[Los Angeles] West Coast ▬ Warren

Samedi 9 Juillet 2016
Californie

Los Angeles, vers 9h
Température extérieure : 24°

« Dur ? »
« Ouais. »

Le rire est plus las qu’autre chose, l’épaule appuyée contre le mur j’ai les deux bras croisés sur le torse. Signe de fermeture il parait, c’est pas tellement la question là tout de suite alors que je discute avec Mateo. De bonne heure, de bonne humeur ou presque, je suis passé le voir au salon de tatouage qu’il a ouvert avec Maxime récemment. Sans doute un truc qui deviendra notre quotidien quand je serai installé ici et c’est d’ailleurs de ça dont on parle. Je suppose que ça doit se voir sur ma gueule que je commence sérieusement à saturer. Je le sens-là au fond de moi, ce besoin de stabilité qui commence à se faire sentir plus fort chaque jour un peu plus.

« J’avoue que j’commence à en avoir plein le cul d’être entre deux fuseaux horaires et de trimbaler mon bordel et mon chien dès que j’me déplace. »

Chien qui est resté avec Will ce matin.

On a beau dire, et on ne se rend pas forcément compte, mais ça reste une charge mentale. Un truc qui à la longue fatigue vraiment parce qu’il faut penser à tout, ne rien oublier, vérifier les horaires de Portoloin, le décalage horaire, etc … Et même si j’adore ses parents, j’ai surtout le sentiment d’envahir leur maison. Pas parce qu’ils me le font ressentir, non, jamais, mais parce que moi ça me dérange de squatter chez eux comme ça aussi souvent. J’dis pas que Liam ne vient jamais à la maison, c’est pas le cas, mais d’un point de vue pratique on est plus souvent ici que chez moi ces derniers temps.

« J’ai la moitié de mon placard dans le sien, sa mère qui du coup lave mes caleçons, ça rime à rien et c’est gênant. »

Le rire se fait plus franc cette fois, autant chez lui que chez moi, je suppose qu’il vaut mieux ça que réellement s’énerver. Pourtant le soupir qui suit n’est pas feint, la lassitude me gagne au fil des jours.

« On a tenu un an comme ça sans trop se poser de question, c’est juste que maintenant qu’on a ça en tête j’commence à vraiment saturer. Et puis j’peux pas vraiment démarrer quoi que ce soit en terme de démarches tant que j’sais pas où on va se fixer. »

Trouver un taf, gérer mes papiers d’identité et tout ce qui va avec, trouver un port d’ancrage pour mon bateau parce que je ne compte pas le laisser à Lakes donc trouver aussi une boite qui se chargera de le convoyer jusqu’ici – pas que j’ai pas envie de le faire moi-même bien au contraire mais ça prendrait quelques semaines.
Certains jours j’ai l’impression que ma tête va exploser parce que même si je prospecte, que j’essaie de me projeter, y a toujours un stop qui arrive tôt ou tard. Et j’suis fatigué de ça, de pas pouvoir me poser, m’imprégner à 100% de ce nouveau quotidien qui sera le mien, d’être tranquille sans avoir à penser à 1 000 choses à la fois. Dans le fond tout ça ce ne sont pas de vrais problèmes, c’est pas comme si j’avais un ultimatum, le moindre stress de me retrouver à la rue, c’est juste l’impatience, la fatigue et parfois la contrariété.

« Mais ça va venir. Ma cousine est sur le coup, j’la connais avec elle en dix jours ça sera torché. »
« J’vous l’souhaite. »

Le merci s’exprime par un sourire, par reflexe je décroise mes bras et roule des épaules pour détendre mes muscles et mes nerfs. On a pas idée de se tendre si tôt le matin et non je ne ferai pas de vannes basées sous la ceinture.

« Hum, tiens ! Le numéro du gars dont j’t’ai parlé. »
« Pour les planches ? »
« Yep. »
« Merci Hermano. »

Ça peut sans doute paraitre con mais rien que ça, ça fait du bien. Le gars dont Mateo me parle est un surfer du coin qui cherche quelqu’un pour lui faire une nouvelle planche sur mesure, le deal c’est de lui envoyer quelques photos de celles que j’ai fait pour voir si ça peut le brancher de m’en commander une. Est-ce que Macy envisage déjà de me faire mon business plan ? Oui. A commencer par un compte Instagram et je ne sais plus trop quoi.

« C’est demain que Keza part ? »

Changement radical de sujet alors que je glisse le papier sur lequel est inscrit le numéro dans la poche de mon bermuda.

Los Angeles, vers 10h30 heure locale (18h30 à Londres)

On ne va pas se mentir, j’ai pas mal réfléchis et tergiversé avant de proposer à Warren de me rejoindre ici. Pas parce que je ne lui fais pas confiance mais parce que je n’ai aucune confiance en son entourage. Sa femme, globalement sa famille, toutes ces pourritures avec qui il traine désormais tout simplement. Pas du genre à mettre tout le monde dans le même panier je me dis que dans le lot y a sûrement des fruits pas si moisis que ça – après tout c’est le monde dans lequel évolue Eleanor – mais mon instinct de survie est un truc que j’écoute toujours pour des raisons évidentes. C’est ici que je vais faire ma vie et désormais et la dernière chose dont j’ai envie c’est de voir débarquer ces connards pour tout foutre en l’air. Si je me suis décidé c’est parce que finalement, Los Angeles est une ville immense.
Lunettes de soleil sur les yeux, bermuda beige et chemise blanche à manches courtes, converses noire basses, je me fonds dans le décor – pas trop dépaysé, il faut bien le dire. Si Liam avait vécu en plein cœur de l’Angleterre ou même globalement loin des côtes je sais que ça aurait été proche du sacrifice pour moi de le rejoindre mais ici je retrouve mes essentiels. L’Océan, les vagues et le soleil. L’immensité des étendus sauvages dès qu’on s’éloigne un peu de la ville, aussi.
Assis sur les marches de l’aquarium j’en profite pour répondre au message du type qui cherche une planche de surf en lui envoyant les quelques photos que j’ai dans ma galerie histoire qu’il se fasse une première idée.

Jusqu’à ce que je vois débarquer cette grande carcasse familière que j’ai pas vu depuis ce qui me semble être une éternité. C’est à peine si je relève le regard mais dès qu’il est suffisamment proche …

« Tu sais comment on reconnait un roastbeef à Los Angeles ? Il est tellement blanc qu’il fait réverbération. »

… je l’accueille avec mon plus beau sourire.

Il avait été étonné lorsqu'il avait reçu le message d'Enzo et avait hésité sur l'attitude à avoir. S'il s'était simplement écouté, il n'y aurait pas eu matière de réflexion, il serait allé voir son amie, mais vu la situation actuelle, cela demandait selon quelques tergiversations supplémentaires. Il avait très envie de le voir, mais... mais est-ce que ça n'était pas dangereux pour Enzo et en moindre mesure pour lui aussi ? Il n'en savait rien, après tout Ryans était un sang-pur... mais son statut de loup-garou en ce moment pouvait être problématique aux yeux de certains et il n'avait pas envie de l'attirer dans un guets-appens qu'aurait organisé sa famille. Hésitations, assez longues, avant de finalement donner sa réponse : Oui. Déjà, ils ne seraient pas en Angleterre, cela simplifierait pas mal les choses et il faudrait juste qu'il ne donne aucune information sur ça. Faire comme s'il sortait simplement se divertir. Transplaner assez de fois pour qu'on ne le repère pas, ne pas prendre de porteloin au niveau de Londres mais bien plus loin pour diminuer un maximum les risques d'être repérés ou même juste celui qu'on lui pose des questions indélicates. Il le savait, s'il se faisait interroger, les Autres auraient les informations souhaitées d'une manière ou d'une autre.

Pour expliquer à sa femme qu'il risquait de s'absenter pendant plusieurs heures, il prétendit qu'il allait regarder quelques maisons à louer au chaud pour les vacances – ce qui était vrai, il comptait partir plus tôt exprès- histoire qu'ils soient bien installés, bien tranquilles et qu'ils puissent en profiter presque en tête à tête – et avec Nicholas-. Une vraie coupure, sans boulot, sans mission – sauf urgences bien entendu-. Comme c'était son genre de faire de telles choses ; et qu'elle voyait aussi pour lui un moyen de se détendre, elle avait semblé le croire sans poser trop de questions, lui demandant juste de ramener quelques photos s'il n'avait pas un coup de cœur qu'ils puissent définir ce qui serait le mieux. Et c'est ainsi, qu'après sa journée de boulot, il avait transplané plusieurs fois pour prendre un porteloin qui l'emmenait en Californie, mais du côté opposé de Los Angeles, et de là-bas, il retransplana encore deux ou trois fois, faisant un premier arrêt pour visiter deux ou deux trois maisons qui avaient vu sur la mer... avant de se diriger en transplanant de nouveau vers le lieu de rendez-vous convenu avec Enzo. Bien sûr que ça ne serait pas ici qu'il prendrait ses vacances avec Mily... mais au moins il aurait quelques arguments à la clef.

Ici, il avait l'impression de cuire, que le climat était totalement différent qu'en Angleterre et s'il avait l'habitude du froid, notamment lorsqu'il voyageait en Norvège. Il sortit les lunettes de soleil rangea la légère veste qu'il portait pour ne rester qu'en tee-shirt léger... et il ne tarda pas à arriver jusqu'à l'aquarium et repère Enzo en moins de deux ! Facile en même temps vu son grand gabarit ! Il se dirigea vers lui, les mains dans les poches en se disant qu'il avait mis un pantalon un brin top chaud. Ryans semblait plongé dans son téléphone si bien qu'un instant il avait pensé à le surprendre avant de se rappeler qu'avec sa lycantropie il se ferait forcément avoir.... la preuve d'ailleurs, c'est que l'autre garçon avant bientôt pris la parole en lui servant son plus beau sourire. Merdeux va !

« Tu sais comment on reconnait un roastbeef à Los Angeles ? Il est tellement blanc qu’il fait réverbération. »
 « Je suppose que je dois te remercier de ne pas avoir citer par exemple les odeurs corporelles plus fortes par ce qu'on a pas l'habitude de cette température ?»/

Est-ce qu'il lui servait le même sourire ? Tout à fait ! Il s'approcha jusqu'au moment où il fut assez proche pour le serrer quelques instants dans les bras en guise de salutation.

 «Bon alors, vieille branche, qu'est-ce que tu racontes de neuf ? La prochaine fois, explique moi à quel point il fait chaud dans le lieu où on se donnera rendez-vous.»

Est-ce qu'il allait bien ? Est-ce que tout se passait bien pour lui ? Est-ce qu'il n'était pas trop emmerdé et est-ce qu'il pouvait enfin mener une vie paisible comme il le méritait ? La question, il l'espérait du moins, ne devrait pas trop se retourner par ce qu'ils savaient bien tous les deux que ça pouvait être un sujet tendu, que Tveit était dans la merde et qu'il n'avait pas de réels moyens de s'en sortir.

 « T'as bonne mine... bon toujours ta tronche de petit con. Mais un petit con avec une bonne mine, c'est déjà pas mal non ?» se moqua-t-il/plaisanta-t-il gentiment, ce qui signifiait dans son langage c'est qu'il trouvait qu'il avait l'air heureux, en bonne santé et qu'il était content de le voir.

« Je suppose que je dois te remercier de ne pas avoir citer par exemple les odeurs corporelles plus fortes par ce qu'on a pas l'habitude de cette température ? »

L’Australien – futur Californien d’adoption – lève les yeux au ciel mais ne se départi pas de son sourire. Sourire qui se fige dans la joie de revoir son ami alors qu’il échange une étreinte rapide mais solide. Combien de temps depuis la dernière fois ? Il ne saurait vraiment le dire, quelques mois en tout cas. Oui, quelques mois, il se souvient de cette photo que Jordane lui avait envoyé et sur laquelle Tveit était tombée. Et avait prodigieusement bugué, surtout. La chronologie de sa vie remet les choses dans le bon ordre, il se rappelle alors qu’ils se sont vu alors que William et lui était séparés.

« Bon alors, vieille branche, qu'est-ce que tu racontes de neuf ? La prochaine fois, explique moi à quel point il fait chaud dans le lieu où on se donnera rendez-vous. »
« La prochaine fois tu réviseras ta géographie gros malin. »

Est ce que le plus jeune vient d’ébouriffer les cheveux du plus âgé dans le plus grand des calmes ? Absolument. Un geste à la fois pour le faire chier et lui transmettre l’affection qu’il éprouve pour lui malgré les chemins différents qu’ils ont pris. Si l’un a plongé dans l’antre de son héritage l’autre s’en est éloigné plus encore, pourtant à la base ils étaient nés pour avoir le même destin. Revoir Elizabeth le lui a rappelé de manière houleuse et c’est peu de le dire.

« T'as bonne mine... bon toujours ta tronche de petit con. Mais un petit con avec une bonne mine, c'est déjà pas mal non ? »
« C’est même l’essentiel. »

Parce qu’il espère bien ne jamais cesser de l’être ce p’tit con que Warren évoque. Il le sent parfois lui échapper, comme si une partie de lui même lui glissait entre les doigts à mesure que les responsabilités et simplement la vie s’imposent avec lourdeur. Mais il est là, toujours planqué quelque part, attendant simplement son tour d’éveil. Toujours présent pour faire chier les gens qu’il aime et ce grand couillon de Tveit en fait indubitablement partie.
Fini l’étreinte, fini la main dans les cheveux, cette fois c’est une bonne claque qu’il lui envoie dans l’épaule alors que son sourire s’élargit.

« Arrête un peu de faire ta précieuse. La dernière fois c’était trop froid, maintenant c’est trop chaud, t’sais quoi la prochaine fois c’est toi qui choisi l’endroit. Et t’as intérêt à me faire rêver. »

Les garçons c’est bête, ça aime bomber le torse faire des démonstrations de force quand ça traîne entre mecs. Rien de sérieux dans tout ça évidemment et l’Anglais connaît suffisamment son ami pour le savoir. C'est rien qu'une façon de plus de se démontrer comme on tient à l'autre.

« T'as combien de temps devant toi ? »

Ça se calme un peu sans en faire des caisses pour autant mais cette question n'a rien d'anodine. Il sait les difficultés que Tveit rencontre à aller et venir comme il le souhaite et surtout avec qui il le souhaite. Même lui, malgré son Sang-Pur, ne lui ferait pas bonne presse alors il se demande ce qu'il a encore dû raconter à sa femme ou les autres pour pouvoir être là. Un clou qu'il n'enfoncera pas, du sel qu'il ne versera pas sur la plaie, il veut simplement border ce qu'il leur ait possible de faire et surtout en combien de temps. Triste mais une réalité qu'on ne peut ignorer.

Est-ce que tout se passerait dans la joie et dans la bonne humeur ? Il n'en savait encore trop rien. Il espérait que oui, avoir un petit moment de répit, de réelle détente ne pourrait que lui faire du bien, d'autant plus qu'il était vraiment heureux de revoir Enzo et de le voir visiblement assez en forme. Et lui faisait ce qu'il faisait habituellement : des blagues pas franchement très fines pour détendre l'atmosphère, pour faire sourire pour ne pas dire rire.

« La prochaine fois tu réviseras ta géographie gros malin »

Warren n'avait même pas eu le temps de répliquer quoi que ce soit, que l'autre lui avait déjà ébouriffé les cheveux, lui faisant un petit son indigné. Et voilà qu'il essayait à présent de recoiffer sa crinière avec les mains. Pour toute réponse, il se contenta de lui tirer la langue en bon grand enfant qu'il était.

 « La géographie, ça va... par contre j'te demanderai pour la météo.» avait-il finalement dit toujours un petit sourire de con sur le visage. Bientôt, il, avait d'ailleurs ajouté quelques compliments sur le fait qu'il avait bonne mine – le tout enrobé d'une petite vacherie entre amis-. Si des fois, effectivement « petit con », pouvait être une vrai insulte, ici, c'était plus quelque chose de relativement très affectueux. D'ailleurs, vu leur différence de taille, il aurait probablement dû dire « grand con ». C'est important ce genre de détails, parfois.

« C’est même l’essentiel. »

C'était vrai qu'avoir la santé (aussi bien physique que psychologique), c'était probablement l'essentiel. Et il était heureux de voir que certains d'entre eux s'en sortaient quand même pas trop mal en ce moment, ça lui faisait chaud au cœur, de voir qu'Enzo semblait dans son élément ici, qu'il arrivait à s'épanouir malgré tout. Et soudain, il se prit une bonne claque dans l'épaule qu'il se reçut... et réaction assez fausse, il sortit un aoutch qui n'était absolument pas douloureux, mais plus drôle.

« Arrête un peu de faire ta précieuse. La dernière fois c’était trop froid, maintenant c’est trop chaud, t’sais quoi la prochaine fois c’est toi qui choisi l’endroit. Et t’as intérêt à me faire rêver. »
 « Te faire rêver. Fais gaffe, je risquerai de prendre ça pour des avances.» ricana-t-il.  « Mais ça roule. Par contre tu sais que j'nous trouverai un lieu bien horrible et dégueu, juste par ce que j'ai l'esprit de contraction ? T'en as toujours conscience hum ? Chouette défi à relever ceci dit !»

Et le pire, c'est que quelque part, il était quand même un peu sérieux. Oui, il était capable de le faire, essayer de trouver un lieu assez horrible juste pour se payer une bonne tranche de rire, d'avoir l'impression de décrocher du quotidien... mais pour l'instant, il fallait se focaliser sur l'instant présent, ça semblait nécessaire et d'ailleurs bientôt Enzo avait repris la parole

« T'as combien de temps devant toi ? »
 « J'ai dit à Mily, que je venais visiter des maisons à louer pour nos vacances... photos en preuves ! Maintenant j'ai juste à dire que ça ne me plaisait pas, et que j'ai cherché plus longtemps que prévu et que j'ai profité du paysage... Donc j'ai encore un peu de temps devant moi, sans avoir non plus tout la nuit pour ne pas éveiller de quelconques soupçons.»

Il le regarda. Il savait pertinemment pourquoi est-ce qu'il lui avait posé cette question qui était des plus normale. Et c'est bien pour cela qu'il lui avait donné toutes ces précisions. Il soupira quelques instants avant de reprendre plus doucement.

 « Quelle est ta question, Enzo ?»

Est-ce que ça sentait la demande particulière, ou un sujet qui pourrait virer au débat ? Possible. A moins que son ami avait juste envie de savoir les activités qu'il pourrait lui proposer, mais le ton avait été, malgré tout un peu moins léger que les dires précédents si bien qu'il se doutait bien qu'il se tramait quelque chose. Et cette question, il l'avait posé sur le ton le plus doux qu'il avait, prêt à l'aider s'il le pouvait, si c'était nécessaire. Quelque part, il y avait aussi une fond d'anxiété et il espérait qu'il n'avait pas de souci à cause de sa lycanthropie... surtout avec les temps qui couraient. Ceci dit, c'était à Londres que semblaient se regrouper les plus gros soucis... et c'était ça qui était inquiétant aux yeux de Tveit. C'était dans la ville qu'il se tramait quelque chose. Encore un coup de dissident comme avec le basilic ? Ou totalement autre chose ? Les pistes pouvaient être nombreuses, vagues.

« Te faire rêver. Fais gaffe, je risquerai de prendre ça pour des avances. »

Ça aurait pu. Pas au sens propre du terme mais dans la démarche, comme une sorte de running gag. Une attirance pour Warren ? Ça n’a jamais été le cas et ne le sera probablement jamais. Parce que c’est un ami et parce qu’il est un mec, que les exceptions semblent toujours aussi rares. Donc précieuses.

Désolé mon pote, t’es pas sur la liste mais je t’aime quand même tu l’sais.

« Mais ça roule. Par contre tu sais que j'nous trouverai un lieu bien horrible et dégueu, juste par ce que j'ai l'esprit de contraction ? T'en as toujours conscience hum ? Chouette défi à relever ceci dit ! »

Contractionne ce que tu veux, y compris les mots, j’te suivrai pas dans ton délire si tu fais ça. Hey, Dude, j’quitte pas l’Australie pour la Californie dans le but d’aller me perdre dans un endroit qui pue la mort ok ?

« T'as combien de temps devant toi ? »
« J'ai dit à Mily, que je venais visiter des maisons à louer pour nos vacances... photos en preuves ! Maintenant j'ai juste à dire que ça ne me plaisait pas, et que j'ai cherché plus longtemps que prévu et que j'ai profité du paysage... Donc j'ai encore un peu de temps devant moi, sans avoir non plus tout la nuit pour ne pas éveiller de quelconques soupçons. »

Comment il fait ? C’est la première question qui me vient à l’esprit alors que le flux d’infos me noie comme si ça me concernait directement. Je sais ce que c’est de devoir penser à tout, tout le temps, mais à ce degré là c’est simplement pas gérable. Il est où le fun ? Elle est où la spontanéité ? Le lâcher-prise ? Difficile de pas faire un parallèle avec ma propre relation de couple et quand je vois à quel point c’est simple de mon côté j’ai du mal à accepter qu’on puisse en arriver à des choses comme ça. Comment est ce qu’on peut simplement vivre comme ça ? Combien de temps est ce qu’il tiendra ? Ma propre charge mentale me bouffe chaque jour un peu plus alors ça ? Putain, non. Personne ne devrait avoir à réfléchir autant à ses moindres faits et gestes. J’ai beau savoir d’où il vient, pourquoi il en est arrivé là, j’admets avoir du mal à comprendre qu’on puisse accepter tout ça. Est-ce qu’il n’y a vraiment pas d’autres choix ? Ne pas juger n’est pas si facile que ça et bien sûr que je m’en veux mais je crois que quelque part je lui en veux aussi. De s’être laissé prendre au piège.

« Quelle est ta question, Enzo ? »

Qu’est ce qu’il pouvait imaginer se planquer derrière si peu de mots ? Est-ce que sa vie est devenue si source de méfiance qu’il en vient à imaginer le pire à chaque fois ? Qu’est ce qu’il pense que j’attends de lui ?

« T’as combien de temps devant toi. »

C’est tout.

« C’est pas une question piège, juste … une question. »

Mains dans les poches, stature tranquille, un sourire qui flotte sur le visage pendant qu’autour de nous la vie suit son cour. Personne ici ne soupçonne la prison dans laquelle il évolue, ici il n’est qu’un humain parmi d’autres que personne ne surveille. Je l’espère en tout cas, pour lui comme pour moi.

« C’est pas important, tu partiras quand tu voudras. Viens. »

Un bras autour de ses épaules je l’entraine avec moi, sans but fixe, juste là sur les bords de Long Beach où les touristes s’extasient de ce qui devient mon quotidien petit à petit.

« T’as jamais envisagé de vivre ailleurs qu’à Londres ? »

Et là encore en rien une question piège. Pourquoi pas, après tout ? Embarquer femme et enfant pour vivre ailleurs sans forcément se défaire de l’emprise du reste de la famille. Il ne serait pas le premier, c’est pas le boulot qui manque dans d’autres ministères et puis les moyens de communications et de transports sont nombreux dans le monde magique … J’en sais rien, tout semble sans doute beaucoup trop simple à mes yeux. Ou pas suffisamment aux siens. Probablement les deux.

Il devient trop évident ce fossé, pour être ignoré. N'est ce pas ?

Essayer prendre chaque bon moment comme il vient, voilà l'essentiel, même si la paranoïa de faire un faux pas est toujours là. Aussi bien par ce qu'il craignait toujours d'être suivi malgré toutes les précautions prises, mais aussi – et surtout- par ce qu'il avait peur de perdre encore un de ses amis. Même s'ils ne se voyaient pas souvent, le fait de pouvoir se faire de temps en temps des petits moments sympas, c'était quelque chose d'important pour lui et il n'était pas certain de pouvoir en perdre un autre. Ou plutôt de faire en sorte qu'ils ne se contactent plus. Il assumait chacun de ses choix, même s'ils les regrettaient, même s'il était las ou malheureux, il avait toujours tout fait pour mettre ses amis hors de danger. Alors, cette discussion, pour lui c'était juste du bonheur, une pause dans tout ce qu'il vivait. Il ne se rendait pas compte que ce qu'il racontait sur Mily pouvait être perçu de  façon si néfaste, c'était juste du quotidien pour lui, quelque chose qui était devenu chose commune, banale.

Et pour finir, il lui avait demandé quelle était sa question, dans son esprit s'il lui demandait combien de temps il pouvait rester ce n'était pas que pour la discussion, c'est que son ami avait quelque chose en tête... mais laquelle ? Il n'en savait rien, et ça l'inquiétait un peu.

« T’as combien de temps devant toi. » Ah. Ben il s'était bigrement trompé, il lui servit, pour seule réponse, une moue un peu désolée.
« C’est pas une question piège, juste … une question. »
 « J'avais surtout peur que tu ais un problème... Si c'est une simple question tout va bien, alors ! »

Tu vois comme tu es beaucoup trop paranoïaque, Warren ? Voilà, ce que ça donne. Et c'est peut-être comme ça qu'ils vont tous se laisser et te lâcher. Pensée stupide, mais peur réelle qui lui vrillait encore une fois les tripes. Il inspira, avant de faire un nouveau sourire, plus amusé, cette fois à Ryans, son ami lui semblait juste bien et tranquille.

« C’est pas important, tu partiras quand tu voudras. Viens. »

Un bras autour de ses épaules, Enzo l'entraina un peu plus loin. Pas très pratique pour le grand dadet cette position probablement, mais Tveit s'en amusa. Mais bientôt son attention se reporta sur le paysage magnifique qui se tenait devant ses yeux. Quelque chose qui rappelait les vacances, et qui appelait au calme ?

« T’as jamais envisagé de vivre ailleurs qu’à Londres ? »

Cette question, il ne s'y était pas attendu. Il le regarda en fronçant un peu les sourcils, mais plus par ce qu'il était perplexe et étonné qu'autre chose. Non, il n'était pas faché ou même vexé, c'était d'ailleurs une question qui semblait assez judicieuse au final. Il soupira avant de se passer une main dans les cheveux.

 « Pour quoi faire, Enzo ?» demanda-t-il d'un ton plus qu'autre chose.  « Je ne suis pas certain que ça changerait quelque chose... Je serai toujours fliqué et surveillé, mais mes amis ne seraient peut-être pas aussi proches.»

Ici ou ailleurs, il serait de toute manière toujours lié aux Supérieurs, et il ne pouvait pas lui dire comme ça, qu'il travaillait sur certains points pour mieux se faire accepter et puis leur foutre à l'envers un jour ou l'autre.  Tout comme il ne se voyait pas dire qu'il ne voulait pas s'éloigner d'Alec, qu'il ne pouvait pas le laisser seul, dans cette merde. Qu'il voulait être à portée de transplanage pour son meilleur ami si c'était nécessaire.

 «Non, à vrai dire, ça serait même pire.. Près d'eux, ils s'imaginent pouvoir mieux me maîtriser... Si j'étais loin la vigilance redoublerait... et les ennuis pourraient aller exponentiellement. »

Par ce que qu'est-ce qui se passerait s'il avait l'impression d'être plus libre ? Il commettrait des erreurs. Il luttait déjà tous les jours pour ne pas contacter certaines personnes de son ancienne vie que ce soit les jumeaux Lorence ou Kezabel ou encore Caitlyn – même s'il l'avait aperçue par hasard plusieurs fois-, alors... oui, s'il s'éloignait de tout ça, il finirait par craquer. Et c'est ce qu'ils attendaient tous, une erreur de sa part.
Il fit un petit sourire triste à Enzo qu'il tenta de rapidement remettre sur quelque chose de plus « gai » de plus fun.

 « Mais c'est... une... une gentille attention que tu as là. Malheureusement, pour l'instant, dans mon cas ce n'est pas quelque chose qui est viable. Tu sais mon côté un peu con, obsessionnel et paranoïaque, chiant en compagnie, j'le tiens en grande partie de ma famille.» tenta-t-il de plaisanter.  « Peut-être quand les choses se seront tassées, ça sera quelque chose qui sera envisageable, mais pour l'instant, ils sont un peu trop sur mon cul.» Silence, sourire débile  « Sans mauvais jeu de mot, bien entendu !»

Voilà, tourner tout ça en dérision, à la rigolade, comme si ce n'était pas bien grave. Comme si ça allait. Oui, tout prendre à la légère c'est ce qu'il y avait mieux pour ne pas sombrer totalement.

« J'avais surtout peur que tu ais un problème... Si c'est une simple question tout va bien, alors ! »

Je pourrais t’en faire la liste c’est vrai mais à quoi bon ? Je pourrais aussi te demander où ça en est du côté de ton taf pour ce qui concerne les gens comme moi et je le ferai peut être, c’est vrai, mais là tout de suite j’essaie juste de … d’avoir un échange normal avec toi. Un truc qui nous fera pas foncer tête baissée directement dans tout ce qu’il y a de plus obscur dans ta vie comme la mienne. On peut faire ça, tu crois ? Là, sous le soleil de Californie où rien ne te rappelle qui tu es, où tu vis, ce que tu vis. T’es loin, t’es seul, ça changera rien c’est vrai mais c’est là. Ça te tend les bras.

« C’est pas important, tu partiras quand tu voudras. Viens. T’as jamais envisagé de vivre ailleurs qu’à Londres ? »

Encore une question piège ? Comment on fait alors si le moindre truc que je te demande tombe en plein dans une fosse remplie d’une matière visqueuse et sombre. Oppressante. Ça peut pas être ça ton existence, désolé mais j’y crois pas. Ça ne peut pas être fait que de ça.

« Pour quoi faire, Enzo ? »

J’en sais rien, pour vivre ? Pour prendre une décision qui t’appartient, changer de décor, souffler un peu sans que ça ne change quoi que ce soit trop drastiquement. Elle me fait chier ta lassitude tu sais, elle m’emmerde parce que je peux pas croire qu’il ne reste que ça.

« Je ne suis pas certain que ça changerait quelque chose... Je serai toujours fliqué et surveillé, mais mes amis ne seraient peut-être pas aussi proches. »

Parce que je le suis moi, proche ? Est ce que je peux encore me considérer comme un ami, d’ailleurs ? En ce qui me concerne oui même si c’est vrai, la vie nous éloigne. La distance physique n’est pas une excuse à mes yeux quand je parviens à garder des contacts plus que régulier avec des gens qui vivent à l’autre bout de la planète. A commencer par mon petit ami et ce depuis un an maintenant. Plus pour longtemps, oui, mais ça ne change rien au reste, aux autres. Sovahnn, Mateo et Caem, Takuma, tant d’autres noms encore. On me dira que j’ai de la chance, que pour un Sang Pur je m’en sors bien. C’est vrai, je ne vais pas rougir quand je fais la liste de ce que j’ai payé pour en arriver là.

« Non, à vrai dire, ça serait même pire.. Près d'eux, ils s'imaginent pouvoir mieux me maîtriser... Si j'étais loin la vigilance redoublerait... et les ennuis pourraient aller exponentiellement. »

Mais dis moi, dans notre monde, loin ça veut dire quoi ?

Quelque chose m’échappe je le sais, je suis pas dans sa vie, je ne suis pas dans ma tête. Ça me fait juste mal de voir les barreaux de cette cage autour de lui, comment ne pas avoir envie de les arracher ? Pourtant ce qu’il faut se demander c’est s’il y trouve pas une certaine forme de réconfort et qu’en l’y éloignant on ferait plus de mal que de bien. Plausible mais pas facile à admettre.

« Mais c'est... une... une gentille attention que tu as là. Malheureusement, pour l'instant, dans mon cas ce n'est pas quelque chose qui est viable. Tu sais mon côté un peu con, obsessionnel et paranoïaque, chiant en compagnie, j'le tiens en grande partie de ma famille. »

Toi tu souris, moi j’y arrive pas.

« Peut-être quand les choses se seront tassées, ça sera quelque chose qui sera envisageable, mais pour l'instant, ils sont un peu trop sur mon cul. »

Jusqu’à quel point ? Puisque t’es là, puisque je sais qu’il n’y a pas si longtemps t’étais dans un bar moldu à Londres. A chercher ce qu’on t’a volé, que tu grappilles par petit morceau ici et là.

« Sans mauvais jeu de mot, bien entendu ! »

Et là encore le sourire peine à venir de mon côté mais j’essaie. J’ai pas envie d’en rajouter une couche, d’être le nuage de plus qui l’empêchera de capter le soleil même s’il a l’air de bien réussir tout seul comme un grand.

« Ok. »

Mains dans les poches, le soleil qui réchauffe la nuque et les palmiers qui se balancent tranquillement dans la brise d’été.

« J’parlais pas d’aller t’installer à l’autre bout de la planète et avec nos moyens de communications les km ça ne veut pas dire grand-chose mais c’est toi qui gère. »

Haussement d’épaules et j’enchaine sur autre chose. Qu’est ce qu’on peut dire de plus ? J’ai ce sentiment que quoi que je puisse dire il aura un contre argument et après tout il sait mieux que moi de quoi est faite sa vie.

« Comment va ton fils ? »

Parce qu’il te donne le sourire lui, n’est ce pas ? La prunelle de tes yeux, ta raison de vivre.

Chacun ses schémas, son vécu, ses raisons
Inertie totale, infectées les plaies le sont
Sclérosés par des milliers de questions et les angoisses qu'elles t'amènent
Vas-y sauve toi de toi-même
[…]
De l'angoisse et les cris étouffés par le paraître
Des noeuds dans la tête, les poignets liés héritiers du mal-être
Brises tes chaines
Keny Arkana

Rassuré ? Oui, un peu du moins, par ce qu'il avait totalement conscience qu'Enzo pouvait tout aussi bien lui cacher la vérité et pour de nombreuses raisons. Tveit n'avait pas envie d'insister, ça ne servirait à rien, et pour une fois, avoir un moment détente entre amis lui faisait du bien. Est-ce que cela allait durer longtemps ? Qui sait ? D'ailleurs la question suivante de son ami était un poil sensible. Par ce qu'il sentait qu'il ne comprenait pas totalement, qu'il ne voyait pas les tenants et aboutissants et c'était de sa faute, par ce qu'il n'avait jamais été clair là-dessus. Pas besoin de tous sachent comment était sa famille en privée. Pas non plus spécialement l'envie de parler des Supérieurs, de la façon dont il était perçu ou même surveillé … Néanmoins, malgré tout ça, il avait tenté d'expliquer au mieux à Enzo la situation, ou plutôt sa vision de voir les choses. Ce n'était au aussi simple, et pour lui au final, s'éloigner c'était encore prendre beaucoup plus de danger sur bien des points. Bien sûr, pour beaucoup s'éloigner c'était prendre de l'espace, c'était pouvoir respirer un peu mieux, mais justement ici ce n'était pas le cas et il n'y avait pas vraiment de mots pour le dire avec exactitude. Il fallait le vivre pour le croire, pour comprendre. Pour savoir ce qu'était cette oppression, cette persécution. Et chaque famille avait sa manière de procéder. Non, il n'avait pas envie d'expliquer tout cela.

A quoi bon ? Les choses ne changeraient pas, et il ne souhaitait pas que certains se mettent en tête de le sortir de là, de se mettre en danger, s'ils voyaient à quel point il était embourbé. A quoi point il était à bout même s'il donnait le change. Même s'il n'y avait plus que très peu de points qui le faisaient tenir. Non, être évasif, quitte à paraître un peu con et buté c'était mieux. C'était les mettre dans une certaine forme de sécurité, même si elle n'était que précaire. Et s'il s'isolait ? Possible, mais c'était son choix. Pas forcément le meilleur, mais il préférait ça que de risquer des répercussions sur ses proches.

Et oui, il arrivait même à plaisanter de tout ça. Par ce que.. et bien, il n'avait pas envie de dramatiser, c'était même tout le contraire. Oui, il avait ce côté très paranoïaque et petit con de sa famille, ce qui lui rendait la vie difficile depuis des années... mais il les avait tous bien emmerdés en retour également – même s'il s'était quand même calmé depuis quelques mois-. Oui, dédramatiser et rester positif, voilà, le plus important et si pour le moment déménager semblait inenvisageable dans le futur peut-être que ça serait quelque chose qui serait beaucoup plus facile, qui sait ? Il l'espérait du moins, lorsqu'il aurait un peu plus de permission, de leste. Pour l'instant, il préférait se focaliser sur des choses plus importantes.

« Ok. »

Ok, ce n'était pas franchement la réponse qu'il attendait et il avait plus l'impression de se prendre une douche froide qu'autre chose, mais ce n'était pas bien grave... C'était même probablement assez mérité, alors il se contenta de le regarder et d'attendre la suite.

« J’parlais pas d’aller t’installer à l’autre bout de la planète et avec nos moyens de communications les km ça ne veut pas dire grand-chose mais c’est toi qui gère. »

Pour toi, peut-être. Pas pour moi ; Incompréhension visible de la part d'Enzo mais totalement normale, quelque part, il aurait eu envie de lui donner plus de détails, plus d'explications mais non. Ne pas rentrer dans ce jeu-là. Il se mordit néanmoins un peu la lèvre pour s'empêcher de dire autre chose et se contenta d'hausser un peu les épaules. En étant dans le même quartier beaucoup semblaient croire qu'ils auraient plus le contrôle, espionner était plus facile sans avoir à bouger de chez soi, par les voisins ou autres par exemple. Quartier de sang-pur oblige. Entre autre, un petit détail parmi tant d'autres.

« Comment va ton fils ? »

Et comme à chaque fois que le sujet était abordé, son sourire devint plus grand plus réel, moins superficiel tandis que dans ses prunelles naissaient des lueurs qui montraient à quel point il l'aimait son bambin.

 « Et bien il grandit plutôt bien. On commence à faire quelques nuits correctes. Et pour l'instant Mily le garde toujours la journée mais à la rentrée elle va peut-être se remettre à travailler. Le souci c'est qu'il faudra le faire garder et on préfère éviter de le laisser trop à nos familles ou à des nounous... donc on essaye de réfléchir à une solution qui pourrait convenir.»

Autrement dit, pas envie de les laisser à des gens trop extrémistes, mais en même temps, il fallait qu'ils puissent avoir confiance en cette personne – et également même si ça pouvait paraître hallucinant- que leurs familles « valident » cette personne de confiance si ce n'était pas eux... sinon ça risquait de finir en bain de sang. Même s'il ne pouvait pas le dire comme ça. Il sortit son téléphone pour lui montrer les nombreuses – très nombreuses- photos qu'il avait pris de lui.

 « J'angoisse du moment où il saura marcher, même s'il nous reste encore quelques mois de tranquillité... ça passe tellement vite.»

Il se tut et le regarda avant de demander le plus sérieusement du monde.

 « Dis-moi, j'espère ne pas mettre les pieds dans le plat.. Mais toi et William, vous avez songé à adopter ? J'suis sûr que tu ferais un super papa ! »

Oui Warren qui dit quelque chose comme ça, peut choquer. Il le savait, mais il était sincère dans ses paroles, oui ça l'intéressait et non, ça ne le choquerait pas. Ce dont a besoin un gamin, même lui le savait, c'était de l'amour, et Ryans en avait beaucoup à donner... Silence, avant de se rappeler un autre point. Il serra un peu les lèvres en mode « ouais, j'ai compris, connerie » et de rajouter.

 « Et là tu vas me dire qu'à 19 ans et quelques tu es encore trop jeune. Ouais, j'avais zappé ce léger petit, minime détail MAIS, vous avez déjà pu avoir la discussion pour un avenir un peu plus lointain... T'as vu comme j'me rattrape ? Comme une merde, mais j'essaye de m'améliorer.»

Le sujet magique, c’est comme ça qu’on l’appellera.

Je ne peux pas dire que je comprends, pas entièrement, tout comme je ne peux pas non plus dire que je ne pose pas cette carte sur la table pour me sortir d’un truc qui peut rapidement devenir inextricable. C’est presque triste d’en arriver à se dire qu’on a plus grand-chose à se dire ou plutôt plus grand-chose qu’on peut se dire. En fait, c’est carrément triste mais c’est comme ça. La vie. L’écouter parler de Nicholas n’est pas un problème pour moi et même si j’ai pas d’attachement particulier avec ce petit bonhomme que j’ai très peu vu ça m’intéresse réellement de savoir comment il va. C’est pas Marcia, ça n’est pas Liya non plus, mais la connexion se fait par son père et le voir sourire comme ça fait plaisir.

« Et bien il grandit plutôt bien. On commence à faire quelques nuits correctes. Et pour l'instant Mily le garde toujours la journée mais à la rentrée elle va peut-être se remettre à travailler. Le souci c'est qu'il faudra le faire garder et on préfère éviter de le laisser trop à nos familles ou à des nounous... donc on essaye de réfléchir à une solution qui pourrait convenir. »

Ce contraste entre nos deux vies me pète à la gueule encore une fois avec violence. Je sens comme une vague d’angoisse qui n’a pas de sens, comme si c’était autour de mon cou qu’elle était cette corde que je ne peux pas m’empêcher de visualiser. Un gosse et tout ce que ça implique, une vie rangée, une famille omniprésente et oppressante … Y a en moi comme une envie de remercier mes parents encore une fois, de me remercier moi aussi d’avoir su me sauver de tout ça. Et croyez moi ça ne fait pas plaisir de ressentir ce genre de truc concernant la vie d’un pote mais j’peux simplement pas nier tout ça. Ce que je peux faire c’est simplement le préserver au maximum en donnant le change, en regardant toutes les photos de son fils qu’il me montre. Un p’tit mec en forme, qui a le sourire, mais là encore je peux pas m’empêcher de penser à la vie qu’il aura. Certains s’y acclimatent, s’y plaisent, s’y intègrent parfaitement. Tout le mal que je lui souhaite c’est que ça sera son cas, ou qu’il saura s’en échapper lui aussi.

« J'angoisse du moment où il saura marcher, même s'il nous reste encore quelques mois de tranquillité... ça passe tellement vite. »

J’imagine. C’est vrai que Liya et Marcia me donnent l’impression d’avoir poussées chaque fois que je les vois et pourtant il se passe rarement une semaine sans que je passe chez Sova ou chez Leiv et Isma. Je sais aussi la joie que c’est de voir ton enfant faire ses premières fois – je l’ai vu dans le regard des parents que je côtoie régulièrement. Même moi je me fais avoir comme un bleu dès qu’une des filles arrive à se retourner ou qu’elle fait un sourire plus franc encore que la dernière fois. Est ce que j’ai hâte qu’elles marchent ? Bien sûr, c’est là que tout le fun commencera – facile à dire de mon point de vue mais hey, on revient à ce constat : J’ai le beau rôle.

« Dis-moi, j'espère ne pas mettre les pieds dans le plat.. Mais toi et William, vous avez songé à adopter ? J'suis sûr que tu ferais un super papa ! »

Je crois que si j’avais été en train de boire ou manger un truc j’aurai soit tout recraché, soit avalé de travers et donc manqué de m’étouffer. D’où est ce que ça sort ça au juste ? Me dis pas que tu vas te transformer en pasteur qui prêche pour sa paroisse !

« Et là tu vas me dire qu'à 19 ans et quelques tu es encore trop jeune. Ouais, j'avais zappé ce léger petit, minime détail MAIS, vous avez déjà pu avoir la discussion pour un avenir un peu plus lointain... T'as vu comme j'me rattrape ? Comme une merde, mais j'essaye de m'améliorer. »

Ce qui m’échappe maintenant est un rire franc. Pas nerveux, pas moqueur, juste un rire réellement amusé à la fois par sa réaction et la situation. Je construis ma vie petit à petit et la question d’avoir des enfants je me la suis déjà posé mais ça n’a pas de rapport avec Will. Ou même Kyle avant lui. C’est moi, juste moi, avec ma Lycanthropie, mon rapport à la famille, etc … Aujourd’hui les choses sont différentes et surtout ma vie me plaît comme elle est actuellement. J’ai des tas de rêves, d’envies, des choses qui ne sont à mes yeux pas compatibles avec le fait d’avoir un enfant pour le moment. Et surtout, j’en ai simplement pas envie.

« Non, on n’a jamais abordé le sujet. J’crois que ça nous est juste pas venu à l’esprit en fait. »

Pourquoi ça l’aurait fait ? Je ne suis pas sûr que l’âge entre en ligne de compte mais je ne me sens clairement pas prêt à être papa à 19 ans. C’est pas comme ça que j’imagine mon quotidien, celui qui est rempli de sessions de surf, de snow, de skate, de fêtes avec les copains, de voyages, de grasses mat et de sexe torride avec mon mec. J’veux pas que ça devienne plus sérieux, j’ai même pas envie d’y penser, je trouve qu’on est bien comme ça et je compte bien en profiter.

« C’est tellement pas à l’ordre du jour. En plus je dois dire qu’à force de vous entendre parler de nuit blanche et de trucs à penser, de responsabilités ... »

Ça ressemble plus à une prison qu’autre chose ? C’est sans doute pas politiquement correct de balancer ça à un parent hein ? Ouais. Surtout qu’on le sait qu’il y a des tas de points positifs pour contrebalancer – et heureusement bordel – mais j’vais pas mentir, même si j’adore ma filleule et celle que je considère plus comme une petite sœur qu’autre chose, ça me fait voir les choses autrement. Être le tonton, le parrain ou le grand frère c’est cool, devenir père … Nope. C’est vraiment pas à l’ordre du jour et j’pense pas me planter en disant que Liam et moi on est sur la même longueur d’onde.

« Hey, gérer deux chiens et un chat ensemble c’est bien déjà ! Et on va déjà voir ce que ça donne d’habiter ensemble. »

Ici, sous le soleil et les palmiers, dans peu de temps j'espère.

Est-ce que le gamin était un sujet un peu plus facile ? Pas vraiment, mais il faisait généralement ressorti tout l'amour que Warren avait pour son fils. L'indéniable. Il devenait vite gaga tout en expliquant deux ou trois dont la difficulté à le confier à quelqu'un... vu que la plupart des membres de leurs familles n'étaient pas forcément les gens les plus fréquentables au monde et qu'il aurait aimé une vite beaucoup plus soft et douce que sa propre éducation. Pour l'instant, on le laissait faire, lui aussi bien que Mily, mais quand il grandirait est-ce que ça serait toujours le cas ? Voilà la question qui l'assaillait sans cesse... et à laquelle il n'avait toujours pas de réponse. Il n'avait qu'à espérer que d'ici là les choses changeraient, que le Gouvernement serait un minimum renversé afin qu'il ait plus de marge de manœuvre. L'espoir ne faisait cependant pas tout. Mais bon, il n'était pas là que pour parler de Nicholas même si c'était quelque chose qui réchauffait le cœur, alors il avait enchaîné sur autre chose, voulant en savoir un peu plus où pouvait en être Enzo à ce niveau-là. Par ce qu'il en était certain, c'est qu'Enzo ferait un super père alors oui la question lui était venue comme ça. D'une certaine manière, il la trouvait drôle aussi cette question – probablement pas aussi marrante que la tronche que tirait Ryans en l'entendant parler- . Pourtant Tveit était sincère dans ses paroles... et il n'oubliait quand même pas touche d'humour et d'autodérision. Plutôt réussi d'ailleurs, vu le rire franc que Ryans lui sortit.

(color=tomato]« Non, on n’a jamais abordé le sujet. J’crois que ça nous est juste pas venu à l’esprit en fait. »[/color]

Normal en même temps, si Mily n'était pas tombée enceinte, il n'y aurait pas non pensé par lui-même à en avoir un. Les choses étaient cependant différentes, Enzo et William formaient un joli « vrai » couple, contrairement au mariage forcé qu'il s'était coltiné. Peut-être que cet amour aurait pu faire que le sujet aurait déjà pu être abordé. Il n'en savait rien, il avait du mal à avoir cette notion de couple vu qu'il ne l'avait jamais eu. Tout n'était donc que suppositions.

« C’est tellement pas à l’ordre du jour. En plus je dois dire qu’à force de vous entendre parler de nuit blanche et de trucs à penser, de responsabilités ... »


Boh... ce n'était que quelques petits désagréments par rapport au bonheur apporté. Ok. Oui. Non. Faux. Ce que disait Enzo était tout à fait vrai, il avait raison de ne pas vouloir de ce genre de responsabilités et de pouvoir continuer à profiter de la vie comme il l'entendait sans avoir toujours à penser à Bébé.

« Hey, gérer deux chiens et un chat ensemble c’est bien déjà ! Et on va déjà voir ce que ça donne d’habiter ensemble. »

Cette fois ce fut à Warren d'avoir un petit rire amusé. Il secoua la tête, c'est vrai qu'il brûlait les étapes en parlant de gosses alors qu'ils n'habitaient même pas ensemble. Il lui dédia néanmoins un beau et grand sourire avant de répliquer

 « T'as raison, ce sont déjà des bébés à gérer d'une certaine manière !» plaisanta-t-il avant de reprendre  « Et ouais, j'espère que vous allez pouvoir trouver votre équilibre dans cette nouvelle cohabitation, c'est parait-il toujours un grand pas à franchir...» Warren ne soit pas flippant s'il te plait. « … mais t'es super cool, alors ça le fera forcément.» il connaissait quand même beaucoup moins William, plus difficile de dire une connerie à son sujet.  « Dis un jour tu m'apprendras à surfer ? Par contre, j'espère que t'es super patient, par ce que je crois que je serai super nul et en plus j'suis assez dissipé comme élève.» dit-il un nouveau sourire aux lèvres.

Ce n'est pas par ce qu'ils ne pouvaient pas parler de certaines choses qu'ils ne pouvaient pas se voir et passer du bon temps ensemble – sans aucun sous-entendu-. Néanmoins, bientôt, il avait repris son sérieux le plus total, peut-être un peu trop soucieux, inquiet pour son ami.

 « Hey Enzo ? Fais gaffe à toi quand tu bouges à Londres, j'ne sais pas ce qu'ils préparent mais... j'le sens pas.»

Il planta quelques instants son regard dans celui de son ami sans savoir quoi rajouter mais c'était vraiment quelque chose qui le turlupinait, qu'on puisse s'en prendre à Ryans à cause d'une « malédiction ». Et ce qui l'agaçait au final au plus haut point, c'était de ne pas pouvoir lui apporter d'informations utiles, de servir ces connards et de ne pas avoir la moindre information qui puisse aider pour ses amis.

« T'as raison, ce sont déjà des bébés à gérer d'une certaine manière ! »
« Exactement. »

Deux jeunes chiens d’un an à peine, clairement c’est comme des bébés. A quelques détails près, certes, mais on s’entend. Et Lune, trois ans, la grande sœur qui ne supporte pas ses p’tits frères – en surface. C’est con mais même ça j’ai hâte de l’expérimenter, qu’on soit tous les cinq sous le même toit avec tout ce que ça implique. C’est la vision actuelle que j’ai de notre famille et elle me plaît comme elle est.

« Et ouais, j'espère que vous allez pouvoir trouver votre équilibre dans cette nouvelle cohabitation, c'est parait-il toujours un grand pas à franchir… »

Est ce que c’est pas plus simple quand tu le décides et que ça ne ressemble en rien à un piège qui se referme sur toi ? Je ne peux pas empêcher ce genre de pensées de venir effleurer mon esprit malgré la pointe de culpabilité que je ressens à son égard. Ce que je fais n’est rien d’autre qu’un jugement envers la vie qu’il a choisi. De gré ou de force, en fonction d’éléments qu’il ne pouvait pas ignorer, rien de simple là dedans donc mais c’est un choix qu’il a fait. Le mien consiste à quitter mes racines, ma maison, pour rejoindre l’homme que j’aime de l’autre côté de la planète. Est ce que j’appréhende ? Bien sûr, un peu, de moins en moins à vrai dire. J’en sais rien, c’est là, une intuition. J’vois pas comment ça pourrait mal se passer.

Et j’ai presque honte de mon bonheur quand je me tiens face à Warren.

« … mais t'es super cool, alors ça le fera forcément. »
« T’as passé un contrat avec mes chevilles ou comment ça se passe ? »

Sourire taquin, la vérité c’est que ça me fait plaisir de voir que malgré tout il reste le même. Ce gaillard au débit de parole effrayant capable de sortir des trucs qui n’ont pas le moindre sens mais toujours avec une bonne intention. Maladroit ou pas tout ce qu’il est en train de me souhaiter c’est d’être heureux, que ça se passe bien, chose que je ne suis même pas foutu de faire pour lui à vrai dire. Comment je pourrais alors que l’intégralité de mes cellules n’arrivent pas à capter comment il peut y trouver son compte. Malgré sa femme a qui il a l’air de s’attacher, ou s’habituer j’en sais rien. Malgré son fils, qui est l’être le plus précieux au monde pour lui. Sa vie est un piège à mes yeux, le truc que je fuis à m’en faire éclater les poumons depuis que j’ai découvert la crasse du monde.

« Lui aussi il est cool alors ouais, ça le fera. »

Heureusement y a ça, ceux qui croisent ta route et décident d’aller dans le même sens que toi. Les amis, la famille qu’on se choisi.

« Dis un jour tu m'apprendras à surfer ? Par contre, j'espère que t'es super patient, par ce que je crois que je serai super nul et en plus j'suis assez dissipé comme élève. »
« Sans déconner. »

L’éclat de rire est franc, si les pas sont lents contre l’asphalte californienne c’est parce qu’ici le temps n’a pas tellement d’emprise. Pas aujourd’hui, pas maintenant. Warren sur un surf ? Pourquoi pas, même si je me dis que c’est sans doute l’une de ces discussions qu’on a tout en sachant que ça n’arrivera probablement jamais. Pas par manque de volonté, simplement parce que c’est la vie et que plus le temps passe moins on se voit. Je m’en veux de ce regard cynique que je porte sur notre amitié mais ce que je vois ce sont nos vies : Diamétralement opposées. Un jour on se lassera de ce jeu, de galérer comme des cons pour réussir à se voir. Tu crois pas ? Loin des yeux, loin du cœur, c’est moche mais on ne peut pas nier l’évidence. On peut pas tout gérer, c’est tout, la faute à personne. En attendant t’as raison, faut qu’on profite et tu sais quoi j’peux te foutre à l’eau dès maintenant. C’est vrai, pourquoi attendre ? Qu’est ce qui nous empêche de prendre deux planches et d’y aller tout de suite ?

« Hey Enzo ? Fais gaffe à toi quand tu bouges à Londres, j'ne sais pas ce qu'ils préparent mais... j'le sens pas. »

Ça, peut être. Cette ombre qui plane au dessus de nous depuis le début quand bien même on s’efforce de la tenir à distance. Ce truc qui obscurcit mon regard dès qu’il est évoqué, qui fait battre mon coeur plus vite, qui me fait serrer les poings et les mâchoires. Toi tu me regardes, moi je fixe droit devant sans rien regarder de particulier. Une brutale envie de cogner dans un truc.
Ça prend une seconde, peut être deux, pour inspirer de nouveau et revenir sur terre, tourner le visage vers lui et esquisser un vague sourire pour atténuer la tension soudaine dans les traits de mon visage.

« J’y mets plus les pieds des mois tu sais. »

Le ton se fait doux, arrêté je me tourne d’un quart pour lui faire face. Tu vois, ça, c’est une illustration de plus de ce fossé entre nous. Je suis dans un camp, t’es dans l’autre. Je suis la proie, tu bosses avec ceux qui veulent me foutre en cage et détruire les gens comme moi. On aura beau s’efforcer de laisser ça de côté ça reviendra toujours. On pourra plus l’ignorer.

« Ils passent des lois à la con et obligent les gens comme moi à montrer patte blanche sous peine de sanction, ils vont sûrement tout faire pour débusquer ceux qui ne sont pas déclarés ... »

Mon regard dérive sur le côté un instant puis monte jusqu’au ciel avant de retrouver le sien. Le soleil brille toujours autant et pourtant je ne ressens plus sa chaleur comme tout à l’heure. Ce qui passe me remplie d’émotions toutes plus sombres les unes que les autres même si l’esprit bien occupés en ce moment j’arrive à composer. Jusqu’à quand, j’en sais rien, mais j’pourrais pas toujours ignorer ses tremblements quand j’ai peur pour les miens. Et pour moi. Au delà de la peur c’est surtout l’envie de foncer dans le tas qui fait brûler les veines.

« Ça ira pas en s’arrangeant, sauf s’ils se font foutre dehors. »

Ta famille, une partie de la mienne, des monstres qui ont enterré vivant le gosse que j’étais. Aujourd’hui la bête n’a plus envie de taire sa rage.

« J’les laisserai pas me prendre plus encore que ce qu’ils m’ont déjà pris, surtout pas ma liberté. »

Surtout pas celle des miens, parce que c’est de ça surtout dont il s’agit. Moi, bien sûr, mes les autres, ceux que je tais face à lui. Pas par manque de confiance mais parce que je sais trop bien ce dont ils sont capables. Et lui, quoi qu’on en dise, berce tous les soirs le moyen de pression le plus efficace qu’on puisse avoir sur lui.

« J’laisserai plus personne faire ça. »

Eux, ceux qui n’ont pas de Magie dans les veines mais rêvent de nous brancher, nous pomper tout notre sang, faire de nous des rats de laboratoires. Puis les autres, ceux qu’on identifie pas mais qui ont le vice ancré au plus profond d’eux-même. Non, je n’ai rien oublié. J’ai avancé mais je n’ai pas oublié celui qui m’a fait vivre ce nouvel enfer il y a de ça bientôt un an.

Est-ce que ça le gênait de comparer des chiens à des bébés ? Pas vraiment. Il voyait bien le parallèle même si les deux étaient totalement différents. Il se contenta donc de sourire à son ami lorsqu'il lui confirma qu'il avait bien compris. Bientôt Tveit avait ajouté quelques mots sur le fait qu'Enzo allait bientôt habiter avec Will, il était content pour lui, qu'il puisse évoluer de façon aussi positive malgré tout ce qu'il avait vécu, qu'il puisse avoir une vie plus décente, plus heureuse avec la personne qu'il aimait. L'ombre d'un instant l'image de Kezabel passa dans son esprit et il la chassa aussitôt pour se focaliser simplement sur la conversation. Coeur serré, mais résigné.

« T’as passé un contrat avec mes chevilles ou comment ça se passe ? »

Il eut un petit rire franc, avant de pencher un peu la tête sur le côté comme s'il réfléchissait.

 « Ouais, si tu m'en colles une, je décolle de dix mètres, t'as vu ta grande carcasse musclé par rapport à mon gabarit ! Alors ouais, j'fais attention à ma gueule... ça serait quand même dommage de l’abîmer. »

Bien sûr qu'il plaisantait. Déjà, ce n'était pas par ce que quelqu'un était plus baraqué que lui que ça allait l'empêcher de l'ouvrir, et en plus, il avait juste été sincère dans ses propos et Ryans le savait. Enzo était quelqu'un de vraiment gentil, avec un vrai bon fond en plus d'être cool et drôle ! Pour William, par contre, plus difficile de pouvoir en parler, plaisanter ou autre, il ne le connaissait pas assez tout simplement.

« Lui aussi il est cool alors ouais, ça le fera. »

Sans aucun doute, il voyait Enzo avec quelqu'un de rasoir, qui ne savait pas s'amuser et profiter de la vie, même si des fois l'amour fais des trucs chelous. Mais d'après ce qu'il avait pu voir de William, le peu observé, effectivement ça allait plus dans le sens de son ami. Et soudain, comme il avait tendance à le faire bien souvent il changea de sujet pour arriver à quelque chose de beaucoup plus fun. Surfer. Est-ce qu'il était sincère dans ses paroles ? Oui, c'est vrai que ça serait quelque chose de drôle, mais il savait que ça serait peut-être plus difficile à concrétiser, m'enfin, l'avenir allait leur dire...

« Sans déconner. »

Vas-y rigole, rigole ! Oui Monsieur était un élève assez dissipé par moment... et surtout qui aimait beaucoup trop blaguer pour prendre certaines choses au sérieux. Déjà à Poudlard, malgré sa maison, on ne pouvait pas dire que c'était le type qui écoutait le plus en cours – enfin ça dépendait des matières-.

 « Je prends ça pour un oui ! Prends quelques calmants si on arrive à se caler ça, par ce que je suis certain que tes nerfs vont être mis à rude épreuve. Clairement, je vais être excessivement mauvais à ce truc.

Pourquoi, pourquoi est-ce qu'il avait fini par gâcher ce moment joyeux ? Peut-être par ce que l'inquiétude le gagnait. Peut-être par ce qu'il y a certaines choses qu'il ne pouvait pas faire comme si elles n'existaient pas. Il ne voulait pas qu'il arrive malheur à Enzo et oui, cette « mise en garde » ne servait à rien, Ryans était déjà au courant et il devait déjà faire attention à son cul comme il fallait lorsqu'il était là-bas. Pourtant, cette phrase, elle était sortie du cœur . Protecteur d'une certaine manière.
Oui, Warren savait que c'était un sujet sensible et il le fit pendant quelques courtes secondes sur le visage de son camarade.

« J’y mets plus les pieds des mois tu sais. » Il acquiesça doucement, quelque part rassuré de le savoir en sécurité loin de tout ça. « Ils passent des lois à la con et obligent les gens comme moi à montrer patte blanche sous peine de sanction, ils vont sûrement tout faire pour débusquer ceux qui ne sont pas déclarés ... »

Ca, c'est ce qui était à venir oui, et ça le mettait en rage, par ce que c'était injuste. Comme s'ils étaient des monstres ; comme s'ils devaient tous se faire recenser comme de vulgaires marchandises. Effectivement, avec ce qui se passait cela pouvait paraître une mesure sécuritaire, mais pourquoi faire payer à tous, ce que faisait l'un d'eux ? Pour peu que ce dernier s'en rende compte. C'était trop simple et jouer avec la peur de la population marchait plutôt bien. Quelle serait la prochaine étape ? Jusqu'où est-ce qu'ils pourraient aller ? Il se sentait inutile, de ne même pas pouvoir l'aider, l'aiguiller sur ce sujet-là malgré l'endroit où il bossait.

« Ça ira pas en s’arrangeant, sauf s’ils se font foutre dehors. »

Un jour peut-être, d'un côté il l'espérait pour l'avenir, pour ne plus que des gamins comme lui aient à vivre une enfance faite d'endoctrinement à un tel point qu'ils n'arrivent plus à voir les choses bien en face, la vérité. Quand la haine régnait. Quand la Croyance de bien faire était là.
Pour ne plus que des gamins moldus/cracmols soient utilisés. Que les nés-moldus soient traités comme des moins que rien.
La liste pouvait être longue. Trop longue.

« J’les laisserai pas me prendre plus encore que ce qu’ils m’ont déjà pris, surtout pas ma liberté. J’laisserai plus personne faire ça.»

Vengeance. Non, Enzo ne disait pas ce mot, mais quelque part cela résonnait comme ça chez Tveit ; Et il ne pouvait que le comprendre. Par ce que lui aussi n'attendait que ça.
Pouvoir se venger, leur foutre à l'envers.
Elle vrillait dans ses veines, mais il allait devoir encore patienter de longs mis, voire même des longues années.
Qu'il gagne la confiance, peut-être du grade.
Qu'il puisse les foutre dans la merde, sans se faire choper.
Le plus compliqué. Il n'aurait pas le droit à l'erreur, comme il ne l'avait pas aujourd'hui. Aucun filet pour se rattraper.
Oui, la patience, attendre le bon moment, avoir le meilleur plan possible. Pour l'instant, il était beaucoup trop pieds et mains liés.
Attendre aussi de voir ce qu'allait donner ce nouveau chef, quel parti il pourrait en tirer.
Patience, très chers, il pouvait l'être quand il s'en donnait la peine.
Et aujourd'hui, il n'était plus seul, aujourd'hui, il y avait aussi Alec à ses côtés. Quelque part. Pour l'instant., lui glissait sa conscience, par ce qu'il était bien au courant que les Autres allaient tout faire pour détruire ce qu'ils avaient. Cette amitié indéfectible.
Ils étaient les échantillons tests, les pions. Les déviants, ceux qu'il fallait recadrer. Ceux qui avaient une trop grande gueule, mais qui savaient aussi être manipulateurs. Potentiellement dangereux.
Oh oui, Enzo, si tu savais comme il te comprenait à cet instant et combien il pouvait être d'accord avec toi.

Il ferma les yeux quelques instants, chassant cette fois ces boyaux qu'il avait du ramasser à mains nus pour ne pas qu'un nouveau haut le cœur le prenne.
Et il se devait surtout de répondre à son ami.

 « Effectivement, je pense que c'est le début des emmerdes et des lois à la con. Ils ont beaucoup trop tendance à utiliser l'actualité pour promouvoir ces lois.» Est-ce qu'une vraie guerre avec les Moldus était possible ?  « On verra bien ce que l'avenir nous réserve, peut-être que l'on pourra avoir des surprises, qui sait ?» La Garde ? Oui. Possible qu'il parle de ça... Il essayait de rester un maximum vague de façon à ne compromettre personne. Surtout pas ses amis, sait-on jamais ce qui pouvait se passer.  « Mais tu n'es pas seul, à vouloir te battre pour ça.»

Lui, le faisait à son niveau, comme il le pouvait. Il aurait voulu lui dire clairement « ne t'inquiètes, je ferai tout de mon côté que ça ne se reproduise pas non plus », mais ça lui était impossible, alors il espérait qu'il comprendrait le sous-entendu. Et il aurait voulu y prendre beaucoup plus part dans tout cela. Il aurait voulu pouvoir en faire beaucoup plus... Il aurait du pouvoir en faire plus, et il se sentait inutile face à tout cela.

« Effectivement, je pense que c'est le début des emmerdes et des lois à la con. Ils ont beaucoup trop tendance à utiliser l'actualité pour promouvoir ces lois. »

Ils.

Ou comment un simple mot peut exprimer bien des choses. Des silences mais des évidences, tout comme les réactions de son corps qui m’envoie bien des messages lui aussi. Des tas d’émotions dansent autour de lui, en lui, en cet instant. En a-t-il conscience seulement ?

Ils.
Et non pas « nous ».

Le Gouvernement Supérieur et ses idées passent en second plan un instant, j’ai face à moi l’évidence qui manquait sans que je ne réalise vraiment en avoir besoin. Non, pas tellement un besoin mais plutôt un soulagement évident qui se teinte également de culpabilité. J’ai douté de lui, pas parce que j’imaginais qu’il pourrait un jour réellement partager leurs idées mais bien parce que la lame qu’ils enfoncent dans son être y est jusqu’à la garde. Et qu’ils ont pour ça les meilleurs armes, n’est ce pas ? Sa femme peut être, son fils surtout. Qui ne voudrait pas voir son enfant grandir dans un monde où il sera en sécurité ? Alors si cette sécurité peut venir d’eux, qu’est ce qui en ressort ?

D’un soupir je laisse échapper tout l’air contenu dans mes poumons, le regard posé sur Warren. Je ne sais pas ce qui nous attend, lui, moi, d’autres … On a vécu nos meilleurs moments à Poudlard, on se serrait les coudes, ils ont réussi à nous éloigner, nous faire évoluer dans deux camps différents.

« On verra bien ce que l'avenir nous réserve, peut-être que l'on pourra avoir des surprises, qui sait ? »

Bonne ou mauvaise, effectivement l’avenir nous le dira. Là encore, c’est les uns contre les autres qu’on se retrouvera d’une manière ou d’une autre. Trop de combat à mener en même temps mais un ennemi commun finalement, l’évidence se manifestera je l’espère.

« Mais tu n'es pas seul, à vouloir te battre pour ça. »

Rien qu’un sourire, un silence mais une sorte de chaleur nouvelle qui se diffuse dans le cœur. Je ne demanderai jamais à Warren de prendre des risques pour moi mais si à son humble niveau il peut ne serait ce qu’agir un tout petit peu je sais, je comprends en tout cas, qu’il le fera. Je ne fonde pas d’espoir là-dessus, je n’attends rien de lui, au moins il ne sera pas l’un de ceux qui aggravera la situation et mettra en danger des personnes qui n’ont rien demandé de plus que de vivre tranquillement. Et c’est déjà énorme. Ne pas partager leur vision intolérante du monde est déjà énorme. Surtout quand on nage au milieu des requins en s’efforçant de ne rien se couper.

« Et si je t’apprenais à surfer maintenant ? »

C’est vrai, pourquoi attendre ? Qu’est ce qui nous en empêche là tout de suite ? Un choix de tourner ça au positif, de retrouver ce qu’on nous vole depuis trop longtemps : L’innocence et surtout l’insouciance.
Ça n’effacera pas tout le reste mais qu’est ce qu’on peut bien en dire de plus ? Ici, sous le soleil Californien toute cette obscurité paraît presque loin.

« De là où j’suis j’vois aucune raison valable de me répondre non. »

Tête légèrement penchée sur le côté, un sourcil arqué et le sourire sur le coin des lèvres, les mains toujours nonchalamment planquées dans les poches de mon short je ne me cache en rien de ce petit coup de pression.

« Sauf si t’as la trouille, bien sûr. »

Une petite provocation pour la route, histoire d’aller éveiller autre chose que la noirceur et les angoisses. Trop jeunes pour passer notre temps à ressasser ça.

Bien sûr qu'il était en colère contre tout ça ! Pourquoi aller emmerder les braves gens juste par ce qu'ils étaient différents ? Est-ce qu'il fallait traquer le loup-garou responsable des meurtres ? Oui, mais pour l'aider, le guider, par ce qu'il était fort probable qu'il ne se rende pas compte de ce qu'il faisait, qu'il ne se maîtrisait pas. Même si toutes ces règles ne le concernait pas personnellement, il savait qu'elles touchaient beaucoup de gens biens, des gens gentils qui n'avaient rien demandés à personne et qu'on les emmerde comme ça était quelque chose qui l’agaçait prodigieusement. Et il était en colère contre tant de choses, tant de monde. Même si cela ne servait  à rien, même si les choses ne changeraient pas pour autant ; il ne pourrait pas faire  tout bouger, par comme il le voudrait. L'impuissance face à tout ça régnait. Et il se sentait répugnant d'y participer à cette mascarade, qu'il le veuille ou non son statut de sang, son métier, son « appartenance » - si on peut dire ça comme ça- aux Supérieurs faisait de lui un réel complice. A gerber. Loin de ses vraies valeurs. Et il essayait de se calmer, oui il essayait réellement, par ce que ça ne servait à rien de se plonger dans tout cela maintenant, il valait mieux profiter de la présence de son ami. En prenant sur lui, il avait donc essayé de partir sur une note qui se voulait au départ un peu plus positive, notamment en essayant de lui faire comprendre qu'il n'était pas le seul pour se battre pour « tout ça ».

Est-ce qu'il laisserait des gens s'en prendre à son ami sans bouger ? Non. Il ferait tout pour que cela arrive... mais il savait aussi qu'il n'avait que peu d'informations et que celles qui concernaient ses amis/anciens amis ne devaient pas lui parvenir aux oreilles. ;. Alors le sentiment d'impuissance et d'injustice regagnait. Il aurait voulu pouvoir lui dire plus clairement qu'il était de tout cœur avec lui, avec cette cause Lycan et bien d'autres choses. Il aurait voulu le faire, le crier au monde mais ce n'était pas possible, trop dangereux. Alors il se taisait, devenait mutique.

« Et si je t’apprenais à surfer maintenant ? »

Il le regarda un peu intrigué, mais aussi amusé, et il faut bien l'avouer qu'il était aussi très tenté. Et ça lui ferait du bien de se changer les idées avec une telle activité. Peut-être même que ça leur ferait du bien à tous les deux de renouer leur amitié avec ça.

« De là où j’suis j’vois aucune raison valable de me répondre non. »

Non, effectivement aucune réponse à part dire que ça serait mauvais pour ses cheveux ou une connerie du genre... petite moue de Tveit qui essayait de trouver une connerie à répondre à ça. Comment est-ce qu'ils disaient, déjà les Moldus ? Ah oui ! Il pensait enfin se souvenir... mais  Enzo avait repris la parole avant qu'il ne puisse formuler sa réponse.

« Sauf si t’as la trouille, bien sûr. »

Warren avait bombé un peu le torse avant de répondre avec son ton le plus sérieux.

 « J'ai aquaponey.» Il avait laissé passer quelques instants avant d'exploser de rire.  « C'est bien comme ça qu'on dit, d'ailleurs ? J'ai un doute...» Il se gratta un peu la joue avant de continuer  « Vas-y, j'suis prêt ! Laisse moi juste deux minutes pour que je me fasse à l'idée que j'vais massacrer mon brushing. Paix à son âme.» Il fit mine de se concentrer avant de bouger un peu  « Bon allez grand chef, c'est par où que cette grande aventure se passe ?»

Est-ce que le grand couillon qu'il était s'était, en plus, mis au garde à vous ? Tout à fait ! Ryans c'est toi qui commande ! Sans aucun sous-entendu notable bien sûr...

 « Et sache... que je n'ai pas la trouille... au pire je risque de me noyer, tu vas me repêcher et me faire du bouche à bouche. Tu vois, aucun crainte à avoir.» Petit sourire de con, avant de lui dire, plus sincèrement.  « J'ai confiance en toi.»

Cette phrase n'avait rien à faire là, c'était certain, mais il n'avait pas trouvé d'autres approches pour lui faire comprendre qu'il tenait vraiment à leur amitié.

Et regardez le bomber le torse, chassant les ombres et la pesanteur d’une discussion par une connerie. On en a besoin tous les deux je crois, juste … de souffler, de profiter, de se concentrer uniquement sur cette amitié qui se maintient au fil du temps malgré tout ce qui nous sépare. Je tiens à lui c’est indéniable, j’oublierai pas les moments où il a été là pour moi et j’ai simplement pas envie de le perdre. Ça me saute à la gueule alors qu’il fait le malin, même si on est pas amené à se croiser si souvent j’ai pas envie de le voir sortir de ma vie et réciproquement.

« J'ai aquaponey. »
« Bah voyons. »

Mon rire fait écho au sien et redouble dès l’instant où il … fait son Warren.

« C'est bien comme ça qu'on dit, d'ailleurs ? J'ai un doute… »
« C’est à moi que tu demandes ça ? »

Dude, je sais que c’est pas flagrant mais on vient du même monde. J’ai une bonne base maintenant mais je me retrouve encore de temps en temps comme un con face à des références que j’ai pas. L’Aquaponey m’échappe encore un peu … C’est surtout que j’imagine un cour d’équitation dans une piscine – sans déconner – et mon cerveau ne veut pas imprimer le concept. Spoiler alert : C’est normal, je sais, c’est pas un vrai concept.

« Vas-y, j'suis prêt ! Laisse moi juste deux minutes pour que je me fasse à l'idée que j'vais massacrer mon brushing. Paix à son âme. »
« Erf, je sais, c’est dur. »

Comme ma … Stop. Hors propos. Erreur de personne.

« Bon allez grand chef, c'est par où que cette grande aventure se passe ? »
« J’dirai dans l’eau, à priori. Donc par là. »

Un couillon face à un autre, l’un au garde à vous l’autre une main dans la poche, un sourcil arqué l’air de rien et le pouce braqué vers l’Océan qui scintille non loin de là sous les rayons du soleil. J’connais pas vraiment ce coin là mais à mon humble avis c’est pas les surfshop qui manquent, chose indispensable puisque je ne compte pas prendre des plombes à repasser en Australie pour ramener du matos ici. Ni repasser chez Liam pour récupérer la planche que j’ai en permanence là-bas depuis quelques temps.

« Et sache... que je n'ai pas la trouille... au pire je risque de me noyer, tu vas me repêcher et me faire du bouche à bouche. Tu vois, aucun crainte à avoir. »

Pas le temps de réagir si ce n’est en levant les yeux au ciel qu’autre chose me chope à la volée. D’autres mots, bien plus sérieux, plus précieux surtout.

« J'ai confiance en toi. »

Pas pour te rattraper si tu coules, non, je le comprends le message dans le fond de ton regard et ça me fige une seconde, peut être deux. Il est important ce message et j’en prends la teneur à hauteur de ce qu’il représente. Le truc c’est que je ne trouve rien à dire, rien à répondre, tout ce que je peux lui offrir c’est un sourire qui exprime ce que je n’arrive pas à dire verbalement. Un instant de fébrilité pendant lequel je culpabilise aussi un peu de ne pas être capable de lui retourner ces quelques mots. Des années de sévices ont marqué au fer rouge sur ma peau des traces qu’on ne voit plus avec les yeux mais que je ressens toujours au plus profond de moi. C’est dans ce bain là qu’il nage désormais, avec les mêmes monstres qui hantent encore parfois mes cauchemars. Je ne le mets pas dans le même sac mais je sais de quoi ils sont capables, surtout je sais que malgré tout je ne ferai jamais le poids face à Nicholas, voir Mily, si un jour on lui demande de choisir entre leur peau ou la mienne. Et jamais je lui en voudrai pour ça.

Alors je secoue la tête pour me sortir de cette stase qui n’aura qu’à peine duré et passe une main dans mes cheveux pour les ébouriffer. Des gestes anodins qui sont là pour permettre au cerveau de se focus de nouveau sur un autre état d’esprit.

« Tu sais j’vais commencer à vraiment me poser des questions avec toutes tes allusions là. »

Tu ferais ça aussi si j’étais avec une nana, dis moi ? Est ce qu’au font ça te rend mal à l’aise alors t’en joues parce que c’est ta façon de le gérer ? Pas envie de creuser la question pour le moment alors je passe mon bras autour de ses épaules et l’embarque avec moi vers le remblais.

« Aller viens, on va te trouver une planche. »

Ce qui est chose faite peu de temps plus tard et après une discussion avec la gérante du shop a qui j’ai expliqué nos niveau respectif. On en ressort avec une evolutive pour lui et une short pour moi, plus deux lycras et short de surf. Pas de combinaison, on va voir s’il arrive à rentrer dans une eau à 20° - c’est pas si chaud qu’on pourrait le croire.

Direction la plage, le bord de l’eau où un espace est réservé à la glisse histoire de pas shooter un baigneur au passage. J’en profite pour aborder un sujet peut être sensible mais qui fait parti intégrante de sa vie. Donc important.

« Vous en êtes où avec Mily ? Ça se passe bien ? »

T’es heureux, avec elle ? Voilà ce que veut vraiment dire cette question. Y a pas tellement de jugement ni d’appréhension dans le ton que j’emploie, j’aime pas spécialement cette nana mais on ne choisi pas de qui on tombe amoureux et si c’est le cas pour lui qui je suis pour remettre ça en cause ? On m’a suffisamment tapé sur la gueule à propos de ça pour que j’en fasse autant. Pas la même forme, non, mais le fond resterait le même.

Ouais, il avait aquaponey, ça sonnait bien comme excuse, il n'y pouvait rien quand même ! Il faudrait qu'il la ressorte à d'autres personnes à l'occasion rien que pour voir leur tête. En attendant, Enzo s'était mis à rire ce qui était déjà pas mal tandis que lui affichait clairement son petit sourire de branleur. Néanmoins, il n'était pas certain de ce terme d'aquaponey et se disait que Ryans pourrait plus vite confirmer ce genre de choses

« C’est à moi que tu demandes ça ? »
 « Ouais, c'est à toi que je demande. Enfin après je peux aller demander à quelqu'un dans la rue mais ça serait quand même bizarre... d'autant plus si tu avais eu la réponse.» Petite moue amusée.  « J'suis déçu Ryans, je pensais que tu aurais pu m'en apprendre tellement plus sur ce « nouveau sport ».»

Qui n'existe absolument pas tout à fait et alors ? Aucun souci de parler de quelque chose qui n'existe pas pour Warren. Bon en tout cas ce n'était visiblement pas aujourd'hui qu'il allait réussir à en apprendre plus sur cette « invention », s'il l'utilisait bien ou pas. Des fois on croit comprendre et on se plante totalement. Tant pis! En attendant, il avait repris la parole en lui disant qu'il était prêt à aller apprendre à surfer – sa chevelure par contre beaucoup moins-. Oui, toujours dans l'humour, pour une fois pas trop graveleux – dommage Enzo cette remarque aurait dû être énoncée à voix haute-. 

« Erf, je sais, c’est dur. »
 « Ouais... surtout vu ma gueule les cheveux mouillés. Je suis pas sûr que tu t'en remettes. Tu vois les caniches une fois mouillés... ben c'est un peu pareil pour moi.»

Oui, il exagérait largement, mais c'était bien ça qui était drôle. Il avait beau avoir un bon égo, il savait toujours faire preuve d'auto-dérision avec certaines personnes et Enzo en faisait tout naturellement parti !

« J’dirai dans l’eau, à priori. Donc par là. »
 « Ouais c'est sûr que si tu me fais surfer sur le gravier j'vais perdre quelques dents, j'aurais moins de mordant après. Ca serait dommage. Quoique, c'est ptet comme le air guitar ? Il y a une discipline genre le air surf ?»

Oui, cette question était en partie sérieuse. Hey, les Moldus inventaient des trucs étranges … alors pourquoi pas le air surf ? Ryans s'y connaissait en surf, en vrai surf, alors, il saurait peut-être au courant si l'autre discipline existait même s'il voyait mal comment est-ce que l'on pouvait même pour mimer les vagues... peut-être comme avec les taureaux qui bougeaient tout seuls, électriques ? Il n'avait aucune idée de comment ça s'appelait. Tiens, ça ferait une bonne activité bien rigolote ça avec Alec. Il se la nota dans un coin de la tête en espérant s'en rappeler plus tard. Mais cette franche rigolade ne tarda pas à redevenir sérieuse l'espace de quelques secondes. Juste qu'il le sache, qu'il en ait conscience, par ce que ça faisait certainement toujours du bien de savoir ce genre de choses.
Enzo avait bientôt secoué la tête pour reprendre la parole.

« Tu sais j’vais commencer à vraiment me poser des questions avec toutes tes allusions là. »

Cette fois Warren ne répondit pas, c'était bien plus drôle de garder le silence et lui adresse juste un petit sourire coquin en coin. Vas-y imagine toi ce que tu veux. Mais ils savaient pertinemment qu'il était hétéro... donc que c'était plus pour le taquiner qu'autre chose, quitte à ce qu'on puisse croire qu'il pouvait changer de bord. Après tout ce n'était pas bien grave. Si deux personnes s'aimaient c'était le principal à ses yeux, chacun avait ses attirances. Bientôt Enzo avait passé son bras autour de ses épaules en lui disant qu'ils allaient lui trouver une planche, ce qui ne tarda pas à se faire. Warren la regardait un peu hébété en se demandant comment est-ce qu'il allait se dépatouiller de ce truc. Il laissa Enzo gérer le tout, lui n'y connaissait rien contrairement à son ami alors ici, il savait qu'il valait mieux juste se taire.
Alors qu'ils se dirigeaient enfin vers la plage Enzo avait fini par lui poser LA question.

« Vous en êtes où avec Mily ? Ça se passe bien ? »

Celle-là, il ne s'y était pas attendu, d'ailleurs, il en toussa un peu, avant de se passer une main dans les cheveux puis de soupirer.

 « ca aurait pu être pire.» Par ce que c'était vrai. Il avait toujours su que sa famille lui choisirait un parti, il avait eu de la chance de son point de vue de tomber sur quelqu'un ayant du caractère. Alors, si au début, ils ne pouvait pas se voir en peinture, aujourd'hui... c'était quand même beaucoup mieux. Ils ressemblaient plus à un couple, pas vraiment de l'amour à proprement parler mais une entente cordiale. Des sentiments qui évoluaient plutôt dans le bon sens.  « Ce n'est pas simple tous les jours, on a tous les deux beaucoup de caractère, mais déjà on ne se tire plus dans les jambes on... on va dire s’apprécie, s'accepte. Ce n'est pas de l'amour...» pas ce qu'il pouvait ressentir pour une certaine personne.  « … mais ce n'est pas totalement négatif, on peut arriver à bien s'amuser et à bien s'entendre. Même si je dois quand même faire attention à mes faits et gestes. »

Il jeta un regard vers Enzo pour voir si sa réponse le « satisfaisait », s'il arrivait à comprendre qu'il pouvait s'être attaché à une telle personne. C'est vrai que ce n'était pas quelque chose qui pouvait être compréhensible mais à force d'être obligé de cohabiter, ils avaient fini par... s'y faire sûrement.

Surprise, c’est moi avec mes questions non pas à la con mais sans doute délicates. Ou pas, j’en sais rien, s’il réagit comme il le fait c’est peut être juste parce qu’il a un chat dans la gorge qu’est-ce que j’en sais ?
Je sais bien que c’est pas le cas, que ça reste un sujet sensible. Je ne sais pas vraiment ce qui se passe dans sa tête vis-à-vis de ça, je ne sais pas vraiment comment se passe sa vie de famille. J’ai fait le deuil de ça, au fond j’en ai jamais eu envie étant donné ladite famille mais ça reste dommage de pas connaitre certains aspects de l’existence d’un ami. Quand on se voit c’est juste nous deux, ce qu’on partage ne s’étend pas vraiment aux autres, à ceux qui font partie de nos vies respectives. Je ne me voyais pas proposer à Will de venir avec moi, d’ailleurs ça ne m’a simplement pas traversé l’esprit une seconde. Lui m’a présenté Aaron, j’aime rencontrer son entourage, ici c’est compliqué pour beaucoup trop de raisons alors je crois qu’on a simplement pris l’habitude.

« Ça aurait pu être pire. »

C’est triste. Pourtant la réalité d’un paquet de monde, ma cousine en tête de liste. Une réalité qui aurait pu, et dû, être la mienne mais j’ai tellement de mal à le visualiser. Je ne pourrais pas concevoir de vivre comme ça, ça n’a rien d’un jugement envers les autres mais simplement de ce que moi j’aurai pu supporter ou non. Je mets tellement de force dans tout ce que je ressens, je crois que je n’aurai simplement pas survécu et imaginer ma vie différemment de ce que je partage avec Liam me semble tellement abstrait.

« Ce n'est pas simple tous les jours, on a tous les deux beaucoup de caractère, mais déjà on ne se tire plus dans les jambes on... on va dire s’apprécie, s'accepte. Ce n'est pas de l'amour... mais ce n'est pas totalement négatif, on peut arriver à bien s'amuser et à bien s'entendre. Même si je dois quand même faire attention à mes faits et gestes. »

Il y a toujours ce truc qui grince en moi quand j’entends ça, un truc qui me donne envie de le choper par les épaules et le secouer aussi fort que je peux comme si ça pouvait changer quelque chose. C’est pas le cas, simplement parce que c’est sa vie et pas la mienne. Formaté, résigné, tout ce que je ne suis pas et je l’espère, ne serais jamais mais je me dis qu’il doit trouver un peu de répit avec elle malgré tout. Bien s’entendre, s’amuser, est ce que c’est pas la base de la complicité ? C’est tout ce que je lui souhaite en tout cas.

« J’suppose que c’est plus simple quand on a un but en commun. »

Nicholas, bien sûr. Je n’ai pas d’enfant, je ne sais pas ce que ça fait d’avoir un petit être qui devient le centre de votre monde, mais j’observe. Combien de parents tueraient pour défendre leur propre chair ?

« Tant mieux. »

Une façon un peu moins expansive que de lui dire que je suis heureux pour lui parce que j’arriverai pas à l’être. Pas à 100%, et je sais qu’il le comprend. Le sourire que je lui adresse atteste de ma sincérité et la main que je viens lui claquer entre les deux omoplates nous sort tous les deux de cette conversation sans doute trop oppressante.

« Bon aller, finis la rigolade. Pose ta planche sur le sable et allonge toi d’ssus, j’vais faire de toi le roi d’la glisse. »

Parce que oui mon p’tit pote, les bases on les apprend sur la terre ferme !

▬ FINI POUR MOI ▬

Est-ce qu'il était un peu de mauvaise foi sur le coup ? Certainement. Il y avait quand même un peu plus avec Mily, mais il s'en voulait trop pour arriver à l'avouer. Il préférait cette définition qui était assez sobre et représentait malgré tout en partie la vérité. Ca ne se passait pas si mal entre eux, il y avait une certaine complicité et compagnie. Ca suffisait. Il savait que c'était quelque chose d'incompréhensible pour beaucoup, mais il savait que ça aurait fini comme ça, que cette probabilité était presque imparable. Alors oui, avec sa femme, il aurait pu tomber pire, tellement pire. Mieux aussi, probablement, mais il préférait essayer de voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide pour ne pas sombrer encore plus. Vivre là-dedans était déjà assez compliqué chaque jour, pas besoin de se mettre encore des barrières. Essayer de voir le positif, qu'elle n'était pas si affreuse que cela et surtout qu'elle lui avait donné le plus magnifique de tous les cadeaux : un adorable petit bambin qui était à croquer.

« J’suppose que c’est plus simple quand on a un but en commun. Tant mieux»
 « Oui, ça a beaucoup aidé à... disons à ce que nos différends diminuent grandement et pour l'instant on est trop crevés pour trop se disputer.» tenta-t-il de plaisanter, même si le fond de vérité était plus que présent.

C'était aussi pour rassurer un peu Enzo ces paroles quelque part, même s'il ne pouvait pas exactement dire ce qu'elles avaient de réconfortant. Il sourit à son ami, mais ne rajouta rien.  C'était suffisant. Et bientôt il se reçu une petite claque entre les deux omoplates, pour rire, il faillit s'écrouler par terre en gémissant, mais se dit que c'était vraiment une idée de merde au final et il s'abstint. C'est bien, il progressait un peu des fois, il fallait en profiter !

« Bon aller, finis la rigolade. Pose ta planche sur le sable et allonge toi d’ssus, j’vais faire de toi le roi d’la glisse. »

Il posa donc la planche dans le sable et essaya de bien écouter tous les conseils d'Enzo. N'hésitant quand même pas à faire le con, à plaisanter, à dire plein de conneries comme il avait l'habitude de le faire à Poudlard.

 « Dis mon grand garçon, est-ce que tu pourrais vérifier que ma peau si blanche n'est pas en train de cuire ? Dans le cou notamment. Non, par ce que j'aimerai éviter de revenir avec un coup de soleil... je vais souffrir sinon.» Il mima quelqu'un qui lui touchait la peau. Ca serait effectivement certainement un grand jeu pour Mily et il n'était pas certain de trop apprécier. En tout cas ce moment avec son ami était juste parfait pour se détendre, pour profiter de ce qu'il n'avait plus trop à Londres : une profonde liberté.