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Mer 18 Jan 2023 - 15:44


Début Novembre 2016

La paix de l’esprit passe par ces moments-là, hors du temps, hors de tout, les mains occupées dans des gestes répétitifs mais salvateur. Posée sur les tréteaux une de ses planches qu’il vient tout juste de finir de réparer après l’avoir éclaté sur le récif quelques jours plus tôt. A sa droite, posée à l’horizontal contre une chute de bois, une tablette sur laquelle passe en direct l’une des compétitions de la World Surf League. Sans trop de surprise le Brésil et l’Australie se mènent une guerre à armes égales pour la première place et il a envie de proposer à Joff et Mia de se faire un trip en décembre pour aller voir la dernière manche à Oahu.
C’est lourd ces derniers temps, le nier serait idiot. Des discussions, des frustrations, mais ici un équilibre qui n’a pas tremblé. Lui, a tremblé. Terrorisé à l’idée de perdre tout ce qui fait son bonheur en ce lieu. Il n’y pense pas là tout de suite et lorsque la brise lui apporte la fragrance de William un sourire étire ses lèvres sans qu’il n’y prête attention « Love ? » Les deux chiens sont déjà en train d’accueillir le retour du Californien, Lune se contente de fixer attentivement les gestes de son humain en étant perchée sur l’établi. Sa queue bat l’air avec lenteur, semblant se contracter chaque fois qu’elle rencontre l’accroche située juste sous elle « Là ! » Il doit s’en douter car si Jackson passe le plus clair de son temps dans son bureau Enzo c’est ici qu’il laisse les heures défiler sans les voir. A réparer, construire, améliorer … Sur le gravier le pas nonchalant de son petit ami annonce son arrivé, l’Australien ne relève pas tout de suite la tête et devine la silhouette poser une épaule contre l’embrasure de la porte, les bras croisés « J’te jure j’vais vraiment finir par être jaloux d’tes planches. » Un running gag entre eux, une façon pour William de se moquer du grand brun et de la délicatesse qu’il met dans ses gestes chaque fois qu’il travaille un surf. Que ce soit pour lui ou quelqu’un d’autre l’attention reste la même.

Il sourit, relève les yeux et lui adresse une grimace. Les paumes frottées d’une contre l’autre il se débarrasse des fins éclats de matériaux et de poussière s’y étant logés pendant qu’il travaillait. Deux heures de cours dans la matinée, une heure pour promener les chiens, il a depuis perdu la notion du temps « Ton étagère est installée, Monsieur le cyberdélinquant. » La deuxième, celle qu’il lui a promis juste après la surprise générée par la première posée en douce dans un coin du bureau « Merci. » Les deux garçons se retrouvent, s’embrassent, s’enlacent. Un instant d’intimité douce à peine perturbé par les aboiements de jeu des deux chiens non loin de là. Vrai qu’ils ne sont qu’aperçu ce matin.
A ce stade l’ancien Gryffondor n’a pas encore capté les signaux, expressions silencieuses de ce qui rend le bleu du regard de l’Américain un peu plus sombre qu’il ne l’est ordinairement. Ils s’écartent l’un de l’autre, Enzo pose une main à plat sur sa planche comme s’il lui disait au revoir et retrouve à son tour l’extérieur de la petite cabane de bois « Comment elle va ? » La raison de l’absence de William, une visite à leur amie en Europe « Mieux. » Ce genre de « mieux » auquel on a parfois du mal à croire, à jauger surtout « Autant qu’ça puisse l’être. » Il hoche la tête, passe ses doigts dans le pelage de Wax venu réclamer des caresses avant de repartir aussi vite. Ce que vit actuellement l’Écossaise ils étaient loin de l’avoir vu venir, aucun d’entre eux n’a jamais envisagé une seconde que la responsable de la mort de Charleen pouvait être celle dont la vie vient de prendre fin à son tour. La famille va enfin pouvoir avancer dans son processus de deuil mais ça n’enlève rien à la douleur, pas plus à l’injustice. Alors qu’un silence s’installe en ayant pour écho le bruit de l’océan qui va et vient en contrebas l’Australien se perd sur le profil de son petit ami. Mâchoire un peu crispé, regard dans le vide, comme perdu dans ses songes « T’as l’air préoccupé. » Si Enzo fronce les sourcils William se passe une main dans les cheveux et range l’autre dans l’une de ses poches, l’air qu’il a dans les poumons s’expulse en un soupir silencieux alors qu’il se tourne vers celui qui le dépasse d’une tête « J’sais pas comment t’dire ça alors j’vais y aller un peu cash. » Son malaise est palpable, l’aura du lycanthrope pourrait presque apercevoir les émotions de l’autre garçon danser autour de lui sans parvenir à les identifier clairement. Dans sa propre poitrine son cœur accélère ses battements, la curiosité laisse la place à l’inquiétude « Elle a dit à Riley que c’était elle qui t’avait empoisonné et séquestré l’année dernière. » Les mots l’effleurent, la vérité prend son temps.

Son corps se fige, son esprit se ferme. Le regard braqué dans celui de William aucun son ne sort d’entre ses lèvres, avec lenteur chacune de ses cellules intègre cette nouvelle réalité. Il se souvient ce corps, il n’a rien oublié. L’esprit scindé en deux n’a pas tout gardé mais l’organisme se souvient de chaque coupure, chaque choc, chaque leur. Il se rappelle la soif, la faim, la rage et la résilience. L’abandon, aussi. Le sang et l’humiliation. L’annihilation des sens, la manipulation, toutes les tortures physiques comme psychologiques. Non, l’âme et son hôte n’ont rien oublié ils se sont simplement résignés.
La brutalité du retour en arrière est invisible pour les yeux, devant les siens un voile passe, à ses oreilles un sifflement s’invite et le coupe du monde. Le souffle lui manque, des images défilent devant son regard dans un mélange de souvenirs et de ce qui aurait pu être. Des liens se font et se défont, il n’y a que lorsque la voix de son petit ami lui parvient qu’il sort – difficilement – de cette torpeur envahis d’un chaos mis de côté au fil des mois « Tu penses que c’est possible ? » Il cligne des yeux une fois, puis deux, secoue la tête comme si ça pouvait l’aider. Son poing droit est serré, le gauche ne sait pas vraiment ce qu’il doit faire et ses jambes vacillent. Sa cage thoracique se comprime comme si les barreaux de cette cage dans laquelle il a passé un temps abstrait l’entravaient de nouveau.

Alors il marche, débloque son corps en silence, fait quelques pas pour en reprendre le contrôle jusqu’à se laisser tomber sur l’une des chaises longues rangée de travers le long de la piscine. Une profonde inspiration pour recalibrer son souffle, sa main passe sur sa nuque, remonte dans ses cheveux, il entend le bois crisser contre le sol. William tire une autre chaise jusqu’à lui et s’assoie juste en face, suffisamment proche pour être là sans empiéter sur son espace. Il le connaît par cœur, sait comment il a parfois besoin de temps, comme l’animal en lui n’accepte pas le contact instantanément. Ça tape dans les tempes, ça cogne dans le cœur, l’angoisse se mêle à d’autres émotions qu’il ne parvient pas à identifier tant elles changent rapidement « Elle s’est rapproché de mon frère, et j’me souviens l’avoir croisé chez le Vieux plusieurs fois. » Mains croisées entre les cuisses sa jambe droite s’agite. Son pied claque contre le sol à intervalles rapides et régulières, il se rejoue le fil de ce dont il se souvient. C’est si loin tout ça, dans son esprit ça l’était. Vient les questions ensuite, bien sûr. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Y a t-il vraiment de réponse ? Sans doute pas. Aucune d’acceptable, en tout cas. Rien de rationnel pour un esprit sain.

« Logistiquement ça l’est, oui. » Le soleil du midi lui caresse la nuque, il relève les yeux pour les ancrer dans ceux de son petit ami « J’vois pas comment elle aurait pu le savoir autrement de toute façon. » Il n’en a jamais parlé à son propre frère et le reste de la famille, ceux au courant, se serait bien gardé d'en parler.
Enchaînement de tics nerveux sur son visage, entre ses mains dont les doigts s’entrelacent et se défont, mais jamais il ne quitte ce regard qui l’ancre dans le réel. Il s’y passe quoi derrière ce regard, d’ailleurs ? Il sait comme le Californien a souffert, comme il a ragé en silence « J’sais pas comment j’suis censé m’sentir. » Soulagé, sans doute, et il l’est mais la nuée de ressentis qui se déplace en lui ressemble à un courant marin. Rapide, insaisissable. Une étrange sensation de vide s’invite à son tour, un calme plat dont il ne sait pas quoi penser alors que la main de William vient chercher la sienne en douceur et sans rien dire. La tête penchée en avant il rencontre celle de l’Américain, sent ses doigts glisser dans ses cheveux, ses lèvres contre sa tempe. Un silence et une immobilité qui durent un temps abstrait et lorsqu’il relève le menton, que son regard cherche le ciel comme pour y noyer ses pensées, les mots claquent avec plus de brutalité « Elle aurait du penser à s’flinguer plus tôt. » Une haine qui n’a pas lieu d’être camouflée, un mépris évident pour celle qui a brisé tant son corps que son esprit, celle qui a meurtris l’innocence même en s’acharnant sur Charleen. Celle qui aujourd’hui encore et même morte continue de les malmener.

Une dernière fois.

« On peut aller faire un tour ? » Il y a quelque chose dans le fond de ses yeux, une volonté de ne pas laisser de place à ce monstre qui a hanté ses cauchemars pendant si longtemps. Elle n’existe plus, il ne veut plus la faire exister. Ses paumes passent sur ses propres cuisses, y font un aller retour, face à lui William hoche la tête « Tu veux aller où ? » Là où elle ne sera pas « J’sais pas. » Son regard observe les alentours comme si la réponse s’y trouvait, et c’est le cas « Embarquer les chiens, prendre la voiture, choper un truc à manger et rouler sur la 101 jusqu’à ce qu’on trouve un spot qui nous plaît. » Oui, c’est ça qu’il veut. Bouger, sentir le vent contre son visage en perdant son regard sur l’océan et son horizon. Le museau de Wax posée sur son épaule, la tête logée entre l’appuie tête et l’habitacle. La main de son petit ami sur sa cuisse alors qu’il conduit et se dire que ça serait peut être une bonne idée de le passer ce permis lui aussi. Mêler ses doigts aux siens, regarder le ciel et deviner des formes dans les nuages.

S’exiler de l’horreur, retrouver la pureté d’un instant si précieux dans son insignifiance.

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Enzo S. Ryans
Chaton. Le seul et l'unique
Enzo S. Ryans
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Enzo S. Ryans
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