Alives - Aileen

Sovahnn ne s’était pas dérobée, elle avait appelé Aileen – et par conséquent Alec – pour leur expliquer la situation. Assise en tailleur sur le canapé des Ryans, elle n’avait pas tardé à ne plus supporter l’immobilité, finissant par faire des allers retours nerveux jusqu’à ce qu’elle raccroche enfin, ne souhaitant plus qu’une chose : prendre un chocolat chaud et retourner jouer dans les vagues. Tout ça était bien assez dur comme ça mais elle se devait de les tenir au courant. Au vu du foutoir qui se déroulait à l’hôpital clandestin, elle n’était pas tout à fait sûre qu’ils prennent le temps de les informer et de les apporter jusque là bas. Et pourtant, alors qu’ils parlaient, Aileen l’avait interrompue. Un membre de la Garde leur avait en effet fait parvenir un mot. Elle l’avait donc laissé, partant rejoindre la dite personne, sur ses gardes, accompagnée d’un Alec qui devait être plus que tendu. Pourtant, Sovahnn n’avait même pas songé à venir jusqu’à eux afin de les soutenir face à cette difficile épreuve. Logan était dans un état déplorable, c’était clair. Mais elle avait fuit l’enfer, s’était échappée de justesse d’une zone de guerre –littéralement – en se mettant en danger ; elle e l’enfant qu’elle portait. Elle avait traversé le pays entier après avoir été prise en charge – au bout de 6h, dans le monde magique aussi, les urgences, ça craint – pour finalement se retrouver ici, en Australie, en sécurité.
Il n’avait finalement pas fallu longtemps avant qu’elle s’écroule, arasée par sa journée plus qu’agitée et par le décalage horaire. S’en était suivi un rendez-vous avec Warren. Il avait fallu un moment avant qu’Aileen ne sorte de sa visite à l’hôpital clandestin et Sovahnn ne doutait pas qu’elle devait être dans un état…. Disons qu’elle avait besoin d’une amie. Une amie en vie alors qu’elle aurait pu crever elle aussi. Et d’ailleurs, l’amie en question avait hâte de retrouver ses proches, de pouvoir les serrer dans ses bras. Elle s’était précipitée vers Enzo, mais les autres lui manquaient bien évidemment tout autant.

Elle s’était réveillée tôt le lendemain, consciente qu’il était encore trop tôt pour qu’Aileen puisse venir ici. Elle lui avait envoyé un message pour lui signaler qu’elle était disponible. Sovahnn lui avait répondu qu’elle était réveillée et qu’elle pouvait venir quand elle voulait, lui signifiant un nom de ville particulière en Australie, anticipant son déplacement auprès d’Enzo avant. Il lui fallait quelque chose de simple d’accès. D’ailleurs, la jeune femme aurait bien aimé rester au calme un moment mais d’un autre côté, son corps entier lui réclamait une certaine liberté malgré la fatigue. Alors après un temps à profiter de son ami et de son frère – mais non, pas comme ça enfin – Sovahnn était sortie. Elle en était à refaire sa garde robe lorsqu’elle reçu un nouveau message. C’est ainsi que les bras chargés de trois sacs pleins de fringues diverses mais simples, une glace à la main, elle s’était dirigée vers le lieu où l’attendait Aileen, toujours un peu angoissée qu’il puisse s’agir d’un piège. Le cœur battant d’excitation et d’appréhension, elle la cherchait donc du regard.

La nouvelle lui était tombée dessus avec une violence qu’elle n’avait pas vu venir. Les mots avaient percuté son esprit comme si elle s’était pris un bus et la belle brune n’avait pas tout de suite su comment réagir. D’abord soulagée d’entendre la voix de Sovahnn, elle avait accueilli la nouvelle de sa fuite avec joie. Ravie de la savoir à présent dehors et non plus dans ce maudit château et en sécurité à l’autre bout du monde. Sa joie avait pourtant été de courte durée en apprenant que Marek était en vie. L’Écossaise avait fait son deuil avec les semaines de silence, l’espoir de le voir réapparaitre s’était étiolé avec le temps pour ne demeurer que dans un coin de son esprit. Il lui avait fallu le faire pour avancer et cesser de vivre dans la crainte et l’angoisse permanente qu’on finirait par lui tomber sur le coin de la figure pour le faire chanter. Angoisse d’autant plus ravivée à présent qu’un simple moldu l’avait kidnappée en pleine rue et séquestrée !

Le revoir lui avait finalement fait plus de mal que de bien. Le déni pour raison, elle n’avait jamais ignoré l’hypothèse qu’on puisse le torturer pour le faire parler, mais elle avait peut-être naïvement nié cet état probable par souci de protection. Vivre le moment avec Alec n’avait sûrement pas aidé à faire passer les choses tant elle s’était sentie seule et inutile. Incapable de trouver sa place dans ce chantier qu’était devenue sa vie en un quart de seconde, la jeune femme était perdue dans ses propres émotions, oscillant entre colère et tristesse. Il lui avait fallu s’asseoir et s’éloigner après avoir vu son état. Et pour cause, même dans ses pires cauchemars, elle avait été incapable d’imaginer un tel calvaire et la claque avait été plus que violente !

Il lui fallait partir d’ici, quitter l’oppression et s’évader au moins une journée car elle ne supportait plus cette sensation d’inutilité qui l’habitait depuis cette annonce. Elle avait vu l’invitation de Sovahnn comme une opportunité à saisir. Le genre occasion à ne pas manquer même si ça impliquait de devoir aller à l’autre bout du monde ! Il lui avait fallu s’organiser un minimum, Takuma avait été d’une grande aide pour le coup, une fois de plus. Le lendemain elle gagnait l’Australie par portoloin, il faisait nuit à Londres, mais ici le jour s’était levé depuis un petit moment et la belle commençait à se dire qu’elle risquait d’avoir du mal à se faire au 9h de décalage horaire. Un message envoyé à Sovahnn, la jeune femme avait décidé de se poser à une terrasse avant de se commander un grand café histoire de tenir la route. L’écossaise avait fini par reconnaitre la silhouette de son amie. Bras chargés de sac, glace à la main… elle avait l’air à des années lumières de ses problèmes actuels. Elle n’avait pas l’air d’avoir trop souffert au moins physiquement et c’était rassurant. D’un signe de main, elle lui avait indiqué de venir la rejoindre et c’était tout naturellement qu’elle était venue la serrer dans ses bras une fois ses bras libres.

« J’suis contente de te voir, tu m’as manquée ! Je comprends pourquoi tu as préféré venir ici plutôt qu’à Londres… Le cadre est bien différent… »

Sovahnn se doutait bien que la nouvelle devait être très compliquée à gérer outre Atlantique. Son coup de téléphone avait fait l’effet d’une bombe, elle n’en doutait pas. Elle-même devait gérer ce qui s’était passé et ses quelques heures de sommeil s’étaient trouvées agitées de souvenirs qu’elle n’avait pas envie d’affronter. Les cris, les sorts, les flashs, les gens qui tombaient, tout ça restait en elle, c’était certain. Mais dès son réveil, elle avait fait comme « la veille » (on se comprend, il lui faudrait un moment pour se faire au décalage), cherchant essentiellement à profiter des lieux, à se rendre compte de sa liberté. Les gens qu’elle aimait étaient dehors. En sale état, oui, mais dehors. Ça pourrait être pire. Tout ça pourrait être tellement pire qu’elle avait besoin de se focaliser sur le positif, sur ce qui allait bien et qui aurait pu être très différent plutôt que de voir le reste. Sa grossesse jouait énormément sur cette sensation car la jeune femme avait réalisé qu’elle aimait cette vie qui battait en elle et qu’elle voulait protéger de toutes ses forces. Elle avait survécu à cette épreuve et fuit une véritable zone de guerre pour se retrouver ici, dans un cadre paradisiaque. De quoi vous dépayser. Clairement, sa présence ici l’aidait à prendre du recul, à se plonger dans le déni aussi, très probablement. Mais elle avait besoin de ça. De sa liberté de mouvement, du soleil qui brûlait sa peau, du goût sucré d’une glace qu’on a simplement acheté sur le bord de la route. De tout ce qui l’éloignait de Poudlard en somme. Et évidemment de celui qu’elle était venue rejoindre ici et qui rendait tout plus simple rien que par sa façon d’être.

Chaussures d’hiver, jean coupé, t-shirt huit fois trop grand fourré dans le short, il était clair que la jeune femme s’était vêtue avec les moyens du bord. Rien que sa dégaine expliquait les nombreux sacs qu’elle avait sur elle. Des fringues LEGERES … PITIE. Elle devait dénoter et faire clairement touriste (pas douée qui n’a pas pensé qu’il fait chaud en Australie) comme ça, mais elle n’en avait pas grand-chose à faire. Lorsque son regard avait croisé celui d’Aileen, un grand sourire s’était peint sur son visage. Echanger par lettres, la savoir dehors, entendre sa voix au téléphone, c’était une chose. La voir en vrai ici en était une autre et voir son amie en vie, libre, la soulageait au plus haut point. Aileen avait les traits tirés et l’air fatigué, ce que Sovahnn attendait. La nuit auprès de Logan avait dû être compliquée à gérer et à encaisser. Son état, la petite blonde l’avait vu, elle avait été là devant l’estrade et n’imaginait pas ce que c’était pour ses proches de le voir dans cet état. Lui, le rock, semblait s’être écroulé, effrité. Presque. Il était toujours là, ce regard, ce sourire, cette arrogance. Il l’avait défié, même au dernier moment. Alors il possédait toujours quelques forces, c’était simplement difficile à imaginer à l’heure actuelle.

La jeune femme n’avait pas tardé à la rejoindre, déposant ses affaires au sol avant de prendre son amie dans ses bras, lâchant un soupire de soulagement net.

« J’suis contente de te voir, tu m’as manquée ! Je comprends pourquoi tu as préféré venir ici plutôt qu’à Londres… Le cadre est bien différent… »
« Moi aussi...»

Un grand sourire s’était dessiné sur ses lèvres.

« Ouais j’avoue que je ne pouvais pas rester là-bas. J’avais besoin de… prendre de la distance et de déconnecter. De voir l’océan, de prendre des coups de soleil tout ça ! »

Avant de s’assoir, la jeune femme avait lancé un coup d’œil au café de son amie, en inspirant les fragrances. Elle aussi était épuisée. La fuite jusqu’ici (sans pouvoir transplanner) se faisait sentir comme un sacré contrecoup à présent. Un regard en arrière et elle avait cherché la serveuse des yeux.

« J’avoue que pour un premier voyage seule, j’ai fait fort !... Enfin presque seule. Ah ! » La jeune femme l’avait repérée, les rejoignant rapidement. « Bonjour ! Un café auss… ah oui nan, peut être pas ! » regard interrogateur autour d’elle. « Bon.. un thé… un chocolat… non, un thé s’il vous plait ! »

La serveuse était partie en souriant, moqueuse de cette jeune femme hésitante. Sovahnn, elle, s’était laissé tomber sur sa chaise.

« Je suis intégralement déphasée c’est affreux. »

Passant ses mains sur son visage pour dans ses cheveux, elle s’était ensuite penchée sur ses sacs.

« Et avant toute chose : faut que je change de pompes. Je décède. »

Est-ce qu’elle évitait volontairement le fait qu’elle venait de fuir l’horreur ? Que certains de leurs proches étaient dans des états lamentables ? Oui, tout à fait. Mais elle ne pouvait pas agir comme ça trop longtemps, la jeune femme le savait. Sovahnn n’avait pas tardé à sortir des tongs neuves de son sac, les posant sur la table pour en détacher les petits bouts en plastique, enlever ses propres chaussures afin de libérer ses pieds maltraités par cette chaleur soudaine.

« Amen ! »

La grossesse n’aidait peut être pas cette sensation. Il parait que les pieds gonflent. Cela dit, ce genre de choses n’arrivent peut être qu’en fin de grossesse. Passer de l’écosse à l’Australie en chaussures épaisses suffisait largement à justifier cette sensation peu agréable.
Arrêtant de s’agiter dans tous les sens, la jeune femme avait pris une grande inspiration, soufflant ensuite pour lâcher la pression.

« Jordane va bien. Elle est dehors aussi, je crois que je ne te l’ai pas dit hier… aujourd’hui… je sais plus ; bref, tout à l’heure. Elle n’a pas eu de téléphone prépayé elle, donc elle n’a sans doute pas donné de nouvelles aussi facilement que moi. »

Quoi qu’elle aurait pu envoyer un patronus si elle n’était pas trop loin. A vrai dire, Sovahnn avait fuit les lieux à une telle vitesse qu’elle ne s’était pas inquiété de ce genre de choses.

« Comment tu vas après tout ça ? »