqu’à la puissance d’un regard. Vous m’avez enchaîné, humilié, isolé. Je ne serai jamais le docile petit outil que vous escomptiez. Jamais le servile esclave de vos demandes. Et encore moins le détenu fragile. Je ne tomberai pas sous vos coups. Vous n’êtes rien. Je refuse. Je ne vous donnerai ni mon âme ni ma peur.
L’autre se débat. Pourquoi es-tu là, petit moucheron ? Moi ou un autre ? C’est cet homme, ta cible ? Tu tires à vue ? Ou bien es-tu là comme les autres, à vouloir me ramener dans la crasse de mes cachots ? Veux-tu me fendre le crâne pour y trouver ces secrets que personne n’a su déterrer ? Tu t’y perdras, moucheron. Tu y égareras ton âme.
Tant que je suis en vie, je suis invaincu.
Les fumerolles t’entourent, les attaques s’enchaînent et je sens la frustration de l’échec t’emplir. C’est jouissif. Jouissif de passer entre les balles, jouissif de me sentir en vie, seul contre tous. Les inconnus deviennent ennemis par ma simple existence. Je vois ton regard, le frisson de faire face au monstre. Jouissif, de nouveau.
Tout autant que la détonation qui te prend par surprise et bloque la balle dans le canon. Je crois que celle-là m’aurais eu - trop de choses à gérer en même temps - mais c’est toi qu’elle vise. L’esclave de métal qui se retourne contre son maître, ça en serait presque poétique. L’onde de choc te souffle. Un frisson de plaisir me remonte sous la peau et autour de toi, le bruit régulier des gouttes sur la pierre d’une geôle qui n’est pas là recule. Le réel gagne du terrain quand toi, tu accuses le choc. Ton corps percute le mur et quelques morceaux de plâtre tombent du plafond, venant blanchir tes cheveux et les miens. Qu’importe, tu clignes des paupières, sonné. Et je te souris, dressé dans la brume et la poussière.
Un regard. Il me suffit d’un seul regard. C’est pourtant là une option que j’ai depuis le début et que je n’ai pas utilisé. Par égo ? Peut être. Cynisme aussi sans doute. Mais la vérité est plus triviale : par amusement. Par défi. Par envie. Il est là ce sourire. Il prend racine dans la délicieuse folie qui me gonfle les poumons et enfle sous ma peau. Il passe dans chaque plaie, chaque stigmate laissé au fil des ans. Il y a des sillons de plaisir dans chaque cicatrice que ce monde m’a laissé. Une fracture railleuse qui ouvre le cyclone de mon âme, droit sur la tienne. La faille se fend dans mon regard au bleu d’acier hérité d’un père impitoyable et d’une existence vouée à l’échec. Elle ouvre les ténèbres dans l’éclat de mes prunelles et se déverse droit dans les tiennes. Pas de surprise : tu en es un. Plus brutal encore, tu es comme moi : un inné. Il me suffirait de t’effleurer pour le comprendre : il y a une sauvagerie sèche dans ce don que tu portes en arme et en fardeaux. Un chaos interne dans lequel je me déverse. Ton âme est mienne, malgré chaque défense, chaque piège. J’y deviens multitude, étire la légilimencie comme des tentacules s’abattant sur chaque digue de ton âme. Je suis marrée. Tempête. Déluge. Je m’insinue dans chaque faille, attaque les fissures, trouve tes faiblesses. J’y perçois une force que peu possèdent. Une puissance qui m’attire et me brûle. Ça bat plus fort dans la poitrine, flambe mes veines et étire mon sourire. Je te fracasse. Je m’écrase sur tes barricades et érode chaque digue que tu m’opposes. Je creuse des sillons de mon âme dans la tienne, laisse des crevasses dans son esprit, m’insinue dans tes failles et tes plaies jusqu’à déterrer le passé, l’enfance, le présent et ces émotions contraires qui ont sillonné ton existence.
L’exaltation, brutalement, se prend un mur.
Alec. L’affection. La présence. La volonté profonde de le protéger. Et puis cette enfance qui exhume chez moi bien des similarités douloureuses.
En arrière de mes tempes, le bruit d’une goutte de pluie frappe mes tympans et fait remonter le long de ma colonne vertébrale un long frisson glacé. Cet homme, là. C’est moi. C’est une autre version de l’homme que j’aurais pu être. Cet homme, c’est aussi celui qui cherche à avoir une place auprès d’un cousin que je ne sais protéger comme il le faudrait.
Y arriverait-il mieux ? Mieux que Sana et moi. Mon rôle pour Alec s’arrête-t-il ici ?
Sous ma peau, les blessures inertes brûlent et tirent comme au premier jour tandis que nos esprits s'affrontent et brouillent réel et illusions de mon âme écharpée.
Tu cherches notre place auprès de ce gosse. Notre rôle arriverait il à sa fin ? Te tuer serait si simple.
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Ajay « Aldric » Tivari
Mer 12 Juil 2023 - 0:38
06 décembre 2016
Oui. ta vie m’appartiens désormais. Dans le chuintement de ton esprit sur le mien, c’est cette peur que je capte. Cette trace du passé que tu gardes comme tatouée dans ton âme. Tu t’offres à l’autre - à moi - par ta peur. Tu me laisses te bouffer, tu me laisses entrer. J’éclate tes défenses, mais tu les ronges toi-même d’acide.
Et puis j’exhume. Qu’il est faiblard, ton bastion. Pourtant il y a quelque chose d’étrange, comme l’impression d’y avoir un laisser passer. Une chose monstrueuse inscrite depuis bien longtemps et me laissant le champ libre. A moi, peut être pas à d’autres. Mais pas à moi en tant que tel. A ce que je représente. Celui qui m’apparaît comme un phare en pleine mer à peine ais-je passé les portes de ton âme.
Déjà, je vacille. Les chocs, les méthodes, la colère et les efforts sont miens sans m’appartenir. Je connais ce gosse. Je connais ses pensées, ses peurs, ses frustrations et ses échecs. Je sais à quel point ça se tors là-dedans, à quel point il est nécessaire de faire mieux, toujours mieux, chaque foutue fois pour ne plus avoir à… Je sais. Je connais tout de l’intérieur sans que les décors ou les gens ne me soient familiers. Je ne reconnais ni le père, ni la chambre, la salle, l’entrepôt, la librairie, l’école. Qu’importe là où les pensées que je déterre m’emportent, rien ne m’est commun. Et pourtant… Pourtant je les connais, ces impressions. Je sais ce qu’il en est de voir en sa fratrie un danger mortel, une source de trahison incessante. Le plus jeune, moi aussi je lui ai tenu la main. Ça me revient. J’avais oublié.
Le long de ma colonne, une goutte glacée tranche mes nerfs et l’humidité de la geôle semble soudainement plus proche qu’elle ne l’était il y a quelques secondes.
L’exaltation est tombée.
Je comprends la fuite. On me l’a imposée. Je l’exècre, la juge, la méprise. La tienne, mais la mienne par association. J’attrape des souvenirs, des brides, des morceaux craquelés d’une existence qui ne m’appartient pas. Parce que je cherche à m’imposer, déjà, car j’aime la griffer, cette âme, sentir la douleur que c’est de la sentir se briser sous ma présence. Je ne suis même pas certain d’avoir véritablement cherché à y trouver quoi que ce soit. J’ai écartelé, blessé, fracassé pour le seul plaisir de te sentir plier. Mais dans les décombres de ta cuirasse, je trouve des parallèles qui éloignent le monstre en moi et réveillent l’humain. Le fils. Le bâtard. Et puis le cousin. Celui qui entraperçoit le visage d’Alec parmi les souvenirs d’une autre, qui sent à quel point tout ça t’es important, qui balaye donc les trahisons, les espoirs et les joies. Je cherche à le retrouver, à comprendre, à trouver ce qu’il fait ici. Mais ça m’échappe. Le reste apparaît alors, que je balaye sans cesse sans vraiment m’y arrêter. Ça reste malgré tout. J’intègre. Ce qui ne va plus dans la librairie, les incertitudes du gamin, le plaisir à y passer du temps mais le recul et le manque d’outils pour communiquer. Là aussi, je connais.
Les cendres. La main sur son épaule. Et cette sensation au fond de ses tripes. Ce pourraient être les miennes. Ce pourrait être celles d’Alec. Ça fait tellement sens pour cet homme qu’il réagi immédiatement. Sonné, blessé, affaibli par la marrée que mon esprit propulse dans le sien : il érige de nouveau les digues, se souvient qu’il est censé refermer les vannes, me rediriger ailleurs, tracer des rigoles et des canaux pour m’attirer loin de ce qu’il protège. J’aperçois, alors, quelques visages. Inconnus. Connus ? Jordane parmi eux. La Garde ? J’essaye d’y revenir, de m’y accrocher, de comprendre qui il est. La Garde, oui. Ce que ce monde est petit. La Garde donc. Ses sentiments vis à vis de l’organisation, je n’ai le temps de les percevoir précisément mais j’en ai l’idée générale. Une vraie volonté. Une réalisation foireuse peut être. J’en sais rien. Ce pourrait-être n’être que des sentiments contournés mais ils apparaissent réels malgré tout.
T’as surtout l’air d’un type qui tente de m’éloigner de ce qui importe, qui panique et se casse la gueule au passage. Voilà ce que je pense.
Alors la tempête se déverse d’autant plus fort dans son esprit. Tout est embrouillé, difficile à extraire, mais par moment, une percée me claque dans les sens et m’emporte vers ces souvenirs.
Des gens. Un club. Des histoires de papiers, de duels, de matériel, de ring. Rien à carrer.
Et puis Alec. Soudainement. Sorti de nulle part.
C’est une embardée brutale que j’effectue, me déverse sur ces images, bouffe ces émotions, m’emplie de ce qu’il est, de ce qu’ils ont vécu, de chacun des coups et chacune de tes pensées. T’as voulu l’aider. Vraiment. Sincèrement. Et tu me repousses, chaque fois. Plus encore lorsque je force, entrant l’un et l’autre dans un duel de titans pour l’accès à ces pensées. Tu sais, tu comprends sans mal que c’est lui qui m’intéresse. Et brutalement, c’est un sursaut de puissance que tu déploies pour me dégager de là.
Là encore : tu cherches à le protéger. Rien que je ne connaisse pas, mais ça t’en sais rien. Alors tu forces, me détournes, me re-dirige, déploie des trésors d’ingéniosité pour m’envoyer au loin et m’offrir autre chose. Comme si j’allais oublier.
— Tu n’es qu’une erreur.
Je pourrais en rire. Ça se dessine d’ailleurs sur mes lèvres, se tord dans un rictus malsain. Tu crois vraiment que je pourrais me faire avoir par ça ? La technique de me montrer le pire, le plus intime, le plus brutal. J’ai amené Alec à se réfugier derrière un viol. J’ai condamné ce gamin à revivre sans cesse les pires moments de son existences, ceux que je n’ai même jamais admis connaître malgré le temps passé dans son esprit. Je l’ai damné. Ne crois pas me berner ainsi.
Oui. Je pourrais rire. Mais ce à quoi j’assiste me fend les côtes et choque l’enfant qui, quelque part, connaît trop bien ces mots, ces coups, ces accusations. Je connais ton enfer. Pire : je le reconnais.
Et tu t’effondres. Tout se confonds, tout s’embrouille. Le château de carte s’effondre et ton âme se disloque sous la violence des souvenirs exhumés. Voilà ce que j’attendais d’Alec. Voilà l’ultime défense que je prévoyais pour lui… et c’est toi, parfait inconnu, qui tombe dans les travers de ce supplice que j’ai prévu pour Alec. Ça me prend par surprise, me chope à la gorge. L’empathie me prend de court, ramène à moi de vieux souvenirs, de vieilles larmes sèches d’un gosse qui pourrait être ton jumeaux. Des reproches qu’on m’a tatoué au fond des tripes au fer rouge et qui brûlent si fort, maintenant, que je manque de me perdre dans cet esprit qui n’est pas le mien. Mes propres défenses tremblent. Je me brouille, perd de la puissance, me mêle à des plaies qui ne sont pas les miennes. Je crois même que mon esprit, à son tour bats au rythme des coups et des mots. Il prend la tangente, en serait presque à fusionner avec le tien, à mêler le sang de l’enfance au tien. A battre en cadence. A la même fréquence.
Puis je me reprends. Ça me fait le sentiment de m’ébrouer, de forcer d’un bloc les pensées, d’attraper chaque mention d’Alec et d’y trouver ce que je cherche le plus : la sincérité de la démarche. Les risques véritable.
J’ai pas tout. Loin de là. En vérité, j’en ai même l’impression d’étouffé lorsque je m’extrais de là, confronté à cette haine que j’expulse et que je morcelle dans mon âme depuis l’enfance pour en briser la force.
Un pas, deux, je recule, cligne des yeux, manque de souffle. Père ; n’est pas si loin dans les abysses de mes souvenirs.
Je repousse, déglutis, chope le type étalé au sol. Le risque est réel, bien sûr, de lui avoir véritablement fracturé l’âme. Mais j’crois qu’il a vécu pire. Il tiendra. Son corps se soulève, trop brutalement, aidé par la magie qui sillonne mes veines et compense les faiblesses de mon propre organisme encore marqué par ses récents sévices. Je claque sa joue, plante mon regard dans le sien. Pas de légilimencie cette fois. J’ai ce qui me faut.
“Hey ! L’erreur … ” Il y a bien des mots qui me viennent. Bien des violences dans ma voix rendue rauque par une émotion que je n’attendais pas. Mon souffle est court, s’écrase sur la gueule du type. Pourtant je m’arrête - rien qu’une seconde - à le dévisager.
Je suis l’homme que tu refuses de devenir. Je suis celui que tu fuis. Je suis celui que tu serais devenu, si tu avais suivi la voie familiale. Et je ne sais ce qu’un tel constat dit de ma propre famille. Et de moi.
Alors je te lâche, sans autre forme de procès.
“Merde pas avec Alec.” De la rocaille, cette voix. “Ou c’est pas le chant du rossignol qu’il te faudra craindre.”
Ça tremble dans mon esprit. Bascule. Je sens le contact glacial des fers et l’humidité de l’eau sur ma nuque. Rien n’est réel. J’ai juste l’esprit qui flanche. Je suis juste faible. Aussi faible que toi. Si tu le réalises, bien sûr, tu ne me louperas pas.
Alors la seconde suivante, il n’y a plus que le néant face à Aldric O’Phellan. Le vide pour narguer Bryn Teller.
Qui suis-je, pour incarner les rives de tes enfers ? J’emporterai cette question avec moi.
- Fin pour moi -
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