J-9 avant mon anniversaire. Pour la première année de ma vie, j’allais le fêter seule, n’ayant plus mes parents pour cette journée. Je ne cherchais pas à trouver du monde avec qui passer cette journée, je n’avais de toute façon pas la tête aux célébrations, pas avec mon père dans la tombe depuis si peu de temps à mes yeux.  

Je n’avais pas envie d’être à Londres pour mes achats aujourd’hui, sans réellement chercher à comprendre et suivant uniquement mon instinct et mes envies, je me suis dirigée vers Pré-au-Lard, endroit où j’allais théoriquement être plus anonyme que dans les rues passantes où se trouvait mon lieu de travail sorcier.  

Je n’étais que peu de fois venue dans les rues du ce village si proche de Poudlard durant les derniers mois de ma scolarité. Village plus qu’emblématique pour les élèves de l’école qui passaient la majorité de leur quartier libre aux Trois-Balais ou dans les diverses boutiques, cet endroit représentait une sorte d’échappatoire pour eux, chose que je n’avais jamais réussi à comprendre, n’étant pas habituée à ces contraintes lorsque j’étais encore à Salem.

J’avais cependant besoin de me racheter des plumes, notamment pour consigner tout ce qui me passait par la tête et afin de poursuivre mon projet commencé suite au décès de mon père. J’avais donc besoin d’acheter des plumes et un certain type de grimoire que Scribenpenne devait normalement avoir mis de côté pour moi. Une fois mes achats effectués, je suis donc ressortie équipée de deux beaux ouvrages vierges et enchantés, ainsi que trois jeux de plumes. J’ai glissé le tout dans ma besace avant de sortir de la boutique et de marcher tranquillement dans les rues du village. Tout était aux couleurs de Noël, une atmosphère plus légère régnait à Pré-au-Lard, cette allégresse que Noël apportait toujours, les fêtes de famille, les moments passés autour du sapin, à jouer, partager les souvenirs de l’année passée, se réunir, un peu comme je le faisais auparavant pour Thanksgiving.  

Même si mon anniversaire n’était que quelques jours avant Noël, je ne m’étais jamais sentie lésée par la proximité de ces deux évènements, car, au contraire, je savais que j’avais l’occasion d’avoir toute la famille de réunie pour cette période précise. Je marchais sans prêter attention à là où mes pas me menaient. Je n’étais pas pressée de toute façon et j’avais besoin de prendre l’air, de penser à autre chose et de respirer des odeurs dépourvues de souvenirs. Je sentais également que j’étais plus Sensible, depuis que j’avais accepté le départ de mon père, j’avais l’impression que mon Don cherchait à s’exprimer, bien que je ne cherche pas à l’exploiter et que je me refuse de l’utiliser, il essayait de me montrer qu’il était présent, je le voyais quand je débarrassais parfois le thé au travail, quand je me réveillais un peu troublée par mes rêves ou dans différents petits signes que le destin m’envoyait.  

J’avais refusé de pratiquer mon don et de m’en servir depuis que ma Mère avait disparue et que ma tante avait été assassinée, refusant d’entretenir ce qui à mes yeux était la cause de leurs souffrances et la conséquence de ce cadeau empoisonné que nous avions conservé au cours des générations. Le repousser et le mettre de côté était une chose, mais je le sentais littéralement ancré en moi, présent et incapable de m’en défaire.  

Pour une raison que je ne saurais expliquer, mon chemin me conduit à la Cabane Hurlante, lieu de folklore local que les élèves de Poudlard aimaient bien fréquentés pour les bizutages, tant cet endroit était peu rassurant, d’après les quelques bruits de couloirs que j’avais entendu. Mais ce type de bâtisse n’était pas ce qui m’effrayait, bien au contraire, je trouvais même parfois de la sérénité à être dans ces endroit un peu atypique que les gens évitaient justement de manière générale.  

J’ai donc passé le portail, avançant vers la cabane à travers le jardin qui manquait clairement d’entretien, totalement laissé à l’abandon et certainement plein de créatures magiques de style gnome ou que sais-je encore ayant pris possession des lieux délaissés. Mais c’est une autre créature qui attira mon attention, et je compris que c’était le destin qui m’avait mené jusqu’ici, lorsque je reconnu le Centaure avec lequel j’avais échangé une ou deux fois, bien que ce soit surtout à travers ses parents que j’en ai entendu parler.

Lors de mes quelques mois dans l’école du Royaume-Uni, j’avais en effet été amenée à fréquenter des centaures par hasard, Matsu principalement qui m’avait parlé de son fils et que ma présence n’indisposait pas trop, lorsque j’avais besoin de souffler, loin de tous, à l’abri des arbres de la Forêt qui bordait Pré-Au-Lard. J'avais en dehors de mes escapades dans la Forêt Interdite passé du temps dans des bois moins sujets à sanction et c'est là que j'avais trouvé le groupe de Centaures qui avait élu domicile là-bas.

De mémoire, il me semblait qu’il travaillait justement dans ce village, mais mes interactions avec lui étaient trop peu nombreuses pour que je puisse réellement dire que je le connaissais. Pour autant, je me suis dit que le saluer était la chose à faire, même s’il n’avait pas forcément envie d’être dérangé, je ne le

« Bonjour vous deux. Je me suis permise de venir te saluer, Pholos, il est déjà bien assez étrange de se croiser dans cet endroit, alors il aurait été d’autant plus étrange de passer à côté de vous en vous ignorant. »

Je ne savais pas si j’arrivais au beau milieu d’une conversation importante mais je n’avais de toute façon pas prévu de m’éterniser plus que ça, j’avais envie de me retrouver avec mes pensées et d’étrenner mes nouveaux achats qui étaient tranquillement au fond de mon sac pour le moment.

 

 
《- Bonjour Ashlyn, en quoi c'est bizarre d'être là ? Je crois pas du tout aux fantômes de la Cabane Hurlante même si c'est pas le lieu pour un pique-nique entre amis où amoureux. C'est idéal pour Halloween par contre. Des fantômes, n'importe quoi et pourquoi pas des théières qui danse aussi non ? Ou le sinistros aussi ? Pfff ce qu'il faut pas inventé pour attirer les touristes...》  

Un demi-sourire se dessine sur mon visage, presque amusée par l’image des théières dansantes comme dans la Belle et la Bête. L’évocation du Sinistros cependant dissipe mon amusement car je ne prends pas ce présage à la légère. Qu’il existe ou non, le voir en rêve, au fond d’une tasse ou en Divination de manière générale, n’était pas un présage de bon augure.  

« Et bien comme tu le dis, nous ne sommes justement pas à la période d’Halloween. »

La jeune femme semble nerveuse à mon approche, presque inquiète et sa voix me confirme d’office cette impression.

“J’suis désolée, je vais..”  

Elle recule, prête à prendre la fuite, je ne me considère pas comme étant particulièrement effrayante donc je présume qu’elle a quelque chose à cacher, ou que ma présence les dérange effectivement. Je lève doucement la main, pour lui demander d’attendre mais Pholos me coupe l’herbe sous le pied en lui disant de rester.

《- Reste, je te présente Ashlyn. Tu sais Jasna moi non plus j'ai pas envie de partir dormir chez les employés du ministère. Voir leur sourire de constipé depuis 2 mois me donne envie d'avaler des oranges par centaine pour faire passer le moment....》

Son inquiétude semble donc provenir du Ministère, aurait-elle effectivement quelque chose à se reprocher ? Cela ne me regarde pas, de toute façon alors je préfère rester en dehors de cette histoire, il est préférable que chacun balaie devant sa porte et c’est bien ce que je compte faire. Je n’ai pas envie de m’occuper de la vie d’une personne que je ne connais pas du tout. Je ne saisis pas la nature de sa relation avec le Centaure mais si lui, souhaite être présent et l’aider c’est une chose mais pour ma part, ce combat n’est pas le mien.

« Enchantée, Jasna ? Je suis Ash, la petite américaine perdue dans la grisaille Européenne, mais tu dois l’entendre à mon accent je suppose. »

Même si la rassurer ne fait pas partie de mes priorités, l’inquiéter d’autant plus ne m’amuse pas, surtout que je n’ai pas prévu de m’éterniser.

《- Tu es de passage ici, jeune Ashlyn ?》

« En effet, j'avais quelques achats à faire à Scribenpenne, je n’avais pas envie d’aller au Chemin de Traverse, je préférais m’éloigner un peu du cadre du boulot, histoire de respirer un autre air. Et toi, cher Centaure, qu’est-ce qui t’amène ici, toi qui ne crois pas aux histoires de fantômes de ce lieu ? »

Vouloir faire la conversation était une chose, mais je risque de m’engager sur un terrain glissant et de faire face à une conversation dont je ne souhaite nullement me mêler. Le simple fait qu’ils parlent d’éviter le Ministère me prouve que la conversation est importante, que ce soit par les bribes d’informations que j’ai perçues ou par l’attitude fuyante de la jeune femme.

« Encore une fois, je ne souhaite pas déranger et je ne fais que vous saluer, je comprends parfaitement si tu préfères que je vous laisse poursuivre cette conversation loin de moi. »

Et on ne va pas se mentir, c’est même ce que je préfère infiniment, être éloignée de toutes les histoires qui ne me concernent pas.

 

 
Le malaise apparent de la jeune femme me serre un peu le ventre, elle n’a pas l’air à l’aise, comme une petite souris prise entre les griffes d’un chat qui ne demande qu’une chose, qu’on l’oubli, et qu’elle puisse disparaître, de quelque manière que ce soit.

“Non non c’est moi qui vais y aller. Désolée, bonne journée.”

Je n’ai même pas le temps de l’arrêter qu’elle détale, profitant de cette ouverture pour s’éloigner. Je me pince les lèvres, partagée entre le sentiment d’être touchée par l’appréhension de cette jeune femme et par le détachement, me disant que je n’étais nullement responsable des actes et des manières de réagir d’autrui.

《- Non mais elle est pas gonflée celle-ci ? Elle me demande de l'aide et ensuite elle part comme ça sans explication, bonjour merci au revoir ! Alors que j'étais en train d'essayer de la sortir de son mauvais pas. Par le nez parfait de dame nature, certains devraient avaler le dictionnaire avec la couverture en accompagnement ça les rendrais plus intelligents.》

Je cache un sourire, constatant que le Centaure, quant à lui, a bien décidé du camp dans lequel il se situe face à ce départ. Il fulmine, fouaille de la queue et s’il avait été uniquement cheval, je n’aurais pas été surprise de le voir gratter le sol de l’antérieur. Mais c’est un Centaure et bien que bon nombre de similitude évoquent le comportement d’un cheval, il n’a d’équin que la partie inférieure de son buste.

《- Alors t'as fait tes courses de Noël toi aussi ? C'est quoi qui t'amène ici ?》

Le ton est sec, il ne dissocie pas son agacement de la situation, du moins pour le moment. Je ne me sens pas ciblée par son mécontentent, considérant que je suis de toute façon extérieur à ce problème. Je prends le temps de peser mes mots avant de répondre, pour ne pas me sentir blessée par cette question qui de toute façon est de circonstance, au vu de la période. Mais Noël n’évoque plus rien de joyeux pour moi à présent, la douleur étant trop vive et la plaie encore ouverte.  

« Comme évoqué tout à l’heure, rien de plus que quelques achats, plumes entre autres et d’autres bricoles, mais pas de lien avec Noël, au risque de te surprendre. »

La vie continuait et tout le monde ne célébrait pas cette fête, encore moins cette année. Je pense que ma tante va me contacter de toute façon, me proposer de venir la rejoindre pour que nous puissions passer la soirée ensemble, mais elle comme moi savons que si nous faisons cela, ce sera plus pour les apparences que par réelle envie de célébration. Je choisis volontairement de ne pas lui retourner la question, afin d’éviter de raviver son agacement, ne souhaitant pas raviver les braises de son mécontentement en lui demandant s’il vient souvent en aide aux personnes comme Jasna. Au lieu de cela, je choisis de changer de sujet, partant sur un terrain que je suppose être plus neutre.  

« Comment se passe le travail, Pholos, c’est un peu plus l’effervescence je suppose avec les fêtes qui approchent à grand pas ? »  

Entretenir la conversation, garder les liens avec les vivants. Cet exercice devenait plus compliqué pour moi au fil du temps. Ne souhaitant plus particulièrement m’attacher pour ne plus souffrir, ne pas m’intéresser aux gens était une solution de facilité, supposée me soulager de toutes les peines et déceptions des relations humaines. Un choix tourné vers la solitude mais qui dans l’ensemble me convenait plutôt bien.

« Il faudra que je passe prendre une Bièraubeurre d’ailleurs, un de ces jours, sauf si tu as autre chose à me recommander en ces fraîches journées de décembre. »

M’intéresser, en apparences, ne pas laisser glisser sur moi toutes les informations, en garder quelques-unes pour une prochaine rencontre, pour donner le change et l’impression que je ne suis pas qu’une coquille vide, d’autant plus que le Centaure n’est pas dupe, il sait ce que je suis, même si pour le moment et par volonté de discrétion, nous taisons en public ce secret qui est le mien.

 

 

J’acquiesce avec l’ombre d’un sourire. Oui, en effet j’étais à contre-courant, à ne pas me mêler à la frénésie de Noël, mais cette année plus que toute autre, j’avais mes raisons pour ne pas me laisser emmener dans le tourbillon vert et rouge de la fin d’année. Je comprenais son expression, plutôt amusante à entendre qui plus est, et je ne comprenais que trop bien ce qu’il vivait actuellement. Au café tout comme au bar, nous ressentions que la clientèle changeait, qu’elle devait plus chaleureuse, plus détendue, corrompue par cette magie inclassable mais qui chaque année arrivait à faire son petit effet.

《- Tu as déjà essayé le chocolat chaud avec de la cannelle dedans ? C'est réconfortant à souhait et il me semble que c'est ce que vous cherchez pour l'hiver, vous autres, non ?》

A l’évocation de la cannelle, je ressens presque l’odeur du chocolat chaud qu’il me décrit mais ce qui me vient surtout dans un vent de nostalgie, c’est l’odeur de l’Eggnog que me préparait ma tante. Plutôt typique de chez moi, cette boisson allait de pair avec Noël.
« Je ne sais pas si tu connais, mais ton idée de chocolat me rappelle une boisson de chez, et c’est ce qu’il me manque le plus je pense ici, l’Eggnog. Je ne sais pas si tu connais mais je te mets au défi de réussir à en préparer un aussi bon. »
Un sourire joueur sur le visage cette fois-ci, une petite étincelle brille au fond de mes yeux, au plus profond, masquée par l’amertume et la carapace que je ne cesse de renforcer autour de moi au fil des jours. Une bribe d’un passé plus jovial, plus solaire. Aujourd’hui, je sens que j’arrive au maximum de mes capacités de sociabilisation pour la journée, d’autant plu que cette conversation n’était pas tellement prévue au programme. Je jette un regard sur ma montre, le temps file bien plus vite que ce que je pensais.

« Je vais devoir te laisser Pholos, je suis désolée, j’ai encore pas mal de choses à faire aujourd’hui. »

Je salue le centaure, prête à disparaître et à retrouver la discrétion qui me complait actuellement mais je me sens obligée d’ajouter quelque chose, de formuler cette requête auprès d’un des seuls Êtres sur cette Terre en qui je puisse avoir un semblant de confiance, ou ce qu’il s’en approche le plus.

« Si un soir, tu sens que la nuit mérite d’être observée et écoutée, envoie-moi un hibou, je serai ravie d’apprendre à tes côtés. »

Parce qu’il est peut-être temps pour moi de cesser de fuir. Je reste volontairement évasive, par habitude de ne pas formuler ce que je tais depuis si longtemps, par habitude de cacher qui je suis et ce dont je suis capable, taisant ce secret qui n’est qu’un des nombreux que je porte.

« Et … désolée d’avoir fait fuir Jasna.  »

Des excuses pour la forme, mais que je pense peut-être un peu aussi, parce que mon intervention a fait fuir cette sorcière qui avait l’air d’être dans le besoin, à la recherche d’un coup de main, d’une main tendue et qui n’a su demander l’aide recherchée, préférant la fuite. Je ne suis pas responsable de sa décision, mais ma présence a impacté sa vie, chaque action a son influence sur le destin de tout un chacun.

Je repars de la Cabane Hurlante, poursuivant ma sortie de Pré-au-Lard avant d’entreprendre un transplanage pour rentrer chez moi.