How does it feels ▬ Timothy

Dimanche 22 Mai 2016 – Au petit matin

Norvège

« Si je t’envoie une adresse, tu peux y être dans 5 minutes ? »

Dis non.

T’as vu ce que ça fait quand tu continues de tirer sur une corde déjà bien trop tendue, non ? T’as vu ce que ça lui fait à lui. Elle est là cette petite voix dans ma tête mais l’arête du nez coincée entre l’index et le majeur, tête basse, yeux clos, je sais déjà ce qui va se passer après ce soupir. Et pas besoin de mot pour comprendre ce qui se passe là-bas non plus.

« J’ai pas tellement d’autre choix, j’te demanderai pas ça si je pouvais faire autrement. »

Je hoche la tête par réflexe, conscient qu’il n’est pas là pour le voir. Dans ma tête un schéma mécanique se fait en place, à commencer par ne pas en toucher un mot aux autres lycans pour le moment si ce n’est Benjamin. Pourquoi ? J’en sais rien, sans doute pour les préserver, pour pas les mêler à ça pour l’instant. Ils le seront, en temps et en heure, parce que de toute façon tout ça aura une incidence sur nous tous tôt ou tard.

« On sera là, tu nous verras pas mais on sera là. Tout est bordé. »

Tu vas le prendre ce foutu risque, n’est ce pas ? Tu vas aller foutre tes pieds là-bas en te demandant si c’est pas un putain de piège à la con pour mettre les gens comme toi en cage ou les envoyer à la morgue. Oui, tu vas le faire, mais pas tout seul.

« Donne m’en 5 de plus. »
« Ok. Merci. »

Je raccroche sans un mot de plus et enchaine directement en m’accrochant à mon sang-froid, en m’enfermant dans cette bulle de concentration malgré la fatigue due à la Transformation. Tout ce dont je rêve c’est rejoindre mon mec, glisser dans ses draps comme il se glisse dans les miens. J’peux pas, la lune m’en empêche pour l’instant alors qu’elle brille encore de l’autre côté du globe. En attendant c’est lui que j’appelle, à lui que je laisse un message vocal pour lui expliquer la situation en sachant pertinemment qu’il ne le vivra pas bien. Mais il ne va rien m’arriver, pas vrai ? Il l’a dit, ce type dont j’ai oublié le nom et le visage, ils ont tout bordé. Je sais pas pourquoi j’ai une pensée pour Kezabel, j’me demande si elle est au courant de tout ça. Puis je me demande comment elle va. Il est étrange ce silence, elle est étrange cette distance, pourtant j’ai ressenti la connexion dans notre échange de lettre. C’est juste pas le moment, ni pour elle ni pour moi, mais ça viendra.

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Quelques heures plus tard

Los Angeles, Californie

« Et mon p’tit dej ? »

Esquisse de sourire, ma tête posée sur son deuxième oreiller je le regarde sans rien dire depuis cinq minutes. Flippant ? Sans doute, mais pour ce que j’en ai à carrer de ce qu’on pourrait penser. Tout ce qui m’intéresse c’est lui. C’est nous. Accrochés l’un à l’autre avec force malgré les tempêtes qui s’enchainent, avec l’envie de croire qu’on ne se lâchera pas.

« Ça va, j’en ai au moins 12 d’avance. »

Si ce n’est plus, mais c’est pas comme si je m’amusai à compter ce genre de trucs. Ma main gauche s’aventure sur sa joue et glisse jusque dans ses cheveux. C’est tentant, de se glisser dans ses draps pour gratter encore quelques heures au sommeil. Rejoindre cette bulle dans laquelle le reste du monde n’existe pas malgré la contrariété que j’ai encore fait naitre chez lui je le sais. Parce qu’il a peur pour moi, autant que je tremble pour lui, tout ça sans pouvoir se faire de promesse. Je pourrais pas abandonner les autres lycans, me détourner de toute cette merde comme si ça n’avait pas d’importance. Malgré tout l’amour que je ressens pour lui. J’ai fait ce que je pouvais faire, je continuerai parce que c’est important pour moi tout simplement mais le deal est clair et je m’y tiendrai : Pas de risque inconsidéré, jamais sans back up.

« J’me disais qu’on pouvait aller manger dehors. »

Tu sais, comme des gens normaux.
Comme ceux dont la vie ressemble pas à un putain de film.

Lundi 23 Mai 2016 – Fin de journée, heure du Royaume-Unis

« Tiens file lui ça de ma part et dis-lui que j’passe le voir dans la semaine. »
« Oui chef. »

Je perçois son sourire satisfait, le regard de fouine qui vient éclairer ses yeux, même pas besoin de tourner la tête vers lui pour ça.

« Même pas en rêve Jackson. »

Hors de question que je t'appelle comme ça entre deux soupirs.

Un élan de normalité qui nous englobe depuis 24h, un truc qui fait du bien, qui repose. Dans ma main gauche le bouquin qu’il me demande de filer à Tim, dans la droite … Sa fesse gauche. Évidemment. Parce qu’il est là, contre moi, ses bras autour de ma taille et ses lèvres dans mon cou pendant que les chiens se chamaillent en bas dans le jardin. Un baiser sur ses lèvres, un autre sur son front, sa main se pose sur ma joue et j’y lis l’inquiétude l’espace d’un instant. Ça va aller, t’en fais pas. J’peux que me relever maintenant que j’me suis écroulé, non ? C’est toi qui m’a dit ça une fois, qu’on était une béquille l’un pour l’autre. J’te soutiens, tu me soutiens, ça ira.
Wax sur les talons je rejoins le Portoloin le plus proche direction l’Écosse, non sans une légère pointe d’appréhension dans le ventre. Pas que ça me stresse outre mesure mais ça me semble être une éternité depuis que j’ai pas mis les pieds là-bas. J’ai pas tellement idée de ce que ça va me faire de remuer tout ça à nouveau, d’expliquer certaines choses à Sovahnn, de croiser Tim. J’essaie de pas trop y réfléchir et me concentre sur le trajet, sur mon chien qui se précipite sur l’Anglais dès qu’on arrive pour le sentir sur toute la longueur de sa jambe.

Toujours prêt à offrir une distraction bienvenue sans même le réaliser, même si j’aurai dû le retenir. Sans doute.

« Désolé, c’est parce que tu sens le chat. »

L’affirmation du siècle, moi je me tiens à quelques mètres les mains dans les poches sans avoir l’idée d’approcher plus que ça. J’ai face à moi un membre de la famille de mon petit ami, je crois que j’ai encore du mal à me faire à l’idée mais sur mon visage c’est un sourire. Fin, mais présent. Sans doute en partie parce que j'entends Liya gazouiller à l'intérieur, impatient d'aller la retrouver. Petite bulle d'innocence essentielle à ce monde.

Lundi 23 Mai 2016 – Fin de journée,

Il avait passé le midi et l'après-midi avec Lewis et commençait à être nerveux à l'idée de rentrer. Qu'est-ce qui allait se passer avec Enzo ? Qu'est-ce que le sorcier allait bien pouvoir lui dire ? Il était loin d'être dans sa plus grande des formes et c'était peu dire et ne savait pas comment est-ce qu'il allait pouvoir réagir face à Ryans. Il pourrait faire comme s'il avait un empêchement  pour éviter l'autre garçon, mais il devait encore une fois assumer ce qu'il avait fait. Il devait se confronter au loup-garou même si cette idée avait plus tendance à lui tordre les tripes qu'autre chose. Sovahnn affirmait qu'il n'avait rien à craindre de ses amis... mais, si elle le connaissait mieux que lui et qu'elle avait sûrement, il y a certaines choses qu'on ne contrôle absolument pas, que l'on oublie pas. Et il ne pouvait pas oublier certaines choses de Poudlard, même si depuis, il y avait eu quelques de conversations positives entre eux deux. Mais bordel, qu'est-ce qui allait se passer à présent ? Il n'avait pas envie de s'expliquer, il l'avait l'impression de l'avoir déjà beaucoup trop fait ces derniers toujours d'autant plus que s'expliquer, c'était pour se faire pardonner en quelque sorte ? Et il jugeait qu'il n'était pas pardonnable, alors, à quoi bon ? Il se sentait juste las, et fatigué. La pression était toujours présente et il se demandait quelle serait la prochaine étape ? Qu'est-ce qui allait se passer pour lui ? Pour les Inquisiteurs ?  Quelle serait la réaction des Inquisiteurs vis à vis de lui ? Combien de temps est-ce qu'il allait falloir aux Supérieurs pour mettre la main sur eux/lui ? Il y avait toujours cette part d'ombre, d'incompréhension, de flou. La peur était là. Pour tellement de raisons.
Les cachetons, il continuait de se les avaler comme si cette chimère  un peu anesthésiante chimique pouvait aider. Certainement qu'ils faisaient effet, mais il n'en avait pas l'impression. Trop de pression, trop de choses que même ça ne pouvait qu'atrophier plutôt qu'enlever complètement.

Il était retourné rapidement chez Sovahnn – chez lui, du coup aussi, même s'il avait encore du mal à se faire à cette nouvelle idée. Mais c'était une bonne chose, la positivité de son amie, et sans compter leur passif commun, les activités qu'ils pourraient faire ensemble ne pourraient que leur faire du bien à l'un et l'autre. Il avait salué son amie ainsi que la petite, avant de retourner rapidement dehors pour prendre l'air... à vrai dire c'est surtout qu'il préférait commencer à parler à Ryans loin d'elle. Juste au cas où. Qu'il puisse lui dire ce qu'il avait sur le cœur – ou autres- sans qu'elle en soit le témoin, un pacte muet entre les deux garçons par ce qu'il n'en parlerait pas forcément à la blondinette après suivant ce qui sortait de ses lèvres – de ses poings?-. La haine, l'envie de vengeance, la peur qu'il mette Sovahnn en danger, il pourrait la comprendre, elle ne serait que justifiée.
Alors, il n'y avait plus qu'à attendre la sentence.

Bam. Bam. BAM. Les yeux fermés, le vent soufflant légèrement dans ses cheveux, il avait l'impression de pouvoir entendre son cœur battre dans sa poitrine. Un peu trop rapidement, dû au stress. Ses oreilles en bourdonnaient presque, et, ainsi placé il en avait presque des vertiges.
On se calme. Tout allait  bien se passer. Il fallait croire en les dires de Sovahnn, mais malgré tout, il avait du mal. Par ce qu'il n'avait pas cette habitude de bienveillance probablement ; par ce que la confiance dans les autres s'étaient étiolaient au fil des années, même s'il se raccrochait parfois à des chimères étranges – comme Ruben-.

Bruit de pas, tandis qu'il rouvrait les yeux, essayant de se focaliser de nouveau sur la réalité. Il avait un peu de mal et avait cette impression que son cerveau était encore plein de brume... alors avant qu'il ne comprenne vraiment le pourquoi du comment, le chien d'Enzo était venu vers lui pour le sentir.... longuement. Naturellement, sa main avait plongé dans le pelage de l'animal sans se poser plus de question. Ce n'était pas comme s'il n'adorait pas les animaux.

« Désolé, c’est parce que tu sens le chat. »

Il leva les yeux vers Ryans qui avait une face plutôt... disons plutôt qui présageait quelque chose de bonne augure. Ce qui était probablement un bon point... pour lui. Il déglutit difficilement, essayant de converser un maximum son calme, surtout que l'autre garçon n'était pas nerveux, ne semblait pas vouloir le heurter d'une quelconque manière. Mais elle était-là, quand même, l'angoisse. La Vicieuse. La Pernicieuse. Celle qui gâchait en partie sa vie.
Il hésita à mettre ses mains dans les poches mais caresser l'animal était quelque chose qui avait plus tendance à le calmer qu'autre chose.

 «Tu as le droit de dire que je pue le chat. »

Oui, c'était censé être quelque chose qui ressemblait vaguement quelque part à une blague. Il se gratta un peu le front avant d'ajouter.

 « Sova & Liya sont à l'intérieur, si tu veux.» Non, sans blague. Merci Sherlock. Mais il ne savait pas quoi dire d'autres. Allez, et si on plongeait directement les pieds dans le plat, comme ça, ça serait fait ?  « Heu... Tu... Tu voulais qu'on parle, si j'ai bien compris ton texto ?» vas-y, lance-toi. Et oui, il savait que le SMS avait plutôt voulu dire « toi tim tu peux parler si tu veux » ; mais ça signifiait dans sa tête qu'il avait également quelque chose à lui dire... alors allons-y. Ouvrons la parole, le débat ou peu importe comment on peut appeler ça. Noeud dans le ventre en attendant la réponse. Tripes qui protestent devant tant de stress.

Ça n’est jamais agréable de se savoir responsable d’une telle réaction chez l’autre. J’avais le sentiment que ça s’était atténué avec le temps, à force de se voir aussi peut-être et en sachant Sovahnn dans l’équation. Là, face à lui aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’on en revient à la case départ. L’impression dérangeante d’être le monstre sous le lit, celui que j’ai décrit à Liam il y a quelques jours de ça.
Puis il y a Wax, Médiateur malgré lui, apaisant clairement les émotions de celui que je sais désormais être de la famille de l’homme que j’aime. Une blague, une putain de blague, tout ça est une foutue caméra cachée qui dure depuis bien trop longtemps.

« Tu as le droit de dire que je pue le chat. »

Une tentative d’humour de sa part, un truc que j’attrape au vol avec la ferme intention de détendre l’atmosphère histoire qu’on reste pas comme deux cons à pas savoir comment se comporter l’un avec l’autre. Je m’en remettrai, c’est pas la question, mais ça m’emmerde de provoquer ça chez lui. Vraiment. Sans doute désormais plus qu’avant.

« Non, j’peux pas faire ça sinon Lune m’étouffera dans mon sommeil à la première occasion. »

Est ce que Sova lui a déjà parlé de mon chat ? Est ce que je lui ai déjà parlé de mon chat ? J’en sais foutrement rien, je me dis qu’il fera la déduction tout seul comme un grand.

« Sova & Liya sont à l'intérieur, si tu veux. »
« Je sais. »

Un sourire, le ton reste calme, mes mains restent dans mes poches et je ne fais toujours pas un pas vers lui. Elle me semble importante cette distance. Peu agréable, pas franchement naturelle pour moi, mais importante. Wax revient tranquillement vers moi et s’assoie à mes pieds comme il à l’habitude de le faire, immédiatement mais en douceur mes doigts plongent dans son pelage juste à l’arrière de son crane. Un geste instinctif, quelque chose qui me tranquillise aussitôt même si extérieurement rien de tout ça ne doit se voir.

Après tout je suis le danger, j’ai le dessus sur cette situation, alors pourquoi je le vivrai mal ?

« Heu... Tu... Tu voulais qu'on parle, si j'ai bien compris ton texto ? »
« J’te l’ai dit Tim, j’suis pas là pour te prendre la tête. »

Les mots sortent avec cette même lassitude qui me colle à la peau depuis quelques temps. La fatigue, la résignation, malgré les moments de paix passés avec Liam sur le bateau. Un repos de courte durée, le quotidien est venu frapper fort de nouveau et désormais dans mon crane se promènent des pensées liées aux lycans.
Alors non, j’ai pas le cœur à voir la peur dans les yeux de qui que ce soit et m’en savoir « responsable » mais c’est comme ça, qu’est ce que je peux bien y faire ? Un soupir m’échappe, je me décide à faire quelques pas finalement. Lentement, mesurément, sans m’approcher plus que ça. Juste de quoi venir m’asseoir sur le premier truc que je trouve. Peut être inconsciemment pour avoir l’air moins imposant, moins grand.

« Les choses que t’as à régler c’est avec Sova ou avec Will, à moi tu m’dois rien. »

Te méprends pas, j’ai ressenti de la colère contre toi mais de tous ça n’est pas moi qui suis le plus bousculé par tout ça. Pas directement en tout cas. Tu m’as mis en danger aussi, probablement, mais je suis là, on est tous là et malgré son état encore fragile Will est en sécurité loin de ces tarés.

« C’est putain d’ironique tout ça tu trouves pas ? »

La situation générale, les rôles inversés, les parallèles qu’on peut trouver et surtout les liens à côté desquels on est passés tous autant qu’on est.

Il ne savait pas trop comment engager une vraie conversation alors il avait essayé de faire un trait d'humour, certes, un peu pourri mais au moins il était là. Il était toujours mal à l'aise et se demander ce qui allait bien se passer. Est-ce qu'il y avait quelque chose de spécifique à dire ou pas ? Est-ce qu'il pouvait arranger un peu les choses d'une quelconque manière ? Au vu texto, il ne savait pas trop comment se placer.

« Non, j’peux pas faire ça sinon Lune m’étouffera dans mon sommeil à la première occasion. »

Ca c'était bien un truc de chat de faire ça, il ne se demanda pas trop longtemps qui était Lune. Ca paraissait logique, il acquiesça donc avec un petit sourire aux lèvres qui voulait dire « ah, c'est chats », il aurait voulu répondre quelque chose de drôle, mais quoi ? Ce n'était pas vraiment son domaine, et pourtant, il aurait bien voulu continuer dans ce style de conversation, mais il n'y avait eu que le silence, peut-être un peu long et pesant, sûrement même qu'il avait un air concentré pour essayer de trouver le bon mot et il abandonna pour juste dire que les filles étaient à l'intérieur. Oui, c'était seulement ça qu'il avait trouvé à dire, niveau conversation, il y avait mieux... mais en même temps il avait beaucoup de mal à définir ce que pensait ou même voulait Enzo. Les émotions : est-ce qu'il était fâché ? A quel point est-ce qu'il lui en voulait ? Est-ce qu'il voulait parler ou pas ?

« Je sais. »

D'accord. Bon. Bon. Bon. Bon. Allez Tim, on peut faire mieux et surtout on se détend, Enzo ne va pas te manger. Il est visiblement venu en ami, il est plutôt détendu – surtout comparé à lui-. Wax était revenu finalement tranquillement à son maître tandis que les mains de Tim ne savaient plus où se mettre, il les plaça donc dans ses poches. Voilà, mimines occupées, ça lui évitera de montrer encore à quel point il était stressé pour tout cela... Il savait qu'Enzo pouvait le sentir mais s'il pouvait éviter de le voir en plus...
On se calme. On essaye de raisonner. Et on pose la question qui fâche... ce qu'il que voulait vraiment dire le texto. Est-ce qu'il y avait un sous-entendu qu'il n'avait pas compris ou quelque chose comme ça ?

« J’te l’ai dit Tim, j’suis pas là pour te prendre la tête. »

Ce n'était pas ce qu'il voulait dire, il aurait été normal que l'autre garçon veuille parler de tout ça. Il n'était pas sûr d'être prêt à ça, mais il le fallait, il en avait conscience. Il y avait probablement beaucoup de choses à dire, encore beaucoup de choses à se faire pardonner et les mots ne suffiraient pas. Rien ne suffiraient jamais, ce n'était pas quelque chose de pardonnable ce qu'il avait fait, il en avait conscience. Seule réponse pour l'instant : l'humidification ses lèvres comme s'il allait dire quelque chose mais rien ne sortit de sa bouche.
Finalement ce fut Ryans qui fit quelques pas vers lui tandis que lui n'osa pas vraiment bouger. Il n'était pas en «mode alerte au rouge », mais il n'était quand même pas totalement serein. Au fond, il savait que son interlocuteur ne lui ferait pas de mal, pas vraiment, il n'allait pas lui sauter à la gorges, ni probablement le frapper le pire qui puisse arriver c'était les mots blessants et même là, Enzo ne semblait pas en avoir envie ; Turner en avait conscience, mais ses tripes ne pouvaient pas s'empêcher de se tordre. Le sorcier avait fini par s'asseoir.

« Les choses que t’as à régler c’est avec Sova ou avec Will, à moi tu m’dois rien. »

Ah ? Ok. Il n'était pas certain qu'il ne lui devait rien, mais il n'avait pas envie de le contredire sur ce coup-là, surtout que les deux personnes citées avaient déjà eu droit à ses explications... mais ça serait trop simple de se dire ça. Que c'était presque fini, que le pardon au moins de leur part  viendrait et leur colère s’évanouirait au final du temps. C'était simple. Il avait juste à se taire, il l'avait déjà tant fait que ça n'était pas bien compliqué, n'est-ce pas ? Il n'avait pas eu le temps de dire quoi que ce soit, qu'Enzo avait déjà repris la parole

« C’est putain d’ironique tout ça tu trouves pas ? »
 « Je ne suis pas sûr de te suivre ?» dit-il un peu perplexe. Qu'est-ce qui était ironique, exactement ? Il voyait bien un vague fil conducteur, mais il n'était pas sûr de lui et préférait qu'Enzo lui explique avant de pouvoir ajouter quelque chose.  «Mais par contre, effectivement, c'est surtout avec Will et Sovahnn que j'ai des choses à régler, comme tu dis... Je crois qu'avec toi aussi, par ce que ça te concerne aussi, par ce que j't'ai aussi mis en danger qu'eux et que tu as le droit de t'exprimer sur ça, c'est OK. » ça ne l'était probablement pas réellement, mais il tenait vraiment à ce qu'Enzo dise ce qu'il avait à dire s'il en avait envie, pas juste par ce qu'il n'avait pas envie de lui prendre la tête.  «Mais j'te jure que pour le black out, c'était sincère. » Sur le fait qu'il avait voulu vraiment l'aider sans aucune arrière pensée ; même s'il avait conscience que ce jour-là il les avait mis tous les deux en danger.  «Je n'ai pas voulu te... vous mettre en danger, même si j'ai conscience que j'ai totalement merdé.» mais qu'il n'avait pas su comment faire autrement par ce qu'il était totalement perdu, par ce qu'il ne savait plus où se placer.  « Enfin, c'est normal si tu as les nerfs contre moi, si tu m'en veux, et c'est normal si tu veux... enfin régler tes comptes, ou plus d'explications. Ne te retiens pas pour Sovahnn, ou Will si c'est ce que tu fais là.»

Par ce qu'il savait pas trop s'il avait juste envie de tourner la page ou s'il essayait de bien faire pour ne pas blesser ses proches, alors il essayait quelque chose, maladroitement, très maladroitement.

« Je ne suis pas sûr de te suivre ? »

Tout ce que je vois c’est l’innocence de ce type qui se manifeste encore une fois, incapable de lire entre les lignes, de capter les sous-entendus ou allusions. Pour moi c’est évident, pour lui complètement abstrait. Je ne juge pas, je constate seulement sans la moindre trace de mépris ni d’agacement.

« Mais par contre, effectivement, c'est surtout avec Will et Sovahnn que j'ai des choses à régler, comme tu dis... Je crois qu'avec toi aussi, par ce que ça te concerne aussi, par ce que j't'ai aussi mis en danger qu'eux et que tu as le droit de t'exprimer sur ça, c'est OK. »

Vrai. Mais tu vois, je crois que je suis fatigué de parler de tout ça, de disserter pendant des heures sur qui est responsable de quoi. Tu m’as mis en danger c’est vrai, je le suis peut-être encore parce que je sais par expérience qu’un nom qu’on efface ça ne règle pas tout. Officiellement je ne suis plus dans les registres mais on ne pourra jamais m’effacer de la mémoire de tous ceux qui savent. Y compris la tienne.

« Mais j'te jure que pour le black out, c'était sincère. »

Les souvenirs de cette nuit me reviennent, l’odeur du sang et de l’essence, celle du brûlé. La panique, les regards effrayés, les mots et actes de Tim. Un autre jour ou peut être plus tard je sais que j’en viendrai à l’emmerder avec certains détails rien que parce que ça m’amuse, que j’aime faire chier les gens que j’apprécie et qu’il en fait partie. Mais pas pour l’instant. Pour l’instant j’ai mon regard dans le sien et la reconnaissance pour ses mots que je lui transmets d’un vague sourire. Elle a compté cette discussion, sincèrement. Un pas de plus vers l’acceptation, vers le pardon, vers la rédemption.

« Je n'ai pas voulu te... vous mettre en danger, même si j'ai conscience que j'ai totalement merdé. »

J’peux pas dire que je ne ressens rien, que je suis complètement détaché de tout ça, parce que c’est faux. Elles sont là les petites décharges qui viennent taper entre les côtes, qui font naitre un voile sombre dans le fond des yeux l’espace d’une seconde. Tout ce qui aurait pu mal tourner, je me le représente. Pour Sovahnn, pour Liya, pour tant d’autre. Pour Liam, qui malheureusement n’a pas la chance de passer au travers mêmes si Tim n’y est pour rien a priori. Pour moi. Et je sais pertinemment que je n’y survivrai pas. Je ne pourrais pas survivre à un autre traumatisme, à un autre séjour en cage ou à n’importe quelle horreur que mon corps ou mon esprit ont de toute façon déjà plus ou moins subit.

« Enfin, c'est normal si tu as les nerfs contre moi, si tu m'en veux, et c'est normal si tu veux... enfin régler tes comptes, ou plus d'explications. Ne te retiens pas pour Sovahnn, ou Will si c'est ce que tu fais là. »
« C’est pas c’que j’fais, j’ai simplement plus d’énergie pour me mettre en colère. »

Sans trop y faire attention je me redresse un peu, juste de quoi m’installer plus confortablement, sans doute un réflexe pour atténuer un peu la tension. J’veux pas être le méchant de l’histoire, celui qui fait peur, le tortionnaire. J’veux pas non plus qu’il soit le coupable, la victime, qu’importe. J’veux juste qu’on passe à autre chose, tous.

« Sovahnn a défendu ton cas, Will m’a expliqué certaines choses, tout ce que je vois c’est un type qui a fait ce qu’il a pu. Et on sait tous les deux que je peux comprendre. »

Parce que t’étais là, ces année-là, et parce qu’on a déjà parlé de tout ça. C’est ce que j’ai dit à Sova, un gamin paumé qui rejoint les mauvaises personnes et prend les mauvaises décisions étrangement ça me parle.

« Je t’en ai voulu, j’avais besoin de temps pour digérer et je l’ai pris ce temps. On est tous là, tout le monde va bien autant qu’il est possible de faire, tout le monde est en sécurité, c’est ce qui compte. »

Pour combien de temps ? Le plus longtemps possible. Indéfiniment même, si c’est possible. Si c’est pas trop demander.

« J’aurai pu te tuer là-bas, directement ou pas t’aurais pu ne pas t’en tirer à cause de moi, aujourd’hui je découvre que t’es l’ami d’enfance de ma meilleure amie et le cousin du type que j’aime. C’est ça qui est putain d’ironique Tim. »

Pour Sova ça fait un moment que je le sais mais c’est une façon de parler. Comment est-ce que le monde peut être si petit ? Et nous, comment on a fait pour passer à côté de ça ?

« Il sait. Pas dans les détails mais il sait ce que je vous ai fait vivre là-bas. J’me voyais pas lui cacher ça. »

Il parlait, il tâtonnait, il essayait. Si lui n'était pas du tout à l'aise avec la situation, il ne voulait pas qu'Enzo se retienne de quoi que ce soit, et il essaya de lui faire comprendre. Mal, peut-être, ou tout simplement maladroitement, il n'en savait trop rien au final. Il n'était pas comme lui alors c'était difficile de comprendre tout ça.  C'était compliqué de voir ce que ce qu'il disait était « entendable » ou si ça faisait juste stupide. Oui, il avait aussi cité le black out, par ce que ce jour-là pour une fois, il avait eu l'impression de faire quelque chose de bien... mais avec cette révélation, cela pouvait changer la donne. Il ne l'avait pas fait pour avoir une quelconque information, pour se rapprocher du sorcier, bien au contraire, il s'était lui-même mis en danger mais cette indication non plus, il n'allait pas la donner. Juste qu'il avait été sincère suffisait, le reste importait peu. Il parlait, il avait surtout l'impression de s'enliser au fur et à mesure, mais il continuait par ce qu'il savait que la fin était importante. Le message final était primordial ; il ne devait pas se retenir de lui hurler dessus s'il en avait envie pour Will et Sovahnn. Peut-être qu'ils lui avaient demandé d'y aller mollo – peut-être pas-. Il n'en savait rien, par contre ce dont il était certain – peut-être à tort-, c'était que se retenir de dire ce qu'il ressentait ou autre était une mauvaise chose. La frustration ou la rancune pourraient encore plus germés. Alors qu'il y aille, s'il voulait le démonter verbalement.

« C’est pas c’que j’fais, j’ai simplement plus d’énergie pour me mettre en colère. »

Ce n'était pas vraiment la réponse qu'il attendait, et sa première réaction s'il ne s'était pas retenu aurait été un « pourquoi » malvenu ? Un peu comme un enfant demande ça lorsqu'il ne comprend pas tout. Ca n'aurait même pas été de la vraie curiosité,  juste pour comprendre son propos, et qu revenait en fait à « qu'est-ce qui se passe ? », mais ce n'était pas le moment de demandé ça. Le silence était encore mieux. Enzo ne tarda pas à se redresser un peu avant de continuer à parler

« Sovahnn a défendu ton cas, Will m’a expliqué certaines choses, tout ce que je vois c’est un type qui a fait ce qu’il a pu. Et on sait tous les deux que je peux comprendre. »

Oh ? Vraiment, ils avaient fait ça ? Ca aurait été stupide d'en douter. Et oui, ils savaient tous les deux qu'Enzo pouvait comprendre, mais ça n'était en rien une excuse. Il avait merdé par stupidité, naïvement puis par lâcheté et par peur.

« Je t’en ai voulu, j’avais besoin de temps pour digérer et je l’ai pris ce temps. On est tous là, tout le monde va bien autant qu’il est possible de faire, tout le monde est en sécurité, c’est ce qui compte. »

Pour combien de temps ? Combien de temps avant que le passé ne les rattrape une nouvelle fois ? Avant que les Inquisiteurs – ou autre groupe Moldu-, que les Supérieurs fassent des siennes et qu'ils retombent tous dans le chaos ? Et le « temps » dont il parlait était quand même sacrément réduit à ses yeux. Une dizaine de jours, c'est bien de ça dont il parlait ? Ce n'était rien. Absolument rien.

« J’aurai pu te tuer là-bas, directement ou pas t’aurais pu ne pas t’en tirer à cause de moi, aujourd’hui je découvre que t’es l’ami d’enfance de ma meilleure amie et le cousin du type que j’aime. C’est ça qui est putain d’ironique Tim. »

Ah oui.... Double oui. Il aurait pu le tuer là-bas, il s'en était même probablement fallu d'un cheveu ou deux pour que ce soit le cas. Mais il ne l'avait pas fait. Ni lui, ni un autre d'ailleurs. Ils étaient tous jours là, tous les deux, sûrement avec des failles béantes. Il ne connaissait pas bien Enzo, mais ce qu'il lui disait là, ce n'était pas une conversation anodine, c'était sûrement quelque chose qui le travaillait toujours. Il ne voyait de toute manière pas comment est-ce que ça pourrait ne pas être le cas.

« Il sait. Pas dans les détails mais il sait ce que je vous ai fait vivre là-bas. J’me voyais pas lui cacher ça. »

Il fronça les sourcils, avant d'hausser un peu les épaules, perplexe. Cherchant ce qu'il pourrait bien dire, par ce qu'une fois encore il n'en savait juste rien. Il se racla un peu la gorge avant de s'avancer un peu vers Enzo pour s'asseoir à côté de lui. Il n'était pas totalement serein, même s'il avait conscience que son interlocuteur ne lui ferait rien. Son cerveau restait branché en mode « fais attention », en hypervigilance.

 « Oui, tu aurais pu me tuer là-bas, c'est un fait. Toi ou un autre.» Ce n'était pas simple à dire et il avait peur de dire encore une fois une bourde sans s'en rendre compte.  «Mais ce n'est pas pour ça que... j'ai peur de toi, ou même de plus les sorciers en Général.» Silence, seconde humour, attention.  « Ne crois pas que cet honneur te sois réservé ?» Hum ? On arrête de faire ça.  « Peut-être que les choses auraient été différentes aujourd'hui, si ma famille du côté de mon père avait agi autrement.» souffla-t-il.  « Et ça, tu n'y peux rien.» Où est-ce que ça te mène, mon grand ? Par ce que dire que l'après-Poudlard ça avait été comme remuer le couteau dans la plaie, ça n'avançait pas à grand chose pour Ryans.  « Je ne peux pas te dire que c'est oublié, par ce que ça serait faux... » Pas alors qu'il faisait toujours des terreurs nocturnes de ce qui se tramait à Poudlard.  «... mais par contre, j'peux te dire que je t'en veux plus.»

A quoi bon la rancune dans une telle situation ? Il avait conscience que ça n'avait été simple pour personne, que chacun avait fait comme il avait pu et qu'Enzo ne faisait pas parti des « méchants » de l'histoire, alors pourquoi lui en vouloir ? Ça n'avait aucun sens. Il resterait toujours certaines amertumes par ce que l'humain était ainsi fait. Tout comme il ne pouvait en vouloir à personne ne de pas avoir aider plus les gens comme lui à l'époque, il aurait certainement fait comme la plupart : ne pas se mettre en danger inutilement. Il n'était pas un de ces vaillants chevaliers, il était juste peureux. Alors les deux ressentis se combattaient parfois, mais la logique, le pragmatisme reprenaient le plus souvent le dessus.

 « Est-ce que l'on peut se pardonner, un jour ? Toi, avec un peu de recul ?»

Certes, leurs cas au final était différent. Lui n'avait jamais réellement tué quelqu'un de « sang-froid », il n'avait littéralement pas de sang sur les mains même s'il considérait que si. Il avait réagi au final en conséquences de ce qui s'était passé. Mais la finalité était la même. Il y avait eu des morts à cause d'eux, alors qu'ils n'étaient que deux gamins, probablement plus paumés qu'autre chose. C'était sûrement stupide, comme question et la réponse était probablement non, surtout pour quelqu'un comme lui qui avait tendance à prendre beaucoup trop de choses à cœur.

Rien qu’un soupir puis la surprise qui s’estompe comme elle est venue quand je me décale de quelques centimètres pour le laisser s’installer à côté de moi. Ça peut paraître con, c’est un geste anodin pour la plus part des gens mais je sais que pour lui c’est un effort, un pas de plus en avant. Un truc qu’il faut encourager et pas moquer, jamais.

« Oui, tu aurais pu me tuer là-bas, c'est un fait. Toi ou un autre. »

La tête basse, les mains nouées l’une à l’autre entre les cuisses et les avant bras posés sur cette dernière je hoche la tête plus par réflexe qu’autre chose. C’est douloureux de revenir encore une fois à tout ça, de refoutre la tête dans ce passé que je m’efforce d’oublier depuis des années maintenant. C’est douloureux, mais ne l’état nécessaire. Pour nous deux.

« Mais ce n'est pas pour ça que... j'ai peur de toi, ou même de plus les sorciers en Général. »

Attentif je tourne lentement le visage vers lui.

« Ne crois pas que cet honneur te sois réservé ? » 
« Aoutch. Moi qui pensais être spécial à tes yeux, c’est dur. »

Un demi sourire sur le coin des lèvres, la main sur le coeur et le dos bien droit, j’affiche un air mi-offusqué mi-blessé. Tout ça n’a rien de sérieux évidement mais j’apprécie la pirouette pour détendre un peu l’atmosphère. Parce qu’il est lourd cet atmosphère, rempli de traumatismes, d’une adolescence détruite, de jeunes adultes bousillés mais qui tiennent encore par on ne sait quel miracle. Certains ne s’en sont pas tirés, certains ne s’en sortent pas aussi « bien » que nous c’est un fait.

« Peut-être que les choses auraient été différentes aujourd'hui, si ma famille du côté de mon père avait agi autrement. Et ça, tu n'y peux rien. »

Le sérieux revient sans en faire trop, avec cette impression qui revient parfois d’avoir un miroir face à moi. Parce que moi aussi je sais ce que ça fait d’être maltraité par sa propre famille, même si tout ça est derrière moi aujourd’hui. Ça laisse des marques sans doute mais celles ci sont nettement moins visibles que les autres et tant mieux. Pour lui, j’ai le sentiment que c’est différent et je m’interroge encore une fois naïvement ? Comment est ce qu’on peut faire du tort à sa propre famille ? Je crois que c’est une promesse que je me suis faite, sans même trop y penser. Si j’ai un jour moi aussi une famille, des enfants, je mettrai toutes les forces que je peux pour qu’ils soient aussi heureux que je l’étais avec mes parents.

« Je ne peux pas te dire que c'est oublié, par ce que ça serait faux...mais par contre, j'peux te dire que je t'en veux plus. »

J’aurai fait sans, simplement parce que ça fait des années que je me bats pour m’en sortir désormais, mais j’peux pas nier ressentir une vague de soulagement en entendant ces mots. On ne se rend pas compte du poids du pardon, ou plutôt de la légèreté qu’il apporte. C’est un pas de plus pour avancer, là encore, un obstacle en moins à affronter. Une formalité peut être étant donné nos contacts désormais réguliers par l’intermédiaire de Sovahnn – et de Will probablement maintenant – mais oui, ces mots comptes. Et si mon merci reste silencieux il est transmis par un sourire, par un regard, par mon regard qui se pose sur le sol un instant. Pas par gêne, juste le temps de l’intégrer vraiment.

« Est-ce que l'on peut se pardonner, un jour ? Toi, avec un peu de recul ? »

Reviens le temps de la réflexion, du plongeons dans le passé, du chemin parcouru depuis. Encore une fois des réflexes du corps : Je me redresse, racle ma gorge et roule mes épaules comme pour les dégager du nœuds qui les entoure. Puis un soupir, les yeux perdu dans le vague.

Est ce que je me suis pardonné ?

« Jamais complètement je pense, mais j’ai réussi à avancer. C’est juste que ça remonte à la surface parfois et ça ravive des trucs qu’on pensait mis de côté. »

Un visage, un acte, ça peut être n’importe quoi mais la vie se charge de vous rappeler ce que vous voulez pourtant désespérément oublier.

« J’me dis que j’ai fait ce que j’ai pu, comme j’ai pu, pour limiter la casse. Qu’ils ont abusé de ma situation à l’époque donc … c’est eux les responsables, bien plus que moi. »

Et ce sont les mots de Liam qui viennent traverser mon esprit en disant ça. Des mots déjà entendus par le passé, prononcé par d’autre, mais ça prend du temps avant de vraiment les intégrer. Avant de les accepter. Oui, ils ont abusé de moi, ils m’ont transformé en ce que jamais je ne serai devenu sans leur intervention. Parce que si cette violence a toujours existé en moi elle était bien plus douce, bien plus contrôlée. Ils m’ont détruit, rien de plus simple, et dans ma chute j’ai entraîné d’autres êtres. Ce qui me console c’est de savoir que quelques uns d’entre eux sont aussi tombés avec moi mais je me garderai bien de confier ça à Tim. Non, c’est vraiment pas la peine d’aller lui raconter que oui, j’ai tué de sang froid. Par volonté. Et que je ne regrette pas.

« C’est probablement ton cas aussi. »

L’abus de faiblesse, qu’importe le bourreau.

« J’me fais aider. Ça fait des mois que je suis suivi par une psychomage et s’ouvrir à ses proches aide vraiment aussi. »

Parce que les secrets n’en sont plus, ils deviennent donc moins lourd à porter. Ça prend du temps, chacun son rythme, mais c’est une chose que je parviens à faire de plus en plus naturellement. Ils ne demandent que ça, aider, tout comme on veut être là pour eux.
Et parce qu’on parle de proximité, quand je cherche son regard à nouveau il peut deviner un sourire étirer mes lèvres. Un sourire qu’il connaît maintenant, je le sais. Un sourire qui annonce un changement de direction, une connerie en approche.

« J’crois que le destin a décidé qu’on serait proches tous les deux, c’est comme ça, on peut pas luter. »

Le destin a décidé que ta famille serait ma famille, qu’il y ait un lien de sang ou non.

« Ton cousin est au courant que tu m’as embrassé d’ailleurs? »

Je trouve que ça faisait bien trop longtemps que t’avais pas rougis à cause de moi, ouais, t’étais bien trop tranquille dans ton coin. Et puis, est ce que c’est pas mieux de brasser du rouge que de broyer du noir ?

Il essayait de se détendre, comprenant parfaitement qu'Enzo n'était pas dans un « mauvais mood ». Il fallait bien avouer que cela l'étonnait toujours de voir comment certains arrivaient à prendre un certain recul, à passer outre tout cela aussi rapidement. Et il trouvait ça aussi bien étrange que fascinant et dans le sens positif des choses. Il aurait bien aimé pouvoir être comme ça, mais il n'était probablement pas assez fort. Il avait même réussi à plaisanter, un peu. Vaguement, ou du moins c'était le but de cette phrase mais en y réfléchissant est-ce que l'on pouvait vraiment l’interpréter comme tel ? Il n'eut pas vraiment le temps de se poser la question très longtemps car Ryans avait vite répliqué

« Aoutch. Moi qui pensais être spécial à tes yeux, c’est dur. »
 « En cherchant un petit peu, on trouvera probablement de quoi être spécial à mes yeux, comme tu dis, mais pas sur ça.» ajouta-t-il un vague sourire aux lèvres.

Après tout, ils se connaissaient pas trop encore, et puis c'était plus pour plaisanter qu'autre chose de toute manière. Le principal c'était probablement qu'ils s'entendent pour William et Sovahnn, le reste importait sûrement peu. Mais le sourire s'était vite flané lorsqu'il avait repris la parole, essayant d'expliquer à Enzo que toute manière il n'avait pas grand chose à se reprocher, que beaucoup de choses auraient été différentes si sa famille l'avait soutenu. Parfois, il se demandait si ce n'était pas une excuse facile, et il n'avait pas vraiment de réponse... Il ne pouvait pas dire ce qui se serait passé si ses sœurs, ou son père avaient été présents, s'ils n'avaient pas remué le couteau dans la plaie... mais pour lui, non il n'aurait pas fait cette erreur par ce que certaines blessures auraient pu mieux cicatrisées, par ce qu'il aurait eu vraiment quelqu'un avec qui parler, quelqu'un sur qui compter, ou au moins il aurait pu « oublier ».
Et il y avait probablement quelque chose d'encore plus important, qu'il fallait dire en espérant que ce n'était pas maladroit  qu'il ne lui en voulait plus même s'il ne pouvait oublier toute cette merde, même s'il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir cette peur. Ce n'était pas grand chose, il le savait bien. Et le pardon des autres était différent de son propre pardon ; par ce que pour la deuxième partie il ne savait pas comment faire pour... se pardonner des erreurs commises. D'avoir été lâche, ou naïf. D'avoir laissé les choses se passaient, par ce que l'on est perdu. D'être coupable d'être dans un groupe, même si on est au final éloigné de ce dernier, même si on n'a pas fait de mal au sens propre du terme. A part à une seule personne. Et rien que pour ça il n'était pas certain de pouvoir un jour acquérir son propre pardon, par s'attaquer à cette sorcière qui n'avait rien demandé, c'était injuste. C'était nul. C'était impardonnable.Ce n'était pas lui, il aurait juste dû abandonner, se dire que ce n'était pas grave s'il n'était pas accepté par les Inquisiteurs ... Il aurait du, mais il n'y été pas arrivé.

« Jamais complètement je pense, mais j’ai réussi à avancer. C’est juste que ça remonte à la surface parfois et ça ravive des trucs qu’on pensait mis de côté. » Ce qui était quand même pliutôt assez encourageant, lui était arrivé à avancer quand même avec le temps. « J’me dis que j’ai fait ce que j’ai pu, comme j’ai pu, pour limiter la casse. Qu’ils ont abusé de ma situation à l’époque donc … c’est eux les responsables, bien plus que moi. »

Et c'est un peu ce qui s'était passé aussi. Quand il avait compris que les Inquisiteurs étaient extrémistes, il avait essayé de leur fournir le moins d'informations compromettantes possibles, notamment il avait choisi avec précautions les livres... Est-ce qu'ils avaient profité de la situation par ce qu'il recherchait juste un groupe dans lequel il serait à sa place ? Probablement. Ruben probablement en chef de file et ça... ça lui laissait un goût amer dans la bouche, parce que ses sentiments étaient bien réels.

« C’est probablement ton cas aussi.  J’me fais aider. Ça fait des mois que je suis suivi par une psychomage et s’ouvrir à ses proches aide vraiment aussi. »

Il fronça un peu les sourcils, ne voyant pas bien à qui est-ce qu'il pourrait parler et de quoi. Il s'était déjà probablement fait avoir par la psy' des Inqui, il n'avait pas forcément envie de réitérer l'expérience.

« J’crois que le destin a décidé qu’on serait proches tous les deux, c’est comme ça, on peut pas luter.  Ton cousin est au courant que tu m’as embrassé d’ailleurs? »

Quoa ? Qu'est-ce qu'il venait de dire là ? Non, en réalité il avait très bien entendu. Assez bien, du moins, pour prendre un peu de la couleur de la tomate. C'est vrai qu'il allait falloir lui dire à William, et punaise comment est-ce qu'on pouvait faire ça ? En plus ce n'était pas un vrai baiser, n'est-ce pas ? C'était juste pour arriver à se dépêtrer d'une situation merdique. Ca ne compte pas pour un vrai baiser ?! Il ouvrit la bouche comme s'il voulait dire quelque chose et la referma plusieurs fois.

 « On est vraiment obligés de lui dire ?» demanda-t-il doucement, gêné.  « Enfin c'est... c'pas un vrai baiser, puis je savais même pas qui il était pour toi. Ou que t'étais en couple.» Ouais, c'est ça, continue de t’enfoncer sans voir qu'il te charrie, c'est bien Tim. Il se racla un peu la gorge avant de continuer.  « Pourquoi tu ne lui as pas dis, toi, d'ailleurs ?» demanda-t-il soudainement comme si ça lui semblait un peu étrange

Vraiment Enzo, il faut que t’arrête de faire ça. On abuse pas de la crédulité des gens, c’est mal, même quand il n’y a aucune mauvaise intention en arrière plan. J’admets qu’à le voir si ce n’est paniquer au moins galérer me file un sentiment de culpabilité entre deux envies de rire. C’est vraiment pas méchant mais d’une certaine façon c’est réellement une façon d’abuser de sa naïveté et je crois que tous les deux on a eu notre dose pour ce qui est des abus. Je crois surtout qu’on n’est sans doute pas suffisamment proches pour ça.

« On est vraiment obligés de lui dire ? » 

Même si putain, merde, c’est drôle non ? De le voir si gêné, rougir à ce point là. Non, c’est drôle pour moi mais lui tout ce qu’il expérimente c’est un instant de malaise et de doute. Donc c’est pas cool.

« Enfin c'est... c'pas un vrai baiser, puis je savais même pas qui il était pour toi. Ou que t'étais en couple. Pourquoi tu ne lui as pas dis, toi, d'ailleurs ? » 

On calme son envie de rire, on n’affaisse pas le sourire pour autant mais les deux paumes levées vers l’avant j’engage ma reddition. C’est pas parce qu’il est Team Premier Degré que je dois en rajouter une couche et sans trop savoir pourquoi j’ai une pensée pour Elijah. Enfin si, je sais très bien pourquoi. L’innocence a l’état brut, voilà pourquoi, et je me demande ce qu’elle devient. Si cette innocence est toujours intact après la mort d’Elias et celle de Charleen.

« Pardon, un jour j’arrêterai. Enfin j’vais essayer. »

Arrêter d’être toi même tu veux dire ? Rappelle toi qu’il y a dix jours à peine t’avais la rage contre ce type, surtout que tout ça te ramenait salement quelques années en arrière et que tu le vivais tout sauf bien. Alors non, n’arrête pas d’être toi même quand ça peut aider à apaiser les tensions, à faire en sorte que tout le monde vive un peu mieux toute cette merde.

« Il sait et il s’en fout t’en fais pas. Et puis c’était pas un vrai baiser comme tu dis. »

Mais t’en entendra sans doute encore parler pendant un moment parce que … Hey, chassez le naturel, vous savez très bien ce qu’il fait. Il revient au galop, comme ma connerie. C’est intrinsèque.
Malheureusement elle n’est pas la seule à revenir dans les limbes de mon esprit et l’espace d’un instant elle est là, cette envie de lui demander qui. Qu’il m’offre des noms sur un plateau d’argent, des identités associées plus tard à des visages que j’imagine se tordre de douleur puis se figer pour leur faire payer ce qu’ils ont fait. Le cœur bat plus fort un instant, le silence s’invite, le regard n’a plus de lumière dans le fond des prunelles car ce sont les ombres qui s’en viennent. Ombres que je chasse comme je peux, conscient de tout ce que j’ai à perdre si je cède … Ce serait pourtant si simple, si simple de le faire ployer s’il refuse.

Chasse les ces démons, tu as appris à le faire.
Pour eux, pour toi.

« J’sais pas si vous avez mangé mais sinon ça te dit qu’on se commande des pizzas et qu’on mange tous les trois avec Sovahnn ? »

Le sourire revient, la reconnexion avec l’instant présent se fait tant bien que mal. Le côté sombre laisse place de nouveau à la lueur de ce qui compte vraiment, la brume se désépaissie.

Focus.

Alors je m’invite, oui, mais faire ça ici c’est différent. Je ne me permettrai pas ça ailleurs, avec quelqu’un d’autre que ma meilleure amie. Tim habite là désormais et je compte pas prendre racine, investir les lieux trop souvent ou faire comme si j’étais chez moi, vraiment c’est pas l’idée. Mais j’ai mes habitudes ici, c’est vrai, un truc instauré avec Sovahnn surtout depuis que j’y ai vécu quelques temps il y a … putain, déjà un mois et demi. Je sais plus ce que j’ai foutu de ma notion du temps.

C'était à peine s'il s'était rendu compte qu'Enzo retenait un fou rire après ce qu'il avait dit, par ce que non, pour lui l'autre garçon ne plaisantait pas et il n'avait pas envie de se brouiller avec William pour... en fait, pas grand chose, un acte maladroit qui de base avait été pour tente d'aider son camarade. Alors oui, il paniquait par ce que l'information pure et dure, celle que l'on devait retenir était plutôt «  tu vas devoir lui dire que tu m'as embrassé », et ça,  donner un baiser au copain de son cousin – même s'il ne le savait pas à l'époque-, ça faisait quand même assez mauvaise figure. Il essayait donc de trouver une, disons, une façon de régler les choses le plus diplomatiquement possible quitte à oublier l'information, ne pas la transmettre. Ce n'était rien, même pas un vrai baiser, pourquoi risquer de blesser William ?

« Pardon, un jour j’arrêterai. Enfin j’vais essayer. » Il fronça les sourcils, ne comprenant toujours pas ce qu'il voulait dire exactement là ? Arrêter quoi au juste ?
« Il sait et il s’en fout t’en fais pas. Et puis c’était pas un vrai baiser comme tu dis. »

Ah. ok. Donc, il était en train de paniquer pour rien ? Il s'était encore fait avoir comme un bleu, ça en devenait presque gênant. D'ailleurs la petite grimace caractéristique en disant long. Punaise, qu'il se sentait con. Pourquoi est-ce qu'il prenait tout au premier degré alors qu'il savait pertinemment que Ryans avait un caractère quand même assez plaisantin et joueur sur ce genre de sujet ? Il se mordilla ensuite un peu la lèvre cherchant ce qu'il pouvait bien répondre.

 « Le temps que je prenne le pli, tu veux pas te faire un panneau « second degré » , comme ça je saurai au moins comment je dois le prendre... Enfin tu si plaisantes ou non ! Ca ne veut pas dire que je comprendrai la blague ceci-dit, mais au moins j'aurais un point d'ancrage ! »

Oui, il disait ça en plaisantant, du moins en grande partie.. par ce qu'en vérité, il faut bien avouer que ça l'aurait bien arrangé de savoir quand est-ce qu'il était sérieux ou pas, histoire de pouvoir apprendre un peu plus le second degré qu'il avait parfois du mal à décoder même s'il évoluait positivement dans ce sens... c'était pas encore gagné et aujourd'hui en était la preuve vivante, première vanne, il avait couru à l'intérieur comme un grand garçon ! Congrats ! Il avait le droit de se faire tout petit maintenant le temps d'oublier la honte ? Non ? Bon, tant pis.
D'ailleurs Ryans semblait loin d'être choqué par la situation ou son mal être, il avait même continué comme si de rien n'était – ce qui soulageait en partie Turner-.

« J’sais pas si vous avez mangé mais sinon ça te dit qu’on se commande des pizzas et qu’on mange tous les trois avec Sovahnn ? »

Il hésita quelques instants. Il avait bien envie de dire oui, par principe, mais il se disait qu'Enzo avait peut-être aussi besoin de voir Sovahnn en tête à tête, après tout lui n'était qu'une vieille pièce rapportée et il ne voulait pas les priver de moment à deux dont les deux amis devaient avoir besoin. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de reprendre

 « Si tu veux, mais si tu es venue la voir, j'peux retourner aussi en ville et aller manger avec... Lewis par exemple. C'est pas un souci, c'est comme tu préfères.»

Ce n'était pas se sentir de trop, c'était plus une façon de lui dire qu'il lui laissait toujours une bonne grosse du territoire qu'était la maison de Sovahnn. Qu'il ne comptait pas faire le mec relou toujours présent dans les lieux qui allait les empêcher d'avoir des moments à deux, chez elle. Dehors, en ville ou autres, ça serait plus simple, mais des moments simples devant un bon gâteau, ou juste une pizza, la télé et compagnie c'était tout aussi important. Il en avait conscience tout comme il avait bien compris qu'Enzo était trop poli pour lui dire probablement clairement, du moins pour le moment, alors qu'ils ne se connaissaient pas tant que ça... Plus tard, il ne doutait pas que ça serait plus simple ce genre de chose, mais là il se disait que l'autre garçon n'oserait sûrement pas.

 « Vraiment, ça serait pas un problème et je ne le prendrai pas mal du tout. Alors, n'hésite pas à dire sincèrement ce que tu préfères.»

Tu vois un « ta gueule » arriver ? Par ce que là c'était quand même probable.

« Si tu veux, mais si tu es venue la voir, j'peux retourner aussi en ville et aller manger avec... Lewis par exemple. C'est pas un souci, c'est comme tu préfères. »

Tu penses qu’un jour t’arrêtera de t’excuser d’exister ? Je ne juge pas, je connais un peu son histoire, son caractère, je sais qu’on fait tous comme on peut et que ça fait partie de lui. Mais je me dis aussi qu’on peut évoluer, gagner en confiance en soi, qu’avec un peu de temps et d’aide on s’affirme un peu plus et que la vie devient un peu plus facile. Ici avec Sovahnn j’ai aucun doute qu’il sera bien, que Will sera présent pour lui aussi parce que même s’il a besoin de temps pour vraiment digérer il ne lâchera pas son cousin. Et si moi je peux l’aider d’une manière ou d’une autre alors tant mieux, ne serait-ce qu’en faisant mon possible pour qu’il se sente à l’aise en ma présence. En tout cas, moins mal à l’aise.

« Vraiment, ça serait pas un problème et je ne le prendrai pas mal du tout. Alors, n'hésite pas à dire sincèrement ce que tu préfères. »

Même … Si je sens que ma patience sera parfois mise à l’épreuve. Pas la peine de le nier, je me connais, mais en attendant c’est un sourire que je lui offre en plongeant mes doigts dans le pelage de Wax qui vient réclamer des gratouilles.

« T’es chez toi Tim alors j’vais certainement pas te mettre dehors, premièrement, et deuxièmement ça me ferait plaisir. Et à elle aussi. »

Pas d’insistance mais un regard qui veut dire bien des choses. Je sais que ce coup de téléphone juste avant qu’on parte avec Liam a fait du tort, que mon besoin de distance l’a blessé, que tout ça l’a remué sans doute bien plus qu’elle ne le montre. Alors oui, qu’on se retrouve, qu’on soit tous ensemble et que ça se passe bien, je sais que c’est important pour elle. La prochaine fois on fera en sorte que William soit là mais chaque chose en son temps même si tout ça me semble dans le désordre quelque part. Qu’importe, chacun gère comme il peut.

« Après si toi t’es pas à l’aise c’est encore autre chose. »

Haussement d’épaules, rien de plus, parce que là-dessus je n’ai pas d’emprise. J’aurai beau faire tous les efforts du monde si lui ne se sent pas bien en ma présence c’est à lui de prendre ses propres décisions. Je n’arrêterai pas de venir ici, c’est une certitude, mais après tout la maison est suffisamment grande pour qu’on ne soit pas obligé d’être dans la même pièce si c’est trop compliqué pour lui parfois.
Et puis il y a ce truc qui revient, s’en va, revient à nouveau. Une sensation, des pensées, quelque chose que je n’arrive pas à totalement repousser ou occulter. Un truc qui va alourdir l’atmosphère je le sais mais je n’arriverai pas à m’en défaire tant que je ne l’aurai pas expulsé de mon système je le sais.

Alors tant pis.

« J’ai un service à te demander. »

Le regard braqué devant moi, les doigts toujours plongés dans le pelage de mon chien, je prends une profonde inspiration en tentant de calmer mes nerfs qui ne peuvent être qu’à vif sur le sujet malgré le temps qui passe et les instants de paix que je viens de vivre. Malgré lui il sera toujours une porte d’entrée potentielle, c’est comme ça.

« Est-ce que tu peux ... faire en sorte de ne jamais me donner aucun nom ? »

Même si je te le demande.

Je ne le regarde pas mais l’ombre qui passe dans le fond de mes yeux n’est probablement pas un secret pour lui, pas même un réel étonnement. Même si je m’efforce d’être le plus détaché de tout ça possible il restera toujours cette part obscure en moi frustrée par cette décision prise. Ne pas foncer tête baissée, ne pas leur prêter la moindre attention, ne pas les chercher. Jamais. Ne pas prendre le risque de perdre tout ce que j’ai, parce que c’est bien trop précieux. Une promesse faite aux miens, une promesse faite à moi-même.

Il ne savait pas trop comment agir ou même réagir face à ce que disait Enzo. D'un côté il avait juste envie d'essayer d'apprécier le moment présent avec le garçon, la prévision du dîner à trois également... d'un autre côté, il ne voulait pas que Ryans se force d'une quelconque manière, il avait donc essayé de lui faire comprendre qu'il pouvait aussi bien aller voir ailleurs si l'autre garçon voulait un tête à tête avec Sovahnn. Ça aurait presque été quelque chose qu'il aurait trouvé de normal. Il préférait cette franchise, même si elle pouvait faire mal, plutôt qu'Enzo s'oblige à supporter sa tronche alors qu'il n'avait pas forcément envie de la voir. C'était le meilleur ami de Sovahnn, pas le sien, il n'était pas obligé de l'aimer ou de l'apprécier même s'ils finiraient forcément par être de la même famille grâce à leur lien avec Will. Et même si ce n'était pas plaisant, ça ne serait pas quelque chose de nouveau, tout le monde n'était pas fait pour s'entendre.

« T’es chez toi Tim alors j’vais certainement pas te mettre dehors, premièrement, et deuxièmement ça me ferait plaisir. Et à elle aussi. »
 « D'accord.» avait-il doucement.

A vrai dire, il ne savait pas quoi dire d'autres, Enzo disait que c'était ok, donc il ne pouvait que le croire. Il n'avait aucune argumentation contre ça, aucune autre question. Tout était clair dans sa tête, il pouvait donc venir avec eux sans les déranger. Point.

« Après si toi t’es pas à l’aise c’est encore autre chose. »

AH ! Ah ? Heu ? Merde, celle-ci, il ne s'y était pas du tout attendu, il le regarda un peu perplexe comme s'il se demandait s'il avait bien compris la question. Il se passa ensuite une main dans les cheveux. C'était une réponse compliquée à fournir, par ce qu'il ne savait pas comment la formuler... sans mentir, sans être désobligeant ou autres. Est-ce qu'il pouvait manger avec Enzo et Sovahnn ? Oui, sans aucun problème probablement. Est-ce qu'il ne serait pas mal à l'aise ? Ca c'était difficile à dire, il ne se sentait pas super en phase lorsqu'il y avait Enzo... Il se mordilla un peu la lèvre avant de souffler doucement

 « Non, non, j'vais rester, j'serai sûrement pas comme un poisson dans l'eau mais ça devrait le faire.»

Il ne pouvait pas faire plus honnête en essayant d'y mettre un peu de douceur, ça n'avait pas été dur, il espérait que la formulation faisait quand même assez naturelle.... Voilà, comme ça ils allaient peut-être  pouvoir passer à autre chose de plus joyeux.

« J’ai un service à te demander. »

Il fronça un peu les sourcil et le regarda plus attentivement, peut-être un peu plus inquiet, aussi. Il sentait la tension remonter, même si Ryans était des plus calmes. Nerveusement, il avait commencé à se mordiller un peu la lèvre.

« Est-ce que tu peux ... faire en sorte de ne jamais me donner aucun nom ? »

Donner aucun nom ? La lumière dans son esprit mit quelques longues secondes à se faire. Ah oui, ces noms-là ! Est-ce que c'était quelque chose qu'il pouvait faire ? Oui, bien sûr. Est-ce qu'il comprenait pourquoi Enzo lui demandait ça ? Encore plus. De toute manière ce n'était pas comme s'il avait compté un jour donner des noms – autre que celui de Ruben qu'il avait lâché plus ou moins que par inadvertance... et par ce qu'il fallait expliquer le contexte prof/Général. Mais pour les autres... non, il préférait éviter de faire quelque chose qui pourrait engendrer de nouveaux bains de sang. Cependant suivant les circonstances, suivant les dangers, peut-être qu'un nom ou deux pourraient sortir ci et là. Il préférait éviter de faire une réelle promesse.
Il avait laissé passer quelques dizaines de secondes de silence avant qu'il ne puisse reprendre la parole

 « Je ferai mon possible pour ne t'en donner aucun Enzo. Néanmoins, si la situation l'exige sait-on jamais je ne pourrai pas forcément tenir ces quelques mots.» Il se tut quelques instants avant de reprendre.  « Je ne sais pas trop où ça en est... ce qui peut bien se passer là-bas en profondeur et compagnie. Du coup je préfère encore me méfier, rester prudent à cet égard-là.... juste au cas où.»

Il ne voulait pas se montrer pessimiste ou même de mauvais augure, mais il ne voulait pas lui mentir, lui dire juste un «oui » ou un « non », il préférait expliquer ces propos, lui montrer qu'il avait encore des doutes concernant son ancien groupe, qu'il avait toujours peur ou quelque chose comme ça. Qu'il ne savait plus ou vraiment se situer, encore une fois totalement perdu.

Des noms. Une liste. L’identité de ceux qui représentent l’ennemis sous bien des aspects. Parce qu’ils lui ont fait du mal, parce qu’ils ont abusé de la naïveté de gosses comme l’ont fait les Sup, parce qu’ils représentent un danger pour les sorciers et sans doute plus particulièrement pour les personnes comme moi. Ils sont une raison supplémentaire qui me pousse à éviter la Capital Anglaise, à devoir me planquer et jouer les fugitifs si je veux passer voir certains de mes amis. Une cible sur le front, une autre dans le dos, un truc qui m’amène à avoir des cheminements de pensées différents mais tout aussi déprimants les uns que les autres. S’ils m’attrapent moi ils auront les autres, mais pour m’attraper moi il n’y a pas beaucoup de surprise : Passer par mes proches. On est tous perdants, quoi qu’il arrive, alors parfois je me dis que la meilleure défense c’est l’attaque. Oui, ça m’arrive de penser de cette façon. Et puis il y a cet instant, cette volonté de faire payer, de faire du mal. Je ne suis pas un monstre, non, mais je ne suis pas un ange pour autant alors si ma vie en dépend, si celle de mes proches est en ligne de mire, j’attendrai pas qu’on vienne me chercher.

« Je ferai mon possible pour ne t'en donner aucun Enzo. Néanmoins, si la situation l'exige sait-on jamais je ne pourrai pas forcément tenir ces quelques mots. »

Ces instants ne durent jamais longtemps et déjà la lucidité revient, les ombres s’éloignent, la culpabilité s’invite. Je ne devrai pas me permettre de lui demander ça, de le mettre dans une telle position. Laisse faire les grands Enzo, remet tes œillères et oublie-les. Tous. Pas simple de faire comme si tout ça n’existait pas. Pas simple d’aller contre une partie de soi-même.

« Je ne sais pas trop où ça en est... ce qui peut bien se passer là-bas en profondeur et compagnie. Du coup je préfère encore me méfier, rester prudent à cet égard-là.... juste au cas où. »

Est-ce qu’il a encore des contacts avec eux ? La question se présente, elle ne passera pas la barrière de mes lèvres même si les inquiétudes reviennent les unes après les autres. Et si lui représentait un danger ? Pour Sovahnn, pour Liya, pour Will. Trois des personnes que j’aime le plus au monde, ma famille. Si lui les menait jusqu’à eux ? Pas volontairement, c’est pas une pensée que j’expérimente, mais simplement en remontant le fil d’Ariane.
Le cœur qui bat dans les tempes, c’est un mélange de colère et d’angoisse qui se nourrie de toute cette situation de merde. On fait quoi ? On trace la route, on claque la porte et on recommence tout ailleurs ? J’ai arrêté de compter le nombre de fois où cette pensée m’a traversé l’esprit. Alors je me passe les mains sur le visage et dans les cheveux comme si ça pouvait m’aider à revenir sur terre, plonge mon visage contre le dessus du crane de Wax un instant parce qu’il est en cet instant la bouée de sauvetage qui m’ancre dans le présent et me ramène au calme. Dix secondes, trente, une minute j’en sais rien et je m’en fous mais quand je me redresse je me lève aussitôt et glisse mes mains dans mes poches en affichant un sourire. Pas le sourire le plus franc de l’histoire, non, clairement, mais qui a le mérite d’exister et d’être sincère.

« J’ai très envie de voir ma filleule. Aller. »

Même si elle doit dormir et pas la peine de préciser que j’ai tout autant envie de voir sa mère. je n’attends pas plus pour prendre la direction de la porte et de frapper par réflexe avant d’entrer en me retenant de justesse de balancer un « c’est le grand méchant loup » par égard pour Tim qui est juste derrière moi – à une distance digne des gestes barrières, I know.
Il n’y a pas de gêne quand je croise son regard, juste cet amour indicible qui éclate dans la poitrine comme il le fait toujours malgré les quelques jours sans se voir, les tensions, le poids des maux d’un côté ou de l’autre.

« Tim essaie de s’autofoutre dehors de chez lui, tu peux intervenir ? Parce que moi il m’écoute pas. Ton coloc est une tête de mule. »

C’est balancé comme ça, l’air de rien et sur le ton de la conversation. Le sale gosse prend ses quartiers et enfile son costume de clown sans avoir à trop se forcer mais quand je me rapproche et que mes bras s’enroulent autour d’elle le sourire s’affaisse et les paupières se ferment. Un mélange de soulagement, de fatigue toujours bien présente et ce pour des tas de raisons mais surtout le sentiment d’être exactement là où je dois être en cet instant précis.

FINI POUR MOI

Il y a des choses qu'il ne pouvait pas promettre totalement ne sachant pas ce qui allait se passer par la suite. Il ne voulait pas lui jurer, pour après lui dire des noms, même si c'était pour la bonne cause, alors il avait préféré dire juste la vérité : il ferait de son mieux mais si c'était nécessaire, il n'hésiterait pas bien longtemps. Et comme il ne savait plus trop ce qui se passait chez les Inquisiteurs, il avait préféré donc lui faire comprendre qu'il était totalement dans le noir de ce côté-là et qu'il voulait donc être prudent.

Et puis, il y avait eu le silence, Enzo s'était passé les mains sur le visage, puis dans les cheveux tandis que Tim le regardait faire en fronçant légèrement les sourcils. Est-ce qu'il avait fait quelque chose qu'il en fallait pas ? Il savait qu'il était très souvent maladroit dans ses paroles, mais il n'osa pas ouvrir de nouveau la bouche, pas pour l'instant, préférant continuer à observer Ryans, prêt à aller vers l'autre garçon si besoin, voire à appeler Sovahnn si vraiment il ne semblait pas aller bien. A moins que ce soit quelque chose d'autre ? Comment le savoir ? Il n'était pas non plus doué pour comprendre toutes les mimiques des gens.

Tic. tac. Tic. Tac. Turner aurait presque pu entendre sa montre tourner. Une minute, peut-être que cela avait duré, c'était peu mais pour un angoissé comme Tim qui se demandait toujours ce qu'il avait pu dire de mal, c'était beaucoup trop... et enfin, Enzo s'était redressé et s'était levé un sourire sur les lèvres. Ah ? Un sourire ? Donc tout va bien ? Ok, tout va bien, on se calme Turner. Inspire. Expire.

« J’ai très envie de voir ma filleule. Aller. »

Ah oui, bonne idée ! Allons à l'intérieur, avec Sovhann, peut-être qu'à tous les trois ils pourraient vraiment plaisanter ou trouver un sujet de conversation assez drôle pour faire passer cette morosité, cette lassitude ambiante – et encore c'était pour rester poli-. Enzo l'avait devancé et était rentré apr-s avoir frapper.

« Tim essaie de s’autofoutre dehors de chez lui, tu peux intervenir ? Parce que moi il m’écoute pas. Ton coloc est une tête de mule. »
 « Maiiiiiiiiiiisssss» Qu'on pourrait prendre pour un Mééééhhhhh. Avait-il dit d'un ton qui se voulait ulcéré !  « C'pas vrai ! J'proposais juste d'aller faire un tour ailleurs si vous aviez besoin de temps en tête à tête, c'est différent !» Il regarda Sovahnn avant d'hausser un peu les épaules  « Bon, j'lui accorde, je suis un POIL têtu quand je m'y mets.»

Voilà, comme ça, est-ce que ce n'était pas bien une entente cordiale, où ils s'embêtaient gentiment, même si Tim restait quand même toujours stressé et pas rassuré. Ce n'était pas quelque chose qui allait pouvoir changer en dix secondes de toute manière.

HRP: Elise si tu veux faire ton inter