AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Fire met gazoline. What's next ? - Sana

 :: Londres :: Centre de Londres :: ─ Westminster :: • Logements :: Logement de Sanae M. Kimura
Mer 30 Sep 2020 - 22:35
5 Avril 2016 en soirée
L’Espagne lui collait encore à la peau, comme un voile qu’il aurait déchiré, en emportant des lambeaux avec lui en revenant en France. Les odeurs, les bruits, la chaleur, tout restait là, effleurant encore un peu ses sens, réalité poisseuse sur son épiderme. Celle de revenir à sa propre réalité, à sa solitude, aux absences qui emplissaient les murs de cette maison qui n’était pas la sienne. Les images affluaient, l’emplissaient de nouveau. La nouvelle Zélande, puis l’Espagne, de nouveau. Sans raison spécifique. Ou plutôt, si, une, sans doute.
Elle riait, là-bas. Si libre, légère loin des chaînes qu’il lui imposait par sa seule présence. Comment peut-on être si délétère à quelqu’un ? A quel point avait-il été le poison dans ses veines ? Il la revoyait, larmes aux yeux, rage au corps, l’affrontant sans cesse. Il revoyait le mépris dans ses prunelles quand il la rejetait encore et encore, et pourtant, l’envie qui n’avait de cesse d’être remplacée par un sentiment plus fort, ingérable pour lui. Tellement ingérable, merde, qu’il avait fini par l’emporter. Mâchoires serrées, il posait le regard sur la baie vitrée fissurée réparée sans grande conviction avant de partir le soir même. Auprès d’une femme qui savait encaisser les coups, qui les cherchait, qui y répondait avec force. Et pourtant il n’y avait rien. Pas de contexte, pas de passé, pas de futur. Mais cette puissance l’irradiait néanmoins.

Rien à voir avec ce petit corps frêle qui s’écroulait sous une lame en plein match, déclenchant la panique générale. Est-ce qu’il l’avait seulement gérée, elle ? Non. Il avait brisé celui qui avait cherché à la tuer. Il l’avait réduit en cendre, avait jouit de l’entendre gémir, pleurer, appeler à l’aide. Sa façon d’aimer, sans doute. Sa façon de haïr, aussi. De vivre, sûrement.

Vivre. Il était pourtant bien debout aujourd’hui. A chercher l’irrémédiable, à rugir d’exister, même si ça devait amener à le tuer. Parce qu’ils n’avaient pas gagné, qu’il n’y avait aucun moyen pour qu’ils puissent se permettre de penser ça.

L’ironie était là. Quel était le patronus d’Aileen ? Un phoenix.

« Si le tien change, tu seras un putain de cliché sur pates, mec… »

Le vent soufflait là, dehors, légère tempête venue emporter le vent d’air plus chaud qui avait pris possession des terres durant la journée. La grisaille reprenait ses droits en cette fin de journée, donc. Bien. Un peu comme lui en cet instant. Les joncs s’affolaient sous l’air froid, mordant, qui soulevait des volutes de sable sec, s’écrasant sur les fissures de la vitre.
Vivre. Quelle idée étrange.

Ses doigts glissaient dans sa poche, se refermant sur le petit mot de Sanae avant qu’il n’en sorte sa baguette et ne finisse le travail. Métamorphose, les failles se rejoignaient avaient de rougir et de disparaitre. Et les leurs, que feraient-elles ? Qu’attendait-elle, au juste, à présent ? Et lui ?
Rien.
Mais sa présence ne serait sans doute pas de trop. Pas envie de pourrir ici. Londres, l’Espagne, d’autres coins de France, l’Angleterre, la Norvège… non, il repoussait cette idée. Il repoussait les grincements mornes de la maison sur la plage également, transplanant sans plus attendre.

Ces lieux, il les connaissait sans y être jamais venu. Ses failles aussi. Maligne Sanae. Rigoureuse Sanae. Pas assez.
L’instant suivant, il entrait dans l’appartement, invisible parmi les ombres, d’un geste, il repoussait les rideaux de la grande baie vitrée, allumant les lumières de la salle à manger. Les lieux étaient habituellement carrés, rangés, emprunts d’une maîtrise qu’elle s’était toujours évertuée à répandre dans tous les aspects de sa vie. A présent… il entrevoyait l’apprentissage de la gestion du chaos. Ça et là, quelques débris, vestiges de cette rage qu’elle gardait au plus profond d’elle et qu’elle avait dû rejeter, délaissant une partie d’elle-même, la niant, la cachait de tous même d’elle-même jusqu’à en avoir peur, tout autant que les gosses dans ces lieux lugubres de son enfance. A présent elle l’acceptait, cherchait à la faire sienne, à en tirer sa propre force, à la modeler. Un travail d’une vie ne se fait pas en quelques jours.
Comme s’il était chez lui, Logan ouvrait les placards, connaissant la localisation de chaque tasse, chaque souvenir, chaque… bouteilles. C’était bientôt un verre plein qu’il posait sur le comptoir haut, attendant son hôte et un autre dans la main, faisant tourner le liquide ambré tout en parcourant les lieux, portant quelque fois l’alcool à ses lèvres qu’il visitait les lieux.

Lorsque la porte d’entrée s’ouvrit finalement, il retirait une flechette du mur, un petit sourire amusé sur les lèvres, décrochant un bout de placo au passage. Sacré lancé.
Il la sentait, happait les crépitements de son esprit d’ici sans pour autant tendre le sien. C’était juste là, ça frappait ses sens comme un parfum familier au centre d’une foule d’inconnus.

« Pas trop remuée ? »

Le vent dehors, dedans, qu’importe.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Sam 3 Oct 2020 - 2:09
5 avril – tard le soir


Ses cheveux détachés vibraient, tournoyaient. Elle dansait, se mouvait parmi les corps. La fatigue, elle la repoussait. Elle avait repris le travail, avait passé sa journée dans les couloirs froids et ternes de l’hôpital, retrouvant les odeurs, les visages, l’urgence des situations, la brutalité des émotions. Là-bas, elle se muselait toujours. Là-bas, elle tentait de se maintenir à flot, de ne pas se laisser emporter par les vagues de sa conscience pleinement éveillée. Alors si elle se trouvait entourée d’inconnus, baignée dans des lumières vives et dans une musique trop forte pour pouvoir s’entendre penser, ce n’était pas un hasard. Pas envie de penser, pas envie d’analyser le chaos de sa vie. Tous ses actes, ses choix, ses paroles...elle les repoussait tout comme la fatigue. Trop de choses s’étaient passées, à une allure si vive, si affolante qu’elle ne se laissait pas le temps de se poser. Lancée comme une boule de feu dans l’atmosphère, Sanae vivait. L’oxygène atteignait ses poumons libérés, ses yeux voyaient comme pour la première fois, ses oreilles captaient des sons nouveaux, son corps s’éveillait et s’enivrait sans pouvoir se contenir. Sensations exaltées, magie enragée. Tout en elle hurlait d’une joie féroce de pouvoir enfin vivre comme elle l’entendait.
Et pourtant, elle savait. Elle devrait se poser un jour, réfléchir aux conséquences de ses actes, tenter de se réajuster plus convenablement, mais pour le moment...oh, comme jouissait à n’en plus finir. Ivre. Ivre de la vie qui avait été insufflé en elle aussi violemment qu’une drogue dure dans son organisme. Réveillée. Libérée. Par Lui. Lui, qui était absent. Lui, qui était hors d’atteinte. Lui, qui demeurait à nouveau silencieux dans son existence. Sans doute était-ce aussi pour cela qu’elle ne se posait pas, qu’elle ne laissait pas ses pensées ressurgir trop longtemps. Faudrait-il poser des mots sur tout ça ? Elle n’en avait pas pourtant. Aucun ne convenait, aucun ne pouvait définir ce phénomène si étrange et exaltant. Rencontre de deux êtres qui s’étaient mués ensemble dans une tempête terrible et sensationnelle. Etait-ce pour cela qu’il l’évitait ? Parce qu’il n’avait pas de mots, lui non plus ? Toujours en promenade. Toujours absent. Seize jours. Seize jours qu’elle ne l’avait pas revu. Pourquoi ça lui semblait si long ? Pourquoi ça faisait naître une putain de frustration, une inquiétude infinie dans son être ? Que faisait-il en cet instant ? Qui voyait-il ? S’était-il muré dans le silence à nouveau ? Il n’était jamais là quand elle passait, alors où était-il ?
La colère l’avait traversée un moment ; celle que provoquait l’absence, celle que provoquait l’ombre du rejet. Etait-ce un abandon de sa part ? La mettait-il à distance parce que ce moment n’avait pas compté ? Venait-elle de se faire éjecter de sa vie aussi brutalement que leurs esprits s’étaient rencontrés pour de vrai ? Et pourquoi cela lui percutait le ventre ? Pourquoi cela lui enserrait le coeur ?

Elle s’était sentie comprise, entendue, vue.
Et son absence venait l’écraser désormais.

Son esprit ne trouvait pas d’accroche assez solide, ses mains se refermaient sur du vide, et elle s’agitait pour retrouver cette sensation d’être vue par quelqu’un. Elle avait peur, au fond, que ce sentiment s’en aille, se détériore, et qu’elle replonge à nouveau dans les méandres de sa cage. Peur aussi, sans vraiment se l’avouer, de devoir se poser éternellement cette question…

Logan, où es-tu ?

Etait-il seul ? Se noyait-il ? Viens me retrouver, nous nous noierons ensemble ou nous resterons à la surface, tous les deux.
Il faisait frais dehors lorsqu’elle sortit de la boite.
Ses collants ne protégeaient pas ses cuisses de la fraîcheur de la soirée et le vent venait mordre sa chair. Elle enfila sa longue veste noire par-dessus son chemisier bordeaux rentré dans une jupe de cuir et bientôt ses talons claquèrent dans la rue. Plus elle s’éloignait, plus la musique s’éteignait derrière elle. Ses pensées affluaient et c’était son image qu’elle voyait. Son visage se mélangeait à ceux qui avaient rythmé les longues journées depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Keza. Gary. Margo...oh, Margo...elle secoua la tête. Trop de choses s’étaient passées. Des choses qu’elle ne comprenait pas encore. C’était trop tôt.

Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il n’était pas là pour la voir faire ses premiers pas dans un monde qu’elle découvrait à nouveau.
Pleinement.

Quelques mètres plus loin, elle transplana dans le quartier de Westminster, les mains dans les poches, jouant avec ses clés. Elle marcha quelques minutes, le vent soulevant sa chevelure brune. Et sur le chemin, elle lui parlait comme s’il pouvait l’entendre, comme s’il était toujours présent dans son esprit. Étrange sensation : elle avait l’impression que c’était le cas, sans doute parce que la fusion de leurs esprits laissait des traces. Ses souvenirs et les siens se mélangeaient parfois. Elle rêvait souvent de choses qui ne lui appartenaient pas. Ceux d’Alec et de Keza venaient se mêler au tourbillon. Elle avait souvent l’impression d’avoir la tête pleine. Alec...ses pensées s’arrêtèrent un instant sur lui. Le plan de Logan, prenant forme plus concrètement encore. Elle continuait à tenir sa promesse, aidant Alec à endurcir son esprit pour piéger les futurs intrus qui s’y risqueraient. Je veux juste qu’il survive. La sorcière poussa un soupir. Et moi je veux que tu survives, toi aussi. Pas seulement lui.

Elle arriva devant la porte de son immeuble. Tout était silencieux. Elle ouvrit la porte et la lumière du hall s’alluma alors qu’elle se dirigeait vers l’ascenseur. Elle y entra avec un sourire. Ce n’était pas plus tard qu’hier soir qu’elle s’y trouvait coincée. Les portes se refermèrent sur une Sanae souriante, amusée, son regard retombant sur la cage d’escalier contre laquelle elle avait plaqué Naveen. Un léger rire entre des lèvres pincées et l’ascenseur grimpait au quatrième étage. Elle en sortit alors que les portes s’ouvraient et commença à longer le long couloir à la moquette rouge. Ses clés dans une main, elle passait l’autre dans ses cheveux pour les ordonner. Elle arriva devant sa porte et là...elle marqua une pause.

Froncement de sourcils.

Elle n’aurait su l’expliquer mais une étrange sensation s’éveillait en elle. Son regard était fixé sur la porte. Quelques secondes se passèrent avant qu’elle n’insère sa clé dans la serrure, le coeur battant. Lorsqu’elle ouvrit, les lumières étaient allumées.

Son regard se posa immédiatement sur lui. Venait-elle de capter sa présence de l’autre côté de la porte ? Oui. Comme si elle l’avait happée soudainement par les tripes, son esprit se fixant sur un point précis, là, debout devant la cible pleine de fléchettes.

La surprise se lut un instant sur son visage avant qu’elle ne s’en délaisse pour fermer la porte d’un coup de pied en arrière, s’en prêter attention au claquement sonore qu’elle fit derrière elle. Elle jeta ses clés sur le meuble près de l’entrée et tendit la main, faisant s’envoler la fléchette que Logan détenait entre ses mains. Elle la récupéra avec un léger sourire.

Tout son corps se détendait étrangement à sa présence.
Et pourtant, il y avait quelque chose qui lui tordait les boyaux.

« Pas trop remuée ? »

« Ce n’est jamais trop. »

Sa voix était tranquille, posée, comme s’ils se retrouvaient tout naturellement après seulement quelques heures d’absence, comme s’il avait toujours été là, dans cette pièce, et qu’il était tout à fait normal de l’y trouver. Elle s’avança vers lui, s’arrêtant à quelques mètres de distance, levant la main qui tenait la fléchette pour la lancer dans la cible en se mordant la lèvre, concentrée. La fléchette atteignit le coeur de la cible. Et Sanae fit un sourire victorieux, avant de reporter son regard sur le verre que tenait Logan. Ah, monsieur avait trouvé le bar. Elle enleva sa veste et la balança sur une chaise autour du comptoir haut de la cuisine. Un verre l’y attendait. Tournant le dos au sorcier, elle sourit un instant avant de s’en saisir. Un coude sur la surface lisse du comptoir, le verre dans sa main, elle lui fit enfin face, son regard s’accrochant au sien. Bon sang, ce que ce regard lui avait manqué… Elle but silencieusement une gorgée, légèrement amusée. Elle n'arrivait pas à cacher son plaisir de le voir. Elle n'en avait d'ailleurs pas envie.

Elle posa le verre.

« Alors, tu as trouvé une chatière pour animaux errants ? Laisse-moi deviner... Hm. » Son regard sonda son appartement avant de se poser sur le balcon. Une grimace. Un grognement. Idiote. « Ah...le balcon. » Elle leva les yeux au ciel, agacée par elle-même. « Bien sûr... ».

Elle se tut un instant.
Sa présence était aussi irréelle qu’un songe. Délirait-elle ? Etait-il vraiment là ?
Elle ne ressentait plus tellement de colère en cet instant, comme si cette dernière s’était évanouie au moment où elle l’avait aperçu. Peut-être parce qu’elle n’avait pas vraiment été en colère, mais parce qu’au fond, elle s’était sentie frustrée, inquiète, amputée de quelque chose.

« Elle était longue cette promenade... » souffla-t-elle, sans animosité. « Si tu es là, ça veut dire que je vais pouvoir arrêter de semer des petits mots derrière moi comme un genre de Petit Poucet ? »

Tu as retrouvé le chemin ?
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Sam 3 Oct 2020 - 23:04
Est-ce qu’il fuyait ou est-ce qu’il reprenait une existence mise sur pause ? Sans doute un peu des deux. Pas du genre à fuir, mais plus à mettre de la distance. Car les faits étaient là, c’était exactement ce qu’il faisait avec Sanae en cet instant. Réalité indéniable : il aurait pu passer la voir bien avant, avait déjà récolté quelques mots, en avait compris le sens, l’inquiétude, le besoin. Il savait, car il la connaissait, car des parts de son esprit restaient gravés dans le sien, rougeoyant dans ses cellules. Il le savait, et c’était justement pour cela qu’il s’éloignait. Parce qu’un tel besoin, s’il pouvait le comprendre, il n’avait jamais réellement eu à le gérer. Et surtout, parce qu’il griffait ses propres neurones. La peur ? En partie. Il faisait surtout face à l’inconnu, attiré par ce besoin légitime, profond, de retrouver celle qui partageait son fardeau, celle en qui il s’était reconnu aussi violemment, celle avec qui il avait eu une connexion dont il ne voulait pas se défaire. Celle dont le sort lui importait soudainement parce qu’à un moment, sans trop savoir quand, elle s’était mise à faire partie de lui. Deux âmes malmenées, soumises aux mêmes fers, chauffées à blanc sans cesse par la vie, par la brutalité de l’isolement que tout légimen de naissance se doit de vivre s’il est trop puissant. Et puissant, il l’était. L’esprit et de corps, la magie sourdant en lui, destructrice, à jamais contenue. Pourtant l’envie demeurait de l’abattre sur ses ennemis, sur ses amis même parfois, sur tous ceux lui faisant barrage. Ce qu’il avait reconnu en elle, c’était lui-même. Et instinctivement, il ne pouvait se permettre de renier ça. Mais comment l’accepter ? Comment admettre une telle intimité, une connexion pareille lorsqu’on a passé son existence entière à fuir les autres, à les prémunir de ce qui se cache au fond des barricades. Comment faire pour accepter les ombres d’un monde nouveau où demeurait une autre âme ?
 
S’il acceptait de sortir des abysses, ça n’avait pas été pour la retrouver immédiatement. Il s’était avancé, encaissant ce qui devait l’être, mais ça n’était pas auprès d’elle qu’il avait cherché contact ensuite. C’était auprès d’une autre. Des similitudes pourtant, mais un fait indéniable : l’éloignement mental, émotionnel. S’il se reconnaissait en elle, elle ne savait rien de lui comme il ne savait rien d’elle et ça, c’était nécessaire. Une façon de retrouver du contact social sans s’y noyer. Une façon de se protéger de la nouveauté, de quelque chose qu’il ne savait ni aborder, ni gérer, ni appréhender. Et pourtant, ce truc était là. Et ce truc lui manquait. L’évidence était là, indéniable, même s’il le voulait, il ne pourrait sans doute jamais s’en détacher. S’il gardait des fragments de ce qu’Ismaelle était au plus profond d’elle-même, ce n’était rien comparé à ce qui restait de Sanae en lui. Elle restait là, dans son ombre, à tout instant, sans qu’il ne puisse poser les mots dessus. C’était là, voilà tout.
 
Une autre ombre l’accompagnait d’ailleurs.
 
Mais il avait simplement décidé de ne mettre de mots – ou de maux – sur aucune des deux. C’était là, et il apprenait doucement qu’au fond, ça lui allait.
 
Il s’était attendu à sentir la fureur vriller dans ses cellules après cette absence. Et pourtant, étrangement, il la sentait se détendre en entrant, en lui faisant face. Une main tendue, elle faisait s’envoler une fléchette pour l’attraper au vol. Sort informulé, sans baguette, contrôlé ? Merde. Combien de sorciers en étaient capables ici ? Barrières levées, avait-elle un accès plus facile à une certaine puissance comme lui-même le faisait depuis toujours, vrillant de frustration l’intégralité du monde sang purs ?
 
« Ce n’est jamais trop. »
 
Un sourire en coin, féroce. Qu’as-tu créé ?
Rien qui n’existait déjà autrefois, muselé, interdit, mais jamais effacé.
 
Il l’observait se concentrer, la fléchette ne tardant pas à percuter le centre de la cible alors même qu’il prenait quelques gorgées d’alcool, calme, posture neutre. Savait-il seulement se positionner par rapport à elle à présent ? Non. Il agissait à l’instinct, sans chercher à attendre ou maîtriser quoi que ce soit. Sans chercher à être qui que ce soit.
 
Du regard il la suivait alors qu’elle défaisait sa veste, la posait sur une chaise. Pas sur le dossier, sur la chaise. Pas de réflexe de ranger ce qui devait l’être. Et plus de robes blanches ironiquement inappropriées. Non, tout en elle et autour montrait les changements que son âme avait encaissés. Problématique de réajustement, de se comprendre à présent que les bouleversements s’effectuaient. L’adolescence à côté de ça n’était qu’une promenade de santé. Alors il souriait, tranquille, face à celle qu’elle assumait être, lui faisant face, son regard accrochant le sien, le léchant des flammes qui n’avaient jamais cessé d’y brûler.
 
« Alors, tu as trouvé une chatière pour animaux errants ? Laisse-moi deviner... Hm. »
 
Un sourire.
En voilà une Sanae qui lui plaisait mieux. Piquante, violente, elle cherchait la réaction, la véhémence chez l’autre. Cesse donc de retenir tes coups, la demi-mesure ne te va pas.
 
Il ne répondait pas, son regard brillant alors qu’il voyait les rouages se mettre en place, s’activer les uns les autres jusqu’à trouver la bonne encoche, débloquant le problème pour en trouver la solution.
 
« Ah...le balcon. » 
 
Une expression d’approbation et il acquiesçait, silencieux.
 
« Bien sûr... »
 
Elémentaire mon cher Watson.
 
« Le problème est réglé. »
 
Un nouveau sort tissé tout autour, nouvelle protection, renforcée.
 
Le silence sur ses lèvres, partagé. Pas de gêne, pas de confrontation, rien qu’un moment pour se faire face. Il n’attrapait pas son esprit mais simplement son regard, s’imprégnait de l’électricité qui le gagnait d’ici, comme si l’aura de son âme pouvait l’atteindre, comme s’il pouvait l’effleurer. Sans doute le pouvait-il à vrai dire.
 
« Elle était longue cette promenade... » 
 
Je t’ai manqué ?
Il n’avait pas besoin de réponse à cette question.
 
« Si tu es là, ça veut dire que je vais pouvoir arrêter de semer des petits mots derrière moi comme un genre de Petit Poucet ? »
 
De deux doigts restants, il sortait un papier plié abandonné dans sa poche, le déposait sur un meuble non loin.
 
« Tu peux. »
 
Cherchant à retrouver sa forme, le papier s’ouvrait doucement sur la surface plane.
 
« Besoin d’excuses, d’explications ou d’être rassurée ? »
 
Son regard ne la quittait pas, son esprit pourtant calme, retranché. Pas d’animosité malgré ces mots qui pourraient être incisifs.
 
« Je ne te fuis pas. »
 
Un fait.
 
« J’ai plus ou moins réglé un détail qui devait l’être. Donc ça devrait arriver moins souvent. »
 
Un détail. La petite victime mijaurée reléguée au rang de détail. L’était-elle ? Loin de là. Elle était également la raison pour laquelle il avait évité de revenir ici. Trop de social pour lui, trop d’effort, trop de communication, trop de souffrance aussi. Trop d’humanité finalement. Il préférait les contacts plus simples, plus facilement décryptables qu’il obtenait avec Maeve. Plus évident, surtout, pour quelqu’un comme lui, qui avait passé l’intégralité de sa vie loin des autres. Un rapport plus instinctif, rassurant en quelque sorte, car plus proche de celui qu’il était. Ici, là, il était hors de quelque chose qui lui ressemblait. Instinctif, pourtant, mais tellement inédit qu’il ne savait pas le gérer.
 
Est-ce qu’il se justifiait ? En quelque sorte peut-être. Il l’anticipait, surtout. Données factuelles, faits apportés sans réelle implication. Logan lui apportait des éléments de réponse, voilà tout.
 
Un mensonge ? Dans le fond, peut-être l’avait-il fuit. Non pas elle. Elles. Mais lui-même, sans doute.
 
« Alors ? Comment vas-tu ? »
 
Demande-t-il, parfaitement conscient de l’état de l’appartement, du reste, et de ce que tous ces éléments disaient sur elle.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Dim 4 Oct 2020 - 22:35
Kezabel lui avait un jour demandé s’il y avait des conséquences pour un légimen à visiter les esprits des autres. Un léger rire amer lui était venu à cette question. Tu veux savoir ce qu’il se passe quand j’entre dans l’esprit de quelqu’un ? Et quand ce quelqu’un entre également dans le mien ? La réponse est toute simple.

Ça laisse des traces.

Elle l’avait véritablement compris à la mort de son père. Ils avaient passé tant de temps dans l’esprit l’un de l’autre, imbriqués, englués dans leur monde que les traces laissées par son esprit dans le sien lui étaient apparues brutalement alors. Hors d’atteinte, absent. Impossible de le toucher, de le sentir, et pourtant, elle le voyait dans son esprit, elle l’entendait dans ses souvenirs, elle sentait sa présence en elle comme s’il s’était glissé dans un recoin pour y demeurer à jamais. Là, dans une pièce de son esprit, assis à la table de la cuisine de leur maison au bord de la plage, le journal devant son nez, ses petites lunettes devant ses yeux, sourcils légèrement froncés, concentré, le corps droit dans son habit impeccable…il était toujours là. Silencieux. Apaisé. Et quand elle entrait dans la pièce, il abaissait le journal très légèrement pour la regarder et il souriait. Alors leurs regards se liaient et elle se sentait pleine à nouveau, elle en sentait la chaleur, la douceur.

Mais ce n’était qu’un souvenir.
Et dans ce souvenir, pas seulement des images, mais ce sentiment de se sentir lié à quelqu’un, accueillant l’esprit d’un autre en son sein, gardant un morceau de lui avec elle. A jamais.
Un reste de son père.
Un reste de leur vie.
Des morceaux, éclatés, dans son esprit.

C’était une chose de garder un peu de l’autre quand il demeurait sur la surface de la Terre. S’en était une autre lorsque cet être n’était plus là. Plus là physiquement. Alors elle avait beau lui en vouloir pour beaucoup de choses, elle avait beau avoir tant de questions pour lui, à jamais sans réponses, elle avait beau voir chez lui des défauts qu’elle n’avait jamais imaginé...il restait son père. Ce titre-là, il l’avait mérité. Et personne ne lui enlèverait. Personne ne pouvait faire disparaître cet homme de cette pièce au fond de son esprit, où il lisait toujours le journal. Et bon sang que la présence de son esprit dans le sien lui manquait. C’était comme manquer une caresse, une odeur, une sensation sur le corps donnée par un être aimé. Le corps se souvenait, lui aussi, de tant de choses. Chaque parcelle gardait quelque chose en mémoire. Les sens étaient parfois trop cruels quand on voulait oublier.

Alors, peut-être que c’était pour cela aussi que Logan lui avait manqué… Parce qu’elle s’était habituée à son esprit dans le sien, habituée à le sentir sillonner chaque souvenir, chaque recoin. Même dans la violence de l’intrusion, il y avait quelque chose de familier. Quelque chose qui était lui. Profondément lui. Là. Et ça demeurait encore après son passage. Comme une bouche pouvait laisser sa marque dans un cou, ou sur d’autres lèvres. Comme un parfum restait sur un vêtement. Comme un regard pouvait ne jamais être oublié. Son regard, elle s’y plongeait  pour la première fois depuis seize jours.

« Le problème est réglé. »

Le silence plana un instant, mais il n’était pas lourd. Pas pour eux. Ses silences, elle les connaissait maintenant. Ils ne la dérangeaient pas, tant qu’ils ne le faisaient pas dériver vers les limbes à nouveau. Leurs esprits ne se tendaient pas l’un vers l’autre, et pourtant elle sentait le sien en ébullition, muet, mais trépignant de ce besoin de se fondre, de se mêler. Un instant à se dire qu’il était à la fois tout à fait étrange et naturel de le voir chez elle. Un déplacement dans l’espace, un emboîtement évident. Bizarre. Tout comme l’était ce naturel qui glissait entre eux alors même que tensions il y avait en arrière-fond. Tension des attentes, des peurs, des questions. Et peut-être, au final, l’envie commune de ne pas en parler, de ne pas essayer de trouver les mots, de ne pas définir quoique ce soit. Cela aurait été bien désuet : ces mots, ils n’existaient pas. Elle avait beau parler plusieurs langues, trois couramment, elle ne trouvait rien dans son vocabulaire multiple pour donner un nom à tout ça.

Qui est-il pour toi ?
C’est Logan.
C’est tout.


Et ça lui allait. Et lui ? Est-ce que ça lui allait ? Est-ce qu’il l’avait évité parce qu’il nourrissait le projet de se défaire de ce lien ? Le pouvait-il ? Le ferait-il ? Mais le voilà présent ici, ce soir, dans son appartement….alors avait-il décidé de ne plus fuir ? Ou était-ce un au-revoir ?

Faites que ce ne soit pas un au-revoir.
Je souffre déjà d’un lien mort en moi.
Ne rajoutez pas une nouvelle absence cuisante.


Sa question, elle n’était donc pas anodine. Elle ne cherchait pas d’explications, pas vraiment. Elle voulait voulait juste savoir s’il allait rester, s’il allait arrêter de la fuir. Il glissa sa main dans la poche de sa veste et en sortit un papier plié entre les doigts qu’il lui restait. Son regard retomba sur le papier qui ne tarda pas à terminer sur un meuble. Et ses prunelles sombres retrouvèrent l’acier des siennes.

« Tu peux. »

Il avait gardé son mot. Il les avait tous lus donc. Bien.
Elle ne répondit pas, demeura impassible, la main toujours posée sur son verre de whisky. Il n’y avait pas d’animosité dans son regard, ni dans ses traits. A vrai dire, il y avait une sorte d’attente prudente.

« Besoin d’excuses, d’explications ou d’être rassurée ? »


Un souffle amusé. Une étincelle dans son regard. Moque-toi, va. Comme si tu allais t’excuser, comme si tu allais expliquer, comme si tu allais me rassurer….

Elle n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche.

« Je ne te fuis pas. »

Il semblerait, puisque tu es là.

Penchant un peu la tête, un étonnement discret surgissait dans ses prunelles.
Qu’est-ce que tu fais, Logan ?

« J’ai plus ou moins réglé un détail qui devait l’être. Donc ça devrait arriver moins souvent. »

Lui avait-elle demandé des comptes ? Il anticipait pourtant, les questions éventuelles. Un début de sourire commençait à faire frémir ses lèvres, sourire qu’elle retenait dans une perplexité amusée. Et dans le fond de son crâne, elle se demandait quel était ce « détail ». Un « détail » qui l’avait éloigné des jours durant de la maison sur la plage… Hm. Un détail donc.
Moins souvent.
Moins souvent.
Oh, mais alors, c’est ça que tu fais ? Tu expliques, tu rassures ?
On en est à combien de phrases là ?
Quatre. D’affilées.

Elle porta son verre à ses lèvres, sans le lâcher des yeux.

« Alors ? Comment vas-tu ? »

Elle faillit s’étouffer.
Un rire s’étouffa dans sa gorge, et Sanae pinça les lèvres, passa un doigt sur sa bouche pour essuyer l’alcool qui s’y était glissé.

« Pardon mais tu viens de faire cinq phrases d’affilées et j’étais pas préparée. Le « comment vas-tu » m’a achevée. »

Sérieusement, comment vas-tu ? On en est là ?

« Te force pas hein...t’es à deux doigts du claquage là. » fit-elle piquante et amusée.

La sorcière sauta de la chaise haute, abandonnant son verre sur la table. Un sourire espiègle étirait ses lèvres alors qu’elle faisait quelques pas pour se planter devant lui, son regard accrochant le sien.  Les mains jointes devant elle, l’humeur joueuse. L’humeur surtout, à le retrouver dans les piques acerbes et la vivacité de son esprit, dans la rudesse de ses paroles, dans la puissance de son être.

« On s'en fout de comment j'vais. Demande moi plutôt ce que j’ai fait... Là, c’est plus intéressant. »

Elle regarda en l’air un instant, réfléchissant. Un sourire carnassier et ses prunelles revinrent dans les siennes.

« Ou alors...on s’économise une longue conversation qui nous aurait fatigué tous les deux et on revient aux bases. Plus rapide. Plus pratique. Diablement plus amusant. »


Il y avait un empressement sauvage dans ses mots, une férocité qui animait son regard, y mêlant une sorte d’euphorie grisante de le voir là, de le sentir si proche, de pouvoir lui parler, enfin. De le retrouver, en somme, après s’être languis de sa présence. Entre la joie d’une enfant un peu malsaine et la force de volonté d’une adulte qui voulait percuter, heurter, ressentir encore son esprit dans le sien, il y avait un aveu muet.

J’en ai besoin.
Terriblement.
Parce que tu n’étais pas là. Tu m’as lancé à mille à l’heure comme une fusée et quand je me suis retournée, tu avais disparu.
J’en ai besoin.
J’en ai envie.


Envie, envie de partager tout ça avec lui. Oui, c’était intime toutes ces pensées, tous ces souvenirs. Oui, l’intrusion était toujours violente. Oui, elle ne devrait pas demander ça alors qu’il ne tend pas son esprit vers elle. Il n’en a pas envie peut-être.

Mais elle s’en fichait à vrai dire.
Parce que ce besoin exigeait une réponse.
Immédiate. Et qu’elle avait attendu seize jours.
Seize putain de jours.
Et qu’elle n’était plus la petite Sanae qui passe ses envies sous silence.

Son regard se fit plus incisif, plus tranchant, plus flamboyant. Et sa voix claqua dans l’air.

« De toute façon, pour avoir des réponses t’as pas vraiment l’choix. »

Elle lui reprit le verre des mains, le geste souple et ferme, le posant sur le meuble sans détacher ses yeux de lui. Il y avait du défi dans ce regard. Un défi assumé. Joueur. Provoquant.
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Dim 25 Oct 2020 - 22:54
Est-ce que c’était ce qu’il faisait ? Garder des morceaux des autres en lui, comme un secret, tandis que ceux-ci s’éloignaient, dérivaient loin de lui. Etait-ce une façon d’exorciser leur propre solitude, de renouer avec quelque chose qui est sans doute naturel pour les gens comme eux. Celle de capturer les instants, les brides de pensées, les sensations d’autrui. Les faire sien. Les amasser, les assimiler, se les approprier. Ils restaient là, les fantômes de leurs anciennes vies. Là, les angoisses d’Ismaelle, vestige de celle qu’elle avait été pour lui, bien au-delà d’une amie. Là, les adieux de celle qu’il avait aimé et pour qui il n’était plus qu’un inconnu. Là, les brides des autres qui s’entrechoquaient parfois. Là, les décombres absurdes d’existences d’ennemis autant que d’amis. Là, leurs joies, leurs peines, les débris de tranches de vie qui s’estompent pourtant au fil du temps. Et pourtant certains restent. Peut-être était-ce dû à ses propres besoins. Est-ce qu’il s’accrochait ? Est-ce qu’il gardait près de lui la violence de la guerrière qui refuse de chuter qu’Ismaelle n’avait jamais cessé d’être ? Est-ce qu’il cherchait à s’emparer d’un amour aussi profond que destructeur parce qu’il le savait à présent éteint, lointain ? Qu’importe celui qu’on est dans le fond. On a tous les mêmes besoins, les mêmes envies.

Les mêmes vides.

Alors que se passe-t-il lorsque l’un de ceux-là est comblé avec violence, d’une façon aussi inattendue qu’insoupçonnée ? On fait quoi ? Comment gère-t-on l’ingérable ? Peut-on accepter l’inévitable ?
Pourrait-il seulement jamais couper le lien qui les unissait à présent ? C’était là, Logan pourrait essayer de s’en défaire qu’il ne pourrait jamais nier ce qui était arrivé, ni le besoin profond de la retrouver, de ne plus jamais se défaire de ce truc qui l’appelait  à la vie, à la rage, à l’acharnement. Ce sentiment violent, profond, viscéral qui s’était réveillé à l’instant même où ils s’étaient percutés à leur tour. Ce truc qui le sortait des ombres, qui l’arrachait à la torpeur et faisait de nouveau bouillir son sang. Ce truc… ce truc correspondait à une proximité avec elle qu’il n’aurait jamais pu envisager avec qui que ce soit lui qui était toujours resté loin des Hommes, loin des autres, quels qu’ils soient. Mais ce truc, il ne voulait s’en défaire. Trop profond, trop gravé dans sa chaire, trop évident aussi. Mais terriblement angoissant. Alors ? Qui a la réponse ? Comment on gère une proximité totale, profonde, absurde, quand on est soi même toujours resté à distance de qui que ce soit ?

On tente des trucs.

Et ça se voit.

Il se détournait des fléchettes plantées dans le mur tandis qu’elle s’étouffait de rire dans le liquide ambré qu’il lui avait servi un peu plus tôt.

« Pardon mais tu viens de faire cinq phrases d’affilées et j’étais pas préparée. Le « comment vas-tu » m’a achevée. »

Un sourire amusé sur ses lèvres alors qu’il prenait à son tour quelques gorgées.

« Tu m’étonnes. »
«  Te force pas hein...t’es à deux doigts du claquage là. »
« Je confirme. »

Et elle l’avait déjà rejoint. Pas besoin de mots pour y voir l’évidence.

« On s'en fout de comment j'vais. Demande moi plutôt ce que j’ai fait... Là, c’est plus intéressant. »

Pas de question, juste un petit sourire alors qu’il la détaillait en silence. D’un sens parce qu’il était rarement le genre à demander. De l’autre parce qu’il savait qu’elle allait revenir sur ses propres mots. C’était là, ça grésillait dans ses pupilles, ça irradiait de sa peau. Pas besoin de tendre son esprit vers elle pour la sentir, cette électricité dans l’air. Comme les gens peuvent passer à côté d’informations lorsqu’ils se perdent en palabres.
Et le voilà, ce sourire carnassier, cette envie glaçante qui gonflait dans ses cellules. La voilà la violence qui jamais ne se tait.

« Ou alors...on s’économise une longue conversation qui nous aurait fatigué tous les deux et on revient aux bases. Plus rapide. Plus pratique. Diablement plus amusant. »

Et le sourire arrive en miroir.

Un appel plus qu’un défi dans le fond. L’expression d’un besoin précis qu’il partageait étrangement. La violence qui vous dévore les tripes, celle qui ne cesse de l’appeler, qui réclame depuis des jours maintenant, la proximité de deux esprits qui s’acharnes, se percutent, se violentent, se trouvent. Ce truc décharné qui n’avait cessé de le ronger.

« De toute façon, pour avoir des réponses t’as pas vraiment l’choix. »

De les ronger.

Sourire acide plongé dans son regard alors qu’elle prenait son verre et le posait plus loin sans jamais vraiment se détacher de lui. Sans jamais qu’il ne quitte non plus le défit de ses yeux. L’envie enragée qui sourdait de son organisme. Les pulsations instables qui émanaient de son esprit.

D’une main, il frôlait sa gorge, faisait riper son doigt sur l’os de sa mâchoire, détaillant avec amusement ce qui se dégageait de ce visage autrefois si lisse. Là voilà, la rugueuse, la bosselée, la complète.

L’écorchée.

« Il t’en auras fallu du temps... » L’ongle accroche l’épiderme. « .. pour finalement renoncer à bavasser. »

Autant que moi pour me décider à parler.

Sa mâchoire bloquée entre le pouce et l’index, un sourire vorace sur les lèvres. Dire qu’il ne partageait pas ses envies serait sans doute mentir. Alors l’instant suivant, c’était la déferlante, son esprit s’abattant sur elle comme des milliers de tentacules l’enclavant, l’englobant avec violence, percutant les parois de son mental pour l’emboutir tout à fait, se ruant en elle comme un animal déchaîné.

Ouais. Dire qu’il n’avait pas envie de ça serait mentir.

Oh mais prends garde Logan…

Si tu regardes trop longtemps l’abîme
L’abîme regardera en toi.
Nietzche.




La déferlante prenait possession de tout, accueillait les souvenirs un à un comme pour les dévorer. Qu’importe la résistance joueuse, il la contournait, la pulvérisait, s’engorgeait de cette puissance dans ses veines qui revenait au fur des jours passés. Ces derniers jours avaient beau ne pas avoir été des plus agréables, observant de loin Aileen se reconstruire, le visage illuminé depuis qu’il avait disparu de sa vie. Et pourtant, l’évidence était là. L’envie de vivre rugissant dans ses veines, plus encore depuis le contact qui avait suivi avec Maeve. Sentir son corps le lâcher comme ça, si faible par rapport à ce qu’il avait été … l’agaçait profondément. Alors il n’avait cessé de se mettre à l’épreuve. Et oui, il était bardé de courbatures. Et s’était remis à s’alimenter de manière plus classique. Comme quoi tout arrive.

Du mieux donc.

Et elle ?

Du bon et du moins bon. Mais dans tous les cas, de la vie, de l’honnêteté, du réel, du concret, du vrai. Pas des faux-semblants de merde. Pas des nuances, sans cesse. Elle ne s’était pas mise sur pause, elle n’avait pas mis ses émotions ou ses pensées sous une chape de plomb.
Il naviguait à vue parmi ses souvenirs, s’en gorgeait, s’en emplissant. La vie qui battait dans ses veines au même rythme que les basses exacerbées dans un night club quelconque, l’envie cramant ses veines, le besoin de profiter de ce qu’elle s’était toujours interdit faisant battre son cœur plus fort à chaque seconde. La joie sauvage d’être une ado en roue libre, de tester ses limites, de ne faire que ce qui lui plaisait, qu’importe les conséquences, qu’importe l’éthique, qu’importe les autres. Hors limites ? Oui, et alors ? Pourquoi eux et pas elle ? Pourquoi jamais elle ? Il comprenait ce sentiment.

Et puis franchement, qui veut d’une vie morne où on n’est que ce qu’on attend de nous ?
« Ah, si il est mou. Ça se voit. Pis, vraiment pesez votre réponse parce qu’il va falloir se l’enquiller tous les jours de votre vie hein. »

Et puis… cette Sanae là est quand même plus intéressante non ?
«  Ah non attendez ! J’ai pas fait le passage que tout le monde attends : Y A-T-IL QUELQU’UN QUI S’OPPOSE A CE MARIAGE ? Si oui, manifestez-vous parce que les jeux sont quasi faits là. Alors ? Pas de maîtresse ou d’amant caché ? Non ? Personne ? C’est décevant. »

Est-ce qu’elle bousillait une belle journée parfaite de gens bien sous tous rapports ? Oui. Et bordel que c’est bon de l’exploser cette foutue perfection. Qu’ils le fatiguaient, ces gens mous et sans intérêts.

Et pourtant, elle était là, la culpabilité. Jamais vraiment très loin dans le regard effrayé du prêtre, dans la douleur évidente de Kezabel. Elle est là, toute l’horreur de la condition d’un être humain, toute la déchéance, toute la souffrance. Toute celle qui l’emplissait totalement alors qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, incapable de savoir qui des deux elle était réellement. Une ombre dans la pénombre oui, en dehors des Hommes, en dehors du monde, refusant les contacts, quels qu’ils soient. Jusqu’à ses plus proches… car devant elle, le téléphone ne cessait de s’allumer. Kezabel, encore et encore. Mais pour ça, encore faudrait-il pouvoir expliquer comment on en est arrivé là. Expliquer qui on est. Comment fait-on ça quand, dans le fond, on n’en a plus aucune idée ?

On l’invite à entrer.

Merde, qu’elle avait appris rapidement à se servir de ce sort, cette gosse.
« Comment est-ce que j’ai fait pour passer à côté de tout ça. Putain. Comment est-ce qu’un homme que tu connais à peine a pu te lire mieux que moi. »

Amusé ? Un peu.
« S’il n’était pas entré dans mon esprit, il ne l’aurait sans doute jamais su Keza. C’est aussi simple que ça. Et tu sais à quel point j’ai pu te préserver…des autres, mais aussi de moi. Je n’aurais jamais accepté que tu comprennes avant aujourd’hui. »

S’il n’était pas entré, ne l’aurait-il réellement jamais su ? Ce n’était pas son opinion, mais grand bien lui fasse si elle préférait penser ça. Ou ménager les sentiments de la jeunette ainsi.  Dans tous les cas…
« Peu importe qui tu es, ce que tu deviens ou ce que tu veux être, je ne bougerais pas. Et ce que je vais vu là n’est pas un monstre Sana, mais quelqu’un qui s’est retrouvé muselé jusqu’à aujourd’hui et qui décide enfin de tout envoyer se faire foutre. Et ça me donne milles raisons supplémentaires de ne pas te tourner le dos. »

Dans tous les cas, elle serait là pour elle. Qu’importe qui elle était, qu’importe ses dérives, qu’importe la violence, qu’importe la perte de repère. Est-ce qu’il sentait le soulagement ? Oui. Et sa propre amertume ? Aussi.

Mais il était aussi irrémédiablement attiré par la suite. Parce que là, il sentait la présence de celui qu’il cherchait finalement tant à protéger.

La compréhension, la douleur, la peur, l’acceptation, la terreur, l’amertume, la rage, la volonté, la détermination, tant d’émotions qui l’assaillaient à mesure que chaque souvenir passait, s’effaçait, donnait suite à un autre. Il le voyait évoluer devant ses yeux, ce jeune qu’il connaissait dans le fond si bien, arrivant pas à pas exactement en lieux et places prévues. Ce regard, il ne pouvait que le faire sourire doucement. Il le connaissait, l’avait vu dans ses yeux bien plus jeunes autant qu’il se peignait sur ses traits dans le miroir par moments. Cette détermination froide, il la lui connaissait et s’il y avait bien quelqu’un capable de s’avancer et de faire ce qui devait l’être, c’était lui. Alors cette conversation avec Warren, elle ne le blessait pas, le faisait sourire doucement, tristement. Est-ce qu’il devrait y arriver ? Peut-être. Le laisserait-il faire ? Il y a quelques semaines, il y était résigné. A présent… a présent d’autres envies s’affrontaient dans son esprit.
« La peur que tu éprouves, je sais qu’elle est tenace mais elle est ta pire ennemie.  Tu dois l’étrangler, la faire taire, prendre le contrôle une bonne fois pour toute parce que tu sais exactement quoi faire et comment faire pour cacher ce qu’il faut cacher, mais tu te laisses dominer par elle. »

Ce qui était certain en revanche, c’était cette évidence. Chacun jouait parfaitement son rôle, avançant tranquillement sur l’échiquier.
Pourquoi à votre avis appelle-t-on ces parties des parties… d’échec ? Qui gagnera dans le fond ? Sans doute personne. Pas plus qu’il n’était vainqueur depuis bien des années.

« Sale con. »
Un sourire, amusé, douloureux, se peignait pourtant en silence alors qu’il délaissait le souvenir, creusait plus avant, s’imprégnait du reste.
« Vous savez que c’est pas nécessaire hein ? J’suis pas dangereuse.
-Vous avez semé deux agents de sécurité et vous êtes alcoolisée. De plus, c’est le protocole. »
- Ouais...mais ils étaient lents. »

Explication valable. Quoi ? Ça ne leur suffisait dont pas ?

Je t'assure que nous autres morts avons le plus violent désir de retrouver notre vie corporelle.
L’Illiade


Et puis, elle était là, la joie. Non pas sauvage cette fois, ou du moins  pas tout à fait du même ressort. Enfantine, puissante, vibrante. Celle qui l’englobait tout à fait et l’emportait, lui, au passage, l’émotion grisant ses cellules ignares.
«  Vraiment ? … c’est fou ça parce que… je me vois également comme un genre de loup, avec au moins autant d’appétit. »

Il aurait presque pu ne pas l’entendre tant la sensation ne lui était pas familière. Privé ad vitam eternam d’enfance, ces émotions lui étaient étrangères, s’insufflaient en lui comme un poison absurde. Et pour une fois, la question se retournait contre lui : pourquoi elle et pas lui ? Cherchait-il à la faire vivre par procuration là où lui ne pouvait qu’échouer ?
« Du coup, t’arrivais à bander ou pas en prison ?Non parce que d’un point de vue psycho-magique, c’est intéressant.   ».

Heureusement qu’elle était là pour l’arracher de ses propres pensées parasites afin de le ramener dans le droit chemin hein. Celle qu’il avait connu quelques semaines plus tôt n’aurait jamais sorti un truc pareil et le rire qui passait sa gorge avait sans doute lieu dans sa réalité plutôt que dans son souvenir. Et pourtant son hilarité crissait dans cet esprit qui n’était pas le sien. Il validait l’impertinence.

Roue libre, les envies passaient les unes après les autres, l’amenant auprès d’un autre homme, dans il ne savait quel immeuble de Londres. Et cette douceur. Cette putain de douceur qui l’insupportait.

J’t’ai mal habituée toi.
« Ce n’est pas avec moi qu’il faut se retenir. »

Non, c’est toi qui te retiens. C’est toi qui l’éloigne quand ses lèvres descendent trop au sud. C’est toi qui fuis, mine de rien. Parce que dans le fond, tu crains tant le dérapage. Parce que t’as beau penser à la frayeur du prêtre, au final c’est bien toujours ta terreur de blesser qui l’emporte. Pourtant. Pourtant, ça, ça ne lui avait pas échappé :
« L’innocence, c’est surfait. »

Oh que oui, ça l’est.

Il aurait pu se dire qu’il l’avait convertie, que son cynisme faisait son chemin, que ses besoins, ils se retrouvaient finalement en elle. Mais ces pensées n’avaient pas à se frayer un chemin puisque les souvenirs le faisaient à leur place. Une tempête qui rugissait. Le besoin de dominance, violent, puissant, qui englobe tout sur son passage, rugit d’envies, parcoure de feu son organisme. Celle avec qui elle se découvrait ainsi, il la connaissait bien sûr. Après tout, c’était lui qui l’avait engagée. A son service dans ce qui lui semblait par moment être une autre vie. Gêné d’entrer ainsi dans l’intimité d’inconnus, voire pire, d’employés ? Pas le moins du monde. Quand on a accès aux esprits des uns et des autres depuis son plus jeune âge, la notion d’intimité est parfois surfaite. Et là ce qui cramait ses veines était bien loin d’une quelconque pudeur. Aucun rapport avec Margo, Naveen ou même Gary, bien évidemment, mais d’un mode de fonctionnement commun, de ses propres affrontements avec Maeve, de la violence des contacts. Et parce que ce sentiment, il ne venait pas que de lieu mais bien de l’esprit dans lequel il était plongé. Il n’est parfois pas simple de faire la part des choses lorsqu’on se noie dans l’autre.

Et c’était alors qu’il allait faire marche arrière qu’un autre souvenir était venu le happer. L’angoisse. Le sentiment de rejet. Seule, dans cette grande baraque où il n’était plus. Seule dans la maison près de la mer. A déposer quelques papiers. Et en elle cette sensation dévastatrice, celle de l’anxiété de perdre le seul être au monde capable de la comprendre et d’appeler en elle le monstre sans s’en inquiéter. Et l’inquiétude. Celle qu’il n’attendait pas et qui le happait soudainement. Celle qu’il avait compris à mi-mot pourtant, mais qu’il niait car elle lui était étrangère.

Les tentacules s’arrachaient de là, laissant trace de leur passage, et pourtant, il restait là, tout autour d’elle, douloureux sans doute, à lécher les portes de son esprit, comme pour rappeler sa présence, immuable, dominante.

Ses doigts n’avaient pas bougé. La gorge, la mâchoire. Son regard dans le sien. Son sourire vorace, tellement vivant à présent qu’il refusait tant de se laisser avoir de nouveau.

« Une semaine somme toute classique non ? »

Moquerie ? Si peu.

« Je disparaissais une semaine de plus et je retrouvais Londres à feu et à cendres… même pas besoin de le faire moi-même. »

C’est finalement une bonne technique pour se débarrasser des Supérieurs non ? Ou simplement de tout flamber pour le plaisir. Après tout, après une bonne culture sur brûlis permet de repartir sur de bonnes bases non ? Non ? On aura essayé.

Il souriait, s’approchant d’elle, sa mâchoire enserrée dans ses doigts brusques, comme s’ils retrouvaient depuis deux semaines plus de force. Pas qu’une impression. A défaut de Londres, c’était bien son corps qui renaissait doucement de ses cendres. Enfin, doucement. Façon de parler. Sourire puissant, imprenable, virulent.

« Quel monstre ais-je révélé-là ? »

Il peut être drôle comme entre certaines lèvres, le terme de monstre puisse être utilisé comme une insulte. Les siennes, par exemple, sans doute, fut-un temps. Mais pas celles de celui qui se tenait là. Pas celles qui exultaient de ce résultat. Celles qui aimaient la voir vivre, prendre ce qui lui revenait de droit, avoir accès à des choses qu’elle se refusait jusqu’ici. Des choses qu’il ne connaitrait pas lui-même. Un défit bien plus qu’une accusation, dans cette remarque.

Ses lèvres à quelques centimètres des siennes ? Son envie ou la sienne ?

« Encore des interdits pourtant.. des inquiétudes. Tu commences à connaître tes limites ? »

Celles que tu souhaites poser. Indépendamment des volontés des autres. Celles que tu peux décider de franchir à ta guise mais qu’il est important d’avoir identifié.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Ven 30 Oct 2020 - 23:03
Il n’y avait rien de plus fascinant à trouver soudainement une autre ombre, un autre esprit qui captait la fréquence du sien. Ombres et ondes jumelles, s’écoutant et se comprenant alors qu’ils captaient le son de l’autre. La voix, les pensées, les douleurs et les envies. Le silence les avait englouti pendant trop longtemps pour ignorer l’appel incessant de l’autre, comme une mélodie que l’esprit ne voulait pas oublier, comme une odeur dont on ne pouvait se défaire, comme une image, là, brûlant les rétines, demeurant vive à chaque fois qu’on fermait les yeux. Les sens, l’esprit, tout se souvenait, se raccrochait au déferlement dans lequel ils s’étaient reconnus. Et ça pulsait. Sous l’épiderme, dans les veines, dans le coeur, dans le crâne...ça pulsait comme un tiraillement de l’être, comme un pincement quelque part qu’on n’arrivait pas à soulager, à faire taire. L’attente, le manque étrange et angoissant. Parce qu’il ne s’agissait pas d’une envie, d’un caprice, mais d’un besoin. Aussi déstabilisant que cela puisse être, Sanae avait terriblement conscience de ce besoin qui grondait en elle. Aurait-elle pu l’ignorer, le nier, le balayer au loin pour s’éloigner de Lui ? Non. Il y avait des combats perdus d’avance, et elle savait reconnaître la défaite. Aurait-elle du s’éloigner de Lui ? On pouvait rire amèrement de cette idée. Posez la question aux faibles, aux naïfs, aux doux, aux gens plein de foi, aux choyés, aux âmes bercées par le miel d’une vie simple et tendre… ils vous répondront que oui, elle aurait du plus que tout rester à distance, laisser le danger, le tumulte d’un être aussi instable loin d’elle, loin de sa vie.

Mais son tumulte, c’était aussi le sien.
Son instabilité, elle faisait écho à la sienne.
Et cette distance, elle n’aurait eu aucun sens, aucun intérêt autre que de se couper de l’intensité du lien à peine né. Parce que ça faisait peur tout ça. Ça réchauffait autant que ça glaçait.

Elle n’était pas la jeune ingénue d’un roman ; elle n’était pas la passive jeune femme ballottée par les désirs d’un homme ; elle n’était pas la fragile, la victime, l’invisible…  Elle était la guerrière, l’effrontée, l’impudente, la lame d’un katana qui tranchait, l’allumette craquée qui voulait tout incendier, elle y compris. Surtout elle-même, à vrai dire. Et il n’y en avait qu’un seul qui pouvait résister à l’incendie total et complet de son être. Parce que son souffle à lui, brûlait autant qu’il fascinait. En vérité, elle aurait du avoir peur. Peur de ployer, peur de cette proximité ahurissante, profonde à laquelle ils ne semblaient pas pouvoir résister. Le voulaient-ils ? Elle était là, il était là et  il n’y avait ni colère, ni rancoeur dans l’air. Et si peur il existait, c’était celle de la découverte étrange de ce qui les reliait désormais. Que faire de ce lien, à part l’accepter, à part faire avec, à part le vivre sans essayer de le contrôler ? Combattre quand même ? Mais pour briser un tel lien, même la mort est impuissante. Elle ne le savait que trop bien. S’abattre ne servirait à rien, ne ferait rien disparaître à part cette présence tangible de l’autre. S’éloigner ? Combien de mètres, de kilomètres, de pays, de continents, d’océans pouvaient effacer cette intimité ? Le besoin ne se ferait que plus grand, que plus sourd. Seize jours et son esprit recherchait le sien. Seize jours et ses yeux quémandaient son regard. Seize jours et sa violence hurlait à la mort de ne plus trouver sa jumelle.


« Comme si nos mains, nos flancs, nos voix, nos âmes eussent été confondus ! Ainsi, on nous a vues croître ensemble, Comme deux cerises, apparemment séparées, mais réunies par leur séparation même, fruits charmants moulés sur une seule tige : deux corps visibles n'ayant qu'un seul coeur, deux jumelles »
Songe d’une nuit d’été, Shakespeare


Elle avait longtemps cru au destin, au mystère de l’Univers jouant aux échecs, tirant sur des files, se riant des conséquences...comme un Dieu invisible sans morale, sans lois, sans règles. Pas d’idée romantique, idéaliste là-dedans. Si destin il y avait, il était d’une cruauté absolue et si on pensait le contraire, c’était que l’achèvement de ses plans ne nous était pas encore connu. Parce qu’à retracer son chemin, Sanae voyait les routes qu’elle avait prises : et si son père n’était pas mort ? Et s’il n’avait jamais entendu parler des plans des Supérieurs ? Et s’il avait réussi à empêcher la mort de ce gamin, gamin condamné par la force des choses dans un « Non » qui venait de l’homme qui lui faisait face en cet instant ? Et si elle était restée dans cet orphelinat ? Et si elle n’était pas devenue médicomage ? Et si elle n’avait jamais intégrée la Garde ? Et si l’idée de la placer sur le chemin de Logan n’était jamais venue ? Et si… ? Et si… ? Et si… ? Obsédantes questions. Ne se serait-elle jamais libérée ? Serait-il encore ensommeillé ? Étrange cours des événements qui les liaient.

Fais un vœu.
Je ne veux plus être seule et muselée.

Accordé.

Vous n’avez jamais lu ces histoires ? Il y a toujours un prix à payer, non ? C’était une règle universelle, un équilibre à conserver. Oui, elle sentait ce lien qui les unissait et qui lui donnait l’impression d’être mieux comprise que jamais, mais elle payait jour après jour le prix de sa violente libération. Et lui ? Quel prix payait-il ? Ne l’avait-il pas déjà payé finalement, tout au long de sa vie ? Qu’avait-il fait durant son absence ? Quel était ce détail qui l’avait retenu loin ? Mais elle savait déjà que ce n’était pas la seule raison. Il l’avait fui, oui. Bien sûr qu’il l’avait fait. C’était bien pour cela qu’elle s’était agacée, qu’elle avait eu peur, qu’elle s’était inquiétée. Inquiétude qu’il semblait deviner, parce qu’autrement, il ne l’aurait pas anticipée. Aussi surprenant que cela pouvait être pour elle, si habituée à ses silences, il prenait la parole plus que jamais.

« Tu m’étonnes. »
«  Te force pas hein...t’es à deux doigts du claquage là. »
« Je confirme. »

Un sourire amusé qui répondait au sien.

Oui, tu fais des efforts, tu tentes des choses qui te sont étrangères. Pourquoi ? Parce que tu penses que j’en ai besoin ? Parce que tu ne sais pas quoi faire d’autre ? Ta présence répond à la seule question que j’ai en moi : elle n’a pas besoin de mots, il n’y en a pas vraiment à formuler. Tu es là, alors que tu pourrais être ailleurs. Et c’est déjà bien plus que ce à quoi je m’attendais, que ce à quoi je m’étais préparée.

Alors il ne fallut pas bien longtemps pour que la sorcière se rapproche, pour qu’elle vienne lui faire face dans cette proximité des corps qui n’était rien en comparaison de ce qu’avaient connu leurs esprits. Et encore...le sien, à lui, demeurait plein de secrets. C’était sans doute pour le mieux, malgré sa grande curiosité à elle. Il l’avait laissé entrer une fois, et c’était déjà sans doute trop pour lui.

Les sourires carnassiers, acides, féroces se saluaient, se retrouvaient comme un effet miroir. C’était fou comme les choses paraissaient naturelles et néanmoins à l’opposé de ce à quoi ils étaient habitués. Parce que ce rapprochement, ce peu d’espace entre eux, sans savoir pourquoi, Sanae le recherchait, avide presque de cette intimité ; il n’y aurait rien eu de naturel aux yeux des autres dans cette proximité pourtant, elle était aussi surprenante qu’inédite.

Les regards se trouvaient, se fondaient l’un dans l’autre, refuges à l’intensité familière. Le défi, l’invitation, peu importait le mot, était là et vibrait dans l’air qui les séparait. Elle sentait sa présence plus que jamais, attendait le moment où son esprit s’étendrait vers le sien comme si elle attendait un lever de soleil imminent, une explosion attendue. Elle ne bougea pas, ne cilla pas quand la main du sorcier se leva vers elle pour venir effleurer sa gorge ; au contraire, instinctivement, elle releva légèrement le menton, un sourire joueur aux lèvres. Et l’ongle ripa sur la ligne de sa mâchoire et c’était son âme qui était délicieusement griffée.

« Il t’en auras fallu du temps... pour finalement renoncer à bavasser. » Elle entrouvrit légèrement les lèvres, un souffle amusé les franchissant alors qu’elle sentait son ongle dans sa peau. Un ongle presque planté dans son épiderme n’était rien face à l’ancrage de son esprit dans le sien. Une broutille, insatisfaisante. Mâchoire emprisonnée, Sanae ne quittait pas son regard et le sien se faisait déjà éclairs sur ciel sombre. Lorsqu’un sourire vorace apparut sur les lèvres de Logan, sa bouche s’étira davantage parce qu’elle savait...que c’était le moment.

Son ventre se noua d’excitation, ses doigts la chatouillaient, sa peau vibrait. Et enfin, la violente bourrasque vint secouer son esprit, la percuter de plein fouet, ébranler ses barricades. Dire que certains redoutaient ce geste mental, dire que certains ne voyaient en lui que douleur et intrusion...oh, comme elle était aux antipodes de tout cela. La douleur, elle la savourait, la connaissait, la faisait sienne ; l’intrusion, elle la trouvait délicieuse et...nécessaire, comme si d’un seul coup, sa bouche sèche trouvait de l’eau. Bien sûr que par jeu elle résistait, bien sûr qu’elle voulait le titiller rien qu’en essayant...parce qu’au fond, ils savaient tous deux qu’elle ne voulait pas résister, qu’il n’y avait pas à résister, et que même si elle le voulait, ce serait une bataille acharnée qu’elle finirait par perdre.

Et les souvenirs affluaient, déroulaient leurs images et leurs paroles comme un film qu’on visionnait ; sauf qu’il était là, implanté dans sa tête aussi profondément que s’il était elle, et qu’il ne faisait pas que voir, qu’entendre, mais il ressentait, engloutissait les sensations, les émotions. Des tentacules la transperçant de part en part pour emprisonner dans leurs membres tous les souvenirs qu’il n’avait pas encore vu, toutes les pensées. Les doutes, les craintes, les joies, les tristesses affligeantes. Alec, Kezabel, Naveen, Gary, Margo… Oh, Margo...le souvenir réussit à perturber son organisme, à faire resurgir la fusion des corps qui se percutaient, l’envie mordante de posséder l’autre jusqu’à la folie, et ce besoin brutal de dominer, de contrôler, de soumettre. Quelque chose à laquelle elle ne s’était pas préparée, n’avait jusqu’alors goûtée que par petites miettes et qui avait pris toute son ampleur à l’instant où ses lèvres s’étaient collées à celle de la sorcière blonde.
Et le flot d’images dénouait les instants de sa vie lancée à vive allure...

Elle se découvrait oui, allait d’envie en envie, de besoin en besoin, soif inétanchable qui lui vrillait les sens, qui la poussait à aller toujours plus loin sans vraiment savoir ce qu’elle recherchait ni l’endroit où tout s’arrêterait. Elle prenait de la hauteur, toujours plus de hauteur et à mesure que le sol disparaissait au loin, en-dessous d’elle, la chute s’annonçait. Et elle fermait les yeux, regardait devant elle le soleil qu’elle voulait toucher, en savourant la chaleur, tandis qu’une main se préparait à couper le file de son ascension. Et cette main...ne serait-ce pas finalement la sienne, à elle ? Sa propre main. Ses propres envies incontrôlables.

Incontrôlable. Elle l’était devenue. Et pourtant, elle faisait des efforts. Le souvenir d’Alec surgit dans son esprit et elle se tendit imperceptiblement, parce qu’il y avait encore un peu de colère en elle tandis qu’elle découvrait le plan de Logan, qu’il se faisait cruellement jour dans cet entraînement avec son cousin. Sale con. Oui, sale con. Son sourire ne lui échappa pas, l’amusement plein de douleur se dessinait sur ces lèvres. Et en réponse, la colère et l’inquiétude flambait dans les prunelles de la sorcière. Les questions viendraient après.

Le souvenir s’effaça et laissa place aux autres. Gary. La fête foraine. Ce putain de sentiment de fièvre enfantine, pleine de liberté et d’insouciance qui l’avait enivrée d’une sensation nouvelle. Jamais elle n’aurait cru ressentir ça. Mais c’était là, bien présent. Le manque d’empathie, l’indélicatesse, elles aussi, étaient présentes.

« Du coup, t’arrivais à bander ou pas en prison ?Non parce que d’un point de vue psycho-magique, c’est intéressant.   ».

Petit sourire plein d’insolence, sans qu’elle ne puisse s’en empêcher alors qu’elle tendait s’échapper de Logan un rire de gorge qui fit vibrer ses oreilles. Il ne riait pas souvent. Elle le savait. Mais oh, comme c’était bon à entendre.

Alors qu’il avait parcourut son souvenir de Kezabel, Sanae s’était faite la réflexion que lui, sans doute, n’avait jamais entendu ce genre de mot à son égard. « Peu importe qui tu es, ce que tu deviens ou ce que tu veux être, je ne bougerais pas. ». Et la réalisation déstabilisante que probablement, elle pouvait être une des seules à les lui adresser à lui un jour ; mais il n’était pas apte à les entendre, à les comprendre pour lui-même, à les accepter, à les ancrer en lui. Ces mots-là, ils étaient interdits sans doute. Parce qu’ils étaient vrais….parce qu’elle acceptait ce qu’il était, voudrait être. Même si ça faisait mal, même si ça ne lui plaisait pas, même si les autres le haïraient, le rejetteraient. Mais comment faire comprendre ça à quelqu’un qui avait été trop longtemps rejeté pour accepter l’impensable ? Impensable acceptation, impensable inquiétude, impensable affection. Oui, le mot était poison, le mot était dangereux, le mot était secret. Secret ? Ne le sentait-il pas ? Là, dans ce dernier souvenir où elle recherchait sa présence dans la maison sur la plage ? N’était-ce pas pour cela qu’il s’extirpait alors ?

Dans la vulnérabilité de son existence exposée, Sanae s’emplissait d’un sentiment étrange à la pensée que finalement elle n’avait jamais eu de secrets pour lui. En aurait-elle un jour ?


Les tentacules s’extirpèrent de son esprit et un nouveau souffle réchauffa ses lèvres entrouvertes. Il demeurait là, tout autour d’elle, dans une douloureuse présence qui lui avait bien trop manquée pour ne pas l’apprécier, la savourer. Elle le sentait l’englober, son esprit, son âme, peu importait, il était là. Et ses doigts ne défaisaient pas leur prise sur elle. La sorcière observait ce regard vif, incisif, si propre à lui, si unique dans son intense brutalité.

« Une semaine somme toute classique non ? »

Un souffle amusé, léger rire remontant dans sa gorge comme pour se moquer d’elle-même.

« Rien de plus banal. »

C’est ça...moque toi.

« Je disparaissais une semaine de plus et je retrouvais Londres à feu et à cendres… même pas besoin de le faire moi-même. »

Un sourire de diable étira ses lèvres alors qu’elle joignait ses mains dans son dos, son regard noir étincelante des flammes qu’elle imaginait déjà.

« Oh, mais je n’aurais jamais osé plonger Londres dans le chaos sans toi voyons... »

Ça n’aurait pas été aussi amusant…
Mais ça aurait eu le mérite de le faire rappliquer directement cela dit… Qui sait ?
Peut-être qu’au final, c’était ça qu’elle voulait...foutre le feu et regarder tout cramer en s’enorgueillissant d’avoir craqué l’allumette.

Sans doute était-ce une autre allumette qui voulait s’enflammer alors qu’il se rapprochait, souriant...oh ce sourire qui l’appelait, qui la tirait vers des choses malsaines et pourtant si diablement savoureuses. La distance se réduisait et elle souriait plus largement encore. Il n’était pas juste celui qui établissait un contact le premier, mais aussi celui qui se rapprochait dangereusement d’elle...sa mâchoire toujours entre ses doigts, prise ferme. Monsieur retrouvait-il donc de la force ? En voilà une bonne nouvelle...

« Quel monstre ais-je révélé-là ? »

L’amusement répondait à la virulence du sourire et l’éclat de ses prunelles scintilla plus ardemment.  Ses mains se délièrent et vinrent trouver les pans de sa veste, agrippant la ligne descendante, glissant dessus en le dévisageant.

« Celui qui n’attendait que ça... »

Aurait-elle du s’offusquer de ce mot ? Oh, non. Ce mot lui plaisait, là, passé entre ces lèvres qui se rapprochaient d’elle, qui n’étaient plus qu’à quelques centimètres. Ce mot, ils le partageaient. Cette condition, si spécifique, elle était la leur. Deux légimens rejetés par la vie, de manières si différentes, et pourtant, aux douleurs qui se reflétaient si facilement dans le terrible vide d’une solitude amère. Et voilà qu’ils s’étaient trouvés, après tant de temps d’errance parmi ceux qui ne pouvaient les comprendre. Drôle de Destin donc.

« Encore des interdits pourtant.. des inquiétudes. Tu commences à connaître tes limites ? »
Un petit rire amer. Elle détournait les yeux un instant avant de les poser sur lui.

Elle se rapprocha davantage, pencha légèrement la tête, ses deux orbes noires plongées dans l’acier. Ses mains glissèrent sur la veste, remontant sur les épaules, s’ancrant sur lui alors que leurs lèvres  étaient déjà si proches. Et voilà qu’elle susurrait dans leurs souffles mêlés.
« Mes limites ? Oh...je les sens céder les unes après les autres alors que je m’accroche aux derniers risibles interdits. Elles tremblent alors que je m’avance à toute vitesse et je me découvre des envies capables de les défoncer. Alors non, je ne commence pas à connaître mes limites. Je les fais ployer sans pouvoir m’en empêcher. » Son ongle venait griffer le tissu sous la veste, là, contre son torse, dans un sourire mauvais.

L’obscurité de son regard se chargeait d’électricité. Pas de regret, pas de peur véritable, seulement une résignation fragile, celle d’une âme qui sentait que tout allait lui échapper.

Non, je ne connais pas mes limites. Je tente de m’en imposer mais elles me coûtent. Elles cèdent, se retrouvent écrasées. Mes tentatives sont vaines, je le sais. Je me contrains à un contrôle dérisoire, je tente de demeurer stable alors que je ne sens pas le sol sous mes pieds. Mais je sens, là, quelque chose monter, grimper, s’acharner...et je me contente de freiner du mieux que je peux, et tout m’indique que je n’arriverai pas à arrêter quoi que ce soit.

Et ses ongles griffèrent le tissu de la veste, déjà irrités de trouver ce rempart. Son esprit se tendait, venait caresser le sien qui était tout autour d’elle, venait titiller la présence invisible. Oh, oui, elle en avait des envies. Des envies dérangeantes, instables, qui crissaient dans son être. L’entraînement avec Jordane en avait vu en naître une. Une qu’elle avait toujours soupçonnée sans pouvoir la nommer. Une qu’elle n’était pas prête à assumer mais qui venait perturber son organisme ; alors elle se concentrait sur d’autres, plus évidentes et qui hurlaient tout aussi fort.

Une main remonta sur le bras tendu entre eux, glissant sur la manche, sur la main dont le contact l’électrisa et ses doigts vinrent recouvrir ceux qui maintenaient sa mâchoire, capturant le pouce qu’elle amena à ses lèvres pour le coincer entre ses dents dans un sourire monstrueux, sentant la chair à l’orée de sa bouche. Elle le libéra d’un seul coup en rejetant sa main, un sourire joueur aux lèvres.

« J’ai pas envie de parler. Je veux jouer. »

Joue avec moi Logan.
Violemment.


Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Jeu 5 Nov 2020 - 23:00
Le tumulte est là. Il n’a finalement jamais tout à fait cessé de sévir. Pourquoi fuir, pourquoi s’éloigner ? Parce qu’il lui restait une vie à enterrer, bien sûr. Parce qu’il recherchait un oubli essentiel à cet instant de sa vie. Parce qu’il réclamait tant de choses à vrai dire. Mais que parmi celles-ci, l’une l’appelait beaucoup trop pour qu’il s’en prive à jamais. Ce qui s’était passé avec Sanae la fois précédente, il ne l’avait pas anticipé, pas vue venir. Pourtant, il savait ce qu’il cherchait à provoquer, il connaissait d’instinct le monstre qu’il appelait à lui de quelques mots, quelques affirmations, quelques piques. Oh qu’il la connaissait, elle. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était d’être reconnu à son tour. Durant toute sa vie, quoi qu’il fasse, quoi qu’il espère et quoi qu’il obtienne, il n’avait jamais été rien d’autre qu’un étranger. Un mystère. Une ombre. Un danger. Peut-être était-il toujours tout cela pour Sanae d’ailleurs. Mais comme ce qu’il avait vu dans les prunelles de Maeve, il détectait là une forme de reconnaissance muette. Un besoin immuable de se trouver dans l’autre. De briser le miroir pour découvrir qu’il n’en était pas un. Et si l’envie de découvrir l’autre dans un élan de ce truc similaire qui grondait en eux cramait ses cellules quand il se trouvait avec Maeve, avec Sanae, ça n’était pas le même processus. Il la connaissait. Il savait. Chaque rire, chaque pleur, chaque cri. Chaque intrusion dans son être s’était faite un peu plus absolue encore. Pas pour réellement la connaître à vrai dire. Logan avait plus fait ça par réflexes parfois ; bien plus, d’ailleurs, que par habitude. C’était par instinct, bien avant toute chose. Bien avant l’intérêt, bien avant la protection. Par instinct, même, qu’il était venu lécher cet animal en colère, mis sous clef. D’instinct, il avait envie de voir ce qui pouvait en sortir, de pousser le fauve, d’attiser les flammes. Envie de la voir se réaliser, aussi, d’une certaine façon. C’était peut-être une façon de projeter ses propres manques, bien sûr. Une façon de réaliser quelque chose, aussi, comme il l’avait fait avec les jeunes de Poudlard. Mais ce qui s’était passé était surtout sorti de son contrôle. Parce qu’il n’avait pas été à sens unique.

C’est pas bon pourtant. D’être vu. D’être remercié. D’avoir une partie de son être qui vibre en même temps qu’une autre, qui se remet à lutter, qui accepte avec exaltation et gratitude le combat, renouant avec les armes, le sang, la sueur. L’attirance, l’envie, brutale, celle qui tordait le ventre, elle était issue de trop d’éléments pour en identifier un unique. Celle de vaincre. Celle de s’affronter. Celle de se relever. Celle de s’approcher si proche que jamais personne n’aurait pu le définir. Celle de se comprendre, d’entendre, de capter chaque inflexion. Et celle d’exister, qui s’était embrasée soudainement, sans trouver jamais rien de commun à ça. Sauf… sauf auprès d’une moldue qu’il connaissait à peine. Mais elle n’avait pas sa place ici. Les mondes se séparaient, les cloisons s’érigeaient comme un besoin essentiel.

« Rien de plus banal. »

Rien de moins banal que ça pourtant. Que cette envie, ce besoin crucifié dans ses veines que de retrouver une sensation instinctive jusqu’alors inconnue. Et elle ? Oh elle… elle brûlait. Elle se consumait sans cesse, trop avide de trouver enfin une porte de sortie, une échappatoire, une voie, là, libre. Celle où elle pouvait tout lâcher, n’importe quelle bride, n’importe quelle barrière, n’importe quel remords. Celle où elle pouvait exploser, enfin. Et lui ? Oh qu’il aimait ça. Cette sensation d’être poussé dans ses limites à lui, d’encaisser les coups, de prouver sa résistance, sa puissance, quand la moitié du monde vivant le voudrait à terre.

« Oh, mais je n’aurais jamais osé plonger Londres dans le chaos sans toi voyons... »

Lorsque deux diables se rencontrent, que pourrait donc espérer le monde dites-moi ?

« J’espère bien. »

Brûler Londres ? Emporter chaque ennemi, chaque faible jusque dans les flammes. Les réduire au silence, eux et leurs quêtes absurdes, leurs exigences infâmes. Oh comme ces envies n’avaient rien de sain. Dominer totalement la situation, se débarrasser de tous ceux qui entravaient sa voie.
Pourquoi cette attirance ? Pourquoi cette envie ? Lui qui était resté de marbre ; éteint, tant de temps. Tant de mois, tant de semaines. Pourquoi, alors même que son corps lui-même semblait toujours déchiré des sévices infligés ? Pourquoi, alors qu’un autre, que lui-même, aurait sans doute en d’autres temps été mis à l’écart de ces tentations.
Et pourtant, elles étaient là, brûlant sa chair, aussi bien avec elle qu’avec Maeve.

Et avec elles, l’envie incessante de guerroyer.

Et l’amusement dans ses traits. Quel monstre oui ? Quel monstre rougeoyait, ondulait là, prenant toute mesure de la surface. Qui ? Il le connaissait si bien pourtant celui-là. Il rongeait sa chair, sans cesse poussé de la joie sauvage d’exister.

« Celui qui n’attendait que ça... »

Un sourire, vibrant du poison qui gangrenait ses veines, étirait ses lèvres. Un peu trop proche d’elle. Et pourquoi pas ? Il agissait par instinct, par envie. Pas tant envie d’elle que du monstre à vrai dire. Pas tant envie d’elle que de cette violente connexion qu’il n’avait jamais vécue jusque là. Et puis il y avait les siens, ses désirs qui ripaient sur son âme comme le flux stellaire le percutaient par vagues destructrices. Celui qui l’érodait sans qu’il ne cherche seulement à s’en défaire, l’attirant plus fort à lui. Comme une drogue coulant dans ses veines, celle de la violence. Celle de l’oubli. Celle du besoin, humain, immonde, d’être enfin connecté à quelqu’un. Proche. Ce truc refusé depuis des siècles aux gens comme lui cramait ses veines et consumait ses synapses. Il était là, le chant des sirènes, le besoin immuable d’humanité pourtant rejeté si fort. Ce besoin qui lui agrippait l’âme, la tordait, la consumait toute entière. Ce besoin dont il avait pourtant fait le deuil lors de l’enfant et qui avait fait son chemin, s’éveillant doucement dans ses cellules au cours des années passées. Comme il est fourbe, à sommeiller là. Pas le monstre endormi, pas le dragon, pas le guerrier. Juste le poison. Celui qui vous laisse tranquille des années durant et qui revient sans qu’on ne sache vraiment pourquoi il se fait sa place de nouveau. Aileen avait été la première à verser l’acide dans ses veines. La première à éveiller cette force affreuse en lui. Celle qui ne se contentait pas d’allumer la mèche mais bien de l’incendier. Pas la seule pourtant, à s’engouffrer dans la faille sans vraiment s’en rendre compte. La réalité, c’était qu’ils avaient été plusieurs. Ismaelle, Maxence, Jake même. Mais elle ? Ce n’était plus une brèche, c’était un gouffre. Il était là, le contact humain interdit, le blâme, l’opprobre. Il n’était pas mieux qu’elle, dans le fond. A grandir muselé, c’était bien enchainé qu’il n’avait cessé d’avancer. Non, il n’usait pas souvent de ce don. Il le gardait sous cape, à tel point qu’il n’avait finalement jamais réellement appris à le manier autrement que comme une arme percutant avec violence. Cette balle, ce déferlement, il savait en user, l’utiliser avec une efficacité redoutable. Mais cette partie de lui était restée sous clef. Loin des autres, loin de lui, loin de tout, c’était ainsi qu’il avait appris à évoluer. Mais là, dans cette proximité, il n’y avait finalement rien de bien lointain. Bien au contraire, c’était son âme qu’il sentait ondoyer sous la sienne, son souffle qui se mêlait au sien. Ses mots, qui auraient pu rugir de ses lèvres.

« Mes limites ? Oh...je les sens céder les unes après les autres alors que je m’accroche aux derniers risibles interdits. Elles tremblent alors que je m’avance à toute vitesse et je me découvre des envies capables de les défoncer. Alors non, je ne commence pas à connaître mes limites. Je les fais ployer sans pouvoir m’en empêcher. »

S’il ne s’agissait pas de ses propres mots, c’était pourtant lui qui les avait mis entre ses lèvres. Lui qui avait provoqué ce que d’aucuns appelleraient déchéances. Lui qui se gorgeait pourtant de cette libération sournoise, jouissive. La voilà, la lame chauffée à blanc de son regard, qui percutait le sien, l’accrochait, en testait l’acier tandis qu’elle faisait crisser un ongle contre sa veste. Décharge grisante.

Pourtant, si, elle se limitait. Elle tentait d’aller plus loin sans pour autant détruire ceux qu’elle croisait dans son chemin de bataille. Cette avancée passait par le sexe, avant tout autre interdit, parce qu’il nécessitait d’être proche des Hommes. Proche de quiconque. Et il savait ce cette barrière là signifiait. Tout comme il comprenait le besoin de chercher l’autre, d’y trouver une forme d’intimité autant que de domination. Il était passé par là lors de ses années d’études, mais rapidement le besoin de l’autre s’était fait… frustré. Pas assez brusque, pas assez réel, pas assez concret. Il n’y avait pas la proximité qu’il cherchait, dans le fond. Il n’y avait que le plaisir de deux corps enflammés. Sympa. Mais sans plus. Alors qu’est-ce qui avait changé ? Pourquoi ces centimètres, les bouffait-il les uns après les autres ? Pourquoi chercher le corps comme il le faisait à présent, comme il le faisait avec Maeve ou Aileen ? Parce qu’il y avait autre chose là-derrière. Cette autre chose avait un nom concernant Aileen. Un nom qu’il abhorrait, mais un nom tout de même, identifié, vif et clair dans sa chair. Pour les deux autres ? Le dictionnaire était parti à la benne il y avait bien des semaines.

Seules restaient les envies inassouvies. Et ses ongles sur le tissu froissé, griffé.

Une image fugace, le corps déambulant, souriant, dans Londres. Et le tissu déchiré par d’autres ongles.

Sa main glissait sur son épaule, son bras, sa manche, jusqu’à sa main à l’orée de sa mâchoire emprisonnée. Oh comme il la sentait vibrer d’envie, ses pensées pulsant d’un désir amoral. Il laissait faire, sa main emprisonnée dans la sienne, prisons concentriques dont elle s’arrachait pour prendre son pouce et venir le mordre. Un geste, pourtant, et elle l’en dégageait, arrachant sa main de ses crocs, ses incisives ripant sur sa chair.

Et ce sourire…

« J’ai pas envie de parler. Je veux jouer. »

Ce sourire auquel il répondait en miroir. Formes immondes de violences armées, d’attirances imprévues, de besoins obscurs. Sa main rejetée s’était suspendue dans l’air. Il aurait pu ironiser sur un doigt manquait de plus, l’aurait sans doute fait dans d’autres circonstances. Mais les décharges de cet atmosphère éloignaient de lui l’envie d’user d’humour. L’envie de parler, elle-même, se tarissait. Et pourtant… oh, pourtant…
Il caressait de son âme les tréfonds de ces tenailles qui la mordaient toute entière. Rien qu’une caresse, un rappel, une menace peut-être, presque. Et ses doigts revenaient vers sa gorge, traçaient le trait de son visage. Pur et fin. Monstrueux, abominable. Jouissif d’affranchissement. Puis il la contournait, prenait sa nuque, comme un amant bien tendre. Trop appuyé pour l’être, pourtant. Et ses doigts se refermaient sur ses cheveux, tiraient son visage en arrière, affrontant ce regard indécent de dissidence.

« Mensonge… »  Et il le bouffait ce regard. « C’est d’affrontement dont tu veux te gorger. Pas de jeux. »

Pas besoin d’être en elle pour la connaître. Pas besoin de creuser en lui non plus, d’ailleurs, pour savoir ce qui avait rugi en lui en quelques secondes, dans un bar inconnu.

Mais elle ? Non, ce n’était pas de l’affronter, elle, dont il avait envie. Mais de la voir prendre les armes. De savoir avec quelle puissance elle pouvait frapper, quel tranchant pouvait se faire sien. Quel chemin pouvait-elle emprunter ?... Et qu’y pouvait-elle détruire ?

Jusqu’où peut-on emporter le chaos ?

« Après tout, tes limites ont tenu le choc jusque là... qu'importe tes mensonges, elles ont tenu bon avec la jeune. »

Malgré les tremblements.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Mer 11 Nov 2020 - 15:50
« N'usant pas de l'existence, l'existence m'usait, mes rêves me fatiguaient encore plus que de grands travaux ; une création entière, immobile, irrévélée à elle-même, vivait sourdement sous ma vie ; j'étais un chaos dormant de mille précipices féconds qui ne savaient comment se manifester ni que faire d'eux-mêmes, ils cherchaient leurs formes et attendaient leur moule. »
Gustave Flaubert.

https://www.youtube.com/watch?v=k1-TrAvp_xs





Réglée comme du papier à musique, sa vie avait été pendant un temps une véritable symphonie d’accords parfaits. Un orchestre jouant dans une précision des instruments qui ne laissait jamais la place au hasard, qui ne permettait jamais un écart, jamais une erreur. Et Sanae, chef d’orchestre aux mouvements de bras et de mains souples, gracieux, contrôlait tout, droite, alerte, calme...attentive pourtant...aux dissonances. Parce qu’elle savait, que de temps en temps, là dans cette symphonie s’annonçait la cacophonie de son être profond. Cacophonie qu’elle avait longtemps dissimulé, craintive et honteuse qu’elle soit entendue par un public grimaçant. Garder le contrôle, la maîtrise des notes, des accords harmonieux…

…jusqu’à ce que les instruments se mettent eux-mêmes à vibrer, jusqu’à ce que la cacophonie d’un autre vienne se mêler à la sienne, et que leurs dissonances...s’accordent.

Alors les gestes n’étaient plus à la douceur, plus à la grâce, au contrôle, non, ils devenaient de plus en plus frénétiques, saccadés, amples, brusques, fendant l’air, le tranchant même dans une précipitation qui grimpait, grimpait, grimpait. Et personne n’était là pour l’arrêter. Personne n’était là pour grimacer. Oh non, ils souriaient. Souriaient du tumulte vrombissant, de la mélodie qui prenait plus d’ampleur, de la force des notes qui crevaient tous les plafonds. Papier à musique déchiré. Jeté. Abandonné. Et pourtant, dans la pièce, rien d’autre qu’un silence qui se chargeait d’électricité, rien d’autre que leurs souffles amusés de se comprendre, de se reconnaître.

« Oh, mais je n’aurais jamais osé plonger Londres dans le chaos sans toi voyons... »
« J’espère bien. »

Ensemble. Ensemble, ils auraient pu faire tant de choses si les dernières hésitations tombaient, si ses dissonances à elle s’abandonnaient à exister pour toujours dans leur forme la plus ignoble, déchirante. Qu’y avait-il en lui pour faire résonner ses envies, les faire claquer dans l’air si facilement ? Au fond, elle le savait ce qu’il y avait chez lui qui l’appelait. Elle n’était entrée qu’une seule fois, une seule fois où il l’avait laissée voir ce qu’il avait bien voulu lui montrer, toujours maître de la situation, à chaque instant, mais elle savait. Maître de la situation. Comme c’était drôle...de le voir saisir ce contrôle immédiatement alors que tous deux savaient pertinemment qu’il n’y avait rien ici, entre eux, qui pouvait être vraiment maîtrisé. Qui faisait semblant ici ? Qui était si effrayé qu’il devenait nécessaire d’apposer une main pleine de pouvoir sur l’autre ? Qui tentait de rendre l’autre malléable, comme l’on sculpte de l’argile sous ses doigts, juste parce qu’au fond...ça donnait l’illusion de pouvoir tout contrôler, tout façonner comme une entité modelant les Hommes ? Oh, il n’aimait pas perdre le pouvoir, perdre la main, là, celle qui maintenait sa mâchoire entre ses doigts, celle, aussi, invisible qui englobait son esprit pour signaler qu’elle était toujours là, capable d’entrer, capable de surgir à nouveau. Une menace. Autant qu’une présence qu’elle recherchait, comme une drogue, comme un poison, comme quelque chose qui donnait soudainement une dose de vie dans ses veines, qui libérait complètement et irrémédiablement son être. Mortel pour les autres, délicieux pour elle. Elle aurait pu résister, elle aurait pu… s’il ne lui donnait pas en cet instant, exactement ce qu’elle voulait, ce qu’elle désirait. Et s’il désirait, lui, le contrôle...elle le lui céderait. En partie. Il en avait besoin, elle le savait. Tout autant qu’elle avait besoin de cette violence en lui.

L’harmonie se faisait dans la brutalité qui s’annonçait, dans ce reste de maîtrise qui se calcinait si vivement au contact de l’autre. Déjà, le chef d’orchestre se faisait remplacer par un autre qui jouait plus violemment encore et d’une symphonie plus sourde que toutes les autres. Accord muet de deux monstres qui se regardaient dans les yeux, leurs sourires en miroir. Reflet monstrueux ? Non, juste un reflet honnête, libérateur, sans masques, sans rien, plus nu finalement que pour n’importe qui. Parce que c’était ça...c’était pour ça qu’elle n’était pas en colère, pour ça qu’elle se sentait soulagée, détendue dès lors qu’il était apparu dans la pièce, dès lors qu’elle avait senti sa présence...le soulagement de savoir qu’ici, là, maintenant, devant lui, elle pouvait lâcher, elle pouvait être véritablement elle-même, ou alors, du moins, ce qu’elle voulait être.

Oui, ce mot...monstre...il était délectable. Elle qui l’avait toujours enrobé de honte, de culpabilité mordante, elle le revendiquait avec un plaisir animal.

Tu souris parce que tu sais que c’est toi qui a aidé à le libérer.
Tu souris parce que tu n’es plus tout à fait seul.
Tu souris...parce que nos appétits destructeurs s’appellent et rugissent de concert.
Tu souris parce que tu te reconnais dans les mots qui franchissent mes lèvres.


Elle le voyait se gorger, se repaître des vibrations de son être, de l’étirement malsain de ses lèvres et instinctivement, ses muscles se tendaient, voulaient s’étirer, renouer avec la violence qui les imbibait entièrement. Et ces doigts sur sa mâchoire, l’emprisonnant, oh comme ils la grisaient...oh comme elle aimait ce contact, ferme, plein de cette puissance qu’il avait ne serait-ce que dans cette petite prise sur elle. Il y avait du danger dans l’air, un danger bien présent, mais personne ne reculait, personne ne s’éloignait, personne ne se détournant du regard de l’autre. Cette proximité qui s’était installée entre eux n’avait pas de nom, car il n’existait pas de syllabes capable de l’identifier mais elle avait une empreinte brûlante, une vibration déroutante, un son affolant. Quelque chose les attirait sans pouvoir y échapper, quelque chose les amenait à se retrouver, à se toucher, à faire frémir leurs cordes internes, et d’un seul coup, par un simple contact, visuel ou physique, invisible ou tangible, ils s’engouffraient dans cet espace chaotique où il n’y avait qu’eux pour comprendre sans vraiment comprendre. Ressentir plus que l’analyser, profiter de ce lien nouveau et sans nom. Au fond, ça leur faisait du bien à tous les deux, du bien de ne plus être le seul être dans leur monde à porter le fardeau de ce don, et toutes les conséquences qu’il pouvait engendrer. Même si c’était difficile, même si se positionner l’un avec l’autre demeurait une épreuve, un questionnement, une incompréhension, une situation inédite avec laquelle ils tentaient de faire face...à leur manière. Elle, en s’y plongeant sans essayer de comprendre, seulement guidées par ses besoins. Lui, en tentant coûte que coûte de garder le contrôle. Elle savait, elle comprenait.

Mais ça ne l’empêchait pas de vouloir jouer, de vouloir le défier, parce que sa toute puissance, à lui, elle voulait s’en abreuver. Pas de peur face à lui. Aussi étonnant que cela puisse être. Pas celle de subir ses attaques, ses coups, sa violence...non. Celle, sans doute, de le voir partir plus qu’aucune autre chose, en vérité.

Alors quand elle fit glisser sa main sur son bras, attrapant la sienne, attirant un doigt entre ses dents, du bout de ses lèvres avides, ripant sur sa peau pour finalement rejeter cette main qui se suspendit dans l’air… Sanae donnait le coup d’envoi de ce que lui hurlait tout son organisme. La pièce se gorgeait d’une tension plus palpable. Saturation. Elle aurait pu griffer l’air, le tordre tant il devenait lourd. Et ce sourire qu’il lui adressait...et ce regard qui la transperçait...Ils s’ajoutaient à la présence de son esprit qui venait caresser le sien, caresser les entraves qu’elle s’imposait toujours. Rappel qu’il pouvait les faire flancher, rappel qu’il était toujours là, surpuissant. Ses nerfs s’échauffaient dangereusement, quelque chose grondait déjà dans son ventre. Ce n’était pas le désir fulgurant de la découverte de l’autre, ce n’était pas l’envie de sentir la chaleur de ce corps contre le sien...l’image de Margo lui brûla les rétines un instant, celle avec qui elle avait brûlé si intensément, si rapidement, celle qui semblait elle aussi se gorger de sa puissance, de son désir, de ses envies brutales...Les deux n’avaient rien à voir. Elle les séparait très bien dans son esprit. Ici, ce n’était pas le même désir, pas les mêmes enjeux.

Son regard toujours plongé dans le sien, s’ancrant plus profondément, son esprit vint jouer avec l’étendue du sien, en caressant la présence, coulant sur lui comme une eau invisible, comme un corps qui s’étire dans des draps avec lenteur. Et toujours ces putain de sourires qui se répondaient. La main suspendue dans l’air revint vers sa gorge et son sourire s’étira sans pouvoir s’en empêcher, dans une satisfaction jouissive, pernicieuse. Sensation électrique. Ses doigts glissèrent contre sa gorge et son ventre se creusa terriblement, son souffle se faisait plus lourd, ses pupilles se dilataient de toute la fièvre que ce geste lui inspirait. Son regard, à lui, la bouffait tout entière, l’englobant, l’emprisonnant dans un acier implacable. Ses doigts tracèrent une seconde le trait de son visage fin, si trompeur...mais qui ne le trompait pas, lui. Qui aurait cru que cette gueule d’ange cachait la perversité du démon. Les mots de la sorcière blonde lui revenaient en tête. Et un sourire arrogant plana sur ses lèvres perfides.

Un mouvement dans l’atmosphère. Logan la contournait, son corps franchissant l’air saturé autour d’eux, et sa main...oh cette main glissait sur la douceur de sa peau brûlante, traçant dans son passage des frissons délicieux, pour venir prendre sa nuque. Pas un geste tendre non, la fermeté était là...toujours là, et elle résonnait sur elle comme une promesse grisante. Et le voilà, là, dans son dos...hors de son champ de vision et pourtant, terriblement là, présent, faisant s’accélérer sa respiration, son coeur cognant contre sa cage thoracique. Son esprit demeurait étendu contre le sien, comme s’il ronronnait en silence. Déjà, sa magie vrombissait, discrètement. Le morceau de papier sur le meuble se distordait, vibrait, prit de tremblements. Elle aurait voulu le faire flamber. Brûler l’absence, brûler ces seize jours.

La symphonie s’élevait dans l’air de la pièce, se chargeait d’une nouvelle force. Dissonance sur dissonance. Et pourtant, il n’y avait rien de plus beau à écouter, rien de plus beau à entendre naître. Le chef d’orchestre sentait un autre prendre le contrôle, présence dans son dos qui prenait prise, qui se collait là, contre son corps et d’un geste, réussissait à l’enflammer tout à fait. Sa tête partit en arrière, cheveux tirés, maintenus fermement dans la poigne du sorcier. Un léger gémissement animal franchit ses lèvres. Un délice. Elle sourit plus largement encore, satisfaite, sa joue tout contre son visage alors qu’elle sentait son épaule contre son crâne, et sa bouche, là, si proche de sa gorge, de son oreille...Son cou se tendit, les muscles de ses épaules se contractèrent, bougèrent sans vouloir se dégager, juste pour s’étirer parce que son tout son corps se tendait, rugissait déjà.

« Mensonge… C’est d’affrontement dont tu veux te gorger. Pas de jeux. »

Bouche entrouverte, ce fut un rire sinistre qui s’en échappa.

« Un menteur qui fait la leçon à une menteuse...comme c’est...amusant. »

Ça aurait pu être destiné à blesser, mais il n’en était rien. Elle répondait à son mordant avec le sien, propre. Menteur, oui. Le Roi des menteurs. Tu mens Logan. Tu mens quand tu dis que tu ne me fuis pas, tu l’as pourtant fait et peut-être le feras-tu encore à l’avenir. Tu mens quand tu parles d’un petit détail à régler. Tu mens sans même ouvrir la bouche, à toi-même, aux autres. Peu importe. Tu mens quand tu prétends pouvoir contrôler tout ça...alors que tu n’as aucune idée de comment faire, tu n’as aucune idée de ce qu’il se passe. Tout comme moi.

Qui mentait donc le mieux alors ? Parce que oui, elle aussi, mentait. Elle avait toujours menti. A elle-même, pas à lui. Menti sur le fait qu’elle était vraiment libre. Elle ne l’était toujours pas. Pas en toutes circonstances. Menti sur ces jeux dont elle s’abreuvait parce qu’il n’y avait pas d’autres manières de satisfaire, un tant soit peu, sa faim. Mais cette faim, il la voyait très bien et si la sorcière ne voulait pas mettre de mot dessus, lui...le pouvait.

L’affrontement. Indécent. Violent. Meurtrier. Oui, c’est ce qu’elle voulait au fond sans se l’avouer. Elle sentait en elle monter cette envie qui l’effrayait. Elle sentait que c’était ça l’extrême vers lequel son être tendait tout entier. C’était ça la ligne d’arrivée ? Mais est-ce que ce serait une limite ou une révolution de son monde ? Est-ce que ce serait le retour de la honte ou le débordement du plaisir ?

« Après tout, tes limites ont tenu le choc jusque là... qu'importe tes mensonges, elles ont tenu bon avec la jeune. »

Jordane. Le combat de leurs rages de vaincre. Les images affluèrent dans son esprit et ce putain de sentiment qui voulait fendre sa peau...celui de vouloir abattre son ennemi, l’abattre entièrement, sans concession, sans scrupules, sans retenue. Oui, ses limites avaient tenu bon en vérité. Et à chaque fois, la marque du cisaillement de son être continuait à s’étendre… Libérée, mais pas tout à fait. La frustration était aussi monstrueuse que ses envies profondes.

Tu ne vois pas que je suis perdue Logan ? Tu ne vois pas que je n’ai aucune idée de ce que je fais ? Tu ne vois pas je m’affronte toujours, que les négociations avec moi-même ne sont pas terminées, ne le seront sans doute jamais ? Chaotique, je le suis. Chaotique parce que tout se mélange, tout se percute. Je n’arrive plus à distinguer ce qui se trouve sous mes pieds mais droit devant, je vois l’éclatement de mon être sans pouvoir identifier ce qui le fera chuter vraiment. Je suis la cacophonie parfaite de toutes mes envies, de tous mes besoins, de toutes mes pensées, et leurs leurs, et les tiennes. Je ne fais plus attention aux mensonges d’avant et aux mensonges de maintenant. Menteuse oui, tu peux le dire. Un menteuse qui ment si bien qu’elle se croit.

« Quelle chimère est-ce donc que l'homme ?
Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! »
Blaise Pascal


Engluée dans toutes ses contradictions, Sanae ne savait plus vers quoi se tourner. Elle avançait sans comprendre. Peut-être, au fond, ne voulait-elle pas comprendre. Peut-être aurait-il fallu une décision, pour délier tout cela ? Qui es-tu ? Qui es-tu ? Qui es-tu ? Ou alors, qui veux-tu être ? Je veux être libre. Totalement libre. Mais quel prix es-tu prête à payer ? Quelle offrande es-tu prête à donner pour cette liberté ? Comment décider quoi laisser de côté, quoi garder en son sein, quoi faire pour accomplir tous ses désirs ? Mais ses désirs pouvaient-ils tous être comblés ? A chaque chose qu’elle saisissait, s’érigeait de nouvelles barrières, de nouvelles questions. Piégée. Elle se sentait piégée dans le chaos de son être, comme l’on se trouve dans un labyrinthe de miroirs – certains cassables, d’autres...infranchissables, solides, ancrés. C’était ça les limites, ces murs dans lesquels elle ne voyait que son reflet. Que veux-tu Sanae ?

Je veux vibrer. Vivre.
Mais pas seule.
Pas abandonnée. Pas rejetée.


Etait-ce cela le prix à payer ? Etait-ce l’offrande que Logan avait donnée ? Rejet de l’amour, rejet de l’affection, rejet des autres...pour pouvoir être libre dans son propre chaos ? Pourtant, ne revenait-il pas vers ces autres ? Alors, que pouvait-elle apprendre de lui ? Qu’est-ce que sa présence, ici, ce soir, lui disait, au fond ?

Ses pensées défilaient mais elle était toujours diablement consciente de sa présence contre elle, de son souffle dans son cou et de la fièvre qui martelait son corps. La même fièvre qui emplissait l’air, qui caressait l’esprit de Logan, joueuse, tentatrice. Mordante. Parce qu’au fond, les questions que ses remarques soulevaient, elle n’avait pas envie d’y répondre. Il tirait sur un file, il titillait, dans l’espoir de la voir rugir, elle le savait. Et ce file, il était habilement choisi. Ce file, il le connaissait bien. L’envie de destruction.

Elle colla son dos plus encore contre le sien, percutant son bassin, poussant pour le faire reculer avec force, brutalement, vivement...jusqu’à ce qu’il entre en contact avec le rebord de la table haute.  Un sourire rageur sur les lèvres, sa joue glissa contre son visage, sa tête allant plus en arrière, son souffle sur sa mâchoire.

« Et tu crois pouvoir les faire flancher ces limites Logan ? » susurra-t-elle.

Oh, elle savait ce qu’il risquait de répondre…

Est-ce que je ne le fais pas déjà ?

Tête en arrière, reposant presque contre son épaule, sa bouche contre la ligne dure de sa mâchoire, elle vint la mordre violemment.

« Il va falloir le lâcher ton putain de contrôle pour ça. » siffla-t-elle.

Elle ne l’attaquait pas bien que le ton pouvait s’y prêter. Non, c’était l’animal en elle qui voulait le voir lâcher le sien. Provocation. Invitation. Peu importait.

Soit le chaos avec moi. Viens rugir, lâche les chiens. Je veux les entendre aboyer, je veux les sentir mordre.

Ses bras étaient restés sagement de chaque côté de son corps mais d’un seul coup, sa main surgit et vint capturer sa mâchoire fermement pour fixer son regard droit devant lui alors qu’elle faisait de même. Même direction. Là, plus loin, de l’autre côté de la pièce où sur le mur vivraient deux katana accrochés. Les lames nues tremblaient contre le mur.

« Regarde... » chuchota-t-elle à son oreille. « C’est la bataille qui nous appelle. »


Elle nous attend.
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Dim 6 Déc 2020 - 2:59
Est-ce dont le contrôle que tu aimes à ce point ? Où se trouve-t-elle, la différence entre contrôle et pouvoir. Le pouvoir exerce le contrôle. Pour autant, c’était à travers la déferlante qu’il l’exerçait. A travers le cataclysme, l’irrévérente tempête. C’était malgré elle, avec elle qu’il aimait se perdre dans les allées de l’affrontement. La bataille n’est pas le contrôle de l’autre. La victoire l’est. Pour autant, c’était bien la lutte qu’il affectionnait tant. L’avantage de l’acharnement de l’offensive, d’un combat allouée à la puissance pure, intelligente autant qu’inassouvie, c’est qu’il ne s’agit en effet pas de contrôle, mais de pouvoir. Alors non, ce n’était pas le contrôle dont il avait besoin auprès d’elle. Pas le contrôle qu’il exerçait sur elle, comme s’il pouvait la façonner. C’était pire. Le pouvoir. Le pouvoir qui ne se contente pas de basses limitations que le contrôle demande. Nuance subtile. Dangereuse sans doute. C’était pour cela qu’il pouvait se permettre d’être là même si une partie de son être en rejetait l’implication. S’il avait été dans le contrôle, il n’aurait pu revenir ici. S’il était dans le contrôle, il n’aurait su gérer l’ingérable de ses propres réactions. Il n’aurait su gérer ce monstre qui s’était relevé soudainement, assailli par l’odeur du sang, érigé en soldat, aguerri des champs de batailles qu’il avait déjà traversé. Ce monstre, il le connaissait bien, en avait fait son complice, en avait accepté la présence bien des années auparavant. Mais ce monstre, il n’en avait pas anticipé le réveil. Elle l’avait pris à la gorge, elle et sa fureur, elle et son besoin de vivre. Elle l’avait percuté en plein plexus, l’avait arraché des ombres dès lors qu’il l’en avait extirpée. Comme s’il ne pouvait se résoudre à reprendre sa place ensuite. Voire même à prendre la sienne. Comme si cette hypocrisie de la forme comme du fond se refusait tout naturellement à lui. Double discours qu’il lui avait adressé, griffant ses propres nerfs au passage, percutant son organisme apathique pour l’arracher de là à son tour. Ce monstre, il se refusait à gouter les ombres à présent qu’il avait trouvé ce que tout être cherche plus que tout. Un semblable. Deux, depuis. Alors il demeurait loin des ombres, loin du néant et souriait de nouveau, brutalement à cette existence qui n’avait jamais voulu de lui. Alors, surtout, il se délectait de cette fierté qui naissait sur les lèvres de celle qui aurait dû lui être hostile. Celle qui, avec tout le miel empoisonné dont elle avait été capable, avait voulu l’arracher de son apathie. Celle qui lui disait alors de renouer avec celui qu’il était sans même se rendre compte qu’elle se refusait cette même honnêteté.

C’est un cadeau, d’être soi-même. Un cadeau dévastateur. Mais à présent, ce qui était autrefois une honte devenait un outil, une rage, un lien. Celle qui reniait s’engorgeait à présent d’elle-même. Lame et larmes. C’est dur d’être soi-même.

Dur d’accepter, sans doute, ce qui les liait. Dur de mettre au clair la confrontation avec l’inconnu. De mettre au clair ce désir purement humain et dévastateur que d’être compris, vu et reconnu comme celui qu’on est, complet, réel, entier. Les défauts et les qualités. Les hontes et les besoins. Les crimes et les réussites. Parce que oui, dans son cas, c’était bien de crimes dont sa vie était jonchée. Alors est-ce qu’il la fuyait ? Non pas elle, mais la connivence de deux êtres élevés au poison de leur propre don. Ce truc qui les bouffait, qui enflait en eux et détruisait tout ce qu’il y avait de bon et d’affreux, ce qui truc qui était, bien plus que tout, bien plus qu’eux. Ce truc qui guidait leurs pas, leur décision, leur caractère, leur posture aux yeux du monde. Ce truc, c’était ce qui expliquait les coups de fouets sur les âmes enchaînées. Ce qui expliquait la présence et l’absence. La déchéance. L’ignorance. Cette horreur au fond d’eux, elle n’avait cessé de dévaster chaque souvenir, chaque étape de vie, chaque relation, chaque lien, si ténu soit-il. Elle n’avait cessé d’être là, tapie dans les ombres de ceux qui la dissimulaient encore. Et les autres, ces perfides idiots n’en savaient rien. Ils ne voyaient pas, ne comprenaient pas ce qu’eux, ne pouvaient oublier. Car les griffes plantées dans leurs âmes meurtries, elles ne cessaient d’entrer en eux, de leur rappeler leur présence là où les autres vivaient, naïfs.
Vivre. Quel concept étrange.

« Un menteur qui fait la leçon à une menteuse...comme c’est...amusant. »

Une part de lui grondait, démentait, refusait. Une part s’acharnait à sourire, à nier.
Quels sont mes mensonges, alors ?

Elle a raison pourtant Logan. Tu mens. Tu mens l’amour et l’affection. Tu mens la fuite. Tu mens même la peur. Car je le sais, elle dévore ton cœur, quelque part, sous la glace, quelque part sous la lave, quelque part sous le marbre d’années passées en détention. Car elle n’est pas récente, contrairement à ce que les ânes imaginent. Elle t’accompagne depuis toujours, se joue de tes drames, se joue de tes larmes. Elle avance, déchire et dévore. Elle t’enferme, sans cesse, dans une posture que tu as fait tienne. Parce que c’est plus simple. Parce qu’il s’agit de survie bien avant toute chose. Tu mens. Parce que tu penses que cette posture de bagnard, c’est la tienne. Que c’est ton choix. Mais c’est elle qui t’a condamné. L’horreur. Elle a déferlé sur ton existence.

Pourtant, sans elle, tu n’existerais sans doute déjà plus.
Pourri sous les mots.
Démenti sous les maux.
Assassiné par tes paires.
Oublié par les tiens.

Là aurait été ton destin sans elle. Là aurait été ton avenir. Mais tu t’en joues. Tu n’as jamais cessé de  les tester, finalement, trouvant du pouvoir là où il n’aurait dû y avoir que du désespoir. Trouvant une place là où ils t’auraient voulu déchu.

Mais elle sait. Que tu n’en as rien choisi. Car tu le lui as montré.
Directement, oui, mais par des voies détournées aussi. Celles de la recherche de liberté. Celle de la perfide ressemblance.

Et si elle sait, alors elle sait aussi ce que tu es.
Ce que tu demeures. Ce qui reste, au fond, sous la couche de crasse.
Elle sait que tu n’es qu’un Homme. Un homme face au néant.

Et s’il y a bien une posture que tu crains, c’est celle-ci.

Car un Homme, ça se brise.
Pas un monstre.

Je suis un homme et je mesure
Toute l’horreur de ma nature
Pour ma peine, ma punition,
Moi je tourne en rond, je tourne en rond.


L’es-tu alors, Logan ? Un menteur ?

« Le choc des semblables. »

Alors je sais. Je connais la teneur de tes mensonges, je vois les bordures de ton néant, la folie de ton chaos. Je sais. Je sais le feu dans tes veines, la glace de ton âme, le désespoir de ta rage. Immuable et céleste. Je sais car je te connais et t’acceptes mieux que tu ne le fais toi-même. Donc oui, je sais la perdition qui déchire tes veines. C’est ce qu’on appelle exister.

C’est ce que les pleutres nomment déborder.


C’est ce qu’un jour, peut-être, on appellera vivre.
Ou alors est-ce une chimère ? Un crime désespéré que de penser pouvoir se connaître et s’accepter ? Est-ce un énième mensonge qui nous éloigne des autres, nous isole, nous menace ? Est-ce une nouvelle victoire d’un carcan de moralité qui s’efforce de détruire le chaos de nouveau ? Qui s’accroche et referme les brides d’un contrôle incapable.

Elle est belle ton existence.
Ils sont beaux tes crimes.
Belle, ta culpabilité.

N’est-ce pas Logan ? Qu’elle est belle ton humanité.
Il me reste une question. Une putain de question qui résume tout. Peut-on être humain et libre ? Et si la réponse est négative : que  choisir ?

Mais non, ces questions, ils ne voulaient les démêler à présent. Ils ne pouvaient les asservir, finalement, pour en extraire des réponses. Ils ne pouvaient que les rejeter un peu plus loin à défaut de les comprendre. Ce qu’ils pouvaient faire en revanche, c’était se trouver.

Elle collait son dos au sien, le percutait, bassin contre bassin, le faisait reculer jusqu’à ce que son dos ne touche la table haute, là derrière. Joue contre son visage, elle rejetait sa tête en arrière, le cherchant un peu plus, ses lèvres bientôt en contact avec la ligne rude de sa mâchoire, son souffle glissant sur son épiderme.

« Et tu crois pouvoir les faire flancher ces limites Logan ? »

Son sourire répondait au sien.
Tu crois savoir, alors ?

Un mouvement violent, et ses incisives se refermaient sur le tranchant de sa mâchoire, auquel il répondait d’un geste réflexe, dégageait son visage d’un mouvement sur le côté sans pour autant la lâcher ou quitter la position dans laquelle ils se trouvaient.

« Il va falloir le lâcher ton putain de contrôle pour ça. »
« Tu te penses si manipulable que ça ? »

Oh Logan, si tu ne manipulais pas les autres, si tu ne les agrippais pas dans les tréfonds du typhon, ton existence serait bien fade.

Et d’un geste soudain, elle accrochait sa mâchoire, dirigeait son regard vers les lames qui vibraient sur le mur d’en face.

« Regarde... C’est la bataille qui nous appelle. »

Où commence la manipulation et où s’arrête l’instinct ?

D’un geste violent, puissant, il pivotait, l’emportant avec lui, son corps cognant à son tour contre le rebord de la table haute tandis qu’il lui faisait face, percutant avec puissance son esprit, s’insinuant de nouveau dedans, cramant ses protections, détruisant ses pièges et ses détours, s’engluant en elle, étirant les vagues tranchantes comme des lames d’un esprit carnassier.

Et se faisait, il se mettait entre elle et les lames. Elle et la bataille.

Je suis la bataille.

« Je sais pouvoir faire flancher tes limites, nuance. » Un sourire mauvais, malin, corrupteur s’immisçant sur ses lèvres. « Le tout, c’est de savoir ce que je veux en faire. » Le silence se suspens un instant, comme prisonnier entre ses griffes. « Le tout, c’est de savoir si je veux te détruire. »

De quelle partie d’elle parlait-il ?

Une main glissée dans sa nuque, l’autre sur sa hanche, ses deux pouces s’ancrant contre elle, l’un au creux de l’épine iliaque, l’autre le long de sa mâchoire, en accès direct avec le sinus carotidien. Le corps contre le sien. Tu veux du contrôle ? Un geste et il pourrait briser le flux sanguin. Un geste, oui. Et pourtant de contrôle, il n'y en a aucun, puisqu'il sait que de ces deux corps qui se cherchent, se côtoient, s'accolent, le sien aurait le dessus.

« Pour lâcher le contrôle, il faudrait refuser le chaos. A quel moment crois-tu que j’ai eu le contrôle, ces dernières années ? »

Ces vingt-sept dernières années.

Nouveau sourire. Malsain sans doute.

« Je regarde, Sanae. Et je me demande ce que vaut cet organisme avide, si on l’y précipitait, sur le champ de bataille. »

Tu vaux quoi, toi, quand on t’envoie à l’abattoir ?
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Jeu 17 Déc 2020 - 23:00
« L'exigence de liberté est une exigence de pouvoir. »
John Dewey



Lui donnait-elle tout le pouvoir, à lui, déjà si puissant ? Faisait-elle la différence entre le contrôle qu’elle-même connaissait pourtant si bien, et le pouvoir qu’elle découvrait sous tant d’aspects ? L’un, autrefois, lui avait paru si nécessaire, tandis que l’autre avait été balayé par la culpabilité de vouloir s’en saisir tout entier. Pourtant, que faisait-elle dès lors qu’elle se libérait ? Elle revendiquait la puissance, l’agrippait pour la faire sienne, mains encore tremblantes de la tenir entre ses doigts. Mais lui, il ne tremblait pas. Ses paumes avaient depuis longtemps l’habitude d’avoir ce pouvoir grisant, si bien que la peau s’en était imbibée, que ses membres s’en étaient gorgés. Son silence, la paralysie de son être mutique, n’avait pas réussi à le faire disparaître ; il avait simplement sommeillé en lui jusqu’à ce qu’elle l’appelle à revenir à la surface du monde qu’il rejetait si fort, et qui l’avait rejeté avec l’ardeur des impuissants, des ignorants, des coeurs meurtris de peur. Et comment s’était-il éveillé ? Au son du monstre qui grondait, au son du pouvoir qu’elle quémandait … alors peut-être qu’elle le laissait faire à cause de ça, au fond. Elle s’était abandonnée à son pouvoir, en avait eu besoin pour se libérer et elle l’avait laissé contrôler la tempête : l’avait-il vraiment contrôlé ? Non. Pas complètement. Il avait mis des bordures, avait donné un espace pour qu’elle s’y déchaîne en toute liberté. Mais il n’avait pas essayé de la contrôler, au contraire, il s’était repu de l’incontrôlable, de la désolation d’un esprit qui se soulevait avec toute la force de l’oubli dans lequel il avait été plongé, et il avait souri à la tempête. Adorateur du chaos. Et elle, nouvelle adoratrice de la liberté.

Sans doute, était-ce la même chose d’ailleurs…

Mais cette liberté était encore branlante, fragile. S’en saisir totalement impliquait tant de changements que la tête vrillait, que la raison était écrasée sous la dangerosité des désirs qui crissaient dans un organisme turbulent, violenté par l’effervescence incessante. Et cet organisme, il avait trouvé un semblable, une âme similaire. Quelqu’un capable de lui donner envie de prendre les clés de sa cage pour les balancer au loin, pour ouvrir, tordre, les barreaux et sortir en plein air. Cet autre, elle s’était abandonné à lui dans la collision brutale des esprits et des corps renouant avec la vie. Mais s’abandonner à quelqu’un, c’était lui donner le pouvoir sur soi...C’était lui donner l’occasion de nous abattre, de nous faire mal, de nous pousser, de nous titiller ; elle en était consciente, de ce pouvoir qu’il exerçait sur elle. Peu importait quel mot on utilisait finalement, elle le sentait partout : de l’intérieur de son esprit jusque dans son épiderme.

Le fait d’être vu et reconnu par un semblable revêtait toujours des dangers : ils se tendaient tous deux un miroir au reflet bien étrange, et aucun d’eux ne voulait laisser l’autre regarder ailleurs, s’empêcher de constater de l’ironie, de l’hypocrisie des similitudes. Elles étaient pourtant bien là, omniprésentes.

Tu me pousses à me libérer, à m’assumer, à embrasser cette partie de moi que je rejetais mais toi...toi qui renoues à peine avec la vie, quand vas-tu faire de même ? Quand auras-tu le courage de regarder cette humanité en toi que tu veux étouffer ? Quand vas-tu t’avouer à toi-même que ce contact, ce lien, le nôtre ou celui avec les autres, au fond, tu en as tristement besoin ? Tu en as autant besoin que moi d’accepter le monstre trop longtemps enfermé. Tu reviens vers les vivants et ce n’est qu’un demi-aveu, qu’un demi-pas vers cette chose en toi qui est pleine de vide, de larmes, de solitude amère et désespérante. Cette chose, elle veut s’emplir des visages de ceux qui t’ont aimé, elle veut retrouver la complicité des amitiés passées.

Oh, mais tu as si peur…
Pas de mourir.
Pas de souffrir des mains de tes ennemis.
Mais d’être celui qu’on aime, celui qu’on regarde avec l’inquiétude affectueuse, avec la douceur aimante, avec l’amitié généreuse. Peur d’être humain plutôt que monstre. Peur d’être homme plus que bourreau.


Reflets similaires et pourtant inversés.
Parce que sa peur à lui était d’accepter l’humanité et elle, la monstruosité de son être. Incapables, tous deux, pour l’instant, de trouver un compromis, d’accepter d’être deux choses à la fois et pas qu’un seul extrême. C’était bien plus facile, n’est-ce pas, d’être une seule chose ? Ou peut-être de n’être rien du tout ? Etait-ce cela qu’il cherchait alors ? N’être personne ? Ni but réel, ni responsabilité. Une volonté d’être, seulement être, mais sans étiquette, sans rôle, sans prise de position. Etre et n’endosser que le manteau vivifiant de la vie qui lui avait trop longtemps échappé. Se laisser porter par ses désirs et ne rien porter d’autre sur ses épaules.

Personne.
Ni leader, ni directeur.
Ni ennemi, ni ami ?
Oh, ces choses-là, il l’était bien malgré lui.

Un choix, un geste, et tous les dominos tombaient au fur et à mesure sans pouvoir s’arrêter. Combien de fois leur avait-on enlevé ces choix ? Combien de fois s’étaient-ils retrouvés dans une posture qui ne leur convenait pas ? Combien de leurs silences avaient-ils été pris pour des consentements ignobles ? On ne les avait pas entendus hurler, crier à s’époumoner dans les limbes de leurs esprits, on ne les avait pas vus se débattre avec eux-mêmes et les autres, on ne les avait jamais compris, jamais acceptés pour ce qu’ils étaient vraiment ou ce qu’ils voulaient être. Alors pouvait-on leur en vouloir de se trouver ainsi ? Même dans le déferlement, dans la brutalité, dans le pouvoir dangereux des consciences éveillées, ils n’aspiraient qu’à trouver l’autre, qu’à se trouver eux-mêmes. Et il n’y avait que cet espace-là, pour eux, qui leur permettait de ne pas concéder, de plonger, ensemble, dans la cacophonie, dans les dissonances qui les meurtrissaient avec les autres mais qui prenaient un nouveau virage avec cet autre si semblable. Oui, sans doute se malmenaient-ils dans le flot intarissable de leur rage commune, et sans doute se malmèneraient-ils encore dans le futur...mais ils ne hurlaient plus dans le vide. Ils s’écoutaient, trouvant un écho. Peut-être trop...

« Le choc des semblables. »


Menteurs avec les autres...mais pas envers l’autre ? Ils essayaient toujours de faire tenir leurs petites illusions, plus envers eux-mêmes qu’envers cet âme jumelle, mais ils entendaient si distinctement les fausses notes qu’il n’y avait quasiment plus de place pour le mensonge. Et ils grimaçaient tous deux face au reflet…

Ses dents vinrent mordre sa mâchoire, glissée contre lui dans la prise ferme de ses doigts dans ses cheveux. Le geste accompagnait sa volonté de le piquer, de le titiller. Une façon de répondre à ses mots, par instinct. Elle savait, bien sûr, que ses limites demeuraient, mais elle tentait si fort de les oublier, de les renier qu’elle barrait sa propre vision, faisait taire cette autre partie d’elle qui ramenait toujours ses pas derrière les barrières. Et toi ? Et toi, tes limites ? Et toi, tes remparts ? Elle aurait voulu les voir s’écrouler, pour observer plus avant ce qu’il s’y trouvait, le trouver au plus profond de lui comme une envie de l’emplir tout entier comme il le faisait avec elle. Egoïstement, sans comprendre pourquoi…

« Tu te penses si manipulable que ça ? »
« Et toi...tu te penses si inébranlable ? »

Les mots avaient fusé sans hésitation alors qu’il dégageait sa tête, délaissant la morsure.
Parce que dans le flux magique et mental, Sanae se perdait déjà dans ce qui crissait en elle, là, contre lui. Et parce qu’en vérité, elle ne voulait pas répondre à cette question. La réponse, elle la connaissait, toute désordonnée qu’elle puisse être, mais était-il prêt à l’entendre ?

Et si j’ai envie que tu prennes le pouvoir ? Et si j’ai envie que tu prennes le contrôle que tu renies ? Et si, malgré tout ça, j’ai envie de me mesurer à toi ? Et si je te dis que tu en as tellement besoin de ce pouvoir, que je suis prête à te le donner, ne serait-ce que pour te garder un peu plus ici ? Parce que ton besoin s’accorde au mien, je suis prête à prendre ce que hurle mon organisme et à te donner ce que veut le tien. Et si j’ai envie que tu abattes mes dernières limites, que tu abattes la bienveillance, la générosité, la candeur qui m’ont si longtemps étouffée ? Et si j’ai envie de te laisser faire ?

Etait-ce pire d’être manipulé sans le savoir ?
Ou était-ce pire de l’être en toute connaissance de cause ? Mais si l’on savait, était-on vraiment manipulé, ou simplement fou ?

Sombrait-elle dans la folie de son être ?

Et pourquoi s’en foutait-elle, finalement ?

Parce qu’elle préférait vibrer de toute l’intensité de ce lien plutôt que de penser aux conséquences, aux dangers. Ses yeux s’étaient dirigés vers les katana qui tremblaient contre le mur, se saisissant du visage du sorcier pour le diriger dans la même direction et comme une réaction épidermique, il les fit pivoter violemment. Son corps l’emportait dans la force de son mouvement et la plaqua contre le rebord de la table qui cogna contre ses reins, mais elle s’en fichait, car déjà elle se retrouvait happée par le tranchant de son regard d’acier. Son esprit transperça le sien et un sourire éclatant illumina ses traits. Le sourire du démon qui retrouvait enfin la douleur et la violence de l’intrusion, mais surplombant tout le reste, la présence si grisante d’un visiteur familier. Ce visiteur, il défaisait toutes ses barrières, et son esprit glissait sur le sien, suivait le mouvement, l’accompagnait sans chercher à l’arrêter, mais simplement pour goûter à cette valse insensée qui déclenchait tonnerre et foudre en elle. Le message, il était aussi limpide que l’eau de ses vagues meurtrières.

Oui, la bataille c’est toi, c’est nous.


« Je sais pouvoir faire flancher tes limites, nuance. » Elle répondait à la perfidie, à la monstruosité de son sourire, s’en amusant, s’en délectant. « Le tout, c’est de savoir ce que je veux en faire. » Et le silence se retrouvait alors capturé entre ses lèvres. Temps suspendu dans les souffles. « Le tout, c’est de savoir si je veux te détruire. » Un léger rire fit trembler sa gorge alors qu’elle se détendait face à lui, ses coudes trouvant la table derrière elle, ses mains accrochées au rebord. Elle releva le menton, pleine de défi, pleine d’arrogance. Elle aurait du avoir peur mais la peur était une ennemie trop familière. Au contraire, c’était bien une excitation malsaine qui cramait ses veines. Et son sang commença à bouillonner au contact de sa main glissée sur sa nuque, tandis que l’autre prenait sa hanche. Pouces contre les endroits précis où il pourrait l’abattre d’une décharge de magie. Là, contre elle, prêt à exercer une pression fatale. Et elle ne faisait que sourire.

La folie, il lui semblait bien que c’était sa destination.

« Laquelle veux-tu détruire Logan ?» souffla-t-elle. « Si c’est celle qui courbait l’échine, alors accordons nos projets. » Un sourire pernicieux étirait ses lèvres, le regard flamboyant. « Mais si c’est ce visage-là que tu veux enterrer, je crains qu’il ne tente de t’entraîner avec lui.»

Oh, elle ne s’attendait pas à une victoire s’il se décidait vraiment à l’abattre. Elle savait la puissance de sa magie. Mais s’il comptait la défier au corps à corps, elle gagnerait sans états d’âmes. Pourtant...pourtant, ce défi...il était plein de moquerie.

Détruis-moi, je t’en prie. Ce sera plus vite fait que si je le fais moi-même, non ?
Mais que veux-tu détruire  au juste ? Celle que j’étais et qui me guette toujours ? Ou le monstre qui te fait face ?

Tu veux vraiment me détruire ?
Ou tu prétends le vouloir pour repousser aussi loin que possible toute cette humanité qui grouille en toi ? C’est notre lien que tu veux réduire à néant par peur de le voir se déployer dans tout son potentiel ?


Ses coudes trouvèrent la surface plane de la table derrière elle, ses mains s’accrochant au rebord, menton relevé. Son regard ne quittait pas le sien, l’affrontait, se moquait, le provoquait.

A quoi tu joues ?
A celui qui s’en fout ?


« Pour lâcher le contrôle, il faudrait refuser le chaos. A quel moment crois-tu que j’ai eu le contrôle, ces dernières années ? »

Le reflet qu’il lui tendait la fit frémir d’agacement, pourtant le sourire ne se fanait pas. Il la mettait face à ses contradictions, à ses dissonances internes, à ses contre-sens. Elle ne lui en voulait pas, c’était dans le tranchant des mots et des réflexions qu’ils se reconnaissaient le mieux.

« Oh, n’es-tu donc que chaos Logan ? Seulement un monstre ? Tu l’as dit toi-même...le choc des semblables... » se moqua-t-elle, laissant sa phrase en suspend.

...alors tu n’es sans doute pas aussi entier que tu veux le faire croire, là, dans le danger de ton visage monstrueux.

« Je regarde, Sanae. Et je me demande ce que vaut cet organisme avide, si on l’y précipitait, sur le champ de bataille. »

Un souffle amusé.

« J’ai fait mon testament depuis longtemps. Tu n’es pas le seul à ne pas avoir peur de la mort. Mais s’il faut mourir... » Son visage se rapprocha légèrement du sien, son souffle sur ses lèvres, l’éclat de ses prunelles plus brasier que néant. « ...je me battrai jusqu’à la fin et je me délecterai des derniers soupirs de ceux qui veulent me détruire. »

Et si toi tu souhaites le faire, alors je me battrai avec toute ma rage, toute ma férocité.

Sa bouche se fendit d’un sourire démoniaque, sa magie s’échappant d’elle pour faire trembler les vitres, les vases, les tableaux, les lames, son esprit fusant pour tenter de epousser le sien de toutes ses forces alors qu’au même moment, vive et agile, ses mains prenaient appui sur la table pour s’élever et projeter ses genoux en l’air, percutant de ses pieds son torse, l’expulsant plus loin. Le tumulte de son être si éveillé à présent qu’il avait allumé la flamme de la bataille s’acharnait à l’intérieur d’elle et au dehors. Une mèche barrant son front, son souffle la soulevant, Sanae ne lui laissa pas le temps de retrouver son équilibre ou d’attaquer, repoussé en arrière violemment, elle se jeta sur lui, son pied venant heurter sa jambe pour faire plier le genou alors qu’elle se saisissait de son bras, le projetant au sol en deux mouvements.

Le surplombant, ses cheveux encadrant son visage aux traits si fins qu’on ne pouvait les imaginer se déformer par la rage ou le plaisir perfide de l’affrontement brutal, Sanae dardait un regard tranchant sur lui. Un sourire arrogant aux lèvres, elle leva le menton, le dominant de sa hauteur, là, debout face à son corps étalé au sol, une froideur provocante dans le fond de ses yeux.

« Et toi, tu vaux quoi ? » fit-elle, amusée.

Mais déjà, elle venait s’abattre sur son corps, jambe de chaque côté de ses hanches, bassins collés, une main au-dessus de sa tête tandis que l’autre prenait sa mâchoire entre ses doigts fermes, violents, et glissait ensuite sur sa gorge, la pressait en plantant ses ongles dans la peau de son cou, un sourire mauvais sur les lèvres.

« Quel dommage que ton corps ne reflète pas toute la puissance qui est en toi. » Sa bouche vint frôler la sienne, son regard se plantant dans l’acier. « Elle est pourtant délicieuse cette puissance... »

Etait-ce donc de la folie que de vouloir la sentir de si près, cette puissance ?
Qui s’en souciait quand la folie était aussi savoureuse, indécente, euphorique ?

Vas-y, fais-moi mal.

C’était le cri de son regard.
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Mer 23 Déc 2020 - 11:30
« Et toi...tu te penses si inébranlable ? »
 
Un sourire sombre, carnassier, se dessinait encore sur ses lèvres.
 
Inébranlable, le roc ? Celui qu’on ne pouvait faire flancher. Celui qu’on ne pouvait faire céder depuis tant d’années. Celui qui restait loin, pourtant, loin des hurlements agacés du vent, mais qui pourtant ne frémissait pas devant les attaques. Inébranlable ? C’était son calme qui ne l’était pas lorsqu’il était attaqué, déclenchant la fureur, saturant ses nerfs de l’envie sauvage d’avoir le dessus, de réduire à néant ses ennemis.
 
 
Inébranlable ?
Dans son envie de lutter, de résister ? Le poison des Rivers, déversé à la louche dans leurs veines à mesure qu’on cherchait à les contraindre au silence ?
Dans son envie d’exister ?
Dans son refus de céder ?
Inébranlable dans sa rage d’agir ? De faire les choses, là où les autres cèdent systématiquement ?
 
Jamais une réponse n’était parfaitement affirmée. Alors l’était-il ? Sans doute pas, non. Là était sans doute bien le problème. Qui l’est ?
Que cherchait-il ? Parmi le chaos de ses attaques, la vibration sourde de ses paroles. Savoir qu’il peut la détruire, savoir qu’il lui suffit de le décider pour la réduire à néant suffit.
 
« Laquelle veux-tu détruire Logan ?
 
Le regard dans le sien, sourire aux lèvres, les bordures de son esprit encadrant le sien, le mordant, le tordant. Laquelle ?
 
« Si c’est celle qui courbait l’échine, alors accordons nos projets. »
 
Evidemment. Pourquoi faire autrement ?
 
« Mais si c’est ce visage-là que tu veux enterrer, je crains qu’il ne tente de t’entraîner avec lui.»
 
A son sourire flamboyant, c’était l’acier qui répondait.
 
« Un projet tentant, je l’admets. Mais je n’y vois pas grand intérêt. »
 
Celle qui courbait l’échine, il ne l’avait jamais appréciée. S’il la tolérait, c’était parce qu’il connaissait le montre enfouis au fond d’elle. S’il acceptait sa présence, c’était parce qu’il la reconnaissait, qu’il comprenait les méandres d’un esprit muselé. Et parce qu’elle pouvait lui servir, bien sûr. Pourquoi le cacher ? Pourquoi se contraindre au mensonge quand il était clair qu’il cherchait en premier lieu à poser les pavés d’un chemin sanglant mais salvateur pour son cousin. Lui en premier. Il passait bien avant sa curiosité à son égard.
Mensonge murmuré au creux de son oreille ?
Aucune idée. Que cachaient ses pensées autant que ses actes ? Pouvait-il se perdre lui-même dans le dédale qu’il avait construit autour de sa propre psychée. Autour ? Non. Elle s’était trouvée explosée en mille morceaux au fil des ans. Réduite à néant, c’était bien elle qui était morcelée. Bien avant une quelconque adversaire.
 
« Oh, n’es-tu donc que chaos Logan ? Seulement un monstre ? Tu l’as dit toi-même...le choc des semblables... » 
 
Toute l’ambivalence d’un sourire. La voracité animale et la douceur inattendue, inquiétante presque, d’un homme.
Comme c’est simple d’être le chaos. Comme c’est facile de ne pas penser, de ne pas macérer le sang, les morts, les cris. Comme c’est reposant de gouter le silence et la reddition d’un champ de bataille lacéré. Les no mens lands, il les appréciait, s’y avançait calmement, s’amusait des craquements sous ses talons. Et pourtant. Pourtant il y avait l’homme. Celui qui avait cherché à se mettre à couvert. Celui qui s’était décidé à avancer parmi les balles sans se poser la question d’être touché au passage ou non. Celui qui avait renoncé à sa propre liberté pour assurer la survie de dizaine de gosses. Celui qui avait passé les menottes à ses poignets sciemment. Une paire de plus dans l’histoire absurde d’un enfant enchaîné. L’humain. Celui qu’on ne voyait pas lorsqu’on posait les yeux sur lui. Celui qui passait sans cesse l’histoire de ses erreurs chaque nuit. Celui qui gardait un œil sur ceux qu’il pouvait estimer, qui les observait grandir, s’épanouir, avancer et vivre, loin de lui. Celui qui avait cessé de compter les gouttelettes de sang vermeil qui maculaient son épiderme. Celui qui savait l’étendu de ses fautes, qui les acceptait, qui vivait avec. Qui lacerait de ses décisions chaque parcelle frémissante de son âme décharnée.
 
Celui qui appelait à l’affrontement. Parce que oui, c’était là bien tout ce qu’il préférait être. Le chaos. Le chaos n’a pas de nom, pas d’émotions, pas d’avenir. Le chaos n’a pas d’alliés.
 
« J’ai fait mon testament depuis longtemps. Tu n’es pas le seul à ne pas avoir peur de la mort. Mais s’il faut mourir... »  Son visage proche du sien. Deux acharnés qui s’affrontaient, irriguaient dans leurs veines la folie de la lutte. Chasser la vulnérabilité. Chasser la fatigue. Chasser l’humanité.
 
Où étais-tu, Logan, durant toutes ces journées ?
 
 « ...je me battrai jusqu’à la fin et je me délecterai des derniers soupirs de ceux qui veulent me détruire. »
 
Son sourire démoniaque, il y répondait en miroir, encaissait sans frémir la fulgurance de son esprit qui crépitait autour du sien, de la magie qui s’épandait autour d’eux… et qu’il contenait dans l’enceinte de cet appartement. Par réflexe autant qu’à dessein.
 
« Voilà une maxime qui me parle. »
 
Tu cherches à la détruire ou à la forcer à vivre ? A l’anéantir ou à voir chez elle ce que tu te refuses ? Cherches-tu à libérer cette gosse violentée, à projeter ta propre existence détruite sur la sienne ? A lui donner la force d’avancer ?
La force, elle l’a à présent. Elle ne sait simplement pas encore comment la diriger. Alors par instinct, elle la tord, la détourne pour la diriger directement sur ce qu’elle sait moins destructeur pour les autres. Elle la dirige contre elle-même. Ne serais-ce pas exactement ce que tu ne cesses de faire ? D’ailleurs, cette force, est-ce que tu ne l’attires pas à toi ? Non pas pour la faire tienne, pas tout à fait. Mais sans doute pour lui donner des bordures. Tu lui as dit qu’il lui faudrait se tester pour apprendre à se délimiter. Connaître ses limites pour savoir se maîtriser. Et qui d’autre pourrait être celui-là ? Celui sur lequel elle pourrait s’épancher sans craintes. N’est-ce pas là ce qui vous relie ? Frappe la glace, teste la solidité, provoque les failles, déchaînes-toi.
 
Détruis-moi.
Pas toi.
Pas eux.
 
Autour d’eux, les objets vrombissaient autant que l’atmosphère pouvait le faire. Et ce coup, s’il l’avait vu se tracer dans son âme avant d’atterrir sur sa poitrine, Logan n’avait pas cherché à le contrer. Il n’en aurait sans doute pas eu le temps de toute manière. Pour autant, il ne chutait pas. Pas au premier, du moins, car déjà, elle était sur lui et il basculait, percutant le sol.
 
Un regard tranchant le dilacérait alors qu’elle le surplombait, toute la violence de sa rage d’exister aux lèvres.
 
« Et toi, tu vaux quoi ? »
 
Pas le temps de répondre autrement que d’un sourire alors qu’elle s’abattait sur son corps, son bassin percutant le sien alors qu’elle prenait sa mâchoire entre ses doigts fermes, rugueux presque de toute la fougue de la destruction qu’elle pouvait contenir en elle. Direction sa gorge à présent, qu’elle pressait, y plantant ses ongles.
 
Comme un sale souvenir dans les neurones. L’enfant n’est plus mais les marques restent.
 
« Quel dommage que ton corps ne reflète pas toute la puissance qui est en toi. »
 
Ses lèvres frôlaient les siennes d’un sourire démoniaque.
Oui, quel dommage. C’était là la seconde fois qu’il touchait terre, l’agacement crispant ses muscles, mis au sol par une guerrière ou l’autre. Son corps reprenait de la force, ses muscles se redessinaient doucement après des mois d’abandon complet. Des mois à devenir fantomatique.
 
« Elle est pourtant délicieuse cette puissance... »
 
La puissance, oui, ignoble et ingérable. Celle qui s’était fait marbre plus souvent qu’incendie.
 
Inébranlable.
 
Celle qu’il découvrait aussi, au fur et à mesure des jours, qu’il testait. Celle qui avait grandit, mise à l’épreuve durant ces derniers mois d’enfermement. La baguette n’est qu’un réceptacle, qu’un entonnoir pour canaliser la puissance parfois destructrice. Mais il avait appris depuis très jeune à moduler la sienne, à l’utiliser. Par son esprit en premier lieu. Mais dans le fond, la technique était similaire. Il suffisait juste de se maîtriser et d’en avoir assez sous le pied pour l’utiliser. Et de la puissance de feu, ô comme il en avait.  Et ce feu se reflétait dans les prunelles sombres du monstre autant que de l’humaine.
 
Le monstre, parce qu’il cherchait le chaos.
L’humaine, parce qu’elle appelait à la douleur, la destruction, la contention.
 
Fais-moi mal, oui. Etouffe les braises. Contient le brasier. Eteint l’incendie. Supprime le danger. Délivre-moi. Voilà ce qu’elle hurlait, tandis ce que l’autre grondait de la mettre à l’épreuve.
 
Un sourire pour toute réponse, ses ongles plantés dans sa chair. Serre. Serre fort. Mais il n’y aurait plus personne pour barrer la voie du chaos déchaîné.
 
« Moi je ne vaux rien. Je ne suis qu’un bâtard, rappelle-toi. Un cafard qui refuse de se laisser écraser. »
 
Réponse assez sincère, toute emplie d’un humour grinçant.
 
Et sur un champ de bataille ? Es-tu le cafard ?
Rien qu’une ombre. Rien de plus.
Rien que l’ombre incandescente du brasier meurtrier.
Ou celle de la montagne qui jamais ne s’écroule.
 
Alors là, sous l’épiderme, sous les muscles, sous les nerfs, sous le sang, il y avait les os de la jeune femme qui se mettaient à vibrer. Et l’onde passait de ses phalanges à son poignet, remontant dans son bras pour distiller dans tout son organisme. Mais il ne cessait de sourire, n’amenant jamais le séisme plus loin qu’une simple ride qui froisse le corps, une vibration abjecte, douloureuse, sans jamais lui briser les os, variant l’intensité en fonction de leur solidité.
 
Qu’es-tu capable de faire, Logan ? Une question qui claquait dans son esprit depuis des mois déjà. Qui pulsait, dangereuse.
 
Et pourtant, les vrombissements de ses os s’étaient tus.
 
Non. Je ne te détruirais pas.
 
Et l’onde devenait brûlante, caressant son bas ventre, la prenant de l’intérieur.
 
« L’affrontement est déséquilibré. »
 
Rien qu’un sourire moqueur.
Elle le supplantait au corps à corps - il le savait, ne cherchait pas à le nier – quand il aurait pu la réduire à néant en la percutant. Autour de son esprit, le sien se dégageait, se refermant sur elle comme des mâchoires brutales, meurtrières. Et pourtant d’une morsure, il se faisait vaporeux. Rien de plus que la bise d’un souffle d’air. Pourtant la connexion mentale, elle était toujours là. Il en jouait juste. Quelque part, sans doute apprenait-il doucement à faire autrement. A être autre chose que le cataclysme.
 
« Toi non plus, tu ne reflètes pas qui tu es. Pourtant, tu joues à te priver d’un atout indispensable. »
 
La surprise.
Attention à ne pas leur donner des armes pour t’anéantir.
 
Il te faudra combien de temps tu penses ? Pour apprendre à vivre sans te détruire.
 
Le sourire était toujours moqueur. Elle cherchait à se tuer, sans cesse. Et il lui fallait en passer par là.
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Lun 28 Déc 2020 - 1:59
« Elle se refuse toujours à comprendre, à entendre,
Elle rit pour cacher sa terreur d’elle-même.
Elle a toujours marché sous les arches des nuits.
Et partout où elle a passé
Elle a laissé l’empreinte des choses brisées. »
Capitale de la douleur, Paul Eluard


Le Roc était sournois, hypocrite, trompeur.
Inébranlable pierre, te voilà dressée dans les hauteurs comme une ombre menaçante, et tu regardes les autres de haut en souriant de les voir s’agiter, apeurés, sûre déjà de pouvoir les écraser. Tu casses d’autres pierres, tu déshabilles de ton regard les âmes, et tu souris avec perfidie à la vie. Cette dernière, tu veux t’en saisir autant que tu es enchaîné à la Mort. Son ombre te sied mieux, elle te protège du soleil, te laisse dans la moiteur de la terre entourée de ronces. C’est là ton lit, c’est cela ? Tu préfères sa noirceur, elle correspond à la tienne. Tu préfères son odeur, tu te fonds dans la sienne. Tu préfères ses silences et ses hurlements, ils ont presque ta voix.

Tu regardes passer les visages, les vies, les combats, sans y prendre à nouveau part. Tu as trop fait, trop entrepris, trop bataillé sans jamais découvrir sur leurs mines horrifiées ce que tu attendais vraiment. Oui, le Roc, quand il se bat, écrase. Il ne connaît pas d’autres manières, il ne connaît pas la douceur. Alors il brise. Il brise les statues de marbre, fait trembler la terre, et il frémit de plaisir à la violence de la cassure.

Mais attention…

Sais-tu bien ce que tu as libéré ?
La statue n’est plus, elle a libéré une femme avec un trop plein de mouvements entravés qui ne demandent qu’à se déchaîner. Et alors, ses prunelles d’encre se dardent sur le Roc et déjà elle veut planter ses piques et ses lames pour l’escalader, arriver au sommet. Non, le briser, elle ne le veut pas, ne l’entrevoit pas. Elle veut seulement tester sa force, s’en gorger, expulser les gestes qui ont été trop longtemps maîtrisés et elle le fixe avec défi, souriant avec la même violence mauvaise, avec le même plaisir qui ne voit rien d’autre que la brutalité délicieuse des collisions partagées.

Si tu veux me briser, je t’escaladerai sans prêter attention au vertige, sans me soucier de la chute, sans avoir peur de la douleur. Oh, si tu veux m’écraser, alors fais-le de toute ta force mais méfiance, car j’ai en moi une lame puissante faite de glace et de lave qui, si tu fonds tout entier sur elle, pourrait te traverser, se planter en toi et ne jamais s’en déloger.

Sais-tu bien ce que tu as libéré ?
Oui, un monstre, il est vrai...mais un monstre parlant, chantant, dansant. Un monstre capable de te comprendre, de t’encenser autant que de s’opposer, de te couvrir de gloire autant que de te mettre face à tes vérités. Ces vérités, il est voit, il les sent, il les devine. Il les touche d’un doigt planté en ton sein, apposant sa marque sans même réellement le vouloir. Il fait partie de toi et toi, tu fais partie de ce monstre, tout jeune, fraîchement libéré de ses plus grosses tenailles, de ses plus courtes chaînes. Oh, mais il en reste...des chaînes. Et peut-être l’une d’elles s’est refermée sur vous deux, vous liant douloureusement dans vos similitudes, dites et non dites, visibles et invisibles.

Que font deux monstres enchaînés l’un à l’autre ?
Ils se détruisent ou ils avancent ensemble ?

Ou peut-être, s’emploient-ils à détruire ce qui les relie ?
Mais comment prendre la décision alors même qu’ils font à peine connaissance, dans leurs libérations propres ? Sans doute était-ce ce qu’ils faisaient en cet instant : ils ne jouaient pas non, ils apprenaient à se positionner, à s’affronter, à se reconnaître encore et encore, à se défier, à se tester. S’apprivoiseraient-ils un jour ou fonderaient-ils tous deux sur la chaîne les reliant pour une ultime libération ? Se libérer de l’autre, le voulaient-ils ?

Il était là pourtant.
Elle était là pourtant.

Et pour le moment, ils avaient un projet commun, une seule cible : le visage de la perfection illusoire, la mesurée, la tendre, la généreuse. Ce visage-là, ils le vomissaient ensemble en cette seconde, ils le rejetaient tous les deux, et c’était bien la raison de cette l’union violente qui prenait l’air de l’affrontement sauvage.  Non, cette nouvelle Sanae, ce monstre qui voulait lui faire face, il préférait le garder en vie plutôt que de le troquer pour l’Autre.

« Un projet tentant, je l’admets. Mais je n’y vois pas grand intérêt. »

Un sourire presque complice, dans la perfidie du projet.

Ils s’accordaient, oui, tels deux instruments de musique délivrant des notes bien lugubres.
Et pourtant, il y en avait des fausses notes, presque nécessaires dans une partition chaotique qui n’entendait pas l’ordre, qui refusait l’harmonie banale, la mélodie lente d’une douceur sucrée ; ils préféraient les envolées brutales, les coups stridents, les tambours incessants qui martelaient, martelaient, encore et encore, jusqu’à faire vrombir les poitrines. Un martèlement qui correspondait bien plus à leur propre violence. Ces fausses notes, ils les appréciaient tous deux, à leur propre manière, dans les similarités et les différences qu’elles mettaient en relief.

Oui, le Roc était trompeur, hypocrite. Il oubliait parfois que le reflet du miroir était dans les deux sens. Il oubliait parfois, même, ce qu’il renfermait à l’intérieur, sous les couches et les couches et les couches de pierres brutes. Ossature épaisse, tortueuse, qui n’était pas facilement ébranlée, mais qui pouvait néanmoins l’être. Le choc des semblables, donc. Elle avait raison, il le savait, n’est-ce pas ? Si elle était bien des choses, malgré son refus de les accepter, lui aussi était multiple, complexe. L’homme, bien que plein d’acide, demeurait dans la roche.

Mais il était bien là…

Alors, ce fut naturellement que le sourire fut double. L’animalité et la douceur humaine en un seul étirement de lèvres. Discrète humanité, rejetée si férocement, mais toujours présente...dans les actes, dans les non dits, les silences, dans l’absence comme dans la présence. Cet homme, elle n’avait qu’à regarder le Roc pour le voir à travers les couches. Pas besoin d’entrer dans son esprit, elle le savait là.

Elle savait aussi qu’à trop l’approcher, on risquait le grondement de la pierre prête à s’abattre. Mais elle s’en fichait. Elle s’en fichait comme elle se fichait de mourir, de souffrir. Le combat était bien plus intéressant, la destruction aussi...autant la sienne que celle de ses ennemis.

 « ...je me battrai jusqu’à la fin et je me délecterai des derniers soupirs de ceux qui veulent me détruire. »

« Voilà une maxime qui me parle. »
« Comme c’est étonnant... » siffla-t-elle.

Je suis prête à combattre quiconque veut me voir à terre, juste pour le plaisir de le faire.
Juste pour sentir en moi la puissance de ma propre lave.


Oh, comme elle avait hâte de le lui prouver, de lui montrer qu’elle pouvait faire mal, elle aussi. Et au-delà de ça, qu’elle en avait profondément envie, malgré sa honte, malgré ses peurs enfouies.

Alors elle fondait sur lui, le propulsait en arrière, percutait son corps de ses pieds et l’emportait sur le parquet, brutalement, sans lui laisser le temps de réagir. Il aurait pu, il avait du le voir venir, mais il aimait trop l’impact. La voir se mouvoir, n’était-ce pas son objectif ? Restait à déterminer...dans quelle direction elle irait. Et si c’était contre lui qu’elle voulait s’abattre, ce n’était que pour se trouver, en lui, avec lui, peut importait : il l’y avait aidé une fois, il pouvait continuer à le faire.
De haut, elle le regardait avec une froideur presque méprisante ; pourtant, ce n’était que du défi, que de la provocation, que l’animalité du combat.

Elle le rejoignit bien vite, l’enfourchant comme on enfourche le Chaos prêt à galoper, lui faisant face, son corps penché sur le sien, ses doigts sur sa gorge. Elle aurait voulu ouvrir ses veines pour sentir sur ses mains la puissance qui s’y écoulait. Oh, cette puissance, comme elle la désirait, bien plus que lui en cet instant. Elle la désirait autant pour elle-même que pour la voir s’acharner sur elle.  

Et cette question qui traînait dans l’air...et toi, tu vaux quoi ?

« Moi je ne vaux rien. Je ne suis qu’un bâtard, rappelle-toi. Un cafard qui refuse de se laisser écraser. »

Un souffle amusé, prêt de ses lèvres, ses longs cheveux noirs retombant sur le torse du sorcier.

Toi aussi, tu te détestes autant que je me déteste, hein ?
A combien de niveaux se ressemblaient-ils ?

« Le bâtard et l’orpheline...quel beau tableau de deux catastrophes. »souffla-t-elle, avec une acidité moqueuse.

Et puis, la sensation s’infiltra en elle comme un tremblement de terre secouant tout sur son passage. Un tremblement maîtrisé néanmoins, mais qui fit frémir ses os, les parcourut dans une onde douloureuse...et grisante. Le regard fiévreux, empli d’une souffrance délicieuse, la sorcière entrouvrit ses lèvres pour laisser passer un gémissement et ses doigts se resserrèrent instinctivement sur sa gorge. Comment pouvait-on apprécier autant la douleur, la sentir griller chaque nerf en autant de sensations qu’il y avait de points d’interrogations. Le sourire du sorcier s’étendait, perfide plaisir à faire souffrir. Perfide plaisir à souffrir. Oh, comme cela s’accordait bien, n’est-ce pas ? Aussi malsain que cela puisse être, aussi terrifiant et malveillant pour les autres...c’était dans la violence qu’ils se trouvaient toujours. Une violence qui faisait vibrer l’être. Oui, son être vibrait en cet instant, la pression de l’onde crissant sur ses os et ses membres tremblaient alors qu’elle serrait les dents de douleur...et dans la grimace se trouvait un sourire monstrueux.

Ses mains glissèrent, ongles rappant contre l’épiderme du sorcier, traçant des lignes rouges sur sa gorge, jusqu’à venir tirer le tissu de son haut, l’étendre, le froisser. Autour, le chaos n’avait plus besoin de s’établir, il prenait possession de tout : le tremblement de terre n’était pas seulement dans son corps, mais dans chaque objet, chaque vitre, chaque mur. Elle ne le voyait pas ; elle s’en fichait.  Elle pouvait se déchaîner non, puisqu’il était là ?

Et puis, lentement, ses os cessèrent de trembler...et l’onde se transforma en autre chose. Une vague de chaleur, qui fit s’ouvrir d’un seul coup ses poumons ; elle inspira l’air dans une bouffée d’excitation, s’emplissant dans l’apparition de l’onde nouvelle. Elle ne la parcourait pas, elle la prenait de l’intérieur, tordait son bas ventre, rendait sa peau brûlante, cramait chaque nerf, chaque cellule de son organisme et ses muscles roulèrent, son bassin ondula sur le sien, ses cuisses se refermèrent autour de lui, ses ongles se plantèrent plus profondément dans la chair, s’ancrèrent férocement. Lèvres mordues, ses paupières se fermèrent une demi-seconde avant que ses prunelles ne retrouvent l’acier des siennes.

« L’affrontement est déséquilibré. »
La moquerie maculait sa bouche comme son ton. Elle eut un sourire en coin. Oui, elle était pleinement consciente que si au corps à corps elle gagnait, il n’en était rien du reste. Il venait de le démontrer. Sa magie s’était infiltrée en elle aussi facilement que son esprit, mais rien dans son organisme ne voulait contrer ses pouvoirs. Elle les aimait trop pour ça.

« Tout a toujours été déséquilibré, Logan. »

Pas qu’elle s’en plaigne réellement...bien que son envie d’entrer à nouveau dans son esprit la percutait bien souvent, d’autant plus en cet instant.

« Toi non plus, tu ne reflètes pas qui tu es. Pourtant, tu joues à te priver d’un atout indispensable. »

Quel atout ? Celui de pouvoir surprendre les autres en sortant des armes inattendues ? Ça, elle le savait.

Elle eut un souffle moqueur.
Ses lèvres vinrent frôler les siennes, son regard ancré dans le sien.

« Il me faudrait déjà savoir qui je suis... »

Arrêterait-elle de se détruire alors ?

« Mais je n’ai pas la force de prétendre à ce que je ne suis pas. Plus maintenant. »


Il avait été honnête, c’était son tour.
Car ce qu’elle n’était pas...c’était bien tout ce qu’elle savait à peu près. Ce qu’elle ne voulait pas être, en partie, lui avait été révélé comme une éclaircie sur un coin d’ombre. D’autres zones pourtant, demeuraient bien obscures. Tout comme le regard qu’elle plongeait dans le sien et qui se faisait impérieux, tranchant, dominateur. Une main vint se saisir des cheveux du sorcier derrière sa nuque pour les tirer brusquement alors que son visage n’était qu’à quelques petits centimètres du sien. Un sourire mauvais étira ses lèvres avides.

« Tout ce que je sais...c’est ce dont j’ai envie et là, tout de suite, je n’ai pas envie de parler. »

Et d’un seul coup, fusant hors d’elle, son esprit se détacha, se déploya, propulsé contre la forteresse à vive allure. Tout ce qu’elle avait retenu avec les autres, tout ce qu’elle avait renfermé en elle sans pouvoir le laisser se dégourdir les jambes avec toute la brutalité qui était sienne...venait se déchaîner sur son esprit avec une force qui effaçait toute la frustration de ces dernières semaines passées sans réel exutoire, sans réceptacle assez puissant pour l’encaisser. Et oh, comme c’était bon de pouvoir le faire ! Elle sentait son esprit s’étendre, se crasher, hurler contre les parois du sien comme on vocifère dans le néant, hurlant jusqu’à ne plus avoir de voix, criant toute la solitude, toute la colère, toute la violence, toute la peur, toute l’envie et le besoin. Un seul cri, perçant, tranchant, qui venait rencontrer la porte de la forteresse … juste parce que cette porte, c’était bien la seule qu’elle ne pouvait briser, et qu’elle était fatiguée de hurler dans le vide.

Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Lun 28 Déc 2020 - 18:11
C’est sans doute plus simple comme ça non ? D’être là de loin. Ou d’être proche  sans être à portée. Plus simple de provoquer la violence, la réponse, la lutte. Plus simple que de se dévoiler, d’exister sans masques. Car s’il savait tout d’elle, il ne lui avait donné accès qu’à une partie infime de celui qu’il pouvait être. Un besoin d’exister de manière plus honnête dans les yeux d’une personne, au moins ? Un lien avec celle qu’il avait rejetée au loin, qui lui avait demandé d’être débarrassée de son influence néfaste ? Non, qui l’en avait supplié ? Oui, sans doute en effet. C’était sans doute aussi ce qui l’empêchait d’agir autrement qu’en gardant cette distance nécessaire, salvatrice. Comment faire autrement quand il pouvait observer en elle le reflet ce celui qu’il était autant que de celui qu’il aurait pu être. Comme un miroir brisé des possibles et des semblables.

« Le bâtard et l’orpheline...quel beau tableau de deux catastrophes. »

Ne peut-on pas le barioler de noir, ce tableau d’enfer ?
Pourtant il souriait, amusé, malsain sans doute. Oui, quelles catastrophes pouvaient-ils êtres, débarquant mal dans la vie, déchiquetés de base dans une existence qui ne voulait pas d’eux. Assommés par les coups du sort, perclus des regards destructeurs qu’on avait pu leur porter comme autant de coups venus déchirer leur piètre existence. Se réfugier dans la violence semblait être un moindre mal non ?

Ça n’aurait pas dû, sans doute. Les gens normaux ne font pas ça, parait-il. Les gens normaux ne blessent pas les autres, ne rient pas face à la douleur, ne s’en gorgent pas. Pourtant la douleur, il s’était construit sur ses piliers, et elle s’en délectait en cet instant. Combat déséquilibré, insistant, puissant, dévastateur. Elle pouvait le mettre à terre, pouvait le faire plier et ça, Logan en avait parfaitement conscience. Son corps reprenait forme, doucement. Il cessait jour après jour d’être le prisonnier de guerre émacié qu’il avait pu être, cessait d’être l’ombre de lui-même. Pourtant il y avait quelque chose d’amusant à voir que c’était en l’assassinant à petit feu, le brisant de douleur qu’il se construisait plus fort, plus puissant. Tellement dévastateur qu’il s’amusait à présent à découvrir les limites de ce qu’il avait fait grandir, gonfler en lui. Ces plaies, ce sang versé, il lui avait servi de combustible, apprenant à manier la magie sans catalyseur de manière plus précise, plus puissante qu’il ne l’avait jamais fait. La rage est un bon carburant. Tout autant que la douleur.

Regardez ces prunelles, regardez ce sourire perfide de souffrir plus encore. Dites qu’il n’y a pas là l’essence même d’un brasier fulgurant. Ce ne serait que mensonge. Elle se tendait, répondait aux vibrations, s’emplissait tout à fait de la souffrance qu’elle faisait sienne, la nourrissait de la rage sourde et folle du plaisir instable. Pouvait-il lui apprendre à souffrir ? Etait-ce ainsi qu’il avait appris à tenir des mois, à force d’apprendre à aimer ça ?

Ses doigts se crispaient, griffant, raclant sa peau, y laissant des traînées rouges, appuyant sur l’œsophage. Et il maintenait, s’amusait à faire courir la magie en elle, prenant en lui chaque contraction, chaque frémissement de ce corps endolori. Il maîtrisait chaque vaguelettes à faire trembler ses os tout comme il maintenait le calme en dehors de cet appartement, gardant le contrôle, la maîtrise sur ses débordements.
Que ferait-il, s’il perdait le contrôle, lui, s’il lâchait la bride, laissait faire la meute ? Quelles contrées irait-il dévaster ?

Doucement, l’onde se modifiait, la prenant au bassin, devenant chaleur suave, tordant son bas ventre. Bien sûr qu’il s’amusait. Toutes les émotions passées, les violences souhaitées, les oublis fantasmés, les plaisirs agrippés, il les connaissait, les sentait encore grésiller en lui comme s’il y était.
Un instant, elle fermait les paupières, partie ailleurs, noyée de sensation, son esprit un instant coupé de lui, inaccessible. Et puis elle revenait, la biotite de ses iris percutant l’acier des siens. Son bassin roulant sur le sien, ses cuisses refermées autour de lui, ses doigts glissés jusqu’au tissu de son haut qu’elle froissait avec avidité.

« Tout a toujours été déséquilibré, Logan. »

Un sourire, amusé.

« C’est vrai. »

Il la connaissait dans chaque détail de son existence, c’était amusé à parcourir son esprit de parts en part durant des semaines, des mois, s’amusant à le prendre tout entier sans véritablement le dévaster puis à se faire vaguelettes, bise et souffle, s’insinuant là où elle ne l’aurait pas souhaité. Juste pour voir jusqu’où elle le laisserait aller. Jusqu’à quand elle accepterait de se dévoiler. A quel point elle décidait d’être honnête, d’apparaitre comme un allié et non comme un ennemi potentiel. Il aurait pu lui rendre la pareille, bien sûr. Il aurait pu équilibrer les charges. Pourtant, bien entendu, ça n’était pas ce qu’il faisait, par sécurité pour les autres, mais sans doute tout autant pour lui-même.

Est-ce que l’humain cherche à s’accrocher aux autres, quoi qu’il lui en coûte ? Est-ce qu’il cherche ce qu’il ne veut obtenir ?

« Il me faudrait déjà savoir qui je suis... »

Tu apprendras.

« Mais je n’ai pas la force de prétendre à ce que je ne suis pas. Plus maintenant. »

Pas la force ? Es-tu sûre que c’est réellement là la phrase adéquate ? De la force, elle en avait à revendre, pourtant, mais elle s’acharnait bien souvent sur elle-même, toute accumulée pour détruire plutôt que pour construire.
Tu te comportes comme l’enfant que tu étais. Frustrée de ne réussir à comprendre le puzzle assez vite. Agacée de ne pas avancer à la rapidité que tu le souhaiterais. Alors tu le prends pour toi, tu t’accuses, tu te blesses à toujours vouloir aller trop vite. Tu essayes de tordre ce qui prend du temps pour se former. Alors tu brises, tu blesses, tu échoues. Il faut une vie entière pour apprendre à se construire. La partie de toi qui a été malmenée, enterrée, n’a pas eu le temps de se développée. Elle s’est retrouvée brisée, étouffée, contrainte au silence. Comme s’il était possible de s’oublier. De cesser d’être une partie de soi-même. Comment imaginer que ce que les autres construisent en une vie entière d’apprentissage, tu puisses le bâtir en trois semaines à peine ? Arrogante et impatiente Sanae. Toujours prête à se brûler plutôt que de daigner attendre.


Mais elle n’était pas prête à l’entendre. Alors, lui, il se taisait, et il attendait. Ça viendrait plus tard, sans doute. Il souriait, simplement, ses mains contre elle, son esprit effleurant le sien, le griffant lentement, en parfaite connaissance de ce que la suite réservait. Avide.

« Tout ce que je sais...c’est ce dont j’ai envie et là, tout de suite, je n’ai pas envie de parler. »

Et son esprit se précipitait sur le sien, englobait les murailles de sa conscience, en faisait trembler la roche, cherchait à l’éroder, la dissoudre, s’y crasher, simplement, sans plan, sans mesure, sans compréhension. Elle hurlait, banshee en manque d’attention, grondement sourd d’un tonnerre qu’elle n’avait pu laisser vociférer, fulgurance d’une vie entière de silence. Sans doute aurait-il dû être là ces derniers jours. Etre là pour elle. Sans doute l’avait-il pensé, à l’origine, ce jour-là, quand il était resté. Quand il avait surveillé son épuisement sans mot dire, qu’il avait inversé les rôles, devenant la présence inquiète sans véritablement le sembler. Oui, c’était ce qu’il avait voulu faire, voulu être. Mais comme les résolutions de début d’années, c’était elles qui s’étaient effritées à mesure que la réalité et l’éloignement prenaient leur place en lui. Ne pas être présent, c’était ne pas trop se donner quand, face à lui, il voyait la seule femme qu’il avait jamais aimée rire et s’épanouir loin de ce qu’ils avaient pu être. Fuir est plus simple. Être le marbre qui jamais ne ploie vaut mieux que de dévoiler celui qui dans le fond, ne savait que faire de cette humanité imparfaite.

Sourire, ne pas trop s’avancer, se délecter de la violence de cette âme qui cris contre lui. Oui, ça il savait faire. C’était ça ? Celui dont elle avait besoin ? Le réceptacle de toutes ses souffrances, le vide dans lequel on crache ses remords et ses regrets, le mur qui encaisse les coups d’un poing qui ne cesse de s’y blesser.

Soit.

Je suis le vide. Je suis le mur.
Je suis ce qu’ils ne sont pas. Ce qu’ils ne peuvent encaisser, ce qu’ils ne peuvent deviner. Je suis celui sur qui tu t’écraseras. Je suis la bataille, ta bataille vers un autre toi.
Je suis la mort des autres. Celle que tu évites à chaque seconde où mon sang coule. Je suis leur survie.

J’ai toujours été leur survie.


Alors son esprit vibrait, l’englobait, la laissait frapper et hurler, se défouler, exister, tout simplement. Et là où il aurait pu serrer les dents, il souriait. Parce que cette puissance brute, ce besoin avide de prendre tout l’espace, il le comprenait tant, lui qui n’avait jamais été rien d’autre qu’une ombre.

Prends. Prends ce qu’il te faut.
Frappes plus fort. Je tremble à peine.


Les mains sur ses cuisses, il l’entraînait, l’embrassait, la puissance destructrice de son esprit se tendant, faisant vibrer l’air, échauffant les molécules, retenant le chaos qu’elle aurait pu projeter au loin.

Tu sais quoi ? Le contrôle, tu l’as. Fais-en ce que tu veux. Je t’appelle, j’encaisse.
Tu vois, malgré tout, je suis là.


Dès l’instant où tu as manqué d’emporter quelqu’un dans les limbes de l’oubli. Quelques jours seulement après avoir risqué de réduire un esprit à néant en t’oubliant dans les affres d’un plaisir que tu ne pouvais t’accorder. Quelques heures après que tu ne puisses plus t’octroyer ce que tu désires tant.

Serait-ce une heureuse coïncidence ?
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Ven 1 Jan 2021 - 18:46
Il suffisait parfois d’un contact, d’une parole, d’un regard, d’une présence et alors tout était chamboulé, tout était effrité, tout s’éclatait sur le sol. Les mensonges, les secrets, les masques. Toutes les illusions percées par l’acier de ses prunelles, à jamais exposées, à jamais démembrées. Que faire lorsqu’on apparaissait nu devant quelqu’un, totalement nu, sans rien d’autre pour se couvrir que de faibles demi-vérités, demi-mensonges, comme un réflexe enfantin de se couvrir le corps ? Etrange de se dire qu’il était le premier à l’avoir vue nue, sous tous les aspects. Le premier à avoir compris, le premier à avoir enlevé la robe blanche pour découvrir un corps qui ne demandait qu’à se découvrir lui-même, qu’à s’enflammer, s’enivrer. Et à se trouver ainsi nue, elle aurait pu avoir froid, grelotter, mais une lave brûlante coulait dans ses veines, venait réchauffer son épiderme, et faire gronder ses entrailles. Là-haut, l’esprit ronronnait en se déployant, heureux de sentir un autre venir à sa rencontre, heureux de pouvoir se faire entendre, de pouvoir se déchaîner sans avoir peur de briser. Parce que le Roc en face d’elle n’était pas près de ployer, il se maintenait, stable et fort, pour qu’elle puisse se ruer sur sa roche sans réelle volonté de l’écharper.

Au fond, tout ce qu’elle voulait, c’était ce contact. Ce contact qui lui avait manqué durant des jours, ce contact qui rendait avide, curieux, impatient. Ce n’était pas le corps, non, c’était l’esprit qui voulait le sien ; s’ils se touchaient, peau contre peau, mains agrippées, bassins collés, peut-être était-ce davantage pour rendre concret un toucher mental invisible qui déclenchait tout le reste, amenait inévitablement l’envie dans la violence de la collision. Là où les esprits allaient, les corps suivaient. L’envie de fusion, grésillant partout dans l’organisme, plus comme un besoin que comme une envie d’ailleurs. Elle voulait la retrouver, cette fusion qui leur avait permis de se trouver, voulait s’accrocher une fois de plus à cette euphorie percutante, à ce sursaut humain et monstrueux qui donnait l’impression d’éclater en mille morceaux avant que tout ne se recolle en mieux. Elle voulait l’ouragan de leurs êtres connectés si étroitement qu’il était impossible de discerner parfois ce qui était lui, et ce qui était elle. Mais il n’y avait pas de mots pour exprimer ce besoin, et s’il y en avait, ils n’auraient pu être prononcés à voix haute. La pudeur, la peur du rejet empêchaient tant de choses d’être dites que malgré les reflets qu’ils se renvoyaient, pleins de vérités, certaines choses demeuraient sous silence. Trop tôt, ou trop dur à dire, trop pesant, trop fort, trop … trop humain. Et en cet instant, aucun d’eux ne voulaient être humains ; alors ils empruntaient une voie plus facile. Celle de la violence. Parce qu’elle ne demandait pas d’explications, n’impliquait pas de dévoiler la profonde humanité de leur proximité naissante, et que ça, au moins, ils pouvaient le gérer, voulaient le gérer.

Et parce que c’était aussi un besoin qui pressait l’âme. Oh oui, ce besoin irrationnel, viscéral, de crasher son esprit sur le sien, de se confronter, de s’affronter, de sentir la rage d’une bataille qui n’occasionnerait la mort de personne, mais plutôt la vie, brutale et chaotique, dans un espace où la fureur ne faisait pas peur, ne heurtait pas vraiment, ou alors si, mais dans un plaisir malsain partagé.  Cet espace, c’était le leur. Il s’était créé à l’instant où seize jours plus tôt, dans la maison sur la plage, le sorcier avait senti la tempête gronder et l’avait agrippée, regardant l’oeil du cyclone sans ciller, sans reculer. Cet espace, il lui permettait d’éructer sans subir le regard effrayé, mortifié des autres. Un espace où elle pouvait se décharger de tout, même de l’ampleur de ce qu’elle était. Etait-ce prudent de s’abandonner ainsi, de lui confier son déferlement, de lui donner toutes les clés ? Tout le monde dirait que non, et peut-être une infime partie d’elle le pensait aussi, et pourtant...pourtant, ce choix-là s’était fait naturellement, dans les pensées et les corps mouvementés, et elle ne comptait pas revenir dessus aujourd’hui. Peut-être aussi lui donnait-elle autant de pouvoir sur elle par envie de voir ce qu’il en ferait, par curiosité malsaine, par envie de sentir la destruction abattre tout ? Peut-être aussi, sentait-elle quelque chose en lui qui était si instinctivement similaire que le danger n’apparaissait plus vraiment comme tel ? Elle ne posait pas la question, du reste.

Oui, tout avait toujours été déséquilibré entre eux ; l’équilibre et l’ordre étaient restés à la porte, ils n’avaient plus leur place. Et elle s’en fichait bien que ce soit équilibré au fond ; seule sa curiosité était frustrée, et il y avait derrière sûrement une envie paradoxale, ou deux envies plutôt. Celle de vouloir tout prendre, et celle de vouloir sentir qu’on lui donne volontaire quelque chose de précieux.   Ces deux envies s’affrontaient en silence, tourbillonnaient.

Elle se laissait simplement envahir...de lui, d’elle-même, de tout ce qui pouvait la traverser et l’emplir. Des tremblements magiques s’infiltrant dans ses os qui crissaient douloureusement en elle, jusqu’à la vague de chaleur qui tenailla son bas-ventre et vint onduler dans le reste de son corps, accélérant son rythme cardiaque, la faisant frissonner d’une extase qui se mêlait à la douleur toujours présente. Accrochée à lui, elle ne voyait que le sourire tantôt amusé, mauvais, avide qui courbait les lèvres du sorcier ; que le tranchant de ces prunelles qu’elle agrippait et qui l’agrippaient en retour. Elle ne sentait que les mains sur ses cuisses, que la chaleur du corps sous le sien, que la force de la magie et de l’esprit qui l’englobait de partout. Et elle fondait, martelait, se ruait sur la forteresse qui ne faisait que grincer sous les attaques. En surface, il n’y avait que deux corps accolés, et un tourbillon magique qui agitait tout les objets, l’atmosphère rendue lourde et électrique...mais dans leurs échanges sous-terrains, comme un secret inaudible pour le reste du monde, les hurlements de son esprit se braquaient tout entier sur celui du sorcier. Les vagues montaient, enroulant leurs langues humides pour s’abattre avec plus de force, se précipiter sur les murs épais qui lui faisaient barrage, tremblant à peine sous son poids. Muscles tendus, ongles plantés, elle avait planté son regard dans le sien comme on plante des lames acérées dans un corps. Prunelles noires contre prunelles claires. Deux tranchants différents et pourtant similaires.

Peut-être y avait-il de la rage à son encontre dans ce déferlement...peut-être se libérait-elle de la frustration et de la douleur de son absence, peut-être y avait-il une partie d’elle qui voulait lui rappeler, que cette chose précise, cette connexion des esprits, il ne pouvait pas y échapper et il ne pouvait l’avoir qu’avec elle ; peut-être dans sa volonté de le percuter si violemment, il y avait autant l’envie de se prouver sa force à elle-même qu’à lui, comme un arrogance piquante dans l’égo grandissant de son être. Elle qui avait été si humble pendant si longtemps...Oh, les choses qu’elle disait, qu’elle faisait aujourd’hui pour asseoir sa dominance, pour revendiquer un pouvoir qu’elle ne maîtrisait même pas. Et cette frustration de ne pas se maîtriser, de ne pas tout contrôler, elle lui agitait les nerfs si brutalement en cet instant qu’elle aurait voulu s’ouvrir le corps pour l’en extraire. Mais c’était sur lui qu’elle préférait s’écraser, faisant pleuvoir ses attaques comme des coups de poings sur une porte, si frénétiques qu’ils faisaient saigner les mains sur le bois imperturbable.

Elle s’était attendue à l’attaque de son esprit pour repousser le sien, mais elle sentait l’implacable mur demeurer là, sans répliquer, encaissant en silence. Il englobait tout, retenait le chaos de se propager plus avant, trop fort pour un simple appartement. Elle n’y pensait pas ; toute son attention était sur lui, et seulement lui, à rugir, gronder, crier, lacérer la roche pour se défouler, se libérer de tout ce qu’elle ne pouvait pas faire autre part que dans cet espace intime et secret. Et son corps ne faisait que se tendre et se détendre, se contracter, onduler, s’étirer car il reconnaissait l’empreinte de la libération totale et qu’il était déjà trop plein d’une avidité dévastatrice.

Alors elle ne savait pas si c’était son envie à elle qui s’était écrasée sur lui et lui avait intimé ce geste, ou si c’était son envie à lui qui parlait, mais il l’entraînait alors et leurs lèvres se percutèrent à nouveau. Le corps se joignait au mouvement de l’esprit et cette symbiose était délicieuse. Sans couper l’entremêlement de leurs regards, Sanae captura sa bouche pour la faire sienne, une main venant griffer sa nuque en l’attrapant. Une décharge électrique, une bouffée de chaleur et son corps déjà le voulait plus proche, plus violemment. Un gémissement animal et les deux corps disparurent soudainement, pour réapparaître debout quelques mètres plus loin, contre un mur où un miroir était accroché, vibrant de concert. La sorcière les avait fait transplaner jusque dans l’entrée où elle plaqua son corps avec brutalité contre le mur, brisant le miroir. La violence des gestes augmentaient à mesure que l’envie la prenait, déformant ses traits, invitant le plaisir et la malice sur ses lèvres qui ne tardèrent pas à reprendre les siennes avec une fureur de se crasher qui vrillait les nerfs. Et l’esprit  déferla à nouveau, plus tranchant. Elle ne voulait plus seulement s’abattre, elle voulait fusionner en tout ; et pour cela, il lui avait montré la voie. Oui, un alliage...une réconciliation pour pouvoir percer, entrer, s’immiscer.

Comme une lame fine tranchante, capable de percer tous les matériaux, mais invisible, si fine qu’on ne la sentait presque pas s’enfoncer dans la chair … ou dans l’esprit. Bouche contre la sienne, Sanae mordit brutalement sa lèvre inférieure, goûtant sur sa langue une perle de sang, grognant contre lui, ses mains le maintenant contre le miroir brisé, dont les morceaux crissaient entre le mur et lui. Et son esprit se dissipa, se taisant, comme une bourrasque retombant soudainement en une fine brise, presque imperceptible. Elle ferma les paupières un instant, gémissant contre ses lèvres qu’elle savouraient, ses mains tirant le tissu de son haut, tirant, tirant, jusqu’à entendre un déchirement quelque part, peu importait. Elle passa ses mains sous le vêtement et agrippant la peau chaude de ses flancs, griffant, se plantant, laissant les marques de l’envie débordante. Quand elle rouvrit les paupières, ce fut pour revenir comme si de rien était. Un fin filet de respiration, un déplacement dans l’air, mais précis, incisif, s’infiltrant en rampant, tentant d’échapper à son attention, tentant en surface, de la retenir ailleurs, de l’emporter, de déconcentrer...ses mains glissants contre son ventre, sa bouche jouant avec la sienne, ses doigts effleurant le devant de la cuisse, ses ongles raclant le tissu du pantalon. Elle n’espérait pas vraiment que cela fonctionne, mais cela l’amusait de jouer, de tenter…

Alors son esprit essayait de s’infiltrer, se faisant imperceptible, mais pas assez, sentant alors comme un regard braqué sur elle, alors l’esprit fuyait, se dissipait, tentait une autre entrée avant de plonger dans le mur de la forteresse, lame fine se plaisant à vouloir s’immiscer entre les fentes de pierres accumulées comme rempart. Et sur ses lèvres rougies par le sang, qu’elle détachait des siennes, se dessinait un sourire malicieux, pernicieux, plein d’un amusement provocateur.

Je veux tout.
Revenir en haut Aller en bas
Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
Sanae M. Kimura
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 27 ans
Hiboux postés. : 864
Date d'inscription : 11/05/2020
Crédits : **
Sanae M. Kimura
Sam 16 Jan 2021 - 12:36
Peut-on compenser les manques de toute une vie ? Peut-on malmener ses propres chemins de pensées, ses propres acquis pour accepter d’en sortir ? Est-elle une parmi d’autres, un visage qui passe et qui s‘oublie ? Oh Logan, si seulement tu pouvais oublier. Si seulement tu pouvais ne pas être toi-même. Chaque branche de toi, éparpillées, mises au bucher, survivantes, blessées, tordues, froissées, cloquée de milliers de flammes immondes les ayant lécher sans jamais réussir à les réduire tout à fait en cendre. Ah, Logan, si les autres n’étaient que des visages, tu ne serais pas cet homme. Mais ils ont plus d’âme et de conscience que toi. Elles te scient la tête, t’assomment de leurs envies, leurs besoins, leurs erreurs. Toutes ces âmes, tu les fais tiennes. Tu les connais mieux que toi-même car c’est plus simple ainsi. Plus simple que de se regarder dans un miroir, d’affronter ses propres manquements, d’accepter ses besoins. Tu aseptises ta propre existence, tu cherches à contempler celle des autres, à vivre à travers leurs travers.
Il n’y a plus d’inconnus. Il y a des êtres complets, complexes. Et tu vois. Tu peux toujours t’enfermer, te barricader, tu les connais, tu les observes presque malgré toi. Tu sais. Et tu les cherches, à ta manière. Penses-tu vraiment t’en convaincre ? Elle est le basculement. Une partie de toi veut vivre, juste pour accrocher l’affrontement, refuser de chuter, refuser d’être battu. Elle te l’a rappelé. Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est ce truc. Ce truc que tu refuses de définir, que tu ne te plais pas à accepter. Parce qu’accepter sa présence, la chercher, c’est renier une partie de ton identité. Renier celui qui a grandit loin des autres, incompris, rejeté. Celui qui s’est construit sur le morcellement des autres, qui a appris à vivre à coup de poings, de coudes, de rage. Celui qui a toujours été l’étranger, la bête de foire, le monstre. Le fameux monstre. Il est plus simple à accepter, finalement, que l’homme se terre derrière. Il semble si peu frémir fasse aux accusations de ses pairs. Il semble si peu souffrir des pertes, des drames, de la solitude. C’est étrange non ? Sortir des ombres, s’arracher à la mort pour finalement laisser les autres partir, assassiner les derniers liens, briser l’amour, l’affection, le danger.

Et pourtant, t’es là.

Parce qu’il y a un truc qui t’attire, te force à y retourner, t’accroche là, ici. Un truc qui t’a obligé à rester la dernière fois. Un truc profondément humain dont tu as besoin, envie, qu’importe ce que tu dises. Tu en fuis certains quand tu en désires d’autres. Plus solides, plus coriaces sans doute. Chercherais-tu des gens que tu ne risques pas de briser en quelques mois ? Toi qui te donne pourtant l’impression de refuser le contact des autres. Pire encore, cherches tu à les construire à ton image ? A vivre à travers ? C’est vrai pour Sanae, pas pour Maeve, sinon tu chercherais aussi à la contrôler, à la comprendre, à la maîtriser tout à fait. Et pourtant tu laisses faire. C’est vrai que tu n’es qu’un homme. En manque de respect, en manque d’attention, en manque de bienveillance, en manque de présence, en manque d’affection. Que de failles dans l’âme de celui qui se targue d’être imprenable. Ta forteresse est délabrée, ton être, décharné. Elle cogne, renâcle, force, s’abat, encore et encore pour te faire céder. Elle n’aura de cesse que chercher la victoire, parce qu’elle est faite ainsi. Mais dans le fond, c’est déjà fait. Alors bien sûr, elle n’y a pas accès comme elle le souhaite, à ton âme. Et pourtant elle y est. Gravée au fer rouge comme celle qui l’a réveillée d’une secousse, d’un séisme, d’un battement d’ailes. Elle y est, parce que tu en as besoin. Tu refuses de revenir vers ceux qui comptent, bien plus par amour que par égoïsme. Mais tu es faible. Risible, peut-être, dans ce besoin viscéral de retrouver un égal. De retrouver un allié. De retrouver ce qui t’a manqué durant toute ton enfance, finalement. Construit sur l’inhumanité, tu recherches ce que tu ne sais comment accepter.

Mais elle, elle l’a fait. Doucement, elle y a  été poussée. Ça a été lent, douloureux, instable et à la fois doux et brutal. Humain. Profondément basé sur l’affection et le respect. Et il a réussi, cet homme qui lui manque désespérément. Peut-être est-ce son besoin à elle qui résonne dans tes cellules. Peut-être est-ce son amour, son manque, sa peine qui enserre tes propres failles. Mais il y a là quelque chose qui fait échos. Un reniement jamais soigné d’un côté, un abandon qui se répète de l’autre. Une errance évidente de part et d’autre. Alors bien sûr, il a fait des erreurs.  Mais il a essayé, profondément, de faire les choses bien. Ce serait dommage de laisser sa fille se détruire, souffrir, s’enfermer dans ces erreurs-là non ? C’était là. Ça s’affrontait. Une envie malsaine de la contrôler comme il contrôlait tout le monde autant que son environnement… qui luttait avec quelque chose de plus humain, de plus bienveillant. Et dans le fond, la jalousie, le manque, l’absence.

Oui, tout était déséquilibré. Il savait, elle ignorait. Il maîtrisait, elle implosait. Il s’acharnait à s’arracher aux griffes de sa propre existence quand, elle, avait été prise par la main, cajolée, exportée de l’horreur.

Et maintenant, elle l’affrontait, ne cherchant pas réellement à rétablir l’équilibre, car celui-là, il ne le lui donnerait pas. Pas de son plein gré, pas tout de suite. Car l’autre équilibre, lui, était déjà gravé dans le marbre. Ce qu’elle avait eu, jamais il ne pourrait l’obtenir. Et l’amertume qui en découlait restait, tranchait, dégoulinait des plaies ouvertes. Et pourtant… pourtant il l’appréciait. Il aimait cette rage avec laquelle elle essayait, cette anarchie toute enfantine qui s’abattait sur lui sans réellement savoir où frapper, comment frapper. La même enfant qu’alors. Les mêmes angoisses, les mêmes réflexes, les mêmes espoirs sans doute aussi, bien cachés sous la peur de ne pas être à la hauteur. De faire mal.

Et d’être rejetée.

Je te connais. Je sais, je vois. Je sens les remous de cette enfance engluée. Ils n’ont pas su, eux. Mais ils ont été là. Ils le seront encore. Je le sais, ça aussi. Tu apprendras. Comme tu apprends maintenant, doucement, à coup de rage fébrile, de frappes erratiques, de chaos insensés. Tu apprends. Pas à pas. Dans la douleur et le désespoir, mais ça se grave, ça t’entrave, ça te forge. Et un jour tu sauras maîtriser la virulence de tes peurs et de tes doutes. Un jour tu te connaîtras assez pour ne plus avoir à être cette enfant perdue qui frappe au hasard, toute emportée par la fureur d’exister aux yeux de quelqu’un.

Un jour ils sauront.

Un jour je ne serais plus le seul à voir, le seul à savoir, le seul à connaître. Un jour ça n’aura même plus d’importance.

Pour toi.

Tant d’ambivalence dans cette charge. A l’image de ce rire qui étirait ses lèvres, cette joie sauvage qui masquait pourtant tant de peines. A l’image de ces deux corps qui s’affrontaient autant qu’ils se cherchaient, du crissement du miroir dans son dos alors même qu’elle était celle qui, finalement, n’avait cherché qu’à le forcer à vivre.

Et lui ?

« Plus léger, je te sens arriver. Masque tes actes avec une tempête pour occuper l’adversaire. Tu dois gagner en précision si tu veux m’avoir... »

Lui il se raccrochait à ce qu’il connaissait. L’affrontement. La lutte. L’enseignement.

Même si un jour, il le savait, ça ne suffirait plus.

- Topic Fini -
Revenir en haut Aller en bas
M. Logan Rivers
Personne
M. Logan Rivers
M. Logan Rivers
https://impero.superforum.fr/liens-additionnels-f64/takuma-marek
Âge personnage : 27
Hiboux postés. : 3281
Date d'inscription : 01/09/2009
Crédits : ©Bidi
Double Compte : Takuma, Sovahnn, Maxence, Jordane, Alec, Oliver, Jessen
M. Logan Rivers
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Page 1 sur 1
Sauter vers: