Blow || Alec

Le problème qui se pose lorsqu’on est soumis à trop de pression, c’est que le corps et l’esprit finissent toujours par merder à un moment ou un autre. Ça faisait un moment que l’Anglaise avait cette idée en tête. Celle qu’elle s’était bien gardée de divulguer aux oreilles indiscrètes de la coloc et en particulier d’Alec qui se serait empressé de la dissuader par tous les moyens. Une folie, de l’inconscience appelez ça comme vous voulez. De toute façon il n’y avait pas vraiment de mots pour décrire l’obsession qui lui grignotait les méninges depuis quelques jours !

« Tu as ta tête des mauvais jours, Mack… »

Pour toute réponse, la blonde avait lâché un grognement, tracassée et trop occupée à se préparer à l’affrontement auquel elle se préparait. Affronter son père et sa mère était une chose… Affronter la mère d’Alec en était une autre… Allez menacer le père du Rivers en personne relevait de la folie pure ou du suicide… au choix !

« J’connais ce regard, tu t’apprêtes à faire une connerie ! Est-ce qu’Alec est au courant ?! »

Silence radio alors qu’elle rassemblait sa baguette, sa cape de voyage pour affronter l’hiver. Non elle ne lui répondrait pas. Pas qu’elle ne lui faisait pas confiance, mais elle ne voulait pas qu’on interfère avec sa décision et ne voulait pas d’un sermon. Son choix, sa décision. Il était en partie responsable de ce coup de sang. Une simple allusion à une éventuelle manipulation de sa famille sur la sienne… Et si c’était le cas, alors elle leur ferait ce plaisir de se comporter en Rivers au moins une fois dans sa vie.

« C’est ça, ignore-moi… Tu sais à quel point j’aime être transparente jour après jour ! »

Un regard bourré de sarcasme alors que l’Irlandaise pianotait l’écran de son Smartphone.

« Je vais à Oxford, si je ne suis pas rentrée dans deux heures… donne cette information à Alec, il comprendra ! »

La blonde ne dirait rien de plus à l’Irlandaise, consciente que cette information dévoilée trop tôt à Alec serait la signature d’un échec cuisant pour sa mission. Sous le regard incrédule de la rousse, l’Anglaise s’était évanouie dans la nature dans un bruit sourd synonyme de transplanage. Devant elle se dressait à présent un manoir qu’elle ne connaissait que trop bien. Derrière, la maison où elle avait grandi, autrefois sanctuaire, aujourd’hui synonyme de colère et de ressentiments. Elle avait songé l’espace d’un instant à fouler le sol du manoir familial, avant de se raviser. Un jour peut être, mais pas aujourd’hui ! Elle avait frappé à la lourde porte, inspirant l’air glacial qui soufflait et lui glaçait les sens, comme si même dame nature lui envoyait un message pour lui faire comprendre qu’elle n’avait rien à faire ici. On l’avait annoncée, elle avait patienté un long moment dans le hall, refusant d’ôter sa cape prête à disparaitre en un claquement de doigts si la situation lui échappait. Le Rivers avait fait son apparition, mettant un terme à ses tergiversions.

« Mackensie Quinn Blackburn. Si je m’attendais à te voir ici. Je suis ravi de voir que tu te portes comme un charme. »

Son attitude puait le sarcasme à plein nez et je sais au regard qu’il me lance qu’il s’attend presque à voir débarquer Alec.

« Il n’est pas là, Janie non plus… Et c’est Mackensie Rivers à présent, mais vous le savez n’est-ce pas ?! On sait tous les deux que vous n’êtes sûrement pas étranger à toute cette mascarade. »

Elle annonce la couleur directement pour éviter de lui laisser prendre l’avantage car elle sait que dans ce cas, elle est perdue. Elle n’est pas de taille face à celui qui tabassait son fils quelques semaines plus tôt, magiquement, physiquement et mentalement, mais elle espérait que ses arguments suffiraient à le tenir éloigné, même un temps.

« Vous avez peut-être réussi à convaincre ma famille, ou peut-être que vous n’êtes pour rien, mais cette emprise que vous pensez avoir sur nous, c’est terminé ! »

Elle l’avait toisé, refusant de baisser les yeux malgré son cœur qui s’affolait dans sa poitrine… elle était folle, elle allait y rester à coup sûr. Le regard qu’il lui avait lancé se suffisait à lui-même. Glaçant de menace alors que la petite blonde osait le défier, lui le grand Rivers, dans sa propre demeure.

« Vous allez nous oublier, disparaitre de nos vies sans quoi je parlerai de vos petits secrets de famille bien gardés à la communauté magique. J’éclabousserai le nom des Rivers sans prendre de pincettes. Je doute que vous vouliez que le monde sache qu’au sein de la famille Rivers se cache des hommes capable de toucher une petite fille sans le moindre remord et de la priver de son innocence. »

Elle choisissait de rester évasive, acceptant de semer le doute quant à l’enfant ayant pu subir les attouchements qu’elle décriait.

« Vous savez que je n’invente rien, et ne pensez pas que j’hésiterais à le clamer haut et fort, ça serait me sous-estimer moi ! N’essayez pas de nous retrouver, ni Alec, ni Janie, ni moi ! »

Et là, elle s’effondre pour avoir osé affronter un des types qui la terrifiait en étant gosse et qui lui foutait toujours une trouille monstre ! Il avait peut-être dit quelque chose, le sifflement à ses oreilles l’avaient rendue sourde à toutes remarques tant elle se débattait intérieurement. Elle n’avait pas trainé plus longtemps, consciente qu’il valait mieux pour elle s’éclipser avant qu’il ne la fasse taire à jamais. Par sécurité, elle avait transplané au nord du pays, son cœur manquant un battement alors qu’elle s’attendait presque à voir l’homme la suivre. C’était une idée débile, définitivement ! Elle n’avait rien d’une Rivers c’était idiot au possible. L’Anglaise avait réitéré le geste afin de s’assurer qu’elle n’était pas suivie. A Londres, l’Irlandaise était sur le point de donner l’alerte. Elle lui avait laissé le temps du doute, mais les minutes passant elle s’était résolue à prévenir Alec.

« C’est ptet rien mais, j’crois que Mack est parti voir Isaac… Elle avait sa tête des mauvais jours tout à l’heure et elle n’a rien voulu me dire, mais je sais qu’elle préparait quelque chose. Elle est partie et m’a dit de te prévenir qu’elle était à Oxford si elle ne revenait pas dans les deux heures… Elle a presque trente minutes de retard… »

Un craquement sonore dans l’arrière cuisine et la blonde faisait son entrée. Dommage, à cinq minutes près, elle aurait eu une chance d’échapper aux explications. Secouée par les différents transplanages et ce qu’elle venait de faire, la jeune femme s’était contentée de se débarrasser de sa cape légèrement enneigée.

« J’ai besoin d’un verre, ça tente quelqu’un ?! »

Oui je sais il est genre quinze ou seize heures…. Et alors !

Alec avait passé la matinée dans la petite maison qu’il retapait, vérifiant ce qu’il pouvait améliorer afin de rendre les lieux acceptables pour un déménagement express. Alors qu’il faisait le con avec Warren, Aileen avait été enlevée. Après Kezabel et Dorofei, il fallait dire que le choc avait été violent lorsqu’il l’avait apprit. Elle était de retour, le danger immédiat était écarté, ils le savaient tous… mais ils savaient surtout que le type l’avait attendue devant chez eux. Entre lui et son père, clairement, ce lieu qui semblait pourtant sûr il y avait quelques temps ne l’était absolument plus à l’heure actuelle. Alors Alec ajoutait les sorts qu’il avait apprit auprès de Duncan, ajoutant quelques pierres à l’édifice avant de rentrer, de prévenir Takuma de ses actes de sorte à ce que le jeune homme le remplace là-bas, améliorant encore un peu la sécurité des lieux. La maison était bien plus grande, ils y seraient plus à l’aise et ce, même si toutes les pièces n’étaient pas encore terminées. Alors Alec était parti au boulot, restant sur place durant tout le temps du midi pour finir par prendre sa pause vers quinze heures. Il y retournerait à partir de dix-sept heure trente, ce qui lui permettrait de proposer une partie du déménagement. A moins que Takuma ait déjà vendu la mèche.

Mais le nippon n’était pas là lorsque le Rivers apparu au centre de sa chambre, rejoignant rapidement le salon pour… tomber sur le regard de Jayden. D’abord soulagée, il avait vu se peindre dans ses yeux les ombres de l’inquiétude. Sourcils froncés, il l’avait rejoint.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? »
« C’est ptet rien mais, j’crois que Mack est parti voir Isaac… Elle avait sa tête des mauvais jours tout à l’heure et elle n’a rien voulu me dire, mais je sais qu’elle préparait quelque chose. Elle est partie et m’a dit de te prévenir qu’elle était à Oxford si elle ne revenait pas dans les deux heures… Elle a presque trente minutes de retard… »
« QUOI ?! Tu te fous de moi ?! Et tu m’as pas prévenu ?! »

Il n’avait pas eu le temps de transplaner ou de cesser d’infantiliser les deux jeunes femmes qu’un craquement l’avait arrêté dans sa lancée. Médusé, il avait donc fixé Mack apparaitre dans le salon, tout à fait calme. Comme si de rien n’était.

« J’ai besoin d’un verre, ça tente quelqu’un ?! »
« Ça dépend, j’te tue maintenant ou tu attends d’être bourrée ? »

Au moins, il n’avait pas eu le temps de monter trop en angoisse, ni même de la traîner pendant des heures. Elle avait à peine eu le temps d’exploser qu’il était déjà soulagé.

« Nan mais sérieux, ça va pas bien de faire un truc comme ça toi ?! T’étais où ? »

…

« Oui, je sais, ça fait maris connard là mais j’assume. »

Ça n’était pas de la jalousie, mais pour le coup une réelle et violente inquiétude. Après les derniers enlèvements, elle n’était pas bien de jouer comme ça avec leurs nerfs non mais sérieusement !

« Tout va bien ?! »

Oui, Alec, c’est bien tout ça, mais si tu lui laissais trois secondes pour répondre, tu aurais sans doute bien plus facilement des réponses. Ça n’est qu’une suggestion hein, je la pose là et tu en fais ce que tu veux. Il l’avait empoignée par les épaules, vérifiant qu’il n’y avait aucune marque de violence sur elle.

« T’étais vraiment chez Isaac ?! »

C’était la dernière, promis.

Alec allait la tuer, et s’il ne le faisait pas, alors il y aurait fort à parier que le père d’Alec le ferait s’il venait à lui mettre la main dessus. L’anglaise avait joué les filles de l’air, joué les grandes que rien ne peut atteindre par crainte de voir son petit monde s’écrouler, résultat : le chaos n’était que plus grand dans son esprit. Sur le coup, l’idée lui avait semblé viable. L’instinct de survie, le besoin de tenir éloigné cet homme de sa vie, de ses proches et surtout d’elle-même avait suffi à la pousser à agir, mais maintenant que c’était fait, elle commençait à douter du bien fondé d’aller provoquer un homme comme lui. Ce type qui n’avait pas hésité à tabasser son propre gosse parce qu’il ne rentrait pas dans le moule qu’il avait conçu, cautionner le mal-être de sa propre fille juste pour sauver les apparences… Plus que la peur, c’était la colère et une envie de faire mal à ce type qui l’avaient poussée à mettre du sel dans son engrenage si bien huilé. Parce qu’elle estimait être légitime maintenant que la graine du doute avait été plantée. S’il s’avérait que le père d’Alec était bien derrière son calvaire, elle avait le droit d’en faire une affaire personnelle. Voilà comment elle légitimait son acte. Du moins ça c’est ce que la jolie blonde se répétait en boucle alors qu’elle divaguait entre les arbres enneigés des plaines d’Ecosse pendant que Jayden tentait de se dépatouiller avec ce joyeux bordel qu’elle avait mis en place.


« Je sais ne me hurle pas dessus. J’ai essayé de la retenir mais tu la connais quand elle a une idée en tête c’est difficile de lui faire rebrousser chemin ! »

Pas qu’elle essayait de se dédouaner, mais la rouquine avait rarement réussi à la dissuader de quoi que ce soit. Alec aurait réussi, mais l’anglaise avait su quand mettre son plan à exécution pour s’encombrer le moins possible d’obstacles.

« Et c’est p’tet débile, mais j’lui ai laissé le bénéfice du doute. »

Oui c’était idiot, mais bordel Mack était majeure et surtout déterminée à agir quoiqu’on puisse lui dire. Coupant court à ce débat stérile sans même s’en rendre compte, l’Anglaise avait fait son entrée remarquée sous les regards médusés comprenant que son timing n’était peut-être pas parfait. Le cœur encore un poil retourné d’avoir transplané à trois reprises en si peu de temps, il lui faudrait un petit temps pour retrouver l’ensemble de ses couleurs.

« Ça dépend, j’te tue maintenant ou tu attends d’être bourrée ? »
« Qui parle d’être bourré ? »

C’est ça, joue la maligne alors qu’il est potentiellement monté sur le 220V. Comme si cette attitude détachée allait lui permettre d’échapper à l’interrogatoire qu’elle sentait poindre à dix milles kilomètres. Un regard à Jayden avait suffi pour comprendre qu’elle était navrée d’avoir cafté, mais que sur ce coup là elle était du côté d’Alec. Sans demander son reste, la belle s’était servi un verre de whisky pur feu, alors que dans son dos, Alec commençait son interrogatoire sur un ton qui annonçait la couleur.  

« Nan mais sérieux, ça va pas bien de faire un truc comme ça toi ?! T’étais où ? Oui, je sais, ça fait maris connard là mais j’assume. »

Elle l’avait fixé, consciente qu’à sa place, elle serait dans un état similaire. C’est peut-être pour ça qu’elle gardait son calme et qu’elle ne s’offusquait pas d’être prise pour une gamine ayant dépassé le couvre-feu ou une femme devant rendre des comptes à son petit mari après avoir découché. Elle avait tenté d’ouvrir la bouche pour lui répondre, mais déjà il repartait de plus belle.

« Tout va bien ?! »

Jusqu’ici fuyante, Mackensie n’avait eu d’autre choix que de croiser le regard d’Alec, persuadée qu’il comprendrait en un regard qu’elle avait pris des risques démesurés. Mains sur les épaules, il avait peut-être ressenti le tressaillement de son corps, c’était le premier contact qu’elle avait depuis son laïus et la tension accumulée n’avait pas encore eu le loisir de s’évacuer.

« T’étais vraiment chez Isaac ?! »

Instant de bug ! Isaac ?! Vraiment ?! Un regard d’incompréhension à Jayden, qui restait silencieuse prête à séparer le couple en cas de guerre ouverte.

« Quoi ?! Bien sûr que non ! »

Mais où avait-il été pécher une chose pareille ! Quoi qu’au final, dire qu’elle avait été chez Isaac était peut-être une meilleure réponse que la véritable raison de son escapade. Elle avait soupiré cherchant comment balancer le dossier. Elle s’était dégagée de la prise d’Alec, consciente qu’il lui faudrait prendre un peu de distance pour s’éviter un retour de flammes trop violent.

« Je vais bien, personne ne m’a fait de mal et je suis désolée de vous avoir inquiété, mais c’est pas comme si j’avais disparu sur un coup de tête. J’avais prévenu Jayden de l’endroit où j’étais ! »

Non elle n’essaie pas de se dédouaner, d’ailleurs Oxford est une ville toute petite. Allez courage, retire le sparadrap d’un coup, ça fait un mal une fois mais au moins ça ne dure pas des heures… d’autant qu’elle doutait qu’Alec puisse patienter des heures.

« J’étais pas chez Isaac… J’ai été voir ton père pour lui dire ma façon de penser… »

Bombe lâchée et étrangement elle ne savait pas quel était le pire entre le paternel et Isaac… Elle ne dirait rien de plus avant de voir sa réaction, se contentant de faire tourner le liquide ambré dans le fond du verre avant de finalement le reposer.

« Je sais ne me hurle pas dessus. J’ai essayé de la retenir mais tu la connais quand elle a une idée en tête c’est difficile de lui faire rebrousser chemin ! »
« Oui bah ça se fait ! Il existe de très bonnes cordes pour ça ! T’as mêmes des menottes : SERT-EN !! »

Autrement que sur moi parce que ça me manque mais là n’est pas le sujet. Hein ? Oui, non, il n’aurait même pas pensé à ça. Pas à ce moment où Mack était peut être en danger. Pas après la vague de disparitions qu’il y avait eu ces derniers temps et qui pouvait tout à fait se prolonger actuellement avec des gens auxquels il tenait plus que tout. Mackensie en priorité évidemment.

« Et c’est p’tet débile, mais j’lui ai laissé le bénéfice du doute. »
« Oui, bien vu : c’est débile. »

Est-ce que c’était intolérant de sa part ? Oui. Est-ce que ça sous-entendait un manque de confiance clair envers celle avec qui il était marié ? Non… mais oui. Manifestement. En tous cas, il savait surtout qu’elle pouvait être capable d’actes débiles parce que certains de ceux-ci avaient besoin d’être faits et qu’elle avait besoin de passer par là. Oui, mais il y a des fois où les besoins ne se justifient pas. Du moins pas aux yeux d’Alec qui ne supportait pas l’idée qu’il puisse la perdre parce qu’elle avait soudainement décidé de plonger la tronche en avant dans la gueule du lion.

Pourtant, Mack avait coupé court à sa gamberge, lui retournant le cœur par sa simple apparition. Trop d’ascenseurs émotionnels pour sa pompe aortique.

« Ça dépend, j’te tue maintenant ou tu attends d’être bourrée ? »
« Qui parle d’être bourré ? »
« MOI »

Tu sais, ton mari, le mec qui assure tes arrières, qui a perdu trois proches en un mois et qui attends gentiment qu’on lui annonce qu’une amie et son cousin et mentor sont morts. Lui.
Non, clairement, elle n’allait échapper à rien du tout ! Pas cette fois ! Et oui, elle leur devait des comptes. Non pas à cause de la bague à son doigt mais juste en tant qu’amie embringuée dans toutes ces histoires de merdes. Et il serrait les dents. Déjà parce que sa désinvolture lui donnait envie de péter des bibelots (pas de bol, ils n’en avaient pas) mais surtout parce qu’elle lui avait tourné le dos pour aller se servir un verre.
Le ‘Eh j’te parle’ n’était pas loin quand elle s’était décidée à lui répondre.

« Quoi ?! Bien sûr que non ! »
« Ok, c’est déjà ça… je dois imaginer pire ? »

Non, parce qu’il le connaissait ce regard, cette moue, ce rose sur ses joues. Il l’avait pratiquée la demoiselle, et ses soudaines idées grandioses aussi. Sauf qu’il doutait que celle-ci soit aussi innocente que les premières qu’elle avait pu faire durant leur enfance.

Il l’avait laissée se dégager, la fixant avec un air inquisiteur qu’il aurait préféré ne pas porter. Il s’agissait d’un masque qu’il savait ne pas avoir de légitimité à revêtir. Pourtant, ici, la donne avait changé. Et il sentait venir la connerie.
Où est-ce que ça merde Robin ? (Un jour tu comprendras xD)

« Je vais bien, personne ne m’a fait de mal et je suis désolée de vous avoir inquiété, mais c’est pas comme si j’avais disparu sur un coup de tête. J’avais prévenu Jayden de l’endroit où j’étais ! »
« Grand bien lui en fasse… »

On voit le scepticisme là où il faut en rajouter une couche ?

« J’étais pas chez Isaac… J’ai été voir ton père pour lui dire ma façon de penser… »

Uppercut. Coup dans la gueule, dans le plexus. Tourbillon d’émotions ingérables. Alec était resté là, comme un con, le souffle coupé, à la fixer, estomaqué.

« Tu… tu as fait quoi ? »

Attend répète j’ai pas bien entendu là.

Sauf qu’il avait parfaitement compris. Et si pour l’instant, un bruit sourd bourdonnait à ses oreilles, il risquait de revenir à lui un de ces quatre.

« Qu’est-ce que t’as fait… ? »

Epée de Damocles sur la gueule. Séisme sous les pieds.
Son monde risquait de basculer dans les minutes qui suivaient. Sans s’en rendre compte, Alec avait simplement oublié de respirer, attendant la suite.

« Oui bah ça se fait ! Il existe de très bonnes cordes pour ça ! T’as mêmes des menottes : SERT-EN !! »
[…]
« Oui, bien vu : c’est débile. »

L’Irlandaise prenait sur elle pour ne pas envenimer un peu plus les choses, mais pour être franche elle avait bien envie de l’envoyer sur les roses. D’autant qu’elle était sincère lorsqu’elle évoquait le bénéfice du doute. Mack était assez grande pour prendre ses décisions et les assumer, même si elle risquait de se prendre un mur au passage. Ca n’enlevait en rien l’inquiétude que ça pouvait générer, mais soyons réalistes, la blonde ne l’aurait pas laissée faire sans réagir. Alors elle se défendait comme elle pouvait face à la colère de son ami. Elle s’apprêtait à lui offrir une riposte cinglante quand la blonde avait fait une entrée fracassante déportant l’attention d’Alec sur elle. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle avait toujours eu l’art et la manière pour mettre les pieds dans le plat.

« MOI »

Elle vogue jusqu’à se prendre un verre d’alcool fort. Pas pour se foutre de lui, pas pour fuir, juste parce qu’elle en avait besoin pour faire taire l’angoisse qui lui retournait l’estomac. Ce qu’elle venait de faire était idiot et elle savait déjà ce qu’Alec allait lui clamait haut et fort. Qu’elle était une idiote, inconsciente… Aussi, quand le nom d’Isaac était venu au détour de l’interrogatoire, la belle n’avait pu s’empêcher de réagir de façon épidermique.

« Ok, c’est déjà ça… je dois imaginer pire ? »

Oui, non… sûrement tout dépend du point de vue, mais ça la belle s’était gardé de le lui faire savoir, se contentant de se justifier comme elle pouvait éludant un peu le sujet. Et face au sarcasme de son mari, elle imaginait les coups qu’elle risquait de se prendre, verbalement parlant.

« Tu… tu as fait quoi ? »

Elle n’avait pas cru bon de lui asséner le coup de grâce en réitérant ses propos. Une fois c’était bien suffisant. Restant à distance raisonnable, la jeune femme n’avait pas cherché à affronter son regard, pas certaine de savoir à quoi s’attendre.

« Qu’est-ce que t’as fait… ? »

Elle avait soupiré, pas d’agacement mais plus pour évacuer les tensions qui faisaient se contracter l’ensemble de son corps. Dans un signe d’apaisement, l’anglaise avait fait quelques pas vers lui.

« J’ai… J’avais besoin de tirer les choses au clair pour pouvoir avancer Alec. J’ai repensé à ce que tu m’as dit l’autre jour, que ton père était sûrement lié à toute cette histoire et ça fait des jours que ça me grignote la tête jour après jour… »

A ses yeux, ça suffit à justifier ses actions et elle sait qu’il ne cautionnera jamais son attitude et cette prise de risque.

« Je lui ai dit de sortir de nos vies définitivement… »

Et là rien qu’à la regarder il sait qu’elle ne s’est pas juste contenté de lui faire cette petite demande anodine.

« Et de nous foutre la paix par la même occasion, sans quoi j’agirai en conséquence. »

Elle était bien en train de dire qu’elle avait menacé son père.

« Écoute, j’en ai assez de voir le pouvoir que ces types ont sur notre vie. J’en ai marre de vivre dans l’angoisse de savoir ce qu’il va bien pouvoir faire pour nous pourrir l’existence ou te tabasser… J’estime avoir assez payé de ma personne… »

Il était bouffé par l’angoisse, et oui, il se défoulait sur Jayden, incapable de garder ça pour lui. De se calmer. De prendre sur lui. Il ne pouvait simplement pas faire ça, aussi injuste que ce soit. Parce qu’elle avait merdé, parce qu’à ses yeux, il n pourrait tout simplement pas survivre à une nouvelle disparition. Il ne savait pas ce qui était advenu de Kezabel, de Janie ou de Logan. Il avait vu partir Jero et Julian. Il avait vu mourir Yassen. Et après des mois d’angoisse, Mack était de nouveau là, imaginer qu’elle puisse avoir disparu à son tour de nouveau le glaçait purement et simplement. Pourtant, c’était bien la suite qui avait eu le plus d’effets sur lui. Ce qu’elle avait fait. A son regard,  il avait tout de suite compris qu’il n’apprécierait pas et si elle n’était pas allée chez Isaac, où s’était-elle rendue ? Et pourquoi en faire un secret d’état ? Est-ce que ça avait rapport avec le mariage, ou avec Kezabel ? Dans quelle mesure s’était-elle mise en danger ? Parce qu’il le voyait, brûler dans le fond de ses prunelles, le feu de la culpabilité. Oui, elle avait couru un risque, c’était certain. Il la connaissait assez pour savoir qu’il n’allait pas aimer.

« J’ai… J’avais besoin de tirer les choses au clair pour pouvoir avancer Alec. J’ai repensé à ce que tu m’as dit l’autre jour, que ton père était sûrement lié à toute cette histoire et ça fait des jours que ça me grignote la tête jour après jour… »

Et le pire, c’était que c’était de sa faute. Jamais il n’aurait dû énoncer ça à voix haute. Voilà qu’il avait empoisonné son esprit avec le pire des venins : celui de sa famille.
Gorge serrée, il attendait la suite, cessant de respirer sans même s’en rendre compte. Dès que ça touchait ses parents, Alec n’était plus le même. Lui qui était capable de foncer dans le tas était soudainement bien plus réticent à les affronter. Pourtant il leur avait tenu tête pendant toute son enfance puis son adolescence, mais le fait d’en avoir été sevré pendant plusieurs années le rendait plus distant, moins confiant. A vrai dire, ils lui fichaient une peur panique pas tout à fait rationnelle qu’il serait bien en peine d’expliquer. A eux deux – voir à lui seul – ses parents cristallisaient tout ce qui le paralysait et l’angoissait dans la vie.

« Je lui ai dit de sortir de nos vies définitivement… »

Le choc. Uppercut. Son souffle était définitivement coupé, assez pour qu’il n’ait même pas la présence d’esprit d’exploser sous le coup de l’annonce.

« Et de nous foutre la paix par la même occasion, sans quoi j’agirai en conséquence. »

Cette fois, sa tête tournait, ses oreilles bourdonnaient et une violente nausée s’était emparée de sa poitrine tandis qu’il lui semblait que le sang battait à tout rompre dans ses tempes. Elle n’avait pas pu faire ça. C’était une blague. Une putain de blague de mauvais goût. Pourtant, il le voyait à son regard, sa posture, le timbre de sa voix. Elle avait réellement osé faire ça ?

« Écoute, j’en ai assez de voir le pouvoir que ces types ont sur notre vie. J’en ai marre de vivre dans l’angoisse de savoir ce qu’il va bien pouvoir faire pour nous pourrir l’existence ou te tabasser… J’estime avoir assez payé de ma personne… »

Il en était estomaqué. Ses mains tremblaient, sa respiration se faisait sifflante. Il en avait même du mal à penser normalement.

« Et tu crois qu’il va faire quoi en représailles là, nous offrir schnaps ?! »

Sa voix était éraillée, tremblante.

Pourquoi un schnaps ? Aucune idée. Sans doute plus pour le son qui claquait violemment dans l’air que pour l’alcool en lui-même. Il le voyait déjà arriver ici sans savoir jusqu’où il pourrait aller pour leur faire payer un truc pareil. Elle était morte, lui aussi, ça n’était pas possible autrement. Sans réellement remarquer ce qu’il faisait, il avait titubé pour attraper un dossier de chaise, se retenant sans doute plus de tomber qu’il ne l’avait imaginé. Pupilles dilatées, cœur affolé, Alec avait attrapé la bouteille pour en vider quelques longues gorgées.
Bordel, elle n’avait pas fait ça.

Elle avait agit sur un coup de tête, enfin non ça faisait un moment que l’idée lui trottait dans la tête et qu’elle y songeait sans jamais sauter le pas, mais aujourd’hui elle comptait passer à l’étape supérieure pour ne plus rester passive et attendre un coup qui ne tarderait sûrement pas ! L’anglaise n’avait pas vu l’aspect inquiétant du geste, pas avant de voir la colère et l’inquiétude dans les yeux de son mari. Elle les voyait les questions fuser, les interrogations, son incompréhension quant à ses actions, Alec la connaissait assez pour savoir lire entre les lignes et comprendre que oui elle avait agi contre sa volonté. Alors elle était passée aux aveux, essayant d’expliquer ses gestes et surtout ses intentions. La jeune femme n’était pas folle, juste obsédée par une idée qui la rongeait depuis des jours et des jours. Ca n’était pas de sa faute, Alec avait juste émis une hypothèse et elle avait fait son chemin toute seule comme une grande, gangrénant son esprit au point qu’elle ne puisse même plus s’en défaire. Parce qu’elle avait essayé de passer à autre chose, tenté d’oublier en laissant cette possibilité de côté, mais l’inaction et la passivité la rendait folle, lui rappelant chaque coup qu’elle avait encaissé de la main d’Isaac sans pouvoir réagir en conséquence.

Au fur et à mesure de ses confessions, Alec se décomposait comprenant qu’elle n’avait pas été faire qu’une simple visite de courtoisie à sa belle-famille. Elle s’était attendu à une explosion de sa part, peut être même à quelque chose de plus violent encore, mais c’était l’incompréhension et le choc qui avaient tiré ses traits. Tremblements, respiration complexe, autant de symptômes qui la mettait sur ses gardes.

« J’en sais rien ok ?! J’ai pas songé aux représailles sur le coup ! »

Elle avait élevé la voix, avouant sans peine qu’elle n’avait pas spécialement songé aux conséquences. Ce qui était stupide la belle le réalisait sans peine. Titiller les Rivers, c’était au choix signer son acte de décès ou gagner leur respect…

« Calme-toi Alec. Si j’ai fait ça, c’est pour lui rappeler qu’il n’est pas intouchable. Que lui aussi il a des choses à perdre ! »

Il allait la tuer, pourtant la jeune femme estimait avoir fait son devoir.

« Il a fait de moi une Rivers après tout… J’ai fait qu’utiliser ses méthodes Alec ! »

Et oui elle essaie de désamorcer le truc avec un humour macabre. Tentative stupide je vous l’accorde !

« J’en sais rien ok ?! J’ai pas songé aux représailles sur le coup ! »

Cette réflexion lancée comme une justification incompréhensible l’avait percuté de pleine face, lui coupant un peu plus la respiration. Il suffoquait, complètement. Cette fois, il paniquait, ça semblait évident. Et autant, la colère, la fureur même, restaient des réactions habituelles chez lui, autant cette angoisse dévorante lui semblait, elle, ingérable. Le monde tournait autour de lui tandis qu’il aurait aimé exploser, hurler, frapper, pleurer, vomir ou s’évanouir, sans doute un savant mélange de tout ça mais que rien ne venait. Non, il restait là à chercher son air, complètement ahuri par le comportement de sa femme.

« Calme-toi Alec. Si j’ai fait ça, c’est pour lui rappeler qu’il n’est pas intouchable. Que lui aussi il a des choses à perdre ! »
« Ah ben alors tout va bien dans ce cas ! »

Sa voix avait tranché, rauque, sèche, froide presque tandis que son regard semblait vouloir percer celui de sa femme. Non mais se rendait-elle compte de ce qu’elle venait de faire ? Provoquer ainsi en face son père sans réel poids derrière ?!

« Il a fait de moi une Rivers après tout… J’ai fait qu’utiliser ses méthodes Alec ! »

C’était un rire un peu fou qui avait passé la gorge du jeune homme. Ça devait ressembler à ça, la fameuse hystérie dont certains pouvaient rabâcher les oreilles des autres.

« Putain faut que je m’assois. »

Assis, donc.

« Non, en fait non. »

Une flamme lui aurait cramé le cul qu’il n’aurait pas réagit différemment, sautant littéralement sur ses pieds à peine assis sur sa chaise, manquant de la renverser au passage. Un instant, il avait d’ailleurs vu des mouches devant ses yeux. Pourtant, sa tension n’aurait pas dû avoir le temps de baisser. Peut-être au contraire pétait-elle le plafond. Sans doute même.

« Non… si. Si, en fait il faut surtout qu’on dégage d’ici, il sait où on habite. Chopez vos affaires, on se casse. »

Il n’attendait pas spécialement de réponses, se détournant de sa femme sans oser croiser de nouveau son regard de peur d’exploser. Il lui fallait bouger. A vrai dire, s’il y avait un moment pour faire un marathon ou un sprint, c’était le moment. Il n’avait qu’une envie : se barrer. Fuir à toutes jambes le plus vite possible, jusqu’à ce que ses jambes le lâchent. Et c’était exactement ce qu’ils allaient faire – à leur façon – comme quoi le corps est bien fait.

« Putain mais qu’est-ce qui t’a pris.. »

Il attrapait des trucs pour les fourrer dans un sac, envoyant un message tremblant à Takuma, lui ordonnant de ramener son cul pour embarquer meubles et affaires afin de partir d’ici.
Bien sûr, Mack lui avait dit, ça n’était rien de plus qu’une question en l’air, à peine rhétorique. Mais elle avait besoin de sortir.

« Comment… il va pas…. Il peut pas juste rester là et accepter ça, il va… »

Il va quoi ? Il n’en savait rien. C’était la peur de l’enfant qui parlait. La peur irrationnelle, brutale, dévorante. L’angoisse sourde et puissante qui n’entendait aucune justification. Celle qui devait se calmer avant qu’il n’arrive à penser correctement. Celle qu’il ne pensait pas ressentir de nouveau. Celle qu’il avait pourtant apprit à faire taire enfant mais qui, après des années loin des siens, avait fini par reprendre ses droits.

« C’est bon vous êtes prêtes ?! Jayden tu sais où c’est toi, vas-y tout de suite, nous attends pas ! »