Still standing [Neolina]

L’automne était bien là. A mesure qu’ils s’approchaient du mois d’octobre, la chaleur de l’été ne semblait plus qu’un lointain souvenir. On entendait le vent vrombir au-dehors des murs de l’hôpital clandestin. Son souffle puissant s’engouffrait dans les fissures et les fentes des fenêtres. Le vieux bâtiment ne paraissait tenir qu’à un fil, prêt à s’envoler au moindre mugissement du vent. Sanae avait enfilé un gilet épais par-dessus sa blouse d’hôpital. Les lieux étaient plongés dans une demi-obscurité ; il était tard et les patients allongés dans leurs lits dormaient malgré les allées et venues des quelques soignants présents. Travailler tard était toujours un peu étrange, surtout ici. A Sainte Mangouste, l’activité ne baissait qu’un peu et il y avait toujours ce fourmillement de choses tout autour ; mais dans l’hôpital clandestin, le peu de patients et d’urgences donnaient l’impression de parcourir un lieu désertique hanté par deux ou trois fantômes. On passait alors de l’obscurité à la lumière criarde des néons. Sanae plissa les yeux en s’avançant dans la grande salle qui servait d’accueil. Elle passa une main dans ses cheveux pour enlever le bandeau vert qui recouvrait une partie de sa tête et le mit dans la poche de son gilet. Ses cheveux retenus en deux tresses collées de chaque côté de son crâne étaient légèrement ébouriffés. Les traits tirés par la fatigue, elle vint s’accouder au comptoir où son collègue gardait les yeux rivés sur son téléphone. Un écouteur dans une oreille, il regardait avec beaucoup d’attention un match de foot en direct.

Il sursauta quand elle dit : « Alors, le score ? »
Nyle n’était pas plus vieux qu’elle. Il avait un large front dont les plissures attestaient du souci qu’il se faisait pour son équipe préférée et des cernes bleutés sous ses grands yeux noisettes, résultat de la fatigue générale qui prenait tout le monde. Il releva son visage vers Sanae et fit la moue.
« On a encore une chance, dit-il.
- Autant que toi de te coucher tôt ?
- Hey, si t’es venue me saper le moral, c’est pas la peine, fit-il, faussement boudeur.
- De toute façon, c’est le calme plat. J’y vais. Il reste Kingsley mais il pique un somme dans la salle de repos. Réveille-le s’il y a une urgence.
- Ça marche. Allez casse-toi, tu envoies des mauvaises ondes à mon équipe.
- Ton équipe... » répéta-t-elle en secouant la tête.

En quittant les lieux, Sanae se dit que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas regardé un seul match. Elle se souvenait d’un temps où elle allait jusque dans les cuisines d’un restaurant pour suivre le score, grignotant dans un coin en compagnie des cuistos du seul endroit qui avait été familier à Londres. Son dernier souvenir de cet endroit remontait à des mois en arrière. Il appartenait presque à une autre vie.
Sa blouse et son pantalon de travail dans son sac, Sanae avait revêtu un jean et un sweat noir par-dessous une autre veste. Quand elle transplana jusqu’aux docks de Sainte-Katherine, le vent lui picota les joues mais ne s’engouffrait pas dans les épaisseurs de ses vêtements. Seules ses chevilles frissonnèrent dans l’air glacial du soir. Le sac sur l’épaule, elle tapotait un texto pour Margo qui devait être encore à un défilé ou une quelconque fête pour la Fashion Week de Londres. Bientôt, elle irait à Milan pour de longues journées de travail parmi des top models et des créateurs de renom. C’était bel et bien une nouvelle vie pour elles deux et bien que le manque agressait vivement ses nerfs à chaque fois que Margo était loin d’elle, Sanae aimait ces nouvelles habitudes virtuelles. La sorcière blonde lui envoyait autant de sms que de photos de tenues absurdes. Elle semblait bien implantée dans son nouveau travail et renouait avec ses talents de garde du corps. Le sien, de corps, serait vivement gardé entre ses mains plus tard dans la nuit. En attendant, Sanae se dirigeait vers le quartier général de la Garde. Elle avait repris les missions, la suspension étant arrivée à son terme, et bien qu’elle devait encore être surveillée, cela annonçait une reprise de la normalité.

La sorcière s’assura de ne pas être suivie et s’infiltra sur le bateau à quai pour rejoindre l’escalier menant à l’étage en-dessous. Elle montra son tatouage et passa. Tout comme l’hôpital clandestin, les lieux étaient calmes et déserts. L’air frais qui circulait dans les couloirs lui fit frissonner la nuque et ses épaules se crispèrent, remontant légèrement. Elle passa devant les portes fermées des bureaux, passa la salle d’entraînement et alors qu’elle s’apprêtait à glisser sous la porte du bureau de Neolina le rapport qu’elle avait terminé, elle s’aperçut que de la lumière filtrait au sol. Les sourcils froncés, le dossier dans les mains, Sanae toqua. Il ne fallut pas longtemps avant qu’on lui réponde. Elle ouvrit, surprise de trouver la Générale encore là.

« Tu sais que t’es pas payée pour être là si tard hein ? » s’amusa-t-elle. La moquerie était autant pour l'une que pour l'autre. Elle s’avança, fermant la porte et jeta son sac sur une chaise. « Tiens, j’ai le rapport que je devais te donner. » Elle lui tendit le dossier et s’échoua sur une autre chaise. « Alors, tu t’amuses ? » Prenant un stylo entre ses mains, Sanae jeta un œil aux piles de dossiers qui encombraient le bureau.

Ne m’attends pas, je risque de rentrer tard ! Je suis de sortie ce soir .. et cet aprem aussi d’ailleurs! Petit SMS à Gatiss. L’air de rien. Et sa sortie…c’était qu’il y avait pas mal de paperasses à faire/lire et compagnie au QG et ça, elle ne pouvait pas lui dire.  Il n’avait pas à savoir qu’elle faisait partie de la Garde ; pire même le connaissant, il serait capable de vouloir les rejoindre et ça c’était un NON. Un grand et beau non. Hors de question ! Est-ce qu’elle n’aurait pas mieux fait de profiter de son week-end  pour se reposer un peu ? Possible. Mais elle détestait cette pile sur son bureau, même si elle faisait au mieux pour tout traiter au fur et à mesure ! déjà, par ce que c’était important mais aussi, même pour les plus petites choses par ce qu’elle détestait avoir du retard. Et comme elle comptait aussi profiter de la journée pour s’entrainer… et bien, le Gatiss n’allait sûrement pas la voir. Avec un peu de chance, il serai avec sa Janie et donc, il n’aurait pas envie de lui poser trop de questions.

Elle avait fini par perdre le fil du temps, elle avait quand même envoyé un message à Maxence pour lui dire qu’elle était au QG aussi bien pour l’après-midi que la soirée, que s’ils se voyaient ça serait là-bas. Il lui semblait qu’il avait quelque chose à faire aujourd’hui, mais elle n’en était pas non plus totalement certaine. Elle avait parfois du mal à se rappeler les dates, ayant beaucoup trop de choses en tête. Entre son boulot, la Garde, ses propres emplois du temps/activités, ceux de Gary et ceux de Max, elle avait tendance à se mélanger parfois un peu les pinceaux. Elle était en pleine rédaction d’un rapport que quelqu’un toppa à la porte, elle fut tellement surprise qu’elle manqua d’en tomber de sa chaise, mais son honneur fut sauf, ses fesses retombèrent sur la chaise et l’instant d’après, elle dit un petit « entrer ». Un peu surprise, quand même, se demandant qui c’était. Probablement pas Margo… elle n’aurait jamais frappé, ou plutôt si, elle aurait frappé et serait entrée la seconde suivante probablement.

Et c’est Sanae qui apparut dans son champs de vision, d’une mine un peu perplexe, elle retrouva un léger sourire et quelque chose lui disait qu’il était effectivement temps de décrocher du boulot qu’elle continuerait… demain… ou dans la semaine, elle avait de toute manière quasiment fini ! Elle eut un léger rire avant d’hausser un peu les épaules aux paroles de son amie

« Ouais, je sais … mais, il fallait bien avancer dans tout ça. Je suis sûre que voir tous ces parchemins te vend du rêve secrètement non ?» plaisanta-t-elle un léger sourire aux lèvres. « Merci !» ajouta-elle en prenant le dossier de sa camarade pour le mettre dans sa pile de choses à faire. Chouette encore du boulot. Elle réprima de justesse un grand bâillement tandis que son interlocutrice la taquinait. « Comme pas possible ! Mais je vais arrêter je commence à ne plus bien voir les lignes je crois que c’est révélateur.» Elle posa son style et observa quelques instants sa camarade avant de lui demander « Comment est-ce que tu vas, toi ?»

Même si elles se voyaient régulièrement, les choses pouvaient vite changer surtout vu leurs journées chargée à l’une et à l’autre ! Elle avait surtout envie de papoter de tout et de rien… et demander des nouvelles c’était quand même la base d’un bon début.

« Tu veux un thé et un truc à grignoter ?»

Elle sortie d’un de ses tiroirs une petite boite avec plein de petits gâteaux qu’elle gardait précieusement. Elle regarda son amie et d’un ton pince sans rire -même si elle plaisantait bien entendu- elle ajouta

« N’essaye pas de m’en chourrer quand je suis pas là, je le saurai et tu sais que ma vengeance sera terrible.»

Est-ce qu’elle plaisantait ? Peut-être pas tant que ça, mais Sanae savait l’importance de la bouffe dans sa vie puisqu’elle était comme elle ; alors elle y verrait peut-être une réelle menace. A tort ou à raison d’ailleurs.
Grand sourire de la métamorphomage qui cette fois avait fini de parler.

La porte du bureau s’ouvrit et dévoila une Neolina éreintée par la paperasse. De derrière ses dossiers, éclairée par les quelques luminaires de la pièce, la sorcière releva la tête dans sa direction. Sa mine perplexe fit sourire Sanae. Les émotions se peignaient si facilement sur certains visages que la légimencie était inutile. Refermant derrière elle, Sanae jeta son sac et déposa le rapport, saluant Neolina comme s’il n’était pas affreusement tard et que les couloirs du quartier général n’étaient pas déserts. C’était étrange de se saluer dans ces conditions. Lui rappelant qu’elle ne serait pas payée pour rester si tard, Sanae décrocha un léger rire chez la sorcière.

« Ouais, je sais … mais, il fallait bien avancer dans tout ça. Je suis sûre que voir tous ces parchemins te vend du rêve secrètement non ?fit-elle, un sourire aux lèvres. Sanae releva les sourcils, amusée. Sa moue en disait long. Neolina se saisit du rapport et la mit sur la pile d’autres dossiers. « Merci !
-  Oh, de rien. J’aime contribuer à ta pile de dossiers. J’ai la mienne, tu as la tienne. On est quitte. » dit-elle, moqueuse. Ses propres dossiers s’empilaient à l’hôpital, bien qu’elle en ramena quelques uns chez elle pour les compléter. Elle ne détestait pas tant cela ; ils lui permettaient de retirer ses pensées des recoins sombres de son esprit. En revanche, il y avait sur le visage de Neolina une fatigue qu’elle reconnaissait sans mal. La sorcière écrasa un bâillement. Assise dans la chaise qui faisait face au bureau, Sanae la regardait avec l’oeil espiègle.
« Alors, tu t’amuses ? »
- Comme pas possible ! Mais je vais arrêter je commence à ne plus bien voir les lignes je crois que c’est révélateur. » dit-elle en posant son stylo.
- En effet, c’est le premier symptôme de la fatigue aiguë, s’amusa-t-elle. »
Le regard de Neolina se fit plus lourd sur elle.
« Comment est-ce que tu vas, toi ?»
Cette fois-ci, la moue qu’arborait Sanae n’était pas joyeuse. Crispée par la question, elle se força à hausser les épaules, croisant les jambes et passant ses mains derrière sa tête. Comment allait-elle ? Mal. Toujours mal. Ce n’était rien de nouveau. A quoi bon s’y attarder ?
« Comme ton bureau...encombrée. » La réponse se voulait amusante mais l’humour avait du mal à atteindre les muscles de son visage. Elle fit un bref sourire avant de soupirer. « Je pourrais me plaindre de mon rythme de vie mais il m’occupe l’esprit alors au final, ce n’est pas plus mal... » Ses yeux se posèrent sur les papiers, stylos, et tasses de café vides qui parsemaient le bureau. Elle devait être là depuis des heures. Elle aussi avait un rythme insupportable, entre le Ministère et la Garde, sans oublier cette fameuse vie privée qu’ils vivaient tous comme une seconde pensée à laquelle ils n’accordaient pas plus de temps qu’à une activité extra-scolaire. Sa propre fatigue dut se lire sur son visage car déjà Neolina proposait à boire.

« Tu veux un thé et un truc à grignoter ?»
Sanae manqua un bâillement à son tour.
« Toujours. » Un thé ne serait pas de refus, pas plus qu’un grignotage nocturne.
Neolina sortit un paquet de gâteaux d’un tiroir. Cela l’étonnait-elle ? Absolument pas. Cette dernière lui fit un regard qui se voulait sérieux.
« N’essaye pas de m’en chourrer quand je suis pas là, je le saurai et tu sais que ma vengeance sera terrible.»
Sanae eut un léger rire et laissa retomber ses mains sur ses cuisses, s’approchant légèrement pour prendre un gâteau.
« Ça ne me viendrait pas à l’esprit ! » mentit-elle, son sourire faisant écho à celui de Neolina. Elle croqua dedans comme s’il y avait le secret de la longévité à l’intérieur. La bouche pleine, elle reprit : « Et toi, ça va ? Tu t'en sors avec ta grande passion de la paperasse? »

Elle avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elles ne s’étaient pas posées pour parler. Elle doutait d’ailleurs de savoir ce qu’il se passait concrètement dans la vie de Neolina ces derniers temps. Et bien qu’elle croisait davantage Maxence à l’hôpital clandestin, ils ne parlaient pas de la relation qu’il avait avec la sorcière. A cette pensée, Sanae se rappela que Neolina ignorait toujours qu’elle avait couché avec Max avant qu’ils ne se remettent ensemble. Elle ne sut pourquoi mais cette information la crispa intérieurement bien qu’elle n’en exprima rien. Etait-ce important de le dire ? Qu’y avait-il à gagner ? Est-ce que cela entrait dans les prérogatives amicales dont elle ignorait tout ? Laissant tourner ces réflexions en arrière-plan, Sanae demeurait attentive aux réactions de Neolina.

-  Oh, de rien. J’aime contribuer à ta pile de dossiers. J’ai la mienne, tu as la tienne. On est quitte. »
« Hmhm.» dit-elle plus amusée qu’autre chose « Tu veux pas prendre une photo de tes dossiers pour me remonter le moral ? Comme ça j’sais que je ne serai pas la seule à galérer… Merci t’es gentille !» Léger rire amusé, suivi d’un sourire éclatant. Si elle plaisantait ? Oui, en grande partie du moins, il faut bien l’avouer ! Il était vrai que cela l’amuserait beaucoup de voir comment Sanae galérait aussi de son côté et, essayant de prendre son sérieux, elle n’avait pas tardé à lui glisser un petit «  Et puis, comme j’suis sympa moi, je ne viendrai pas te rajouter un dossier…  T’as vue, j’suis cool ?» En même temps, elle n’avait pas non plus envie de finir à l’hosto… on se demande pourquoi … surtout quand un à un Max médecin en petit ami.

Voilà, c’était décidé, bien dit fort, elle arrêtait, elle ne voyait plus assez les lignes ! Et Hampton avait bientôt posé la question à double tranchant. Comment est-ce que son amie allait. Quand on avait un boulot comme celui de Sanae, doublé de tout ce qui s’était passé ces derniers mois, de la Garde…. Et bien, la réponse positive n’était pas forcément aussi simple que pour un citoyen lambda, et vue la moue qu’elle faisait ça ne serait certainement effectivement sûrement le top du positif. Elle l’observa en coin, sans rien dire d’autres. Attendait sagement ce qu’allait pouvoir dire son amie.

« Comme ton bureau...encombrée. » Haussement de sourcil perplexe de la plus âgé, mais elle ne fit aucun commentaire et la laissa continuer pour voir si elle pouvait en tirer des propos un peu plus précis. Ici, c’était beaucoup trop vague pour qu’elle se fasse une réelle idée.  « Je pourrais me plaindre de mon rythme de vie mais il m’occupe l’esprit alors au final, ce n’est pas plus mal... »

Une piste ? Peut-être, en quelque sorte, mais elle ne pouvait pas l’aborder aussi abruptement, elle lui avait donc proposé un truc à boire et à manger. Parler le ventre plein, avec des petites douceurs, ça avait toujours le don d’apaiser beaucoup de mœurs de son point de vue, et de délier un peu la langue. Son interlocutrice accepta et elle fit démarrer d’un coup de baguette l’appareil pour faire chauffer l’eau, elle sortit d’un tiroir ‘secret’ - pas si secret que ça-, un petit paquet de gâteaux tout en faisant bien comprendre à l’autre jeune femme qu’il était formellement interdit de lui piquer ses douceurs. Plaisanterie ? Encore une fois qu’à moitié. Et vu le rire de son amie, et bien elle savait qu’elle essayerait probablement au moins une fois par simple challenge, ou par ce qu’elle avait besoin de sucre dans le sang.

« Ça ne me viendrait pas à l’esprit ! Il fallait espérer qu’elle n’était pas censée la croire, par ce que… non ce n’était pas crédible et, oui, elle aussi si on lui avait présenté la chose sous cet angle aurait certainement voulu essayer. « Et toi, ça va ? Tu t'en sors avec ta grande passion de la paperasse ? »
« C’est comme un cercle sans fin ! Tu finis un dossier ou deux, tu en as des nouveaux…mais globalement j’ai quand même pas mal avancé.» Silence de quelques instants avant qu’elle ne reprenne. « Je suppose que tu sais, que je sais tu mens effrontément là ?» et elle avait ensuite grignoté un petit gâteau comme si tout était parfaitement normal. Eau chaude, nouveaux coups de baguettes pour faire venir la boisson jusqu’à elles, ainsi que deux tasses. « La tisane à l’intérieur est censée apaiser et aider à dormir, j’te préviens.. mais façon moldue.» plaisanta-t-elle, ce qui signifiait que c’était juste bon. Elle les servit avant de s’étirer longuement et de rajouter. « Ca coince quelque part niveau vie privée pour que tu sois contente que ton rythme de vie t’occupe l’esprit, ou c’est autre chose  ?»

Elle aurait pu l’emmener d’une façon certainement un peu plus fine, mais vu l’heure et son degré de fatigue, elle ne pouvait guère faire mieux. Au moins, elles ne tourneraient pas autour du pot pendant des heures, et puis… si Sanae ne voulait pas répondre, elle n’allait pas forcer non plus.

 « Tu ne veux pas prendre une photo de tes dossiers pour me remonter le moral ? Comme ça, j’sais que je ne serai pas la seule à galérer...Merci t’es gentille ! » Elles rirent toutes les deux, Sanae secouant la tête devant le large sourire de Neolina.  « Et puis, comme j’suis sympa moi, je ne viendrai pas te rajouter un dossier...T’as vue, j’suis cool ? » Un nouveau rire prit la sorcière. « Très cool...comparée à moi. » s’amusa Sanae. Le ton était malicieux. Elle voulait bien admettre que Neolina avait meilleur coeur qu’elle. En vérité, et bien que ce ne fusse pas le sujet, Neolina avait bien des avantages que Sanae ne possédait pas. Elle avait cette aisance naturelle pour les relations humaines, cette facilité à s’exprimer et à rire ; la vie s’écoulait en elle sans qu’il n’y ait ni chaos, ni violence dans ses os. Les dangers et les pertes ne l’épargnaient pas mais elle arrivait toujours à sourire. Pour une fois, Sanae eut l’impression que ce n’était pas pour cacher quelque chose. Neolina souriait vraiment, sans mentir. Cela ne voulait pas dire qu’elle ne souffrait pas, au fond, de ce que la vie lui avait prise mais du moins, elle ne semblait pas pleine de rancoeur et de bile. Elle savait qui elle était, ce qu’elle voulait. Enfin… Elle repensa à sa conversation avec Maxence. Leur histoire lui paraissait heureuse mais compliquée. Ils s’aimaient, c’était indéniable. Peut-être était-ce pour cela que Sanae rechignait tant à parler à Neolina du soir où elle et Max avaient couché ensemble ? Elle ne voulait rien salir. Encore une fois, ils n’étaient alors pas encore remis ensemble ; et sûrement que cela ne changerait rien du tout qu’elle le lui dise. C’était un minuscule caillou jeté dans un océan. Un océan qui n’était pas le sien. C’était leur histoire.

Neolina mit son travail de côté, abandonnant ses dossiers. Elle lui demandant si elle allait bien, cette dernière posait son regard attentif sur Sanae. Cette dernière n’aurait guère pu prétendre que tout allait bien ; elle opta pour une réponse qui se voulait sincère mais qui n’en disait pas trop. Voilà qu’elle se remettait à jouer aux demi-vérités. Neolina sortit un paquet de gâteaux de son tiroir et d’un coup de baguette, fit bouillir l’eau pour le thé. Le frémissement de la bouilloire devint un fond sonore. Et déjà, ouvrant le paquet de biscuits, la sorcière prévenait qu’il était hors de question de lui en voler. Sanae souriait, amusée. Non, bien sûr, elle n’y aurait même jamais pensé ! Personne n’y croyait. C’était bien le but. Les jambes croisées, une main posée sur une cuisse alors qu’elle croquait dans un petit gâteau, Sanae demanda à son tour si Neolina allait bien et si elle s’en sortait avec son interminable paperasse.

 « C’est comme un cercle sans fin ! Tu finis un dossier ou deux, tu en as des nouveaux...mais globalement, j’ai quand même pas mal avancé. » Sanae acquiesça, c’était bien vrai. Un cercle sans fin. Elle n’aurait pas dit mieux. C’était un peu comme avec ses patients – à peine un de parti que plusieurs arrivaient. « Je te fais confiance pour être efficace. » dit-elle. Calée dans son fauteuil, Neolina eut un léger silence avant d’ajouter « Je suppose que tu sais, que je sais que tu mens effrontément là ? » L’espace d’un instant, Sanae ne sut si elle parlait de la réponse à sa question ou de sa réflexion sur les biscuits. Sur le meuble d’à côté, l’eau brûlante glapissait dans la bouilloire. Sanae leva un sourcil en mâchant. « Je vois pas de quoi tu parles. » Elle préféra penser qu’il s’agissait des gâteaux. Neolina fit s’envoler deux tasses pleines jusqu’à elles. Sanae décroisa les jambes et se redressa sur sa chaise, s’avançant vers le bureau pour entourer la tasse chaude de ses mains.  « La tisane à l’intérieur est censée apaiser et aider à dormir, j’te préviens...mais façon moldue. » Sanae eut un sourire narquois. « Ouais, donc ça fait rien du tout à part donner envie d’aller pisser. » rétorqua-t-elle et elle sentait que Neolina ne dirait pas le contraire.

Dans le calme du bureau, chacune grignotant et sirotant la tisane encore trop chaude pour être avalée à grandes gorgées, Neolina s’étira longuement. La fatigue les prenait sans merci. Pendant quelques secondes, la sorcière fut même si fatiguée qu’elle ne pensa pas, lâcha prise sur sa chaise à profiter de la chaleur de sa tasse. Aussi, ce fut pour cette raison que la réflexion de Neolina la surprit. Elle ne s’y était pas vraiment préparée.  « Ça coince quelque part niveau vie privée pour que tu sois contente que ton rythme de vie t’occupe l’esprit, ou c’est autre chose ? » demanda-t-elle. Il y eut une seconde de battement. Une seconde durant laquelle Sanae envisagea de dire la stricte vérité. Quelle était la vérité, d’ailleurs ? Elle ne se l’énonçait que peu à elle-même. Neolina n’était pas simplement une amie, elle était aussi une Générale de la Garde. Elle était un autre. Et les autres ne comprenaient pas.

Elle soupira et rejeta son dos en arrière, sa tasse coincée entre ses mains, sur ses cuisses. Elle haussa les épaules. « Oh non, c’est juste que j’ai la bougeotte. Ça me va bien de travailler et de faire des missions. Je réfléchis moins à ce qu’on va tous devenir si on ne réussit pas à se débarrasser de ces enfoirés. » dit-elle, sans laisser rien paraître. Est-ce que les demi-vérités étaient aussi des mensonges ? Ce débat l’intéressait. Sanae but une gorgée. Le liquide chaud lui brûla légèrement la langue mais son énergie était si basse qu’elle eut l’impression de redonner un peu de chaleur à son corps. « Ça ne t’angoisse pas, toi ? De te dire que peut-être, on n’y arrivera pas ? » Neolina devait avoir des projets pour l’avenir. Elle et Max devez en avoir à deux, même. Et si tout ce qu’ils faisaient contre les Supérieurs n’avait aucun impact à la fin ? Et s’il n’y avait pas de « après » à cette guerre ? Sanae remplaçait ses autres angoisses par celle-ci. Elle était concrète, plus en surface, plus abordable avec les autres. Elle ne révélait rien d’elle qui ne fasse pas sens, qui ne soit pas partagé. Ils devaient certainement tous craindre que cela ne finisse  jamais ou pire, que cette résistance n’existe plus à un moment donné.

Sanae redoutait, elle, à la fois la fin heureuse que la continuité de l’horreur.

Elle leva les yeux au ciel, croisa les prunelles de Neolina.

« Comme tu le vois, je suis de très bonne compagnie à cette heure-ci. » dit-elle, amusée.
Pour une fois, elle se moquait d’elle-même.

« Très cool...comparée à moi. » Elle eut un rire amusée et secoua un peu la tête. Sanae était cool à sa manière, c’était indéniable ; mais elles ne l’étaient pas forcément de la même manière. Elles au final un caractère très différent, mais la métamorphomage savait aussi qu’elle paraissait souvent de bonne humeur, la bonne copine à qui on pouvait se confier et c’était tant mieux, c’était ainsi qu’elle voulait qu’on la voie. Elle eut un tendre sourire à son amie avant glisser doucement « T’inquiètes pas, tu es aussi très cool ! » Elle lui fit un petit clin d’œil complice. Elle ne voulait pas que son ami ait une mauvaise vision d’elle-même, non elle était vraiment cool et il fallait donc le dire ! Remettre chaque chose à sa place, dire les choses, essayer de comprendre l’autre avant de juger était des choses qui étaient très importantes pour elle.

Mais pour l’instant, la discussion allait plutôt tourner entre une rencontre entre deux amies plutôt que quelque chose en rapport avec leur « travail » en commun, d’ailleurs Néolina avait laissé de côté ses dossiers pour offrir à boire et à manger à son amie. Néanmoins, elle ne put s’empêcher de refaire une petite phrase sur les dossiers en cours, comme quoi elle avait avancé mais qu’il s’en rajoutait toujours…« Je te fais confiance pour être efficace. » Elle lui sourit en coin, avant de lui relancer une petite pique sur les gâteaux, elle savait que Sanae essayerait de venir lui en voler… Par goût du risque, par gourmandise aussi d’une certaine manière, et il fallait bien avouer c’était toujours meilleur quand c’était pris/volé. Un petit goût de victoire, peut-être ? « Je vois pas de quoi tu parles. » Neolina préféra ne pas insister cela ne servait à rien, mais elle se contenta d’avoir un grand sourire en coin, avant de sortir une nouvelle plaisanterie sur la tisane. « Ouais, donc ça fait rien du tout à part donner envie d’aller pisser. » cette fois, elle eut un grand rire et acquiesça « Ouais, voilà, tu as bien tout saisi cette fois ! Heureusement, je ne compte pas dormir avant quelques heures… ils sont drôles ces moldus quand même avec leurs nuits calmes… mais le goût est sympa c’est tout ce que l’on demande, non ?» Enfin, ne pas dormir avant quelques heures, c’était vite dit… elle commençait sérieusement à être crevée et il allait falloir qu’elle daigne se reposer à un moment ou à un autre si elle voulait tenir le rythme.

Et bientôt Hampton posa de nouveau une question, revenant sur ce que son amie avait dit un peu plus tôt, sur son rythme de vie qui lui occupait l’esprit. Quelque chose la titillait dans ses paroles, mais elle s’en faisait peut-être un peu trop pour pas grand-chose. Est-ce que Sanae allait se confier à elle, elle n’était pas certaine, mais elle lui laissait quand même une grande porte ouverte. Haussement d’épaules de la part de son amie avant qu’elle ne réponde « Oh non, c’est juste que j’ai la bougeotte. Ça me va bien de travailler et de faire des missions. Je réfléchis moins à ce qu’on va tous devenir si on ne réussit pas à se débarrasser de ces enfoirés. » Elle fronça un peu les sourcils avant de soupirer longuement. Elle essayait de ne pas trop se poser ses questions pour sa part, elle préférait prendre les choses les unes après les autres, par ce que même s’ils arrivaient à es battre, quel serait leur avenir. Quel monde est-ce qu’ils allaient laisser ? Quelles ruines ? Et ils auraient toujours des ennemis … C’était vraiment un combat qu’elle voyait sans fin. Elle espérait que l’équilibre serait néanmoins bientôt de mise. « Ça ne t’angoisse pas, toi ? De te dire que peut-être, on n’y arrivera pas ? » elle la regarda quelques instants et acquiesça doucement, elle ne savait pas comment formuler sa façon de voir les choses. Silence pendant quelques instants mais avant qu’elle n’ait eu le temps de dire quoi que se soit, Sanae avait déjà repris la parole « Comme tu le vois, je suis de très bonne compagnie à cette heure-ci. » Neo étouffa un petit rire amusé. « De la grande philosophie en pleine nuit…» elle se tut quelques instants avant de reprendre «Et bien… ça m’angoisse un peu, mais je m’interroge aussi sur beaucoup de choses. Que va-t-on faire de tous les Supérieurs, en sachant que certains sont là pas par conviction mais par obligation ? va-t-on décimer autant de famille de sang-purs, pour quel avenir de la magie ? est-ce que suivant les décisions prises, cela ne se retournera pas contre nous ; ouvrant une nouvelle guerre ? » Elle soupira doucement avant de rajouter « Je crois qu’on arrivera à les battre, je l’espère en tout cas pour mettre fin à toute cette merde… mais je ne peux m’empêcher de penser à l’après ? est-ce que tu vois ce que je veux dire ? Je pense que je réfléchis un peu trop, c’est pour ça que je préfère prendre les choses les unes après les autres.» Elle lui fit une petite moue confuse avant de boire dans sa tisane. Bien sûr, elle était convaincue de la Cause pour laquelle elle se battait. Bien sûr, elle voulait leur victoire… mais il fallait aussi réfléchir pour elle plus loin, aux répercussions, aux punitions, même s’il était encore un peu trop pour penser à tout cela. Elle ne pouvait s’empêcher de craindre que leur clan s’éclate sur ces prises de décisions, ils ne seraient jamais tous d’accord, il n’y avait pas forcément de solutions plus justes que d’autres par ailleurs…. Oui, prendre les choses comme elles venaient était quelque chose de beaucoup mieux pour elle.

Le calme du Quartier Général donnait la sensation d’un lieu déserté par toute vie, hanté seulement par les pas qui avaient résonné toute la journée et les échos des conversations qui s’y étaient jouées. Sanae avait toujours l’impression d’arriver sur un champ de bataille abandonné quand elle se glissait dans les couloirs à cette heure-ci. Occupée par son travail, elle ne venait parfois pas pendant quelques jours mais dans son esprit, la cause avait toujours sa place. A plus forte raison quand elle était noyée par les conséquences des conflits politiques, des lois qui se mettaient en place, des injustices de leur société et du fonctionnement plus que précaire au sein même de Sainte Mangouste. Un hôpital était toujours le théâtre de tous les drames mais il était devenu également un endroit dangereux où les tensions crépitaient dans chaque recoin. Il aurait été compliqué d’ignorer les bouleversements, même les plus petits, qui s’opéraient dans leur monde ; au fil du temps, ils étaient tous confrontés au pouvoir des Supérieurs, à différentes échelles. Parfois, la sorcière se demandait si elle aurait rejoint la Garde si son père était toujours en vie. Elle n’était pas sûre de la réponse. Mais elle ne regrettait pas ce choix. Elle avait au moins le sentiment de participer à un effort général.

Elle n’évoquait pas souvent ce genre de questions. En tout cas, pas ainsi et pas avec Neolina. Leurs conversations avaient toujours été un peu en surface, ou concentrées sur leurs vies. Celle qu’il aurait fallu considérer comme une amie ne savait pourtant pas tout ce qui se déroulait dans la sphère privée de Sanae. Cette dernière ne parlait que peu de sa vie depuis quelques mois et n’énonçait que des anecdotes de son travail ou les dernières informations en rapport à la Garde. Vu la grande activité de chacune, elle imaginait que ce n’était pas trop voyant. Après tout, elle n’avait jamais été très bavarde quand il s’agissait de se confier. Neolina n’avait pas même fait de commentaire les mois précédents sur l’attitude changeante de Sanae. Peut-être que ce n’était pas si déroutant ou qu’elle donnait assez le change. Tant mieux en vérité.

Mais ce soir, peut-être était-ce la fatigue, Sanae avait laissé échapper une question qui lui trottait souvent en tête.

« De la grande philosophie en pleine nuit…» dit Neolina, son léger rire se distillant dans l’espace du bureau. Sanae eut un sourire en coin. Ce n’était effectivement pas le meilleur moment pour parler de ça, ou alors, au contraire, il n’y avait pas mieux. L’épuisement avait parfois le même effet qu’un veritaserum. Les défenses étaient moindres ; les barrages, plus fins. On se laissait aller aux interrogations et aux crises existentielles. «Et bien… ça m’angoisse un peu, mais je m’interroge aussi sur beaucoup de choses. Que va-t-on faire de tous les Supérieurs, en sachant que certains sont là pas par conviction mais par obligation ? va-t-on décimer autant de famille de sang-purs, pour quel avenir de la magie ? est-ce que suivant les décisions prises, cela ne se retournera pas contre nous ; ouvrant une nouvelle guerre ? » Sanae l’écoutait et son front se plissait légèrement. Entre ces lignes de peau, il y avait l’incompréhension et la certitude qu’il n’y avait pas plus différentes que les réflexions qui les séparaient toutes deux. Neolina avait le coeur tendre, le caractère ferme et l’esprit procédurier. Organisée, elle passait en revue des choses qui n’entraient pas en ligne de compte pour d’autres. Sanae ne réfléchissait pas ainsi. Elle aimait et détestait profondément l’ordre ; ses pensées étaient éparses, chaotiques et insistantes. Lorsqu’un objectif se fixait, le reste importait peu. Elle ne pensait alors pas aux Supérieurs forcés de rentrer dans le rang ; ce n’était pas qu’elle ignorait leur existence mais pour elle, leur choix de soumission faisait néanmoins d’eux des ennemis. « Je crois qu’on arrivera à les battre, je l’espère en tout cas pour mettre fin à toute cette merde… mais je ne peux m’empêcher de penser à l’après ? est-ce que tu vois ce que je veux dire ? Je pense que je réfléchis un peu trop, c’est pour ça que je préfère prendre les choses les unes après les autres.»

Les unes après les autres. C’était une drôle de chose. Sanae laissa son dos retomber contre le dossier de la chaise, une jambe repliée sur sa cuisse. Entre ses mains, sa tasse lui brûlait presque les doigts mais elle aimait ça. Elle pinça les lèvres.

« Je vois, oui. Je pense à l’après moi aussi mais je n’arrive pas vraiment à m’y projeter. » Parce qu’un « après », tous n’auraient pas la chance d’en avoir un. Certains d’entre eux tomberaient et peut-être que dans quelques semaines, mois ou années, le souvenir de cette conversation serait douloureux. « Pour ce qui est du présent, en revanche…. » Elle se redressa, le visage penché, les lèvres plissées. « J’avoue que les différences entre un Supérieur qui veut en être un et un Supérieur qui doit en être ne me hantent pas. Sur le champ de bataille, il n’y aura aucune nuance. Ce seront tous des ennemis prêts à nous abattre. C’est la triste réalité d’un combat. » Elle marqua une pause, le temps d’une respiration, le regard dans celui de Neolina, sans violence. « Des conséquences, il y en a déjà et il y en aura après. Je ne pense pas qu’ils se posent ces questions tu sais. Ils nous voient comme des parasites et leur accorder de la compassion serait nous tirer une balle dans le pied. Je ne pense pas que faire disparaître des sangs-purs qui aimeraient mieux nous oblitérer, nous et le monde moldu, est une mauvaise chose. Ça demande des décisions inhumaines mais toutes les guerres sont inhumaines de toute façon. » Elle haussa les épaules.

Au fond de son esprit, elle se demanda ce que son père aurait pensé de la facilité avec laquelle elle énonçait ça. Et puis elle se rappela qu’il était une victime de ces Supérieurs et soudainement, ce qu’il aurait pu en penser n’avait plus d’importance.

Quelque part, elle n’aimait pas aborder ce genre de sujets avec les autres. On la trouverait beaucoup trop tendre, elle en avait conscience, mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait toujours eu du mal avec l’injustice et certaines questions lui trottaient en tête et elle ne pouvait pas trop s’en dépêtrer. Malgré tout, elle avait essayé de répondre franchement à Sanae, même si le discours pourrait lui déplaire, même si quelque part il pourrait il y avoir des retombées assez énormes. Elle préférait encore la franchise que de faire un discours faux pour se faire bien voir. Il y avait beaucoup de nuances à avoir, et elle essaya de ne pas être trop barbante, d’être assez brève mais qu’il y ait néanmoins un certain cheminement de pensées. Bien sûr, qu’elle croyait en leur cause sinon elle ne serait pas là aujourd’hui… mais, l’avenir de la magie pouvait aussi se trouver entre leurs mains et c’était beaucoup plus compliqués qu’un simple combat contre les Supérieurs - certains en plus ne voulant pas être là où ils étaient, détail insignifiant mais qui pour elle restait important-. Par ce que Eux, à la Garde avaient le choix de se battre, d’intégrer ce système. Certains des Supérieurs, notamment chez les jeunes, étaient là par obligation, par peur et qui sait quoi encore ?  Pouvait-on « punir » ces personnes comme les autres, comme ceux qui voulaient vraiment les détruire ? Pouvait-on se permettre de les laisser en liberté malgré ce qu’ils avaient fait, et s’ils avaient envie de se venger ? Ils étaient tous humains, et certains étaient ce qu’ils étaient, par ce qu’ils avaient été embrigadés dès le plus jeune âge. La voilà, à ses yeux, la Vérité sur ce groupe. Des conneries, des atrocités commis sur leurs enfants depuis des générations et qui continuaient de se perpétrer…  Et c’était là que c’était compliqué également, par ce que beaucoup des Supérieurs ne verraient jamais leurs erreurs, qu’ils étaient dans le faux. Et toutes ces problématiques lui donnaient le tournis, mais pour l’instant ; ils n’en étaient pas là. Loin de là. Elle pouvait continuer d’y songer, anxieuse, essayer de trouver des solutions viables et justes pour tous. Elle avait le temps de préparer une argumentation, essayer d’être le plus juste pour Tous. C’est pour cela qu’elle ne voulait pas songer à « la possible fin d’une guerre, d’une victoire » comme elle l’expliquait à son amie, par ce qu’il valait mieux se concentrer sur le présent. Prendre, résoudre chaque problème, l’un après l’autre … Et la jeune femme s’était finalement tue, elle redoutait quelque part le « jugement », la réponse qu’allait lui fournir Sanae même si elle confiance en la plus jeune.

«  Je vois, oui. Je pense à l’après moi aussi mais je n’arrive pas vraiment à m’y projeter. » Au moins, sur ce point-là, elles semblaient penser de façon un peu similaire ce qui était certainement une bonne chose.  « Pour ce qui est du présent, en revanche…. J’avoue que les différences entre un Supérieur qui veut en être un et un Supérieur qui doit en être ne me hantent pas. Sur le champ de bataille, il n’y aura aucune nuance. Ce seront tous des ennemis prêts à nous abattre. C’est la triste réalité d’un combat. » Elle acquiesça, ça elle en était consciente, d’ailleurs pendant un combat alors qu’elle risquait sa vie, celle de ses coéquipiers, bien sûr qu’elle n’y penserait pas. Seule la mission, ramener tout le monde en vie comptait. « Des conséquences, il y en a déjà et il y en aura après. Je ne pense pas qu’ils se posent ces questions tu sais. Ils nous voient comme des parasites et leur accorder de la compassion serait nous tirer une balle dans le pied. Je ne pense pas que faire disparaître des sangs-purs qui aimeraient mieux nous oblitérer, nous et le monde moldu, est une mauvaise chose. Ça demande des décisions inhumaines mais toutes les guerres sont inhumaines de toute façon. » Elle eut un léger sourire à l’encontre de son amie, et se laissa quelques instants pour mieux répondre à cette affirmation, qui au final était des plus juste et justifiée. Néanmoins, parfois, il n’y avait-il pas d’autres manières d’agir, si certains semblaient hésiter à les tuer, à les blesser ? Même l’espace d’un instant, s’ils voyaient le doute s’immiscer dans ce regard, est-ce qu’il n’y avait pas quelque chose à faire plutôt que de les « faire disparaitre » ? Elle se mordilla un peu la lèvre avant de pousser un long soupir et boire quelques gorgées de sa boisson. « Tu as bien entendu raison dans ce que tu dis ou fais. Bien sûr qu’en plein combat, on ne va pas se poser ce genre de questions, bien sûr que le plus important c’est notre survie, et celle des innocents et jamais je ne remettrai ça en cause. Et tu le sais bien.» c’était simplement factuelle, elle n’était pas agacée ou autres, Sanae savait qu’elle pouvait compter sur son amie et que Neolina était totalement dévouée à la cause. Qu’elle ferait toujours son possible pour arriver au but de la mission, même si c’était tuer. « Seulement… comment dire ?  Peut-être que c’est aussi le fait de travailler au Ministère d’entendre certaines personnes parler qui me fait penser cela et réfléchir…» Ou alors plus probablement par ce qu’elle était trop tendre, trop gentille et qu’elle avait sa propre vision de la justice, de l’équité. Elle se racla la gorge. « Mais imagine en combat, on tue on « gamin » d’une vingtaine d’années, juste par ce qu’il a hésité à nous attaquer par ce qu’il n’avait pas le choix d’être là, que tout cela le dépasse, qu’il ne veut pas se battre… Est-ce que l’on ne pourrait pas l’aider plutôt et changer les mentalités au fur et à mesure ? ca serait long, ça ne marcherait peut-être pas. Mais nous, on a le choix de se battre, Sanae. On a tous choisi d’être là, peut-être que certains d’entre eux non. Je suis d’accord avec toi, c’est une guerre, il y aura toujours des choix inhumains à faire. Des fois on aura pas le choix… mais peut-être que parfois, il serait temps justement de se dire que les erreurs passées dans les différentes guerres Moldues ou Sorcières ne sont pas à reproduire.» Elle se tut quelques instants avant de reprendre « Mais peut-être que ça serait aussi une façon de redorer notre blason auprès des concitoyens de ne pas rentrer totalement dans leur jeu ; peut-être que certains oseraient nous rejoindre ou au moins nous aider si on pouvait les protéger et nous donner des informations que l’on a pas. Peut-être que l’on pourrait sauver que quelques vies… mais même si on ne sauve que trois pauvres types, peut-être qu’avec leurs enfants ils ne produiraient pas les mêmes erreurs et ça ferait des sacrifices en moins pour les prochaines générations… ou pas. Je n’en sais rien. Je n’en sais strictement rien.» Mais ils pourraient toujours voir la bonne foi du type, non ? Ne serait-ce qu’avec Sanae, ou avec des potions. Elle savait, la sorcière qu’elle s’emportait, que c’était trop compliqué à mettre en place, un trop gros casse-tête impossible à gérer en combat, et c’est bien pour cela qu’en temps normal elle n’en parlait pas. C’était trop utopiste. Elle lui jeta un regard Vas-y tu peux en rigoler, par ce que c'est ridicule ce que je viens de dire.

Enfoncée dans sa chaise, Sanae écoutait Neolina sans rien dire. Sa tasse était encore fumante et sa chaleur picotait ses doigts pressés tout autour. Le contraste lui brûlait légèrement la peau mais elle s’en souciait peu. Toutes ses pensées étaient tournées vers le discours de la sorcière. La Générale des Activistes avait des opinions bien différentes de la majorité, c’était peu de le dire. Si elles s’accordaient sur le fond, Sanae n’avait pourtant pas la même vision des choses. Neolina pensait aux sangs-purs piégés dans une existence qu’ils n’avaient pas choisie et Sanae ne niait pas leur existence – elle serait bien mal placée pour le faire en ayant côtoyée de si près Alec -, mais elle ne pensait pas à eux pour autant. Elle ne trouvait aucune place en elle pour ceux qui souffraient de l’autre côté du champ de bataille. Ils n’étaient pas son problème. Séparer ces quelques exceptions du lot de dégénérés qui les entourait relevait d’un espoir vain, inutile. La Garde n’avait pas de temps à perdre de ce côté.

Elle réfléchissait cependant à ce que Neolina lui disait. Avaient-ils, eux, réellement le choix de se battre ? Certes, ils n’étaient pas envoyés sous la contrainte, mais leur parcours de vie les avait menés jusqu’ici. Dans son cas à elle, c’était le deuil qui l’avait poussée à agir. Quant aux sangs-purs auxquels elle pensait, jusqu’où leur libre-arbitre allait ? Le schéma était complexe. Certains s’extrayaient des filets de leurs parents, d’autres n’y échappaient pas. Dans ce dernier cas, était-ce de la lâcheté, de la faiblesse, une contrainte exercée par un chantage, ou le choix de la survie ? Ils pliaient, c’était certain. Et parce que cet enrôlement était fait par les liens familiaux, il aurait été impossible de s’assurer que sauvés de leurs racines épineuses, ils n’y retourneraient pas. La Garde avait fait le choix de ne pas prendre de sang-purs, du moins pas ceux dont les liens étaient encore frais. Sanae ne savait pas si c’était la bonne décision, mais c’était une décision prudente en tout cas. Bien sûr, elle aurait préféré que la Garde puisse récupérer Alec, qu’il puisse être en sécurité ailleurs qu’entre les mains de ceux qui l’avaient fait plein de traumatismes. Mais cette intégration aurait du être douloureuse, contraignante, assurant aux deux partis qu’un retour en arrière n’aurait pas été possible. Alors, elle en éprouvait des sentiments mitigés.

Tout ce qu’elle savait, c’était que le cas que lui présentait Neolina ne faisait aucun doute en elle : si jamais un ennemi hésitait, elle l’abattrait. Elle ne se poserait pas de question sur ses motivations, ni sur ses intentions. On ne savait jamais vraiment ce qui existait dans le coeur de quelqu’un, même avec la légimencie, il restait difficile de prévoir les changements qui s’opéraient dans l’esprit de l’autre. On pouvait penser une chose un jour, en être persuadé, et changer d’avis le lendemain. Tout était affaire de circonstances. Tout comme la Garde ne pouvait pas être sûre de n’avoir jamais un traître dans son camp, elle ne pourrait jamais être sûre de la fidélité de sangs-purs élevés parmi l’ennemi.

Quand Neolina eut terminé, elle eut ce genre de regard qui attendait la moquerie. Sanae sourit en coin.

« Tu me fais penser à mon père. » dit-elle dans un souffle. Elle n’avait pas prémédité cette réflexion, elle était venue d’elle-même, la prenant par surprise. Son sourire se crispa. Il y avait à la fois quelque chose de tendre et de triste sur ses lèvres. « Lui aussi pensait toujours aux autres, même à ses ennemis. » Elle se retint de dire que c’était peut-être ce qui l’avait tué. Elle se racla la gorge et se redressa légèrement, repositionnant sa tasse sur ses cuisses. « Au risque de paraître sans coeur, j’avoue que j’ai peu d’empathie pour ceux qui souffrent dans l’autre camp. Le fait est que même si nous voulons leur laisser une chance, nous ne pourrions jamais être sûrs de leur loyauté ou de leur sincérité...pour la simple raison que de manière générale, nous ne pouvons jamais avoir de garantie sur les intentions de l’autre. Et peut-être que la meilleure chose à faire pour les aider, c’est d’anéantir les Supérieurs et de dissoudre leurs traditions. Ce serait une libération profitable pour tous. J’imagine que les sangs-purs qui n’ont jamais porté en eux les idéaux de leurs familles en seront soulagés et qu’ils ne feront pas les mêmes erreurs. » Elle but une gorgée et posa la tasse sur le bureau, arrondissant son dos en se penchant légèrement. « Mais faire dans le détail... » Elle secoua la tête. « J’ai du mal à voir comment se serait possible. » Puis, elle regarda plus intensément son amie, penchant son visage sur le côté, un léger sourire aux lèvres. « Toi et Max vous vous accordez bien je trouve. » Gentillesse insupportable.

Peut-être qu’elle en disait trop, qu’elle était trop franche sur le coup et que cela lui porterait préjudioce tôt ou tard, mais tant pis. Elle préférait parler sincèrement avec son amie plutôt que de cacher certaines choses. Chacun avait le droit d’avoir son opinion tout simplement. Elle était peut-être trop douce, trop gentille à vouloir une « justice la plus parfaite » possible, la plus juste. Pour la métamorphomage, le problème était beaucoup plus compliqué d’une simple guerre entre deux camps. Combien de « gamins » étaient piégés par leur famille ? Etaient dans une guerre qu’ils n’avaient pas choisie, devaient agir comme ils ne le souhaitaient pas ? Devaient-ils payer le même prix que les autres ? Elle n’en était pas sûre… non à vrai dire, elle était certaine de ce qu’elle disait. Mais il y avait un temps pour tout, comme elle l’expliquait bien à Sanae pour ne pas qu’il y ait de possible confusion : bien sûr qu’en combat elle ne se poserait pas ce genre de questions. Elle n’en aurait pas le temps… mais après par contre c’était autre chose. Neolina ne préférait d’ailleurs pas y penser. Dans une guerre, il y avait de toute manière toujours des pertes d’innocents, un dommage collatéral comme disaient certain et cette idée lui donnait presque des nausées. Et enfin, la femme s’était tue, et son amie avait bientôt repris le relai.

« Tu me fais penser à mon père. » C’était sans conteste un beau compliment qu’elle lui faisait-là et Hampton dédia à sa camarade un léger sourire en coin. « Lui aussi pensait toujours aux autres, même à ses ennemis. » Pour elle, ça semblait aussi logique. Peut-être que son empathie lui porterait un jour tort… mais en attendant elle était une bonne alliée. Arriver à se mettre à la place de l’autre, le comprendre était un atout indéniable autant dans la vie de tous les jours que dans son rôle de Général. Les gens savaient qu’ils pouvaient venir lui parler et qu’elle essayerait de les aider comme elle le pouvait. Sanae s’était raclée la gorge avant de continuer « Au risque de paraître sans coeur, j’avoue que j’ai peu d’empathie pour ceux qui souffrent dans l’autre camp. Le fait est que même si nous voulons leur laisser une chance, nous ne pourrions jamais être sûrs de leur loyauté ou de leur sincérité...pour la simple raison que de manière générale, nous ne pouvons jamais avoir de garantie sur les intentions de l’autre. Et peut-être que la meilleure chose à faire pour les aider, c’est d’anéantir les Supérieurs et de dissoudre leurs traditions. Ce serait une libération profitable pour tous. J’imagine que les sangs-purs qui n’ont jamais porté en eux les idéaux de leurs familles en seront soulagés et qu’ils ne feront pas les mêmes erreurs. » Ce n’était pas faux, mais ceux qui avait dû perpétrer des crimes par obligation devraient payer aussi, malheureusement le même prix fort que les autres. Et c’était ça qui la gênait quelque part. Néanmoins elle acquiesça aux dires de sa camarade qui semblaient quand même plus judicieux que les siens. « Mais faire dans le détail...  J’ai du mal à voir comment se serait possible. » Impossible probablement.  D’ailleurs elle soupira doucement, s’apprêtant à répliquer quelque chose avant de se rendre compte que son amie la regardait d’une façon… plus intense. Elle fronça un peu les sourcils tandis que Sanae avait repris la parole « Toi et Max vous vous accordez bien je trouve. » Celle-là, elle ne s’y était pas attendue… Elle resta quelques à la regarder avec de grands yeux étonnés.   « Par ce qu’on est un peu des bon samaritains empathique, ou autre chose ? Merci… je suppose. C’est un compliment ?» Oui, par ce que là, elle n’en était pas certaine. Elle pencha ensuite un peu sur le côté avant de soupirer de nouveau « Tu as raisons, on ne pourra sûrement pas faire dans le détail, comme tu dis mais… punir des « gamins » ou jeunes gens qui ont été obligés de faire des choses… des atrocités alors qu’ils doivent déjà avoir des remords et se sentir coupable à outrance ça me … comment dire ça. Je trouve ça moche. Même si on aura pas le choix. Encore des vies foutues, juste par ce que nées pas dans la bonne famille. » Elle haussa un peu les épaules « Mais bon, haut les cœurs, on en est pas encore là. Tu vois, pour ça que je préfère tout faire par étape, j’m’emballe trop là.»

Elle ne savait par quel tour de magie elles arrivaient à explorer de grandes questions existentielles à cette heure-ci. C’était sûrement une des raisons pour lesquelles Sanae pensa à Maxence. Elle se souvenait de leur longue conversation, complètement éreintés sur le canapé de la salle de repos, et elle se disait que c’était sûrement le point commun de longs discours sur la vie. Les gens fatigués parlaient un peu trop quand ils luttaient contre le sommeil. Mais au-delà de ça, la sorcière trouvait en Neolina et Max des ressemblances évidentes.

« Par ce qu’on est un peu des bon samaritains empathique, ou autre chose ? Merci… je suppose. C’est un compliment ?»
Sanae rit légèrement et hocha la tête.
« Oui, j’imagine que s’en est un. Vous avez tous les deux un trop grand coeur pour le monde qui vous entoure. » dit-elle en souriant.

Neolina se pencha légèrement sur le côté avant de soupirer.

« Tu as raisons, on ne pourra sûrement pas faire dans le détail, comme tu dis mais… punir des « gamins » ou jeunes gens qui ont été obligés de faire des choses… des atrocités alors qu’ils doivent déjà avoir des remords et se sentir coupable à outrance ça me … comment dire ça. Je trouve ça moche. Même si on aura pas le choix. Encore des vies foutues, juste par ce que nées pas dans la bonne famille. » La sorcière fit une grimace, les lèvres plissées. Il y avait bien sûr du vrai dans ce qu’elle disait. Et Sanae n’était ne ne sentait ni fière ni coupable de laisser cette question de côté. Pour le moment, elle s’en foutait. Elle devait s’en foutre. Neolina haussa les épaules. Elle semblait abdiquer. « Mais bon, haut les cœurs, on en est pas encore là. Tu vois, pour ça que je préfère tout faire par étape, j’m’emballe trop là.»

Sanae eut un petit sourire qui n’atteignit pas ses prunelles sombres.
« Pour l’instant, on n’a pas d’autre choix que de voir en temps voulu, de faire un pas après l’autre. Si un jour, on réussit à éradiquer ses malades, on aura sans doute cette conversation à nouveau. » Elle lui fit un clin d’oeil confiant et déposa sa tasse à moitié vide sur le bureau. Ses mains se joignirent sur ses cuisses et elle croisa les jambes. Elle observa Neolina un instant, peu sûre de ce qui viendrait. La décision était prise mais l’exécution l’inquiétait. Elle n’était pas douée pour ces choses-là. Et au fond, elle en voulait à toutes ces injonctions à l’honnêteté. Sanae avait le sentiment qu’elle devait la vérité à Neolina, sans pourtant savoir si c’était la meilleure chose à faire. Qu’est-ce que cela pourrait-il apporter ?

Des réponses, c’était certain. Une fois dit, Sanae serait fixée. Il n’y aurait plus d’interrogation à avoir. Parmi tous les questionnements qui la taraudaient, il était sûrement temps de se débarrasser de celui-ci. Elle se racla la gorge et se redressa légèrement.

« Ecoutes Neo… j’ai un truc à te dire mais j’sais pas bien comment. » Elle capta son regard, s’y accrocha. Elle ne tremblait pas mais elle était mal à l’aise. Elle n’avait aucune idée de si l’information serait importante, si elle susciterait l’indifférence ou la colère. « Je sais pas trop si c’est important mais j’imagine que l’honnêteté, ça l’est pour toi. Alors désolée si ça semble maladroit de ma part... mais avant que vous vous remettiez ensemble avec Max, on a couché ensemble. Juste comme ça, sur un coup de tête et avant que je sois avec Margo. Y a jamais rien eu ensuite et y aura jamais rien. Juste...je me dis que peut-être, tu préfères le savoir. »

Neolina pencha un peu la tête sur le côté, amusée. Etait-elle contente d’entendre que c’était un compliment ? Possible… mais dans le fond Sanae avait certainement raison, ils avaient un trop grand cœur pour ce monde de brute, ils faisaient parti de ces gens généralement trop gentils au point où ça pouvait presque en devenir un défaut. Mais il fallait bien certainement, des gens qui arrivaient à voir le bon, le beau même là où c’était compliqué et il fallait de tout pour faire un monde. Parfois, elle se demandait si elle était vraiment adaptée à la Garde, à leurs méthodes parfois rudes… mais elle voulait trop aider la Cause pour trop y réfléchir, pour penser à un éventuel départ. Elle voulait trop faire changer les choses.

La métamorphomage avait ensuite doucement soupiré avant d’hausser les épaules et de reprendre la parole sur cette histoire de faire dans le détail. Elle n’aimait pas abdiquer et pourtant c’est ce qu’était en train de faire la Générale. Elle ne pouvait pas faire autrement, pas maintenant du moins alors que les Supérieurs continuaient de gagner en puissance, mais si cette force commençait à changer, peut-être pourrait-elle envisager de mettre tout cela sur le tapis. Pour l’instant, elle devait simplement se concentrer sur la situations actuelle sans faire trop d’élucubrations. « Pour l’instant, on n’a pas d’autre choix que de voir en temps voulu, de faire un pas après l’autre. Si un jour, on réussit à éradiquer ses malades, on aura sans doute cette conversation à nouveau. » Hampton acquiesça doucement, ouais c’était comme ça que ça allait se passer, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que certains de ses « malades » étaient peut-être justes des gamins endoctrinés qu’il fallait sortir de cette merde ; des adultes qui n’avaient connu que cette façon de penser. Ce n’était pas des excuses, juste des faits. Et elle aimait croire que parfois essayer de laisser une chance à certains, aux moins mauvais seraient une bonne chose. Mais ce n’est pas comme ça que tu vas sauver le monde, ou le révolutionner ma pauvre fille. se dit-elle intérieurement. Elle n’avait aucun pouvoir dans ce monde, aucune chance que des gens comme Eux l’écoutent même au pied du mur.

Et puis, il y avait eu un changement de sujet brutal, quelque chose qu’elle n’allait pas forcément apprécier. « Ecoutes Neo… j’ai un truc à te dire mais j’sais pas bien comment. » On est bien d’accord que ce genre de phrase n’est jamais quelque chose qui sent bon ? Néanmoins elle ne dit rien et se contenta de regarder son amie, l’invitant ainsi à continuer. Elle ne voyait pas souvent Sanae mal à l’aise et pourtant c’est ce que sa camarade semblait ressentir à cet instant, ce qui était un peu inquiétant. Un instant, elle songea à un problème avec Dorofei mais très vite, elle comprit que c’était à mille lieu de ça « Je sais pas trop si c’est important mais j’imagine que l’honnêteté, ça l’est pour toi. Alors désolée si ça semble maladroit de ma part... mais avant que vous vous remettiez ensemble avec Max, on a couché ensemble. Juste comme ça, sur un coup de tête et avant que je sois avec Margo. Y a jamais rien eu ensuite et y aura jamais rien. Juste...je me dis que peut-être, tu préfères le savoir. » Ah. C’était tout ? Elle en fut presque rassurée même si une bouffée de jalousie était en train de la prendre. Autant, elle était certaine qu’avec d’autres femmes, cela ne l’aurait pas gêné, autant avec Sanae, il y avait vraiment quelque chose qui la titillait.. Et c’était certainement le lien qui unissait réellement Sanae et Max, cette amitié, le fait qu’ils étaient proches et qu’elle se sentait du coup vraiment en danger… même s’il n’y avait pas de quoi, Max l’aimait elle en était certaine, tout comme Sanae avait des sentiments énormes pour Margo. Mais… mais elle ne pouvait pas s’en empêcher au fond d’elle. Elle se racla un peu la gorge, essayant de trouver les mots les plus adaptés à la situation. Elle n’était pas énervée, en colère ou autres, il y avait juste ce fond de jalousie qui la taraudait. « Okay… Merci. Mais… tu n’étais pas obligée, on était même pas ensemble comme tu l’as dis, vous êtes adultes, vous faites bien ce que vous voulez. » Même si ça devait encore arriver aujourd’hui, même si à cette idée la jalousie dévorante la prenait encore « Et je ne peux pas lui demander qu’on puisse aller voir ailleurs, aujourd’hui et lui en vouloir pour ça après, ou t’en vouloir pour ça, dans ce cas là, si ça c’était passé après.» Elle haussa les épaules, avant de se passer la langue sur la lèvres. LA question continuait de la tarauder, celle qui pouvait faire changer beaucoup de choses « Comment est-ce que tu le considères, ou qu’est-ce que tu ressens pour lui exactement.» Qu’elle soit fixée… même si elle n’était pas sûre d’aimer entièrement la réponse.

Elle s’était attendue à une tension soudaine dans l’air, à un changement d’atmosphère. Pourtant, Neolina sembla un instant presque soulagée. Que s’était-elle imaginé pour trouver du soulagement dans ce qu’elle lui avouait ?

Sanae ignorait les détails de l’accord passé entre Maxence et Neolina. Elle savait que la relation qu’ils avaient choisie leur permettait plus de liberté mais elle ne pouvait s’empêcher de chercher anguille sous roche. Peut-être était-elle biaisée par l’expérience des conflits que créait l’existence d’un troisième parti dans une histoire. Aussi, elle s’était préparée à une réaction plus virulente au cas où la liberté octroyée dans leur couple cachait des peurs et des incertitudes inavouées.

« Okay… Merci. Mais… tu n’étais pas obligée, on était même pas ensemble comme tu l’as dis, vous êtes adultes, vous faites bien ce que vous voulez. Et je ne peux pas lui demander qu’on puisse aller voir ailleurs, aujourd’hui et lui en vouloir pour ça après, ou t’en vouloir pour ça, dans ce cas là, si ça c’était passé après.»

Sanae se détendit, appuyant son dos contre le dossier de la chaise. Cela la rassurait de voir que Neolina ne souffrait pas de cette confidence ou qu’elle ne la considérait pas comme une trahison. Il y eut cependant un léger froncement sur le front de la Générale. Quelque chose dans son regard interrogeait, s’inquiétait. Malgré son haussement d’épaules, Neolina passait une langue nerveuse sur sa lèvre inférieure. Sanae aurait pu voir les mécanismes de son esprit tourner et s’activer.

« Comment est-ce que tu le considères, ou qu’est-ce que tu ressens pour lui exactement.»

Sanae n’avait pas anticipé cette question. L’idée qu’il puisse avoir plus que de l’amitié entre elle et Max lui paraissait absurde mais elle comprenait qu’au vue de ce qu’il s’était passé, Neolina avait besoin de le demander. Sanae soupira, s’avança sur le bord de sa chaise et posa ses mains jointes sur le rebord du bureau. Le dos rond, elle regarda Neolina avec une sincérité ferme.

« Il n’y a rien entre lui et moi. Juste de l’amitié. Il te dira la même chose. Et il n’y a jamais rien eu d’ambigu après cette fois-là. » Elle se fendit d’un léger sourire. « Qu’est-ce que tu crois ? J’ai Margo, c’est un boulot à plein temps. » Bien que ce fut dit sur le ton de la plaisanterie, ça n’en restait pas moins vrai. Sanae ne pouvait pas cumuler une petite-amie, un Logan et une tiers personne qui n’aurait mis que plus de difficultés dans tout ça. Dans tous les cas, elle ne ressentait rien d’autre qu’une sincère et précieuse amitié envers Maxence. « Si tout ça ne te pose pas de problème, pourquoi tu me demandes ça ? » Ce n’était pas dit sur un ton agressif, mais plutôt curieux, intrigué.

Elle savait que ses réactions sur ce genre de propos avaient toujours tendance à étonner les gens. Elle en avait l’habitude et comprenait bien que ce n’était pas le mode de vie le plus répandu, que cela ne pouvait pas convenir à tout le monde. Ceci dit, depuis qu’elle était avec Maxence, elle était restée pour l’instant exclusive, même si elle avait fait un peu de charmes à Galaad ça s’était arrêté là. Pas le besoin ni l’envie probablement, mais elle savait que si c’était le cas, elle avait toujours une possibilité. Le tout était toujours bien en parler en amont - ou rapidement après suivant les circonstances avec le partenaire à ses yeux, qu’il n’y ait pas de surprises, d’ambiguïté. La communication était toujours le prime mot. C’était sur ça qu’était en parti basé la confiance ; ils étaient toujours des adultes, ils avaient tous des envies, des pulsions, et elle trouvait ça dommage de s’en priver du moment qu’il n’y avait pas de sentiments derrière. Pourquoi provoquer de la frustration ? Certes, il ne fallait pas non plus que cela arrive tous les jours, mais elle aussi bien dans son cas que dans celui de Maxence, si ça devait se passer ça serait toujours à titre exceptionnel.

Neolina avait bientôt essayé de lui expliquer son point de vue mais surtout, elle voulait la rassurer, il n’y avait de problème là-dedans. Elle n’allait pas se transformer en monstre de jalousie juste pour ça, surtout qu’ils n’étaient même pas ensemble à l’époque. Mais même si elle le pensait sincèrement, il y avait toujours quelque chose qui la titillait et c’était dû à la proximité entre son amie et Max. Et c’est bien pour cela qu’elle avait rapidement posé une nouvelle question, pour savoir. Pour comprendre. Pour être certaine. Rassurée. Le petit soupir de Sanae lui glaça un instant le sang comme si ça signifiait qu’elle allait forcément dire quelque chose qui n’allait pas lui plaire, ce qui était stupide, elle en avait conscience. C’était un soupir comme un autre, comme une mimique quelconque. I

« Il n’y a rien entre lui et moi. Juste de l’amitié. Il te dira la même chose. Et il n’y a jamais rien eu d’ambigu après cette fois-là. » Cette fois, Neolina sembla vraiment rassurée c’était tout ce dont elle avait besoin. La confirmation. Certes, ce n’était que des mots et ils pouvaient bien se leurrer la face l’un et l’autre, mais elle ne croyait pas à cette théorie. Si Sanae lui ça c’était la vérité. Rien de plus de moins. « Qu’est-ce que tu crois ? J’ai Margo, c’est un boulot à plein temps. » La métamorphomage secoua la tête amusée « Ouais, ça je m’en doute.» Alors qu’en vérité, c’était plus le fait de cumuler son travail à Ste Mangouste, puis la Garde et enfin Margo qui faisait qu’elle s’en doutait, plus que son amie seule. « Si tout ça ne te pose pas de problème, pourquoi tu me demandes ça ? » Hampton fronça les sourcils, un peu surprise de la question tant la réponse lui semblait quelque chose de logique… mais au final, ça ne l’était pas. Peut-être qu’elle devrait en parler avec Gary pour voir comment il voyait les choses, lui. « Par ce qu’il y a une différence, si ça s’est passé juste comme ça, par ce que vous en aviez envie, besoin, pour tester, juste comme sex-friend… enfin tu vois tout ce genre de panel… que de coucher avec quelqu’un avec qui tu as des sentiments. La première c’est Ok, c’est inoffensif, ça ne fait du mal à personne du moment qu’on en parle avant ou juste après, c’est arrivé c’est une tentation c’est bien mieux de l’assouvir que de rester frustré. La deuxième c’est… je me serai sentie en danger, avec un risque de rupture. Ce qui est stupide, je sais qu’il n’a d’yeux que pour moi.» Elle lui sourit doucement. « Je ne sais pas si je suis claire ou pas ? Pour moi, ça me semble si logique… que j’ai peut-être du mal à trouver les mots les plus appropriés.»

Sanae se heurtait souvent à la vision erronée que les autres avaient d’elle. Quand elle l’avait décidé, elle donnait si bien le change que ses lacunes dans les rapports humains devenaient invisibles. Elle cachait son malaise, ses interrogations, et son inexpérience, gommant les différences qu’un œil entraîné aurait pu remarquer entre elle et tout être sociable. C’était un exercice épuisant auquel Sanae ne s’adonnait qu’au travail ou quand elle le devait pour des enjeux plus grands que ses propres intérêts. Et en définitive, peu de gens la connaissaient véritablement. Elle ne savait pas encore si ça la rendait triste ou si elle y trouvait un sentiment de sécurité. Il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de se montrer derrière un masque ; toute attaque l’atteignait difficilement puisqu’elle était dirigée vers celle fausse « elle » que les autres croyaient connaître.

Avec Neolina, les choses étaient plus nuancées. Elles s’étaient liées d’amitié bien avant que la sorcière ne se libère de sa prison interne mais ce bouleversement n’avait jamais été discuté, jamais été dit à voix haute. Neolina avait senti les changements, avait sûrement noté les différences dans son apparence ou dans sa manière de parler. Mais on ne pouvait pas dire que Sanae s’était dévoilée face à elle comme elle pouvait le faire avec ces quelques piliers proches qui constituaient sa constellation. Au fond, la sorcière éprouvait une gêne muette face à Neolina. Elle avait l’impression d’être la seule témoin d’un revirement qui remettait en cause les bases de leur amitié. Non pas qu’elle avait cessé d’apprécier Neolina, mais elle ne semblait pas le faire pour les mêmes raisons. Quand auparavant elle avait aimé sa douceur, sa sensibilité, sa joie de vivre et son caractère chaleureux, Sanae préférait désormais sa ténacité et sa franchise. Elle aurait même aimé la voir plus tranchante que d’ordinaire, comme elle l’en sentait capable.

Ce n’était pas cela qui remettait en cause les fondements de leur lien. C’était plutôt ce que Neolina, elle, voyait de la sorcière. Sanae était convaincue que si elle se dévoilait plus avant, dans les rigidités et les irrégularités de sa nature explosive, son amie ne tarderait pas à la voir différemment… Et quand elle imaginait la brusque réalisation, Sanae n’y voyait jamais quelque chose de positif. C’était sans doute la raison pour laquelle la médicomage avait tant redouté de lui dire pour Maxence. Elle avait été pourtant surprise de voir que cela ne déclenchait pas de rancune de son côté et que la Générale semblait plus ouverte que prévu. Sa question avait eu le mérité de prendre Sanae au dépourvu : avait-elle eu des doutes sur ce qui la reliait à Maxence ? Elle partageait bien une complicité avec lui mais elle n’était qu’amicale et profondément humaine. Elle n’avait jamais repensé à l’intimité qu’ils avaient partagé en y fantasmant de désir. Le moment était passé, il était presque anecdotique. Un agréable souvenir qu’elle gardait comme le genèse de ce qui était devenu une amitié précieuse, mais rien de plus. Du reste, Sanae ne fantasmait pas sur les autres. Dans ses moments d’égarements sulfureux, il n’y avait qu’une chevelure blonde et bouclée, deux grands yeux aux lagons bleutés, et un sourire éblouissant. Ce sentiment était si limpide et évident en elle qu’elle oubliait que ça ne l’était pas pour les autres.

Aussi, elle se demanda pourquoi Neolina avait eu besoin de poser la question.

« Par ce qu’il y a une différence, si ça s’est passé juste comme ça, par ce que vous en aviez envie, besoin, pour tester, juste comme sex-friend… enfin tu vois tout ce genre de panel… que de coucher avec quelqu’un avec qui tu as des sentiments. La première c’est Ok, c’est inoffensif, ça ne fait du mal à personne du moment qu’on en parle avant ou juste après, c’est arrivé c’est une tentation c’est bien mieux de l’assouvir que de rester frustré. La deuxième c’est… je me serai sentie en danger, avec un risque de rupture. Ce qui est stupide, je sais qu’il n’a d’yeux que pour moi.»
Sanae avait écouté sa réponse comme si elle lui avait expliqué pourquoi le ciel était bleu. Sa bouche s’était entrouverte dans une compréhension muette. Elle ne pouvait s’empêcher de comparer la situation de Neolina et Max, et la sienne, dans le conflit insupportable que sa relation avec Logan avait instauré avec Margo. Elle avait appris ces derniers mois qu’il n’y avait pas besoin que des sentiments soient en jeu pour créer une jalousie fulgurante.

« Je ne sais pas si je suis claire ou pas ? Pour moi, ça me semble si logique… que j’ai peut-être du mal à trouver les mots les plus appropriés.»

Elle décroisa les jambes et posa ses mains sur ses genoux, un léger sourire sur les lèvres.

« Ça me paraît clair. Et tu as raison, Max n’a d’yeux que pour toi. J’ai été dans sa tête, je confirme qu’il est plus qu’amoureux. » Elle fit un large sourire. « Un des avantages à être légimen. »

Elle finit par se lever et passa une main dans ses cheveux. Son regard retomba sur le bureau de Neolina.

« Bon...c’pas à moi de donner des ordres mais j’pense que je vais me permettre de te dire d’aller te coucher. C’est plus une heure pour bosser….dit-elle en contemplant les gardes de nuit qu’elle devra faire pour le restant de la semaine….» Un léger rire lui vint et elle prit son sac posé sur la chaise. « Allez, soyons raisonnables. » Elle se retourna pour s’éloigner vers la porte et en l’ouvrant, son doigt s’éleva dans les airs sans qu’elle ne se retourne.

« Ça va faire diminuer ton espérance de vie alors au lit ! Par ordre du médecin ! »

Il y avait des conversations que l’on préférait éviter et celle-ci en faisait certainement partie. Elle savait que sa façon de voir les choses était particulière et n’aimait pas spécialement l’expliquer de long en large et en travers, elle se sentait un peu trop particulière à ce moment-là… néanmoins, elle l’avait quand même fait histoire de renseigner au mieux son amie. Venant de Sanae, elle savait qu’elle était vraiment intriguée par la question et qu’elle ne la verrait pas forcément comme une bête de foire à juger… alors elle avait tenté d’être le plus clair possible. C’était tout con ; Sanae était proche de Max, Neo se sentait donc plus en danger qu’envers quelqu’un qu’il n’aurait pas forcément trop connu. Et enfin, après son long monologue, son amie avait enfin du reprendre la parole, rien qu’à voir sa tête, Neo était quand même assez soulagée, elle savait que la réponse ne serait pas trop dure à encaisser… en théorie du moins.

« Ça me paraît clair. Et tu as raison, Max n’a d’yeux que pour toi. J’ai été dans sa tête, je confirme qu’il est plus qu’amoureux. Un des avantages à être légimen. »

Elle fronça les sourcils, pas vraiment certaine d’apprécier qu’elle ait pu voir ce genre de choses même si c’était rassurant, néanmoins, elle n’était personne pour lui dire de ne pas recommencer. C’était à Max de le faire si ça ne lui plaisait pas. Pourtant, elle avait cette impression qu’une certaine partie de son intimité avait été comme violée, ou volée. Quelque chose qui ne leur appartenait qu’à eux deux. Il aurait néanmoins été déplacé de sa part d’en vouloir à son amie .

« Bon...c’pas à moi de donner des ordres mais j’pense que je vais me permettre de te dire d’aller te coucher. C’est plus une heure pour bosser….dit-elle en contemplant les gardes de nuit qu’elle devra faire pour le restant de la semaine….» cette fois, Neolina eut un petit rire amusé. Ouais, elle avait raison, il fallait être raisonnable. Malgré tout, elle n’avait pas encore répondu et s’était contenté d’opiner un peu tout en regardant son amie se diriger vers la porte … « Ça va faire diminuer ton espérance de vie alors au lit ! Par ordre du médecin ! » Ah ouais, elle y allait fort là. En même temps, un mauvais plan pouvait aussi faire diminuer son espérance de vie… « Je finis mon dossier et j’y vais aussi, ne t’inquiètes pas, Sana’. Passe une bonne soirée et surtout une bonne nuit Doc’ !» Et elle comptait bien ne pas mentir et vraiment obéir à sa camarade qui avait raison. Elle ne devait pas pousser le bouchon trop loin, ça serait tout sauf productif si elle finissait en burn-out… d’autant plus qu’il fallait bien qu’elle fasse attention au Ministère. La vigilance était encore plus de mise pour tous ceux qui comme elle, travaillaient toujours dans cette antre aux Démons.