« Missed you. » | Enzo && Caitlyn

Mar 22 Sep 2020 - 0:09

Samedi 23.04.2016
En fin de matinée

Dans la forêt près de Bodø, Norvège

Réveil difficile. Douloureux, lent, comme si pouvoir prendre son temps avait non seulement des avantages mais aussi des inconvénients. Reposant son portable, elle lâcha un soupir, se frotta les yeux puis le reste du visage… et finit par se retourner, se roulant en boule à nouveau dans son sac de couchage. Bientôt midi. Elle devrait se lever, s’activer un peu si elle voulait arriver à faire une sieste. Mais elle n’avait pas la foi de se lever, pas tout de suite. Elle referma les yeux.

Comme d’habitude, elle n’avait aucun souvenir. Seulement les courbatures et la fatigue étaient là pour témoigner de la nuit qu’elle avait passée. Le froid, aussi, qu’elle redoutait, à la sortie de la tente. Et la faim, bien sûr, celle qui ne partait jamais. Qui finit par la tirer de son sommeil, début d’après-midi. Soupe chaude, plat de pâtes à même la casserole, rapide et efficace pour se rassasier. Deux bonnes heures pour tout ranger et rentrer sur Londres se recoucher.

* * *

Samedi 23.04.2016
Dans la soirée

Londres, Royaume Uni

La sonnerie du réveil, 20h précises. Elle n’aurait pas cru qu’elle en aurait besoin… Elle souffla du nez, puis s’assit au bord du lit, prenant son crâne entre ses mains, ses doigts s’enfonçant dans ses cheveux. La fatigue n’avait pas disparu, mais elle était revenue à un niveau habituel. Il lui restait encore un jour et deux nuits pour se reposer, et peut-être serait-elle plus en forme que jamais la semaine prochaine. Ce qui devait être une douche rapide pour finir de se réveiller se prolongea alors qu’elle laissait l’eau chaude couler sur son corps.

Septième transformation. Toujours vivante, pas de de gros incident. Elle commençait à s’y faire. À finalement embrasser sa double nature, tout comme elle avait toujours embrassé celle de Hammerschmitt et celle de Enzo. À se sentir bien dans sa peau. Ses sorties jogging ou autres sports n’y étaient pas étrangères. Celles avec Jake non plus. Enroulée dans sa serviette, elle lui envoya un petit message, puis se mit en route.

* * *

Dimanche 24.04.2016
Dans la matinée

Lakes Entrance, Australie

Une petite heure plus tard, le temps de s’habiller, fourrer quelques affaires dans un sac, et faire le trajet, la voilà qui atterrissait derrière la dune, qui, malgré le changement de saison, n’avait pas changé. Si les jours se faisaient plus longs et plus ensoleillés sur Londres, ça sentait l’arrivée de l’automne en Australie. Pour autant, ça n’était pas moins beau, et comme à chaque fois, elle s’arrêta quelques instants pour s’imprégner de ce calme qui régnait sur la nature partout autour d’elle, encore endormie.

Et puis elle descendit jusqu’à la maison, toqua sans hésiter à la porte pourtant ouverte, et s’accroupit pour accueillir Wax qui accourait, avant de se lever pour faire un câlin à Enzo qui arrivait derrière.

Jeu 1 Oct 2020 - 18:16

Missed you
Dimanche 24 Avril 2016

☨

Caitlyn & Enzo

« Hey, Enzo ! Tu fais quoi ? »

Arrêt sur image. Mains dans les poches, pieds dans l'eau, tête dans les nuages. Retour sur terre. Sourire. Dans le cœur des émotions contradictoires, un truc qui te laisse penser que de toute façon t'y arrivera pas. Pas ce soir.

« Je rentre. »
« Déjà ?! »
« Pas la foi. »

De faire semblant, de sourire alors que j'en ai pas envie, de me comporter comme je l'ai fait ces dernières semaines. Ça reviendra peut-être demain, sûrement, mais ce soir … Non, j'ai pas envie. Pas envie de prendre le moindre risque d'avoir une réaction stupide et surtout pas celui de forcer mes potes à se concentrer sur mes états d'âmes. Alors rentrer dormir, finalement, est ce que c'est pas la meilleure chose à faire ? Laisser passer ce truc qui me colle à la peau depuis quelques jours, comme son odeur dans ma mémoire olfactive. Silence radio, comme un gosse qui fait la gueule, je sais plus quoi foutre de moi vis à vis des autres. S'il est revenu, ça implique quoi ? J'suis pas prêt à faire comme si tout allait bien, comme si on allait se claquer la bise ou se serrer la main comme deux vieux potes. C'est la seule certitude que j'ai alors je reste dans mon coin. La pleine lune m'a offert une échappatoire nécessaire et bienvenue, maintenant que c'est passé … j'essaie juste de laisser couler. Sans trop de succès pour l'instant il faut bien l'avouer.

« Demain matin ? »
« Non j’peux pas, j’ai une copine qui passe. »
« Ouuuuuuuuuh. »
« C’est pas comme ça. »

Non, c'est bien plus fort que ça. Rien de comparable, tout simplement. Mia s'approche, passe ses bras autour de mon cou et m'embrasse la joue. Je me laisse aller une seconde à cette étreinte, ferme les yeux, écoute le ressac.

« Bonne nuit. »
« Merci. Amuse-toi bien. »

Un bisou sur sa joue à mon tour, un signe de la main à l'adresse de Joff, je m'éloigne du feu de camp, des autres avec ce même refrain en tête : Sors de mes pensées.

#

Wax d'un côté, Lune de l'autre, ce putain de vague à l'âme qui revient me cogner sans arrêt depuis mercredi. Pourquoi il a fallu que je me pointe comme ça ? Pourquoi il a fallu que ces putains de sens captent ta présence ?
Je passerai ma journée au pieu, là sous ma couette à mater le plafond. Tout ça pour quoi ? Pour un type qu'a jamais répondu à mes appels, à mes messages et qui revient sans prévenir du jour au lendemain. Pour une amie mal à l'aise au possible qui n'a pas osé me dire la vérité. Pour … Rien. Ça fout un coup au moral, un autre à l'estime, j'oscille entre la déprime et la colère, l'agacement et la léthargie. Le manque et l'envie de l'envoyer chier. C'est pas comme s'il avait cherché à communiquer de toute façon, alors à quoi bon ?

But you didn't have to cut me off
Make out like it never happened and that we were nothing
And I don't even need your love
But you treat me like a stranger and that feels so rough
No, you didn't have to stoop so low
Have your friends collect your records and then change your number
I guess that I don't need that though
Now you're just somebody that I used to know
Gotye

« Et puis merde, va t'faire foutre. »

Je déloge les poilus malgré moi et me dégage de la couette, passe sous la douche pour me réveiller et enfile un short long, un sweat directement sur ma peau. Un message à Caitlyn comme convenu, quelques mots échangés avec le frangin, mise en route du café et je pars marcher un peu dans la pinède au dessus pour que Wax se dégourdisse les pattes et fasse ses besoins. Pieds nus, mains dans les poches, j'arrive à peine quand une brise me fait comprendre qu'une nouvelle arrivante vient de débarquer. Sur mon visage un sourire, si Wax pouvait en faire autant ses babines s'étirerait sur sa gueule. Il est déjà dehors, profite des caresses et gratouille qu'elle lui donne avant de venir à moi. Geste naturel, mes bras se referment autour d'elle et réciproquement. Et j'y reste, là, contre elle, m'impregne de sa chaleur, sa présence, son odeur et les battements de son cœur. La femme, la louve, l'amie. Un membre de ma famille elle aussi, tout simplement.

« J’suis content que tu sois là. »

Yeux clos, j'inspire profondément et me vide d'air dans un soupir avant de m'écarter pour la regarder. Lui sourire.

« Tu veux boire ou manger un truc ? J'ai pas encore pris mon p'tit dej. Me juge pas, j'suis un peu lent aujourd'hui. »

Et j'le vis bien. Pas envie de me prendre la tête, pas envie de courir partout.

Jeu 8 Oct 2020 - 18:38

Son odeur. Sa chaleur. Son cœur qui battait tranquillement, ses poumons qui se vidaient alors qu’il enroulait ses bras autour d’elle, posait sa tête sur la sienne. L’étreinte d’un frère, l’évidence la frappait plus fort que jamais. Elle ferma les yeux quelques instants, relâcha ses épaules. Elle aurait pu rester ainsi pendant des heures.

« J’suis content que tu sois là. »

Un sourire, un soupir. Elle le serra un peu plus fort en guise de réponse. Elle ne s’imaginait pas que l’entendre lui dire ça lui ferait aussi chaud au cœur. Il lui avait manqué, oui, quand bien même ils s’étaient vus il n’y avait de ça pas si longtemps, quand bien même ils parlaient plus que ça n’avait jamais été le cas. C’était fou à quel point il était devenu important pour elle. Quelque part, il l’avait toujours été. Avait-il fallu qu’elle devienne comme lui pour elle s’en rende compte ? Ou bien tout ça n’avait été qu’une préparation à ce qui lui était arrivé ? Au-delà de l’aide, du soutien, qu’il lui apportait, c’était lui qui était important pour elle, lui qui lui avait manqué. De lui qu’elle sentait proche.

« Tu veux boire ou manger un truc ? J'ai pas encore pris mon p'tit dej. Me juge pas, j'suis un peu lent aujourd'hui. »

Elle lâcha un petit rire, secoua la tête.

« Un peu lent... t’as quand même commencé la journée en allant te balader - moi je l’ai passée au lit du matin au soir. »

Elle oubliait qu’il avait quand même eu dix heures de plus pour se reposer… Enfin, si tant était qu’il avait passé la nuit dans le coin. Décalage horaire à la noix.

« Et sinon j’ai bien mangé vers midi, mais ouais je crève la dalle. »

Elle passait sa vie à crever la dalle tout en mangeant comme un moineau. Entre la solitude et ledit décalage horaire à la noix, lassitude d’un côté et réticence, crainte de déranger, de l’autre… Non, ça n’était pas ce qu’il y avait de plus encourageant, et c’était sans parler des pensées qui l’empêchaient de se concentrer sur ses repas, ce stress latent, cette anxiété de fond. Il y avait eu du mieux, récemment, Jake n’y était pas étranger, tout comme Takuma avant lui, mais depuis la révélation du Secret Magique, c’était reparti pour un tour.

« J’crois qu’un café ne me suffira pas mais t’inquiètes, je peux faire la cuisine, ou si t’as un reste de pâtes ou autre ça me va aussi. »

Elle n’était pas là pour lui vider les armoires ni le porte-monnaie, et puis il savait bien que c’était dans la simplicité qu’elle se sentait le plus à l’aise. Tout comme elle savait que lui aussi, finalement, n’en déplaise au reste de sa famille.

« Et j’suis contente d’être là aussi. Rappelle moi de te demander si t’as une chambre à me louer et un job où me pistonner quand la nana reviendra de son congé mat. »

Oui, c’était tôt pour penser à ça ! Et surtout, pas du tout la raison pour laquelle elle était contente d'être là. Mais au moins, il allait pouvoir lui spoiler l’idée de Takuma, j’dis ça j’dis rien :D *out*

« Ou si je me fais virer de chez moi. »

Ça, par contre, c’était quelque chose qui pouvait lui tomber dessus incessamment sous peu et surtout sans prévenir, et le fait que ça ne soit pas encore arrivé n’était pas gage de confiance. Pas encore.

« Il a fallu que je tombe sur une experte en potions et qu’elle soit là au moment où le truc explose. »

Clairement dégoûtée, la Caitlyn. Surtout pour cacher les autres émotions qui se bousculaient en elle, en réalité, la peur en tête de file. D’abord Alec, maintenant Blunt, qui sera le prochain à savoir ? Combien de temps avant que l’information ne remonte aux mauvaises oreilles ? Ok, stop, changement de sujet.

« Sans parler de cette histoire d’exposition de la Magie… Purée j’sais pas ce que j’fous encore à Londres. On va dire que l’endroit le plus sombre est juste sous la bougie. »

Pas beaucoup plus gai. Nouvelle tentative

« Enfin la bonne nouvelle c’est que j’ai recroisé Mister Table Du Fond ! Il s'appelle Jake. »

Voilà qui était mieux. Quoique…

Lun 12 Oct 2020 - 15:40

« Un peu lent... t’as quand même commencé la journée en allant te balader - moi je l’ai passée au lit du matin au soir. »
« Tu crois qu'il m'a laissé le choix ? »

Il ? Wax, que j'accuse honteusement alors qu'il était bien sagement posé sur mon lit comme Lune. Il peut sortir quand il veut s'il a besoin, mais sans lui j'aurai sans doute pas eu le réflexe d'aller me balader.

« Et j'ai une journée d'avance sur toi. »

Une journée que j'ai passé à … craquer, pleurer, bader, dormir et essayer d'accepter. Le même schéma déjà tracé, celui qui m'a pris pas loin d'un mois avant d'aller mieux, de parvenir à avancer. C'est la vie, c'est comme ça, on va recommencer et puis c'est tout. Se barricader, encaisser les chocs, végéter un jour ou deux c'est pas la mort et j'en avais simplement besoin je crois. Demain est un autre jour.

« Et sinon j’ai bien mangé vers midi, mais ouais je crève la dalle. J’crois qu’un café ne me suffira pas mais t’inquiètes, je peux faire la cuisine, ou si t’as un reste de pâtes ou autre ça me va aussi. »

Comment tu fais pour avoir autant d'énergie ? Réponse : Elle ne vient pas de se réveiller gros malin.

« Et j’suis contente d’être là aussi. Rappelle moi de te demander si t’as une chambre à me louer et un job où me pistonner quand la nana reviendra de son congé mat. »

Une info.

« Ou si je me fais virer de chez moi. »
« Quoi ?! »

Deux infos.

« Il a fallu que je tombe sur une experte en potions et qu’elle soit là au moment où le truc explose. »
« Attends ... »
« Sans parler de cette histoire d’exposition de la Magie… Purée j’sais pas ce que j’fous encore à Londres. On va dire que l’endroit le plus sombre est juste sous la bougie. »

Trois infos. Douze. Je sais plus. Trop.

« Enfin la bonne nouvelle c’est que j’ai recroisé Mister Table Du Fond ! Il s'appelle Jake. »

Avalanche. Arrêt du cerveau. Le cœur qui s'emballe on en parle ? Je peux pas.

« Ok. C'est trop d'info d'un coup, j'viens de me réveiller ou presque j'te rappelle. »

C'est dit avec un sourire mais en toute sincérité là je peux pas faire mieux, j'y arrive juste pas.

« Entre. Laisse moi boire mon café et après tu pourras m'assommer. »

Je me moque gentiment, l'invite à me suivre d'un signe de tête et me dirige droit vers la cafetière tout en tachant tout de même de processer un peu tout ce qu'elle vient de me dire. Son boulot, d'abord. Je sais bien que c'était pas un truc à long terme mais le temps passe vite, plus vite qu'on ne le perçoit. Une pensée pour Takuma, pour ce qu'il m'a dit la concernant, qui pourrait régler bien des problèmes. Y compris celui du logement si elle doit quitter celui où elle est. C'est ça qui m'inquiète le plus, le fait que quelqu'un ait potentiellement capté son secret. Par principe j'ai arrêté de faire confiance aux gens là dessus, pour une question de survie tout simplement, et d'autant plus quand ça concerne les autres. Quand ça la concerne elle. La savoir en danger, non, c'est pas un truc que je pourrais supporter.
Si d'ordinaire je me sers de mes mains pour cuisiner ce matin j'ai pas la fois alors le p'tit dej c'est avec la Magie que je l'enclenche, sous le regard presque amusé de Derek qui descend de l'étage et traverse le salon avant de sortir dehors et prendre la direction de la plage. Un vague salut adressé à Caitlyn, faut pas trop lui en demander c'est déjà énorme pour l'ours des cavernes qu'il est. Bacon, œufs brouillés, des fruits, la totale parce que maintenant j'émerge je crève la dalle tout simplement.
Mister table du fond, ou Jake visiblement, j'admets le reléguer au second plan. Sans offense pour qui que ce soit mais ça me semble relativement secondaire là tout de suite. Parce qu'entre ce qu'elle vient de dire d'un point de vue perso et ces vidéos qui trainent sur le net depuis le début de semaine je devine que cette exaltation c'est sans doute en grande partie du stress.
Qu'est ce que tu fous à Londres ? Oui, je te le demande. Qu'est ce que vous foutez à Londres. Est ce que c'est plus safe ailleurs ? Sans doute que oui, j'en sais trop rien, mais tout plaquer c'est pas un truc facile à faire. Déni ou pas j'ai pas encore la capacité à vraiment m'intéresser à tout ça, trop eu à gérer d'un point de vue personnel ces derniers jours et tout ça sans transition avec cet état de frénésie que j'ai adopté quelques semaines. Peut être une part de lassitude dans tout ça, aussi, j'en sais trop rien. J'suis fatigué, c'est tout, alors la première gorgée de café c'est en fermant les yeux que je la déguste. L'odeur, le goût, la sensation de brûlure dans ma gorge, comme une pause avant de venir m'assoir sur une des chaises qui entoure le plan de travail rehaussé de la cuisine. Face à elle, la tasse entre les mains, la cuisine qui se fait toute seule là derrière.

« C'est quoi cette histoire avec l'experte en potion là ? »

Prendre les choses une part une.

Jeu 29 Oct 2020 - 8:40

« Tu crois qu'il m'a laissé le choix ? »

Un rire clair et elle se tournait vers Wax qui remuait la queue, les yeux rivés sur eux, un gros sourire inscrit sur les babines et surtout dans son regard. Secouant la tête d’un air faussement désapprobateur, elle s’accroupit à nouveau pour le couvrir de gratouilles. Trop d’énergie, la Caitlyn ? Ça ne durerait probablement pas longtemps, mais en attendant, oui, la présence de Enzo et celle de Wax lui faisaient chaud au cœur.

« Et j'ai une journée d'avance sur toi. »

Elle souffla du nez, haussa les épaules. Une journée, hm ? Les odeurs qu’il portait avaient certes trahi la ballade dont il venait de rentrer, ça s’arrêtait là. 12 ou 24 heures, elle n’avait aucune idée quand et où il avait passé sa Pleine Lune, ni avec qui. Elle savait juste qu’il lui avait manqué, et qu’une partie d’elle aurait peut-être voulu la passer avec lui. À moins que ce ne soit l’effet "lendemain de pleine-lune", avec cette envie de se lover contre lui et dormir comme le mois dernier ?

Elle se releva en enchaînant. Pourquoi ça ne sortait que maintenant, alors qu’ils s’étaient pourtant vus entre-temps ? Elle n’en savait trop rien, sans doute que l’occasion ne s’était pas présentée, ou qu’elle ne l’avait simplement pas saisie, en tout cas pas forcée. Elle ne l’analysait pas tellement, laissait libre cours à sa spontanéité. Et Enzo de se prendre une avalanche d’informations alors pourtant qu’il l’avait prévenu qu’il n’était pas bien réveillé…

« Quoi ?! »

Rien rien.

« Attends … »

Nope.

« Ok. C’est trop d’infos d’un coup, j’viens de me réveiller ou presque, j’te rappelle. Entre. Laisse-moi boire mon café et après tu pourras m'assommer. »

Et son cœur qui s’emballait, qu’elle entendait soudain comme si elle prenait alors seulement conscience de la réalité de son état de fatigue, et déjà elle s’en voulait de l’avoir bombardé ainsi, sans prendre le temps ne serait-ce que de lui demander comment il allait. Elle le suivit dans la cuisine, s’apprêtait à s’installer sur une chaise haute quand des bruits de pas se firent entendre dans l’escalier. Derek venait de faire son apparition, un demi-sourire aux lèvres, la saluant au passage alors qu’il traversait le salon.

« Salut. »

Un petit geste de la main, et elle le suivit des yeux alors qu’il s’éloignait en direction de la plage. Elle avait oublié sa présence, le revoir lui rappelait Poudlard et c’était peut-être bien une pointe de mélancolie qu’elle sentait s’inviter en elle, lui étreindre la poitrine l’espace d’un instant. L’odeur des œufs et du bacon la ramena à la réalité, et elle se tourna à nouveau vers Enzo, s’asseyant en face de lui, l’observant qui trempait les lèvres dans son café les yeux fermés.

« C'est quoi cette histoire avec l'experte en potion là ? »

Elle baissa la tête, ses épaules s’affaissèrent légèrement, un petit sourire aux lèvres malgré tout. Elle ne s’attendait pas vraiment à devoir revenir en détail sur tout ce qu’elle lui avait dit, ça n’était pas le but. C’était censé être des sortes de blagues, lâchées dans le vent et hop on passe à autre chose. Mais elle devait bien avouer qu’à sa place, elle aurait probablement aussi cherché à en savoir plus. Alors soit. Se saisissant de la tasse qu’il avait déposée devant elle, plus pour occuper ses mains qu’autre chose, elle se lança.

« C’est ma proprio. J’étais en train d’essayer de faire la potion, et je sais pas comment c’est possible mais j’ai oublié d’insonoriser l’appart, et ça a explosé, et elle a débarqué… et a reconnu l’odeur. »

Quelle était la probabilité pour qu’une proprio soit experte en potions au point de reconnaitre l’odeur de celle qu’elle préparait en secret ?

« Je ne lui ai rien dit mais elle a bien compris que c’était pas juste pour le fun. Et je crois qu’elle se doute de quelque chose. Mais elle est pas du genre à me balancer, c’est juste qu’elle a un fils et du coup ben elle a peur. »

Blunt avait beau ne pas avoir mentionné son fils plus que ça, elle transpirait l’instinct maternel. C’était de là que lui venait sa force, celle qui l’intimidait tant, elle l’avait compris depuis le temps. Une lionne prête à tout pour son louveteau. Face à une Louve acculée et poussée dans ses retranchements mais tout aussi déterminée à protéger ce qui était à elle. Comme quoi, Blunt avait raison de voir en Twain son reflet.

« Bref, j’ai fait de la merde mais ça va aller. Toi comment tu vas ? »

Ven 6 Nov 2020 - 16:05

« C’est ma proprio. J’étais en train d’essayer de faire la potion, et je sais pas comment c’est possible mais j’ai oublié d’insonoriser l’appart, et ça a explosé, et elle a débarqué… et a reconnu l’odeur. »

Montée de stress, d’adrénaline, c’est immédiat. Combien de personnes sont capables de reconnaitre l’odeur du Tue-Loup ? Ca ne court clairement pas les rues et je ne suis même pas certain que mes proches en soient capables eux-mêmes. Pour une grande majorité en tout cas. Alors qui est cette femme ? Pourquoi reconnait-elle cette odeur rare et particulière ? Surtout, qu’est ce qu’elle va faire de cette information ?

Traduction : Dans quelle merde Caitlyn s’est-elle foutue ?

« Je ne lui ai rien dit mais elle a bien compris que c’était pas juste pour le fun. Et je crois qu’elle se doute de quelque chose. Mais elle est pas du genre à me balancer, c’est juste qu’elle a un fils et du coup ben elle a peur. »

Mes battements de cœur je ne cherche pas à les lui cacher, d’une parce que c’est impossible, de deux parce que ce matin j’ai simplement pas le courage de lutter contre ce que je ressens. Là tout de suite, un mélange de peur et … d’une certaine forme de colère. Je garde mon sang-froid, me temporise ne me disant qu’elle est là, devant mes yeux, que tout va bien, tout en essayant de ne pas extrapoler dans les risques possibles et envisageables. Y compris celui que cette femme ait décidé de tracer l’Anglaise et que ça l’amène droit jusqu’ici. La maison, le terrain, tout est bardé de sortilèges et on ne rentre pas ici comme ça bien sûr mais difficile pour mon cerveau bien trop habitué aux catastrophes de ne pas envisager le pire.

« Bref, j’ai fait de la merde mais ça va aller. Toi comment tu vas ? »

Je ne vais pas me mettre en colère, à quoi bon ? Je ne suis pas son père mais je l’admets ce manque de précaution, d’attention, fait naitre en moi une certaine forme d’agacement. Chose que je n’aime pas ressentir à son égard, évidemment. Si je réagi de cette façon c’est simplement parce que je m’inquiète pour elle et un tel manque de prudence aurait pu lui coûter cher.

« Y a des gens qui finissent en cage parce que les autres ont peur d’eux. »

Ça m’échappe, mes yeux rivés sur mon café avant de retrouver les siens. J’ai pas envie de lui faire la morale mais cette fausse nonchalance qu’elle affiche là tout de suite j’en suis pas capable. Une accumulation, sans doute, mais surtout un sujet que je prends énormément à cœur. Un passif, aussi.
C’est l’instant que choisi Lune pour grimper sur le plan de travail et sur mon visage nait un sourire, je me détends un peu. Fataliste, sans doute, mais surtout …

« J’vais … J’en sais rien. J’suis fatigué. »

… Ouais, voilà. J’ai peut-être eu un jour de plus pour me remettre mais je sais pertinemment que ça n’est pas le physique qui trinque le plus. J’attrape finalement Lune qui fait la belle et s'impose comme maitresse des lieux, la prend dans mes bras, grattouille son menton alors qu’elle ronronne déjà à plein régime en scrutant la nouvelle venue. Elle n’a pas peur, d’une parce qu’elle la connait, de deux parce qu’elle connait l’odeur d’un Lycanthrope. Elle n'a jamais eu peur de moi ça n'est certainement pas une femelle qui va l'impressionner, sans offense.

« Takuma m’a parlé de sa boutique, il m’a dit qu’il envisageait de te proposer un boulot là-bas. Y a peut-être moyen de voir si tu peux pas y loger aussi. »

Est-ce que je suis en train de sous-entendre qu’il faut qu’elle dégage de là où elle vit ? Probablement. Totalement, en fait.

« Je sais pas si j’avais le droit de t’en parler, c’est pas grave. Tu verras avec lui et au pire il viendra me dire que je suis un faux frère. »

Tu parles. M’étonnerait qu’il m’en veuille bien longtemps de pousser Caitlyn à se rapprocher de lui. Une troisième roue dans le carrosse ? Visiblement. Je sais, on dit cinquième mais ça commence à faire beaucoup de monde sinon et je ne me permettrais pas de faire une remarque sur une quelconque roue de secours. Pas mon genre. Celui de ma créatrice par contre, totalement. Je vous laisse là avec vos roues multiples, je vais aller faire un tour de monocycle.

Dim 6 Déc 2020 - 23:17

Dire que Caitlyn ne regrettait pas d’avoir abordé le sujet aurait été mentir. Elle n’avait manifestement pas saisi la gravité de la situation, mais alors qu’elle lui expliquait ce qui s’était passé, c’était son stress qu’elle se prenait en pleine face, qu’elle encaissait sans savoir quoi en faire d’autre que de s’efforcer de ne pas lui en renvoyer l’image miroir. Pourtant, son ventre se nouait, sa gorge se serrait, son cœur accélérait en réponse à tout ce qu’elle sentait émaner de lui. La peur. La colère également. L’incompréhension de voir qu’elle avait si peu de respect pour ce secret dont il avait été privé.

« Y a des gens qui finissent en cage parce que les autres ont peur d’eux. »

Elle baissa la tête, croisant son regard alors qu’il le relevait de sa tasse. Oui, elle regrettait de lui en avoir parlé. Mais le lui cacher, sciemment, aurait été bien pire. En réalité ce qu’elle regrettait vraiment, c’était d’avoir baissé sa garde. Elle qui avait passé des mois à se terrer dans une forêt au Pôle Nord, puis des semaines à raser les murs en invoquant l’anonymat de la capitale, elle qui n’avait donné de nouvelles à personne et coupé les ponts avec la plupart de ses amis, la voilà qui se relâchait, et risquait non seulement sa vie, mais aussi celle de l’être qui lui était le plus cher.

Elle aurait pu ne pas l’entendre, ne pas la voir venir, il y avait de ça tout juste quelques mois. Ne pas sentir son odeur, surtout. Mais malgré celle des œufs et du bacon qui emplissait la cuisine, elle capta le parfum de Lune alors qu’elle approchait, perçut ses pas malgré ses coussinets, entrevit la blancheur de son pelage alors qu’elle sautait sur le bar avec souplesse et élégance pour rejoindre son humain. Et si Caitlyn aurait pu être tentée de vouloir la caresser, elle n’osa pas, se contentant de plonger à nouveau ses lèvres et ses yeux dans le café qui occupait ses mains.

« J’vais… j’en sais rien. J’suis fatigué. »

Froncement de sourcils. Quelque chose avait changé dans sa voix, dans sa posture, dans ce qu’il dégageait, elle le ressentait sans même devoir le regarder. Comme une onde venant la percuter au plus profond de son cœur, et elle releva la tête pour le voir qui attrapait Lune et entreprenait de lui gratouiller le menton en s’imprégnant de ses ronrons.

« Takuma m’a parlé de sa boutique, il m’a dit qu’il envisageait de te proposer un boulot là-bas. Y a peut-être moyen d voir si tu peux pas y loger aussi. »

…
Avait-elle vraiment cru que le sujet serait clos ?
Wait, mauvaise question, on reprend : était-il vraiment en train de parler de Takuma ?

« Je sais pas si j’avais le droit de t’en parler, c’est pas grave. Tu verras avec lui et au pire il viendra me dire que je suis un faux frère.
- Ok, heu… ben j’verrai avec lui, ouais. »

Quoi, un peu trop expéditif pour être totalement innocent ? Bah, il n’y verrait que du feu, non ? Bon. Elle but une nouvelle petite gorgée de café, puis posa la tasse sur le plan de travail et alla s’occuper de servir le petit déjeuner, quand bien même il aurait suffi d’un sort le faire. Tentative de fuite, oui, mais également volonté de prendre soin de lui alors qu’il venait de lui dire qu’il était fatigué. Et alors qu’elle déposait les assiettes à leurs places, elle s’enquit :

« Ta nuit ? »

Lun 7 Déc 2020 - 19:40

« Ok, heu… ben j’verrai avec lui, ouais. »

Fais donc ça. Faites donc ça. Pas que je me détache des autres, c'est pas mon genre, mais parfois t'as juste pas envie de mettre les pieds dans la vie d'autrui. J'assume complètement d'être autocentré sur la mienne, sur ce que je ressens actuellement, sur ce qui me prend la tête. Caitlyn et Takuma ? Pas mes affaires. Caitlyn et sa voisine ? Là c'est autre chose, mais qu'est ce que je peux bien y faire ? J'suis pas son père, pas son frère, personne pour lui dire ce qu'elle doit faire. Elle le sait de toute façon, non ? J'ai pas envie qu'il lui arrive quoi que ce soit, pas envie non plus qu'il y ait de retombée sur moi, mais tout ça c'est sa décision. Ses choix.
Je ne tique qu'à peine quand elle se lève et se balade dans la cuisine, n'essaie pas de l'en empêcher. Si elle cherche un moyen de prendre la fuite, d'éviter cette conversation ou une autre en s'occupant de servir le petit déjeuner alors qu'elle fasse. Le regard perdu dans mon café, une main de chaque côté du mug parce que Lune vient d'aller se poser sur le canapé, c'est a peu de choses près le vide dans ma tête. J'entends, je vois, perçois, mais je ne suis pas vraiment là. Ça me fait chier, c'est pas tellement comme ça que j'aime traiter les gens à qui je tiens mais ce matin c'est compliqué. Et je décide de l'accepter.

Retour sur terre quand elle pose une assiette devant moi, l'odeur des œufs et du bacon vient chatouiller mes sens et faire grogner mon estomac. Sur mes lèvres un léger sourire, un regard vers elle, un merci silencieux alors que j'attrape ma fourchette et pique dans les œufs brouillés. Soigner le vague à l'âme en se remplissant l'estomac de nourriture plutôt que d'agresser son foie avec des litres d'alcool c'est bien aussi.

« Ta nuit ? »

Arrêt sur image, je suspens ma fourchette juste devant ma bouche une seconde et reprends mon geste, prends le temps de déguster cette nourriture qui fait autant de bien au corps qu'a l'esprit.

« J'ai failli me faire buter par un Grizzli. »

C'est lâché comme ça, un peu brutalement même si le ton ne l'est pas. Pourquoi tourner autour du pot ? Il y a des choses que je ne dirai pas à Sovahnn, mais Caitlyn c'est différent. Ce que je vis elle le vit aussi, peut être pas depuis aussi longtemps mais elle comprend, elle connaît. Au moins en partie. Et peut être qu'au fond j'ai moins « peur » de l'effrayer, qu'elle s'inquiète pour moi. C'est différent, c'est tout, et puis Sovahnn n'est plus seule ça joue aussi. Tout va bien, je suis en vie. La Faucheuse n'a, encore une fois, pas voulu de moi.

Et puisqu'on est dans les confidences :

« J'ai rencontré d'autres loups. »

Mon regard plongé dans le sien j'essaie de ne pas me focaliser sur les réactions de son organisme. Je le sais, tout ça aura un impact sur elle.

« Si je ne t'en ai pas parlé jusqu'ici c'est parce que je voulais me faire mon propre avis sur eux avant, être sûr que je pouvais leur faire confiance. J'leur ai pas parlé de toi non plus et j'le ferai pas si c'est pas ce que tu veux. »

Son secret restera un secret si c'est sa volonté, ça n'est certainement pas moi qui irait contre ça tout comme je ne la laisserai pas s'éloigner de moi si elle tente de le faire. Un sentiment de trahison ? Est ce qu'elle pense que d'autres prennent sa place ? Ce sont des éventualités mais non, je ne laisserai pas faire. Parce qu'il y a une place pour tout le monde et que moi aussi, j'ai besoin de mes semblables. Je sais qu'au fond elle peut le comprendre.

« Je les ai croisé une première fois en janvier, on s'est battu mais c'était bon enfant. Puis le mois dernier, je les ai cherché et attaqué parce que j'ai vrillé. Tu m'as récupéré le lendemain, tu sais pourquoi. Après ça j'ai été m'excuser parce que j'avais le numéro de l'un d'eux suite aux dernières attaques dans Londres. »

L'un d'eux. C'est pas un mec lambda, la connexion que j'ai avec Benjamin et d'autant plus depuis cette dernière Lune, c'est un truc que j'ai même pas envie de qualifier. J'suis pas dans une période de ma vie où les repères se battent pour me rendre la vie facile et il est une part non négligeable de mon équilibre. Je ne sais pas ce que ça donnera, si ça doit perdurer, je sais juste qu'il est le repère que j'aurai voulu avoir il y a 4 ans quand ma vie à complètement basculée. Et la projection de celui que je pourrai devenir si cette foutue existence se décide un jour à me foutre la paix.

« Ce type … Tu sais comme j'ai pas eu forcément d'aide quand j'ai été mordu, il aurait pu être cette présence qui m'a fait défaut. »

Un roc plus solide que moi, ce que je représente pour certains, pour elle, mais qui n'a pas forcément d'égal pour moi. C'est pas une compétition, j'attends rien de personne et ne remets rien en cause, je dis juste que ça fait du bien. Parce que je ne suis pas invincible, loin de là, et que parfois moi aussi j'ai les jambes qui tremblent et le moral qui flanche. Loup fait partie de moi entièrement aujourd'hui mais ça ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin tous les deux du regard et du soutien, de l'expérience, d'un semblable plus âgé. J'ai perdu mon père a un moment charnière de mon développement, aujourd'hui j'ai Leiv … et peut-être bien Benjamin. Des exemples à suivre, des soutiens, des hommes pour qui j'éprouve respect et admiration. Azalea, Jakob … Non, je ne les oublie pas, ne les dénigre pas pour autant. Ils ont été là, ont marqué ma vie, mais Jody et Solàs ont de la chance d'être tombé sur Ben et Zari.

« Ils sont quatre, deux dans nos âges et deux plus âgés. La quarantaine environ. J'suis parti avec eux au Canada, ça se passait très bien mais j'me suis coincé la patte dans un piège et comme j'suis un putain de chat noir un Grizzli était là à ce moment là. »

C'est un rire sec qui m'échappe, presque amer, alors que je joue de ma fourchette dans mon assiette sans trop y faire attention. Les mots sortent, je crache tout sur la table d'un seul coup. Tout ça, ça fait un moment que je voulais lui en parler.

« Ils m'ont sauvé, j'vais bien mais ça m'a secoué. »

Haussement d'épaules, encore une fois, putain que je déteste être comme ça. Pourquoi cette fois, comme ça ? J'en sais trop rien. Peut-être parce que je suis pas le mec le plus solide de la planète en ce moment, qu'il y a des hauts et des bas, que j'ai putain pas envie de caner même si je flirte avec la Faucheuse depuis des années.

« Et Will est revenu, j'le sais uniquement parce que j'ai senti son odeur sur Keza en débarquant chez les filles à l'improviste. »

Traduction : Non, toujours pas de nouvelles. Pas de message, pas d'appel. Rien.

« Ouais, c'est mon tour de t'assommer y a pas de raison. »

Un sourire timide, comme une sorte d'excuse silencieuse pour ma façon d'être. Elle mérite pas ça, cette lassitude, cette rancœur, cette absence de joie. Y a juste des jours où t'as pas envie de faire semblant et aujourd'hui est un de ceux là.

Lun 14 Déc 2020 - 13:43

S’occuper les mains et l’esprit. Sortir de cette conversation qui tournait un peu trop autour d’elle alors qu’elle n’était clairement pas celle qui avait besoin de parler ce matin. Midi. Bref. Prendre de la distance, du recul, pour mieux voir, mieux s’approcher. Ses épaules lourdes, son cœur serré, sa boule dans le ventre et celle dans sa gorge alors qu’il soupirait sans même s’en rendre compte, le regard perdu dans le noir de son café, absent. Le voir dans cet état… oui, ça faisait mal. Et l’espace d’un instant, ce fut la peur qui l’envahit, celle de ne pas savoir quoi faire, quoi dire, pour l’aider, comment s’y prendre pour ne serait-ce que désamorcer la situation. Celle de ne pas avoir les bons mots, les bons gestes. De ne pas être la bonne personne pour ça, pour lui, en cet instant.

Stop. C’était elle qui était là, et quand bien même elle sentait bien qu’il aurait aimé ne pas lui imposer ça, il ne semblait pas vouloir donner le change, ni l’empêcher s’inquiéter pour lui. Et elle le revoyait qui s’accrochait à elle, pleurait toutes les larmes de son corps alors qu’elle le serrait dans ses bras, amortissait les sanglots qui secouaient son corps. Il avait su se relever, reprendre le cours de sa vie, mais en cet instant, il était à nouveau ce garçon triste, perdu, qu’il était le mois dernier.

« J'ai failli me faire buter par un Grizzli. »

Ses yeux rivés sur lui, elle encaissa le coup sans rien dire, sentant simplement ses muscles se tendre, presque imperceptiblement, comme attendant le prochain. Elle avait posé une question, reçu une réponse. Son ton las, presque désinvolte, pas moins grave pour autant, était un signe on ne pouvait plus clair qu’il ne fallait pas qu’elle cède à la panique.

« J'ai rencontré d'autres loups. »

Changement de sujet, presque du coq à l’âne, un peu comme elle quelques minutes plus tôt. Et il leva le regard vers elle, le plongea dans le sien cette fois, sans détours, comme pour la sonder en retour, avant de répondre aux questions qui naissaient dans son esprit.

« Si je ne t'en ai pas parlé jusqu'ici c'est parce que je voulais me faire mon propre avis sur eux avant, être sûr que je pouvais leur faire confiance. J'leur ai pas parlé de toi non plus et j'le ferai pas si c'est pas ce que tu veux. »

Des hochements de tête, plus par automatisme qu’autre chose, signes qu’elle entendait ce qu’il lui disait, l’enregistrait, bien que ne sachant pas trop quoi en faire en l’état. Elle essayait de comprendre où il voulait en venir, ce qu’il cherchait à lui faire comprendre. D’autres Loups, dont il ne lui avait jamais parlé jusqu’ici, et auxquels il n’avait jamais parlé d’elle. Mais il y avait pensé. Elle fronça les sourcils.

« Je les ai croisés une première fois en janvier, on s'est battu mais c'était bon enfant. Puis le mois dernier, je les ai cherché et attaqué parce que j'ai vrillé. Tu m'as récupéré le lendemain, tu sais pourquoi. Après ça j'ai été m'excuser parce que j'avais le numéro de l'un d'eux suite aux dernières attaques dans Londres. »

Janvier. Les attaques dans Londres. Le souvenir de la panique qui l’avait submergée en apprenant la nouvelle, de son craquage dans cette ruelle face à Takuma, de ses larmes sur l’épaule de Alec… Première exception à ce secret si lourd à porter mais encore plus à confier. Nouveau hochement de tête, alors qu’elle serrait les mâchoires.

« Ce type … Tu sais comme j'ai pas eu forcément d'aide quand j'ai été mordu, il aurait pu être cette présence qui m'a fait défaut. »

Et un sentiment de culpabilité, mal placé mais bel et bien présent, alors qu’elle réalisait une fois de plus la chance qu’elle avait de l’avoir, alors que lui s’était retrouvé seul avec soi-même, sans personne pour le guider. Elle essayait d’être là pour lui autant qu’elle le pouvait, mais jamais ne saurait-elle lui rendre ce qu’il lui avait donné, être ce modèle qu’il était à ses yeux.

« Ils sont quatre, deux dans nos âges et deux plus âgés. La quarantaine environ. J'suis parti avec eux au Canada, ça se passait très bien mais j'me suis coincé la patte dans un piège et comme j'suis un putain de chat noir un Grizzli était là à ce moment là. »

Quatre. Une famille, au complet, plus fonctionnelle que bien d’autres, pour sûr. Deux adultes, deux jeunes. Trois désormais ? Un pincement au cœur à l’idée qu’elle n’en fasse pas partie, qu’elle n’y ait pas sa place, quand bien même elle voyait bien que s’il lui parlait de tout ça, c’était justement pour lui proposer de lui en trouver une.

« Ils m'ont sauvé, j'vais bien mais ça m'a secoué. »

Aucune conviction dans ses paroles, aucune lueur dans son regard, pas même celle de la peur. Juste vide. Vidé. Elle hocha la tête à nouveau, sans plus aucune trace de cette pointe de jalousie qui lui avait étreint le myocarde.

« Et Will est revenu, j'le sais uniquement parce que j'ai senti son odeur sur Keza en débarquant chez les filles à l'improviste.
- Oh merde. »

Ne rien répondre en apprenant qu’il avait une fois de plus frôlé la mort, mais lâcher un juron en comprenant qu’il avait à nouveau le cœur brisé… Mais n’était-ce pas ça, la véritable cause de son vague à l’âme ? De sa fatigue, de sa lassitude ? De sa douleur qu’elle pouvait lire dans ses yeux, dans ses soupirs, dans ses mouvements ?

« Ouais, c'est mon tour de t'assommer y a pas de raison. »

Elle secoua la tête. Pas question qu’il se referme comme une huitre à peine il avait ouvert les vannes.

« J’suis désolée. »

Oubliant la faim qui lui tordait le bide quelques instants plus tôt, oubliant l’effervescence qui l’animait, c’était sur lui qu’elle se focalisait en cet instant, lui qu’elle aurait voulu prendre dans ses bras comme la dernière fois et juste rester avec lui, lovés dans un canapé, pendant le reste de la journée.

« C'est chouette que tu aies rencontré d’autres Loups. Je… Tu vas rester avec eux ? »

Et dans sa tête, toujours cette même question : était-elle prête ? À dévoiler son secret une fois de plus, quand bien même ils avaient le même ? À rencontrer des gens comme elle, comme eux ? Une partie d’elle en rêvait, n’espérait que ça. Intégrer une meute. L’autre, appréhendait. Et si elle n’était pas assez bien ? Elle voyait bien qu’Enzo attendait plus des nuits qu’ils avaient passé ensemble. Peut-être était-elle faite pour rester seule…

« Je sais pas trop si c’est une bonne idée. De leur parler de moi, je veux dire. »

Toujours cette crainte d’être un poids pour autrui. Elle s’était fait une raison avec lui, acceptait plus facilement son aide, mais elle restait celle qu’elle avait toujours été.

« C’est quand que t’as su qu’il était revenu ? T’as… essayé de l’appeler ? »

Lun 14 Déc 2020 - 17:00

« J’suis désolée. »

De quoi ? D’avoir face à toi un pauvre type qui se mange la même rupture une deuxième fois et replonge dans la déprime alors qu’il avait réussi à s’en sortir ? Je le déteste pour ça, si tu savais. Et je me déteste encore plus d’avoir ignoré les signaux, d’avoir eu cette putain d’idée lumineuse de me pointer chez les filles sans prévenir au lieu de rentrer chez moi.

« C'est chouette que tu aies rencontré d’autres Loups. Je… Tu vas rester avec eux ? »

Qu’est-ce qu’il y a derrière ce regard ? De la peur ? De la déception ? De la colère ou de la jalousie ? De l’envie ? De l’hésitation ? De l’appréhension. De mon côté aucun jugement, en tout cas.

« Je sais pas trop si c’est une bonne idée. De leur parler de moi, je veux dire. »

Juste un hochement de tête, un léger sourire sur le coin des lèvres et une gorgée de café. Jamais je n’insisterai, jamais je ne la pousserai à quoi que ce soit. Elle m’a moi, elle le sait, si ça lui suffit alors c’est ainsi et si un jour elle ressent le besoin de s’éloigner je le respecterai aussi. J’ai pas envie de perdre une amie, surtout pas elle, mais quand le loup a besoin d’espace, de liberté, de solitude … Ca n’est pas une chose contre laquelle j’irai si ça doit arriver.

Pas si j’suis certain qu’elle le fait uniquement parce que c’est ce qu’elle veut et pas parce qu’elle prend la fuite, qu’elle s’efface comme je pourrais avoir le réflexe de le faire.

« C’est quand que t’as su qu’il était revenu ? T’as… essayé de l’appeler ? »

Tout ce qui sort de ma bouche c’est un rire sec, rempli d’amertume, un truc qui me fait secouer la tête et me crispe les mâchoires dans un rictus nerveux. La vérité c’est que depuis quelques jours j’ai le cœur qui se fissure à nouveau mais la fierté prend le dessus cette fois, surtout depuis la veille, surtout depuis que je me suis retrouvé à chialer dans les bras de Ben comme au premier jour. J’étais bien parti, et puis y a cette main invisible qui m’a attrapé au vol pour me rabattre brutalement contre le sol. Si je me relève aujourd’hui c’est en puisant dans cette rancœur, pas un truc nouveau mais quelque chose que j’avais réussi à mettre de côté.

Tu fais chier.

« Pour quoi faire ? J’trouve son silence relativement éloquent. »

Un sourcil arqué, je me mords l’intérieur de la joue et regarde le plafond sans le voir. Mes doigts continuent de pousser ma fourchette contre le contenu de mon assiette, l’autre coude posé sur la table et la main dans le vide.

« J’sais plus, là dans la semaine. Mercredi peut être. »

Détail que je balaie en cognant le bois de mes phalanges dans un léger geste répétitif, là encore sans y prendre garde.

« J’veux juste qu’il sorte de ma tête maintenant. »

Vraiment ? Vraiment. Parce que j’en peux plus de penser à lui du soir ou matin, du matin au soir. J’en peux plus d’avoir son odeur de nouveau dans les capteurs olfactifs, mirage ou réalité. J’en peux plus de passer mon temps à me morfondre dans le fond de mon lit comme un pauvre connard qui se serait fait jeter la veille. Ça fait un mois putain, un mois. Bouge ! Et toi, oui, sors de ma tête. S’il te plait. Sors de mes veines, j’te supporte plus. T’as transformé mon sang en acide et ça brûle.

Vous attendez en vain qu'il relance les dés, vous pensez qu'il vous reste des cartes maîtresses que vous n'avez pas encore abattues, et qui changeront le cours de la partie. Mais vous avez perdu. Moi, j'ai perdu ▬ Lolita Pille

J’sais même pas pourquoi je parle encore de toi.

« Ils savent que je côtoie d’autres Loups, ils connaissent l’enjeu du secret et ne chercheront pas à fouiller. J’dirai rien mais si jamais tu changes d’avis et que tu veux les rencontrer, ou juste un, tu me dis. Mais te sens obligée de rien. »

Voilà, parler de ça, d’eux, de toi.

Parce que finalement c’est le plus important. Le sourire que je lui adresse se fait plus franc, plus tendre, comme si le poison s’évacuait.

« Quant à rester avec eux j’sais pas trop ce que ça implique mais j’vais conserver ce lien, oui, je pense. On verra bien. »

Je ne me pose pas de question concernant ce qui se passe, je laisse faire le feeling, l’impulsion, surtout l’instinct. Que ce soit avec Ben ou avec Jody, un peu moins avec Solàs et Zari mais ça viendra peut-être. Ils ont leur monde, j’ai le mien, je vis à l’autre bout de la planète et j’évite au maximum cette ville qu’est Londres mais la Magie permet tellement de choses.

« Ça change rien au fait que j’ai de la place pour tout le monde et que si t’essaie de me ghoster je viendrai camper devant ta porte jusqu’à ce que tu comprennes que t’y arrivera pas. »

Cette phrase, je la ponctue en attrapant un morceau d’œufs brouillés entre mes doigts pour le lui lancé droit dans la figure. Et sur le coin de mes lèvres, malgré tout, mon éternel sourire de p’tit con. Tu vois, il est toujours là quelque part.

Dim 20 Déc 2020 - 13:40

« Pour quoi faire ? J’trouve son silence relativement éloquent. »

Une sorte de violence vibrait dans sa voix, plus fort que la peine aurait pu la faire trembler. Une rancœur, un ras-le-bol. Mais dans son regard, dans ses mouvements, toujours cette même douleur, cette même fatigue, ce même froid, ce même vide. Et le cœur de Caitlyn de se serrer à nouveau, et ses mâchoires de se crisper. Elle était désolée, oui, d’entendre à quel point il allait mal, de le voir, de le sentir au plus profond de ses entrailles. Et une partie d’elle était en colère, sans trop savoir contre qui, contre quoi, contre tout ce qui lui arrivait.

« J’sais plus, là dans la semaine. Mercredi peut-être. »

Elle hocha la tête une fois. Il aurait pu attendre d’elle qu’elle le suive dans son agacement, qu’elle le conforte dans son aigreur. Qu’elle soit celle avec qui il puisse laisser libre cours à ce cri qui lui nouait la gorge, ce poison qui lui brûlait le cœur. Mais ça n’était pas le cas. Et le calme qu’elle affichait en cet instant n’était pas signe de désintérêt, mais bien d’empathie alors qu’elle tentait d’absorber cette nervosité qui l’animait, ce mal-être qui le consumait.

« J’veux juste qu’il sorte de ma tête maintenant. »

Message reçu aussitôt que prononcé, quand bien même elle aurait espéré qu’il ne se referme pas aussi tôt. Il avait assez pleuré sans doute, assez hurlé aussi, mais avait-il assez parlé ? Avait-il été assez entendu, surtout ? Si ça avait été le cas, il ne serait pas en train de s’ouvrir à elle en cet instant. Mais cet agacement vis-à-vis de soi-même, cette exaspération de se voir toujours bloqué au même endroit, incapable de se relever, d’avancer, elle le connaissait bien.

« Ils savent que je côtoie d’autres Loups, ils connaissent l’enjeu du secret et ne chercheront pas à fouiller. J’dirai rien mais si jamais tu changes d’avis et que tu veux les rencontrer, ou juste un, tu me dis. Mais te sens obligée de rien. »

Elle le laissa inverser les rôles, la rappeler à ses propres doutes, ses propres angoisses. Différentes sur bien des aspects, mais pas moins importantes. L’enjeu du secret, oui. Elle se souvenait encore de la peur dans les yeux de Miss Blunt. Elle se souvenait de la pitié dans ceux de Alec. Les réactions face à la différence, elle les connaissait bien. Mais quelles seraient celles face à la ressemblance ? Elle n’en voyait qu’une possible, la déception.

« Quant à rester avec eux j’sais pas trop ce que ça implique mais j’vais conserver ce lien, oui, je pense. On verra bien. »

Et à nouveau ce déchirement dans sa poitrine alors qu’elle hochait la tête tout aussi calmement qu’avant. Comment avait-elle pu être à ce point égoïste pour s’imaginer qu’il serait toujours là avec elle ? Elle était heureuse pour lui, sincèrement, mais ce pincement au cœur, aussi déplacé soit-il, elle n’avait pas su l’empêcher.

« Ça change rien au fait que j’ai de la place pour tout le monde et que si t’essaie de me ghoster je viendrai camper devant ta porte jusqu’à ce que tu comprennes que t’y arrivera pas. »

Il n’en fallait pas plus pour qu’un sourire étire ses lèvres et pour que ses yeux fassent le tour du plafond l’air de dire "n’importe quoi", mais elle s’interrompit net en sentant un morceau d’œuf s’écraser sur sa pommette, puis tomber dans son assiette. Elle resta un instant interdite, puis le vit qui la regardait avec son air provocateur. Elle prit le morceau d’œuf entre les doigts et le mit dans sa bouche, haussant les épaules.

« Faudra un peu plus qu’un bout d’œuf pour te faire pardonner de ta trahison tu sais… »

Autant mettre les mots sur ses craintes, n’est-ce pas ? L’air de rien, sur le ton de la blague, n’attendant aucune réponse de sa part, au contraire, espérant qu’il ne relèverait pas, qu’il ne se rendrait pas totalement compte à quel point elle avait pu espérer le garder rien que pour elle. Car c’était bien un sourire espiègle qu’elle affichait, sans plus aucune trace de cette jalousie mal placée.

« Tu peux leur donner mon nom. »

Retour au sérieux. Elle pesait ses mots, leur impact. Elle laissa le silence s'installer, concentrée à piquer dans les morceaux d’œufs brouillés pour les enfiler sur les dents de sa fourchette comme des perles avant de les manger.

« Je sais pas trop ce que je veux. »

Elle n’avait ni envie de trop peser sur ses épaules, ni envie de s’éloigner de lui pour autant. Pas envie de sortir de sa zone de confort, ni de regretter de ne pas l’avoir fait. Pas envie d’affronter leur regard, ni de s’attacher. Pas envie de lui voler son modèle. Elle secoua imperceptiblement la tête et enchaîna presque aussitôt.

« Je sais juste que j’aurai pas le courage d’aller les voir moi, mais peut-être que tu peux leur dire où je bosse, et s’ils veulent me trouver alors ils le feront et puis voilà. Peut-être pas tous en même temps, juste, mais ouais. »

Dernière bouchée d'oeufs brouillés et de bacon, dernière gorgée de café, et elle releva les yeux vers lui. Il n'insisterait pas, ne la forcerait jamais, et pour ça elle lui avait toujours été reconnaissante. Mais parfois, elle aurait aimé que quelqu'un soit la pour la pousser à faire les choses.

Mar 22 Déc 2020 - 12:20

Un sourire mais les réactions de son organisme qui ne m'échappe pas, elle le sait. Je la regarde attraper le morceau d’œufs pour finalement le manger sans ciller, rangeant dans un coin mes états d'âme avec la ferme intention de ne plus leur laisser de place. Au moins pour aujourd'hui. Au moins pour quelques heures.

« Faudra un peu plus qu’un bout d’œuf pour te faire pardonner de ta trahison tu sais… »
« Trahison. Rien qu'ça. »

Je ne suis pas dans sa tête, je ne sais pas s'il y a une part de sérieux dans l'emploi de ce terme, je sais juste … que je suis son seul repère et qu'elle n'est pas le mien. Que ça créé un déséquilibre, auquel j'ajoute d'autres Lycans sans qu'elle ne l'ai vu venir. Je ne me sens pas coupable, concerné oui mais pas coupable. C'est ainsi, c'est tout, Cailtyn est particulière pour moi parce qu'avant même de partager ce lien qui nous soude encore plus on était déjà amis. On a vécu des choses ensemble, des trucs qui ont façonné notre amitié au fil du temps, des choses que je ne partagerai jamais avec les autres puisqu'ils ne les ont pas vécu avec moi contrairement à elle. Est ce qu'ils vont prendre de plus en plus de place dans ma vie ? Je ne l'exclue pas, je n'exclue rien, mais à mes yeux ça ne change rien.

« Tu peux leur donner mon nom. »

Retour au sérieux, le silence qui s'installe un peu, je reprends mon p'tit dej où je l'ai laissé en laissant une main glisser dans le pelage de Wax venu renifler dans le coin s'il ne pouvait grappiller un truc tomber par terre.

« Je sais pas trop ce que je veux. »

Je sais.
Je te connais.

« Je sais juste que j’aurai pas le courage d’aller les voir moi, mais peut-être que tu peux leur dire où je bosse, et s’ils veulent me trouver alors ils le feront et puis voilà. Peut-être pas tous en même temps, juste, mais ouais. »

Mon regard posé sur elle, rien que de la bienveillance, un peu de lecture entre les lignes. Comment j'aurai réagi moi à sa place ? J'en sais rien, je n'y suis pas. Je n'y serai plus jamais. J'aurai toujours un « avantage » sur elle parce que tout ce qu'elle expérimente depuis la Morsure je l'ai vécu avant elle. Les doutes, la peur, l'angoisse, absolument tout dans un spectre relativement large. Et tout me semble très clair en cet instant, elle n'est simplement pas prête. En tout cas je ne serai pas celui qui décidera pour elle. Ni pour eux. Ça n'est pas ma vie, ça n'est pas à moi de prendre la décision.

« Tu sais quoi, j'vais rien faire, rien dire, on verra bien si ça doit se faire ou pas. Vous êtes tous à Londres, vous finirez peut être par vous tomber dessus par hasard. Et si jamais t'y vois plus claire à un moment tu me fais signe. »

Le ton est calme, doux, accompagné d'un sourire pour ne pas trop en faire, pour que les mots ne pèsent pas trop lourd. Puis je prends le temps de finir mon assiette, la poser dans l'évier après avoir laissé Wax la lécher, viens me rasseoir pour retrouver mon café presque terminé lui aussi. Dans cette nonchalance lié à tant de chose j'attrape un fruit et croque dedans l'air de rien.

« Bon alors, ça donne quoi ton harem ? »

C'est vrai, j'ai dit ou en tout cas pensé que je n'avais pas envie de mettre mon nez dans les histoires des autres, surtout pour ça, mais c'est pas tellement mon genre de ne pas m’intéresser à la vie des gens à qui je tiens. Un éclat de malice dans le regard, bien sûr, dans mon esprit les nuages se dégagent petit à petit. Ils reviendront je le sais, je me connais, mais si je peux profiter d'une éclaircit alors allons-y. Pas envie de faire la gueule quand la seule chose que je veux c'est ce qu'elle m'offre en étant ici. Une distraction, certes, mais surtout le sentiment d'être proche de quelqu'un sans que ça ne soit compliqué. Ou douloureux.

Lun 4 Jan 2021 - 20:11

« Trahison. Rien qu'ça. »

Et son sourire s’élargit. Celui derrière elle cachait cette crainte, ce sentiment d’insécurité, qui n’avaient rien à faire là. Un sourire sincère malgré tout, amusé, malicieux quelque part, provocateur peut-être. À quel point voyait-il au-delà ? À quel point avait-il vu, surtout, avant qu’elle ne chasse sa jalousie, sa peur de l’abandon ? ça n’avait duré que quelques secondes tout au plus, mais probablement que ça ne lui avait pas échappé. Il ne releva pas, pourtant, et quelque part elle lui en était reconnaissante.

« Tu sais quoi, j'vais rien faire, rien dire, on verra bien si ça doit se faire ou pas. Vous êtes tous à Londres, vous finirez peut être par vous tomber dessus par hasard. Et si jamais t'y vois plus claire à un moment tu me fais signe. »

Elle souffla du nez, haussa les épaules. Hocha la tête. Toujours cette même patience, cette même tolérance, vis-à-vis de ses tergiversations. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’une fois n’était pas coutume, elle aurait peut-être préféré ne pas avoir le choix. Elle le regarda finir son assiette, puis l’imita alors qu’il laissait Wax la lécher puis la posait dans l’évier.

« Bon alors, ça donne quoi ton harem ? »

…

« Avoue t’as exprès attendu qu’on ait fini pour pas que je te balance à mon tour un morceau d’œuf dessus. »

Sourcils arqués, sourire aux lèvres à nouveau, puis les yeux qui partent au plafond et la tête de droite à gauche. Et puis son visage se referma, ses bras se croisèrent sur sa poitrine, et elle répondit d’un ton dur, froid, sans appel.

« Mon harem va bien et te remercie de la question. »

Et puis elle se détendit à nouveau. Comment ça, elle lui faisait faire le tour de toutes les réactions possibles et imaginables ? Drama Queen bonsoir. En vrai, elle s’amusait, se lâchait. Mais elle n’allait pas se défiler pour autant.

« Il s’appelle Jake. »

T’as déjà dit ça.
Ah, bon.

« Il est sorcier aussi, il était en vacances mais il habite à Londres. C’est fou la coïncidence, hein ? »

Ou comment essayer de paraitre désinvolte alors qu’en vrai…

« J’crois que je l’aime bien. Et je crois qu’il m’aime bien aussi. C’est… J’sais pas, ya un truc qui fait que c’est pas comme avec Raf ou Elias. J’crois que je me sens moins... responsable. »

Finalement, elle ne le connaissait pas, n’avait pas de comptes à lui rendre, et quelque part, c’était plus facile. Quant à Takuma dans tout ça ? Elle n’oubliait pas, mais elle l’avait bien compris, c’était trop tôt. Il ne voulait pas l’entraîner à sa suite dans ses merdes. Elle ne comptait pas l’y laisser plonger et encore moins couler, mais il voulait qu’elle vive sa vie et elle ne le comprenait que trop bien.

« J’sais pas combien de temps ça va durer, j’sais même pas si on peut vraiment dire qu’on est ensemble, je crois que oui, mais bref, on verra bien. »

Mer 6 Jan 2021 - 13:45

« Avoue t’as exprès attendu qu’on ait fini pour pas que je te balance à mon tour un morceau d’œuf dessus. »
« Percé à vue. »

C'est pas le cas mais ça me plaît qu'elle le pense, qu'on se concentre là dessus plutôt que sur des trucs négatifs. Sourire, rire, me changer les idées c'est exactement ce dont j'ai besoin. Les sujets sérieux, graves, tristes, on a fait le tour non ? Je pense que oui.

« Mon harem va bien et te remercie de la question. »

Le ton se veut dur, j'ai juste envie de la faire chier d'autant plus alors mon sourire s'élargit et si je me retiens de lui balancer une autre connerie c'est parce qu'elle enchaîne avant moi. Vas-y, ouvre un peu la boite à secret, même si je lis déjà des tas de trucs dans ton attitude.

« Il s’appelle Jake. »
« Je sais. »

Monsieur Table du fond. Jake, donc. Moins long et moins dur à dire.

« Il est sorcier aussi, il était en vacances mais il habite à Londres. C’est fou la coïncidence, hein ? »

Le côté méfiant se dit que les coïncidence comme ça c'est plutôt louche, puis la sérénité prend le dessus. A quoi bon sinon ? On va se couper du monde et se mettre à traquer tous les gens qui osent s'approcher de nous ? Lakes Entrance c'est pas Melbourne, pas Sidney non plus. Qu'est ce qu'il foutait là ? Sans doute la même chose que je fais quand je suis à Londres, à savoir voir des potes. Ou n'importe où ailleurs sur le globe.

Respire, débranche, sois juste content pour elle.

« J’crois que je l’aime bien. Et je crois qu’il m’aime bien aussi. C’est… J’sais pas, ya un truc qui fait que c’est pas comme avec Raf ou Elias. J’crois que je me sens moins... responsable. »

Pas de réaction de mon côté mais mon esprit qui dérive vers Kyle, puis Will, sur la différence entre ces deux relations qui me font comprendre ce qu'elle veut dire. On grandi, on n'aime pas de la même façon, on se détend surtout et ça me fait réellement plaisir de la voir atteindre ce stade. Comprendre qu'on n'a pas à jouer les protecteurs, que c'est pas sain d'instaurer une telle différence entre deux personnes dans un couple. Ça peut pas tenir, ça n'a pas tenu. Ni pour elle, ni pour moi. Et c'est profondément injuste pour tout le monde.

« J’sais pas combien de temps ça va durer, j’sais même pas si on peut vraiment dire qu’on est ensemble, je crois que oui, mais bref, on verra bien. »
« Oui, c'est bien le « on verra bien ». »

Sourire tranquille, presque tendre, parce que je vois le chemin qu'elle a parcouru et sans aller jusqu'à être fier d'elle parce que je m'en sens pas la légitimité je suis simplement heureux. Si elle en arrive à accepter quelqu'un si près d'elle et de cette façon, le vouloir, c'est un contraste énorme avec la personne que j'ai retrouvé complètement paumé dans Hyde Park il y a de ça quelques mois.

« Tant que ça te fait du bien, c'est tout ce qui compte. J'suis content pour toi. »

Sincèrement.

« Ça te dit de faire une balade ? Sinon on peut s'écraser devant un film ça me va bien aussi. »

Parler, ne pas le faire. De tout, de rien, de toi. De ton harem même si tu veux.

▬ FINI POUR MOI ▬