[Topic commun] Moving day

« Tu peux l’emmener si tu veux. »

Le regard perdu sur les traits mouvants des visages présents sur la photo je ne réagis pas tout de suite. Entre mes mains un petit cadre dont la place se trouve sur l’un des meubles du salon. La maison au dernier plan, Maman rit aux éclats. Elle a le bras de notre père autour des épaules et des fleurs entre les mains. C’était la fête des mères je crois, je ne me souviens plus très bien. Je devais avoir 10 ans, Derek trois de plus, pas encore scolarisé je n’avais jamais eu à les quitter. Dans ma cage thoracique mon cœur se serre, même si les larmes ne me montent pas aux yeux je sens que ça pique dans le fond du regard. Une partie de moi a cette envie de plonger droit dans la photo pour retourner à cette période. Je n’avais pas encore pris la violence du monde en pleine gueule, les parents étaient encore là, je pensais que ça serait toute la vie comme ça. Partir d’ici c’est comme tourner une page, une nouvelle, mais en cet instant elle me semble si lourde.
Pas de doute, pas de regret, ça va au-delà de ça et surtout ça n’a rien à voir avec Will, avec nous. Je sais qu’on sera bien tous les deux, j’en rêve depuis des semaines noyé dans l’impatience à trouver le temps tellement long. Mais ça y est, on y est, et ça fait plus mal que ce à quoi je m’attendais.

Un soupir, mes yeux observe les contours du visage de mon frère, puis le mien, on avait le sourire aussi tous les deux alors je comprends pourquoi Maman a choisi d’encadrer celle là. On était heureux, on avait tout, dans le fond de mon ventre un creux se forme alors que je repose le cadre sur le dessus du meuble. Le geste est lent, comme la négation que j’exprime en bougeant la tête de droite à gauche puis de gauche à droite.

« J’ai envie de tout laisser comme c’est. »

Ne rien toucher, ne rien emmener. Laisser ma chambre telle qu’elle est, ne rien bouger, ne rien enlever. Comme une volonté farouche de faire de ce lieu un sanctuaire qui ne changera jamais malgré le temps qui passe. Non, je ne pensais vraiment pas que ça serait si dur.
Le regard perdu dans le vague je sursaute légèrement quand la main de mon frère vient se poser sur ma nuque et qu’il vient se tenir près de moi. A son tour il attrape le cadre, le regarde une seconde puis le repose avant de serrer l’emprise de sa paume sur ma peau. Rien de violent ni d’agressif, c’est même tout l’inverse.

« Hey, arrête tes sensibleries elle sera exactement la même quand tu repasseras. »

La maison. Lui. Mes souvenirs. Nos souvenirs. Notre vie. J’ai beau savoir que je reviendrais, que quelque part ça sera toujours chez moi, ce pas en avant signe le début d’autre chose. Je l’aurai fait quoi qu’il arrive, j’aurai quitté cet endroit un jour parce que c’est le cour normal des choses, mais depuis qu’ils ne sont plus là et que je suis revenu vivre ici à plein temps je n’ai jamais envisagé partir. Faire ma vie ici ? Pourquoi pas.
En attendant les mots ne mon frère ne m’agressent pas, c’est sa façon à lui d’étouffer ses propres sentiments et me soutenir sans en faire trop. L’égo, la pudeur, qu’importe, je lis entre les lignes et accepte sa présence, le réconfort qu’elle m’apporte. Le quitter lui n’a rien de plus facile, à dire vrai. Notre histoire n’est pas rose, il est probablement la personne m’ayant le plus fait souffrir sur cette foutue planète, mais c’est mon frère. Mon sang. Celui avec qui j’ai traversé le pire. Celui qui me rappelle chaque jour qu’ils n’ont pas été un mirage.

« Tu reviens chercher Lune demain ? »
« Ouais. Ou après demain. J’te dirai. »

Si la voix se fait rauque le sourire n’est pas factice. Intérieurement je le remercie de me ramener à quelque chose de terre à terre. On se détache l’un de l’autre et je reprends là où je m’étais arrêté jusqu’à ce que Caem et Mateo arrivent pour m’aider à déplacer ce que j’emmène jusqu’à Ventura. Jusqu’à chez nous. Le crépitement qui anime mon cœur est différent et l’impatience revient, douce et pleine de vie. Pleine d’amour.

¥

« Prêt ? »
« J’ai un dernier truc à faire, j’en ai pas pour longtemps. »

Deux, en réalité.

D’abord passer au cimetière, y déposer quelques fleurs du jardin et leur parler en silence. Leur dire au revoir, puis à bientôt. Imaginer ce qu’ils me diraient s’ils pouvaient répondre, me laisser aller à croire avoir perçu leur présence dans une brise plus chaude que les autres.
Ensuite, rentrer à la maison et filer droit sur la plage. Trouver le plus haut rocher, celui qui a fait hurler ma mère tant de fois, et sauter. Là, non pas dans le vide mais dans l’océan. Pas la dernière fois, je sais, mais celle ci a le goût salé d’une page qui se tourne.

L’éclat de rire est franc quand je croise le regard amusé des gars. Mateo lève les yeux au ciel pour la forme, Caem me balance un tacle comme il en a l’habitude, en un moulinet du poignet je suis sec.

¥

« Ça va ? »

Son regard, mes bras autour de lui, les siens autour de moi. Juste un hochement de tête et mon visage contre son cou. J’ai besoin de ça, juste sa présence contre moi un instant, de quoi me gonfler à bloc de tout ce qui nous attend dans cette nouvelle vie à deux. Il sait, il sent, que même si je déborde de bonheur à l’idée qu’on s’installe ensemble quitter mes repères n’a rien de facile. Pas besoin de lui dire quoi que ce soit si ce n’est un je t’aime murmuré entre ses lèvres avant de les embrasser.

Et on s’y met, dans les éclats de rire et les grognements parfois. Être partout à la fois, jouer les chefs d’orchestre, profiter des uns et des autres, de ce moment un peu particulier où la majorité de mes proches et ceux de Will se mélangent. Ses parents apportent la touche dont je ne pensais pas avoir besoin, je ne me sens pas triste que les miens ne soient pas là même si la mélancolie s’invite parfois, je me sens surtout heureux que eux le soit. L’arrivée d’Eleanor apporte ce qui manquait à ce décor, un peu de ma famille de sang, c’est comme si elle les avait amené avec elle. Il suffit d’un échange de regard pour se comprendre sans rien se dire, la pudeur est là, elle fait briller les iris. La main puissante de Benjamin sur mon épaule fait vibrer quelque chose en moi aussi. 19 ans, adulte avant l’heure mais dans le fond toujours ce gosse qui a besoin de plus âgés autour de lui. Et putain que j’ai hâte qu’Ismaelle et Leiv viennent à leur tour.

Les rires des potes, bien sûr.

« Franchement je sais pas pourquoi vous vous emmerdez à le monter il sera déboité d’ici 24h. »

Riley et sa provocation constante, son air de bitch fière de son tacle, l’épaule appuyée contre l’encadrement de la porte alors qu’on est en train de monter le lit avec Dean et Aaron.

« Bon, Aaron, faut qu’on parle. »

Dit elle en passant son bras autour de ses épaules.
Bienvenu dans la famille vieux.

« T’as des dossiers sur mon mari ? »

Je sors de la chambre pour aller récupérer un truc, secouant la tête de gauche à droite et de droite à gauche, amusé et plein d’empathie pour à la fois Aaron et Mateo. Il y a des airs de Salem dans l’assemblée, j’adresse un sourire à Holy en passant. Juste avant de poser une main sur l’épaule de Takuma alors qu’il vient de se prendre une lampe en plein front.

« Focus Casanova. »

Je ne m’arrête pas, dévale les escaliers à la recherche d’une pièce manquante pour finir de monter le lit.

« Il y aura beaucoup de monde ? »

La petite blonde observe son frère, les mains encore recouvertes de peinture malgré les minutes qu’elle vient de passer à les passer sous l’eau. La hanche appuyée contre un des meubles de la cuisine familiale Aaron se gratte la tempe sans trop y prendre garde.

« Oui, je crois. »

D’après Will entre ses proches et de ceux de son copain la maison sera effectivement en effervescence. Des anciens de Salem, des anciens de Poudlard, des anciens des deux … Il ne sait pas vraiment si sa petite sœur sera très à l’aise avec tout ça et préfère lui offrir une porte de sortie. Au cas où.

« T’es pas obligée de venir Holy, on y repassera plus tard. »
« Non, non. J’ai envie d’aider William. »

Il ne perçoit aucune hésitation dans sa voix, son sourire est franc, malgré les appréhensions elle a réellement envie d’y aller alors il hoche la tête en étirant le coin de ses lèvres. Un quart d’heure plus tard plus de trace de peinture sur les mains de la jeune femme, le seul garçon de la fratrie Bennett traverse le jardin pour rejoindre leur mère occupée à arroser ses plantes. Leur père a rejoint des amis de son club de poker après le déjeuner, Hannah passe la journée dans la famille de Karl.

« On mange là-bas ce soir M’man, nous attends pas. »
« D’accord, amusez vous bien les enfants. »

Un chapeau sur la tête et le regard doux elle vient les embrasser tour à tour après avoir fait quelques pas et aucun des deux enfants ne cherche à se soustraire à ce geste. Pourquoi est ce qu’il le ferait ? Alors que Holy cavale jusqu’à l’intérieur de la maison de nouveau Aaron passe son bras autour des épaules de sa mère et lui dépose un baiser sur la tempe.

« J’la quitte pas des yeux, t’en fais pas. »

Une façon de parler bien sûr mais il ressent l’inquiétude de leur mère à l’égard de la cadette. Une aînée ayant tendance à la déprime, un fils dont le parcours ne fait pas de lui l’enfant modèle, la petite dernière traumatisée par ce qu’elle a vécu, non ça n’a pas toujours été de tout repos pour les parents Bennett mais ils ont toujours su tirer leur force les uns des autres.

¥

« Hey ben on s’emmerde pas gamin. »

Ce sont les premiers mots que Aaron adresse à William en arrivant sur le terrain. Holy a des étoiles pleins les yeux alors qu’elle tourne sur elle même et découvre les lieux. Les deux garçons se salue par une accolade et quelques tacles, la plus jeune vient se blottir dans les bras du Californien une seconde et part rejoindre Macy presque aussitôt. Un visage familier parmi d’autres, elle s’est toujours sentie plus à l’aise avec elle qu’avec Maxime ou Dean. Rien de personnel.

« Tiens, p’tit cadeau de crémaillère avant l’heure. Ça vient directement de mon fournisseur à Londres. »

Janie. S’ils savaient tous les liens un peu saugrenus entre certains ici présents. Pour Aaron elle est une partenaire de business, une amie, une nana avec qui il aime passer un peu de temps à refaire le monde entre deux nuages de fumée. Avec un sourire amusé l'Américain fait glisser un petit sachet rempli de weed dans la poche de Jackson et lui claque l’épaule du plat de la main avant de poursuivre sa découverte des lieux. Lorsqu’il aperçoit Clochette c’est tout naturellement qu’il va la saluer, lui « présenter » Holy au passage.

Puis tout le monde se mélange.

Il a toujours eu ce côté observateur, à ce tenir en périphérie des petits groupes qui se forment pour observer les dynamiques des uns et des autres. C’est ce qu’il fait une partie de l’après midi, attrapant une bière au passage entre deux cartons ou meubles à monter. Il découvre des tas de personnes, échange avec un peu tout le monde, se plie au jeu du selfie orchestré par une dénommée Caitlyn et lorsque l’un des amis d’Enzo tente de faire tomber Sovahnn dans la piscine il s’immisce l’air de rien dans la combinaison. Rien qu’un coup d’épaule bien placé et les deux tombent droit dans l’eau. Mission accomplie, déjà il s’éloigne et rejoint l’Australien un sourire satisfait sur le coin des lèvres.

« Bien joué. »
« Merci. »

Les deux jeunes hommes échangent un rire avant de plonger dans une discussion sur leur pays et état natals respectifs.

J’ai arrêté de compter combien de personnes ont fini toute habillée dans la piscine et surtout combien de fois. Moi y compris. Plutôt cool quand le soleil Californien cogne si fort, juillet oblige ou plutôt été oblige. De l’autre côté de la planète, en Australie – chez moi, j’imprime pas encore totalement que c’est ici aussi maintenant – les températures hivernales rendent les efforts plus gérables. J’ai toujours aimé le soleil, trainer dehors, porter le moins de vêtements possible tu connais … Alors oui, j’le sais, j’vais être bien ici. Ça prendra peut-être un peu de temps pour trouver les marques dont j’ai besoin, pour me faire un nouveau rythme, des nouvelles connexions, un nouveau plan d’avenir, mais ça viendra. Si doute il y a pu avoir ils s’estompent rapidement quand je vois tous ceux présents ici aujourd’hui. Qu’ils viennent du Royaume-Unis, d’Australie ou des USA ils sont là et la distance, le décalage horaire, n’y change rien.

Petit à petit les choses prennent forme, la maison se meuble, les cartons disparaissent au profit d’objets posés çà et là, de fringues balancés dans une armoire. Et quand je range mes planches dans ce qui servait de garage aux anciens occupants c’est la plus grande délicatesse du monde.  Surfs, snow, skate, plusieurs formes, plusieurs tailles, j’en ai un sacré stock et ça n’ira pas en s’arrangeant je le sais. D’ailleurs toutes ne sont pas pour moi et quand je pose les tréteaux au sol j’ai déjà hâte de m’y remettre. J’ai pas tellement idée de ce que je vais faire de ma vie, au-delà des envies certaines choses ne sont pas forcément directement accessible mais ça …  À moins de perdre mes deux bras j’vois pas bien comment et pourquoi j’arrêterai.  Comme Benjamin avec ses meubles j’entre dans une sorte de quasi méditation dès que je me mets à travailler sur une planche, un truc qui te fait déconnecter et qui fait tellement de bien. C’est différent de la glisse, pas les mêmes sensations évidemment mais je ne pourrais me passer ni de l’un ni de l’autre. Un truc complémentaire qui me colle à la peau depuis toujours comme ce besoin d’être proche de l’océan quoi qu’il arrive.

Et dans ma tête déjà des tas d’envie, des tas d’idées, certaines un peu folles sans doute ou complètement loufoques. Après tout, pourquoi pas ? J’suis certainement pas le premier à envisager d’installer un skate park dans son jardin … Tout ce que je vois c’est que je me projette et ça c’est plutôt une bonne nouvelle. Un truc qui fait du bien.

Et parce que l’heure tourne, que les muscles fatiguent et la motivation s’étiole vient le moment où on se décide à dire stop. On a assez bossé comme ça, place à la détente et mon sourire s’élargit quand je rejoins la maison. Rien d’étonnant à trouver Sovahn et Riley en plein fight dans la piscine, respectivement sur les épaules de Takuma et Caem. Oui, Caem, pas Mateo, trop occupé à rouler sa clope sur le bord en compagnie de Aaron et Maxime. Moi j’en profite pour mettre la main au cul de mon mec en passant sous les regards de Tim et Holy avec qui il est en train de discuter. Benjamin est reparti, Eleanor aussi, même chose pour les parents de Liam. J’vois pas tout le monde, j’capte plus tout le monde, tout ce que je sais c’est que je ressors de la maison avec une glacière pleine de bières et fait léviter le reste jusqu’à la plage – juste avant de me faire sauter dessus par un poids plume. Ça n’est pas Sovahnn ni Macy qui me saute sur le dos comme j’aurai pu le penser mais Caitlyn, étirant immédiatement mon sourire alors que je passe mes deux mains sous ses cuisses pour la soutenir. Le reste continue son chemin grâce à la magie, je descends comme ça les marches en bois qui mènent à la plage.

« Alors t’en pense quoi de la Californie ? »

Moi je sais encore pas trop.

« Tu crois que j’vais m’y plaire ? »

Tu crois que j'vais m'y faire ?

Vivre quasiment toute l’année sous le soleil, près de l’océan, ça sonne pas tellement comme une punition c’est vrai mais c’est pas ce qui compte le plus à mes yeux.

Son étreinte se resserre autour de moi, le sourire s’élargit sur mes lèvres. La tendresse est là, évidente, aussi flagrante qu’une complicité que la majeur partie des personnes présentes ici ne doivent pas vraiment comprendre. Ils ne s’interrogent sans doute pas, pourquoi est ce qu’ils le feraient ? Peut être parce qu’on n’a jamais été très démonstratif de notre lien à Poudlard et que depuis qu’elle a été mordue tout ça est resté entre nous. Confidentiel.
Là tout de suite je m’en fiche un peu de tout ça, je partage juste un moment avec une des personnes dont je me sens le plus proche et c’est tout ce qui compte. Elle est là, je suis heureux qu’elle le soit.

« J'en pense que je suis sûre que oui. Et je suis trop contente pour vous. Vous le méritez. »

Il y a toujours un peu de pudeur qui se manifeste quand j’entends ce genre de choses. On a pris pas mal de claques dans la gueule lui et moi, c’est clair, alors ça … Je sais pas si on le mérite mais je comprends ce qu’elle veut dire, le message qu’elle transmet par ces mots là. On mérite d’être heureux, ensemble, après avoir traversé un paquet de tempêtes. Elle, elle m’a vu dans un état que je préfère oublier aujourd’hui mais ce que je n’oublie pas c’est sa présence ce jour là. J’avais besoin de ça et je sais qu’à ce moment là personne d’autre n’aurait pu me l’apporter. Un truc de Loups, c’est ce qu’on dira, elle et moi on a la chance d’être proches par deux fois. Amis et semblables.

« Merci, c’est gentil. »

Le grain du sable sous mes pieds, un poids plus en moins sur mes épaules.

« Et la maison est trop belle. »

J’ai ce réflexe de lever les yeux vers le haut du terrain, là où on devine à peine le toit de la maison mais je n’ai aucun mal à la dessiner parfaitement. Sur mes lèvres un sourire, j’en suis pas encore au stade où j’arrête de comparer avec ce que j’ai quitté et ce que ça représente mais elle a raison : La maison est belle. Un truc important à mes yeux, je crois, par chance on a tous les deux eu le coup de cœur.

« Laisse-toi le temps de débarquer, tu te souviens ? »

Mon regard se rive sur le sable, ma langue vient claquer contre mon palais mais mon sourire lui s’étire un peu plus. Amusé, mais touché. Je secoue la tête avant de trouver son regard et de pointer un doigt accusateur dans sa direction.

« Arrête de lire dans ma tête Twain, c’est intrusif. »

Un peu d’humour pour cacher la pudeur même si on n’en est plus tellement là elle et moi. Rien de plus qu’un réflexe avant de laisser mes bras retomber le long de mon corps et d’occuper mes mains à autre chose.

« J’vais essayer. »

Déplier des fauteuils en bois, attraper une bûche pour la mettre au centre, ce genre de trucs qui sert tout autant à faire avancer le truc que de détourner sa propre attention. Wax me manque.

« J’pense que la vue va m’aider. »

Je passe mes paumes sur mon short pour les débarrasser des éclis de bois et de poussière qui s’y sont déposés, fais quelques pas vers l’eau jusqu’à ce que le ressac vienne caresser mes pieds. Les recouvrir par instant. Mains croisées derrière la tête, le regard porté au loin, quelques îles à deviner et je m’imagine les exploser une à une quand Ohana sera là.

« Et Will, surtout. C’est toujours beaucoup plus simple quand il est dans l’équation. »

Des mots qui ne souffrent d’aucun barrage, rien que l’expression naturelle de l’équilibre qu’il m’apporte au quotidien. Bien sûr sans lui je n’aurai jamais pris la décision de venir vivre ici, c’est évident, pourquoi je l’aurai fait ? Mais c’est bien parce qu’il est là et qu’il comble tous les vides et tous les doutes que je peux ressentir, que sauter le pas a été possible. Pas d’hésitation, des contractions du cœur bien sûr mais pas la moindre hésitation. Jusqu’à ce que je me trouve mes propres repères en Californie, il sera la boussole dont j’ai besoin pour me rappeler que j’ai pris la bonne direction.

« C’était pas trop dur aujourd’hui pour toi ? »

Le regard légèrement tourné vers elle je sais qu’elle comprendra que je fais allusion à la présence des autres loups. Autour de nous personne pour entendre quoi que ce soit, j’en profite pour accorder de l’attention à certaines choses qui m’ont échappé durant la journée.

La question était toujours la même au final, est-ce qu'il avait vraiment sa place ici ? Non pas pour son sang, mais pour ce qu'il avait fait. Il n'en était pas certain. Pas certain de mériter cette amitié, ce « pardon », si on peut appeler ça comme ça de certaines personnes. Il avait longuement réfléchi à la réponse à donner à son cousin et à Enzo, oui ou non viendrait-il ? Oui ou non serait-il capable de passer la journée entouré de temps de monde – déjà Moldus ce n'était pas simple, alors sorciers ….-. Et s'il savait qu'il serait à l'aise – à sa façon- avec Enzo, Will, Taku et bien entendu Sovahnn, qu'en serait-il pour les autres ? Il ne voulait pas être le poids mort dans cette fête, celui qui risque de briser l'ambiance si une crise d'angoisse, de panique, de nerf se déclenchait et ça, il ne pouvait pas le prévoir. Même s'il avait fait pas mal de progrès là-dessus on était toujours assez loin du compte surtout face à des inconnus, ou à certains propos.

Néanmoins, pour ce que Will représentait pour lui, il ne se voyait pas ne pas y aller. C'était peut être important pour son cousin, et c'était aussi l'occasion de passer du temps avec lui et d'autres personnes qu'il appréciait -les sus-cités-. Alors il y était allé, en prenant bien soin de garder ses anxiolytiques à portée de mains dans toutes circonstances, ça pourrait toujours servir... même s'il espérait pouvoir gérer la journée sans aucun souci ; ce qui serait également un grand pas pour lui, il faut bien l'avouer. Il essayait de prendre la chose comme un petit test en quelque sorte, voir à quel point est-ce qu'il avait bien pu progresser et tout en espérant qu'il ne serait pas trop déçu du résultat – ce qui revenait à dire de lui-même-.

Chaleur, bonne humeur tout était réuni tout passer une excellente journée, les gens allaient venaient, s'amuser parler entre eux. Il avait réussi à décocher quelques mots ci et là, même à des gens qu'il ne connaissait pas spécialement. C'était loin d'être simple pour ces derniers mais c'était visiblement moins catastrophique qu'il n'aurait pu le croire au premier abord. Néanmoins, il faisait des efforts, assez énormes pour garder son calme, pour essayer d'occulter le bruit ambiant qui lui prenait la tête comme un étau avec cette désagréable impression d'entendre des bribes de conversations, qui se mélangeaient dans sa tête et qui donnaient un melting-pot étrange et douloureux. Pas la première fois que ça lui faisait ça, c'était le bruit en général, en cours quand il y avait des bavardages ou même dans des soirées, il avait cette même impression qui était assez oppressante.
Garder son calme. Ce n'était que des discussions.
Ne pas se foutre ses foutus mains sur ses oreilles pour essayer d'atténuer tout. Ce n'était pas quelque chose qui se faisait en société et pourtant, il en mourrait d'envie.
Il essaya de se concentrer un peu plus dans la discussion qu'il avait avec une certaine Holly en espérant que ce focus aiderait les choses à passer un peu, à se calmer. Ce qui ne marcha pas aussi bien qui l'aurait voulu, mais quand même un peu mieux qu'il l'aurait espéré.

Enfin, ils prirent congés l'un de l'autre et il en profita pour aller se poser un peu plus loin, prenant une bière au passage, préférant éviter trop d'alcool fort avec son traitement, avec si ici une bonne murge lui aurait fait du bien et l'aurait bien tenté... Il se positionna de façon à être un peu moins du plus gros du bruit, mais assez prêt pour voir les gens qui échangeaient, pour qu'il puisse revenir si on l'appelait sans qu'on le cherche. Son regard s'attarda longuement sur son amie d'enfance qui était comme un poisson dans l'eau dans cet univers, qui semblait si heureuse et si radieuse. Elle s'amusait, elle riait et rien que voir ça, il ne regrettait pas d'être venu. Changer d'air devait leur faire du bien à tous les deux.

Spoiler:

Ses deux bras autour de ma taille, mon bras droit autour de ses épaules, on est bien comme ça tous les deux. Un truc qui nous semble normal, naturel, qui ne soulève aucune question. Je crois qu’on s’enferme gentiment dans notre petite bulle et les autres, le reste, ça devient secondaire l’espace d’un instant.

« Non ça va. »

Vrai ? Pas vrai ? Je comprends qu’elle n’a pas envie de s’étendre sur le sujet et je me dis que le sentirai si c’était vraiment une problématique. Je l’aurai capté bien plus tôt, surtout, y compris chez Ben ou chez Maxime même si cette dernière s’est rapidement mise en retrait. Rien qui me choque, ça reste une façon d’être chez elle de toute façon et avec l’afflux de personnes aujourd’hui je comprends complètement.

« J'ai rencontré Ben hier. »

J’arque les sourcils, m’écarte juste un peu pour pouvoir deviner son visage. Ça sort comme ça, un peu de nulle part, au-delà de la surprise c’est surtout un sourire qui vient étirer mes lèvres. Hasard ? Volonté ? Je ne suis même pas certain que je poserai la question. Je sais que ce qui est évident pour moi ne l’est pas forcément pour elle, rencontre d’autres loups en fait partie et même si j’ai eu du mal à comprendre j’ai fait au mieux pour accepter. Pas toujours simple d’être entre eux tous parfois, à faire le messager, mais personne ne m’a forcé à quoi que ce soit.

Je la sens se détacher de moi et la laisse faire, comme l’impression qu’elle a envie de me dire autre chose. Ou plus. Quelques pas dans le sable mouillé où ses empreintes disparaissent à chaque aller et retour de l’eau salée sur le sable. Mains dans les poches de nouveau je suis le mouvement, attentif, attentiste.

« On a dit qu'on passait la nuit ensemble mardi. Je crois que j'ai hâte. »

Le sourire qui vient étirer ses lèvres je l’entends plus que je ne le vois et sur mon visage un écho. Elle doit entendre la course de mon cœur accélérer un peu, deviner la chaleur qui s’empare de mes veines à mesure que les émotions que gagnent. Rien de violent, rien de trop intense, juste le bonheur de les imaginer tous les deux courir enfin côte à côte. Ça aurait pu ne jamais arriver et je l’aurai accepté mais quoi de plus normal que d’être heureux à l’idée qu’enfin le puzzle s’assemble ? Ils comptent pour moi, tous, et ce chacun à leur façon. Ce que je partage avec Caitlyn est unique, ne ressemble pas à la relation que j’ai avec Jody ou même Ever. Solas, Ben et Tristan même chose. Zari c’est encore un peu différent, le lien n’est pas si fort pour raison que je n’explique pas mais ça n’a pas tellement d’importance. Lorsqu’il s’agit de fonctionner ensemble tout s’imbrique de façon fluide et naturelle. A eux tous ils forment un ensemble dont je ne veux plus jamais avoir à me passer.

« Ok. »

Oui, c’est tout. Parce que je sais qu’elle n’est pas du genre à s’étaler et je respecte sa pudeur, me disant qu’elle développera si elle en a envie ou besoin. La curiosité est belle et bien là, l’excitation palpable, je ne me demande même pas s’ils envisagent de faire ça seuls ou avec tout le reste de … la meute. Un mot qui résonne et rayonne en moi comme une radiation, quelque chose qui fait vibrer mes veines d’une douce chaleur.
L’instant se brise dans un éclat de voix alors que j’aperçois quelques silhouettes nous rejoindre une à une par le petit escalier de bois. Ça rit, ça se chamaille, ça s’aime et moi je suis heureux. Simplement heureux. Un truc que Liam capte immédiatement quand son regard croise le mien, pas besoin de mot pour ça. On se sourit en silence, je me demande s’il devine la nature de cette relation entre Lyn et moi tout en sachant qu’il n’en dira jamais rien. A qui que ce soit.

Et c’est vers elle que je me retourne alors qu’ils s’installent tous sur le sable sec.

« J’espère que t’as faim, j’crois qu’on a prévu beaucoup trop de truc. »

Et ça sans compter tout ce que Eleanor a apporté elle aussi, en partie dévoré dans l’après-midi. La nourriture, pas ma cousine évidemment.
Soudain j’ai la connerie qui m’embarque et le sourire sadique sur les lèvres je porte mon attention sur Mateo et Caem tout près du bord. Trop près du bord … Baguette coincée dans la paume je murmure un sortilège d’hydromancie, l’instant d’après une vague prend forme et vient les submerger tous les deux.

Un éclat de rire franc et sonore vient secouer tous mon corps, je croise le regard de Tim qui se retrouve partiellement mouillé et ri de plus belle. Jusqu’à croiser le regard de Mateo, trempé, son index braqué dans ma direction.

« J’te conseille de prendre de l’avance. »

Sourire sournois sur les lèvres, mon regard planté dans le sien, le message est clair : Tu penses vraiment pouvoir me rattraper ?

▬ FINI POUR MOI ▬

HRP: